Language of document : ECLI:EU:T:2014:736

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 septembre 2014(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative représentant deux lignes et cinq étoiles – Motif absolu de refus – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), et article 75 du règlement (CE) n° 207/2009 – Défaut d’appréciation concrète – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑687/13,

Unibail Management, établie à Paris (France), représentée par Mes L. Bénard, A. Rudoni et O. Klimis, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 3 septembre 2013 (affaire R 299/2013‑2), concernant une demande d’enregistrement d’un signe représentant deux lignes et cinq étoiles comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 décembre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 28 mars 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 juin 2012, la requérante, Unibail Management, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16, 35, 36, 38, 39, 41 à 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Produits de l’imprimerie ; imprimés ; brochures ; revues ; périodiques ; livres ; journaux ; catalogues ; lettres d’information ; crayons ; stylos ; calendriers ; prospectus ; publications ; fiches ; cartes ; papier ; cartons ; photographies ; reproductions graphiques ; papeterie ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes), à savoir sacs, sachets, films et feuilles ; papiers d’emballage ; sachets et sacs (enveloppes, pochettes) pour l’emballage (en papier ou en matière plastique) ; enseignes en papier ou en carton » ;

–        classe 35 : « Services d’organisation d’expositions, de salons, de foires et de toutes manifestations à buts commerciaux ou de publicité ; services d’organisation de concours à buts promotionnels avec ou sans distribution de prix ou attribution de récompenses ; distribution de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; organisation d’opérations promotionnelles en vue de fidéliser la clientèle ; organisation de campagnes promotionnelles régionales ou nationales ; services de gestion commerciale de cartes à usage non financier en vue de fidéliser la clientèle ; promotion des ventes pour des tiers ; services de présentation et de démonstration de produits et de services dans un but promotionnel ou publicitaire ; services de publicité ; diffusion de messages publicitaires sur tous supports y compris numériques, de petites annonces publicitaires et de petites annonces pour l’emploi, y compris sur le réseau Internet ; publication de textes et/ou d’images publicitaires ; distribution de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services de gestion de fichiers informatiques ; publicité par correspondance, radiophonique, télévisée, en ligne sur un réseau informatique ; courrier publicitaire ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, de matériel publicitaire, d’espaces publicitaires notamment sur le réseau Internet, régie publicitaire ; services d’édition de prospectus publicitaires ; services de mise en relation commerciale de clients avec des prestataires de services, notamment dans le cadre de centres commerciaux ou de galeries marchandes, services d’abonnement à des journaux pour des tiers; services d’affichage ; décoration de vitrines, présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ; regroupement pour le compte de tiers de produits (à l’exception de leur transport), à savoir des produits relevant des domaines de la beauté, le soin et l’hygiène de la personne et des animaux, la parfumerie et les cosmétiques, l’habillement et les accessoires de mode, le textile, la mercerie, la maroquinerie, la bijouterie, l’horlogerie, la lunetterie, la décoration intérieure et extérieure, le mobilier, les arts de la table, le linge de maison, l’aménagement et l’équipement (intérieurs et extérieurs) de la maison, le jardinage, le bricolage, l’outillage, le divertissement et les loisirs, le sport et les jeux, le voyage, la photographie, le cinéma, la presse et l’édition, la musique, la papeterie, l’électroménager, l’audiovisuel, la télécommunication, la téléphonie (y compris la téléphonie mobile) et l’informatique, permettant aux clients de voir et d’acheter ces produits par tout moyen, et notamment dans les magasins de vente au détail, dans un centre commercial ou dans les grands magasins, dans un catalogue général de marchandises de vente par correspondance, ou sur un site Internet, à la télévision ou par toute autre forme de média électronique de télécommunication » ;

