Language of document : ECLI:EU:C:2017:308

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

27 avril 2017 (*)

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché européen des bananes en Grèce, en Italie et au Portugal – Coordination dans la fixation des prix – Recevabilité des preuves transmises par des autorités fiscales nationales – Droits de la défense – Calcul du montant de l’amende – Étendue du contrôle juridictionnel – Qualification d’“accord ayant pour objet de restreindre la concurrence” »

Dans l’affaire C‑469/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 septembre 2015,

FSL Holdings NV, établie à Anvers (Belgique),

Firma Léon Van Parys NV, établie à Anvers,

Pacific Fruit Company Italy SpA, établie à Rome (Italie),

représentées par Mes P. Vlaemminck et B. Van Vooren, advocaaten, ainsi que par Me C. Verdonck, avocate, Me J. Auwerx, advocaat, et Me B. Gielen, avocate,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. A. Biolan, M. Kellerbauer et P. Rossi, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. E. Regan, J.‑C. Bonichot (rapporteur), C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 novembre 2016,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, FSL Holdings NV, Firma Léon Van Parys NV et Pacific Fruit Company Italy SpA demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission (T‑655/11, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:383), par lequel celui-ci n’a que partiellement annulé la décision C(2011) 7273 final de la Commission, du 12 octobre 2011, relative à une procédure d’application de l’article [101 TFUE] [affaire COMP/39482 – Fruits exotiques (bananes)] (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        L’article 12 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit :

« 1.      Aux fins de l’application des articles [101 et 102 TFUE], la Commission et les autorités de concurrence des États membres ont le pouvoir de se communiquer et d’utiliser comme moyen de preuve tout élément de fait ou de droit, y compris des informations confidentielles.

2.      Les informations échangées ne peuvent être utilisées comme moyen de preuve qu’aux fins de l’application de l’article [101 ou 102 TFUE] et pour l’objet pour lequel elles ont été recueillies par l’autorité qui transmet l’information. Toutefois, lorsque le droit national de la concurrence est appliqué dans la même affaire et parallèlement au droit communautaire de la concurrence, et qu’il aboutit au même résultat, les informations échangées en vertu du présent article peuvent également être utilisées aux fins de l’application du droit national de la concurrence.

[...] »

3        L’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 dispose :

« Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

4        L’article 31 du règlement n° 1/2003 énonce :

« La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée. »

5        La communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication de 2002 sur la coopération »), définit les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec la Commission au cours d’une enquête diligentée par celle-ci sur une entente pourront être exemptées d’amendes ou bénéficier d’une réduction de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter. Le point 11, sous a), de cette communication précise à cet égard que l’entreprise doit apporter à la Commission une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure administrative et lui fournir tout élément de preuve qui viendrait en sa possession ou dont elle dispose au sujet de l’infraction suspectée.

 Les antécédents du litige

6        Les requérantes, FSL Holdings et Firma Léon Van Parys, deux sociétés anonymes de droit belge, et Pacific Fruit Company Italy, une société anonyme de droit italien, importent, commercialisent et vendent des bananes de la marque Bonita en Europe.

7        Le 8 avril 2005, Chiquita Brands International Inc. (ci-après « Chiquita ») a déposé une demande d’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération pour l’activité de distribution et de commercialisation de bananes ainsi que d’autres fruits frais importés en Europe. Cette demande a été enregistrée sous le numéro d’affaire COMP/39188 – Bananes (ci-après l’« affaire de l’Europe du Nord »). Cette immunité lui a été accordée le 3 mai 2005.

8        Le 26 juillet 2007, la Commission a reçu des documents de la Guardia di Finanzia (police douanière et financière, Italie), trouvés lors d’une inspection au domicile et au bureau d’un salarié de Pacific Fruit Company Italy dans le cadre d’une enquête fiscale nationale.

9        Le 26 novembre 2007, la Commission a informé Chiquita que ses agents allaient procéder à une inspection des locaux de cette entreprise le 28 novembre 2007. À cette occasion, Chiquita a été informée qu’une nouvelle enquête concernant des pratiques en Grèce, en Italie et au Portugal (ci-après l’« affaire de l’Europe du Sud ») allait être menée. Il lui a été rappelé qu’elle avait obtenu l’immunité conditionnelle d’amendes pour l’Union européenne dans son ensemble et qu’elle avait, par conséquent, l’obligation de coopérer.

