Language of document : ECLI:EU:C:2011:558

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

8 septembre 2011 (*)

«Manquement d’État – Directive 91/271/CEE – Pollution et nuisances – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Articles 3, 5 et 6 – Défaut d’identification des zones sensibles – Défaut de mise en œuvre d’un traitement plus rigoureux des rejets dans des zones sensibles»

Dans l’affaire C‑220/10,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 6 mai 2010,

Commission européenne, représentée par M. P. Guerra e Andrade et Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes et Mme M. J. Lois, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. K. Schiemann, président de chambre, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête et à la suite des observations présentées par la République portugaise, la Commission européenne demande à la Cour de constater que:

–        en identifiant comme zones moins sensibles toutes les eaux côtières de l’île de Madère et de l’île de Porto Santo;

–        en soumettant à un traitement moins rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40), les eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un équivalent habitant supérieur à 10 000, telles que les agglomérations de Funchal et de Câmara de Lobos, et déversées dans les eaux côtières de l’île de Madère;

–        en n’assurant pas, en ce qui concerne une agglomération de l’estuaire du Tage, à savoir Quinta do Conde, l’existence de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires conformément à l’article 3 de cette directive;

–        et en ne garantissant pas, en ce qui concerne les agglomérations de Albufeira/Armação de Pêra, de Beja, de Chaves et de Viseu et en ce qui concerne quatre agglomérations qui procèdent à des déversements sur la rive gauche de l’estuaire du Tage, à savoir Barreiro/Moita, Corroios/Quinta da Bomba, Quinta do Conde et Seixal, un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de ladite directive,

la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, 5 et 6 de la directive 91/271.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        Aux termes de son article 1er, la directive 91/271 concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels. Elle a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires.

3        L’article 2 de la directive 91/271 énonce:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)      ‘eaux urbaines résiduaires’: les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement;

[…]

4)      ‘agglomération’: une zone dans laquelle la population et/ou les activités économiques sont suffisamment concentrées pour qu’il soit possible de collecter les eaux urbaines résiduaires pour les acheminer vers une station d’épuration ou un point de rejet final;

5)      ‘système de collecte’: un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires;

6)      ‘un équivalent habitant (EH)’: la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes d’oxygène par jour;

7)      ‘traitement primaire’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé physique et/ou chimique comprenant la décantation des matières solides en suspension ou par d’autres procédés par lesquels la DB05 des eaux résiduaires entrantes est réduite d’au moins 20 % avant le rejet et le total des matières solides en suspension des eaux résiduaires entrantes, d’au moins 50 %;

8)      ‘traitement secondaire’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé comprenant généralement un traitement biologique avec décantation secondaire ou par un autre procédé permettant de respecter les conditions du tableau 1 de l’annexe I;

9)      ‘traitement approprié’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par tout procédé et/ou système d’évacuation qui permettent, pour les eaux réceptrices des rejets, de respecter les objectifs de qualité retenus ainsi que de répondre aux dispositions pertinentes de la présente directive et d’autres directives communautaires;

[…]

13)      ‘eaux côtières’: les eaux en dehors de la laisse de basse mer ou de la limite extérieure d’un estuaire.»

4        L’article 3 de la directive 91/271 prévoit:

«1.      Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires:

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000

et

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour celles dont l’EH se situe entre 2 000 et 15 000.

[…]»

5        L’article 4 de la directive 91/271 prévoit que les États membres doivent veiller à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités définies par cette disposition.

6        L’article 5 de la directive 91/271 énonce:

«1.      Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à l’annexe II.

2.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10 000.

[…]»

7        L’article 6 de la directive 91/271 dispose:

«1.      Aux fins du paragraphe 2, les États membres peuvent identifier, au plus tard le 31 décembre 1993, des zones moins sensibles sur la base des critères fixés à l’annexe II.

2.      Les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10 000 et 150 000 dans des eaux côtières et entre 2 000 et 10 000 dans des estuaires situés dans les zones visées au paragraphe 1 peuvent faire l’objet d’un traitement moins rigoureux que celui qui est prévu à l’article 4, sous réserve que:

[…]

–        des études approfondies montrent que ces rejets n’altéreront pas l’environnement.