–        classe 36 : « Assurances ; affaires immobilières ; affaires financières, monétaires et bancaires ; crédit-bail, cautions (garanties) ; consultation en matière financière, estimation financière (banque, immobilier), constitution et placement de fonds, investissement de capitaux, parrainage financier, prêts sur gage ; services de crédit; courtage en biens immobiliers, location de bureaux (immobilier), de locaux à usage commercial et de centres de congrès et d’exposition et locaux annexes ; gestion immobilière d’immeubles, de locaux à usage commercial, de centres de congrès et d’exposition et locaux annexes ; recouvrement de loyers ; agences immobilières (courtage immobilier et location de fonds de commerces et d’immeubles), expertise immobilière ; évaluation (estimation) de biens immobiliers ; émission de chèques de voyage et de lettres de crédit ; services de cartes de crédit ; services financiers rendus aux détenteurs de cartes de fidélité ; services de cartes à usage financier, procurant des avantages financiers sous forme de réduction, octroi de bonus ou de points, au prorata des montants des achats effectués ; informations financières dans le domaine des expositions et notamment relatives à l’organisation d’expositions ; émission, compensation et mise à disposition de coupons, de titres de services, de cartes de réduction, de cartes cadeaux, de chèques cadeaux, de bons d’achat, de cartes de fidélité (services financiers) ; services de cartes de fidélité (autres qu’à but publicitaire) permettant de capitaliser des avantages » ;

–        classe 38 : « Services de télécommunication, agence de presse et d’information (nouvelles), communication par terminaux d’ordinateurs, communication audiovisuelle à savoir communication par des techniques utilisant le son et/ou l’image ; communications télégraphiques, radiophoniques, téléphoniques et télévisuelles ; services de transmission et de diffusion d’informations, d’images, de sons par voie télématique, audiovisuelle, téléphonique, électronique, notamment par des réseaux de télécommunication mondiale de type Internet ou à des accès privés ou réservés de type Intranet ; service de messageries informatiques, électroniques, télématiques ; courrier électronique ; diffusion, transmission de petites annonces y compris sur le réseau Internet, services de mise à disposition de forums de discussion sur Internet, communication entre terminaux d’ordinateurs ; transmission d’informations accessibles par code d’accès à des bases de données et à des centres serveurs de bases de données informatiques ou télématiques ; transmission et diffusion d’informations sur réseaux numériques de communication ou par réseaux d’ordinateurs ; location de temps d’accès à un système informatique ; location de temps d’accès à des bases de données et à des serveurs de bases de données, notamment pour les réseaux de communication mondiale de type Internet ou d’accès privé ou réservé de type Intranet » ;

–        classe 39 : « Transport ; organisation de voyages et d’excursions ; informations en matière de transport ; distribution de journaux ; location de garages ou de places de stationnement ; location de véhicules ; services de taxis ; services de chauffeurs ; livraison de colis, de marchandises ; distribution du courrier, distribution (livraison) de produits, livraison de fleurs ; assistance en cas de pannes de véhicules (remorquage) ; services de parcs de stationnement ; réservation de places de voyage ; visites touristiques » ;

–        classe 41 : « Services de formation, d’éducation ; services de divertissement ; informations et conseils en matière de divertissement et de loisirs et notamment informations et conseils aux visiteurs ou clients de centres commerciaux et galeries commerçantes ; exploitation de salles de jeux ; jardins et parcs d’attraction ; services de loisirs; services de billetterie (divertissement) ; organisation et conduite de conférences, de colloques, d’ateliers, de congrès, de séminaires ; organisation de loteries et concours (éducation ou divertissement) ; production de films et de films sur bande vidéo, d’émissions de radio, de divertissements radiophoniques et télévisés ; montage de bandes vidéo, de programmes radiophoniques et de télévision ; organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs ; organisation de compétitions sportives ; organisation et production de spectacles (services d’imprésario) ; publication de livres et de textes (autres que publicitaires) ; services d’édition de livres, de guides de manuels d’instruction, de catalogues, de lettres d’information, de brochures explicatives, sur tous supports, y compris électroniques ; services d’interprétariat » ;

