Language of document : ECLI:EU:C:2007:642

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

25 octobre 2007 (*)

«Manquement d’État – Directive 91/271/CEE – Pollution et nuisances – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Articles 3 et 4»

Dans l’affaire C‑440/06,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 19 octobre 2006,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme S. Pardo Quintillán et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par Mme E. Skandalou, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. R. Schintgen, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. A. Borg Barthet et M. Ilešič (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas veillé à ce que 24 agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires répondant aux prescriptions de l’article 3 de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40), et/ou de systèmes de traitement des eaux urbaines résiduaires satisfaisant aux prescriptions de l’article 4 de cette directive, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdits articles.

 Le cadre juridique

2        Aux termes de son article 1er, la directive 91/271 concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels, et a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires susmentionnées.

3        L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, premier tiret, de la directive 91/271 prévoit que «[l]es États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires […] au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000».

4        L’article 4, paragraphes 1, premier tiret, et 4, de la directive 91/271 dispose:

«1.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes:

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15 000,

[…]

4.      La charge exprimée en EH est calculée sur la base de la charge moyenne maximale hebdomadaire qui pénètre dans la station d’épuration au cours de l’année, à l’exclusion des situations inhabituelles comme celles qui sont dues à de fortes précipitations.»

 La procédure précontentieuse

5        À la suite de nombreux échanges de lettres avec les autorités grecques au sujet de la transposition de la directive 91/271 dans l’ordre juridique grec, la Commission a, le 9 juillet 2004, adressé à la République hellénique une lettre de mise en demeure dans laquelle elle faisait valoir que 30 agglomérations dont l’EH est supérieur à 15 000 n’étaient équipées ni de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires répondant aux prescriptions de l’article 3 de cette directive ni de systèmes de traitement des mêmes eaux satisfaisant aux prescriptions de l’article 4 de ladite directive.

6        Jugeant les explications des autorités grecques insatisfaisantes pour 24 des agglomérations susmentionnées, la Commission a, le 13 juillet 2005, adressé à la République hellénique un avis motivé, en l’invitant à s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception. Les autorités grecques ont répondu à l’avis motivé par lettre du 19 septembre 2005.

7        Considérant que la République hellénique ne satisfaisait toujours pas à ses obligations résultant de la directive 91/271, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

8        La Commission fait valoir, d’une part, que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, les agglomérations d’Artemida, de Chrysoupoli, d’Igoumenitsa, d’Héraklion (Crète), de Katerini, de Koropi, de Lefkimmi, de Litochoro (Piérie), de Malia, de Markopoulo, de Mégare, de Nea Kydonia (Crète), de Naupacte, de Nea Makri, de Parikia (Paros), de Poros-Galatas, de Rafina, de Thessalonique (zone touristique), de Tripoli, de Zante et d’Alexandria (Émathie) ne disposaient pas de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires conformes aux prescriptions de l’article 3 de directive 91/271.

9        D’autre part, la Commission allègue que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, les agglomérations d’Artemida, de Chrysoupoli, d’Igoumenitsa, d’Héraklion (Crète), de Katerini, de Koropi, de Lefkimmi, de Litochoro (Piérie), de Malia, de Markopoulo, de Mégare, de Nea Kydonia (Crète), de Naupacte, de Nea Makri, de Parikia (Paros), de Poros-Galatas, de Rafina, de Thessalonique (zone touristique), de Tripoli, de Zante, de Préveza, d’Édessa et de Kalymnos n’étaient pas équipées de systèmes de traitement des eaux urbaines résiduaires satisfaisant aux prescriptions de l’article 4 de la directive.

10      Le gouvernement hellénique conclut au rejet du recours en manquement.

11      Il fait valoir qu’il prend toutes les mesures nécessaires pour que les 24 agglomérations visées dans le présent recours disposent de réseaux de collecte des eaux urbaines résiduaires conformes aux exigences de l’article 3 de la directive 91/271 et/ou de systèmes de traitement des eaux urbaines résiduaires satisfaisant aux prescriptions de l’article 4 de cette directive.

12      Ce gouvernement souligne notamment que, depuis sa réponse à l’avis motivé, les travaux visant à une mise en conformité totale avec les articles 3 et 4 de la directive 91/271 des 24 agglomérations mentionnées dans cet avis se sont poursuivis. Il fait en particulier valoir que les agglomérations d’Igoumenitsa, de Préveza, d’Héraklion (Crète), de Naupacte, de Parikia (Paros), de Thessalonique (zone touristique), de Tripoli et de Zante sont équipées de réseaux de collecte des eaux urbaines résiduaires conformes à l’article 3 de cette directive, et que ces mêmes agglomérations, à l’exception de Tripoli, sont également équipées d’installations de traitement desdites eaux conformes à l’article 4 de ladite directive.

