Language of document : ECLI:EU:T:2009:304

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

4 septembre 2009 (*)

« Aides d’État – Régime d’aides mis en place par les autorités italiennes en faveur des entreprises nouvellement cotées en bourse – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Obligation de motivation – Caractère sélectif – Affectation des échanges entre États membres – Atteinte à la concurrence »

Dans l’affaire T‑211/05,

République italienne, représentée initialement par M. I. Braguglia, puis par M. R. Adam et enfin par Mme I. Bruni, en qualité d’agents, assistés de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Di Bucci et Mme E. Righini, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2006/261/CE de la Commission, du 16 mars 2005, concernant le régime d’aides C 8/2004 (ex NN 164/2003) mis à exécution par l’Italie en faveur de sociétés récemment cotées en bourse (JO 2006, L 94, p. 42),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 septembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Mesures nationales en cause

1        Le régime d’aides mis à exécution par la République italienne en faveur de sociétés récemment cotées en bourse a été instauré par l’article 1er, paragraphe 1, sous d), et l’article 11 du decreto legge n° 269 (su) disposizioni urgenti per favorire lo sviluppo e per la correzione dell’andamento dei conti pubblici (décret-loi portant dispositions urgentes visant à favoriser le développement et à corriger l’évolution des finances publiques, ci-après le « DL 269/2003 »), du 30 septembre 2003, converti en legge n° 326 (loi n° 326), du 24 novembre 2003. Le régime d’aides est entré en vigueur le 2 octobre 2003, date de la publication du DL 269/2003 à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana (GURI, Journal officiel de la République italienne), sans avoir été notifié à la Commission des Communautés européennes.

2        L’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003 prévoit :

« Aux fins de l’application de l’impôt sur le revenu des sociétés, toute société exerçant son activité à la date d’entrée en vigueur du [DL 269/2003] bénéficie, sans préjudice de la déduction ordinaire, de l’exclusion des charges suivantes :

[…]

d)       le montant des coûts d’admission à la cotation sur un marché réglementé, au sens visé à l’article 11 du [DL 269/2003]. »

3        L’article 11 du DL 269/2003 prévoit :

« 1. Toute société dont les actions sont admises à la cote sur un marché réglementé d’un État membre de l’Union européenne après la date d’entrée en vigueur du [DL 269/2003] et jusqu’au 31 décembre 2004, bénéficie d’un taux de l’impôt sur le revenu réduit à 20 % pour l’exercice d’imposition au cours duquel elle est admise à la cote ainsi que pour les deux exercices d’imposition suivants, lorsque ses actions n’ont pas été négociées précédemment sur un marché réglementé d’un État membre de l’Union […] et lorsque, en vue d’obtenir son admission à la cote, elle a publié une offre de souscription de ses actions donnant lieu à une augmentation égale ou supérieure à 15 % du patrimoine net inscrit au bilan de l’exercice comptable précédant celui du début de l’offre, après déduction du bénéfice d’exercice.

2. Le revenu net déclaré auquel est applicable le taux réduit, au sens du paragraphe 1 du présent article, est plafonné à 30 millions d’euros.

3. Lorsque les actions visées au paragraphe 1 du présent article sont exclues de la cotation et hormis le cas visé à l’article 133 du décret législatif du 24 février 1998, no 58 [à savoir, le cas d’une société ensuite cotée sur une autre bourse de valeurs européenne garantissant un niveau de protection des investisseurs équivalent à celui assuré par la bourse de valeurs italienne], le bénéfice de l’abattement prévu par cette disposition est réduit aux exercices d’imposition clôturés avant la révocation.

4. L’abattement prévu aux articles 1er et suivants du décret législatif du 18 décembre 1997, n° 466, n’est pas applicable aux sociétés visées au paragraphe 1 du présent article pendant les exercices d’imposition au cours desquels celles-ci bénéficient de l’abattement prévu par cette disposition. Ces sociétés peuvent toutefois opter pour l’application de l’abattement prévu par le décret législatif du 18 décembre 1997, n° 466, précité, en lieu et place de celui qui est prévu par le [DL 269/2003]. »

4        Le decreto legislativo n° 466 (sul) riordino delle imposte personali sul reddito al fine di favorire la capitalizzazione delle imprese, a norma dell’art. 3, comma 162, lettere a), b), c), d) ed f), della legge 23 dicembre 1996, n° 662 [décret législatif portant réorganisation des impôts personnels sur le revenu visant à favoriser la capitalisation des entreprises, conformément à l’article 3, cent soixante deuxième alinéa, sous a), b), c), d) et f), de la loi n° 662 du 23 décembre 2003], du 18 décembre 1997, publié au supplément ordinaire à la GURI n° 3, du 5 janvier 1998, a institué un mécanisme d’allégements dit « Super DIT » (ci-après le « Super DIT »). Le Super DIT prévoit, notamment, une réduction à hauteur de 7 % du taux d’imposition applicable à la rémunération ordinaire de l’augmentation du capital investi, qui ne peut pas aboutir à un taux moyen d’impôt inférieur à 20 %, pour les sociétés dont les titres de participation sont admis à la cote d’un marché réglementé pour les trois périodes d’imposition suivant celle de la première cotation. Le Super DIT a été supprimé par la legge no 383 (su) primi interventi per il rilancio dell’economia (loi portant sur les premières interventions pour la relance de l’économie), du 18 octobre 2001, publiée à la GURI n° 248, du 24 octobre 2001. Toutefois, les sociétés qui, à la date du 30 juin 2001, avaient exécuté des opérations d’augmentation du capital au sens de ladite réglementation continuaient à bénéficier desdits allégements.

5        En vertu de l’article 11, paragraphe 4, du DL 269/2003, les sociétés intéressées peuvent choisir entre les incitations fiscales accordées par ledit article et l’abattement prévu par le Super DIT.

2.     Procédure administrative et décision attaquée

6        Par lettre du 22 octobre 2003, la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui fournir des informations sur les mesures adoptées dans le DL 269/2003 et leur entrée en vigueur, en leur rappelant les obligations de notification leur incombant en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE.

7        Par lettre du 5 novembre 2003, les autorités italiennes ont communiqué les informations demandées, en précisant, d’une part, que le DL 269/2003 devait encore être converti en loi et, d’autre part, que ses dispositions seraient sans incidence sur la fixation de l’acompte au titre de l’impôt sur les revenus de l’exercice 2003.

8        Par lettre du 19 décembre 2003, la Commission a de nouveau rappelé aux autorités italiennes leurs obligations découlant de l’article 88, paragraphe 3, CE et les a invitées à informer les éventuels bénéficiaires des conséquences prévues par le traité CE et l’article 14 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1), s’il était établi que les mesures en cause représentaient une aide mise illégalement à exécution. Les autorités italiennes n’ont pas réagi à cette lettre.

9        Par lettre du 18 février 2004, la Commission a informé la République italienne de sa décision d’ouvrir la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, concernant les aides fiscales accordées en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), et de l’article 11 du DL 269/2003. Les autorités italiennes ont présenté leurs observations le 21 avril 2004.

10      La décision de la Commission d’ouvrir une procédure formelle d’examen a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 3 septembre 2004 (JO C 221, p. 7).

11      Les 16 et 27 septembre 2004, des réunions ont eu lieu entre les services de la Commission et les autorités italiennes afin d’examiner certains aspects des mesures en cause.

12      Le 4 octobre 2004, la Commission a reçu des observations de Borsa Italiana SpA. La Commission a transmis ces observations aux autorités italiennes, qui lui ont fait part de leurs commentaires par lettre du 30 novembre 2004.

13      Le 16 mars 2005, la Commission a adopté la décision 2006/261/CE relative au régime d’aides C 8/2004 (ex NN 164/2003) mis à exécution par l’Italie en faveur de sociétés récemment cotées en bourse (JO 2006, L 94, p. 42, ci-après la « décision attaquée »).

14      Dans la décision attaquée, tout d’abord, la Commission décrit la procédure ayant précédé l’adoption de ladite décision (point I) et les mesures en cause (point II). Ensuite, elle expose les raisons qui ont motivé l’ouverture de la procédure formelle d’examen (point III), les observations des autorités italiennes ainsi que des tiers intéressés (point IV) et son appréciation de l’aide en cause (point V).

15      S’agissant de son appréciation, en premier lieu, la Commission indique que le régime d’aides examiné confère des avantages sélectifs évidents, dans la mesure où il déroge au fonctionnement normal du système fiscal et favorise certaines entreprises (considérants 26 à 32 de la décision attaquée).

16      En deuxième lieu, elle fait observer que les avantages accordés proviennent de l’État sous forme d’une renonciation à des recettes fiscales normalement perçues par le Trésor italien (considérant 33 de la décision attaquée).

17      En troisième lieu, la Commission considère que les mesures en cause menacent d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser la concurrence entre les entreprises, dès lors que les sociétés bénéficiaires pourraient opérer sur des marchés internationaux et exercer des activités commerciales et d’autres activités économiques sur des marchés caractérisés par une forte concurrence (considérants 34 à 37 de la décision attaquée).

18      En quatrième lieu, la Commission souligne que les autorités italiennes ont mis les mesures en cause à exécution sans notification préalable, de sorte qu’elles constituent une aide illégale (considérant 38 de la décision attaquée).

19      En cinquième lieu, la Commission consacre les considérants 39 à 45 de la décision attaquée à l’examen de la compatibilité du régime d’aides avec le marché commun, en excluant qu’il puisse bénéficier des dérogations prévues à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE.

20      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Le régime d’aides d’État mis à exécution par [la République italienne] sous forme d’incitations fiscales en faveur de sociétés admises à la cote d’un marché réglementé européen, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, [sous] d), et à l’article 11 du [DL 269/2003], est incompatible avec le marché commun.

Article 2

[La République italienne] est tenue de supprimer le régime d’aides visé à l’article 1er à compter de l’exercice fiscal au cours duquel intervient la date de notification de la présente décision.

Article 3

1. [La République italienne] prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de ses bénéficiaires l’aide visée à l’article 1er et déjà illégalement mise à leur disposition.

2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision.

3. La récupération est menée à bien dans les meilleurs délais. En particulier, lorsque l’aide a déjà été accordée sous forme d’une réduction des impôts dus pour l’exercice fiscal en cours, [la République italienne] doit recouvrer la totalité de l’impôt dû lors du dernier versement prévu pour 2004. Dans tous les autres cas, [la République italienne] récupère l’impôt exigible au plus tard à la fin du premier exercice fiscal au cours duquel intervient la date de notification de la présente décision.

4. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à la date de leur récupération.

5. Les intérêts sont calculés sur la base du chapitre V du règlement (CE) no 794/2004.

6. Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, [la République italienne] met en demeure tous les bénéficiaires des aides visées à l’article 1er de rembourser les aides illégales majorées des intérêts.

Article 4

Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, [la République italienne] informe la Commission […] des mesures qu’elle a prises pour s’y conformer. [La République italienne] présente dans le même délai tous les documents prouvant l’ouverture effective de la procédure de récupération auprès des bénéficiaires des aides illégales. 

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mai 2005, la République italienne a introduit le présent recours.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé des questions aux parties, en les invitant à y répondre par écrit. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 9 septembre 2008.

24      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

26      La République italienne avance cinq moyens. Le premier est tiré, en substance, d’une violation du principe du contradictoire, en ce qui concerne la décision d’ouverture de la procédure, prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Le deuxième est pris de la violation des formes substantielles et de l’article 253 CE, en ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de l’existence dans l’ordre juridique italien d’une mesure présentant des caractéristiques analogues aux mesures en cause. Les troisième, quatrième et cinquième moyens sont tirés d’une violation de l’article 87 CE ainsi que d’un défaut de motivation. Dans le cadre du troisième moyen, la République italienne avance également une violation du principe du contradictoire en ce qui concerne un grief précis soulevé par la Commission dans la décision attaquée. Le Tribunal examinera, d’abord, la violation du principe du contradictoire, soulevée dans le cadre du premier moyen ainsi que dans le cadre du troisième moyen, ensuite, le défaut de motivation en regroupant l’ensemble de l’argumentation développée par la République italienne en ce sens et, enfin, la violation de l’article 87 CE.

1.     Sur la violation du principe du contradictoire

27      La République italienne invoque, en substance, une violation du principe du contradictoire à la fois dans son premier moyen et, en combinaison avec une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, dans le cadre de son troisième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation du principe du contradictoire en ce qui concerne la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen

 Arguments des parties

28      La République italienne reproche à la Commission d’avoir engagé la procédure formelle d’examen, au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, sans l’avoir invitée à fournir des explications sur la nature et les effets des mesures en cause. Elle invoque à cet égard l’arrêt de la Cour du 10 mai 2005, Italie/Commission (C‑400/99, Rec. p. I‑3657, points 29 à 31). Il ressortirait de cette jurisprudence que la Commission doit aborder les mesures en cause avec l’État membre préalablement à l’ouverture de la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, afin que celui-ci puisse faire valoir que lesdites mesures ne constituent pas des aides ou qu’elles constituent des aides existantes.

29      La République italienne fait valoir, en substance, que, dans sa lettre du 22 octobre 2003, la Commission s’est bornée à formuler une demande générale d’informations, portant sur un ensemble de mesures, sans aucune référence aux articles 1er et 11 du DL 269/2003, ce qui a empêché d’engager un débat préliminaire sur les caractéristiques spécifiques des mesures en cause. En outre, dans sa lettre du 19 décembre 2003, la Commission aurait indiqué ne pas disposer d’éléments permettant d’exclure que les mesures prévues par le DL 269/2003 constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché commun. Du fait même d’une telle formulation, cette lettre n’aurait pas permis aux autorités italiennes de comprendre les doutes de la Commission à l’égard des mesures en cause. En ayant affirmé dans la même lettre ne pas disposer d’informations permettant d’exclure que deux des potentiels bénéficiaires aient bénéficié de la réduction d’impôt du DL 269/2003, la Commission n’aurait pas tenu compte, en outre, des éléments fournis par les autorités italiennes afin de démontrer que lesdites mesures n’auraient eu aucune incidence sur l’acompte d’impôt dû en 2003.

30      Il ressortirait, par ailleurs, du paragraphe 3 de ladite lettre que la Commission ne pouvait pas exclure que les incitations fiscales visées à l’article 11 du DL 269/2003 étaient une aide au fonctionnement. La Commission aurait toutefois omis de préciser les raisons pour lesquelles elle estimait ou, à tout le moins, suspectait, d’une part, qu’il s’agissait d’aides d’État et, d’autre part, qu’il s’agissait d’aides au fonctionnement et qu’elles n’étaient « normalement » pas susceptibles de bénéficier de la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. En outre, ce paragraphe de la lettre ne faisant aucune référence à la mesure visée à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003, il aurait pu être supposé que la mesure en question pouvait constituer, selon la Commission, une aide à l’investissement susceptible d’être autorisée conformément à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

31      Compte tenu de l’impossibilité, dans ces circonstances, d’engager la moindre discussion préliminaire, la République italienne aurait renoncé à donner suite à la lettre de la Commission du 19 décembre 2003, ayant déjà fourni toutes les informations utiles dans sa lettre du 5 novembre 2003.

32      La République italienne conteste, en outre, l’argument de la Commission selon lequel il n’était pas nécessaire, dès la phase préliminaire, d’avoir un débat sur la qualification éventuelle des mesures en cause d’aide existante, au motif que les avantages fiscaux instaurés par celles-ci auraient dû être évalués dans la continuité des avantages antérieurement accordés par le decreto legislativo n° 466 instituant le Super DIT.

33      En tout état de cause, la République italienne allègue que les mesures en cause ne pouvaient être techniquement suspendues et que la décision d’ouverture ne produisait aucun effet suspensif compte tenu du délai d’application des mesures en cause. Elle estime qu’il lui était donc loisible de ne pas agir contre la décision d’ouverture, tout en se réservant la possibilité de se prévaloir des vices éventuels entachant cette décision dans le cadre du recours introduit contre la décision finale.

34      La Commission rejette les arguments de la République italienne.

 Appréciation du Tribunal

35      Il convient d’observer que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, prévue à l’article 88 CE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée par le paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion tant sur le caractère d’aide d’État de la mesure concernée que sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause avec le marché commun, et, d’autre part, la phase formelle d’examen visée par le paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de cette dernière, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité CE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑95/03, Rec. p. II‑4739, point 133).

36      Conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE si un premier examen ne lui a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si une mesure étatique soumise à son contrôle constitue une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, à tout le moins lorsque, lors de ce premier examen, elle n’a pas été en mesure d’acquérir la conviction que la mesure concernée, à supposer qu’elle constitue une aide, est en tout état de cause compatible avec le marché commun (arrêt Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, point 35 supra, point 134).

37      Compte tenu des conséquences juridiques d’une décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, en qualifiant provisoirement les mesures visées d’aides nouvelles alors que l’État membre concerné est susceptible de ne pas souscrire à cette qualification, la Commission doit aborder au préalable les mesures en cause avec l’État membre concerné, afin que celui‑ci ait l’occasion d’indiquer, le cas échéant, à celle-ci que, selon lui, lesdites mesures ne constituent pas des aides ou qu’elles constituent des aides existantes (arrêt Italie/Commission, point 28 supra, point 29).

38      Or, l’examen des échanges intervenus entre les autorités italiennes et les services de la Commission ne révèle aucun manquement de la part de la Commission aux obligations lui incombant.

39      En premier lieu, la lettre de la Commission du 22 octobre 2003, qui constituait une demande d’information générale visant un ensemble de mesures figurant dans le DL 269/2003, incluait, sous la partie intitulée « mesure 4 », les mesures en cause.

40      Dans cette lettre indiquant que certaines mesures fiscales « sembl[ai]ent comporter des allégements d’impôt pour certaines catégories d’entreprises, voire des aides ad hoc pour certaines entreprises, au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE] », la Commission a invité les autorités italiennes à lui préciser la nature exacte des avantages fiscaux prévus, l’identité et le nombre (même estimé) des bénéficiaires des avantages, l’impact financier (même estimé) lié à leur octroi, leur éventuelle justification dans le cadre du régime fiscal et tout autre élément lui permettant de se forger une opinion.

41      Les autorités italiennes ont répondu à cette lettre par une lettre du 5 novembre 2003, insistant sur le caractère général des mesures en cause, afin de réfuter la qualification de celles-ci d’aide d’État.

42      En second lieu, dans sa lettre du 19 décembre 2003, la Commission a précisé ne pas disposer d’éléments permettant d’exclure que les incitations fiscales examinées constituaient un avantage fiscal limité à certaines entreprises admises à la cote sur un marché réglementé durant la période d’application du régime d’aides et que cet avantage entraînait une distorsion de la concurrence et des échanges communautaires. Elle y a également précisé ne pas disposer d’éléments permettant d’exclure que les incitations fiscales prévues à l’article 11 du DL 269/2003 constituaient une aide au fonctionnement normalement incompatible avec le marché unique, en ce qu’elles ne visaient pas des investissements ou des objectifs prévus à l’article 87, paragraphe 3, CE. Enfin, la Commission a invité les autorités italiennes à informer les bénéficiaires potentiels desdites incitations fiscales de la possibilité de recouvrement de l’aide auprès d’eux, si cette dernière était jugée illégale.

43      Par cette lettre, la Commission a fait part aux autorités italiennes de son analyse préliminaire et leur a, de la sorte, donné la possibilité de faire valoir d’éventuelles objections. Or, les autorités italiennes n’y ont pas donné suite.

44      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que fait valoir la République italienne, les mesures litigieuses ont été bien abordées avec elle avant que la Commission n’adopte la décision d’ouverture de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

45      En tout état de cause, il convient de relever que, même si le respect des droits de la défense exige que l’État membre en cause soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments sur lesquels la Commission a fondé son appréciation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 47), il n’en demeure pas moins que, pour qu’une violation des droits de la défense dans la phase préliminaire entraîne une annulation de la décision finale, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour Belgique/Commission, précité, point 48, et du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96, Rec. p. I‑8237, point 101 ; arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, point 201, et la jurisprudence citée). La charge de la preuve à cet égard incombe à l’État membre concerné, puisque toute violation des droits de la défense constitue un vice de forme exigeant que soit invoqué, par la partie intéressée, l’effet négatif particulier de cette méconnaissance sur ses droits subjectifs (voir, en ce sens, arrêt Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, précité, point 203). 

46      Force est de constater, à cet égard, que la République italienne n’a fourni aucun élément permettant d’établir que, en l’absence de la prétendue irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent, mais s’est bornée à indiquer que « personne n’est en mesure de ‘deviner’ quels auraient été les effets d’un débat préliminaire, qui n’a jamais eu lieu, sur les développements ultérieurs de la procédure ».

