Language of document : ECLI:EU:C:2008:271

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

8 mai 2008 (*)

«Manquement d’État – Environnement − Directive 91/271/CEE − Traitement des eaux urbaines résiduaires – Décision 2001/720/CE − Dérogation en ce qui concerne le traitement des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de la côte d’Estoril − Violation des articles 2, 3 et 5 de ladite décision»

Dans l’affaire C‑233/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 10 mai 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme S. Pardo Quintillán et M. P. Andrade, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Fernandes et Mme M. J. Lois, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. U. Lõhmus, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

–        en ne soumettant pas, pendant la saison balnéaire, les eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril au moins à un traitement primaire poussé et à une épuration avant leur rejet en mer, conformément à l’article 2 de la décision 2001/720/CE de la Commission, du 8 octobre 2001, accordant au Portugal une dérogation en ce qui concerne le traitement des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de la côte d’Estoril (JO L 269, p. 14);

–        en ne soumettant pas, en dehors de la saison balnéaire, les eaux urbaines résiduaires provenant de ladite agglomération au moins à un traitement primaire avant leur déversement, conformément à l’article 3 de cette décision, et

–        en laissant les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant de la même agglomération altérer l’environnement,

la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 3 et 5 de ladite décision.

 Le cadre juridique

 La directive 91/271/CEE

2        Aux termes de son article 1er, la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40), concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels et elle a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets desdites eaux résiduaires.

3        L’article 2, point 1, de la directive 91/271 définit les «eaux urbaines résiduaires» comme «les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement».

4        Aux termes des points 4 et 6, respectivement, du même article 2, l’«agglomération» est définie comme «une zone dans laquelle la population et/ou les activités économiques sont suffisamment concentrées pour qu’il soit possible de collecter les eaux urbaines résiduaires pour les acheminer vers une station d’épuration ou un point de rejet final» et l’«équivalent habitant (EH)» est défini comme «la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes d’oxygène par jour».

5        Aux termes de l’article 2, point 7, de la directive 91/271, le «traitement primaire» est défini comme «le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé physique et/ou chimique comprenant la décantation des matières solides en suspension ou par d’autres procédés par lesquels la DB05 des eaux résiduaires entrantes est réduite d’au moins 20 % avant le rejet et le total des matières solides en suspension des eaux résiduaires entrantes, d’au moins 50 %».

6        L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive énonce:

«Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires:

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000

[…]»

7        Les règles générales applicables aux eaux urbaines résiduaires figurent à l’article 4 de la même directive, qui dispose, à son paragraphe 1, premier tiret:

«Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes:

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15 000».

8        L’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive 91/271 prévoit:

«1.      Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à l’annexe II.

2.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10 000.»

9        Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive:

«Les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10 000 et 150 000 dans des eaux côtières […] peuvent faire l’objet d’un traitement moins rigoureux que celui qui est prévu à l’article 4, sous réserve que:

–        ces rejets aient subi au minimum le traitement primaire défini à l’article 2, [point] 7, […]

–        des études approfondies montrent que ces rejets n’altéreront pas l’environnement.

Les États membres fournissent à la Commission toutes les informations pertinentes concernant ces études.»

10      L’article 8, paragraphe 5, de la directive 91/271 est libellé comme suit:

«Dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu’il peut être prouvé qu’un traitement plus poussé ne présente pas d’intérêt pour l’environnement, les rejets, dans les zones moins sensibles, d’eaux résiduaires provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 150 000 peuvent être soumis au traitement prévu à l’article 6 pour les eaux résiduaires provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10 000 et 150 000.

En pareilles circonstances, les États membres soumettent au préalable un dossier à la Commission. La Commission examine la situation et prend les mesures appropriées selon la procédure prévue à l’article 18.»

11      L’article 15, paragraphe 3, de la même directive dispose que, en cas de rejets soumis aux dispositions de l’article 6 de celle-ci, les États membres établissent une surveillance et effectuent toute étude éventuellement requise pour garantir que le rejet ou l’évacuation n’altère pas l’environnement.

 La décision 2001/720

12      Les quatrième, sixième et quinzième considérants de la décision 2001/720 sont libellés comme suit:

«(4)      En application de l’article 8, paragraphe 5, de la directive [91/271], le Portugal a adressé à la Commission, le 16 juin 1999, une demande relative au rejet dans l’océan Atlantique, à proximité de l’estuaire du Tage, d’eaux résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril, qui représente 720 000 [EH].

