Language of document : ECLI:EU:C:2012:446

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

12 juillet 2012 (*)

«Directive 2002/20/CE — Réseaux et services de communications électroniques — Autorisation — Article 13 — Redevances pour les droits d’utilisation et les droits de mettre en place des ressources»

Dans les affaires jointes C‑55/11, C‑57/11 et C‑58/11,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunal Supremo (Espagne), par décisions, respectivement, des 28 et 29 octobre ainsi que du 3 novembre 2010, parvenues à la Cour le 7 février 2011, dans les procédures

Vodafone España SA

contre

Ayuntamiento de Santa Amalia (C‑55/11),

Ayuntamiento de Tudela (C‑57/11),

et

France Telecom España SA

contre

Ayuntamiento de Torremayor (C‑58/11),

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. K. Schiemann, L. Bay Larsen, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 janvier 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour Vodafone España SA, par Mes M. Muñoz de Juan, E. Gardeta González, J. Viloria Gutiérrez et J. Buendía Sierra, abogados,

–        pour France Telecom España SA, par Mes E. Zamarriego Santiago, M. Muñoz de Juan et J. Buendía Sierra, abogados,

–        pour l’Ayuntamiento de Tudela, par Mes T. Quadra-Salcedo Fernández del Castillo et J. Zornoza Pérez, abogados,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. M. Muñoz Pérez et Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Braun et F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 mars 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 13 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108, p. 21).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de trois litiges opposant, d’une part, Vodafone España SA (ci-après «Vodafone España») aux Ayuntamientos de Santa Amalia (C‑55/11) et de Tudela (C‑57/11) ainsi que, d’autre part, France Telecom España SA (ci-après «France Telecom España») à l’Ayuntamiento de Torremayor (C‑58/11) à propos de redevances auxquelles ces deux sociétés ont été assujetties pour l’utilisation privative et l’exploitation spéciale du sous-sol et de la surface du domaine public municipal.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications (JO L 117, p. 15), prévoyait à son article 11:

«1.      Les États membres veillent à ce que les taxes imposées aux entreprises au titre des procédures d’autorisation aient uniquement pour objet de couvrir les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à l’application des licences individuelles applicables. Les taxes applicables à une licence individuelle sont proportionnelles au volume de travail requis et sont publiées d’une manière appropriée et suffisamment détaillée pour que les informations soient facilement accessibles.

2.      Nonobstant le paragraphe 1, dans le cas de ressources rares, les États membres peuvent autoriser leurs autorités réglementaires nationales à imposer des redevances afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de cette ressource. Ces redevances sont non discriminatoires et tiennent compte notamment de la nécessité de promouvoir le développement de services innovateurs et de la concurrence.»

4        La directive 97/13 a été abrogée par l’article 26 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33, ci-après la «directive-cadre»).

5        L’article 11, paragraphe 1, de la directive-cadre est libellé comme suit:

«Les États membres veillent à ce que, lorsqu’une autorité compétente examine:

–        une demande en vue de l’octroi de droits pour permettre la mise en place de ressources sur, au-dessus ou au-dessous de propriétés publiques ou privées à une entreprise autorisée à fournir des réseaux de communications publics, ou

[...]

elle:

–        agisse sur la base de procédures transparentes et accessibles au public, appliquées sans discrimination et sans retard, et

–        respecte les principes de transparence et de non-discrimination lorsqu’elle assortit de tels droits de certaines conditions.

[…]»

6        L’article 12 de la directive-cadre dispose:

«1.      Lorsqu’une entreprise fournissant des réseaux de communications électroniques a le droit, aux termes de la législation nationale, de mettre en place des ressources sur, au-dessus ou au-dessous de propriétés publiques ou privées, ou peut profiter d’une procédure d’expropriation ou d’utilisation d’un bien foncier, les autorités réglementaires nationales encouragent le partage de ces ressources ou de ce bien foncier.

2.      En particulier lorsque les entreprises sont privées de l’accès à d’autres possibilités viables du fait de la nécessité de protéger l’environnement, la santé ou la sécurité publiques, ou de réaliser des objectifs d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, les États membres peuvent imposer le partage de ressources ou de biens fonciers (y compris la colocalisation physique) à une entreprise exploitant un réseau de communications électroniques ou prendre des mesures visant à faciliter la coordination de travaux publics uniquement après une période de consultation publique appropriée au cours de laquelle toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de donner leur avis. Ces arrangements de partage ou de coordination peuvent inclure des règles de répartition des coûts du partage de la ressource ou du bien foncier.»