 Appréciation de la Cour

13      À titre liminaire, il y a lieu de constater que le gouvernement hellénique ne conteste pas que les 24 agglomérations visées par le présent recours ont toutes un EH, tel que déterminé en application de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 91/271, supérieur à 15 000.

14      Partant, conformément aux articles 3, paragraphe 1, premier alinéa, premier tiret, et 4, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 91/271, ces agglomérations auraient dû être équipées de systèmes de collecte de leurs eaux urbaines résiduaires et ces eaux soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent au plus tard le 31 décembre 2000.

15      S’agissant, en premier lieu, de l’obligation de disposer de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires, le gouvernement hellénique fait valoir, au point 6 de son mémoire en défense, que les agglomérations d’Igoumenitsa, d’Héraklion (Crète), de Naupacte, de Parikia (Paros), de Thessalonique (zone touristique), de Tripoli et de Zante satisfont déjà aux prescriptions de l’article 3 de la directive 91/271.

16      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 30 novembre 2006, Commission/Luxembourg, C‑32/05, Rec. p. I‑11323, point 22).

17      En l’espèce, l’avis motivé, daté du 13 juillet 2005, impartissait à la République hellénique un délai de deux mois pour se conformer à ses obligations résultant de la directive 91/271.

18      Or, s’agissant de l’agglomération de Parikia (Paros), le gouvernement hellénique a précisé, au point 5.12 de son mémoire en défense, que «[le] réseau de collecte de la ville est en cours de finalisation», confirmant l’indication donnée dans la réponse à l’avis motivé selon laquelle «le système de collecte devrait être achevé pour la fin 2006».

19      De même, concernant l’agglomération de Tripoli, il est précisé, au point 5.18 du mémoire en défense, que «les réseaux de collecte des eaux résiduaires de la ville sont actuellement complétés» et que «la fin des travaux est prévue pour la fin 2007», confirmant ainsi la date d’achèvement des travaux donnée dans la réponse à l’avis motivé.

20      S’agissant des agglomérations d’Héraklion (Crète), de Naupacte, de Thessalonique (zone touristique) et de Zante, il y a lieu de relever, d’une part, que, dans la réponse à l’avis motivé, il est indiqué que les systèmes de collecte devraient être achevés le 30 juin 2006 pour Zante, le 15 avril 2007 pour Thessalonique (zone touristique), et à la fin de 2007 pour Héraklion (Crète) ainsi que pour Naupacte et, d’autre part, que, aux points 5.4 et 5.7 à 5.9 du mémoire en défense, il est précisé que les systèmes de collecte de ces agglomérations ne «couvrent» qu’une partie seulement de la «population de pointe», à savoir respectivement 80 % pour Héraklion (Crète), «à peu près» 90 % pour Naupacte, 76 % pour Thessalonique (zone touristique) et «plus de» 90 % pour Zante.

21      Enfin, dans leur réponse à l’avis motivé, les autorités grecques ont indiqué que la construction des systèmes de collecte de l’agglomération d’Igoumenitsa serait achevée à la fin de 2005. Il s’ensuit que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, arrivé à échéance antérieurement à ladite réponse, cette agglomération ne disposait pas encore de réseaux de collecte des eaux urbaines résiduaires conformes aux exigences de l’article 3 de la directive 91/271.

22      Quant aux autres agglomérations, si le gouvernement hellénique a indiqué, dans son mémoire en défense, que certaines d’entre elles disposaient de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires, il n’a toutefois pas soutenu que ces systèmes satisfont déjà pleinement aux exigences de l’article 3 de la directive 91/271.

23      En conséquence, le grief tiré de l’absence de systèmes de collecte satisfaisant aux prescriptions de l’article 3 de la directive 91/271 est établi pour les 21 agglomérations visées dans le présent recours.

24      S’agissant, en second lieu, de l’obligation de soumettre les eaux urbaines résiduaires à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent au sens de l’article 4 de la directive 91/271, le gouvernement hellénique fait valoir, au point 6 de son mémoire en défense, que les agglomérations d’Igoumenitsa, d’Héraklion (Crète), de Naupacte, de Parikia (Paros), de Thessalonique (zone touristique), de Zante et de Préveza satisfont déjà aux prescriptions dudit article.

