Language of document : ECLI:EU:T:2013:92

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 février 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale BIODERMA – Absence de violation des droits de la défense – Article 75 du règlement (CE) n° 207/2009 – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑427/11,

Laboratoire Bioderma, établi à Lyon (France), représenté par Mme A. Teston, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Cabinet Continental, établi à Paris (France), représenté par Me J.-C. Brun, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 28 février 2011 (affaire R 861/2009‑1), relative à une procédure de nullité entre le Cabinet Continental et le Laboratoire Bioderma,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 1er décembre 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 15 novembre 2011,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 18 avril 2012,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 4 juillet 2012,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 avril 2003, le requérant, le Laboratoire Bioderma, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BIODERMA.

3        Le 5 juin 2007, le signe a été enregistré en tant que marque communautaire, sous le numéro 003136892.

4        Les produits et les services pour lesquels la marque a été enregistrée relèvent des classes 3, 5 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparation pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons, parfumerie, huiles essentielles ; cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical ; aliments pour bébé ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants, produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides et herbicides » ;

–        classe 44 : « Services de salons de beauté, de coiffure ; services de conseils en matière d’hygiène et de soins ; services de conseils en matière de cosmétologie et de dermatologie, de soin du corps et de beauté ».

5        Le 13 décembre 2007, l’intervenant, le Cabinet Continental, a présenté à l’OHMI une demande visant à faire déclarer la nullité de la marque en cause, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7 du règlement n° 40/94 [devenus respectivement article 52, paragraphe 1, sous a), et article 7 du règlement n° 207/2009] pour les produits relevant des classes 3, 5 et 44 correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–         classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparation pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons, parfumerie, huiles essentielles ; cosmétiques, lotions pour les cheveux » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques, hygiéniques, substances diététiques à usage médical ; emplâtres, matériel pour pansements désinfectants » ;

–        classe 44 : « Services de salons de beauté, de coiffure ; services de conseils en matière d’hygiène et de soins ; services de conseils en matière de cosmétologie et de dermatologie, de soin du corps et de beauté ».

6        Par décision du 27 mai 2009, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité en ce qui concerne chacun des motifs absolus invoqués par l’intervenant.

7        Le 27 juillet 2009, l’intervenant a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 28 février 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours de l’intervenant et a déclaré nulle la marque communautaire en cause pour les produits et services concernés. Elle a considéré que la marque en cause pouvait être comprise par le public hellénophone comme désignant des caractéristiques essentielles des produits et des services concernés et que, partant, elle avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. La chambre de recours a également estimé que ledit enregistrement avait été effectué en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en ce que la marque en cause pouvait être perçue comme fournissant des informations sur la nature des produits et des services qu’elle désigne et non comme indiquant leur origine.

 Conclusions des parties

9        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’action en nullité introduite par l’intervenant ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenant aux dépens de la présente procédure ;

–        condamner l’intervenant aux dépens exposés au cours de la procédure devant la division d’annulation et la chambre de recours.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

11      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, le requérant invoque, en substance, trois moyens, tirés d’une violation, respectivement, de l’article 75, de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009

13      Le requérant fait grief à la chambre de recours d’avoir violé l’article 75 du règlement n° 207/2009 en fondant son examen de la marque BIODERMA au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 sur la perception du public hellénophone, alors que cette question n’avait été abordée ni par la division d’annulation ni par les parties dans leurs écritures. Il reproche également à la chambre de recours d’avoir, d’une part, évoqué l’affaire dans son ensemble au lieu de procéder à un réexamen de la décision de la division d’annulation et, d’autre part, manqué à son devoir de diligence. Enfin, il conteste que la perception de la marque en cause par le public hellénophone puisse être considérée comme un fait notoire.