Les États membres fournissent à la Commission toutes les informations pertinentes concernant ces études.

[…]»

8        L’annexe II de la directive 91/271, intitulée «Critères d’identification des zones sensibles et moins sensibles», prévoit à son point A, relatif aux zones sensibles:

«Une masse d’eau doit être identifiée comme zone sensible si elle appartient à l’un des groupes ci-après:

a)      Lacs naturels d’eau douce, autres masses d’eau douce, estuaires et eaux côtières, dont il est établi qu’ils sont eutrophes ou pourraient devenir eutrophes à brève échéance si des mesures de protection ne sont pas prises.

Il pourrait être tenu compte des aspects ci-après lors de l’examen des éléments nutritifs à réduire par un traitement complémentaire:

[…]

ii)      estuaires, baies et autres eaux côtières où il est établi que l’échange d’eau est faible, ou qui reçoivent de grandes quantités d’éléments nutritifs. Les rejets provenant des petites agglomérations sont généralement de peu d’importance dans ces zones, mais, en ce qui concerne les grandes agglomérations, l’élimination du phosphore et/ou de l’azote doit être prévue, à moins qu’il ne soit démontré que cette élimination sera sans effet sur le niveau d’eutrophisation.

[…]»

9        Le point B, intitulé «Zones moins sensibles», de l’annexe II de la directive 91/271 dispose:

«Une masse ou une zone d’eau marine peut être identifiée comme une zone moins sensible si le rejet d’eaux usées n’altère pas l’environnement en raison de la morphologie, de l’hydrologie ou des conditions hydrauliques spécifiques de la zone en question.

[…]

Il est tenu compte des éléments suivants lors de l’identification des zones moins sensibles:

baies ouvertes, estuaires et autres eaux côtières avec un bon échange d’eau et sans risque d’eutrophisation ou de déperdition d’oxygène ou dont on considère qu’il est peu probable qu’ils deviennent eutrophes ou subissent une déperdition d’oxygène à la suite du déversement d’eaux urbaines résiduaires.»

 Le droit national

10      Il ressort de la présentation du droit national effectuée par la Commission dans sa requête que le décret-loi 152/97, du 19 juin 1997 (Diário da República I, série A, n° 139, du 19 juin 1997), transposant la directive 91/271 en droit portugais a été modifié à plusieurs reprises (les 7 juillet 1999, 22 juin 2004 et 8 octobre 2008).

 La procédure précontentieuse

11      Le 27 juin 2002, la Commission a adressé à la République portugaise une lettre de mise en demeure dans laquelle elle considérait que cette dernière avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 91/271.

12      Plus précisément, la Commission reprochait à la République portugaise:

–        premièrement, de ne pas avoir classé en zones sensibles quatre zones qui, conformément aux dispositions de la directive 91/271, auraient dû être classées comme telles;

–        deuxièmement, d’avoir classé en zones moins sensibles des zones qui ne remplissaient pas les critères qui, d’après cette directive, devaient présider à un tel classement;

–        troisièmement, pour les rejets d’agglomérations ayant une charge organique biodégradable (ci-après la «charge») exprimée en équivalent habitant (EH) supérieure à 15 000, de ne pas assurer un traitement secondaire ou un traitement équivalent, avant rejet, de toutes les eaux urbaines résiduaires;

–        quatrièmement, de ne pas avoir procédé à la révision de la liste des zones moins sensibles prévue par la directive 91/271;

–        cinquièmement, pour les eaux résiduaires urbaines rejetées par des agglomérations dont la charge est supérieure à 10 000 EH dans des eaux réceptrices considérées comme des zones sensibles aux termes de la directive 91/271, de ne pas assurer, dans certaines zones, 1’existence de systèmes de collecte;

–        sixièmement, pour les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant une charge supérieure à 10 000 EH, de ne pas respecter, dans certaines agglomérations identifiées comme des zones sensibles, les conditions exigées pour le traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 et,

–        septièmement, de ne pas garantir l’existence d’un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 dans les agglomérations effectuant des rejets vers des zones qui auraient dû être classées comme sensibles, ainsi que vers les bassins versants de zones sensibles ou les bassins de zones qui auraient dû être classées comme sensibles.