[…]

(6)      Les eaux de la côte occidentale portugaise, en raison de leurs caractéristiques hydrodynamiques dues au régime des vents, des marées, des courants et des conditions de dispersion, comptent parmi les eaux côtières européennes qui assurent le mieux la dilution et la dispersion des eaux résiduaires. En outre, le lieu du déversement se situe hors de la limite extérieure de l’estuaire du Tage. En conséquence, les critères relatifs aux zones moins sensibles s’appliquent au lieu de déversement.

[…]

(15)      Sur la base des informations dont elle dispose et des assurances qui lui ont été fournies par le Portugal, et en raison de l’exceptionnelle capacité de dilution et de dispersion des eaux réceptrices, la Commission estime que le traitement proposé par le Portugal est apte à protéger les zones de baignade voisines contre la pollution microbiologique.»

13      Conformément à l’article 1er de la décision 2001/720, la demande présentée par la République portugaise, en vue de soumettre les eaux résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril à un traitement moins rigoureux que celui qui est prévu à l’article 4 de cette même directive, a été acceptée sous réserve des conditions fixées par les articles 2 à 6 de ladite décision.

14      L’article 2 de la décision 2001/720 est libellé comme suit:

«Pendant la saison balnéaire, définie par le Portugal, aux fins de la directive 76/160/CEE [du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade (JO 1976, L 31, p. 1)], comme la période comprise entre le 1er juin et le 30 septembre, les eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril doivent faire au moins l’objet d’un traitement primaire poussé et subir une épuration avant d’être rejetées en mer, conformément aux exigences définies au point 1 de l’annexe de la présente décision.»

15      L’article 3 de la même décision prévoit que, en dehors de la saison balnéaire, les eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril doivent être soumises, avant leur déversement, au moins à un traitement primaire tel qu’il est défini à l’article 2, point 7, de la directive 91/271.

16      Aux termes de l’article 5 de la décision 2001/720:

«En application de l’article 15, paragraphe 3, de la directive [91/271], le Portugal assure le suivi et réalise toute autre étude éventuellement requise pour garantir que les rejets n’altèrent pas l’environnement.

Des échantillons doivent être notamment prélevés au moins deux fois par mois pendant la saison balnéaire et à au moins deux points déterminés des eaux réceptrices. L’un de ces points est situé en amont du diffuseur oriental de la bouche d’évacuation et l’autre à 200 mètres à l’ouest du diffuseur occidental. À chacun de ces points, un échantillon doit être prélevé à la surface de l’eau et un autre à profondeur moyenne: dans 80 % des échantillons prélevés, il ne doit pas y avoir plus de 100 coliformes fécaux par 100 millilitres, l’analyse devant être effectuée par un laboratoire disposant d’un système de contrôle analytique de la qualité au sens du point 2 de l’annexe de la présente décision.»

17      L’annexe de la décision 2001/720 est libellée comme suit:

«1.      Exigences relatives aux rejets provenant de la station d’épuration des eaux urbaines résiduaires d’Estoril pendant la saison balnéaire (article 2)

Paramètre

Concentration

Pourcentage minimal de réduction (1)

Méthode de mesure de référence

Coliformes fécaux/100 ml

2 000 (moyenne géométrique)

Méthode de référence de la directive [76/160]

Demande biochimique en oxygène (DBO5 à 20°C) sans nitrification (2)

50

Méthode de référence de la directive [91/271]

Total des matières solides en suspension [(TSS)]

40 mg/l

Méthode de référence de la directive [91/271]

(1) Réduction par rapport aux valeurs à l’entrée.

(2) Ce paramètre peut être remplacé par un autre: carbone organique total (COT) ou demande totale en oxygène (DTO), si une relation peut être établie entre la DBO5 et le paramètre de substitution.

2.      Méthode de référence pour le suivi et l’évaluation des résultats (articles 4 et 5)

–        Afin de vérifier si les exigences relatives à la demande biochimique en oxygène – DBO5 – et au total des matières solides en suspension sont respectées, des échantillons doivent être prélevés pour une période de 24 heures, proportionnellement au débit ou à intervalles réguliers, au moins toutes les semaines en un point déterminé à la sortie et à l’entrée de la station d’épuration.