14      L’OHMI et l’intervenant concluent au rejet du présent moyen.

15      En premier lieu, il convient de rappeler que l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 dispose que la chambre de recours peut soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance pour suite à donner. Il découle de cette disposition ainsi que de l’économie du règlement nº 207/2009 que la chambre de recours dispose pour statuer sur un recours des mêmes compétences que l’instance qui a pris la décision attaquée et que son examen porte sur l’entier litige tel qu’il se présente au jour où elle statue [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2006, Caviar Anzali/OHMI – Novomarket (Asetra), T‑252/04, Rec. p. II‑2115, point 29].

16      Partant, c’est à tort que le requérant fait grief à la chambre de recours d’avoir évoqué l’affaire dans son ensemble.

17      En deuxième lieu, s’agissant de l’allégation du requérant tirée d’une violation de l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009, il convient de rappeler que, en vertu de cette disposition, les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition porte tant sur les motifs de fait que sur ceux de droit ainsi que sur les éléments de preuve [arrêt du Tribunal du 4 octobre 2006, Freixenet/OHMI (Forme d’une bouteille émerisée blanche), T‑190/04, non publié au Recueil, point 28]. Une chambre de recours de l’OHMI ne peut donc fonder sa décision que sur des éléments de fait ou de droit sur lesquels les parties ont pu présenter leurs observations. Par conséquent, dans le cas où la chambre de recours recueille d’office des éléments de fait destinés à servir de fondement à sa décision, elle doit obligatoirement les communiquer aux parties afin que celles-ci puissent faire connaître leurs observations (arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, points 42 et 43, et arrêt Forme d’une bouteille émerisée blanche, précité, point 30).

18      Il ressort, certes, de la décision attaquée que la chambre de recours s’est fondée sur la perception de la marque BIODERM A en Grèce pour conclure qu’elle avait été enregistrée en violation de l’article 7 du règlement n° 207/2009 et procéder à son annulation, alors que la division d’annulation ne s’était pas prononcée sur la perception de ladite marque par le public hellénophone.

19      Il convient cependant d’observer que, d’une part, l’origine grecque des éléments verbaux « bio » et « derma » constituant la marque en cause a été amplement discutée par les parties au cours de la procédure administrative et, d’autre part, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 précise clairement qu’il est suffisant qu’un motif de refus existe dans une partie de la Communauté. Dans ces conditions, l’éventualité d’une prise en compte par la chambre de recours de la perception de la marque en cause par le public hellénophone s’apparente à une hypothèse que le requérant pouvait raisonnablement envisager. Il peut donc en être déduit que, dans les circonstances de l’espèce, la chambre de recours ne s’est pas fondée sur un motif sur lequel les parties n’ont pas été à même de prendre position.

20      En outre, il convient également de souligner que, s’il appartient en principe aux organes de l’OHMI d’établir, dans leurs décisions, l’exactitude des faits qui fondent leur décision, tel n’est pas le cas lorsqu’ils allèguent des faits notoires (arrêts de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 51, et du 19 avril 2007, OHMI/Celltech, C‑273/05 P, Rec. p. I‑2883, point 98 ; ordonnance de la Cour du 3 juin 2009, Zipcar/OHMI, C‑394/08 P, non publié au Recueil, point 42). Dans une telle éventualité, il est loisible à une partie à laquelle l’OHMI oppose de tels faits notoires de contester leur exactitude devant le Tribunal (arrêt Storck/OHMI, précité, point 52).

21      Ainsi, les chambres de recours, pour déterminer la perception que le public pertinent aura des marques en conflit, peuvent s’appuyer sur des faits notoires ou sur les connaissances particulières de ces faits notoires par leurs membres, sous réserve de la démonstration, par la partie à laquelle cette appréciation fait grief, d’une erreur d’appréciation au regard du caractère notoire de ces faits [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 octobre 2006, Hammarplast/OHMI – Steninge Slott (STENINGE SLOTT), T‑499/04, non publié au Recueil, point 53, et du 17 octobre 2007, InterVideo/OHMI (WinDVD Creator), T‑105/06, non publié au Recueil, point 40].