13      Dans sa réponse du 23 août 2002, la République portugaise a fait valoir qu’il n’existait aucun motif justifiant l’avis de la Commission selon lequel les quatre zones visées par le premier grief devaient être désignées comme zones sensibles. Elle a reconnu en revanche que, à la date du 1er août 2002, elle ne se conformait pas aux dispositions de la directive 91/271 en ce qui concerne les agglomérations signalées. Elle a joint une étude sur le sujet et a indiqué que l’identification des zones moins sensibles était en cours de révision. En outre, la République portugaise a présenté une étude exposant la méthodologie du processus de révision et a indiqué qu’elle avait classé comme zones sensibles les bassins hydrographiques drainants des 41 zones initialement identifiées.

14      La République portugaise a, par lettre du 28 octobre 2002, transmis une première réponse complémentaire à la lettre de mise en demeure et, par lettre du 23 juillet 2003, des éléments supplémentaires concernant l’identification des zones sensibles. Le 16 septembre 2003, elle a transmis à la Commission une nouvelle réponse complémentaire à cette lettre de mise en demeure.

15      Par lettre du 28 avril 2004, la République portugaise a informé la Commission qu’elle avait approuvé un texte législatif modifiant la loi transposant la directive 91/271, lequel a été transmis à la Commission par lettre du 28 juin 2004. En outre, par lettre du 10 mai 2004, elle a communiqué des informations sur la situation des classements des zones sensibles et des zones moins sensibles.

16      La Commission a, par lettre du 22 décembre 2004, émis un avis motivé, selon lequel la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 5 de la directive 91/271 en ce qui concerne 17 agglomérations. Elle a invité cet État membre à prendre les mesures nécessaires afin de se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

17      En réponse audit avis motivé, la République portugaise a, par lettres des 21 février, 12 et 25 mai, 13 juillet et 9 décembre 2005, présenté à la Commission, respectivement, un tableau relatif à la situation des agglomérations visées dans l’avis motivé qui rejetaient des eaux urbaines résiduaires dans des zones sensibles à la date du 31 décembre 2004, des informations supplémentaires relatives, notamment, à la localisation et à la dimension exacte des zones sensibles et des zones moins sensibles, une synthèse des résultats d’études couvrant l’estuaire du Tage ainsi que de nouveaux éléments techniques.

18      Par lettre du 29 juin 2007, la Commission a transmis à la République portugaise un avis motivé complémentaire, retenant que la République portugaise avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, 5 et 6 de la directive 91/271.

19      La Commission faisait plus précisément grief à la République portugaise:

–        premièrement, d’avoir identifié comme zones moins sensibles des zones qui, aux termes de ladite directive, ne répondent pas aux critères requis pour une telle classification et d’avoir soumis de ce fait les rejets d’agglomérations ayant une charge supérieure à 15 000 EH effectués dans des zones classées comme moins sensibles à un traitement moins rigoureux que celui prévu par la directive 91/271,

–        deuxièmement, de ne pas assurer l’existence de systèmes de collecte pour les eaux urbaines résiduaires provenant de 19 agglomérations ayant une charge supérieure à 10 000 EH qui sont rejetées dans les eaux réceptrices considérées comme des zones sensibles et,

–        troisièmement, de ne pas assurer le traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 dans 23 agglomérations ayant une charge supérieure à 15 000 EH effectuant des rejets dans des zones sensibles ou dans des zones qui auraient dû être classées comme sensibles, ainsi que dans des bassins versants pertinents de zones qui auraient dû être classées comme sensibles.

20      La République portugaise a répondu par lettre du 27 août 2007 audit avis motivé complémentaire et a transmis à la Commission, par lettre du 22 octobre 2008, le texte d’une troisième modification de la loi transposant la directive 91/271 en droit interne.

