Language of document : ECLI:EU:C:2007:123

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er mars 2007 (*)

«Déchets – Règlement (CEE) n° 259/93 – Surveillance et contrôle des transferts de déchets – Farines animales»

Dans l’affaire C‑176/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (Autriche), par décision du 8 avril 2005, parvenue à la Cour le 20 avril 2005, dans la procédure

KVZ retec GmbH

contre

Republik Österreich,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. K. Lenaerts, E. Juhász, K. Schiemann (rapporteur) et M. Ilešič, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme K. Sztranc‑Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 juin 2006,

considérant les observations présentées:

–        pour KVZ retec GmbH, par Mes H. Zanier et M. Firle, Rechtsanwälte,

–        pour la Republik Österreich, par Mme E. Hofbauer, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme R. Loosli‑Surrans, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume‑Uni, par Mme C. White, en qualité d’agent, assistée de M. J. Maurici, barrister,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. Konstantinidis et F. Erlbacher, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2557/2001 de la Commission, du 28 décembre 2001 (JO L 349, p. 1, ci‑après le «règlement n° 259/93»), et du règlement (CE) n° 1774/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 3 octobre 2002, établissant des règles sanitaires applicables aux sous‑produits animaux non destinés à la consommation humaine (JO L 273, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 808/2003 de la Commission, du 12 mai 2003 (JO L 117, p. 1, ci‑après le «règlement n° 1774/2002»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant KVZ retec GmbH (ci‑après «KVZ») à la Republik Österreich au sujet, d’une part, de l’application de la réglementation communautaire en matière de déchets au transfert de farines animales destinées à être utilisées en tant que combustible dans une centrale thermique et, d’autre part, de la relation existant entre cette réglementation et le règlement n° 1774/2002.

 Le cadre juridique

 La directive 75/442/CEE

3        L’article 1er, sous a), premier alinéa, de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996 (JO L 135, p. 32, ci‑après la «directive 75/442») définit la notion de «déchet» comme «toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l’annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire».

4        Aux termes dudit article 1er de la directive 75/442:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

e)      élimination: toute opération prévue à l’annexe II A;

f)      valorisation: toute opération prévue à l’annexe II B;

[…]»

5        Parmi les catégories de déchets énumérées à l’annexe I de la directive 75/442 figure la catégorie Q 16, définie comme «[t]oute matière, substance ou produit qui n’est pas couvert par les catégories ci‑dessus».

6        L’annexe II B de la directive 75/442 vise à récapituler les opérations de valorisation des déchets telles qu’elles sont effectuées en pratique. Au nombre de celles‑ci figure notamment l’opération suivante:

«R 1      Utilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l’énergie».

7        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 75/442 dispose:

«Sont exclus du champ d’application de la présente directive:

[…]

b)      lorsqu’ils sont déjà couverts par une autre législation:

[…]

iii)      les cadavres d’animaux et les déchets agricoles suivants: matières fécales et autres substances naturelles et non dangereuses utilisées dans le cadre de l’exploitation agricole;

[…]»

 Le règlement nº 259/93

8        L’article 1er du règlement n° 259/93 est libellé comme suit:

«1.      Le présent règlement s’applique aux transferts de déchets à l’intérieur, à l’entrée et à la sortie de la Communauté.

2.      Sont exclus du champ d’application du présent règlement:

[…]

d)      les transferts de déchets mentionnés à l’article 2 paragraphe 1 point b) de la directive 75/442/CEE lorsqu’ils sont déjà couverts par une autre législation pertinente;

[…]

3.      a)     Les transferts de déchets destinés uniquement à être valorisés et figurant à l’annexe II sont également exclus des dispositions du présent règlement, à l’exception des dispositions des points b), c), d) et e) ci‑après, de l’article 11 et de l’article 17 paragraphes 1, 2 et 3;

         b)     ces déchets sont soumis à toutes les dispositions de la directive 75/442/CEE. Ils sont notamment:

–        destinés uniquement à des installations dûment autorisées, conformément aux articles 10 et 11 de la directive 75/442/CEE,

–        soumis à toutes les dispositions des articles 8, 12, 13 et 14 de la directive 75/442/CEE;

         c)     cependant, certains déchets énumérés à l’annexe II peuvent faire l’objet d’un contrôle, comme s’ils figuraient à l’annexe III ou à l’annexe IV, si, entre autres raisons, ils présentent l’une des caractéristiques de danger énumérées à l’annexe III de la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux […]

                  Ces déchets et la décision déterminant laquelle de ces deux procédures doit être suivie sont définis conformément à la procédure prévue à l’article 18 de la directive 75/442/CEE. Ces déchets sont énumérés à l’annexe II bis;

         d)     dans des cas exceptionnels, les transferts de déchets énumérés à l’annexe II peuvent, pour des raisons liées à l’environnement ou à la santé publique, être contrôlés par les États membres comme s’ils figuraient à l’annexe III ou à l’annexe IV.

                  Les États membres qui ont recours à cette possibilité notifient aussitôt à la Commission les cas en question et en informent les autres États membres, le cas échéant, et indiquent les motifs de leur décision. La Commission, conformément à la procédure prévue à l’article 18 de la directive 75/442/CEE, peut confirmer cette mesure, notamment en ajoutant, le cas échéant, ces déchets à l’annexe II bis;

         e)     lorsque des déchets énumérés à l’annexe II sont transférés en violation des dispositions du présent règlement ou de celles de la directive 75/442/CEE, les États membres peuvent appliquer les dispositions appropriées des articles 25 et 26 du présent règlement.»