7        Les considérants 30 à 32 de la directive «autorisation» énoncent:

«(30)      Des taxes administratives peuvent être imposées aux fournisseurs de services de communications électroniques afin de financer les activités de l’autorité réglementaire nationale en matière de gestion du système d’autorisation et d’octroi de droits d’utilisation. Ces taxes devraient uniquement couvrir les coûts administratifs réels résultant de ces activités. À cet effet, la transparence en ce qui concerne les recettes et les dépenses des autorités réglementaires nationales devrait être assurée par la publication d’un rapport annuel indiquant la somme totale des taxes perçues et des coûts administratifs supportés. Les entreprises pourront ainsi vérifier que les coûts administratifs et les taxes s’équilibrent.

(31)      Les régimes de taxes administratives ne devraient pas créer de distorsions de la concurrence ni de barrières à l’entrée sur le marché. Avec un régime d’autorisation générale, il ne sera plus possible d’imposer des frais administratifs ni, partant, de taxes à des entreprises individuelles, sauf dans le cadre de l’octroi de droits d’utilisation de numéros ou de radiofréquences et de droits de mettre en place des ressources. Toute taxe administrative applicable devrait être conforme aux principes régissant un régime d’autorisation générale. Une clé de répartition liée au chiffre d’affaires pourrait, par exemple, remplacer de manière équitable, simple et transparente ces critères de répartition des taxes. Lorsque les taxes administratives sont très peu élevées, des taxes forfaitaires ou des taxes combinant une base forfaitaire et un élément lié au chiffre d’affaires pourraient également convenir.

(32)      Outre les taxes administratives, des redevances peuvent être prélevées pour l’utilisation des radiofréquences et des numéros, afin de garantir une exploitation optimale des ressources. Ces redevances ne devraient pas empêcher le développement de services novateurs ni la concurrence sur le marché. La présente directive ne préjuge pas du but dans lequel des redevances sont perçues pour les droits d’utilisation. Ces redevances peuvent, par exemple, servir à financer les activités des autorités réglementaires nationales qui ne peuvent être couvertes par des taxes administratives. Lorsque, dans le cas de procédures de sélection concurrentielles ou comparatives, les redevances relatives aux droits d’utilisation des radiofréquences consistent, pour la totalité ou en partie, en un montant unique, les modalités de paiement devraient garantir que ces redevances n’aboutissent pas, dans la pratique, à une sélection opérée sur la base de critères sans lien avec l’objectif d’une utilisation optimale des radiofréquences. La Commission peut publier, à intervalles réguliers, des études comparatives concernant les meilleures pratiques en matière d’assignation de radiofréquences et d’assignation de numéros ou d’octroi de droits de passage.»

8        L’article 13 de la même directive, intitulé «Redevances pour les droits d’utilisation et les droits de mettre en place des ressources», dispose:

«Les États membres peuvent permettre à l’autorité compétente de soumettre à une redevance les droits d’utilisation des radiofréquences ou des numéros ou les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés, afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de ces ressources. Les États membres font en sorte que ces redevances soient objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l’usage auquel elles sont destinées et tiennent compte des objectifs fixés à l’article 8 de la [directive-cadre].»

9        La directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7), énonce à son article 12, paragraphe 1, premier alinéa:

«Les autorités réglementaires nationales peuvent, conformément aux dispositions de l’article 8, imposer à des opérateurs l’obligation de satisfaire les demandes raisonnables d’accès à des éléments de réseau spécifiques et à des ressources associées et d’en autoriser l’utilisation, notamment lorsqu’elles considèrent qu’un refus d’octroi de l’accès ou des modalités et conditions déraisonnables ayant un effet similaire empêcheraient l’émergence d’un marché de détail concurrentiel durable, ou risqueraient d’être préjudiciables à l’utilisateur final.»

 Le droit espagnol

10      La loi générale 32/2003, relative aux télécommunications (Ley 32/2003 General de Telecomunicaciones), du 3 novembre 2003 (BOE no 264, du 4 novembre 2003, p. 38890), a, ainsi que cela ressort de son préambule, transposé dans le droit espagnol les directives en matière de télécommunications adoptées au cours de l’année 2002, parmi lesquelles figure la directive «autorisation».

11      Aux termes de l’article 49 de ladite loi:

«1.      Les opérateurs et les titulaires de droits d’utilisation du domaine public radioélectrique ou de ressources de numérotation sont tenus de s’acquitter des taxes établies dans l’ordre juridique.