–        Les résultats sont évalués conformément aux dispositions de l’annexe I.D.4 de la directive [91/271].

–        Afin de vérifier si l’exigence relative aux coliformes fécaux est respectée, des échantillons sont prélevés au moins toutes les semaines pendant la saison balnéaire, lorsque le débit est maximal en journée, au point déterminé à la sortie de la station d’épuration.

–        On considère que les eaux usées traitées respectent ce paramètre si la moyenne géométrique des valeurs obtenues pendant la saison balnéaire ne dépasse pas 2 000/100 ml.

–        L’analyse doit être effectuée par des laboratoires disposant d’un système de contrôle analytique de la qualité régulièrement vérifié par une personne indépendante du laboratoire et agréée à cet effet par l’autorité compétente.»

 La procédure précontentieuse

18      La Commission a, le 19 décembre 2005, adressé à la République portugaise une lettre de mise en demeure dans laquelle elle lui reprochait d’avoir manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 3 et de l’annexe I, A, de la directive 91/271 ainsi que des articles 2 à 4 et 5 de la décision 2001/720. Elle a demandé à cet État membre de présenter ses observations dans un délai de deux mois.

19      Dans sa réponse du 23 février 2006 à ladite lettre de mise en demeure, la République portugaise a fait valoir qu’elle s’était conformée aux dispositions de l’annexe I, A, et de l’article 3 de la directive 91/271 ainsi qu’aux obligations lui incombant en vertu de l’article 4 de la décision 2001/720.

20      En revanche, la République portugaise a reconnu que les articles 2 et 3 de ladite décision n’étaient pas respectés et elle a fait valoir qu’elle ne s’opposait pas aux arguments présentés par la Commission relatifs au manquement allégué à l’article 5 de cette décision.

21      Par lettre du 4 juillet 2006, la Commission a adressé à la République portugaise un avis motivé, invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires afin de se conformer à ses obligations résultant de l’article 3 et de l’annexe I, A, de la directive 91/271 ainsi que des articles 2, 3 et 5 de la décision 2001/720.

22      En ce qui concerne, notamment, le manquement allégué à l’article 3 de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’annexe I, A, de celle-ci, la Commission a indiqué que certains éclaircissements supplémentaires étaient encore nécessaires concernant la gestion du système collecteur de l’agglomération de la côte d’Estoril.

23      S’agissant de l’article 5 de la décision 2001/720, la Commission a constaté que, selon les informations fournies par les autorités portugaises, le niveau des coliformes fécaux excède 100 CF/100 ml dans plus de 20 % des échantillons prélevés. Dans ces circonstances, elle a conclu que l’agglomération d’Estoril continuait de violer l’article 5 de cette décision.

24      Par lettre du 14 septembre 2006, la République portugaise a communiqué des informations supplémentaires à la Commission concernant notamment l’application de l’article 3 et de l’annexe I, A, de la directive 91/271. Elle a également confirmé que les travaux de construction du nouveau système de traitement des eaux résiduaires n’étaient pas encore achevés et a fourni un calendrier relatif à l’achèvement desdits travaux.

25      Estimant que la République portugaise ne satisfaisait toujours pas aux obligations lui incombant en vertu des articles 2, 3 et 5 de la décision 2001/720, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Sur les griefs tirés de la violation des articles 2 et 3 de la décision 2001/720

 Argumentation des parties

26      La Commission constate que, aux termes de l’article 2 de la décision 2001/720, pendant la saison balnéaire, les eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril doivent faire l’objet d’au moins un traitement primaire poussé et subir une épuration avant d’être rejetées en mer, conformément aux exigences définies au point 1 de l’annexe de cette décision.

27      Toutefois, selon les résultats de la surveillance présentés par les autorités portugaises, les normes établies par la décision 2001/720 en ce qui concerne les coliformes fécaux, la DBO5 et le TSS seraient largement dépassées. Il s’ensuivrait que la République portugaise ne s’est pas conformée aux exigences de l’article 2 de ladite décision.

28      En ce qui concerne l’article 3 de la décision 2001/720, la Commission constate que, en dehors de la saison balnéaire, les eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril doivent être soumises, avant leur déversement, au moins à un traitement primaire tel qu’il est défini à l’article 2, point 7, de la directive 91/271.