22      Partant, dès lors qu’il peut être considéré que la perception par le public hellénophone de la marque en cause revêt un caractère de fait notoire, il convient de conclure que la chambre de recours était en droit de s’appuyer sur ladite perception et qu’il est loisible au requérant de contester cette appréciation devant le Tribunal, ce qu’il fait en s’appuyant, à titre d’élément de preuve, sur une étude linguistique du professeur G.B. portant sur la perception du néologisme « bioderma » par le consommateur hellénophone (ci-après l’ « étude linguistique »), dont l’examen relève de l’analyse du moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

23      Enfin, en troisième lieu, le requérant fait grief à la chambre de recours d’avoir manqué à son devoir de diligence en n’examinant pas les arguments des parties et en n’étudiant pas la décision de la division d’annulation.

24      Il ressort, certes, de la jurisprudence que l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 – en vertu duquel « l’[OHMI] procède à l’examen d’office des faits toutefois dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties » – est une expression du devoir de diligence, selon lequel l’institution compétente est tenue d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments de fait et de droit pertinents du cas d’espèce [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juillet 2011, Zino Davidoff/OHMI – Kleinakis kai SIA (GOOD LIFE), T‑108/08, non encore publié au Recueil, point 19].

25      Cependant, la circonstance que, en l’espèce, la chambre de recours ait admis la demande de nullité présentée par l’intervenant sur la base d’un raisonnement différent de celui de la division d’annulation ne saurait être considérée comme constitutive d’un manquement à son devoir de diligence. Il ressort plutôt de la lecture de la décision attaquée qu’il a été constaté que la chambre de recours avait effectué une analyse complète tant de la décision de la division d’annulation que des arguments invoqués par les parties et qu’elle n’avait, partant, pas manqué à son devoir de diligence.

26      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

27      Selon le requérant, la chambre de recours aurait conclu à tort au caractère descriptif de la marque en cause à l’égard des produits et des services en cause. Il lui reproche d’une part, une appréciation erronée de la perception de la marque en cause par le public hellénophone et, d’autre part, de ne pas avoir analysé cette marque dans son ensemble. Enfin, il conteste également l’appréciation de la chambre de recours portant sur l’existence d’un lien suffisamment direct et concret avec les produits et services concernés pour que la marque en cause puisse être qualifiée de descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

28      L’OHMI et l’intervenant concluent au rejet du présent moyen.

29      Selon l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, la nullité de la marque est déclarée lorsque cette dernière a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.

30      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du même règlement énonce que le « paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

31      Selon une jurisprudence constante, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications descriptives des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous [arrêts de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 31, et du Tribunal du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec. p. II-1961, point 24].

32      En outre, sont visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 les signes incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne, de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative (arrêt EUROPIG, point 31 supra, point 25).

33      En effet, les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [voir arrêt du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 24, et la jurisprudence citée].

34      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt PAPERLAB, point 33 supra, point 25, et la jurisprudence citée).

35      Toutefois, pour qu’une marque constituée d’un néologisme ou d’un mot résultant d’une combinaison d’éléments soit considérée comme descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il ne suffit pas qu’un éventuel caractère descriptif soit constaté pour chacun de ces éléments. Un tel caractère doit être constaté pour le néologisme ou le mot lui-même [voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 96, Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 37, et arrêt du Tribunal du 9 décembre 2009, Earle Beauty/OHMI (SUPERSKIN), T‑486/08, non publié au Recueil, point 24].

36      En outre, il est de jurisprudence constante qu’une marque constituée d’un néologisme ou d’un mot composé d’éléments, dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sauf s’il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il prime la somme desdits éléments (voir, par analogie, arrêts Koninklijke KPN Nederland, point 35 supra, point 100, et Campina Melkunie, point 35 supra, point 41 ; arrêt PAPERLAB, point 33 supra, point 27). À cet égard, l’analyse du terme en cause au vu des règles lexicales et grammaticales appropriées est également pertinente (voir arrêt SUPERSKIN, point 35 supra, point 25, et la jurisprudence citée).

