Language of document : ECLI:EU:T:2013:481

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 septembre 2013 (*)

« Aides d’État – Rémunération des fonds provenant des comptes courants postaux et placés auprès du Trésor italien – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Avantage »

Dans l’affaire T‑525/08,

Poste Italiane SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Mes A. Fratini, A. Sandulli et F. Filpo, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Cattabriga et M. D. Grespan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2009/178/CE de la Commission, du 16 juillet 2008, relative à l’aide d’État C 42/06 (ex NN 52/06) que l’Italie a mise à exécution pour rémunérer les comptes courants de Poste Italiane ouverts auprès du Trésor (JO 2009, L 64, p. 4),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, S. Soldevila Fragoso (rapporteur) et M. van der Woude, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 octobre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, les Poste Italiane SpA, est une entreprise contrôlée par l’État italien. Elle assure le service postal universel et exerce des activités bancaires sur l’ensemble du territoire italien.

2        Les activités bancaires de la requérante ne sont pas comprises dans ses obligations de service d’intérêt économique général. Elles sont gérées par un département entièrement intégré, BancoPosta, qui propose un service de compte courant postal. Depuis 2001, les caractéristiques de ce service sont semblables à celles d’un compte courant classique.

3        En outre, la requérante assure le placement de divers produits financiers et d’investissement, dont des contrats d’assurance émis par sa filiale à 100 %, les Poste Vita SpA.

4        Le service des comptes courants postaux était essentiellement régi par une loi de 1917 (GURI n° 219, du 6 septembre 1917), modifiée par décret législatif du Lieutenant nº 822, du 22 novembre 1945 (GURI n° 12, du 15 janvier 1946). Ce décret prévoyait l’obligation de verser sur un compte courant productif d’intérêts, domicilié auprès de la Cassa Depositi et Prestiti (Caisse des dépôts et des prêts), les fonds collectés via les comptes courants postaux (ci-après l’« obligation d’utilisation »). À la suite d’un décret du 5 décembre 2003 (GURI n° 288 du 12 décembre 2003), le ministère de l’Économie et des Finances italien (ci-après le « Trésor ») a succédé à la Cassa Depositi et Prestiti dans la gestion des rapports en cours découlant du service des comptes courants postaux.

5        La loi n° 266, du 23 décembre 2005 [GURI n° 302, du 29 décembre 2005 ? supplément ordinaire à la GURI n° 211 (ci-après la « loi de finances pour 2006 »)], dotée d’un effet rétroactif à partir du 1er janvier 2005, prévoyait que le Trésor et la requérante devaient déterminer les paramètres de marché et les modalités de calcul du taux de rémunération que la requérante percevrait pour le dépôt auprès du Trésor des liquidités issues des comptes courants postaux.

6        Sur ce point, la loi de finances pour 2006 a été mise en œuvre par une convention du 23 février 2006 liant le Trésor à la requérante (ci-après la « convention ») qui est entrée en vigueur rétroactivement, à partir du 1er janvier 2005.

7        La convention définissait les modalités de calcul des taux de rémunération des comptes courants postaux déposés auprès du Trésor jusqu’au 4 avril 2009. La rémunération annuelle était calculée essentiellement comme la moyenne pondérée des rendements moyens annuels des Buoni del Tesoro Poliennali (bons du Trésor pluriannuels, ci-après les « BTP ») à 30 ans (pour 80 % du dépôt) et à 10 ans (pour 10 % du dépôt), et des Buoni Ordinari del Tesoro (bons ordinaires du Trésor, ci-après les « BOT ») à 12 mois (pour 10 % du dépôt). Les rendements moyens annuels des titres d’État utilisés dans la convention étaient obtenus en calculant la moyenne arithmétique simple des taux de rémunération relevés le 1er et le 15 de chaque mois. La réactualisation des paramètres effectuée tous les 15 jours impliquait que les rendements étaient fluctuants.

8        Les intérêts ainsi calculés correspondant aux années 2005 et 2006, de 3,9 % et de 4,25 %, ont été versés à la requérante respectivement en 2006 et en 2007.

9        La loi n° 296, du 27 décembre 2006 (GURI n° 299, du 27 décembre 2006, a modifié la loi de finances pour 2006 ainsi que la portée de l’obligation d’utilisation. En vertu de la nouvelle loi, les fonds provenant des comptes courants postaux appartenant à des clients privés devaient être investis dans des obligations d’État de la zone euro. L’obligation d’utilisation a été retenue uniquement pour les fonds provenant des comptes courants postaux appartenant à l’administration (environ 25 à 30 % des fonds totaux).

10      Par lettre du 30 décembre 2005, l’Associazione Bancaria Italiana (association bancaire italienne) a déposé une plainte auprès de la Commission des Communautés européennes à l’encontre de la requérante. Selon elle, le dépôt auprès du Trésor des fonds provenant des comptes courants postaux (taux d’intérêt créditeur) rapportait à la requérante un intérêt d’environ 4 %, alors que BancoPosta rémunérait les comptes courants à un taux d’environ 1 % (taux d’intérêt débiteur). L’écart positif entre le taux d’intérêt débiteur et le taux d’intérêt créditeur serait plus élevé que celui observé sur le marché et constituerait dès lors une aide d’État.

11      Par lettre du 26 septembre 2006, la Commission a notifié à la République italienne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE en ce qui concerne l’aide d’état accordée par les autorités italiennes en faveur des Poste Italiane – BancoPosta [aide C 42/2006 (ex NN 52/2006)]. Ladite décision est publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 29 novembre 2006 (C 290, p. 8) dans la langue faisant foi (l’italien), précédé d’un résumé dans les autres langues officielles.

12      Les autorités italiennes ont présenté leurs observations, des compléments d’information et les réponses aux questions de la Commission par lettres des 31 octobre et 29 décembre 2006, des 16 février, 30 mars, 2 avril, 1er juin et 27 novembre 2007, et des 29 février, 7 mars et 23 avril 2008. Elles ont fait valoir, en substance, que le taux de rémunération prévu par la convention avait été fixé en fonction de paramètres de marché et qu’il n’accordait aucun avantage à la requérante, d’autant plus que, en l’absence de l’obligation d’utilisation, cette dernière aurait pu réaliser une allocation d’actifs qui aurait pu lui apporter des rendements supérieurs.

13      Le 16 juillet 2008, la Commission a adopté la décision 2009/178/CE relative à l’aide d’État C 42/06 (ex NN 52/06) que l’Italie a mise à exécution pour rémunérer les comptes courants des Poste Italiane ouverts auprès du Trésor (JO 2009, L 64, p. 4, ci-après la « décision attaquée »).