29      Or, en se fondant également sur les résultats de la surveillance présentés par les autorités portugaises, la Commission maintient qu’il n’avait été procédé à aucune réduction effective ni même à un quelconque traitement quant au niveau moyen de la DBO5 et au niveau du TSS.

30      La République portugaise ne conteste pas le manquement aux articles 2 et 3 de la décision 2001/720 qui lui est reproché. Toutefois, elle explique que celui-ci est dû au fait que les travaux de construction de la nouvelle station d’épuration ne sont pas encore terminés, notamment en raison de la taille et de la complexité de ce chantier.

 Appréciation de la Cour

31      Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 25 octobre 2007, Commission/Grèce, C‑440/06, point 16).

32      Il ressort des informations soumises à la Cour que, à l’expiration dudit délai, la République portugaise n’avait pas respecté les obligations lui incombant en vertu des articles 2 et 3 de ladite décision.

33      Quant à l’explication fournie par la République portugaise au sujet du dépassement de ce délai, selon laquelle le traitement exigé par les articles 2 et 3 de la décision 2001/720 n’avait pas encore pu être mis en œuvre en raison de difficultés liées à la taille et à la complexité du projet de construction de la nouvelle station d’épuration, il suffit de relever qu’un État membre ne saurait exciper de situations internes, telles les difficultés d’application apparues au stade de l’exécution d’un acte communautaire, pour justifier le non-respect des obligations et des délais résultant des normes du droit communautaire. Il s’ensuit qu’un État membre ne peut donc invoquer des difficultés techniques pour se soustraire aux obligations découlant du droit communautaire (arrêt du 9 novembre 2006, Commission/Royaume‑Uni, C‑236/05, Rec. p. I‑10819, points 28 et 29).

34      Il convient, en conséquence, de constater que les deux premiers griefs invoqués par la Commission au soutien de son recours, tirés de la violation des articles 2 et 3 de la décision 2001/720, sont fondés.

 Sur le grief tiré de la violation de l’article 5 de la décision 2001/720

 Argumentation des parties

35      Selon l’article 5 de la décision 2001/720, la République portugaise doit garantir que les rejets n’altèrent pas l’environnement, en réalisant les études et les contrôles requis, et que, notamment pendant la saison balnéaire, il ne doit pas y avoir, en deux points déterminés des eaux réceptrices, plus de 100 coliformes fécaux par 100 ml dans 80 % des échantillons prélevés et analysés conformément à cette décision.

36      En se référant aux informations fournies par ledit État membre en réponse à la lettre de mise en demeure ainsi qu’au dernier rapport technique présenté en application de l’article 6 de la décision 2001/720, la Commission a constaté que les concentrations de coliformes fécaux mesurées aux points pertinents étaient et continuent d’être très éloignées des normes établies par cette décision.

37      La République portugaise reconnaît le manquement à l’article 5, second alinéa, dernière phrase, de la décision 2001/720 en raison de la présence de trop grandes concentrations en coliformes fécaux aux points de rejet situés à proximité des diffuseurs. Toutefois, elle conteste ce grief de la Commission dans la mesure où celle-ci cherche également à faire constater que cet État membre a laissé les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril altérer l’environnement.

38      À cet égard, la République portugaise soutient, d’une part, qu’elle a assuré le suivi exigé par l’article 5, premier alinéa, de la décision 2001/720 et a réalisé des études pour contrôler les effets sur l’environnement desdits rejets dans le milieu, lesquelles attestent l’absence de détérioration du milieu récepteur et des eaux de baignade de la côte d’Estoril. Elle estime que, pour pouvoir invoquer l’existence d’un manquement aux obligations découlant dudit article 5 dans son ensemble, la Commission aurait dû démontrer, notamment, que cet État membre n’avait effectué aucun contrôle ni réalisé aucune autre étude pertinente, afin de s’assurer que ces rejets ne détérioraient pas l’environnement.

39      D’autre part, la République portugaise rappelle que, dans le cadre d’un recours en manquement, la Commission doit établir l’existence du manquement allégué et ne peut pas se fonder sur une quelconque présomption. Cet État membre fait valoir que la Commission ne peut pas démontrer que le fait que les mesures préconisées par la décision 2001/720 n’ont pas été mises en œuvre et que les exigences concernant les rejets prévues par cette décision n’ont pas été satisfaites dans le délai imparti dans la mise en demeure a entraîné une pollution des bassins hydrographiques des municipalités de l’agglomération de la côte d’Estoril ni/ou que ledit État ne s’est pas assuré que les rejets effectués par cette agglomération n’altéraient pas l’environnement.