21      Le 6 mai 2010, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

 Concernant les zones moins sensibles

22      En premier lieu, la Commission fait grief à la République portugaise d’avoir identifié comme zones moins sensibles toutes les eaux côtières de l’île de Madère et de l’île de Porto Santo sans appliquer les critères prévus à l’annexe II de la directive 91/271 lue en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci et, notamment, sans avoir effectué l’étude exhaustive indiquant que les rejets n’altèrent pas l’environnement.

23      En outre, s’agissant de ces zones moins sensibles, la Commission soutient que la République portugaise a enfreint l’article 6, paragraphe 2, de la directive 91/271 en soumettant à un traitement moins rigoureux que celui prévu à l’article 4 de celle-ci les eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations ayant une charge supérieure à 10 000 EH, telles que Funchal et Câmara de Lobos, sans avoir effectué d’études exhaustives démontrant que les rejets ne portent pas atteinte à l’environnement.

24      La République portugaise expose, en réponse au premier grief, que, compte tenu de la morphologie et de l’hydrodynamique des eaux côtières de l’archipel de Madère, de l’absence de symptômes d’eutrophisation et de demande en oxygène ainsi que des résultats concernant la qualité des eaux balnéaires, le gouvernement de la Région autonome de Madère a choisi de maintenir la classification des eaux côtières de l’île de Madère et de l’île de Porto Santo comme zones moins sensibles. Ledit gouvernement aurait toutefois planifié un ensemble d’installations de traitement secondaire des eaux résiduaires des principales agglomérations. Des appels d’offres auraient été lancés ainsi qu’une étude portant sur l’optimisation du système intercommunal de traitement des eaux urbaines résiduaires dans la Région autonome de Madère.

25      Une étude lancée au mois de juillet 2008 relative à l’«[a]nalyse de l’impact des rejets d’effluents, provenant du traitement des eaux urbaines résiduaires, en milieu marin, au large de l’île de Madère» et réalisée par une équipe de l’Institut supérieur technique serait parvenue à la conclusion que le traitement des eaux urbaines résiduaires dans la région de Madère, y compris les agglomérations de Funchal et de Câmara de Lobos, satisfait les conditions de durabilité environnementale dès lors que le rejet des eaux urbaines résiduaires ne porte atteinte ni au milieu marin ni à la qualité des eaux balnéaires. En outre, les campagnes de surveillance des eaux côtières balnéaires, réalisées dans les zones proches des zones de rejets des stations d’épuration, attesteraient, ainsi qu’il ressortirait des rapports présentés à la Commission par l’Instituto de Agua dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 76/160, de la bonne qualité des eaux.

26      Selon la République portugaise, il en résulte que l’identification des eaux côtières de l’île de Madère et de l’île de Porto Santo comme zones moins sensibles est conforme aux critères de l’article 6, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’annexe II de la directive 91/271. Elle reconnaît, cependant, qu’elle n’a pas communiqué à la Commission, dans le délai imparti pour se conformer à l’avis motivé complémentaire, les études approfondies montrant que le rejet des eaux urbaines résiduaires dans les agglomérations de Funchal et de Câmara de Lobos ne portent pas atteinte à l’environnement.

27      Dans son mémoire en réplique, la Commission indique qu’elle n’a pas reçu d’étude et rappelle que, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 91/271, c’est l’État membre qui doit fournir à la Commission les informations pertinentes concernant les études approfondies montrant que les rejets ne portent pas atteinte à l’environnement. Par ailleurs, elle souligne que la République portugaise ne présente aucun élément à l’appui de ses affirmations.

Concernant les rejets dans des zones sensibles

28      En second lieu, la Commission reproche à la République portugaise le fait que plusieurs agglomérations ayant une charge supérieure à 10 000 EH effectuent des rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des zones sensibles sans respecter les dispositions des articles 3 ou 5 de la directive 91/271 relatives à l’exigence de systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires.