–        classe 42 : « Services d’architecture, services de décoration intérieure ; conseils en matière de construction ; établissement de plans pour la construction ; services d’ingénieurs (expertises dans le domaine des travaux publics et des travaux de génie civil), bureaux d’études techniques ; consultations techniques en matière de travaux publics ; travaux de génie civil rendus par des ingénieurs ; services informatiques, à savoir hébergement en ligne d’infrastructures du Web pour le compte de tiers pour organiser et conduire en ligne des réunions, des rassemblements et des débats et discussions interactifs ; services informatiques sous forme de pages Web personnalisées proposant des informations définies par l’utilisateur, des profils et informations personnels ; services de programmation informatique, de programmation pour ordinateurs et de programmation de bases de données ; services d’ingénierie d’applications sur grands et moyens systèmes informatiques ; consultations, expertises et conseils techniques en matière d’ordinateurs, de programmation pour ordinateur, et dans le domaine de l’informatique ; création et entretien de sites Web pour le compte de tiers ; services d’hébergement de sites Internet et de données informatiques sur un réseau mondial ou local d’ordinateurs, informations en matière informatique ; travaux d’ingénieurs, consultations professionnelles et établissement de plans sans rapport avec la conduite des affaires, à savoir services de bureau d’études et d’audit dans les domaines de l’implantation de systèmes informatisés et de la création et du développement de programmes d’ordinateurs, de sites informatisés ; services de conception, de programmation, d’installation, de gestion et d’hébergement de sites informatisés destinés à des réseaux de communication par ordinateur ; services de téléchargement de données (informations, images, sons) par un réseau informatique mondial, par ordinateurs reliés en réseau et par le biais d’un site informatique sur les réseaux de communication ; service de téléchargement de publications électroniques » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; cafés-restaurants, cafétérias, restaurants à service rapide et permanent (snack-bar), restaurants libre‑service ; services de bar ; services de traiteurs, agence de logement (hôtels, pensions) ; location de logements temporaires ; réservation de logements temporaires ; cantines ».

4        Par décision du 12 décembre 2012, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

5        Le 11 février 2013, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

6        Par décision du 3 septembre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours. Elle a, en substance, considéré que la marque demandée ne permettrait pas, telle qu’elle serait perçue par un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, d’individualiser les produits et les services en cause et de les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale. En particulier, elle a estimé que, au regard de tous les produits et de tous les services en cause, la marque demandée ne contenait pas d’élément permettant de l’individualiser par rapport aux autres représentations d’étoiles ou de lignes et d’attirer l’attention du public. Selon elle, ce motif décoratif d’une grande simplicité ne pourrait être perçu comme une nuance suffisante pour permettre au public pertinent d’identifier l’origine commerciale des produits et des services concernés. S’agissant spécifiquement des produits et des services relevant des classes 16, 35, 36, 38, 39, 41 et 42, elle a relevé que la marque demandée informerait immédiatement et directement le public pertinent que lesdits produits et lesdits services possédaient un niveau de qualité digne du label « cinq étoiles » ou pourraient avoir été récompensés par un label de qualité maximale, de luxe, voire qu’ils bénéficiaient d’un prestige élevé, cette appréciation valant d’autant plus dans le cas d’un consommateur spécialisé. À cet égard, elle a relevé que l’utilisation d’étoiles n’était plus limitée aux services d’hôtellerie, mais se rencontrait dans d’autres secteurs. Elle s’est fondée, dans ce contexte, sur l’expérience pratique généralement acquise.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée, en ce qu’elle a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 75 du règlement n° 207/2009.

10      Elle soutient que la chambre de recours a considéré à tort que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour les produits et les services relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42 et qu’elle n’a pas suffisamment motivé la décision attaquée à cet égard. En particulier, elle estime que, étant donné que lesdits produits et services présentent entre eux des différences telles qu’ils ne peuvent être considérés comme constituant une catégorie homogène, la chambre de recours ne pouvait pas procéder à une appréciation globale, mais devait donner une motivation spécifique pour chacun de ces produits et de ces services. En outre, la chambre de recours ne pouvait fonder sa motivation sur l’expérience pratique sans motiver l’existence d’une telle expérience pour chaque catégorie de produits et de services destinés aux consommateurs moyens. De surcroît, pour les produits et les services destinés à un public spécialisé, la chambre de recours ne pouvait se prévaloir de l’expérience pratique acquise par la commercialisation de produits de grande consommation. Enfin, ni la difficulté rencontrée dans l’appréciation concrète du caractère distinctif de la marque demandée, ni la grande simplicité de celle-ci ne permettraient d’écarter l’obligation d’examiner le caractère distinctif de la marque demandée pour désigner chacun des produits et des services concernés.