14      Dans cette décision, la Commission a conclu que la rémunération octroyée par le Trésor à la requérante constituait une aide d’État incompatible avec le marché commun et a ordonné sa récupération.

15      Afin d’établir l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, la Commission s’est, dans un premier temps, fondée sur une comparaison entre le taux payé par le Trésor à la requérante en vertu de la convention (ci‑après le « taux de la convention ») et le taux que, selon elle, aurait fixé un emprunteur privé diligent dans une économie de marché dans des conditions comparables (ci-après le « taux de l’emprunteur privé ») (considérants 119 à 180 de la décision attaquée).

16      Selon la Commission, un emprunteur privé diligent aurait tenu compte de quatre paramètres afin de déterminer le taux à accorder, à savoir la masse des fonds déposés, la stabilité de ces fonds, la durée moyenne du dépôt des fonds et les risques financiers supportés (considérant 119 de la décision attaquée).

17      Concernant, en premier lieu, la masse des fonds déposés, la Commission a considéré qu’elle atteignait une somme de 35 milliards d’euros. La Commission a souligné l’importance d’un prêt de ce montant accordé par un seul prêteur. Toutefois, elle a indiqué que le Trésor avait émis des titres de dette pour un montant total de 400 milliards d’euros durant la période allant de 2001 à 2005 et que la demande de ces titres avait été supérieure à l’offre, de sorte qu’il n’était pas possible de parler d’une pénurie de fonds sur le marché pendant cette période (considérant 124 de la décision attaquée).

18      Concernant, en deuxième lieu, la stabilité des fonds déposés, la Commission a considéré que 10 % de la masse des fonds déposés étaient volatiles et 90 % étaient stables (considérant 133 de la décision attaquée).

19      Concernant, en troisième lieu, la durée du dépôt des fonds en question, la Commission a opéré une distinction entre la gestion passive, découlant de l’obligation d’utilisation, et la gestion active de ces fonds, qui aurait été possible en l’absence d’une telle obligation. S’agissant de la gestion passive, un emprunteur privé diligent aurait pris en compte la probabilité du maintien de cette obligation dans le temps afin de déterminer le taux de rémunération à accorder. En raison des modifications de la législation nationale, un emprunteur privé diligent aurait considéré que l’obligation d’utilisation serait modifiée dans un délai maximal de cinq ans et aurait tenu compte de ce délai dans le mécanisme de détermination du taux accordé. En ce qui concerne la gestion active, la Commission a indiqué qu’un emprunteur privé aurait également tenu compte d’un délai maximal de cinq ans pour la collecte. Dans ces conditions, selon la Commission, un emprunteur privé aurait fondé la rémunération de la composante stable de la collecte (90 %) sur le rendement des BTP à cinq ans (au lieu de 30 ou 10 ans comme dans la convention). S’agissant de la composante volatile de la collecte, la Commission a également considéré qu’un emprunteur privé aurait choisi d’indexer la rémunération sur des BOT à trois mois et des instruments à très court terme (au lieu des BOT à douze mois choisis dans la convention) (considérants 136 à 165 de la décision attaquée).

20      Concernant, en quatrième lieu, les risques financiers qui seraient liés au dépôt des fonds provenant des comptes courants postaux auprès du Trésor, la Commission a constaté l’existence d’un risque de liquidité (ou risque de financement) qui, selon elle, était supporté par le Trésor, et non par la requérante. En effet, la Commission a relevé que, dans l’hypothèse où les titulaires d’un compte courant rappelleraient toutes les sommes déposées, c’était le Trésor qui devait fournir à la requérante les fonds nécessaires pour honorer la demande. Dans un tel cas, la requérante ne serait donc pas tenue de recourir à l’autofinancement (considérants 166 à 176 de la décision attaquée).

21      La Commission a conclu, au considérant 178 de la décision attaquée que, « vu que les instruments benchmarks utilisés dans la convention [avaient] des durées plus longues que les instruments benchmarks ‘du marché’, et par conséquent des rendements supérieurs pendant la durée prise en compte, et que la répartition du risque profit[ait] à [la requérante] davantage que dans l’hypothèse où l’on prendrait en compte le risque sur les liquidités déposées, le taux [de la convention] conf[érait] un avantage à [la requérante] ». Ainsi qu’il ressort des données indiquées au tableau 6a de la décision attaquée, le Trésor aurait accordé à la requérante un taux supérieur à celui qui aurait été accordé par un emprunteur privé, de 1,09 % en 2005, de 0,65 % en 2006 et de 0,47 % en 2007. Les autres critères prévus par l’article 87, paragraphe 1, CE étant considérés également comme remplis (considérants 95 à 112 de la décision attaquée), la Commission a conclu à l’existence d’une aide d’État en faveur de la requérante (considérant 179 de la décision attaquée).

22      À titre subsidiaire, « pour être tout à fait complet, et dans une optique téléologique », la Commission, dans un second temps, a examiné les arguments avancés par les autorités italiennes pendant la procédure administrative, selon lesquels, dans l’hypothèse d’une absence d’obligation d’utilisation, les investissements alternatifs que la requérante aurait pu effectuer auraient offert un rendement similaire, voire supérieur, au taux de la convention (considérants 181 à 229 de la décision attaquée).

23      Les autorités italiennes avaient invoqué, en substance, quatre arguments en ce sens.

24      En premier lieu, selon les autorités italiennes, la requérante aurait pu, en l’absence d’obligation d’utilisation, investir les liquidités issues des comptes courants postaux dans des instruments similaires à ceux utilisés par ses services d’assurance, en particulier par sa filiale les Poste Vita. Ces investissements auraient donné lieu à une rémunération similaire au taux de la convention. Les autorités italiennes se sont appuyées, à cet égard, sur certaines lettres d’intermédiaires financiers [voir considérant 184, sous i), de la décision attaquée, qui renvoie aux considérants 73 à 76 de ladite décision].

25      En deuxième lieu, la requérante aurait pu diversifier son portefeuille d’investissement sur la base du risque de crédit. Ainsi, par exemple, les titres des sociétés financières et industrielles européennes dotés de la notation AA auraient des rendements plus élevés que les titres gouvernementaux [voir considérant 184, sous ii), de la décision attaquée, qui renvoie au considérant 85, sous i), de ladite décision].

26      En troisième lieu, la requérante aurait pu opter pour une gestion active de ses fonds, ce qui aurait été susceptible de lui procurer une rémunération plus avantageuse que le taux de la convention. Pour étayer cette thèse, les autorités italiennes se sont appuyées sur une étude commanditée à une banque privée (ci‑après l’« étude sur la gestion alternative »), qui avait effectué une analyse numérique destinée à démontrer la valeur d’une gestion active du portefeuille. Dans le cadre de cette étude, l’auteur avait évoqué, notamment, l’exemple de la gestion active de fonds similaires menée en 2005 par Efiposte, la société financière de l’opérateur postal français La Poste [voir considérant 184, sous iii), de la décision attaquée, qui renvoie au considérant 85, sous iv), de ladite décision].