2.      Ces taxes visent à couvrir:

a)      les frais administratifs occasionnés par le travail de réglementation relatif à la préparation et à la mise en œuvre du droit communautaire dérivé et des actes administratifs, notamment en matière d’interconnexion et d’accès;

b)      les frais liés à la gestion, au contrôle et à l’application du régime établi dans la présente loi;

c)      les frais liés à la gestion, au contrôle et à l’application des droits d’occupation du domaine public et des droits d’utilisation du domaine public radioélectrique et de la numération;

d)      la gestion des notifications régies par l’article 6 de la présente loi;

e)      les frais de coopération internationale, d’harmonisation et de normalisation ainsi que d’analyse du marché.

3.      Sans préjudice des dispositions du paragraphe 2, les taxes relatives à l’utilisation du domaine public radioélectrique, à la numérotation et au domaine public nécessaire pour l’installation de réseaux de communications électroniques ont pour but de garantir l’utilisation optimale de ces ressources en tenant compte de la valeur et de la rareté du bien dont l’utilisation est autorisée. Ces taxes doivent être non discriminatoires, transparentes, objectivement justifiées et proportionnées à leur objectif. Elles doivent aussi favoriser la réalisation des objectifs et le respect des principes établis à l’article 3 conformément aux conditions fixées par la réglementation.

4.      Les taxes visées aux paragraphes précédents sont appliquées d’une manière objective, transparente et proportionnée afin de minimiser les coûts administratifs supplémentaires et les taxes connexes.

5.      Le Ministerio de Ciencia y Tecnología [ministère des Sciences et de la Technologie], la Comisión del Mercado de las Telecomunicaciones [commission du marché des télécommunications] et l’Agencia Estatal de Radiocomunicaciones [agence de l’État pour les radiocommunications], ainsi que les administrations territoriales qui assurent la gestion et le recouvrement des taxes visées au paragraphe 2 du présent article, publient une synthèse annuelle des frais administratifs justifiant leur imposition et du montant total des recettes.»

12      Le décret royal législatif 2/2004, portant refonte du texte de la loi régissant les finances locales (Real Decreto Legislativo 2/2004, por el que se aprobó el texto refundido de la Ley reguladora de las Haciendas Locales), du 5 mars 2004 (BOE no 59, du 9 mars 2004, p. 10284), prévoit, à son article 20, paragraphes 1 et 3, le droit pour les autorités locales d’instaurer des taxes pour l’utilisation privative ou l’exploitation spéciale du domaine public local, notamment du sous-sol et de la surface des voies publiques municipales ainsi que de l’espace surplombant celles-ci.

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

13      Il ressort des décisions de renvoi que, conformément à la législation espagnole, plusieurs municipalités du Royaume d’Espagne, dont les Ayuntamientos de Santa Amalia, de Tudela et de Torremayor, ont adopté des ordonnances fiscales qui assujettissent les entreprises à des redevances pour l’utilisation privative ou l’exploitation spéciale du domaine public municipal afin de fournir des services d’approvisionnement qui s’avèrent être d’intérêt général, et ce, que ces entreprises soient ou non les propriétaires des installations nécessaires à cette fourniture de services et qui occupent matériellement ce domaine. La fourniture de services de téléphonie mobile figure parmi les services qui sont taxés en application de ces ordonnances.

14      Vodafone España et France Telecom España sont des opérateurs de télécommunications qui fournissent des services de téléphonie mobile sur le territoire espagnol.

15      Vodafone España a introduit des recours contre les ordonnances fiscales adoptées par les Ayuntamientos de Tudela et de Santa Amalia respectivement devant le Tribunal Superior de Justicia de Navarra (cour supérieure de justice de Navarre) et le Tribunal Superior de Justicia de Extremadura (cour supérieure de justice d’Estrémadure). France Telecom España a, quant à elle, introduit devant cette dernière juridiction un recours contre l’ordonnance fiscale adoptée par l’Ayuntamiento de Torremayor. Dans le cadre de ces recours, ces opérateurs ont contesté la conformité de ces ordonnances avec le droit de l’Union. Lesdits recours ont été rejetés par arrêts du 30 décembre 2008 du Tribunal Superior de Justicia de Navarra et des 12 et 29 juin 2009 du Tribunal Superior de Justicia de Extremadura.

16      Vodafone España a alors formé un pourvoi en cassation devant le Tribunal Supremo (Cour suprême) contre les arrêts du 30 décembre 2008 du Tribunal Superior de Justicia de Navarra et du 12 juin 2009 du Tribunal Superior de Justicia de Extremadura. France Telecom España a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt du 29 juin 2009 du Tribunal Superior de Justicia de Extremadura.