9        Aux termes de l’article 2, sous a), du règlement nº 259/93:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

a)      ‘déchets’, les substances ou objets définis à l’article 1er point a) de la directive 75/442/CEE».

10      L’article 11 dudit règlement prévoit que les transferts de déchets destinés à être valorisés et figurant à l’annexe II de ce même règlement doivent être accompagnés de certains renseignements.

11      L’article 17, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 259/93 prévoit des règles applicables aux transferts de déchets énumérés à l’annexe II de celui‑ci dans les pays auxquels la décision du Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) du 30 mars 1992, sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets destinés à des opérations de valorisation, ne s’applique pas.

12      L’annexe II du règlement nº 259/93, intitulée «Liste verte de déchets» (ci‑après la «liste verte»), contient la partie introductive suivante:

«Indépendamment de leur inclusion dans cette liste, les déchets ne peuvent être déplacés en tant que déchets sujets aux contrôles de niveau vert s’ils sont contaminés par d’autres matières dans une mesure a) qui accroît les risques associés avec les déchets de manière suffisante pour justifier leur inclusion dans la liste orange ou rouge, ou b) qui empêche que ces déchets puissent être valorisés de manière écologiquement rationnelle.»

13      À ladite annexe II, sous l’intitulé «GM. Déchets issus des industries alimentaires et agroalimentaires», figure la catégorie GM 130, qui comprend les «[d]échets provenant de l’industrie agroalimentaire à l’exclusion des sous‑produits qui respectent les prescriptions et normes imposées au niveau national et international pour l’alimentation humaine ou animale».

14      L’article 26, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 259/93 énonce:

«1.      Constitue un trafic illégal tout transfert de déchets:

a)      effectué sans que la notification ait été adressée à toutes les autorités compétentes concernées conformément au présent règlement

ou

b)      effectué sans le consentement des autorités compétentes concernées conformément au présent règlement».

 Le règlement n° 1774/2002

15      Conformément à son article 1er, le règlement nº 1774/2002 établit les règles sanitaires et de police sanitaire applicables à la collecte, au transport, à l’entreposage, à la manipulation, à la transformation et à l’utilisation ou à l’élimination des sous‑produits animaux, afin d’éviter tout risque que ces produits pourraient entraîner pour la santé animale ou la santé publique, ainsi que les règles applicables à la mise sur le marché et, dans certains cas spécifiques, à l’exportation et au transit de sous‑produits animaux et des produits qui en sont dérivés visés aux annexes VII et VIII de ce même règlement.

16      L’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 1774/2002 définit les «sous‑produits animaux» comme couvrant les cadavres entiers ou parties d’animaux ou les produits d’origine animale visés aux articles 4 à 6 dudit règlement, non destinés à la consommation humaine.

17      L’article 4 du règlement nº 1774/2002, intitulé «Matières de catégorie 1», énonce:

«1.      Les matières de catégorie 1 comprennent les sous‑produits animaux correspondant aux descriptions ci‑après, ou toute matière contenant de tels sous‑produits:

[…]

b)      i)     les matériels à risques spécifiés, […]

[…]

2.      Les matières de catégorie 1 sont collectées, transportées et identifiées sans retard injustifié conformément à l’article 7 et, sauf disposition contraire des articles 23 et 24, sont:

a)      directement éliminées comme déchets par incinération dans une usine d’incinération agréée conformément à l’article 12;

b)      transformées dans une usine de transformation agréée […] auquel cas le produit de cette transformation est […] finalement éliminé comme déchet par incinération ou coïncinération dans une usine d’incinération ou de coïncinération agréée conformément à l’article 12;

c)      à l’exclusion des matières visées au paragraphe 1, points a), i) et ii), transformées dans une usine de transformation agréée […] auquel cas le produit de cette transformation est […] finalement éliminé comme déchet par enfouissement dans une décharge agréée […]

[…]

e)      compte tenu de l’évolution des connaissances scientifiques, éliminées par d’autres moyens approuvés selon la procédure visée à l’article 33, paragraphe 2, après consultation du comité scientifique approprié. Les moyens en question peuvent s’ajouter ou se substituer à ceux prévus aux points a) à d).»

18      Sous le titre «Matières de catégorie 3», l’article 6 du règlement n° 1774/2002 est libellé comme suit:

«1.      Les matières de catégorie 3 comprennent les sous‑produits animaux correspondant aux descriptions ci‑après, ou toute matière contenant de tels sous‑produits:

[…]

e)      les sous‑produits animaux dérivés de la fabrication des produits destinés à la consommation humaine, y compris les os dégraissés et les cretons;

[…]

2.      Les matières de catégorie 3 sont collectées, transportées et identifiées sans retard injustifié conformément à l’article 7 et, sauf disposition contraire des articles 23 et 24, sont:

a)      directement éliminées comme déchets par incinération dans une usine d’incinération agréée conformément à l’article 12;

b)      transformées dans une usine de transformation agréée […] auquel cas le produit de la transformation est […] éliminé comme déchet par incinération ou coïncinération dans une usine d’incinération ou de coïncinération agréée conformément à l’article 12 ou par mise dans une décharge agréée […]

c)      transformées dans une usine de transformation agréée conformément à l’article 17;

d)      transformées dans une usine de produits techniques agréée conformément à l’article 18;

e)      utilisées comme matière première dans une usine de production d’aliments pour animaux familiers agréée conformément à l’article 18;

f)      transformées dans une usine de production de biogaz ou une usine de compostage agréées conformément à l’article 15;