27      En quatrième lieu, les autorités italiennes avaient fait valoir que l’écart positif entre le taux d’intérêt débiteur et le taux d’intérêt créditeur serait, dans le cas de certaines banques privées, sensiblement supérieur à celui constaté pour la requérante. En outre, selon les autorités italiennes, il serait possible de rapprocher la transformation des échéances réalisée par la requérante avec celle des banques qui emploieraient leurs fonds à l’octroi de prêts au secteur public. Or, ces banques appliqueraient la même politique que la requérante en utilisant leurs fonds dans des activités à long terme du secteur public et en se finançant en partie sur le court terme et en partie sur le long terme [voir considérant 186 de la décision attaquée, qui renvoie au considérant 85, sous ii) et iii), de ladite décision].

28      La Commission a fait observer, au considérant 185 de la décision attaquée, d’une part, que les alternatives d’investissement évoquées par les autorités italiennes n’étaient pas pertinentes dans le cadre de l’examen de l’existence d’une aide d’État en faveur de la requérante et, d’autre part, que leur résultat ne pouvait être utilisé pour démontrer que la convention ne conférait aucun avantage à la requérante. La Commission a ajouté, au considérant 187 de la décision attaquée, que les autres éléments de comparaison établis par les autorités italiennes n’étaient pas significatifs.

29      En premier lieu, s’agissant des produits d’assurance, la Commission a rejeté leur comparabilité avec les comptes courants postaux (considérants 190 et 191 de la décision attaquée).

30      Toutefois, la Commission a procédé à titre subsidiaire, aux considérants 192 à 199 de la décision attaquée, à une comparaison entre le taux de la convention et le rendement moyen obtenu par la gestion de la « Posta Più » et d’un second produit d’assurance des Poste Vita, la « Posta Valore ». À la suite de son analyse, la Commission a conclu, contrairement aux autorités italiennes, que cette comparaison « ne prouv[ait] pas que la convention ne conf[érait] aucun avantage à [la requérante] » (considérant 199 de la décision attaquée).

31      En deuxième lieu, s’agissant des stratégies d’investissement alternatives diversifiées en termes de risques de crédit évoquées par les autorités italiennes, la Commission a également rejeté, aux considérants 200 à 204 de la décision attaquée, la pertinence d’une comparaison entre celles-ci et le mécanisme de la convention.

32      En troisième lieu, s’agissant des modalités de gestion active, d’une part, la Commission a rejeté, aux considérants 205 et 206 de la décision attaquée, la pertinence de la comparaison du taux de la convention avec la rémunération obtenue en 2005 par Efiposte.

33      D’autre part, la Commission a également contesté, aux considérants 207 et 209 de la décision attaquée, la comparabilité du taux de la convention avec les rendements issus des modalités de gestion active de fonds du type « système de trading » définies par les autorités italiennes sur la base de l’étude sur la gestion alternative.

34      Même si la Commission n’a pas admis la pertinence de cette étude ni la comparabilité des données sur la base desquelles elle est fondée avec les paramètres de la convention, elle a toutefois constaté que, pendant la période de la convention (soit la période allant de 2005 à 2007), le taux de la convention, ainsi que le taux de l’emprunteur privé, avaient été plus élevés que les rendements découlant de la gestion active des fonds illustrée par ladite étude [voir considérant 208, sous iv), de la décision attaquée]. La Commission a également fait observer que le rendement implicite obtenu par la requérante en 2007, dans le cadre de sa gestion active des liquidités issues des comptes courants postaux, était, abstraction faite des gains en capital, inférieur au taux de la convention et au taux de l’emprunteur privé [voir considérant 208, sous v), de la décision attaquée].

35      En quatrième lieu, la Commission a contesté, aux considérants 210 à 225 de la décision attaquée, la pertinence de la comparaison réalisée par les autorités italiennes entre, d’une part, l’écart positif entre le taux d’intérêt débiteur et le taux d’intérêt créditeur de la requérante et celui d’autres banques privées et, d’autre part, les transformations des échéances de la requérante et celles de certains opérateurs spécialisés dans les financements destinés au secteur public. Selon la Commission, ces comparaisons ne prouveraient pas que la convention ne confère aucun avantage à la requérante.

36      Eu égard à ce qui précède, la Commission a conclu, au considérant 228 de la décision attaquée, que « les possibilités alternatives d’investissement en l’absence d’obligation d’utilisation [évoquées par les autorités italiennes] n’auraient pas permis à [la requérante] d’atteindre, durant la période de référence, des rendements supérieurs ou identiques à ceux prévus par la convention, dans une perspective risque/rendement ».

37      Dans le cadre d’une série d’observations complémentaires, la Commission a ajouté, aux considérants 233 à 235 de la décision attaquée, que la comparaison présentée par les autorités italiennes entre le taux de la convention et le coût de la dette à moyen ou long terme du Trésor n’était pas non plus concluante.

38      Le dispositif de la décision attaquée comprend les dispositions suivantes :

« Article premier

Le régime d’aides d’État relatif à la rémunération des comptes courants de [la requérante] auprès du Trésor italien, institué par la loi n° 266 du 23 décembre 2005 et par la convention du 23 février 2006 entre le [Trésor] et [la requérante] que [la République italienne] a illégalement mis à exécution en violation de l’article 88, paragraphe 3, [CE], est incompatible avec le marché commun.

Article 2

[La République italienne] supprime le régime visé à l’article 1er, avec effet à compter de la date d’adoption de la présente décision.

Article 3

1. [La République italienne] procède à la récupération auprès du bénéficiaire de l’aide incompatible octroyée dans le cadre du régime visé à l’article 1er.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

39      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 décembre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

40      Deux membres de la chambre étant empêchés de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, deux autres juges pour compléter la chambre.

41      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 25 octobre 2012.

42      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

43      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

44      La requérante invoque quatre moyens à l’appui de son recours, tirés, en substance, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la détermination du taux de l’emprunteur privé, l’existence d’un avantage et l’appréciation des investissements alternatifs, le troisième, d’une violation des articles 12 CE et 87 CE en ce que la Commission n’a pas examiné si l’intervention étatique litigieuse conférait un avantage à la requérante ou si elle était susceptible de fausser la concurrence dans le contexte de la mission de service universel qui pesait sur elle et, enfin, le quatrième, d’une violation des principes généraux de confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité au motif que la Commission a ordonné la récupération de l’aide. Toutefois, lors de l’audience, la requérante a renoncé à son troisième moyen.