37      Il importe également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que par rapport, d’une part, à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés (voir arrêt du Tribunal du 7 juin 2005, Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft/OHMI (MunichFinancialServices), T‑316/03, Rec. p. II‑1951, point 26, et la jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il convient de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré au point 21 de la décision attaquée que les produits et services désignés par la marque en cause sont de consommation courante et s’adressent, partant, à un consommateur moyen, réputé normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

39      En outre, dans la mesure où la marque en cause a également été enregistrée pour des produits pharmaceutiques, il convient de rappeler que le public pertinent est également constitué, outre les consommateurs finaux desdits produits, par des professionnels de la médecine [voir arrêt du Tribunal du 14 juillet 2011, ratiopharm/OHMI – Nycomed (ZUFAL), T‑222/10, non publié au Recueil, point 19, et la jurisprudence citée].

40      Enfin, dès lors qu’il ressort des points 20 et 41 de la décision attaquée que le motif absolu de refus n’a été retenu par la chambre de recours que, en ce qui concerne la langue grecque, il y a lieu de considérer, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, que le public pertinent aux fins de l’appréciation de ce motif de refus est constitué des consommateurs concernés en Grèce et à Chypre.

41      Il y a donc lieu d’examiner si, conformément à la jurisprudence citée aux points 33 à 37 ci-dessus, il existe, du point de vue du public pertinent ainsi défini, un rapport suffisamment direct et concret entre la marque en cause et les produits et les services concernés.

42      En ce qui concerne la perception de la marque en cause par le public pertinent, il convient de relever qu’il est constant que ladite marque est constituée par un néologisme composé de la juxtaposition des éléments verbaux « bio » et « derma ».

43      Dans la mesure où la marque en cause est formée de caractères latins, il y a lieu de rappeler que les translittérations en caractères latins de mots grecs doivent être assimilées, aux fins notamment de l’examen des motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009, aux mots écrits en caractères grecs [voir arrêt du Tribunal du 16 décembre 2010, Deutsche Steinzeug Cremer & Breuer/OHMI (CHROMA), T‑281/09, Rec. p. II‑6263, et la jurisprudence citée].

44      En ce qui concerne le sens de l’élément verbal « derma », il ressort de l’étude linguistique elle-même qu’il est utilisé pour la formation d’adjectifs qualifiant la texture, la couleur ou une autre caractéristique de la peau.

45      En ce qui concerne le sens de l’élément verbal « bio », il est souligné dans l’étude linguistique que sa fonction première est d’indiquer un rapport avec la vie, les êtres vivants et leur étude ou encore des secteurs de production utiles pour l’homme.

46      Toutefois, ainsi que la chambre de recours l’a rappelé au point 28 de la décision attaquée, le Tribunal a eu l’occasion de souligner que l’élément verbal « bio » a acquis un sens différent dans le langage courant. En particulier, dans le commerce, son utilisation comme préfixe ou suffixe a acquis aujourd’hui une portée hautement évocatrice, qui peut éventuellement être perçue d’une manière différente selon le produit mis en vente auquel il est rattaché, mais qui, de manière générale, renvoie à l’idée de respect de l’environnement, de l’utilisation de matières naturelles, voire de procédés de fabrication écologiques [arrêt du Tribunal du 29 avril 2010, Kerma/OHMI (BIOPIETRA), T‑586/08, non publié au Recueil, point 25]. Une telle constatation peut également être effectuée à l’égard de la perception de l’élément verbal « bio » par le public hellénophone.