10      Du 28 au 30 novembre 2007, la Commission a procédé à des inspections dans les locaux d’importateurs de bananes en Espagne et en Italie. Au cours des inspections menées à Rome (Italie) chez Pacific Fruit Company Italy, la Commission a trouvé deux pages de notes qui lui avaient déjà été transmises par la police douanière et financière.

11      Chiquita a été invitée à identifier les parties de ses déclarations orales dans l’affaire de l’Europe du Nord qui avaient selon elle également un lien avec l’affaire de l’Europe du Sud.

12      Le 15 octobre 2008, la Commission a adopté la décision C(2008) 5955 final, relative à une procédure d’application de l’article [101 TFUE] (affaire COMP/39188 – Bananes), par laquelle elle a constaté que plusieurs grands importateurs de bananes dans l’Europe du Nord, dont Chiquita, avaient violé l’article 81 CE en participant à une pratique concertée par laquelle ils coordonnaient les prix de référence des bananes qu’ils fixaient chaque semaine pour plusieurs États membres entre l’année 2000 et l’année 2002. FSL Holdings et Firma Léon Van Parys n’étaient pas destinataires de cette décision.

13      Le 10 décembre 2009, la Commission a adopté une communication des griefs dans l’affaire de l’Europe du Sud visant, notamment, Chiquita et les requérantes. Après avoir eu accès au dossier, tous les destinataires de cette communication ont fait part à la Commission de leurs observations et ont assisté à une audition tenue le 18 juin 2010.

14      Le 12 octobre 2011, la Commission a adopté la décision litigieuse par laquelle elle a constaté que Chiquita et les requérantes avaient violé l’article 101 TFUE, en participant à une entente en matière d’importation, de commercialisation et de vente de bananes en Grèce, en Italie et au Portugal, pendant la période du 28 juillet 2004 au 8 avril 2005, au cours de laquelle ces entreprises ont coordonné leur stratégie de prix dans ces trois États membres, et leur a infligé des amendes pour la détermination desquelles elle a appliqué les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») et la communication de 2002 sur la coopération.

15      La Commission a, tout d’abord, déterminé un montant de base de l’amende à infliger :

–        47 922 000 euros pour Chiquita et

–        11 149 000 euros pour les requérantes.

16      La Commission a, ensuite, constaté que toutes les circonstances particulières de l’affaire de l’Europe du Nord, sur la base desquelles elle avait réduit le montant de base de l’amende de 60 %, afin de tenir compte du régime réglementaire particulier du secteur de la banane et du fait que la coordination portait, dans cette première affaire, sur les prix de référence, n’étaient pas réunies dans l’affaire de l’Europe du Sud.

17      La Commission a, enfin, décidé d’appliquer une réduction de 20 % au montant de base pour toutes les entreprises concernées.

18      Après cet ajustement, les montants de base des amendes à infliger se sont établis comme suit :

–        38 337 600 pour Chiquita et

–        8 919 200 euros pour les requérantes.

19      Chiquita a toutefois bénéficié de l’immunité d’amende en vertu de la communication de 2002 sur la coopération. Aucun autre ajustement n’ayant en revanche eu lieu pour les requérantes, celles-ci ont été condamnées conjointement et solidairement à un montant final arrondi de 8 919 000 euros.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2011, les requérantes ont demandé l’annulation de la décision litigieuse.

21      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a fait droit que partiellement à ces conclusions.

22      Après avoir constaté que l’infraction s’était interrompue entre le 12 août 2004 et le 19 janvier 2005, le Tribunal a annulé l’article 1er de la décision litigieuse en ce qu’il visait cette période d’infraction et pour autant qu’il concernait FSL Holdings, Firma Léon Van Parys et Pacific Fruit Company Italy, et a ramené l’amende fixée à l’article 2 de la décision litigieuse de 8 919 000 euros à 6 689 000 euros.