45      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le deuxième moyen.

46      Selon une jurisprudence constante, la qualification d’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE requiert que toutes les conditions visées par cette disposition soient remplies. Ainsi, pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou faite au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, Rec. p. I‑7831, points 38 et 39, et la jurisprudence citée).

47      S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel de la décision attaquée au regard de l’article 87, paragraphe 1, CE, il ressort de la jurisprudence que la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans cette disposition, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union européenne doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêts de la Cour du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C‑83/98 P, Rec. p. I‑3271, point 25, et du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10505, point 111).

48      À cet égard, il importe aussi de relever que, dans le domaine des aides d’État, si la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique qui doivent être effectuées dans le cadre de l’Union, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation effectuée par la Commission de données de nature économique. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, Rec. p. I‑7763, points 64 et 65).

49      Cependant, il n’appartient pas au juge de l’Union, dans le cadre de ce contrôle, de substituer son appréciation économique à celle de la Commission. En effet, le contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission est un contrôle restreint qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt Commission/Scott, point 48 supra, point 66, et la jurisprudence citée).

50      En l’espèce, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le taux de la convention lui avait conféré un avantage.

51      Il ressort de ce qui a été exposé aux points 15 à 21 ci-dessus que la Commission a considéré que la requérante avait bénéficié d’un tel avantage dans la mesure où le taux de la convention était supérieur au taux de l’emprunteur privé.

52      La requérante présente, en substance, deux griefs à l’encontre de cette conclusion de la Commission.

53      Par son premier grief, la requérante fait valoir que le calcul du taux de l’emprunteur privé, effectué par la Commission aux considérants 119 à 180 de la décision attaquée, est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

54      Au soutien de ce grief, elle invoque, en substance, trois arguments. Premièrement, contrairement à ce que la Commission affirme, il n’existerait pas un risque de liquidité spécifique pesant sur le Trésor qui devrait être reflété dans le taux de la convention. Deuxièmement, s’agissant du mode de détermination du taux de l’emprunteur privé, la requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle un emprunteur privé aurait fondé la rémunération de la composante stable de la collecte (90 %) sur le rendement des BTP à cinq ans (au lieu de 30 ou 10 ans). En effet, la Commission ne pouvait pas ignorer le cadre législatif existant et fixer un taux de l’emprunteur privé indépendamment de l’obligation d’utilisation. En outre, la Commission aurait tiré des conséquences erronées d’une étude fournie par les autorités italiennes quant à la durée de la collecte dans le cadre d’une gestion active. Par ailleurs, le mode de fixation du taux de l’emprunteur privé dans la partie relative à l’investissement de la composante volatile de la collecte postale serait également entaché d’erreur. Troisièmement, la requérante fait valoir que l’application du critère de l’investisseur privé requiert, par définition, un élément de comparaison sur le marché. La Commission aurait, en revanche, appliqué son propre taux de l’emprunteur privé, fondé sur des critères extrêmement rigides, sans se référer à aucun opérateur de référence, sans s’appuyer sur l’évaluation d’un expert (et même en rejetant les paramètres de comparaison recueillis par les autorités italiennes) et sans prêter attention aux caractéristiques spécifiques du cas d’espèce.

55      Par son second grief, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, la Commission ne pouvait pas conclure à l’existence d’un avantage au bénéfice de la requérante sur la base du simple constat d’un écart positif entre le taux de la convention et le taux de l’emprunteur privé. Ce constat ne dispensait pas la Commission de vérifier si la requérante avait perçu un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. Or, la Commission aurait réfuté à tort, aux considérants 181 à 228 de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par les autorités italiennes qui démontraient que la requérante avait été pénalisée par la convention par rapport aux rendements plus élevés qu’elle aurait pu obtenir sur le marché en l’absence d’obligation d’utilisation.

56      Il convient d’examiner d’abord le second grief de la requérante, en liaison avec le dernier argument qu’elle a soulevé dans le cadre de son premier grief.

57      La requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu suffisamment compte de l’impact de l’obligation d’utilisation lorsqu’elle a conclu à l’existence d’un avantage économique. Selon la requérante, même dans l’hypothèse où la Commission aurait correctement déterminé le niveau du taux de l’emprunteur privé, elle aurait dû effectuer une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’intervention étatique dont il était question, ainsi que de son contexte, pour vérifier si cette intervention était susceptible de lui procurer un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales. À cet égard, la Commission aurait dû examiner si la requérante aurait pu obtenir un rendement supérieur au taux de la convention si elle avait pu investir les fonds provenant des comptes courants postaux selon les critères de marché, en l’absence de l’obligation d’utilisation.

58      La Commission rétorque qu’elle n’a pas fait abstraction de l’obligation d’utilisation dans la décision attaquée. La Commission souligne que, en l’absence de cette obligation, la requérante aurait pu retirer immédiatement les fonds déposés auprès du Trésor. Par conséquent, en l’absence de cette obligation, un emprunteur rationnel aurait rémunéré ce dépôt comme toute banque rémunère un dépôt à vue. La Commission estime qu’elle a tenu compte de cet aspect dans le calcul du taux de l’emprunteur privé, en examinant de quelle manière un emprunteur privé, à la place du Trésor, aurait évalué la probabilité de maintien de l’obligation d’utilisation. En revanche, la requérante n’ayant pas la possibilité d’investir autrement les fonds couverts par cette obligation pour autant qu’elle continue à exister, il n’y avait pas lieu, selon la Commission, de déterminer si ces fonds auraient pu être investis de façon plus rémunératrice. La Commission souligne l’existence d’une certaine contradiction dans les arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, le Trésor aurait dû considérer l’obligation d’utilisation comme une donnée de fait immuable et, d’autre part, la Commission aurait dû évaluer d’autres possibilités d’investissement de la requérante afin de déterminer si la rémunération découlant de la convention lui conférait un avantage. Enfin, la Commission insiste sur le fait qu’elle a appliqué le critère de l’investisseur privé avisé, qui consiste à comparer le comportement des autorités publiques à celui d’un opérateur de marché hypothétique agissant dans des circonstances analogues.

59      Il y a lieu de rappeler que, en ce qui concerne la troisième condition visée par l’article 87, paragraphe 1, CE, relative à l’existence d’un avantage en faveur du bénéficiaire de l’aide, il ressort d’une jurisprudence constante que sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être envisagées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt Commission/Deutsche Post, point 46 supra, point 40, et la jurisprudence citée).