[…]

i)      éliminées par un autre moyen, ou utilisées d’une autre manière, conformément à des règles arrêtées selon la procédure visée à l’article 33, paragraphe 2, après consultation du comité scientifique approprié. Les moyens ou les manières en question peuvent s’ajouter ou se substituer à ceux prévus aux points a) à h);

[...]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

19      M. Krenski, ingénieur allemand, qui exerce son activité sous le nom commercial PGI Umwelttechnik, a mis au point un combustible à base de farines animales destiné à être exploité par un procédé thermique (incinération) dans une centrale thermique en Bulgarie, spécialement agréée à cet effet.

20      Le 24 avril 2003, dans le port de Straubing (Allemagne), environ 1 111 t de farines animales (ci‑après les «farines animales») qui étaient la propriété de M. Krenski ont été chargées à bord du cargo MS Euroca (ci‑après le «cargo») afin d’être transportées de l’Allemagne vers la Bulgarie par voie fluviale, jusqu’au destinataire du chargement, à savoir la société New‑Energy‑GmbH. Après avoir traversé l’Autriche et la Hongrie, le cargo a atteint la Serbie où les autorités douanières nationales l’ont empêché de poursuivre sa route, au motif que le transit de farines animales est contraire à la législation serbe qui prévoit que celles‑ci constituent des déchets.

21      M. Krenski a refusé de soumettre volontairement la cargaison à la qualification de déchets, car, dans ce cas, elle n’aurait pas été autorisée à entrer sur le territoire bulgare, où se situait sa destination finale. Afin de déterminer si les farines animales transportées constituaient ou non des déchets, elles ont été ramenées vers le port de Straubing. Toutefois, lors de ce trajet de retour, le 1er juin 2003, les autorités douanières autrichiennes ont immobilisé le cargo dans le port fluvial de Vienne/Hainburg.

22      Par décision du 6 juin 2003, prise en vertu de l’article 69 de la loi fédérale relative à la gestion des déchets de 2002 (Abfallwirtschaftsgesetz 2002) et de l’article 26, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 259/93, le Bundesminister für Land‑ und Forstwirtschaft, Umwelt und Wasserwirtschaft (ministre fédéral de l’Agriculture et des Forêts, de l’Environnement et de la Gestion des eaux, ci‑après le «ministre») a autorisé M. Krenski à ramener les farines animales vers le port de Straubing sous réserve du respect de certaines conditions et obligations. Il ressort de la décision de renvoi que, dans ladite décision du 6 juin 2003, les farines animales étaient qualifiées de «déchets de tissus animaux» dont le transfert est soumis à l’obligation de notification, conformément aux dispositions du règlement n° 259/93.

23      Dès lors qu’il a été satisfait au respect desdites conditions et obligations, le ministre a fait savoir, le 19 septembre 2003, que rien ne s’opposait plus au retour des farines animales vers le port de Straubing et, en conséquence, le cargo a quitté le port fluvial de Vienne/Hainburg en direction de l’Allemagne.

24      Le recours formé par M. Krenski contre la décision du 6 juin 2003, en tant qu’elle qualifie les farines animales de «déchets de tissus animaux», a été rejeté par ordonnance du Verwaltungsgerichtshof du 16 octobre 2003.

25      À la suite de cette ordonnance, KVZ, à laquelle M. Krenski avait cédé ses créances, a formé un recours en responsabilité administrative contre la Republik Österreich devant la juridiction de renvoi, en réclamant le versement d’une somme de 306 984,63 euros à titre de dommages‑intérêts, augmentée des intérêts de retard, en raison de l’immobilisation du cargo.

26      C’est dans ces circonstances que le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le transfert (transit ou, plus précisément, le retour), en tant que déchets, de farines animales, contenant ou non des matériels à risques spécifiés, est‑il soumis à l’obligation de notification en application du règlement n° 259/93 […]?

À titre subsidiaire:

2)      Le transfert de farines animales, contenant ou non des matériels à risques spécifiés, est‑il exclu du champ d’application du règlement n° 259/93 en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de ce règlement?

En cas de réponse négative à la deuxième question:

3)      Le transfert (transit ou, plus précisément, le retour) de farines animales

a)      ne contenant pas ou

b)      contenant des matériels à risques spécifiés (qualifiés de matières de catégorie 1 au sens du règlement […] n° 1774/2002 […])

est‑il illégal selon l’article 26, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 259/93, à défaut de notification aux autorités concernées et de leur consentement, parce que les farines animales constituent des déchets au sens du règlement n° 259/93?»

 Sur les questions préjudicielles

27      Les questions posées par la juridiction de renvoi, qu’il convient d’examiner ensemble, soulèvent en substance trois points essentiels. Tout d’abord, il y a lieu de vérifier si le transfert des farines animales, dans l’hypothèse où celles‑ci devraient être considérées comme relevant de la notion de cadavres d’animaux, est d’emblée exclu du champ d’application du règlement nº 259/93, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de celui‑ci. Si la possibilité d’une telle exclusion devait être écartée, il conviendrait, ensuite, de procéder à l’examen de la question de la qualification de ces farines animales en tant que «déchets» au sens de la directive 75/442 et, partant, du règlement n° 259/93. Enfin, il s’avère nécessaire d’analyser l’éventuelle obligation de notification du transfert desdites farines animales.