40      Dans son mémoire en réplique, la Commission souligne que l’article 5 de la décision 2001/720 définit les paramètres environnementaux à prendre en considération afin d’évaluer l’impact des rejets sur l’environnement. Si, à tout le moins au niveau des deux points de prélèvement sélectionnés, la concentration de coliformes fécaux dépassait certains seuils, il y aurait détérioration de l’environnement et cette concentration excessive serait donc interdite. Conformément à la pratique législative dans d’autres domaines environnementaux, ledit article 5 imposerait à la République portugaise l’obligation d’obtenir des résultats très précis et concrets. En n’obtenant pas de tels résultats, cet État membre enfreindrait les règles environnementales édictées par la décision 2001/720 et affecterait négativement l’environnement.

 Appréciation de la Cour

41      Il convient de relever d’emblée qu’il n’est pas contesté que la République portugaise a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 5, second alinéa, dernière phrase, de la décision 2001/720. Ainsi qu’il ressort clairement des informations soumises à la Cour, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, les concentrations de coliformes fécaux mesurées aux points pertinents excédaient les normes établies par cette décision, de sorte que cette partie du grief de la Commission, en tant qu’elle est fondée sur ladite disposition, doit être considérée comme établie.

42      En revanche, la République portugaise soutient qu’il ne saurait être déduit d’un tel manquement qu’elle a laissé les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril altérer l’environnement, manquant ainsi aux obligations lui incombant en vertu des autres dispositions de l’article 5 de la décision 2001/720.

43      À cet égard, il convient de rappeler que les règles générales applicables aux eaux urbaines résiduaires figurent à l’article 4 de la directive 91/271. Le paragraphe 1 de cet article dispose que les États membres doivent veiller à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent.

44      L’article 5, paragraphe 2, de ladite directive prévoit un traitement plus rigoureux que celui décrit à l’article 4 de celle-ci pour des eaux urbaines résiduaires rejetées dans des zones sensibles.

45      En revanche, l’article 6, paragraphe 2, de la directive 91/271 énonce que certains rejets d’eaux urbaines résiduaires peuvent faire l’objet d’un traitement moins rigoureux que celui prévu audit article 4, sous réserve que certaines conditions soient remplies. Ainsi, ces rejets doivent avoir subi au minimum le traitement primaire défini à l’article 2, point 7, de cette directive et des études approfondies doivent montrer que ces rejets n’altéreront pas l’environnement.

46      L’article 8, paragraphe 5, de la directive 91/271 dispose que, dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu’il peut être prouvé qu’un traitement plus poussé ne présente pas d’intérêt pour l’environnement, les rejets, dans les zones moins sensibles, d’eaux résiduaires provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 150 000 peuvent être soumis au traitement prévu à l’article 6 de cette même directive pour les eaux résiduaires provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10 000 et 150 000. C’est essentiellement sur le fondement de cette disposition que la décision 2001/720 a été adoptée.

47      Il ressort de ce cadre réglementaire que, si la décision 2001/720 accorde à la République portugaise une dérogation en ce qui concerne le traitement des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de la côte d’Estoril, une telle dérogation a été acceptée dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve des conditions fixées par les articles 2 à 6 de ladite décision. S’agissant d’une dérogation aux règles générales prévues par la directive 91/271 relatives au traitement des eaux urbaines résiduaires, celle‑ci doit être interprétée, à l’égard de l’État membre en bénéficiant, de manière stricte.

48      Il ressort du libellé de l’article 5, premier alinéa, de la décision 2001/720 et de l’objectif poursuivi tant par cette décision que par la directive 91/271 que la République portugaise doit garantir que les rejets d’eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de la côte d’Estoril n’altèrent pas l’environnement.

49      Ce même objectif est réitéré à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 91/271 en ce qui concerne les conditions applicables aux eaux urbaines résiduaires faisant l’objet d’un traitement moins rigoureux que celui prévu à l’article 4 de celle-ci, à l’article 15, paragraphe 3, de cette directive, auquel l’article 5 de la décision 2001/720 se réfère, ainsi qu’à l’article 8, paragraphe 5, de la même directive, qui constitue, comme il a été dit au point 46 du présent arrêt, le fondement juridique de ladite décision.