11      L’OHMI rétorque que les motifs avancés par la chambre de recours dans la décision attaquée s’appliquent à l’ensemble des produits et des services concernés, et non pas seulement aux services d’hébergement et de restauration. Il précise que, si le refus d’une demande de marque doit être motivé pour chacun des produits et des services concernés, il peut néanmoins se limiter à une motivation globale lorsque le même motif de refus est soulevé à l’égard d’une catégorie de produits ou de services. Tel serait le cas lorsque les produits et les services sont homogènes ainsi que lorsque la signification non distinctive d’un signe sera perçue de la même façon pour l’ensemble desdits produits et services. En l’espèce, il serait évident que le motif relatif de refus s’applique à tous les produits et services en cause, et la chambre de recours aurait bien évalué la perception du signe pour l’ensemble de ceux-ci. Ce signe revêtirait ainsi un caractère élogieux pour tous les produits et tous les services et informerait le public sur l’excellence supposée de ceux-ci ou de leur conformité à des normes de qualité, en sorte qu’il serait inapte à informer sur l’origine commerciale desdits produits et services. Enfin, l’OHMI réfute l’argumentation de la requérante concernant la possibilité, pour la chambre de recours, de se fonder sur le fait notoire que les étoiles sont employées dans tous les domaines d’activité pour dénoter un label de qualité ou un système de notation.

12      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

13      Il convient de rappeler que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34, et la jurisprudence citée).

14      Il doit par ailleurs être souligné que, lorsque l’enregistrement d’une marque est demandé pour divers produits ou services, la chambre de recours doit vérifier in concreto que la marque en cause ne relève d’aucun des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 à l’égard de chacun de ces produits ou services et peut aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou les services considérés. Dès lors, la chambre de recours, lorsqu’elle refuse l’enregistrement d’une marque, est tenue d’indiquer dans sa décision la conclusion à laquelle elle aboutit pour chacun des produits et des services visés dans la demande d’enregistrement, indépendamment de la manière dont cette demande a été formulée. Toutefois, lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés [ordonnance de la Cour du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, Rec. p. I‑2395, points 37 et 38 ; arrêts du Tribunal du 2 avril 2009, Zuffa/OHMI (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP), T‑118/06, Rec. p. II‑841, point 27, et du 23 septembre 2009, France Télécom/OHMI (UNIQUE), T‑396/07, non publié au Recueil, point 27 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy, C‑239/05, Rec. p. I‑1455, points 32, 34 et 38].

15      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que la faculté pour la chambre de recours de procéder à une motivation globale pour une série de produits ou de services ne saurait s’étendre qu’à des produits et à des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie d’une homogénéité suffisante pour permettre que l’ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent la motivation de la décision en cause, d’une part, explicite à suffisance le raisonnement suivi par la chambre de recours pour chacun des produits et des services appartenant à cette catégorie et, d’autre part, puisse être appliqué indifféremment à chacun des produits et des services concernés. Le seul fait que les produits ou les services en cause relèvent de la même classe au sens de l’arrangement de Nice n’est pas suffisant à cet effet, ces classes contenant souvent une grande variété de produits ou de services qui ne présentent pas nécessairement entre eux un lien suffisamment direct et concret (ordonnance CFCMCEE/OHMI, précitée, point 40 ; arrêts ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP, précité, point 28, et UNIQUE, précité, point 28).

16      Enfin, il résulte d’une jurisprudence constante que ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25). Le niveau d’attention du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et arrêt du Tribunal du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut‑parleur), T‑460/05, Rec. p. II‑4207, point 32].

17      S’agissant du public pertinent en l’espèce, le constat de la chambre de recours selon lequel les produits et les services en cause s’adressent tant au consommateur général qu’au public spécialisé et le degré d’attention du public pertinent sera celui du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif, s’agissant des produits et des services de consommation courante, et élevé, s’agissant des produits et des services spécialisés, n’est pas remis en cause par la requérante. Au demeurant, eu égard à la nature des produits et des services en cause, ce constat est exempt de toute erreur.