47      La République italienne n’a pas, en particulier, démontré l’effet négatif qui découlerait des prétendus vices entachant la décision d’ouverture de la procédure, prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

48      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que les mesures litigieuses ont été bien abordées avec les autorités italiennes avant que la Commission n’adopte la décision d’ouverture de la procédure et que, en tout état de cause, la République italienne n’a pas démontré l’existence d’une irrégularité ou d’un vice, relatifs à la décision d’ouverture, en l’absence desquels la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

49      Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

 Sur la branche du troisième moyen tirée de la violation du principe du contradictoire

 Arguments des parties

50      La République italienne prétend que c’est seulement pour la première fois dans la décision attaquée, en particulier au considérant 30 de celle-ci, que la Commission a énoncé le grief concernant l’avantage que les entreprises italiennes tireraient de l’application des allégements fiscaux en cause aux bénéfices qu’elles réaliseraient à l’échelle mondiale et le fait que les entreprises étrangères ne pourraient en bénéficier que pour les bénéfices qu’elles réaliseraient en Italie. La Commission aurait ainsi violé le principe du contradictoire.

51      La République italienne fait valoir que, dans la décision d’ouverture de la procédure et pendant toute la durée de celle‑ci, la Commission a soulevé uniquement la question d’une prétendue disparité de traitement entre les entreprises italiennes et les entreprises étrangères, consistant en ce que les premières bénéficieraient du régime de faveur considéré, tandis que les deuxièmes seraient exclues dudit régime. En revanche, la Commission n’aurait jamais soulevé la question de la prétendue disparité de traitement entre entreprises italiennes et étrangères, qui seraient toutes incluses dans le régime d’aides en cause.

52      La Commission réfute les arguments de la République italienne.

 Appréciation du Tribunal

53      Selon une jurisprudence bien établie, le principe du contradictoire, qui constitue un principe fondamental du droit communautaire faisant, en particulier, partie des droits de la défense, exige que la partie concernée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des griefs et des circonstances allégués par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité CE (arrêt de la Cour 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, non encore publié au Recueil, point 61 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, non encore publié au Recueil, point 169, et la jurisprudence citée).

54      Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, « la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun ». Cette décision d’ouverture doit mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit que les parties connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché commun (arrêt du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec. p. II‑2309, point 138).

55      Il y a lieu également de relever que la procédure formelle d’examen permet d’approfondir et d’éclaircir les questions soulevées dans la décision d’ouverture de la procédure, de sorte qu’une éventuelle divergence entre celle‑ci et la décision finale ne saurait être considérée en soi comme constitutive d’un vice entachant la légalité de cette dernière.

56      En l’espèce, il convient de rappeler que, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, plus précisément au point 19 de celle‑ci, la Commission a indiqué qu’il lui semblait que les mesures en cause n’avantageaient que les entreprises ayant leur siège en Italie au détriment des entreprises étrangères qui y opéraient, pour autant que ces dernières n’aient pas droit aux allégements fiscaux octroyés par lesdites mesures. Par lettre du 21 avril 2004, les autorités italiennes ont indiqué que, aux termes de l’article 11 du DL 269/2003, les sociétés étrangères, opérant en Italie par le biais d’un établissement stable et cotées sur un marché réglementé de l’Union, pouvaient elles aussi bénéficier des mesures en cause. À la suite de cette lettre, la Commission a constaté et précisé, au considérant 30 de la décision attaquée, qu’il restait néanmoins une disparité de traitement entre entreprises italiennes et étrangères, dans la mesure où les allégements fiscaux octroyés par le régime d’aides en cause avaient trait, pour les unes, aux bénéfices réalisés au niveau mondial et, pour les autres, aux bénéfices réalisés et imposés en Italie.

57      Il y a donc lieu d’observer, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, que, si la position de cette dernière s’est certainement affinée par rapport aux doutes exprimés dans la décision d’ouverture de la procédure, cela a précisément résulté du dialogue contradictoire instauré avec les autorités italiennes, lesquelles ont eu l’occasion, tout au long de la procédure formelle d’examen, de préciser leur position à l’égard des griefs de la Commission. En effet, contrairement à ce que soutient la République italienne, le grief formulé par la Commission au point 30 de la décision attaquée ne diffère pas, quant à son objet, de celui qu’elle avait avancé lors de la décision d’ouverture, en particulier au point 19 de celle-ci. Il diffère uniquement quant à l’appréciation de la portée de la disparité de traitement entre les entreprises enregistrées en Italie et celles qui ne le sont pas et, de ce fait, également de la portée du caractère sélectif de l’avantage dont bénéficient les entreprises enregistrées en Italie.

58      Il ne ressort d’ailleurs d’aucune disposition relative au contrôle des aides d’État, ni de la jurisprudence, que la Commission serait tenue d’informer l’État membre concerné de sa position avant d’adopter sa décision, dès lors que l’État membre a été mis en demeure de présenter ses observations, ce qui a été le cas en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 45 supra, point 198)

59      En tout état de cause, ainsi qu’il a été constaté au point 45 ci-dessus, toute violation des droits de la défense constitue un vice de forme exigeant que soit invoqué par l’État membre concerné l’effet négatif particulier de cette méconnaissance sur ses droits subjectifs. Or, à cet égard, il suffit de constater que la République italienne n’a pas démontré que, en l’absence de cette irrégularité alléguée, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

60      Il s’ensuit que la branche du troisième moyen tirée de la violation du principe du contradictoire doit être rejetée.

2.     Sur le défaut de motivation

61      La République italienne invoque une violation de l’article 253 CE tant dans le cadre de son deuxième moyen que, en combinaison avec une violation de l’article 87 CE, dans le cadre de ses troisième, quatrième et cinquième moyens.

 Arguments des parties

62      Dans le cadre de son deuxième moyen, la République italienne fait grief à la Commission de ne pas avoir répondu expressément à l’observation présentée dans sa lettre du 30 novembre 2004 en réponse aux observations de Borsa italiana, par laquelle elle a fait valoir qu’une mesure présentant des caractéristiques analogues aux mesures en cause existait déjà dans l’ordre juridique italien, sous le nom de Super DIT. Cette mesure, qui serait liée aux incitations fiscales prévues par l’article 11, paragraphe 4, du DL 269/2003, aurait déjà fait l’objet d’une demande de renseignements de la part de la Commission s’agissant d’aspects éventuellement discriminatoires, lesquels auraient été, par la suite, éliminés par les autorités italiennes. Par ailleurs, cette mesure aurait été soumise formellement au Conseil « Questions économiques et financières », qui l’aurait considérée comme constituant une mesure non dommageable au sens de la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 1er décembre 1997 sur un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (JO 1998, C 2, p. 2).

63      En particulier, en s’appuyant sur l’arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission (T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, ci‑après l’« arrêt WestLB », points 279 à 281), et la jurisprudence qui y est citée, la République italienne fait valoir que la Commission aurait dû exposer les raisons pour lesquelles elle estimait ne pas devoir adopter la même position que celle qu’elle avait adoptée à l’égard du Super DIT. En substance, la Commission aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles, dans la décision attaquée, elle aurait déclaré incompatible avec le marché commun une mesure qui serait analogue à une autre la précédant de peu, en l’occurrence le Super DIT, et pour laquelle aucune objection n’aurait été soulevée.

64      Dans le cadre de son troisième moyen, la République italienne invoque la violation de l’article 253 CE en ce que la Commission considère dans la décision attaquée que les sociétés admises à la cote durant la période d’application du régime d’aides bénéficient d’un avantage sélectif. La Commission se serait contentée d’affirmer que le traitement différencié ne correspond à aucune distinction pertinente entre la situation des sociétés cotées et la situation des sociétés non cotées et n’aurait pas non plus pris position sur les arguments soulevés à cet égard par Borsa italiana ainsi que par les autorités italiennes.

65      Dans le cadre de son quatrième moyen, la République italienne allègue que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation dans la mesure où la Commission conclut à une incidence de la mesure en cause sur la concurrence intracommunautaire. La Commission aurait dû, à tout le moins, indiquer les éléments spécifiques dont elle déduit que la concurrence pourrait être modifiée et que les échanges entre les marchés des États membres seraient potentiellement affectés. Cela serait d’autant plus vrai en l’espèce, puisque les entreprises concernées opéreraient dans divers secteurs économiques et les aides seraient d’un montant très faible. La Commission n’aurait pas démontré que les mesures en cause constituent une aide au fonctionnement et s’en serait tenue à des affirmations générales et approximatives. La République italienne fait, en outre, observer que la Commission n’examine, dans la décision attaquée, que l’une des mesures litigieuses, à savoir la réduction du taux d’impôt prévue à l’article 11 du DL 269/2003, et qu’elle omet d’examiner la déduction, opérée sur le montant imposable, des coûts de l’admission à la cote, prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003.

66      Enfin, dans le cadre de son cinquième moyen, la République italienne reproche à la Commission de s’être bornée à fonder l’incompatibilité des mesures en cause avec le marché commun sur la circonstance qu’elles instaureraient des aides au fonctionnement et, en toute hypothèse, de ne pas avoir motivé à suffisance de droit sa constatation de l’incompatibilité des mesures en cause avec le marché commun.

67      La Commission conteste les arguments de la République italienne.

 Appréciation du Tribunal

68      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63 ; arrêt WestLB, point 63 supra, points 278 et 279, et la jurisprudence citée). En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt WestLB, point 63 supra, point 280, et la jurisprudence citée).

69      Par ailleurs, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime d’aides en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier (arrêts de la Cour du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855, point 51, et du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C‑278/00, Rec. p. I‑3997, point 24), afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d’aide (arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, Rec. p. I‑10901, point 91).

70      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si la décision attaquée est suffisamment motivée s’agissant des différents aspects de l’appréciation de la Commission contestés par la République italienne.

 Sur le défaut de motivation, tiré de ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de l’existence dans l’ordre juridique italien d’une mesure présentant des caractéristiques analogues aux mesures en cause

71      Dans le cadre de son deuxième moyen, la République italienne reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir pris position sur la prétendue existence d’une continuité entre l’une des deux mesures en cause, à savoir la réduction d’impôt prévue à l’article 11 du DL 269/2003, et le Super DIT.