47      Quant au point de savoir s’il existe un écart perceptible entre le néologisme « bioderma » et la simple somme des éléments qui le composent au sens de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, il convient de constater que l’argumentation du requérant repose essentiellement sur la circonstance que « bioderma » ne figure pas dans les dictionnaires de langue grecque. Cependant, une telle circonstance, en elle-même, ne suffit pas à attester de l’existence d’une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent. L’utilisation dans la marque en cause de l’élément verbal « bio » à titre de préfixe et de l’élément verbal « derma » à titre de suffixe, alors qu’il ressort de l’étude linguistique qu’ils occupent fréquemment une telle fonction, tend plutôt à démontrer que, tout en constituant un néologisme, la marque en cause est construite conformément aux règles lexicales appropriées. Dans ces circonstances, la marque en cause ne saurait être considérée comme disposant d’un sens autonome primant celui des éléments la constituant. Les critiques du requérant portant sur l’absence d’examen de l’impression d’ensemble de la marque en cause doivent, dès lors, être rejetées.

48      Il convient d’en déduire que la marque en cause peut être comprise comme indiquant l’origine naturelle d’un produit pour la peau ou de services de soins naturels pour la peau, ainsi que la chambre de recours l’a justement relevé au point 32 de la décision attaquée.

49      Au vu de la jurisprudence citée aux points 33 et 34 ci-dessus, il y a lieu de vérifier si cette compréhension par le public concerné de la marque en cause crée un rapport suffisamment direct et concret avec les produits et services concernés ou avec une caractéristique essentielle de ceux-ci.

50      En premier lieu, le Tribunal relève qu’existe un tel rapport entre la marque en cause et les savons, les produits cosmétiques et les huiles essentielles relevant de la classe 3, ainsi que la chambre de recours l’a observé au point 33 de la décision attaquée, dans la mesure où de tels produits sont destinés à la peau.

51      Il en va de même des produits pharmaceutiques relevant de la classe 5, dans la mesure où, d’une part, certains des produits relevant de cette catégorie sont destinés au soin de la peau et, d’autre part, les organes de l’OHMI ne sont pas tenus, lorsqu’une liste des produits ou des services visés par une demande de marque communautaire inclut une ou plusieurs catégories de produits ou de services, de procéder à une analyse de chacun des produits ou des services faisant partie de chaque catégorie, mais doivent porter leur examen sur la catégorie en question, en tant que telle [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 23, et la jurisprudence citée]. Pour des raisons analogues, il convient de conclure qu’il existe un rapport suffisamment direct et concret entre la marque en cause et les produits hygiéniques relevant de cette même classe.

52      Enfin, les services de salons de beauté, les services de conseils en matière d’hygiène et de soins, les services de conseils en matière de cosmétologie et de dermatologie, de soins du corps et de beauté peuvent être considérés comme portant directement sur le soin ou le traitement de la peau. C’est donc également à juste titre que la chambre de recours a conclu au point 35 de la décision attaquée au caractère descriptif de la marque en cause à leur égard.

53      En deuxième lieu, la marque en cause doit être considérée comme descriptive des produits et des services qui ont pour caractéristique essentielle la recherche d’une préservation de la peau, à l’occasion de leur utilisation ou de leur mise en œuvre. Il en est ainsi, tout d’abord, des lotions pour les cheveux et de la parfumerie relevant de la classe 3 et des services de salons de coiffure relevant de la classe 44, ensuite, des emplâtres, du matériel pour pansements et des désinfectants, relevant de la classe 5, et, enfin, des préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ainsi que des préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, relevant de la classe 3.

54      Toutefois, en troisième lieu, le Tribunal relève qu’un tel constat ne saurait être étendu aux substances diététiques à usage médical, relevant de classe 5. À l’égard de ces produits, l’éventualité d’une incidence sur la peau à l’occasion de leur utilisation apparaît trop éloignée pour considérer qu’il existe du point de vue du public concerné un rapport suffisamment direct et concret avec la marque en cause.