 Les conclusions des parties

23      Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :

–        à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision litigieuse ;

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal n’a pas exercé un contrôle juridictionnel complet sur l’amende qui leur a été infligée et de réduire significativement le montant de celle-ci ;

–        à titre très subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal n’a pas démontré que l’infraction avait pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, à moins que la Cour considère être suffisamment informée pour annuler la décision litigieuse, et

–        en tout état de cause, de condamner la Commission aux dépens supportés par elles devant la Cour et devant le Tribunal.

24      La Commission demande à la Cour de rejeter le recours et de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

25      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent quatre moyens.

 Sur le premier moyen


 Argumentation des parties

26      Le premier moyen est tiré de la violation des formes substantielles et des droits de la défense en ce que le Tribunal n’aurait pas constaté l’illégalité de l’utilisation des éléments de preuve transmis par la police douanière et financière à la Commission.

27      Elles font valoir à cet égard que le Tribunal a commis une erreur de droit en se contentant de rappeler, au point 80 de l’arrêt attaqué, que la légalité de la transmission desdits éléments à la Commission relevait du seul système juridique italien, alors que cette transmission doit aussi respecter le droit de l’Union.

28      Elles soutiennent que la Commission doit, en particulier, éviter que les droits de la défense ne soient irrémédiablement compromis par une telle transmission, ce qui suppose qu’elle examine si les documents transmis sont bien utilisés pour le seul objet pour lequel ils ont été recueillis par l’autorité nationale, ainsi que le prévoit l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 dans le cadre des échanges entre les autorités de concurrence.

29      Les requérantes font également valoir que la Commission a violé les droits de la défense en ne les informant de la transmission des documents en cause par l’autorité nationale que près de deux ans après qu’elle eut eu lieu.

30      Les requérantes soutiennent que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve en considérant, aux points 67 et 68 de l’arrêt attaqué, que la question de savoir si les deux pages de notes avaient été transmises illégalement par les autorités italiennes était sans incidence sur la légalité de leur utilisation, dès lors que ces documents ont également été trouvés par la Commission dans le cadre de son inspection au cours du mois de juillet 2007. Elles font, en effet, valoir que, contrairement à ce qui est précisé au point 68 de l’arrêt attaqué, elles ont contesté la légalité des inspections menées par la Commission. Elles se réfèrent également à l’arrêt du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission (C‑583/13 P, EU:C:2015:404), pour soutenir que, compte tenu de l’illégalité de la transmission des documents sur la base desquels la Commission a mené une inspection, les documents trouvés lors de celle‑ci ne pouvaient être valablement utilisés en tant que preuves.

31      La Commission estime que le premier moyen doit être écarté comme non fondé.

 Appréciation de la Cour

32      En ce qui concerne le premier aspect de l’argumentation développée à l’appui du premier moyen, c’est à bon droit que le Tribunal a rappelé, aux points 45 et 80 de l’arrêt attaqué, que, d’une part, la légalité de la transmission à la Commission, par un procureur ou par les autorités compétentes en matière de concurrence, d’informations recueillies en application du droit pénal national est une question qui relève du droit national et, d’autre part, le juge de l’Union n’est pas compétent pour contrôler la légalité, au regard du droit national, d’un acte pris par une autorité nationale (arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, EU:C:2007:53, point 62).

33      Abstraction faite de la question de savoir si le Tribunal pouvait se contenter, pour admettre la recevabilité des documents en question par la Commission, de constater, au point 80 de l’arrêt attaqué, que leur transmission n’avait pas été déclarée illégale par une juridiction nationale, il convient de souligner que non seulement le Tribunal a examiné, aux points 82 à 89 de cet arrêt, les conditions dans lesquelles cette transmission avait été effectuée, mais qu’il a également écarté à bon droit comme non fondé, aux points 71 à 79 dudit arrêt, l’argument des requérantes selon lequel, compte tenu de ce que prévoit l’article 12 du règlement n° 1/2003 pour les échanges d’informations entre autorités de concurrence, les documents transmis par la police douanière et financière à la Commission ne pouvaient être utilisés comme moyens de preuve par celle-ci que pour l’objet pour lequel ils ont été recueillis par cette autorité nationale.