29      À cet égard, après examen des informations et des éclaircissements apportés par la République portugaise faisant suite à la réception de l’avis motivé complémentaire, la Commission a maintenu, dans sa requête, les griefs formulés concernant douze agglomérations. Puis, au vu des explications fournies par la République portugaise dans son mémoire en défense, la Commission, dans son mémoire en réplique, a abandonné certains griefs, mais a maintenu totalement ou partiellement ceux concernant huit agglomérations, à savoir Albufeira/Armação de Pêra, Beja, Chaves, Barreiro/Moita, Corroios/Quinta da Bomba, Quinta do Conde, Seixal et Viseu.

30      C’est ainsi que la Commission considère, dans son mémoire en réplique, que les dispositions des articles 3 et 5 de la directive 91/271 ne sont toujours pas respectées en ce qui concerne l’agglomération de Quinta do Conde et que celles dudit article 5 ne le sont toujours pas en ce qui concerne les agglomérations d’Albufeira/Armação de Pêra, Beja, Chaves, Barreiro/Moita, Corroios/Quinta da Bomba, Seixal et Viseu.

31      S’agissant de l’agglomération de Quinta do Conde, la Commission fait observer que la République portugaise reconnaît, dans son mémoire en défense, que seulement 50 % de la charge sont collectés et que l’achèvement du reste du réseau et la connexion à une nouvelle station de traitement des eaux résiduaires appliquant un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 sont prévus dans cette agglomération.

32      La République portugaise, dans son mémoire en duplique, indique que le système de collecte et la station d’épuration ayant la capacité d’assurer un traitement des eaux urbaines résiduaires dans cette agglomération seront mis en service en 2010.

33      S’agissant des agglomérations d’Albufeira/Armação de Pêra, Barreiro/Moita, Beja, Chaves, Corroios/Quinta da Bomba, Quinta do Conde, Seixal et Viseu, la Commission soutient qu’un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 pour toutes les eaux urbaines résiduaires avant d’être rejetées dans des zones sensibles n’est pas assuré.

34      Plus précisément, concernant l’agglomération d’Albufeira/Armação de Pêra, la Commission relève qu’il ressort du mémoire en défense présenté par la République portugaise que la nouvelle station de traitement des eaux résiduaires dans cette agglomération fonctionne depuis le mois d’août 2009 et traite seulement 50 % de la charge générée. La Commission souligne que la République portugaise, dans son mémoire en défense, a indiqué que, en 2011, après la fermeture de deux autres stations d’épuration, celle d’Albufeira Poente rejettera les 50 % restants de la charge de cette agglomération dans la mer, en zone normale.

35      Pour sa part, la République portugaise, dans son mémoire en duplique, soutient que 50 % de la charge générée dans ladite agglomération sont traités et rejetés dans la zone sensible de Lagoa dos Salgados une fois réalisé, dans la nouvelle station d’épuration en service depuis le mois d’août 2009, un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271. Les 50 % restants de la charge seraient traités par deux autres stations d’épuration et déversés dans des zones normales après un traitement secondaire. Lorsque ces deux stations d’épuration seront fermées, précise-t-elle, la station d’Albufeira/Armação traitera l’intégralité de la charge. Elle estime donc que cette agglomération satisfait pleinement aux dispositions de l’article 5 de la directive 91/271.

36      En ce qui concerne l’agglomération de Barreiro/Moita, la Commission relève que la République portugaise a confirmé, dans son mémoire en défense, qu’une station d’épuration était en phase finale de montage et d’équipement. La République portugaise précise, dans ce mémoire, que la station d’épuration qui dessert cette agglomération est construite et qu’elle assurera un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 avant la fin de l’année 2010.

37      En ce qui concerne l’agglomération de Beja, la Commission fait valoir qu’il ressort du mémoire en défense de la République portugaise ainsi que de la presse portugaise que la station d’épuration de cette agglomération était déficiente, qu’elle n’était pas conçue pour assurer un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 des eaux urbaines résiduaires pour l’élimination efficace de l’azote et du phosphore et qu’une nouvelle station d’épuration sera mise en service en 2012.

38      Pour sa part, la République portugaise confirme, dans son mémoire en duplique, que la construction d’une nouvelle station d’épuration est prévue dans l’agglomération de Beja dans laquelle les résultats du contrôle des rejets des eaux urbaines résiduaires n’étaient pas satisfaisants.