17      Dans les décisions de renvoi, le Tribunal Supremo, procédant, en premier lieu, à une analyse des articles 12 et 13 de la directive «autorisation», éprouve un doute concernant la compétence des États membres pour imposer une redevance pour les droits de mise en place des ressources non seulement à l’opérateur qui est propriétaire du réseau de télécommunications électroniques, mais également aux opérateurs qui se bornent à recevoir des services d’interconnexion et qui, par voie de conséquence, se limitent à avoir accès audit réseau ainsi qu’à utiliser celui-ci.

18      En deuxième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si les redevances en cause satisfont aux exigences de l’article 13 de la directive «autorisation».

19      En troisième lieu, le Tribunal Supremo estime qu’il y a lieu de vérifier également si l’article 13 de la directive «autorisation» remplit les conditions requises par la jurisprudence de la Cour pour être doté d’un effet direct. Il indique que la jurisprudence de la Cour concernant l’effet direct de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 97/13 semble plaider en faveur de cette solution.

20      C’est dans ces conditions que le Tribunal Supremo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, lesquelles sont rédigées en des termes identiques dans les trois affaires C‑55/11, C‑57/11 et C‑58/11:

«1)      L’article 13 de la [directive ‘autorisation’] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet d’exiger le paiement d’une redevance pour les droits de mise en place de ressources sur le domaine public municipal aux opérateurs qui, sans être propriétaires du réseau, utilisent celui-ci pour fournir des services de téléphonie mobile?

2)      Pour le cas où il serait estimé que le prélèvement en cause est compatible avec l’article 13 de la [directive ‘autorisation’], les conditions dans lesquelles la redevance est imposée au titre de l’ordonnance locale litigieuse satisfont-elles aux exigences d’objectivité, de proportionnalité et de non-discrimination requises par cette disposition, ainsi qu’à la nécessité d’assurer un usage optimal des ressources en cause?

3)      Y a-t-il lieu de reconnaître un effet direct à l’article 13 de la [directive ‘autorisation’] susvisé?»

21      Par ordonnance du président de la Cour du 18 mars 2011, les affaires C‑55/11, C‑57/11 et C‑58/11 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

 Sur la demande tendant à la réouverture de la procédure orale

22      Par lettre déposée au greffe de la Cour le 25 avril 2012, l’Ayuntamiento de Tudela a demandé la réouverture de la procédure orale en faisant valoir que les conclusions de Mme l’avocat général, présentées le 22 mars 2012, sont fondées sur des prémisses erronées.

23      À cet égard, il est de jurisprudence constante que la Cour peut ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être examinée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (voir, notamment, arrêts du 26 juin 2008, Burda, C‑284/06, Rec. p. I‑4571, point 37, ainsi que du 22 septembre 2011, Interflora et Interflora British Unit, C‑323/09, Rec. p. I‑8625, point 22).

24      En l’occurrence, la Cour considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi et que l’affaire ne doit pas être examinée au regard d’un argument qui n’a pas été débattu devant elle.

25      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de l’Ayuntamiento de Tudela tendant à la réouverture de la procédure orale.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

26      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une réglementation nationale qui impose une taxe pour l’utilisation du domaine public municipal non seulement aux opérateurs propriétaires des réseaux de téléphonie déployés sur ce domaine, mais également aux opérateurs titulaires de droits d’utilisation, d’accès ou d’interconnexion auxdits réseaux, relève de la possibilité offerte aux États membres par l’article 13 de la directive «autorisation» de soumettre à une redevance «les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés» afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une répartition optimale de ces ressources.

27      En particulier, cette juridiction interroge la Cour sur le point de savoir si une telle taxe peut être imposée non seulement à l’opérateur qui, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de la directive-cadre, est titulaire des droits de mettre en place des ressources sur, au-dessus ou au-dessous de propriétés publiques et qui, conformément à l’article 12 de cette directive ainsi qu’à l’article 12 de la directive «accès», peut être amené à devoir partager ces ressources, mais également aux opérateurs fournissant des services de téléphonie mobile en utilisant lesdites ressources.

28      À titre liminaire, il convient de constater que, dans le cadre de la directive «autorisation», les États membres ne peuvent percevoir d’autres taxes ou redevances sur la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques que celles prévues par cette directive (voir, par analogie, arrêts du 18 juillet 2006, Nuova società di telecomunicazioni, C‑339/04, Rec. p. I‑6917, point 35, et du 10 mars 2011, Telefónica Móviles España, C‑85/10, Rec. p. I‑1575, point 21).