60      Or, afin d’apprécier l’existence pour l’entreprise bénéficiaire d’un avantage qu’elle n’aurait pas pu obtenir dans des conditions de marché, la Commission est tenue de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’intervention étatique litigieuse et de son contexte, y compris de la situation de l’entreprise bénéficiaire et de l’emprunteur privé concerné. La Commission peut en particulier examiner la question de savoir si l’entreprise aurait pu se procurer auprès d’autres investisseurs des fonds comportant pour elle les mêmes avantages et, le cas échéant, à quelles conditions, dès lors qu’une mesure ne saurait constituer une aide d’État si elle ne place pas l’entreprise dans une situation plus avantageuse que celle qui serait la sienne sans l’intervention de l’autorité publique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 mars 2010, Bundesverband deutscher Banken/Commission, T‑163/05, Rec. p. II‑387, point 37, et la jurisprudence citée).

61      Enfin, les interventions étatiques prennent des formes diverses et doivent être analysées en fonction de leurs effets. Dès lors, lorsque une intervention étatique entraîne des conséquences diverses pour une entreprise, la Commission doit prendre en compte l’effet cumulatif de ces conséquences afin d’examiner l’existence d’un éventuel avantage conféré à l’entreprise bénéficiaire.

62      En l’espèce, l’intervention étatique qui, selon la Commission, aurait pu conférer un avantage à la requérante, à savoir la fixation du taux de la convention, ne peut pas être dissociée de l’imposition impartie par l’État à la requérante de l’obligation d’utilisation. Il s’agit, en réalité, d’une seule intervention étatique consistant, à la fois, à rémunérer le dépôt des fonds provenant des comptes courants postaux auprès du Trésor et, au préalable et à titre principal, à obliger la requérante à effectuer ce dépôt. Sur le plan économique, cette intervention étatique a entraîné deux conséquences différentes pour la requérante. D’une part, elle l’a privée de la possibilité, en principe ouverte à toute autre banque, d’utiliser les fonds provenant des comptes courants postaux qu’elle gère pour effectuer tout investissement conforme à la législation bancaire en vigueur qu’elle estime approprié. D’autre part, cette intervention lui a procuré une rémunération.

63      Il convient donc d’examiner si la Commission a établi, à suffisance de droit, dans la décision attaquée que l’effet cumulatif de l’intervention étatique visée au point précédent, prise dans son ensemble, est de nature à placer la requérante dans une situation plus avantageuse que si elle n’avait pas eu lieu.

64      À cet égard, il y a lieu de considérer que l’écart positif entre le taux de la convention et le taux de l’emprunteur privé constitue, certes, un indice de l’existence d’un avantage en faveur de la requérante, mais que, eu égard aux circonstances de l’espèce, il ne suffit pas à en établir l’existence.

65      En effet, ainsi que la requérante l’a fait valoir à juste titre, le taux de l’emprunteur privé que la Commission a défini, aux considérants 119 à 180 de la décision attaquée, n’a pas été calculé à partir d’un examen de conventions ou de mécanismes d’emprunt comparables, de par leur nature ou de par leur volume, à celui visé par la convention. Il ressort des points 15 à 21 ci-dessus que la Commission a uniquement examiné le niveau de rémunération que le Trésor aurait pu demander unilatéralement compte tenu de quatre paramètres, à savoir la masse des fonds déposés, la stabilité de ces fonds, la durée moyenne du dépôt des fonds et les risques financiers supportés. Dans ces conditions, le taux de l’emprunteur privé, défini aux considérants 119 à 180 de la décision attaquée, ne constitue pas véritablement un « taux de marché ».

66      Toutefois, quand bien même le taux de l’emprunteur privé identifié par la Commission aurait été « un taux de marché », il n’en demeurerait pas moins que, dans le contexte particulier de l’espèce, caractérisé par l’imposition de l’obligation d’utilisation qui se traduit par l’impossibilité pour la requérante d’utiliser les fonds provenant des comptes courants postaux pour effectuer tout investissement alternatif, la requérante ne saurait bénéficier d’un avantage que si elle perçoit, en application du taux de la convention, une rémunération au titre du dépôt de ces fonds supérieure au rendement qu’elle aurait pu raisonnablement obtenir dans le cadre d’une gestion libre et prudente de ceux-ci.

67      Il y a lieu de considérer également que, l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE étant une question de nature objective et faisant l’objet d’un entier contrôle juridictionnel (voir point 47 ci-dessus), la charge de la preuve de l’existence d’une telle aide incombe, en principe, à la Commission. Toutefois, celle-ci est investie d’une large marge d’appréciation dans le cadre de la comparaison qu’elle doit effectuer à cet égard entre le taux de la convention et le rendement alternatif raisonnable visé au point 66 ci-dessus celle-ci comportant une appréciation économique complexe, notamment en ce qui concerne l’examen du caractère plus ou moins raisonnable des investissements alternatifs envisagés.

68      Il s’ensuit que la Commission ne pouvait pas conclure à l’existence d’une aide d’État en faveur de la requérante sans démontrer activement que, dans l’hypothèse où celle-ci n’était plus soumise à une obligation d’utilisation, elle n’aurait pas pu obtenir raisonnablement sur le marché un taux supérieur à celui prévu par la convention à partir d’une gestion prudente des fonds couverts par cette obligation. À cet égard, la Commission pouvait avoir recours, si besoin, aux pouvoirs d’enquête dont elle dispose au titre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), ainsi que prendre en considération les investissements alternatifs mis en avant par les autorités italiennes.

69      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant, aux considérants 178 et 179 de la décision attaquée, à l’existence d’une aide d’État à partir du simple constat d’un écart positif entre le taux de la convention et le taux de l’emprunteur privé.

70      Il y a lieu toutefois d’examiner si cette erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission a eu une influence déterminante sur le résultat de l’examen de l’aide en question et doit, partant, faute pour la Commission de parvenir à démontrer par ailleurs l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, entraîner l’annulation de la décision attaquée.

71      À cet égard, il convient de rappeler que, après avoir conclu, au considérant 179 de la décision attaquée, que le taux de la convention constituait une aide d’État en faveur de la requérante, la Commission a analysé, à titre subsidiaire, les arguments avancés par les autorités italiennes selon lesquels la requérante aurait pu, en l’absence d’obligation d’utilisation, investir les liquidités issues des comptes courants postaux sous des formes plus rémunératoires que le taux de la convention.

72      Ainsi que le souligne la requérante, la Commission a essentiellement rejeté dans son analyse l’ensemble des paramètres de référence proposés par les autorités italiennes, soit parce qu’ils n’étaient pas fiables, soit parce qu’elle a jugé que les modalités d’investissement alternatifs n’étaient pas comparables (voir points 28, 29, 31 à 33 et 35 ci-dessus).