18      Il n’est pas non plus contesté que le public pertinent ainsi défini est celui de l’ensemble de l’Union.

19      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante.

20      En l’espèce, il y a lieu de relever que la marque demandée vise plus de 130 produits et services, relevant de sept classes distinctes. Ceux-ci concernent des domaines aussi différents que, notamment, l’imprimerie, la publicité, l’assurance, la finance ou l’immobilier, la communication, les voyages et les transports, la formation, l’éducation, le divertissement et les loisirs, l’architecture, la construction, la décoration intérieure ainsi que l’informatique.

21      Force est ainsi de constater, eu égard à leur description, que ces produits et ces services présentent entre eux des différences telles, tenant à leur nature, à leurs caractéristiques, à leur destination et à leur mode de commercialisation, qu’ils ne peuvent être considérés comme constituant une catégorie homogène permettant à la chambre de recours d’adopter à leur égard une motivation globale.

22      Or, s’agissant des produits et des services en cause dans le cadre du présent litige, à savoir ceux relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42, la chambre de recours a examiné le caractère distinctif de la marque demandée sans se référer à chacun de ces produits et services et a adopté à leur égard une motivation globale.

23      En effet, s’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé que son appréciation du caractère distinctif de la marque demandée concernait tous ces produits et ces services, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’a pas été effectuée au regard de chacun d’eux, ni même au regard de catégories ou de groupes de produits ou de services. En effet, la décision attaquée se réfère, de manière générale, aux « produits et services désignés » à son point 19, aux « produits et services en question » à son point 22 et à « tous les produits et services désignés » à son point 25, mais elle ne se réfère spécifiquement à aucun des produits et des services relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42, ni même à des catégories ou à des groupes de ceux-ci. La décision attaquée ne contient ainsi une motivation plus spécifique qu’en ce qui concerne les services relevant du domaine de l’hôtellerie et de la restauration, qui sont compris dans la classe 43, et pour lesquels l’appréciation de la chambre de recours n’est pas remise en cause en l’espèce.

24      Force est donc de constater que, en omettant d’examiner le caractère distinctif de la marque demandée pour chacun des produits et des services en cause, la chambre de recours n’a pas procédé à l’appréciation concrète requise par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en ce qui concerne les produits et les services relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42 et n’a pas motivé à suffisance de droit la décision attaquée à cet égard.

25      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation de l’OHMI selon laquelle il serait possible de procéder à une motivation globale pour l’ensemble des produits ou des services en cause lorsqu’il apparaît que la signification non distinctive d’un signe sera perçue de la même façon pour l’ensemble desdits produits et desdits services, ainsi que celle selon laquelle, en l’espèce, il serait évident que le motif relatif de refus s’applique à tous les produits et les services en cause et que la chambre de recours aurait bien évalué la perception du signe pour l’ensemble de ceux-ci.