72      Il convient de relever, à titre liminaire, que la référence au Super DIT, qui présenterait un lien temporel et juridique avec les mesures en cause, a été effectuée formellement, pour la première fois, dans les observations présentées par Borsa italiana le 4 octobre 2004, commentées par les autorités italiennes dans la lettre du 30 novembre 2004. Selon les autorités italiennes et Borsa italiana, les mesures en cause sont, en substance, justifiées par les principes généraux du système fiscal italien au motif de la préexistence du Super DIT dans l’ordre juridique italien.

73      Il convient également de relever que, ainsi que le fait valoir la République italienne, la Commission a exposé, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles les incitations fiscales visées par le DL 269/2003 conféraient un avantage sélectif au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, en ne faisant aucune allusion au Super DIT.

74      L’argumentation avancée par la République italienne ne saurait toutefois prospérer.

75      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu d’observer que la Commission, ainsi qu’elle le fait valoir dans ses écritures, ne s’est jamais prononcée sur la qualification éventuelle du Super DIT d’aide d’État, lequel n’a pas fait l’objet d’une notification à la Commission aux termes de l’article 88, paragraphe 3, CE, et, ayant été abrogé en 2001, ce qui n’est pas contesté par la République italienne, n’était pas compris dans le régime d’aides en cause. Le Super DIT n’est que mentionné à l’article 11 du DL 269/2003, afin d’empêcher les entreprises concernées de bénéficier des doubles avantages fiscaux.

76      S’agissant, ensuite, de la prétendue connaissance par la Commission du Super DIT dans le cadre de son activité de surveillance de l’application des règles sur le marché intérieur et de l’examen du Super DIT par le Conseil « Questions économiques et financières », il convient de constater, d’une part, que ces deux aspects ne relèvent pas du contrôle des aides d’État et, d’autre part, que toute inaction apparente de la Commission à l’égard d’une mesure qui pourrait constituer une aide d’État est dépourvue de signification lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, un régime d’aides ne lui a pas été notifié (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C‑183/02 P et C‑187/02 P, Rec. p. I‑10609, point 52).

77      En outre, le fait que la Commission ait connu en détail le Super DIT et que, tout en ayant la possibilité d’engager une procédure formelle d’examen, elle ne se soit jamais prononcée sur l’éventuelle qualification d’aide d’État du Super DIT n’a aucune implication sur la notion d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, ni sur la qualification d’aide nouvelle ou existante au sens du règlement no 659/1999.

78      En tout état de cause, à supposer même que le Super DIT et le régime d’aides en cause s’inscrivent dans une logique de continuité et d’extension, le fait que la Commission ne soit pas intervenue à l’égard du Super DIT est sans incidence, dès lors que le régime d’aides en cause dans la présente affaire, examiné indépendamment du Super DIT, constitue une aide d’État (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 juin 1988, Grèce/Commission, 57/86, Rec. p. 2855, point 10, et du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, Rec. p. I‑11137, point 105).

79      Il importe, enfin, de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 69 ci‑dessus, la Commission n’était pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffisait d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée (voir également, en ce sens, arrêt Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 45 supra, point 60, et la jurisprudence citée). De plus, la Commission n’était pas tenue non plus de motiver la décision attaquée de manière détaillée pour répondre à des arguments qu’elle considérait comme non pertinents ou seulement peu pertinents (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 29 avril 2005, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P-R, Rec. p. I‑3539, point 37). Or, le Super DIT ne faisant pas partie du régime d’aides en cause et sa conformité avec les règles en matière d’aides d’État n’ayant aucunement été appréciée par la Commission, il ne revêtait pas une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée.

80      Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir répondu spécifiquement à l’allégation selon laquelle les mesures en cause étaient susceptibles de s’inscrire dans une prétendue continuité avec le Super DIT et, de ce fait, de pouvoir être justifiées par les principes généraux du système fiscal italien.

81      Il convient, dès lors, de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le défaut de motivation de la décision attaquée quant au caractère sélectif des mesures en cause

82      La Commission consacre les considérants 26 à 32 de la décision attaquée à la démonstration de l’existence d’un avantage sélectif.

83      En premier lieu, la Commission estime, au considérant 26 de la décision attaquée, que les mesures en cause introduisent une dérogation au fonctionnement normal du système fiscal et procurent un avantage exclusif pour les sociétés qui sont en mesure de se faire admettre à la cote dans la brève période d’application du régime d’aides, dont sont exclues les entreprises déjà cotées, celles qui ne remplissent pas les conditions requises pour être cotées et celles qui décident de ne pas se faire coter pendant la période considérée.

84      Aux considérants 27 à 29, elle explique les raisons pour lesquelles cette dérogation n’est pas justifiable au regard de la nature du système fiscal, dans la mesure où elle ne répond à aucune distinction pertinente entre la situation des sociétés cotées sur un marché réglementé et celle des sociétés non cotées. La Commission précise, d’une part, que la réduction du taux d’imposition applicable aux bénéfices futurs réalisés par les bénéficiaires, prévue à l’article 11 du DL 269/2003, n’est pas proportionnée, ces bénéfices n’ayant aucun lien avec l’admission à la cote des bénéficiaires, la structure de leur capital et les autres caractéristiques associées à la cotation, et, d’autre part, que la déduction du revenu imposable, prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003, constitue une aide exceptionnelle, puisqu’elle s’ajoute à la déduction normale des dépenses. Par ailleurs, la brève durée d’application du régime d’aides, impliquant l’exclusion de fait de nombreux bénéficiaires potentiels, est, aux termes de la décision attaquée, en contradiction avec l’objectif spécifique de la promotion de la cotation des sociétés.

85      En second lieu, la Commission souligne, au considérant 30 de la décision attaquée, que les mesures en cause exercent un effet notable sur les entreprises d’une certaine dimension et peuvent fausser la concurrence en améliorant la position de ces entreprises par rapport à celle des entreprises concurrentes non enregistrées en Italie. De plus, elle relève que, dès lors que les incitations en cause sont accordées par le biais du système fiscal, elles bénéficient davantage aux entreprises italiennes, pour lesquelles les allégements fiscaux s’appliquent aux bénéfices réalisés au niveau mondial, qu’aux entreprises étrangères, pour lesquelles les allégements fiscaux ne s’appliquent qu’aux seuls bénéfices réalisés en Italie. La Commission exclut également toute justification par la nature du système fiscal, dès lors que le régime d’aides constitue une aide exceptionnelle qui n’est pas justifiable dans le cadre de la gestion normale du système fiscal.

86      Il ressort des points susmentionnés que, dans la décision attaquée, la Commission a clairement exposé en quoi les entreprises bénéficiaires des mesures en cause bénéficient d’un avantage sélectif. Dans ces circonstances, la branche du troisième moyen, tirée d’un défaut de motivation, doit être rejetée.

 Sur le défaut de motivation de la décision attaquée quant à l’incidence des mesures en cause sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires

87      Il y a lieu de rappeler que, si la Commission est tenue d’évoquer, dans les motifs de sa décision, à tout le moins les circonstances dans lesquelles une aide a été accordée lorsqu’elles permettent de démontrer que l’aide est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, elle n’est pas tenue de procéder à une analyse économique de la situation réelle des marchés concernés, de la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, de la position des entreprises concurrentes et des courants d’échanges entre États membres. En outre, dans le cas d’aides accordées illégalement, la Commission n’est pas tenue de faire la démonstration de l’effet réel que ces aides ont eu sur la concurrence et sur les échanges entre États membres. Si tel était le cas, en effet, cette exigence aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides illégales au détriment de ceux qui notifient les aides à l’état de projet (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, Rec. p. II‑3207, points 100 à 103, et Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 45 supra, point 215).

88      Au regard de cette jurisprudence, il n’apparaît pas que la Commission a manqué, en l’occurrence, à l’obligation qui lui incombe de motiver de manière suffisante la partie de la décision attaquée concernant l’incidence des mesures en cause sur la concurrence et les échanges intracommunautaires.

89      À cet égard, la Commission consacre les considérants 34 à 37 de la décision attaquée à l’examen de l’effet des mesures en cause sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires.

90      Tout d’abord, elle souligne que les mesures en cause peuvent « fausser la concurrence entre les entreprises et les échanges entre les États membres, étant donné que les sociétés bénéficiaires peuvent opérer sur des marchés internationaux et exercer des activités commerciales et d’autres activités économiques sur des marchés caractérisés par une forte concurrence » (considérant 34 de la décision attaquée).

91      Ensuite, elle énumère les objectifs financiers poursuivis par les sociétés demandant à être admises à la cote, dont l’augmentation et la différentiation des sources de financement, l’augmentation de leur capacité financière, l’obtention d’une évaluation de marché, et établit que, « [e]n accordant un avantage fiscal exceptionnel aux sociétés qui décident de se faire coter en bourse, le régime concerné améliore la position concurrentielle et la capacité financière de ces sociétés par rapport à leurs concurrents », tout en précisant que les effets décrits « peuvent favoriser des bénéficiaires italiens opérant sur des marchés où s’effectuent des échanges intracommunautaires » et que, partant, « le régime affecte les échanges et fausse la concurrence » (considérant 35 de la décision attaquée).

92      Enfin, la Commission précise que « [l]es [dix] sociétés admises à la cote de bourses italiennes appartiennent à différents secteurs, tous ouverts à la concurrence internationale, depuis le secteur manufacturier jusqu’aux services d’utilité publique » et estime que les bénéfices des allégements fiscaux octroyés sont substantiels, pouvant atteindre jusqu’à 11,7 millions d’euros par bénéficiaire pendant les trois années d’application du régime d’aides (considérant 36 de la décision attaquée).

93      La Commission en conclut, au considérant 37 de la décision attaquée, que « la distorsion de la concurrence induite par le régime dans les différents secteurs d’activité des bénéficiaires est significative, compte tenu du fait que ceux-ci jouent souvent un rôle de premier plan en Italie dans les divers secteurs concernés, ce qui justifie l’évaluation négative qui est faite du régime ».

94      La motivation de la décision attaquée permet dès lors à la République italienne et au juge communautaire de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les conditions d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE relatives à l’incidence sur les échanges entre États membres et à la distorsion de la concurrence étaient remplies en l’espèce.

95      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’allégation de la République italienne selon laquelle l’examen de la distorsion de la concurrence et de l’incidence des mesures en cause sur les échanges entre États membres n’aurait pas abordé la mesure visée à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003. Il suffit de rappeler, à cet égard, que les considérants 34 à 37 de la décision attaquée, en mentionnant les effets du « régime », font apparaître de manière claire et non équivoque que le raisonnement de la Commission s’applique au régime d’aides dans son intégralité, et donc aux deux mesures en cause.