73      Sur ce point, il y a lieu de noter, à l’instar de la requérante, que certains motifs invoqués par la Commission pour contester la pertinence des éléments présentés par les autorités italiennes n’ont pas été suffisamment étayés. Il en va ainsi, notamment, de la nécessité, alléguée par la Commission, d’examiner avec une grande prudence les lettres de différentes banques et l’étude sur la gestion alternative en raison du fait que ces banques entretenaient des relations commerciales avec la requérante [voir considérant 188, sous i), de la décision attaquée]. S’il est vrai qu’une telle prudence était de mise, cela ne signifiait pas pour autant que les conclusions de ces banques étaient nécessairement erronées ou biaisées, de sorte qu’elles ne devaient pas être prises en compte. Il en va de même concernant l’affirmation de la Commission, en allusion à l’exemple d’Efiposte, selon laquelle, en cherchant à déterminer si une entreprise obtenait un avantage, la Commission ne devait pas comparer des situations qui existaient dans les divers États membres (voir points 25 et 32 ci‑dessus et considérant 205, premier tiret, de la décision attaquée). En effet, la Commission n’a indiqué aucune raison ni dans la décision attaquée ni devant le Tribunal permettant de comprendre pourquoi les placements effectués par un opérateur postal français ne pouvaient pas être pris en considération pour apprécier les rendements de la gestion active des fonds par un opérateur postal italien, d’autant plus que les marchés financiers sur lesquels ces placements s’effectuaient ne se limitaient pas aux seuls marchés nationaux, le secteur des services financiers ayant fait l’objet d’un important processus de libéralisation au niveau communautaire, qui avait accentué la concurrence pouvant résulter déjà de la libre circulation des capitaux prévue par le traité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, Rec. p. I‑289, point 145).

74      La Commission n’a pas non plus défini elle-même d’autres paramètres de référence alternatifs lui permettant de déterminer si le taux de la convention conférait un avantage à la requérante par rapport aux rendements qu’elle aurait pu obtenir sur le marché si elle n’avait pas été soumise à l’obligation d’utilisation.

75      Ainsi qu’il ressort des points 30 et 34 ci-dessus, c’est de manière exceptionnelle que la Commission a accepté, uniquement à titre subsidiaire, d’examiner le niveau de rendement de certains investissements alternatifs évoqués par les autorités italiennes en l’absence de l’obligation d’utilisation. Il s’agit, d’une part, des rendements, obtenus par les Poste Vita, des fonds provenant des produits d’assurance la « Posta Più » et la « Posta Valore » (considérants 192 à 199 de la décision attaquée) et, d’autre part, des rendements générés dans le cadre d’une gestion active des fonds provenant des comptes courants postaux évoqués dans l’étude sur la gestion alternative (considérants 207 à 209 de la décision attaquée). Sur la base de ces deux comparaisons, la Commission a conclu, au considérant 228 de la décision attaquée, que « les possibilités alternatives d’investissement en l’absence d’obligation d’utilisation n’auraient pas permis à [la requérante] d’atteindre, durant la période de référence, des rendements supérieurs ou identiques à ceux prévus par la convention, dans une perspective risque/rendement ».

76      Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner si la Commission pouvait conclure, à bon droit, sur la base de son examen de ces deux rendements alternatifs, à l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE en faveur de la requérante.

77      S’agissant, en premier lieu, de la comparaison avec les produits d’assurance, la Commission a conclu que le taux de la convention était supérieur aux rendements « nets » de la « Posta Più » et de la « Posta Valore » (considérants 196 et 197 de la décision attaquée) et que ces derniers rendements étaient comparables en moyenne, pendant la période allant de 2005 à 2007, au taux de l’emprunteur privé (considérant 199 de la décision attaquée).

78      La Commission est parvenue à cette conclusion après avoir ajusté à la baisse les données concernant le rendement des fonds provenant de ces produits d’assurance afin de tenir compte des frais de gestion liés à ces produits. En effet, la Commission a noté, au considérant 193 de la décision attaquée, que « le rendement de [la] Posta Più indiqué par [les autorités italiennes], et exprimé en montants bruts (c’est-à-dire avant comptabilisation des frais de gestion) ne [pouvait pas] être considéré comme l’équivalent de celui pouvant être obtenu par [la requérante] sur le marché en l’absence d’obligation d’utilisation » et elle a « jug[é] que le taux d’intérêt prévu par la convention se rapproch[ait] davantage d’un taux net, celui-ci étant le taux offert par l’investisseur, après déduction des frais de gestion ». À cet égard, la Commission a précisé, en note en bas de page, qu’elle « ne pens[ait] pas qu’il exist[ait] des coûts de transaction significatifs ni d’après la méthode de l’emprunteur privé ni selon la convention ».

79      La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en effectuant cet ajustement à la baisse. Selon la requérante, la Commission aurait dû comparer le rendement des fonds provenant des comptes courants postaux déposés auprès du Trésor avec le rendement des fonds provenant des contrats d’assurance, sans déduire les frais de gestion de ces produits. En effet, il ne s’agissait pas de vérifier si les comptes courants postaux étaient plus rentables que les produits d’assurance, mais de comparer les modalités d’investissement de la collecte de ces deux types de produits et leur caractère rémunérateur. Dans la réplique, la requérante précise que la Commission a comparé le rendement des produits de la Posta Vita, après déduction des frais de gestion, avec le rendement brut du dépôt effectué auprès du Trésor.

80      En réponse à ces arguments, la Commission n’a pas contesté que les frais qu’elle avait déduits du calcul correspondaient aux frais de gestion des produits d’assurance eux-mêmes. Elle s’est limitée à indiquer que cette déduction était nécessaire dans la mesure où la rémunération perçue dans le cadre de la convention était assimilable à un taux d’intérêt net, car elle « pens[ait] pas qu’il exist[ait] des coûts de transaction significatifs ni d’après la méthode de l’emprunteur privé ni selon la convention ».

81      À cet égard il y a lieu de relever que, comme la requérante le fait valoir en substance, le but de la comparaison effectuée par la Commission entre le taux de la convention et le rendement des produits d’assurance la « Posta Più » et la « Posta Valore » n’était pas de déterminer si ces produits d’assurance avaient un rendement net plus ou moins élevé que les comptes courants postaux et étaient donc plus profitables pour la requérante en amont. Le but était de comparer, en aval, le taux de la convention avec le rendement que la requérante aurait pu raisonnablement obtenir si elle avait été libre de placer les fonds provenant des comptes courants postaux sur les marchés financiers de la même façon qu’elle avait pu placer les fonds provenant des produits d’assurance.