28      Avant de procéder à l’examen successif de chacun de ces trois points, il importe de formuler les quelques observations liminaires suivantes.

29      Les questions juridiques que soulève le transfert des farines animales concernent l’interprétation de la réglementation communautaire afférente, d’une part, aux déchets et, d’autre part, à la protection de la santé animale et humaine. C’est en tenant compte de cette double portée du litige au principal qu’il convient de répondre à la juridiction de renvoi.

30      Les farines animales constituent l’un des produits résultant du processus d’équarrissage. Selon les explications fournies par le gouvernement autrichien dans ses observations écrites, ces farines sont fabriquées par le broyage des cadavres d’animaux qui subissent un traitement discontinu sous pression. La matière obtenue étant une nouvelle fois broyée, la graisse en est extraite et le résidu, riche en protéines, est déshydraté afin d’obtenir une poudre qui est, en partie, également pressée et mise en pelotes.

31      La pratique courante consistant à utiliser les protéines animales dans l’alimentation des animaux a été interrompue par la décision 2000/766/CE du Conseil, du 4 décembre 2000, relative à certaines mesures de protection à l’égard des encéphalopathies spongiformes transmissibles et à l’utilisation de protéines animales dans l’alimentation des animaux (JO L 306, p. 32). Ainsi qu’il ressort du point 6 des motifs de cette décision, il a été jugé approprié, par mesure de précaution, d’interdire temporairement l’utilisation de protéines animales dans l’alimentation des animaux et, cette interdiction pouvant avoir des retombées sur l’environnement si elle n’était pas correctement encadrée, il fallait veiller à ce que les déchets animaux soient collectés, transportés, transformés, stockés et éliminés d’une manière sûre.

32      L’article 2, paragraphe 1, de la décision 2000/766 prévoyait que les États membres étaient tenus d’interdire l’utilisation de protéines animales transformées dans l’alimentation des animaux d’élevage détenus, engraissés ou élevés pour la production de denrées alimentaires.

33      Le 22 mai 2001 a été adopté le règlement (CE) nº 999/2001 du Parlement européen et du Conseil, fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (JO L 147, p. 1). L’article 7, paragraphe 1, de ce règlement a interdit l’utilisation de protéines provenant de mammifères dans l’alimentation des ruminants. En vertu du paragraphe 2 du même article, cette interdiction a été étendue aux animaux et aux produits d’origine animale.

34      Les développements législatifs décrits aux trois points précédents ainsi que les restrictions en découlant quant à l’utilisation de protéines animales dans l’alimentation des animaux permettent d’appréhender le contexte dans lequel a été adopté le règlement nº 1774/2002. Le troisième considérant de ce règlement énonce qu’il convient de limiter les utilisations possibles de certaines matières animales et de prévoir des règles pour l’utilisation de sous‑produits animaux à d’autres fins que dans les aliments pour animaux ainsi que des règles pour l’élimination de ces sous‑produits. C’est en poursuivant cet objectif que ledit règlement établit les règles sanitaires et de police sanitaire applicables à la collecte, au transport, à l’entreposage, à la manipulation, à la transformation et à l’utilisation ou à l’élimination des sous‑produits animaux.

35      Dans leurs observations écrites déposées devant la Cour, les gouvernements autrichien et du Royaume‑Uni ont fait valoir que les matières telles que les farines animales peuvent être qualifiées de déchets eu égard aux exigences imposées, en ce qui concerne les sous‑produits animaux, par les dispositions du règlement nº 1774/2002. Dans sa décision de renvoi, la juridiction nationale fait également allusion à ce règlement, sans toutefois considérer que celui‑ci s’applique aux faits du litige au principal. En effet, ce règlement ne s’appliquerait qu’à compter du 1er mai 2003, alors que le transport des farines animales vers la Bulgarie a eu lieu au cours du mois d’avril 2003.

36      Il convient de relever, à cet égard, que le litige au principal a trait à la décision du 6 juin 2003 du ministre qui, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, qualifiait, en substance, les farines animales de déchets et prétendait que leur retour vers l’Allemagne était illégal, faute de notification effectuée auprès des autorités compétentes autrichiennes. Il ressort du libellé des questions posées que c’est cette éventuelle obligation de notification, notamment du fait du trajet de retour des farines animales vers le port de Straubing, qui retient l’attention de la juridiction de renvoi. Ledit trajet ayant eu lieu, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, après l’entrée en vigueur du règlement nº 1774/2002, intervenue le 1er mai 2003, il convient de conclure à l’applicabilité de ce règlement au litige au principal.

 Sur l’éventuelle exclusion du transfert des farines animales, dans l’hypothèse où celles‑ci relèveraient de la notion de cadavres d’animaux, du champ d’application du règlement nº 259/93

37      Selon l’article 2, paragraphe 1, sous b), iii), de la directive 75/442, les cadavres d’animaux sont exclus du champ d’application de cette directive lorsqu’ils sont déjà couverts par une autre législation. L’article 1er, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 259/93, quant à lui, exclut de son champ d’application les transferts de déchets mentionnés à ladite disposition de la directive 75/442.