96      Il s’ensuit que la branche du quatrième moyen tirée d’un défaut de motivation de la décision attaquée quant à l’incidence des mesures en cause sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires doit être également rejetée.

 Sur le défaut de motivation de la décision attaquée quant à l’incompatibilité des mesures en cause avec le marché commun

97      La Commission consacre les considérants 39 à 45 de la décision attaquée à l’analyse de la compatibilité des mesures en cause avec le marché commun.

98      Tout d’abord, la Commission souligne que cette compatibilité doit être évaluée à la lumière des dérogations prévues à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE  (considérant 39 de la décision attaquée) et que les autorités italiennes n’ont pas explicitement contesté son évaluation, exposée dans la décision d’ouverture de la procédure, selon laquelle aucune de ces dérogations n’était applicable en l’espèce (considérant 40 de la décision attaquée). Ensuite, elle expose que « les avantages accordés ne sont liés à aucune dépense ou sont liés à des dépenses non éligibles aux aides en vertu des règlements sur les exemptions par catégorie ou des lignes directrices communautaires » (considérant 41 de la décision attaquée). La Commission précise, en outre, que les dérogations prévues à l’article 87, paragraphe 2 et paragraphe 3, sous a), b) et d), CE ne sont pas applicables en l’espèce (considérants 42 à 44 de la décision attaquée). Enfin, s’agissant plus particulièrement de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, elle souligne que « [l]es avantages fiscaux octroyés par le régime ne sont pas liés à des investissements spécifiques, à la création d’emplois ou à des projets spécifiques » et qu’« [i]ls constituent simplement une réduction des charges qui doivent normalement être supportées par les entreprises concernées dans le cadre de leurs activités économiques et doivent donc être considérées comme des aides d’État au fonctionnement qui sont incompatibles avec le marché commun » (considérant 45 de la décision attaquée).

99      Or, s’agissant plus particulièrement de la prétendue obligation de la Commission de motiver spécialement sa conclusion selon laquelle les mesures en cause ne sont pas compatibles avec le marché commun par rapport à la possibilité que les aides, même en tant qu’aides au fonctionnement, puissent être justifiées, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 68 ci‑dessus, la Commission n’est pas obligée de s’exprimer sur tous les arguments invoqués par les intéressés. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En outre, conformément à la jurisprudence citée au point 79 ci-dessus, elle n’est pas non plus tenue de motiver sa décision de manière détaillée pour répondre à des arguments qu’elle considère comme non pertinents ou seulement peu pertinents.

100    À cet égard, il suffit de relever que la Commission a énoncé à suffisance de droit, aux considérants 39 à 45 de la décision attaquée, les motifs essentiels de sa constatation d’incompatibilité du régime d’aides avec le marché commun et a indiqué, au point 46 de la décision attaquée, qu’aucune dérogation n’était applicable pour ces aides en tant qu’aides au fonctionnement.

101    Force est de constater que la motivation de la décision attaquée permet de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a exclu l’application des dérogations prévues à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE, et, plus précisément, les raisons pour lesquelles elle a qualifié les mesures litigieuses d’aides au fonctionnement exclues du champ d’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, et non d’aides à l’investissement.

102    À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la branche du cinquième moyen tirée d’un défaut de motivation de la décision attaquée quant à l’incompatibilité des mesures en cause avec le marché commun.

3.     Sur la violation de l’article 87 CE

103    La République italienne invoque la violation de l’article 87 CE, s’agissant de différents aspects de l’appréciation des mesures en cause par la Commission, dans le cadre de ses troisième, quatrième et cinquième moyens. Elle conteste, dans le cadre de son troisième moyen, l’existence d’un avantage accordé aux sociétés nouvellement cotées en bourse ainsi que le caractère sélectif de cet avantage, dans le cadre du quatrième moyen, l’incidence des mesures en cause sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires et, dans le cadre du cinquième moyen, l’incompatibilité des mesures en cause avec le marché commun.

 Sur la sélectivité de l’avantage octroyé aux sociétés nouvellement cotées en bourse

 Arguments des parties

104    Dans le cadre de son troisième moyen, la République italienne fait valoir que les mesures examinées n’ont pas de caractère sélectif ou que la différenciation qu’elles opèrent est justifiée par la nature ou par la structure du système fiscal.

105    La République italienne conteste l’observation formulée au considérant 26 de la décision attaquée, selon laquelle le caractère sélectif de l’avantage réside dans le fait que les mesures en cause dérogent « au fonctionnement normal du système fiscal et favorise[nt] certaines entreprises ou productions, puisqu’elle[s] constitue[nt] un régime spécifique dont ne peuvent bénéficier que les sociétés en mesure de se faire admettre à la cote durant la période couverte par le régime ». Elle considère que, dès lors que le régime d’aides en cause vise toutes les sociétés par actions potentiellement en mesure de s’inscrire à la cote, il n’est pas sélectif. En effet, un régime d’aides nouveau s’adresserait forcément à ceux qui, au moment de son entrée en vigueur, remplissent les conditions qu’il prévoit, alors qu’il ne saurait s’adresser à ceux qui ne remplissent pas ces conditions ou qui les ont remplies antérieurement.

106    La République italienne conteste également l’observation formulée au considérant 27 de la décision attaquée, selon laquelle le régime d’aides en cause ne serait pas justifiable au regard de la nature du système fiscal italien, ne serait pas proportionné, dans la mesure où la réduction du taux d’imposition s’applique aux bénéfices futurs réalisés par les bénéficiaires n’ayant aucun lien avec le fait que ceux-ci ont été admis à la cote, avec la structure de leur capital ni avec les autres caractéristiques associées à la cotation en bourse, et ne serait pas justifiable non plus au regard de ses objectifs spécifiques, au vu de sa brève durée d’application, le rendant de fait inaccessible à un grand nombre de bénéficiaires potentiels. Selon la République italienne, les mesures en cause introduisent une différenciation inhérente à la logique du système fiscal, en ce qu’elles correspondent à une situation, celle des sociétés cotées, qui est objectivement différente de la situation des sociétés qui ne sont pas cotées. Les sociétés cotées devraient faire face à des coûts importants qui resteraient, en partie, à leur charge, car il se pourrait qu’ils soient non déductibles dès l’exercice d’imposition au cours duquel ils ont été supportés ou, même lorsqu’ils le sont, leur déductibilité entraînerait une économie d’impôt qui ne saurait excéder le taux des impositions applicables aux revenus imposables.

107    Les arrêts de la Cour du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, Rec. p. I‑8365, points 41 et 42), et du 13 février 2003, Espagne/Commission (C‑409/00, Rec. p. I‑1487, point 52), confirment, selon la République italienne, que l’application d’un traitement fiscal différent aux sociétés cotées se situe dans la logique du système et ne constitue pas une démarche sélective.

108    S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel la réduction du taux d’impôt visée à l’article 11 du DL 269/2003 ne serait pas liée aux coûts d’admission à la cote, mais aux bénéfices réalisés par les sociétés, la République italienne fait valoir qu’il pourrait ne pas y avoir eu de bénéfices, auquel cas la réduction du taux n’aurait aucune incidence réelle, et que, même si des bénéfices étaient réalisés, il s’agirait assurément de bénéfices fortement réduits en raison des frais engendrés par l’admission à la cotation elle-même.

109    Partant, l’affirmation de la Commission selon laquelle le traitement différencié « ne correspond à aucune distinction pertinente entre la situation des sociétés cotées et la situation des sociétés non cotées » (considérant 27 de la décision attaquée) serait erronée en droit.

110    La République italienne ajoute que, afin d’évaluer la sélectivité des mesures en cause, il faudrait comparer non pas la situation de toutes les sociétés par actions, mais plutôt la situation des seules sociétés par actions potentiellement susceptibles d’être admises à la cote. Dans ce cas, il serait évident que les mesures litigieuses, s’adressant indistinctement à toutes les sociétés par actions potentiellement susceptibles d’être admises à la cote, n’opèrent aucune sélection « subjective ».

111    Selon la République italienne, la Commission n’a pas tenu compte, en outre, de la cohérence des deux mesures en cause, se situant dans la continuité des mesures précédentes en matière d’allégements fiscaux en faveur des sociétés nouvellement cotées, à savoir le Super DIT.

112    Elle fait également valoir que le caractère non sélectif des mesures subsiste bien qu’elles soient temporaires, d’autant plus que la limitation dans le temps permettrait de concilier le régime d’aides en cause avec les exigences budgétaires de l’État et pourrait s’expliquer aussi par le caractère expérimental de la mesure.

113    S’agissant du considérant 28 de la décision attaquée, selon lequel la déduction des coûts de cotation, prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003, constitue elle aussi une aide exceptionnelle, puisqu’elle s’ajoute à la déduction normale des dépenses, la République italienne met en exergue la contradiction affectant la décision attaquée dans la mesure où la Commission, d’une part, affirme que ladite mesure pourrait être considérée comme étant justifiée par l’objectif spécifique poursuivi par le régime d’aides et, d’autre part, méconnaît cette justification par rapport à l’autre mesure en cause, à savoir la réduction d’impôt édictée à l’article 11 du DL 269/2003.

114    S’agissant du considérant 30 de la décision attaquée, selon lequel les mesures en cause bénéficient principalement à des entreprises italiennes du fait de l’application des allégements fiscaux aux bénéfices réalisés au niveau mondial, la République italienne fait valoir que le caractère sélectif d’une mesure doit s’apprécier exclusivement en comparant, d’une part, les situations qu’elle vise et, d’autre part, les situations qu’elle exclut, tandis qu’il n’est pas pertinent, aux fins d’établir l’existence d’une aide d’État, de comparer entre elles des situations visées par la mesure considérée, afin d’évaluer si elles tirent de cette mesure des avantages de même importance ou d’importance différente.

115    Enfin, la République italienne souligne que toute répercussion différente des mesures en cause sur les sociétés bénéficiaires italiennes et les sociétés bénéficiaires étrangères ne saurait être interdite, car il est normal qu’un système fiscal soit fondé sur la règle de l’universalité de l’imposition et des avantages pour ce qui concerne les résidents, ainsi que sur la règle de la territorialité de l’impôt pour ce qui concerne les non-résidents (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 février 1995, Schumacker, C‑279/93, Rec. p. I‑225, points 31, 32 et 34, et du 14 septembre 1999, Gschwind, C‑391/97, Rec. p. I‑5451, points 21 à 24).