82      Il s’ensuit que les frais de gestion associés aux comptes courants postaux et aux produits d’assurance n’étaient pas pertinents pour comparer le taux de la convention avec les possibilités d’investissement alternatives qui auraient existé en l’absence de l’obligation d’utilisation. Seuls les frais de gestion associés à l’investissement des fonds provenant de ces comptes et de ces produits auraient pu être pris en considération. Or, comme il a été indiqué ci‑dessus, la Commission n’a pas contesté que ce sont les frais de gestion associés aux produits d’assurance qui ont été déduits du rendement obtenu des liquidités issues des comptes courants postaux.

83      Il y a donc lieu de considérer que c’est à tort que la Commission a effectué cette déduction.

84      Le seul argument invoqué par la Commission pour justifier cette déduction n’infirme pas ce constat. En effet, l’affirmation selon laquelle « la Commission ne pens[ait] pas qu’il exist[ait] des coûts de transaction significatifs ni d’après la méthode de l’emprunteur privé ni selon la convention » n’est nullement étayée et ne justifie pas, en tout état de cause, la prise en compte des frais de gestion des produits ayant généré les fonds dont la gestion financière est comparée sur le plan de la rentabilité.

85      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la comparaison, effectuée par la Commission, à titre subsidiaire, aux considérants 192 à 199 de la décision attaquée, entre le taux de la convention et les rendements « nets » des produits d’assurance n’était pas pertinente pour démontrer l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et cela d’autant plus que la Commission avait nié elle-même la pertinence de cette comparaison.

86      S’agissant, en second lieu, de la comparaison entre le taux de la convention et les rendements générés dans le cadre de la gestion active des fonds évoquée dans l’étude sur la gestion alternative, la Commission a conclu, au considérant 209 de la décision attaquée, que, « en 2005-2007, période d’application de la convention, il apparai[ssait] que la gestion active des fonds aurait des rendements inférieurs à ceux de la convention et à ceux résultant de l’application de la méthode de l’emprunteur privé ».

87      Comme indiqué au point 34 ci-dessus, il ressort en substance de la décision attaquée que la Commission a fondé cette conclusion sur deux constats.

88      Premièrement, la Commission a considéré que le taux de la convention, ainsi que le taux de l’emprunteur privé, avaient été plus élevés pendant la période d’application de la convention (soit la période allant de 2005 à 2007) que le rendement obtenu dans cette période dans le cadre de la gestion active des fonds évoquée durant l’étude sur la gestion alternative [considérant 208, sous iv), de la décision attaquée].

89      À cet égard, la requérante fait valoir que l’étude sur la gestion alternative tenait compte d’un cycle économique entier de dix ans et que la période triennale à laquelle s’est référée la Commission était absolument insuffisante aux fins d’une évaluation du rendement d’instruments comparables. La requérante rappelle également que cette étude visait à comparer le taux de la convention (indexé sur des paramètres à caractère variable) avec d’autres instruments basés sur des taux d’intérêt fixes. Cette étude illustrerait que les rendements à long terme de ces deux types de placements tendent à être similaires, même si les rendements peuvent démontrer des divergences à court terme.

90      En réponse à ces arguments, la Commission insiste sur le fait que, dans le cadre d’une analyse comparative, il était logique et correct d’un point de vue financier de comparer des instruments d’investissement dont les taux avaient la même nature, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Elle ajoute que la convention avait une durée de trois ans, de sorte que l’argument selon lequel les titres à taux fixe et les titres à taux variable devraient, à long terme, avoir tendance à produire des résultats similaires serait peu pertinent.

91      Il ressort du considérant 85, sous v), quatrième tiret, de la décision attaquée que, pour comparer la performance d’un portefeuille d’investissement entièrement indexé (dépôt auprès du Trésor) avec celle d’un portefeuille de gestion active des liquidités, les autorités italiennes avaient indiqué qu’il convenait de se référer à une période significative, à savoir une période de dix ans, englobant au moins un cycle économique complet. C’est dans ce but que l’étude sur la gestion alternative avait comparé le taux de la convention avec les rendements découlant des stratégies alternatives sur une période décennale. Selon les autorités italiennes, sur cette durée, un portefeuille à taux variable est comparable à un portefeuille à taux fixe, dans la mesure où les gains et les pertes en capital ont tendance à s’équilibrer. La Commission n’a pas contesté ce constat dans la décision attaquée ni devant le Tribunal.

92      Il y a lieu de noter, à l’instar de la requérante, que, lorsque, malgré ses réserves quant à la comparabilité de ces données, la Commission a accepté, à titre subsidiaire, de comparer le rendement issu de la convention avec celui d’un portefeuille de gestion active des liquidités tel qu’il ressortait de l’étude sur la gestion alternative, elle ne pouvait pas ignorer la période durant laquelle ces rendements avaient été considérés comme comparables dans cette étude (dix ans) et qu’elle ne contestait pas.

93      En effet, une stratégie d’investissement active dont la rémunération est composée d’éléments à forte variabilité peut être caractérisée par des périodes de rentabilité faible, voire négative, compensées par des périodes avec de forts retours. Dès lors, sans préjudice de la question de savoir si une stratégie d’investissement ainsi configurée pouvait être considérée en l’espèce comme un investissement raisonnable aux fins de la comparaison avec le taux de la convention, il y a lieu d’observer que l’examen comparatif de la rentabilité de cette stratégie ne saurait être effectué qu’en se référant à une période suffisamment représentative.

94      Il en résulte que la Commission ne pouvait pas effectuer une comparaison valable de la rentabilité de la convention avec celle de la stratégie analysée dans l’étude sur la gestion alternative, en se focalisant sur une période limitée à trois ans (soit la période allant de 2005 à 2007) qui n’était pas nécessairement représentative du rendement général obtenu par cette stratégie.

95      Dès lors, le simple fait que, au cours de la période allant de 2005 à 2007, le taux de la convention et le taux de l’emprunteur privé avaient été plus élevés que le rendement de la gestion active évoquée dans l’étude sur la gestion alternative ne constituait pas un élément pertinent pour permettre à la Commission de conclure à l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et cela d’autant plus que la Commission avait elle-même mis en cause la pertinence de cette comparaison.