39      En ce qui concerne l’agglomération de Chaves, la Commission fait observer que la République portugaise elle-même a déclaré qu’aucune donnée sur le contrôle des rejets des eaux urbaines résiduaires permettant d’évaluer le fonctionnement de la station d’épuration n’était disponible. La République portugaise répond qu’une nouvelle station d’épuration disposant du traitement supplémentaire requis a été mise en service dans cette agglomération au mois de mars 2010 et que le non-respect de l’article 5 de la directive 91/271 subsiste uniquement parce qu’elle ne dispose pas encore de données de contrôle.

40      En ce qui concerne l’agglomération de Corroios/Quinta da Bomba, la Commission relève que, ainsi que l’indique la République portugaise, la rénovation de la station d’épuration et la mise en place d’un traitement plus rigoureux sont prévues. Pour sa part, la République portugaise confirme qu’un traitement des eaux urbaines résiduaires plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 sera assuré dans cette agglomération à partir de l’année 2012.

41      Quant aux agglomérations de Seixal et de Viseu, la Commission fait valoir qu’il ressort du mémoire en défense de la République portugaise que les nouvelles stations d’épuration appelées à desservir ces agglomérations et devant permettre d’assurer un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 ne seront opérationnelles respectivement qu’au mois d’août 2010 et en 2012.

42      La République portugaise, dans son mémoire en duplique, indique que les travaux de construction d’une nouvelle station d’épuration dans l’agglomération de Seixal ont été achevés au mois d’août 2010 et que cette station d’épuration sera mise en service avant la fin de l’année 2010. Elle ne fournit pas dans ce mémoire d’information supplémentaire concernant l’agglomération de Viseu.

 Appréciation de la Cour

43      En ce qui concerne, en premier lieu, les zones moins sensibles, il convient de relever que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 91/271 et aux fins du paragraphe 2 de cet article, les États membres peuvent identifier des zones moins sensibles dès lors que les critères visés à l’annexe II de ladite directive sont observés.

44      Compte tenu de l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union, qui est de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires, l’article 6, paragraphe 2, deuxième tiret, de la directive 91/271 exige toutefois, pour pouvoir soumettre les rejets des eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant une charge comprise entre 10 000 et 150 000 EH dans les eaux côtières et entre 2 000 et 10 000 EH dans les estuaires situés dans ces zones à un traitement moins rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la même directive, que des études approfondies soient réalisées et montrent que ces rejets n’altèreront pas l’environnement et que les États membres fournissent à la Commission toutes les informations pertinentes concernant ces études.

45      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présente au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 14 avril 2011, Commission/Espagne, C‑343/10, point 54 et jurisprudence citée).

46      Or, en l’espèce, d’une part, la République portugaise n’a fourni aucun élément antérieur à l’expiration du délai qui lui a été imparti pour se conformer à l’avis motivé complémentaire daté du 29 juin 2007 venant étayer son affirmation selon laquelle l’identification des eaux côtières de l’île de Madère et de l’île de Porto Santo comme zones moins sensibles à laquelle a procédé ledit État membre répond aux critères de l’annexe II de la directive 91/271.

47      D’autre part, la République portugaise, qui reconnaît à tout le moins qu’elle n’a pas communiqué à la Commission, dans ce délai, des études approfondies montrant que les rejets des agglomérations de Funchal et de Câmara de Lobos n’altèrent pas l’environnement, ne justifie pas avoir réalisé de telles études avant la date d’expiration dudit délai et ne nie pas, par ailleurs, que les rejets faisaient encore à cette même date l’objet d’un traitement moins rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271.

48      Par conséquent, tant le grief de la Commission tiré de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 91/271 que celui tiré du paragraphe 2 de cet article sont fondés.