50      Il s’ensuit que, ainsi que la Commission le soutient à bon droit, un manquement aux dispositions de l’article 5, second alinéa, dernière phrase, de la décision 2001/720 comporte nécessairement un manquement à l’obligation incombant, à titre principal, à la République portugaise, en vertu du premier alinéa du même article, selon laquelle cette dernière doit garantir que les rejets n’altèrent pas l’environnement.

51      En vertu de l’article 5 de la décision 2001/720, la République portugaise doit donc assurer le suivi et réaliser les études requises par cette disposition, prélever des échantillons à deux points déterminés des eaux réceptrices pour contrôler la concentration de coliformes fécaux et garantir que les rejets n’altèrent pas l’environnement.

52      Cette interprétation de l’article 5 de la décision 2001/720 est d’ailleurs corroborée par le fait que, en se référant à l’obligation incombant à la République portugaise de prélever des échantillons à certains points déterminés des eaux réceptrices, cette disposition utilise l’adverbe «notamment», ce qui suffit à démontrer que l’État membre destinataire de ladite décision ne saurait, par le seul accomplissement de cette formalité, satisfaire à toutes les obligations lui incombant en vertu de cette même disposition.

53      S’agissant de l’argument de la République portugaise selon lequel il ne saurait y avoir de manquement à l’article 5, premier alinéa, de la décision 2001/720 dès lors que cet État membre s’est toujours conformé aux exigences de suivi établies par les articles 5 et 6 de cette décision, il suffit de relever que le respect de celles-ci vise, notamment, à assurer la pleine et correcte mise en œuvre de l’obligation principale incombant à la République portugaise en application de la même décision, à savoir celle de garantir que les rejets des eaux urbaines résiduaires soumises à un traitement moins rigoureux en vertu de la dérogation accordée par l’article 1er de ladite décision n’altèrent pas l’environnement. Toutefois, les études réalisées par les autorités portugaises ont révélé que lesdits rejets ont affecté l’environnement, de sorte que cette obligation principale n’a pas été respectée.

54      Il convient également de relever que, même si la République portugaise conteste cette partie du grief de la Commission, ses arguments manquent de cohérence. En effet, tandis que, dans ses mémoires en défense et en duplique, cet État membre prétend que la Commission n’a pas démontré et ne peut démontrer que les rejets de l’agglomération de la côte d’Estoril dégradent l’environnement, il ressort également dudit mémoire en duplique que «le gouvernement portugais ne prétend pas […] que le non-respect des paramètres de concentration en coliformes fécaux ne doit pas être considéré comme étant représentatif d’un effet néfaste sur l’environnement».

55      Eu égard aux considérations qui précèdent, le troisième grief invoqué par la Commission au soutien de son recours, tiré de la violation de l’article 5 de la décision 2001/720, doit être considéré comme fondé.

56      Par conséquent, il convient de constater que la République portugaise:

–        en ne soumettant pas, pendant la saison balnéaire, les eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril au moins à un traitement primaire poussé et à une épuration avant leur rejet en mer, conformément à l’article 2 de la décision 2001/720;

–        en ne soumettant pas, en dehors de la saison balnéaire, les eaux urbaines résiduaires provenant de ladite agglomération au moins à un traitement primaire avant leur déversement, conformément à l’article 3 de cette décision, et

–        en laissant les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant de la même agglomération altérer l’environnement,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 3 et 5 de ladite décision.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et celle‑ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

1)      La République portugaise,

–        en ne soumettant pas, pendant la saison balnéaire, les eaux urbaines résiduaires provenant de l’agglomération de la côte d’Estoril au moins à un traitement primaire poussé et à une épuration avant leur rejet en mer, conformément à l’article 2 de la décision 2001/720/CE de la Commission, du 8 octobre 2001, accordant au Portugal une dérogation en ce qui concerne le traitement des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de la côte d’Estoril;

–        en ne soumettant pas, en dehors de la saison balnéaire, les eaux urbaines résiduaires provenant de ladite agglomération au moins à un traitement primaire avant leur déversement, conformément à l’article 3 de cette décision, et

–        en laissant les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant de la même agglomération altérer l’environnement,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 3 et 5 de ladite décision.

2)      La République portugaise est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le portugais.