96      Deuxièmement, la Commission a indiqué, au considérant 208, sous v), de la décision attaquée, qu’il ressortait de l’étude sur la gestion alternative que le rendement implicite du portefeuille de la requérante en 2007, première année durant laquelle la requérante a pu effectuer une gestion active des liquidités issues d’une partie des fonds provenant des comptes courants postaux, « se chiffr[ait] à 5,13 %, composé de la manière suivante : 4,13 % de rendement du portefeuille et 1 % de gains en capital implicite ». La Commission a toutefois rappelé que, selon elle, « les gains ou les pertes en capital ne [devaient] pas être pris en compte dans le cadre d’une analyse ex ante [et que,] par conséquent, on ne [pouvait] effectuer de comparaisons significatives entre les rendements totaux du benchmark et de la stratégie tactique, d’une part, et ceux de la convention, d’autre part ». La Commission a ensuite indiqué que, « [s]i l’on [procédait] malgré tout à ces comparaisons, on [obtenait] en 2007 un rendement de 4,13 % (fixe, sans gains en capital et, semble-t-il, sans frais de transaction) de la gestion active, c’est-à-dire un chiffre inférieur aux 4,70 % prévus par la convention et aux 4,23 % calculés d’après la méthode de l’emprunteur privé ».

97      Il convient d’observer que les raisons qui ont conduit la Commission à exclure de la comparaison les gains ou les pertes en capital ressortent du considérant 188, sous iii), de la décision attaquée, dans lequel la Commission a rappelé que le mécanisme de la convention, du fait de son indexation sur des taux à caractère variable, ne pouvait générer ni gains ni pertes en capital. La Commission a également ajouté, au considérant 208, sous ii), premier tiret, de la décision attaquée, que l’étude sur la gestion alternative avait fait une analyse ex post, basée sur des indicateurs financiers de la période comprise entre 1997 et 2007. Or, les évaluations ex ante et ex post ne seraient pas comparables. La fiabilité des prévisions de gains ou de pertes en capital sur une courte durée serait faible. La Commission a donc jugé inutile de tenir compte des gains ou des pertes en capital. Elle a considéré en revanche qu’il était indispensable de se concentrer sur les rendements attendus ex ante, à savoir la composante « intérêts » du rendement total.

98      La requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle les gains ou les pertes en capital ne devaient pas être pris en compte dans le cadre de la comparaison entre le taux de la convention et les rendements alternatifs évoqués dans l’étude sur la gestion alternative dans le cadre d’une gestion active. Elle ajoute que, en l’absence de référence aux gains en capital dans la comparaison, cela reviendrait à prendre en considération un opérateur de référence qui adopterait un comportement irrationnel du point de vue financier, en s’abstenant de gérer de manière active ses investissements et en se limitant à les laisser fructifier passivement.

99      En réponse à ces arguments, la Commission souligne l’impossibilité de comparer les investissements alternatifs évoqués par les autorités italiennes, fondés sur des taux d’intérêt fixes et qui génèrent des gains et pertes en capital, avec le taux de la convention. La Commission rappelle également que, dans une appréciation ex ante, la fiabilité des prévisions des gains et des pertes en capital est faible. La Commission ajoute, dans la duplique, que la démonstration des autorités italiennes se fondait sur une observation ex post de l’évolution des taux d’intérêt qui ne pouvait être connue au moment de la signature de la convention. Ainsi, la Commission n’aurait commis aucune erreur en ne prenant pas en compte les gains en compte capital des investissements alternatifs mentionnés dans l’étude sur la gestion alternative.

100    Il y a lieu de noter que, lorsque, en dépit de ses réserves quant à la comparabilité des investissements et quant à la pertinence de données connues ex post, la Commission a effectué, à titre subsidiaire, la comparaison du taux de la convention avec les rendements obtenus par la requérante en 2007 dans le cadre de sa gestion active, elle ne pouvait pas écarter de son analyse la rémunération résultant des gains (ou pertes) en capital sans dénaturer cette comparaison.

101    En effet, d’une part, ce facteur de rémunération constituait une partie essentielle de la stratégie de gestion active des liquidités engagée par la requérante en 2007 et ne pouvait, dès lors, être ignoré par la Commission dans son analyse, même si la prévisibilité des gains (ou pertes) en capital pouvait être plus faible à court terme.

102    D’autre part, le fait que le mécanisme de la convention ne générait ni gains ni pertes en capital ne justifiait pas l’exclusion de ce facteur de rémunération de l’analyse. En effet, comme le souligne la requérante, la Commission ne devait pas comparer le mécanisme de la convention avec un mécanisme identique, mais avec toute autre possibilité d’investissements alternative que la requérante aurait pu engager en l’absence de l’obligation d’utilisation.

103    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 92 ci-dessus, la Commission ne pouvait pas ignorer la période durant laquelle le taux de la convention et les rendements obtenus dans le cadre d’une gestion active des liquidités avaient été considérés comme comparables dans l’étude sur la gestion alternative (soit une période de dix ans) et tirer des conclusions valables, en termes de comparabilité, du niveau de rendement obtenu au cours d’une seule année.

104    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le constat de la Commission selon lequel le rendement de la requérante en 2007 dans le cadre de la gestion active était inférieur, après la déduction des gains en capital, au taux de la convention et au taux de l’emprunteur privé n’était pas pertinent pour démontrer l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE en faveur de la requérante, et cela d’autant plus que la Commission elle-même a mis en cause la pertinence de cette comparaison.

105    Il en résulte que l’examen subsidiaire de la Commission, effectué aux considérants 207 à 209 de la décision attaquée, des possibilités de gestion active évoquées par les autorités italiennes sur la base de l’étude sur la gestion alternative, n’est pas pertinent non plus pour démontrer l’existence d’une aide d’État.

106    Eu égard à tout ce qui précède, la conclusion de la Commission, au considérant 228 de la décision attaquée, selon laquelle les possibilités alternatives d’investissement, en l’absence d’obligation d’utilisation, n’auraient pas permis à la requérante d’atteindre des rendements supérieurs ou identiques au taux de la convention, est fondée sur des éléments erronés ou insuffisants.

107    Par conséquent, l’analyse de la Commission, faite à titre subsidiaire aux considérants 181 à 229 de la décision attaquée, du rendement de certains investissements alternatifs évoqués par les autorités italiennes ne permettait pas à la Commission de s’acquitter de la charge de la preuve qui lui incombait pour démontrer l’existence d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Cette analyse ne saurait donc remédier à l’erreur commise par la Commission lorsqu’elle a conclu, aux considérants 119 à 180, à l’existence d’une aide, en faisant abstraction de l’obligation d’utilisation.

108    Partant, le deuxième moyen de recours doit être accueilli.

109    Il y a donc lieu d’annuler la décision attaquée sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments et moyens du recours.

 Sur les dépens

110    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2009/178/CE de la Commission, du 16 juillet 2008, relative à l’aide d’État C 42/06 (ex NN 52/06) que l’Italie a mise à exécution pour rémunérer les comptes courants de Poste Italiane SpA ouverts auprès du Trésor, est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de Poste Italiane.

Kanninen

Soldevila Fragoso

van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.