49      S’agissant, en second lieu, des zones sensibles, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 91/271, les États membres devaient veiller à ce que, pour les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices, des systèmes de collecte soient installés au plus tard le 31 décembre 1998 pour les agglomérations dont la charge est supérieure à 10 000 EH. En outre, l’article 5, paragraphe 2, de la directive 91/271 leur imposait de veiller à ce que les eaux urbaines résiduaires dans les systèmes de collecte fassent l’objet d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de la même directive, et ce au plus tard également le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant une charge supérieure à 10 000 EH.

50      À cet égard, en ce qui concerne l’agglomération de Quinta do Conde, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort des points 31 et 32 du présent arrêt, la République portugaise ne conteste pas que seulement 50 % de la charge de cette agglomération sont collectés. En outre, cet État membre a, dans son mémoire en duplique, signalé que l’achèvement des travaux afférents au réseau de collecte et à la nouvelle station d’épuration dans ladite agglomération devant assurer un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271, aurait lieu au cours de l’année 2010, date qui est postérieure à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé complémentaire daté du 29 juin 2007.

51      Il s’ensuit que le grief de la Commission concernant cette agglomération, tiré d’une méconnaissance à la fois de l’article 3 et de l’article 5 de la directive 91/271, est fondé.

52      En ce qui concerne les autres agglomérations, à savoir les agglomérations d’Albufeira/Armação de Pêra, Barreiro/Moita, Beja, Chaves, Corroios/Quinta da Bomba, Seixal et Viseu, il ressort des explications fournies par la République portugaise, telles que rappelées aux points 35 à 42 du présent arrêt, qu’un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 n’était pas assuré dans ces agglomérations à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé complémentaire en date du 29 juin 2007.

53      Partant, le grief soulevé par la Commission concernant les agglomérations d’Albufeira/Armação de Pêra, Barreiro/Moita, Beja, Chaves, Corroios/Quinta da Bomba, Seixal et Viseu, tiré de la violation de l’article 5 de la directive 91/271, est fondé.

54      Il résulte de tout ce qui précède que les manquements reprochés par la Commission à la République portugaise sont établis.

55      Par conséquent, il y a lieu de constater que:

–        en identifiant comme zones moins sensibles toutes les eaux côtières de l’île de Madère et de l’île de Porto Santo;

–        en soumettant à un traitement moins rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271 les eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un EH supérieur à 10 000, telles que les agglomérations de Funchal et de Câmara de Lobos, et déversées dans les eaux côtières de l’île de Madère;

–        en n’assurant pas, en ce qui concerne une agglomération de l’estuaire du Tage, à savoir Quinta do Conde, l’existence de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires conformément à l’article 3 de cette directive;

–        et en ne garantissant pas, en ce qui concerne les agglomérations de Albufeira/Armação de Pêra, de Beja, de Chaves et de Viseu et en ce qui concerne quatre agglomérations qui procèdent à des déversements sur la rive gauche de l’estuaire du Tage, à savoir Barreiro/Moita, Corroios/Quinta da Bomba, Quinta do Conde et Seixal, un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de ladite directive,

la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, 5 et 6 de la directive 91/271.

 Sur les dépens

56      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête:

1)      La République portugaise,

–        en identifiant comme zones moins sensibles toutes les eaux côtières de l’île de Madère et de l’île de Porto Santo;

–        en soumettant à un traitement moins rigoureux que celui prévu à l’article 4 de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, les eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un équivalent habitant supérieur à 10 000, telles que les agglomérations de Funchal et de Câmara de Lobos, et déversées dans les eaux côtières de l’île de Madère;

–        en n’assurant pas, en ce qui concerne une agglomération de l’estuaire du Tage, à savoir Quinta do Conde, l’existence de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires conformément à l’article 3 de cette directive;

–        en ne garantissant pas, en ce qui concerne les agglomérations de Albufeira/Armação de Pêra, de Beja, de Chaves et de Viseu et en ce qui concerne quatre agglomérations qui procèdent à des déversements sur la rive gauche de l’estuaire du Tage, à savoir Barreiro/Moita, Corroios/Quinta da Bomba, Quinta do Conde et Seixal, un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de ladite directive,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, 5 et 6 de la directive 91/271.

2)      La République portugaise est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le portugais.