26      En effet, premièrement, ainsi qu’il découle des points 14 et 15 ci-dessus, la possibilité de procéder à une motivation globale n’a été explicitement reconnue par la jurisprudence, en particulier de la Cour, que lorsque le refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, sous réserve que ceux-ci présentent entre eux un lien suffisamment direct et concret. Deuxièmement, si, en l’absence d’un tel lien, la chambre de recours pouvait adopter une motivation globale pour l’ensemble des produits et des services en cause lorsqu’il apparaît que la signification distinctive d’un signe sera perçue de la même façon pour l’ensemble de ceux-ci, d’une part, cela risquerait de porter atteinte à l’exigence essentielle que toute décision refusant le bénéfice d’un droit reconnu par le droit de l’Union puisse être soumise à un contrôle juridictionnel destiné à assurer la protection effective de ce droit et qui, de ce fait, doit porter sur la légalité des motifs (ordonnance CFCMCEE/OHMI, précitée, point 39). En effet, une motivation globale aux fins de conclure à la signification non distinctive d’un signe pour l’ensemble des produits et des services concernés ne permet pas au Tribunal de vérifier la légalité des motifs de la décision attaquée pour certains de ces produits et de ces services. En particulier, en l’espèce, elle ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la chambre de recours a considéré que la marque demandée informerait immédiatement et directement le public pertinent d’un niveau de qualité digne du label « cinq étoiles » s’agissant, notamment, des prospectus, des services d’émission de chèques et de lettres de crédit, des services de location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ou des services de location de temps d’accès à un système informatique. D’autre part, cela reviendrait à priver d’effet l’obligation, pour la chambre de recours, d’indiquer dans sa décision la conclusion à laquelle elle aboutit pour chacun des produits et des services visés dans la demande d’enregistrement. Troisièmement, il n’apparaît pas possible de conclure que la signification non distinctive d’un signe est perçue de la même façon pour l’ensemble des produits et des services visés par une demande de marque, comme l’OHMI prétend que tel est le cas en l’espèce, sans procéder, au préalable, à un examen concret de la perception de ce signe au regard desdits produits et desdits services ou, à tout le moins, au regard de catégories ou de groupes de ceux-ci, étant donné que l’absence de caractère distinctif pour l’ensemble des produits et des services ne peut se présumer.

27      Quant à la jurisprudence évoquée par l’OHMI au soutien de ses allégations, elle n’est pas pertinente. En effet, premièrement, s’agissant de l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Audi/OHMI (Vorsprung durch Technik) (T‑70/06, non publié au Recueil), il doit être relevé que, même si ce n’est pas sur les aspects en cause en l’espèce, il n’en demeure pas moins que cet arrêt a été annulé par l’arrêt de la Cour du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, Rec. p. I‑535). Deuxièmement, s’agissant de l’arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, Suez/OHMI (Delivering the essentials of life) (T‑128/07, non publié au Recueil), il doit être relevé, d’une part, qu’il concernait un signe verbal qui était un slogan promotionnel et non un signe figuratif comme en l’espèce et, d’autre part, que, pour conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours avait procédé à une appréciation globale, le Tribunal s’est référé à la jurisprudence relative à l’hypothèse où le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, qui implique, ainsi qu’il découle de ce qui précède, l’existence d’un lien suffisamment concret entre les produits et les services, lequel fait défaut en l’espèce. Troisièmement, s’agissant de l’arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, allsafe Jungfalk/OHMI (ALLSAFE) (T‑343/07, non publié au Recueil), il suffit de relever que le Tribunal a considéré que la décision en cause dans cette affaire était motivée à suffisance de droit, en la lisant en particulier dans le contexte de la communication des motifs de refus d’enregistrement de l’examinateur qui l’avait précédée, laquelle contenait un examen du signe en cause au regard des différentes catégories de produits et de services visés. Or, en l’espèce, ni la communication des motifs de refus d’enregistrement de l’examinatrice, ni la décision de cette dernière ne contiennent d’examen concret du signe en cause au regard des produits et des services visés, voire de catégories ou de groupes de ceux-ci, pouvant compléter la motivation de la décision attaquée. Quatrièmement, s’agissant de l’arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, Evonik Industries/OHMI (Rectangle pourpre avec un côté convexe) (T‑499/09, non publié au Recueil), il suffit de noter qu’il concerne un cas extrême, dans lequel les produits et les services visés par la demande de marque communautaire couvraient la totalité des 45 classes comprises dans l’arrangement de Nice, et ce sans limitation aucune. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, la demande de marque concernant, certes, un grand nombre de produits, de services, et de classes, mais ceux-ci étant néanmoins précisément délimités, l’examen du signe au regard de ceux-ci ou de groupes de ceux-ci n’était pas inenvisageable, à l’inverse de la situation en cause dans ledit arrêt.

28      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le moyen unique doit être accueilli et que, par voie de conséquence, la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle rejette le recours de la requérante pour les produits et les services relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 3 septembre 2013 (affaire R 299/2013-2) est annulée, en tant qu’elle rejette le recours de Unibail Management pour les produits et les services relevant des classes 16, 35, 36, 38, 41 et 42.

2)      L’OHMI est condamné aux dépens.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.