38      Il ressort des motifs de la décision de renvoi que la juridiction nationale considère que la notion de cadavres d’animaux est une notion générique qui couvre non seulement les cadavres destinés à l’équarrissage, mais aussi les produits en résultant, y compris les farines animales.

39      La Commission estime, au contraire, que ladite notion comprend uniquement les cadavres entiers d’animaux morts dans le cadre de la production agricole. Or, les farines animales seraient des déchets résultant non pas de la production agricole en tant que telle, mais de l’abattage et de l’équarrissage.

40      Les gouvernements autrichien, français et du Royaume‑Uni, quant à eux, estiment que les farines animales ne sont pas couvertes par l’exclusion relative aux cadavres d’animaux et que, en conséquence, les transferts de celles‑ci ne sont pas non plus exclus du champ d’application du règlement n° 259/93. Les sous‑produits issus de la transformation ainsi que du traitement de tels cadavres et présentant les caractéristiques d’une poudre ne sauraient être inclus dans la notion de cadavres d’animaux.

41      À cet égard, il convient de relever que l’exclusion des cadavres d’animaux et de certains autres déchets du champ d’application de la directive 75/442 est explicitée au sixième considérant de celle‑ci et résulte de la volonté du législateur communautaire d’exclure les matières qui sont soumises à une réglementation communautaire spécifique.

42      Il est constant que les cadavres d’animaux sont effectivement couverts par une réglementation communautaire spécifique, à savoir le règlement nº 1774/2002. Notamment, il découle de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce dernier que la définition des sous‑produits animaux inclut les «cadavres entiers ou parties d’animaux». Cette constatation ne doit toutefois pas être interprétée comme signifiant que tout ce qui est couvert par ledit règlement doit être automatiquement exclu du champ d’application matériel de la directive 75/442. Ainsi, le fait que les sous‑produits tels que les farines animales relèvent, eux aussi, du règlement n° 1774/2002 n’a pas pour conséquence que l’exclusion relative aux cadavres d’animaux prévue par ladite directive et le règlement n° 259/93 doit également être étendue à ces sous‑produits.

43      Il convient de constater que le législateur communautaire a choisi de formuler cette exclusion dans des termes précis. La notion de cadavres d’animaux, en raison de sa signification littérale naturelle, se réfère aux animaux morts, à savoir à une matière de base non transformée. La circonstance que ces cadavres sont entiers ou en morceaux ne change rien au fait qu’ils n’ont subi aucune transformation capable d’altérer leur nature intrinsèque. En revanche, dans l’affaire en cause au principal, il est question de farines animales, c’est‑à‑dire d’une matière d’une nature radicalement différente de celle à partir de laquelle elle a été élaborée en raison du fait que celle‑ci a subi un traitement spécifique, tel que décrit au point 30 du présent arrêt.

44      La différence fondamentale qui existe entre ces deux sortes de matière se traduit, s’agissant de la définition des sous‑produits animaux, par le fait que l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1774/2002 opère une distinction claire entre les «cadavres entiers ou parties d’animaux» et les «produits d’origine animale».

45      Par ailleurs, le contexte dans lequel s’insère la notion de cadavres d’animaux milite en faveur d’une interprétation étroite de celle‑ci. Outre les cadavres d’animaux, l’article 2, paragraphe 1, sous b), iii), de la directive 75/442 exclut de son champ d’application certains déchets agricoles spécifiquement énumérés. L’inclusion, dans la même disposition, de ces deux notions, à savoir les cadavres d’animaux et les déchets agricoles spécifiés, indique l’existence d’un lien entre eux en ce qui concerne leur provenance. Par analogie, la notion de cadavres d’animaux pourrait couvrir les cadavres d’animaux relevant de la production agricole et non du processus spécifique d’abattage ou d’équarrissage dont résultent les farines animales.

46      L’interprétation étroite de la notion de cadavres d’animaux est, en outre, cohérente avec la jurisprudence de la Cour selon laquelle la notion de déchet ne saurait être interprétée de manière restrictive (voir arrêts du 15 juin 2000, ARCO Chemie Nederland e.a., C‑418/97 et C‑419/97, Rec. p. I‑4475, points 37 à 40, ainsi que du 18 avril 2002, Palin Granit et Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus, C‑9/00, Rec. p. I‑3533, ci‑après l’«arrêt Palin Granit», point 23), ce qui implique une interprétation étroite des exceptions à la notion de déchet.

47      Il y a lieu toutefois de relever qu’une modification législative importante est intervenue dans ce domaine avec l’entrée en vigueur du règlement (CE) nº 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets (JO L 190, p. 1). Le onzième considérant de ce règlement précise qu’il convient d’éviter les chevauchements avec le règlement nº 1774/2002 qui contient déjà des dispositions concernant, d’une manière générale, l’envoi, l’acheminement et les mouvements (la collecte, le transport, la manipulation, le traitement, l’utilisation, la valorisation ou l’élimination, les relevés, les documents d’accompagnement et la traçabilité) des sous‑produits animaux à l’intérieur, à destination ou en provenance de la Communauté.

48      L’article 1er, paragraphe 3, sous d), du règlement n° 1013/2006 exclut du champ d’application de celui‑ci les transferts qui sont soumis aux exigences conditionnant l’agrément en vertu du règlement nº 1774/2002. Cependant, ledit règlement n’étant applicable qu’à partir du 12 juillet 2007, il ne saurait être pris en considération dans le cadre du litige au principal.