116    La Commission conteste les arguments de la République italienne.

 Appréciation du Tribunal

117    L’article 87, paragraphe 1, CE interdit les aides d’État « favorisant certaines entreprises ou certaines productions », c’est-à-dire les aides sélectives (arrêt du 15 décembre 2005, Italie/Commission, point 69 supra, point 94). Toutefois, il est de jurisprudence constante que la notion d’aide d’État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et, partant, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système de charges dans lequel elles s’inscrivent (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Pays‑Bas/Commission, C‑159/01, Rec. p. I‑4461, point 42, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, Rec. p. I‑7115, point 52, et la jurisprudence citée).

118    Il convient par conséquent, tout d’abord, de rechercher si les mesures de réduction des taux d’imposition en cause ont un caractère a priori sélectif et, le cas échéant, ensuite, d’examiner si, ainsi que le soutient la République italienne, ces mesures sont justifiées par la nature et l’économie du système fiscal italien.

–       Sur le caractère a priori sélectif des mesures en cause

119    En ce qui concerne l’appréciation de la condition de sélectivité, qui est constitutive de la notion d’aide d’État, il résulte de la jurisprudence que l’article 87, paragraphe 1, CE impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est susceptible de favoriser certaines entreprises par rapport à d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir arrêts Espagne/Commission, point 107 supra, point 47, et Portugal/Commission, point 117 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

120    Or, en l’espèce, la sélectivité de l’avantage fiscal établi par l’article 1er, paragraphe 1, sous d), et l’article 11 du DL 269/2003 ressort de différents éléments. Tout d’abord, le droit à la réduction du taux d’impôt sur le revenu, dans les trois années suivant l’exercice au cours duquel la cotation est intervenue, ainsi que le droit à la déduction du revenu imposable d’un montant égal aux dépenses de cotation, n’est reconnu qu’aux entreprises nouvellement cotées sur un marché réglementé. Ensuite, ces entreprises, à savoir des sociétés par actions nouvellement cotées, doivent se faire admettre à la cote officielle d’un marché réglementé durant la période comprise entre le 2 octobre 2003, date d’entrée en vigueur du DL 269/2003, et le 31 décembre 2004, date limite pour la première cotation conformément à l’article 11 du DL 269/2003. Ainsi, les mesures en cause profitent uniquement aux entreprises réalisant les opérations visées (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2005, Italie/Commission, point 69 supra, point 97), dans la brève période de quinze mois d’application du régime d’aides (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑92/00 et T‑103/00, Rec. p. II‑1385, point 49). Toute autre entreprise est, en effet, exclue des bénéfices du régime d’aides, que ce soient les sociétés déjà cotées ou celles qui ne remplissent et ne peuvent pas remplir les conditions requises pour être cotées durant la période couverte par le régime d’aides. À cet égard, il convient encore de préciser, ainsi qu’il ressort du considérant 18 de la décision attaquée et ainsi que la Commission l’a fait valoir à maintes reprises dans ses écritures, sans être contredite par la République italienne, que la brève période prévue par le régime d’aides était, en substance, comparable au temps requis pour projeter, engager et mener à bien l’admission à la cote, compte tenu des dispositions régissant celle-ci, qui imposent des conditions rigoureuses devant être respectées par les entreprises désireuses de se faire coter. Dès lors, les avantages octroyés par les mesures en cause, ainsi que la République italienne l’a admis lors de l’audience, étaient de facto accessibles aux seules entreprises qui avaient déjà engagé la procédure de cotation, à celles qui avaient à tout le moins envisagé de le faire ou à celles qui étaient prêtes à entreprendre une telle initiative à très brève échéance.

121    Pour autant que les sociétés admises à la cote durant la période couverte par le régime d’aides bénéficient d’allégements fiscaux − à savoir la réduction du taux d’impôt sur le revenu et la déduction du revenu imposable, s’ajoutant à la déduction normale, des coûts liés à la cotation − auxquels ne peuvent accéder des entreprises ne réalisant pas des opérations telles que celles visées par ces mesures, elles profitent d’avantages auxquels elles n’auraient pas eu droit dans le cadre de l’application normale du régime fiscal. De ce fait, les mesures en cause sont sélectives.

122    En outre, les mesures en cause sont sélectives en ce qu’elles favorisent de fait les sociétés enregistrées en Italie par rapport à celles qui n’y sont pas enregistrées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 14 juillet 1983, Commission/Italie, 203/82, Rec. p. 2525). En effet, ainsi que le souligne à juste titre la Commission au point 30 de la décision attaquée, l’incitation fiscale, accordée par dérogation au traitement fiscal normal en faveur de toutes les entreprises imposables en Italie qui se font admettre à la cote d’un marché réglementé, bénéficie principalement aux sociétés enregistrées en Italie. Par ailleurs, en ce qui concerne ces dernières, les allégements fiscaux s’appliquent aux bénéfices réalisés au niveau mondial, alors que pour les sociétés étrangères lesdits allégements ne s’appliquent qu’aux bénéfices réalisés en Italie.

123    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la République italienne selon lequel le caractère sélectif d’une mesure doit s’apprécier exclusivement en comparant, d’une part, les situations qu’elle vise et, d’autre part, les situations qu’elle exclut, et non pas en comparant entre elles des situations visées par la mesure considérée. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 87, paragraphe 1, CE vise à interdire toute aide de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » et définit une mesure d’aide en fonction de ses effets. Rien n’empêche, donc, comme le souligne à juste titre la Commission, qu’une mesure déjà limitée à certains sujets déterminés – en l’espèce, les sociétés cotées en bourse – avantage dans une plus large mesure certains bénéficiaires – en l’espèce, les sociétés italiennes, pour lesquelles les allégements fiscaux s’appliquent aux bénéfices réalisés au niveau mondial – que d’autres sociétés, également bénéficiaires du régime d’aides, à savoir les sociétés étrangères pour lesquelles les allégements fiscaux s’appliquent aux seuls bénéfices réalisés en Italie.

124    Il résulte de ce qui précède que les mesures en cause favorisent « certaines entreprises », au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Il convient donc d’examiner si la différentiation introduite par lesdites mesures est justifiée par la nature ou l’économie générale du système fiscal dans lequel elles s’inscrivent.

–       Sur la justification des mesures en cause par la nature et l’économie du système fiscal italien

125    À cet égard, il y a lieu de préciser que, si une telle différenciation se fonde sur d’autres finalités que celles poursuivies par le système général, la mesure en cause est en principe considérée comme remplissant la condition de sélectivité prévue à l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, point 33, et Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, point 107 supra, point 49). Il incombe, par ailleurs, à l’État membre qui a introduit une telle différenciation entre entreprises en matière de charges de démontrer qu’elle est effectivement justifiée par la nature et l’économie du système en cause (arrêt Pays-Bas/Commission, point 117 supra, point 43).

126    Selon la République italienne, la réduction d’impôt constituait un incitant fiscal pour la cotation des sociétés visées par le régime d’aides en cause, compte tenu du fait que toute société qui entendait être admise à la cote de la bourse ou d’un autre marché réglementé devait faire face à des charges importantes. Lesdites mesures correspondraient donc à une situation particulière des sociétés qui entendaient être admises à la cote, qui serait objectivement différente de celle des autres sociétés.

127    À cet égard, la Commission précise, au considérant 27 de la décision attaquée, que les mesures en cause ne répondent à aucune distinction pertinente du point de vue fiscal entre la situation des sociétés cotées en bourse ou sur un autre marché réglementé et celle des sociétés non cotées.

128    Il convient donc de vérifier si c’est à bon droit que la Commission a exclu l’existence de toute correspondance entre les mesures en cause et une situation objective particulière des bénéficiaires de celles-ci.

129    Il y a lieu, dans cette perspective, d’examiner séparément les deux mesures.

130    D’une part, ainsi que le relève à juste titre la Commission au considérant 27 de la décision attaquée, les allégements fiscaux visés à l’article 11 du DL 269/2003 étant accordés lors de l’admission à la cote, ils s’appliquent aux bénéfices futurs réalisés par les entreprises bénéficiaires, lesquels n’ont aucun lien avec le fait que les bénéficiaires ont été admis à la cote, ni avec les charges supportées à la suite de l’opération d’admission, ni avec tout autre prétendu désavantage découlant de cette situation particulière. En outre, au vu de sa brève durée d’application, le régime d’aides n’est pas justifiable non plus au regard de ses objectifs spécifiques, à savoir promouvoir la cotation des entreprises, puisqu’il exclut de facto de nombreux bénéficiaires potentiels.

131    La République italienne n’a d’ailleurs établi aucun lien entre les caractéristiques particulières des sociétés admises à la cote – et plus particulièrement les prétendus désavantages qui découleraient de la cotation, en termes d’accès au marché des capitaux et de charges d’organisation – et lesdites mesures. 

132    Partant, même à supposer que les sociétés cotées puissent avoir des caractéristiques différentes de celles des sociétés non cotées, en particulier, en ce qui concerne l’accès au marché des capitaux et les charges d’organisation, il convient de considérer que les allégements fiscaux visés à l’article 11 du DL 269/2003 n’ont aucun lien avec lesdites caractéristiques.

133    D’autre part, ainsi que le relève à juste titre la Commission au considérant 28 de la décision attaquée, la déduction du revenu imposable visée à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003, qui s’ajoute à la déduction normale des dépenses, constitue elle aussi une aide exceptionnelle. Or, même à supposer qu’elle puisse être considérée comme justifiée par l’objectif spécifique de promotion de la cotation de sociétés poursuivi par le régime d’aides, il n’en demeure pas moins une nouvelle fois, ainsi que l’a relevé à bon droit la Commission, que, du fait de sa brève durée d’application, elle est en contradiction avec ledit objectif, puisqu’elle exclut de fait de nombreux bénéficiaires potentiels.

134    En outre, contrairement aux allégations de la République italienne, il n’y a aucune contradiction dans la décision attaquée en ce que la Commission semblerait y avoir exclu toute possibilité de justification tirée de la nature ou de l’économie du système à l’égard des incitations fiscales énoncées à l’article 11 du DL 269/2003 (considérant 27 de la décision attaquée), tout en reconnaissant, en revanche, la possibilité d’une justification à propos des incitations fiscales visées à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003 (considérant 28 de la décision attaquée).