25      Toutefois, ainsi qu’il a été constaté aux points 18 à 21 du présent arrêt, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, les agglomérations d’Igoumenitsa, d’Héraklion (Crète), de Naupacte, de Parikia (Paros), de Thessalonique (zone touristique) et de Zante ne disposaient pas de systèmes permettant de collecter la totalité des eaux urbaines résiduaires rejetées par ces agglomérations. L’obligation de soumettre la totalité des rejets à un traitement secondaire ou équivalent, prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/271, n’était donc a fortiori pas remplie (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2007, Commission/Espagne, C‑219/05, non publié au Recueil, points 19, 20 et 23).

26      S’agissant de l’agglomération de Préveza, la Commission fait valoir que la station d’épuration dont elle est dotée n’est reliée qu’à une partie seulement de son système de collecte des eaux urbaines résiduaires.

27      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 226 CE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle‑ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur des présomptions quelconques (voir arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, Rec. p. I‑3331, point 41, et du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni, C‑508/03, Rec. p. I‑3969, point 77).

28      C’est seulement lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur qu’il incombe à celui‑ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (voir arrêts précités Commission/Irlande, point 44, et Commission/Royaume-Uni, point 80).

29      En l’espèce, l’affirmation de la Commission quant à l’absence de raccordement de la station d’épuration de Préveza à une partie du réseau de collecte des eaux résiduaires de cette agglomération n’est étayée par aucun élément de preuve.

30      Certes, dans leur réponse en date du 25 septembre 2004 à la lettre de mise en demeure adressée par la Commission, les autorités grecques indiquaient que la station d’épuration de Préveza «fonctionne avec une partie seulement du réseau de collecte», mais elles ajoutaient aussitôt que ce réseau de collecte était en cours d’achèvement. De fait, ces autorités ont depuis affirmé, dans leur réponse à l’avis motivé, que le réseau de collecte de cette agglomération avait été achevé le 30 juin 2005, soit avant l’expiration du délai de deux mois imparti dans l’avis motivé. Or, la Commission n’a pas contesté cette affirmation, ainsi que le démontre le fait qu’elle n’a pas inclus Préveza dans la liste des agglomérations ne disposant pas d’un système de collecte satisfaisant aux prescriptions de l’article 3 de la directive 91/271.

31      Il convient donc de rejeter le recours en manquement en tant qu’il concerne l’agglomération de Préveza.

32      Quant aux autres agglomérations, si le gouvernement hellénique a indiqué, dans son mémoire en défense, que certaines d’entre elles disposaient d’installations de traitement des eaux urbaines résiduaires, il n’a pas soutenu que ces installations satisfont déjà pleinement aux exigences de l’article 4 de la directive 91/271.

33      En conséquence, il y a lieu de constater que, en ne veillant pas à ce que les agglomérations d’Artemida, de Chrysoupoli, d’Igoumenitsa, d’Héraklion (Crète), de Katerini, de Koropi, de Lefkimmi, de Litochoro (Piérie), de Malia, de Markopoulo, de Mégare, de Nea Kydonia (Crète), de Naupacte, de Nea Makri, de Parikia (Paros), de Poros-Galatas, de Rafina, de Thessalonique (zone touristique), de Tripoli, de Zante, d’Alexandria (Émathie), d’Édessa et de Kalymnos soient équipées, selon le cas, de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires répondant aux prescriptions de l’article 3 de la directive 91/271 et/ou de systèmes de traitement des eaux urbaines résiduaires satisfaisant aux prescriptions de l’article 4 de cette directive, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdits articles.

34      Le recours est rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

35      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et celle-ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      En ne veillant pas à ce que les agglomérations d’Artemida, de Chrysoupoli, d’Igoumenitsa, d’Héraklion (Crète), de Katerini, de Koropi, de Lefkimmi, de Litochoro (Piérie), de Malia, de Markopoulo, de Mégare, de Nea Kydonia (Crète), de Naupacte, de Nea Makri, de Parikia (Paros), de Poros-Galatas, de Rafina, de Thessalonique (zone touristique), de Tripoli, de Zante, d’Alexandria (Émathie), d’Édessa et de Kalymnos soient équipées, selon le cas, de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires répondant aux prescriptions de l’article 3 de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, et/ou de systèmes de traitement des eaux urbaines résiduaires satisfaisant aux prescriptions de l’article 4 de cette directive, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdits articles.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.