49      Les farines animales ne relevant pas de la notion de «cadavres d’animaux» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), iii), de la directive 75/442 et les transferts de celles‑ci n’étant pas, par conséquent, exclus d’emblée du champ d’application du règlement nº 259/93, il convient de procéder à l’examen de la qualification éventuelle de ces farines en tant que «déchets» au sens de la directive 75/442 et, partant, du règlement nº 259/93.

 Sur la qualification des farines animales en tant que déchets

50      Pour définir le terme «déchets», l’article 2, sous a), du règlement nº 259/93 renvoie à l’article 1er, sous a), de la directive 75/442. Aux termes du premier alinéa de cette dernière disposition est considérée comme un «déchet» «toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l’annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire». Il est constant que les farines animales relèvent de cette annexe, notamment de la catégorie Q 16 de celle‑ci.

51      Le champ d’application de la notion de «déchets», au sens de la directive 75/442, dépend de la signification de l’expression «se défaire» visée à l’article 1er, sous a), premier alinéa, de cette même directive (voir arrêt du 18 décembre 1997, Inter‑Environnement Wallonie, C‑129/96, Rec. p. I‑7411, point 26).

52      La méthode de traitement ou le mode d’utilisation d’une substance ne sont pas déterminants pour sa qualification ou non de déchet. En effet, ce qu’il advient dans le futur d’un objet ou d’une substance est sans incidence sur sa nature de déchet qui est définie, conformément à l’article 1er, sous a), premier alinéa, de la directive 75/442, par rapport à l’action, à l’intention ou à l’obligation du détenteur de l’objet ou de la substance de s’en défaire (arrêt ARCO Chemie Nederland e.a., précité, point 64).

53      Ainsi qu’il a été indiqué au point 35 du présent arrêt, les observations soumises à la Cour suggèrent que les matières telles que les farines animales peuvent être qualifiées de déchets eu égard aux exigences imposées, en ce qui concerne les sous‑produits animaux, par les dispositions du règlement nº 1774/2002. Il convient donc d’examiner la pertinence desdites dispositions et de considérer, notamment, si une obligation de se défaire des farines animales peut en être déduite. Il importe de tenir compte du fait que la juridiction nationale a laissé ouverte la question de savoir si les farines animales contiennent ou non des matériels à risques spécifiés, ce qui ressort du libellé des questions posées à la Cour.

54      Dans l’hypothèse où lesdites farines animales contiendraient des matériels à risques spécifiés, elles doivent être qualifiées de «matières de catégorie 1» au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), du règlement n° 1774/2002. Conformément à cette disposition, les matières de catégorie 1 comprennent les matériels à risques spécifiés ou toute matière contenant de tels matériels.

55      En vertu du paragraphe 2 dudit article 4, les matières de catégorie 1 doivent être soit directement éliminées comme déchets par incinération dans une usine d’incinération agréée, soit transformées dans une usine de transformation agréée pour être finalement éliminées comme déchets par incinération ou coïncinération ou encore par enfouissement dans une décharge agréée.

56      Des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1774/2002, lues à la lumière de la nécessité, exprimée au septième considérant de ce règlement, d’éviter le risque de propagation de maladies que présente l’utilisation, dans l’alimentation des animaux, de protéines obtenues par transformation de cadavres ou de parties de cadavres de la même espèce, il découle une obligation d’éliminer des produits tels que les farines animales lorsque ceux‑ci contiennent des matériels à risques spécifiés.

57      Dès lors, lesdites farines animales, si elles contiennent de tels matériels, doivent être considérées comme des substances dont le détenteur a l’obligation de «se défaire» au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 75/442 et, partant, comme des déchets.

58      En revanche, dans l’hypothèse où les farines animales seraient dépourvues de matériels à risques spécifiés, elles pourraient relever des «matières de catégorie 3» au sens de l’article 6 du règlement n° 1774/2002, en tant que «sous‑produits animaux dérivés de la fabrication des produits destinés à la consommation humaine» visés à l’article 6, paragraphe 1, sous e), de ce même règlement.

59      En vertu de l’article 6, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 1774/2002, cette catégorie de sous‑produits doit être éliminée comme déchets par incinération dans une usine d’incinération agréée. Toutefois, à la différence des matières de catégorie 1, les matières de catégorie 3 ne sont pas exclusivement destinées à être éliminées. Notamment, ledit paragraphe 2, sous c) à f), prévoit que ces matières peuvent être soit transformées en produits ayant une valeur économique, soit utilisées comme matière première dans une usine de production d’aliments pour animaux familiers. L’élimination comme déchets de tels sous‑produits étant donc facultative, il ne saurait alors être déduit du règlement nº 1774/2002 une obligation absolue de se défaire de substances telles que les farines animales dans la mesure où celles‑ci ne contiennent pas de matériels à risques spécifiés.

60      Par conséquent, il convient d’examiner si des sous‑produits tels que les farines animales ne contenant pas de matériels à risques spécifiés peuvent être qualifiés de déchets au motif que leur détenteur s’en défait ou a l’intention de s’en défaire. À défaut, ils pourraient, comme le soutient KVZ, être qualifiés non pas de déchets mais de matière première ne rentrant pas dans le champ d’application de la directive 75/442. La date pertinente afin d’examiner une telle qualification est le 6 juin 2003, à savoir la date d’adoption de la décision du ministre qualifiant les farines animales de déchets.