34      Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 45 de ses conclusions, l’article 12 du règlement n° 1/2003 poursuit l’objectif particulier de simplifier et d’encourager la coopération entre les autorités au sein du réseau européen de la concurrence en facilitant l’échange d’informations. Il dispose à cet effet, à son paragraphe 1, que, aux fins de l’application des articles 101 et 102 TFUE, la Commission et les autorités de concurrence des États membres ont le pouvoir de se communiquer et d’utiliser comme moyen de preuve tout élément de fait ou de droit, y compris des informations confidentielles, tout en précisant, en particulier à son paragraphe 2, les conditions dans lesquelles ces informations peuvent être utilisées.

35      Il ne saurait, dès lors, être déduit de ces dispositions qu’elles constitueraient l’expression d’une règle plus générale, qui interdirait à la Commission d’utiliser des informations transmises par des autorités nationales, autres que les autorités de concurrence des États membres, au seul motif que ces informations avaient été obtenues à d’autres fins.

36      Il convient également de souligner, comme l’a relevé le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué, qu’une telle règle entraverait de manière excessive le rôle de la Commission dans sa mission de surveillance de la bonne application du droit de la concurrence de l’Union.

37      Le Tribunal a, par conséquent, correctement répondu aux critiques des requérantes sur la légalité de l’utilisation des documents transmis par la police douanière et financière.

38      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel une utilisation de ces documents à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été recueillis pourrait compromettre irrémédiablement les droits de la défense, il convient de rappeler que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves et que le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (voir arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, EU:C:2007:53, point 63).

39      Les requérantes reprochent, ensuite, au Tribunal ne pas avoir constaté la violation des droits de la défense par la Commission, au motif que celle‑ci a attendu près de deux ans avant de les informer qu’elle était en possession de ces documents.

40      Il importe à cet égard de rappeler que le respect des droits de la défense exige que l’entreprise concernée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction (voir, notamment, arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, EU:C:2007:53, point 44 et jurisprudence citée).

41      Lors d’une procédure d’application de l’article 101 TFUE, il convient, dès lors, de distinguer deux phases, celle antérieure à la communication des griefs et celle postérieure à celle-ci (voir, notamment, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 27).

42      La Cour a ainsi estimé que la Commission n’était pas tenue d’informer l’entreprise concernée de la détention d’éléments de preuve avant l’envoi de la communication des griefs puisque ce sont l’envoi de la communication des griefs, d’une part, et l’accès au dossier permettant au destinataire de cette communication de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, d’autre part, qui assurent le respect des droits de la défense et que l’entreprise concernée peut pleinement faire valoir les droits de la défense après l’envoi de ladite communication (voir, notamment, arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, EU:C:2007:53, points 58 et 59).

43      Cependant, la Cour a également précisé que la Commission doit veiller à ce que les droits de la défense ne soient pas compromis au cours de la phase de la procédure d’instruction qui précède la communication des griefs (voir, notamment, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 63).

44      Pour rejeter l’argument tiré de ce que la Commission avait été en possession de certains documents longtemps avant la communication des griefs, le Tribunal a relevé, au point 98 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait explicitement mentionné le fait qu’elle s’appuyait sur les documents transmis par les autorités italiennes dans cette communication et que la Commission avait transmis ces documents aux requérantes quelques mois avant ladite communication.

45      En outre, le Tribunal a estimé, au point 99 de l’arrêt attaqué, que les requérantes n’ont pas fait valoir de raisons pour lesquelles le fait de ne pas avoir eu connaissance desdits documents pendant la phase d’instruction a pu avoir une incidence quelconque sur leurs possibilités ultérieures de défense, lors de la phase qui a suivi la communication des griefs (voir, par analogie, arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, EU:C:2007:53, point 61).

46      Ce faisant, il a à bon droit rejeté cette partie de l’argumentation des requérantes.

47      S’agissant, enfin, de la dénaturation alléguée des éléments de preuve par le Tribunal, il convient de rappeler qu’il y a dénaturation lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments existants apparaît manifestement erronée (voir, notamment, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 17).