55      Il convient, dès lors, de faire droit au présent moyen dans la seule mesure où la chambre de recours a conclu au caractère descriptif de la marque en cause à l’égard des substances diététiques à usage médical relevant de la classe 5.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

56      Le requérant estime que la chambre de recours a fait une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en n’examinant pas le caractère distinctif de la marque en cause par rapport aux produits et aux services à l’égard desquels elle a été enregistrée.

57      L’OHMI et l’intervenant concluent au rejet de ce moyen.

58      Ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, il suffit qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire [arrêts de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 29, et du Tribunal du 9 juillet 2008, Coffee Store/OHMI (THE COFFEE STORE), T‑323/05, non publié au Recueil, point 49]. Il s’ensuit que ce n’est qu’à l’égard des substances diététiques à usage médical, pour lesquelles il a été considéré que la marque en cause n’était pas descriptive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, qu’il convient d’examiner son éventuelle absence de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

59      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 37 ; du 5 mai 2009, Rotter/OHMI (Forme d’un assemblage de saucisses), T‑449/07, Rec. p. II‑1071, point 18, et du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, Rec. p. II‑3535, point 14].

60      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement ou la protection de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits ou de ces services [arrêt du Tribunal du 7 février 2002, Mag Instrument/OHMI (Forme de lampes de poche), T‑88/00, Rec. p. II‑467, point 30, et arrêt Forme d’un assemblage de saucisses, point 59 supra, point 19].

61      Un minimum de caractère distinctif suffit toutefois pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne soit pas applicable [arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 44, et du 20 mai 2009, CFCMCEE/OHMI (P@YWEB CARD et PAYWEB CARD), T‑405/07 et T‑406/07, Rec. p. II‑1441, point 57].

62      Au points 42 à 46 de la décision attaquée, la chambre de recours, après avoir rappelé que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 est indépendant des autres et exige un examen séparé, a estimé que, au vu du caractère promotionnel de l’élément verbal « bio » pour tout type de produit qui a un rapport avec la peau, la combinaison des éléments verbaux « bio » et « derma » ne permettra pas au public pertinent de percevoir l’origine commerciale des produits et des services en cause.

63      Toutefois, force est de constater qu’une telle appréciation revêt un caractère erroné à l’égard des substances diététiques à usage médical relevant de la classe 5. Si l’élément verbal « bio » peut être compris comme une référence à leur origine biologique et n’est, pour cette raison, pas à même de permettre d’identifier leur origine commerciale, il en va différemment de l’élément verbal « derma », lequel revêt un caractère pour le moins inhabituel s’agissant de la commercialisation de substances diététiques à usage médical. Partant, il convient de considérer que, à l’égard de ces produits, la marque en cause dispose du minimum de caractère distinctif requis pour que le public ciblé puisse identifier leur origine commerciale.

64      Il convient, dès lors, de faire droit au présent moyen dans la seule mesure où la chambre de recours a conclu que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif à l’égard des substances diététiques à usage médical relevant de la classe 5.

65      Au vu de tout ce qui précède, il convient d’annuler partiellement la décision attaquée et de rejeter le recours pour le surplus.

66      Conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal. Partant, il appartiendra à l’OHMI de tirer les conséquences de l’annulation de la décision attaquée et il n’y a pas lieu pour le Tribunal de se prononcer sur le deuxième chef de conclusions du requérant visant à ce que le Tribunal rejette la demande en nullité introduite par l’intervenant.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, la demande du requérant du n’étant accueillie que pour certains produits concernés, il y a lieu de décider que le requérant supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens de l’OHMI et de l’intervenant et que ces derniers supporteront l’autre moitié de leurs dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 28 février 2011 (affaire R 861/2009‑1) est annulée, en ce qui concerne les substances diététiques à usage médical relevant de la classe 5.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Laboratoire Bioderma supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens de l’OHMI et du Cabinet Continental.

4)      L’OHMI et le Cabinet Continental supporteront la moitié de leurs dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le français.