135    À cet égard, c’est à juste titre que la Commission, en ce qui concerne la première mesure, exclut d’emblée toute possibilité de justification, dès lors que ladite mesure n’est liée à aucune situation particulière propre aux sociétés admises à la cote, et, en ce qui concerne la seconde mesure, exclut toute justification en l’espèce, après avoir relevé qu’une telle mesure aurait éventuellement pu être justifiée, dès lors qu’elle est relative à des dépenses liées à la cote.

136    Il convient, dès lors, de conclure que la Commission n’a pas violé l’article 87, paragraphe 1, CE, en estimant que les mesures en cause favorisent « certaines entreprises ou certaines productions », et que, en l’absence d’un lien direct entre lesdites mesures et l’objectif du régime d’aides, celles-ci ne s’inscrivent pas dans la nature et l’économie du système fiscal italien.

137    Cette conclusion ne saurait être infirmée par la prétendue cohérence, alléguée par la République italienne, entre les mesures en cause et des mesures antérieures analogues, à savoir le Super DIT. 

138    À cet égard, la République italienne n’a pas établi qu’il existe une telle cohérence.

139    Tout d’abord, il convient de relever qu’il existe une rupture de la continuité entre les deux régimes, le Super DIT ayant été abrogé en 2001, même s’il continuait à être appliqué à titre transitoire aux sociétés qui, à la date du 30 juin 2001, avaient exécuté des opérations d’augmentation du capital, et les mesures en cause ayant été introduites en octobre 2003.

140    En outre, le champ d’application des deux régimes est tout à fait différent. Le Super DIT prévoyait des allégements au taux d’imposition applicable uniquement à la rémunération ordinaire de l’augmentation du capital investi pour les sociétés dont les titres de participation sont admis à la cote d’un marché réglementé pour les trois périodes d’imposition suivant celle de la première cotation. Comme le souligne la Commission, le Super DIT visait à atténuer la pénalisation des apports de nouveau capital à risques à l’occasion des opérations de cotation, dont le traitement fiscal est moins favorable par rapport au financement par l’emprunt. En revanche, les mesures en cause prévoient, d’une part, des allégements au taux d’imposition applicable au revenu global et, d’autre part, une déduction des coûts d’admission à la cotation, qui s’ajoute à la déduction ordinaire.

141    En toute hypothèse, même à supposer que les deux mesures successives s’inscrivent dans une logique de continuité et d’extension, cet aspect ne suffirait pas, à lui seul, à prouver que les mesures en cause s’inscrivent dans la nature et l’économie du système, dès lors que, ainsi qu’il a été constaté au point 75 ci-dessus, la Commission ne s’est pas prononcée sur l’éventuelle nature d’aide d’État du Super DIT.

142    S’agissant, enfin, de l’argument de la République italienne tiré, en substance, de la cohérence du traitement différencié entre résidents et non-résidents avec le système fiscal interne, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, les effets des mesures en cause ne découlent pas de la détermination de la base imposable en elle-même, et donc des modalités différenciées d’imposition, dont la cohérence a été soulignée par la République italienne. Ces effets découlent plutôt, comme le fait valoir à juste titre la Commission, du choix de lier les bénéfices en cause à la base imposable, ce qui constitue un choix étranger à la logique du système fiscal. En d’autres termes, les avantages, visant en principe à promouvoir la cotation sur un marché réglementé, s’appliquent à la base imposable, qui n’a aucun rapport avec la cotation. En conséquence, bien que l’avantage trouve son origine dans l’admission à la cote, le régime d’aides aboutit, en pratique, à accorder un avantage différent en fonction de ce que le bénéficiaire est établi, à titre principal, en Italie ou ailleurs.

143    Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE.

 Sur l’incidence des mesures en cause sur les échanges intracommunautaires et la concurrence

 Arguments des parties

144    Dans le cadre du quatrième moyen, la République italienne met en cause l’analyse faite par la Commission en ce qui concerne les deux conditions relatives à l’atteinte à la concurrence et à l’affectation du commerce intracommunautaire.

145    Selon la République italienne, une atteinte à la concurrence est, par définition, une modification de l’équilibre concurrentiel existant, à savoir un effet qui ne peut être apprécié que sur une certaine durée. La Commission n’aurait pas précisé les motifs pour lesquels, en dépit de leur brève durée et de leur montant réduit, les mesures litigieuses avaient néanmoins par elles-mêmes la potentialité de modifier l’équilibre concurrentiel de manière permanente. La République italienne invoque, à cet égard, la jurisprudence selon laquelle une aide d’un montant relativement faible peut avoir une incidence sur les échanges « lorsque le secteur dans lequel opère l’entreprise qui en bénéficie est caractérisé par une forte concurrence », pour conclure que la Commission serait tenue d’effectuer une analyse, même synthétique, des secteurs dans lesquels pouvaient opérer les différents bénéficiaires des mesures en cause et de la situation concurrentielle existant dans ces secteurs, ce qui ferait entièrement défaut en l’espèce.

146    Alors même qu’une analyse économique s’imposait, la Commission se serait contentée d’affirmations générales, sans opérer de distinction entre les secteurs communautaires et ceux de simple intérêt national, bien qu’elle aurait admis que certains bénéficiaires pourraient opérer dans ces derniers.

147    La Commission n’aurait pas démontré, en outre, que les mesures en cause constituent des aides au fonctionnement. Au contraire, ces mesures visaient, selon la République italienne, à favoriser le renforcement patrimonial des sociétés à la suite de leur admission à la cote. S’agissant donc de mesures à portée structurelle, et non pas d’aides à la gestion courante, leur impact supposé sur la concurrence aurait dû être dûment analysé par la Commission.

148    En ce qui concerne plus particulièrement la distorsion de la concurrence, la République italienne fait valoir que, par rapport aux bénéficiaires du régime d’aides pris en compte dans la décision attaquée, c’est-à-dire les opérateurs les plus importants sur le marché, l’avantage fiscal, lequel peut représenter une épargne totale de 11,7 millions d’euros pour les trois années d’application du taux réduit, n’est pas, en soi, de nature à avoir une incidence substantielle sur leur position concurrentielle par rapport au chiffre d’affaires de ces entreprises, sauf à procéder à une enquête plus détaillée, qui a fait défaut en l’espèce.

149    Enfin, dès lors que la réduction du taux viserait à mettre sur un pied d’égalité les sociétés qui viennent d’être admises à la cote, lesquelles supportent des coûts élevés, et les sociétés non cotées et non admises à la cote, cette réduction ne comporterait pas d’avantage pour les sociétés admises à la cote et n’entraînerait, de ce fait, aucune distorsion de la concurrence.

150    La Commission conteste les arguments de la République italienne.

 Appréciation du Tribunal

151    L’article 87, paragraphe 1, CE prohibe les aides qui affectent les échanges entre États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence.

152    Dans le cadre de son appréciation de ces deux conditions, la Commission est tenue, non pas d’établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 15 décembre 2005, Italie/Commission, point 69 supra, point 111, et la jurisprudence citée).

153    En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide. Il n’est donc pas nécessaire que les entreprises bénéficiaires participent elles-mêmes aux échanges intracommunautaires. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées. En outre, un renforcement d’une entreprise qui, jusqu’alors, ne participait pas à des échanges intracommunautaires peut la placer dans une situation lui permettant de pénétrer le marché d’un autre État membre (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2005, Italie/Commission, point 69 supra, points 115 et 117, et la jurisprudence citée).

154    Même une aide d’une importance relativement faible est de nature à affecter les échanges entre États membres lorsque les secteurs dans lesquels opèrent les entreprises bénéficiaires connaissent une vive concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, point 49).

155    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, dès lors qu’une autorité publique favorise une entreprise opérant dans un secteur caractérisé par une intense concurrence en lui accordant un avantage, il existe une distorsion de concurrence ou un risque d’une telle distorsion. Si l’avantage est réduit, la concurrence est faussée de manière réduite, mais elle est néanmoins faussée. Or, l’interdiction visée à l’article 87, paragraphe 1, CE s’applique à toute aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence, quel qu’en soit le montant, dans la mesure où elle affecte les échanges entre États membres (arrêt Vlaams Gewest/Commission, point 154 supra, point 46).

156    Il ressort des considérants 34 à 36 de la décision attaquée que la Commission a, conformément à la jurisprudence précitée, examiné si les mesures en cause peuvent fausser la concurrence et affecter les échanges entre États membres. Selon elle, les mesures en cause améliorent la position concurrentielle et la capacité financière des sociétés bénéficiaires, qui peuvent opérer sur des marchés internationaux et sur des marchés caractérisés par une concurrence intense, ce qui peut, en outre, favoriser des bénéficiaires italiens opérant sur des marchés où s’effectuent des échanges intracommunautaires. La Commission précise également que les sociétés bénéficiaires appartiennent à différents secteurs, tous ouverts à la concurrence internationale, depuis le secteur manufacturier jusqu’aux services d’utilité publique, et que les bénéfices des allégements fiscaux sont substantiels, pouvant atteindre jusqu’à 11,7 millions d’euros par bénéficiaire pendant les trois années d’application du régime d’aides.

157    Or, contrairement aux allégations de la République italienne, la Commission n’était pas tenue de démontrer une atteinte « permanente » à la concurrence, ni d’effectuer une enquête plus détaillée sur l’incidence substantielle des mesures en cause sur la position concurrentielle des bénéficiaires, et encore moins par rapport au chiffre d’affaires de ceux-ci. La jurisprudence n’exige pas, en effet, que la distorsion de concurrence, ou la menace d’une telle distorsion, et l’affectation des échanges intracommunautaires soient sensibles ou substantielles (arrêt Diputación Foral de Álava e.a./Commission, point 120 supra, point 78). Par ailleurs, ainsi qu’il a été exposé aux points 155 et 156 ci-dessus, la circonstance, évoquée par la République italienne, concernant la faible importance de l’aide n’est pas pertinente en l’espèce, dès lors que les entreprises bénéficiaires opèrent dans des secteurs ouverts à la concurrence.

158    De plus, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 87 ci‑dessus, s’agissant d’une aide n’ayant pas été notifiée à la Commission, la décision constatant l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun ne doit pas être obligatoirement fondée sur la démonstration de l’effet réel de cette aide sur la concurrence ou les échanges entre États membres.

159    En outre, contrairement à ce que soutient la République italienne, le fait que certaines des entreprises bénéficiaires pouvaient opérer sur des marchés qui ne relèvent que d’un intérêt national n’imposait pas non plus à la Commission d’effectuer une analyse approfondie.