61      À cet égard, il importe de rappeler que la notion de «déchet» au sens de la directive 75/442 ne saurait être interprétée de manière restrictive (voir arrêts ARCO Chemie Nederland e.a., précité, points 37 à 40, ainsi que Palin Granit, point 23). Elle ne devrait pas non plus s’entendre comme excluant les substances et objets susceptibles de réutilisation économique. Le système de surveillance et de gestion établi par la directive 75/442 vise en effet à couvrir tous les objets et substances dont le détenteur se défait, même s’ils ont une valeur commerciale et sont collectés à titre commercial aux fins de recyclage, de récupération ou de réutilisation (voir arrêt Palin Granit, point 29).

62      Un bien, un matériau ou une matière première peut constituer non un résidu, mais un sous‑produit dont l’entreprise ne souhaite pas «se défaire», au sens de l’article 1er, sous a), premier alinéa, de la directive 75/442, et qu’elle entend exploiter ou commercialiser dans des conditions avantageuses pour elle. Outre le critère tiré de la nature ou non de résidu de production d’une substance, le degré de probabilité de réutilisation de cette substance, sans opération de transformation préalable, constitue un critère pertinent aux fins d’apprécier si elle est ou non un «déchet» au sens de la directive 75/442. Si, au‑delà de la simple possibilité de réutiliser la substance, il existe un avantage économique pour le détenteur à le faire, la probabilité d’une telle réutilisation est forte. Dans une telle hypothèse, la substance en cause ne peut plus être analysée comme une charge dont le détenteur chercherait à se défaire, mais comme un authentique produit (arrêt Palin Granit, point 37).

63      L’existence réelle d’un «déchet» au sens de la directive 75/442 doit cependant être vérifiée au regard de l’ensemble des circonstances, en tenant compte de l’objectif de cette directive et en veillant à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à son efficacité (voir, en ce sens, arrêt ARCO Chemie Nederland e.a., précité, point 88).

64      Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, conformément à la jurisprudence mentionnée aux trois points précédents, si, à la date du 6 juin 2003, le détenteur des farines animales avait l’intention de se défaire de celles‑ci.

65      C’est dans l’hypothèse où ladite juridiction parviendrait à la conclusion que, dans le litige au principal, le détenteur des farines animales avait effectivement l’intention de se défaire de celles‑ci alors même qu’elles ne contenaient pas de matériels à risques spécifiés que ces farines devraient être qualifiées de déchets.

 Sur l’obligation de notification du transfert des farines animales

66      Reste à examiner si le transfert des farines animales, dans l’occurrence où elles seraient qualifiées de «déchets» au sens de la directive 75/442, en raison d’une obligation ou d’une intention de s’en défaire, est soumis à l’obligation de notification, conformément aux dispositions du règlement nº 259/93.

67      Dans ses observations écrites, le gouvernement français fait valoir que, en tant que déchets issus de l’industrie agroalimentaire de la viande, les farines animales relèvent de la liste verte. Par conséquent, le transfert de celles‑ci n’aurait pas dû être soumis à l’obligation de notification.

68      À cet égard, il convient de constater que, dans ladite liste verte, sous l’intitulé «GM. Déchets issus des industries alimentaires et agroalimentaires», figure la catégorie GM 130 relative aux «[d]échets provenant de l’industrie agroalimentaire à l’exclusion des sous‑produits qui respectent les prescriptions et normes imposées au niveau national et international pour l’alimentation humaine ou animale». Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 114 de ses conclusions, le descriptif «déchets provenant de l’industrie agroalimentaire» est suffisamment large pour inclure également les farines animales. En vertu de l’article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement nº 259/93, les transferts de déchets destinés uniquement à être valorisés et figurant à l’annexe II de celui‑ci sont exclus des dispositions de ce règlement, à l’exception de celles sous b) à e), dudit paragraphe 3, ainsi que des articles 11 et 17, paragraphes 1 à 3, de ce même règlement. Une obligation de notification ne saurait donc être imposée en ce qui concerne le transfert de farines animales dans la mesure où, lors de leur retour en Allemagne, elles seraient toujours destinées à être valorisées et relèveraient, par conséquent, de l’annexe II du règlement nº 259/93.

69      Il importe cependant de relever que la partie introductive de ladite annexe II énonce que les déchets ne peuvent être déplacés en tant que déchets sujets aux contrôles de niveau vert s’ils sont contaminés par d’autres matières dans une mesure, d’une part, qui accroît les risques associés avec les déchets de manière suffisante pour justifier leur inclusion dans la liste orange ou rouge, ou, d’autre part, qui empêche que ces déchets puissent être valorisés de manière écologiquement rationnelle. Il convient dès lors de vérifier si la présence hypothétique de matériels à risques spécifiés dans les farines animales constitue un obstacle à ce que celles‑ci soient considérées comme relevant de la liste verte.

70      Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 122 de ses conclusions, il découle du quatorzième considérant du règlement nº 259/93 que le classement de déchets dans la liste verte est fondé sur la considération selon laquelle ils ne devraient normalement pas présenter de risques pour l’environnement s’ils sont valorisés selon les règles de l’art dans le pays de destination. Si, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 123 de ses conclusions, il est peu probable que, lors d’une valorisation de farines animales en tant que combustible, une contamination desdites farines animales par des matériels à risques spécifiés entraîne, par rapport à des farines animales non contaminées, une augmentation perceptible du risque pour l’environnement, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, le cas échéant, si, dans l’affaire au principal, une telle contamination aurait pour conséquence d’exclure les farines animales en cause de ladite liste verte.