29      Ainsi qu’il ressort des considérants 30 à 32 ainsi que des articles 12 et 13 de la directive «autorisation», les États membres sont ainsi uniquement habilités à imposer soit des taxes administratives destinées à couvrir les coûts administratifs globaux occasionnés par la gestion, le contrôle et l’application du régime général d’autorisation, soit des redevances sur les droits d’utilisation des radiofréquences ou des numéros ou encore sur les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés.

30      Dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi semble partir du postulat selon lequel les taxes en cause ne relèvent ni de l’article 12 de ladite directive ni de la notion de redevances sur les droits d’utilisation des radiofréquences ou des numéros au sens de l’article 13 de la même directive. La question porte donc uniquement sur le fait de savoir si la possibilité pour les États membres de soumettre à redevance les «droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés» en vertu dudit article 13 permet l’application de redevances telles que celles en cause au principal, en ce qu’elles s’appliquent aux opérateurs qui, sans être propriétaires de ces ressources, les utilisent pour la fourniture de services de téléphone mobile et exploitent ainsi ce domaine public.

31      Bien que ni la notion de mise en place de ressources sur ou sous des biens publics ou privés ni le débiteur de la redevance relative aux droits afférents à cette mise en place ne soient définis, en tant que tels, dans la directive «autorisation», il y a lieu de relever, d’une part, qu’il résulte de l’article 11, paragraphe 1, premier tiret, de la directive-cadre que les droits pour permettre la mise en place de ressources sur, au-dessus ou au-dessous de propriétés publiques ou privées sont octroyés à l’entreprise autorisée à fournir des réseaux de communications publics, c’est-à-dire à celle qui est habilitée à mettre en place les ressources nécessaires sur le sol, dans le sous-sol ou dans l’espace situé au-dessus du sol.

32      D’autre part, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 52 et 54 de ses conclusions, les termes «ressources» et «mise en place» renvoient, respectivement, aux infrastructures matérielles permettant la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques et à leur mise en place matérielle sur la propriété publique ou privée concernée.

33      Il s’ensuit que seul peut être débiteur de la redevance pour les droits de mettre en place des ressources, visée à l’article 13 de la directive «autorisation», le titulaire desdits droits, qui est également le propriétaire des ressources installées sur ou sous les biens publics ou privés concernés.

34      Dès lors, ne saurait être admise, au titre de «redevance sur les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés» au sens de l’article 13 de la directive «autorisation», la perception de redevances telles que celles en cause au principal, en ce qu’elles s’appliquent aux opérateurs qui, sans être propriétaires de ces ressources, les utilisent pour la fourniture de services de téléphonie mobile et exploitent ainsi ce domaine public.

35      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 13 de la directive «autorisation» doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une redevance pour les droits de mise en place de ressources sur ou sous des biens publics ou privés aux opérateurs qui, sans être propriétaires de ces ressources, utilisent celles-ci pour fournir des services de téléphonie mobile.

 Sur les deuxième et troisième questions

36      Au vu de la réponse apportée à la première question, il y a lieu de ne répondre qu’à la troisième question posée par la juridiction de renvoi, par laquelle cette dernière demande en substance si l’article 13 de la directive «autorisation» a un effet direct, de sorte que, dans des circonstances telles que celles des affaires au principal, un particulier peut s’en prévaloir devant les juridictions nationales.

37      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État, soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais cette directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 103; du 17 juillet 2008, Arcor e.a., C‑152/07 à C‑154/07, Rec. p. I‑5959, point 40, et du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, point 33).

38      En l’occurrence, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 48, 97 et 98 de ses conclusions, l’article 13 de la directive «autorisation» satisfait à ces critères. En effet, cette disposition prévoit, dans des termes inconditionnels et précis, que les États membres peuvent soumettre à une redevance des droits dans trois cas spécifiques, à savoir pour les droits d’utilisation des radiofréquences ou des numéros ou pour les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés.

39      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la troisième question que l’article 13 de la directive «autorisation» a un effet direct, de sorte qu’il confère aux particuliers le droit de s’en prévaloir directement devant une juridiction nationale pour contester l’application d’une décision de l’autorité publique incompatible avec cet article.

 Sur les dépens

40      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 13 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation»), doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une redevance pour les droits de mise en place de ressources sur ou sous des biens publics ou privés aux opérateurs qui, sans être propriétaires de ces ressources, utilisent celles-ci pour fournir des services de téléphonie mobile.

2)      L’article 13 de la directive 2002/20 a un effet direct, de sorte qu’il confère aux particuliers le droit de s’en prévaloir directement devant une juridiction nationale pour contester l’application d’une décision de l’autorité publique incompatible avec cet article.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.