160    En tout état de cause, ainsi qu’il a été exposé au point 69 ci-dessus, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales de celui‑ci sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d’aide. La circonstance que, le cas échéant, il profite également à des bénéficiaires qui n’opèrent que sur des marchés d’intérêt national ne remet pas en cause cette constatation, suffisante aux fins de l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE à un régime d’aides (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 décembre 2005, Italie/Commission, point 69 supra, points 91 et 92, et la jurisprudence citée).

161    S’agissant de l’argument de la République italienne tiré de ce que la réduction du taux d’impôt viserait, en substance, à neutraliser le désavantage que les entreprises bénéficiaires supporteraient du fait de leur cotation, il importe de relever que le fait que les mesures étatiques en cause visent à compenser des surcoûts que les entreprises bénéficiaires auraient assumés à la suite de leur admission à la cote ne peut les faire échapper à la qualification d’aide au sens de l’article 87 CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 octobre 1999, France/Commission, C‑251/97, Rec. p. I‑6639, point 47).

162    Enfin, en ce qui concerne la distinction que la République italienne tente d’effectuer entre aides au fonctionnement et aides de portée structurelle, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence citée aux points 152 à 155 ci-dessus, elle est dépourvue de pertinence aux fins de l’examen du présent moyen. En effet, tout octroi d’aides à une entreprise qui exerce ses activités sur le marché communautaire est susceptible de causer des distorsions de concurrence et d’affecter les échanges entre États membres (arrêt Diputación Foral de Álava e.a./Commission, point 120 supra, point 72).

163    Partant, le quatrième moyen doit également être rejeté comme non fondé, en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE.

 Sur la qualification des mesures en cause d’aides au fonctionnement et leur incompatibilité avec le marché commun

 Arguments des parties

164    La République italienne conteste l’appréciation de la Commission s’agissant de l’incompatibilité du régime d’aides avec le marché commun.

165    Premièrement, elle fait valoir que, à supposer même que les mesures en cause constituent des aides au fonctionnement, cela n’empêcherait pas qu’elles rentrent dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. À cet égard, la République italienne invoque également la décision 2000/410/CE de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant le régime d’aides que la France envisageait de mettre à exécution en faveur du secteur portuaire français (JO 2000, L 155, p. 52), dans laquelle la Commission aurait admis la légalité d’une aide au fonctionnement sur la base d’un certain nombre de circonstances – telles que l’impact économique limité de l’aide, la circonstance que les bénéficiaires étaient des petites et moyennes entreprises et l’absence d’objection de la part des tiers intéressés –, qui seraient également présentes en l’espèce. La Commission aurait donc dû admettre la légalité du régime d’aides en cause ou, à tout le moins, motiver spécifiquement sa conclusion quant à l’incompatibilité de celui-ci avec le marché commun, qui ne saurait se fonder sur la qualification de celui-ci d’aide au fonctionnement.

166    Deuxièmement, la République italienne soutient que les mesures en cause constituent en toute hypothèse des aides à l’investissement, car la cotation en bourse comporte des dépenses inhérentes à une opération de renforcement patrimonial et structurel de la société bénéficiaire et donc des coûts à effet durable, à savoir des investissements.

167    Troisièmement, la République italienne considère que l’objectif poursuivi par les mesures en cause, à savoir augmenter et promouvoir les cotations en bourse, est un objectif spécifique de politique économique susceptible de relever de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

168    La Commission conteste les arguments de la République italienne.

 Appréciation du Tribunal

169    Il convient de rappeler que la Commission jouit, pour l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou du détournement de pouvoir (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec. p. I‑3679, point 83, et la jurisprudence citée).

170    Il ressort, en outre, de la jurisprudence que c’est dans le seul cadre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide nouvelle ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation et non au regard d’une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à la supposer établie (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, Rec. p. I‑9975, points 52 et 53, et arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 177).

171    En l’espèce, la Commission a, au considérant 45 de la décision attaquée, conclu à la qualification des mesures en cause d’aides au fonctionnement ne relevant pas de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, concernant le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, et donc incompatibles avec le marché commun, en précisant que « [l]es avantages fiscaux octroyés par le régime en cause ne sont pas liés à des investissements spécifiques, à la création d’emplois ou à des projets spécifiques ».

172    Or, une telle constatation ne saurait être considérée comme entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, les mesures en cause ne visent pas à favoriser le développement d’une activité ou d’une région économique, mais la simple réduction des charges normalement supportées par les entreprises concernées dans le cadre de leur activité économique.

173    S’agissant, tout d’abord, de la possibilité que le régime d’aides, même en tant qu’aide au fonctionnement, puisse, comme le prétend la République italienne, être considéré comme compatible avec le marché commun, il convient de rappeler que, en principe, les aides au fonctionnement ne relèvent pas du champ d’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, car elles faussent les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées sans pour autant être capables, par leur nature même, d’atteindre l’un des buts fixés par cette disposition (voir arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, Rec. p. II‑1675, point 48, et la jurisprudence citée).

174    Ces aides ne peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun que dans des cas exceptionnels. Or, ainsi qu’il ressort du dossier et de la décision attaquée, ces cas exceptionnels n’étaient pas envisageables en l’espèce et n’ont pas non plus été allégués par les autorités italiennes, auxquelles il incombait de fournir tous les éléments susceptibles de permettre à la Commission de vérifier que les conditions de la dérogation demandée étaient remplies (voir, en ce sens, arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 170 supra, point 129, et la jurisprudence citée). Cette constatation ne saurait, par ailleurs, être remise en cause par la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à la supposer établie, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 170 ci‑dessus.

175    S’agissant, ensuite, de la prétendue nature d’aides à l’investissement des mesures en cause, c’est à juste titre que, ainsi qu’il a été exposé au point 171 ci‑dessus, la Commission a exclu cette qualification au vu du fait que les avantages fiscaux octroyés ne sont pas liés à des investissements spécifiques, à la création d’emplois ou à des projets particuliers. D’ailleurs, il y a lieu de constater que la République italienne n’a apporté aucun élément à l’appui de son allégation quant à cette qualification.

176    S’agissant, enfin, du fait que les mesures pourraient être justifiées en tant que mesures visant à augmenter et à promouvoir les cotations en bourse, il convient de distinguer l’appréciation concernant la réduction d’impôt, prévue à l’article 11 du DL 269/2003, de celle relative à la déduction du revenu imposable des coûts de cotation s’ajoutant à la déduction normale de ces mêmes coûts, prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003.

177    La réduction d’impôt étant liée aux revenus globaux des bénéficiaires, elle n’est pas directement liée aux coûts de la cotation ou à d’autres prétendus désavantages découlant de l’admission à la cote. Par conséquent, elle ne peut en aucun cas être qualifiée de mesure visant à promouvoir la cotation en bourse. La Commission n’a dès lors pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

178    En revanche, la déduction du revenu imposable, prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du DL 269/2003, dans la mesure où elle est liée à des coûts inhérents à la cotation, pourrait, en principe, être considérée comme visant à promouvoir la cotation en bourse. Il convient donc d’examiner si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en alléguant que ladite mesure ne poursuivait pas un objectif susceptible d’être visé par l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

179    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social, qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (voir point 169 ci-dessus).

180    Il convient également de rappeler que les aides au fonctionnement ne sont pas considérées comme étant de nature à contribuer à la réalisation de l’un des objectifs visés à l’article 87, paragraphe 3, CE et ne peuvent être autorisées que dans des cas exceptionnels, comme précisé au point 174 ci-dessus.

181    Or, la Commission a exclu, en l’espèce, que les mesures en cause puissent être justifiées dans le cadre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, car elles constituent des aides au fonctionnement. En particulier, la Commission précise que « [l]es avantages fiscaux octroyés par le régime […] constituent simplement une réduction des charges qui doivent normalement être supportées par les entreprises concernées dans le cadre de leurs activités économiques et doivent donc être considérées comme des aides d’État au fonctionnement qui sont incompatibles avec le marché commun » (considérant 45 de la décision attaquée).

182    En effet, contrairement à ce que soutient la République italienne, la cotation en bourse, en elle-même, n’est pas un investissement spécifique, puisqu’elle ne constitue pas une dépense en investissements matériels ou immatériels, ni une dépense pour l’engagement de nouveau personnel lié à un nouvel investissement. Il s’agit, plutôt, d’une opération complexe par laquelle les sociétés qui se font coter poursuivent des objectifs financiers, liés à l’accès à des sources de capital déterminées.

183    Par ailleurs, la seule circonstance que les mesures en cause visent à augmenter le nombre de sociétés cotées en bourse − ce qui, selon la République italienne, constitue un objectif de politique économique nationale − ne saurait suffire à les faire relever de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. En effet, comme le Tribunal l’a constaté, les aides en cause ne remplissent pas les deux conditions selon lesquelles les aides doivent être destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques et ne doivent pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

184    Il y a dès lors lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les mesures en cause constituent des aides au fonctionnement incompatibles avec le marché commun et ne relèvent pas de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

185    Partant, il convient de rejeter également le cinquième moyen, en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

186    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, aucun des moyens invoqués par la République italienne ne pouvant être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

187    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République italienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 septembre 2009.

Table des matières


Antécédents du litige

1.  Mesures nationales en cause

2.  Procédure administrative et décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la violation du principe du contradictoire

Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation du principe du contradictoire en ce qui concerne la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la branche du troisième moyen tirée de la violation du principe du contradictoire

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur le défaut de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le défaut de motivation, tiré de ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de l’existence dans l’ordre juridique italien d’une mesure présentant des caractéristiques analogues aux mesures en cause

Sur le défaut de motivation de la décision attaquée quant au caractère sélectif des mesures en cause

Sur le défaut de motivation de la décision attaquée quant à l’incidence des mesures en cause sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires

Sur le défaut de motivation de la décision attaquée quant à l’incompatibilité des mesures en cause avec le marché commun

3.  Sur la violation de l’article 87 CE

Sur la sélectivité de l’avantage octroyé aux sociétés nouvellement cotées en bourse

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur le caractère a priori sélectif des mesures en cause

–  Sur la justification des mesures en cause par la nature et l’économie du système fiscal italien

Sur l’incidence des mesures en cause sur les échanges intracommunautaires et la concurrence

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la qualification des mesures en cause d’aides au fonctionnement et leur incompatibilité avec le marché commun

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.