71      Ce n’est que lorsque les farines animales ne relèvent pas de la liste verte, ou lorsqu’elles ne sont plus destinées uniquement à être valorisées, que leur transfert serait soumis à l’obligation de notification qu’impose le règlement nº 259/93.

72      Il convient d’ajouter que, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement nº 259/93, les farines animales qualifiées de déchets qui sont destinés uniquement à être valorisés et figurent sur la liste verte doivent, en tout état de cause, respecter les dispositions sous b) à e) dudit paragraphe 3 ainsi que des articles 11 et 17, paragraphes 1 à 3, de ce même règlement.

73      En définitive, il importe d’indiquer que l’application du règlement nº 259/93 ne signifie pas que les dispositions du règlement nº 1774/2002 sont privées de toute pertinence. Il importe de relever que, outre les risques liés à l’environnement, les farines animales présentent des risques de propagation de maladies. Pour éviter toute menace de dispersion des agents pathogènes, les dispositions du règlement nº 1774/2002 instaurent une série d’exigences visant à garantir, ainsi que le soutient la Commission dans ses observations écrites, que les sous‑produits animaux ne soient pas utilisés ou transférés à des fins illicites. Pour préserver l’effet utile desdits règlements, il convient donc d’appliquer ces instruments juridiques de manière parallèle, de sorte que leurs dispositions respectives soient complémentaires.

74      Une telle mise en œuvre parallèle desdits règlements est en effet nécessairement envisagée par le quatrième considérant du règlement n° 1774/2002, dans lequel il est précisé, notamment, que celui‑ci ne porte pas atteinte à l’application de la législation existante dans le domaine de l’environnement.

75      En outre, ainsi que l’a relevé le gouvernement autrichien dans les observations écrites qu’il a soumises à la Cour, l’annexe VII du règlement n° 1774/2002, intitulée «Exigences spécifiques en matière d’hygiène applicables à la transformation et à la mise sur le marché de protéines animales transformées et d’autres produits transformés susceptibles d’être utilisés comme matières premières pour aliments des animaux», fait référence, dans son chapitre II relatif aux «[e]xigences spécifiques applicables aux protéines animales transformées», à l’élimination, en tant que déchets, des protéines transformées issues de mammifères, «conformément à la législation communautaire [pertinente]» dans laquelle s’inscrit incontestablement le règlement nº 259/93 (chapitre II, A, point 1, de ladite annexe).

76      En conséquence, dans le cadre d’une application parallèle des règlements nos 259/93 et 1774/2002, il convient de relever que, même si, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 259/93, la notification du transfert de déchets tels que les farines animales n’est pas exigée en vertu de ce règlement, dans la mesure où celles‑ci sont destinées uniquement à être valorisées et relèvent de la liste verte, il appartient à la juridiction de renvoi de veiller à ce que soient respectées les dispositions du règlement nº 1774/2002. À cet égard, peuvent s’avérer pertinents l’article 7 de ce dernier règlement, régissant la collecte, le transport et l’entreposage des sous‑produits animaux, l’article 8 de celui‑ci, relatif à l’expédition de sous‑produits animaux et de produits transformés vers d’autres États membres, ainsi que l’article 9 du même règlement, qui traite des relevés des envois de sous‑produits animaux. Il convient également de tenir compte des exigences en matière d’hygiène applicables à la collecte et au transport des sous‑produits animaux et des produits transformés qui sont fixées à l’annexe II du règlement n° 1774/2002.

77      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 259/93, le transfert de farines animales qualifiées de déchets, en raison d’une obligation ou d’une intention de s’en défaire, qui sont destinés uniquement à être valorisés et figurent à l’annexe II de ce règlement, est exclu du champ d’application des dispositions de celui‑ci, à l’exception des dispositions sous b) à e) dudit paragraphe 3 ainsi que des articles 11 et 17, paragraphes 1 à 3, de ce même règlement. Néanmoins, il appartient à la juridiction de renvoi de veiller à ce que ledit transfert soit effectué en conformité avec les exigences découlant des dispositions du règlement nº 1774/2002, parmi lesquelles peuvent s’avérer pertinentes celles des articles 7, 8 et 9 ainsi que de l’annexe II de ce dernier règlement.

 Sur les dépens

78      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la Communauté européenne, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2557/2001 de la Commission, du 28 décembre 2001, le transfert de farines animales qualifiées de déchets, en raison d’une obligation ou d’une intention de s’en défaire, qui sont destinés uniquement à être valorisés et figurent à l’annexe II de ce règlement, est exclu du champ d’application des dispositions de celui‑ci, à l’exception des dispositions sous b) à e) dudit paragraphe 3 ainsi que des articles 11 et 17, paragraphes 1 à 3, de ce même règlement. Néanmoins, il appartient à la juridiction de renvoi de veiller à ce que ledit transfert soit effectué en conformité avec les exigences découlant des dispositions du règlement (CE) n° 1774/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 3 octobre 2002, établissant des règles sanitaires applicables aux sous‑produits animaux non destinés à la consommation humaine, tel que modifié par le règlement (CE) n° 808/2003 de la Commission, du 12 mai 2003, parmi lesquelles peuvent s’avérer pertinentes celles des articles 7, 8 et 9 ainsi que de l’annexe II de ce dernier règlement.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.