48      Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 65 de ses conclusions, le requérant doit, en outre, indiquer avec précision les preuves qui ont été dénaturées et exposer les erreurs d’appréciation qui auraient été commises (voir, notamment, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 16).

49      Toutefois, les requérantes contestent non pas l’analyse des documents en cause par le Tribunal, mais leur recevabilité, dans le cas où leur transmission par la police douanière et financière serait considérée comme illégale, ce qui n’a, en tout état de cause, pas été démontré.

50      Eu égard à tout ce qui précède, le premier moyen doit être écarté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen


 Argumentation des parties

51      Par leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’ayant pas constaté la violation, par la Commission, de sa communication de 2002 sur la coopération, en ce qu’elle a accordé l’immunité à Chiquita, et en n’ayant pas estimé, par conséquent, que les informations transmises par cette entreprise à la Commission dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’octroi de cette immunité devaient être retirées du dossier.

52      Elles font valoir que, en ce qui concerne l’affaire de l’Europe du Sud, cette entreprise n’a pas fait preuve d’une collaboration totale, permanente et rapide, tout au long de la procédure, comme le requiert le point 11, sous a), de cette communication.

53      En outre, certaines des informations obtenues par la Commission seraient confidentielles et n’auraient donc pas pu être utilisées en tant qu’éléments de preuve dès lors que les requérantes n’y ont pas eu accès.

54      Les requérantes soulignent que leur deuxième moyen concerne une question de droit, relative au respect, par la Commission, de ses propres règles et qu’il ne s’agit pas d’un moyen nouveau au regard, en particulier, des points 42 de leur requête et 21 de leur mémoire en réplique.

55      La Commission soutient que ce moyen, irrecevable en ce qu’il porte sur l’appréciation des faits dont la dénaturation n’a pas été alléguée dans le pourvoi, présente en outre un caractère nouveau, et apparaît en tout état de cause inopérant parce que même si l’immunité n’aurait pas dû être accordée à Chiquita, les informations qu’elle a fournies ne devraient pas être retirées du dossier.

56      La Commission soutient, à titre subsidiaire, que la demande d’immunité de Chiquita n’était pas limitée à l’affaire de l’Europe du Nord, mais couvrait les faits intervenus dans l’Espace économique européen. Elle considère que cette entreprise a fourni, en temps utile, des éléments de preuve concernant également le comportement illicite dans l’affaire de l’Europe du Sud.

57      La Commission ajoute que l’argument selon lequel elle ne pourrait se référer à des informations confidentielles pour prouver l’existence d’une entente est non seulement irrecevable, parce que sans rapport avec le deuxième moyen, et en tout état de cause non fondé, dès lors que les requérantes ont eu accès aux informations en cause au cours de la procédure, dans les locaux de la Commission.

 Appréciation de la Cour

58      Indépendamment même de la question de savoir si le deuxième moyen doit être considéré comme nouveau, ou si le non-respect du point 11, sous a), de la communication de 2002 sur la coopération pourrait avoir une incidence sur la légalité de l’utilisation par la Commission des informations fournies par Chiquita dans ce cadre, la question de savoir si une entreprise a coopéré de manière totale, permanente et rapide, au sens de ce point, constitue en tout état de cause une question de fait, dont l’appréciation par le Tribunal ne relève pas du contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, à moins que les constatations du Tribunal ne soient entachées d’une erreur matérielle ou d’une dénaturation qui apparaissent de façon manifeste des pièces du dossier, ce qui n’a pas été allégué en l’espèce.

59      Quant à l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en n’ayant pas constaté que certaines des déclarations fournies par Chiquita dans ce cadre ne pouvaient être utilisées par la Commission du fait de leur caractère confidentiel, il s’agit en réalité d’un moyen nouveau, au demeurant insuffisamment étayé.

60      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen comme irrecevable.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

61      Par leur troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé le principe de protection juridictionnelle effective garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce qu’il n’a procédé qu’à un contrôle juridictionnel limité de l’amende et n’aurait pas exercé sa compétence de pleine juridiction qui lui est attribuée par l’article 31 du règlement n° 1/2003. Par conséquent, le Tribunal aurait également calculé l’amende de manière erronée.

62      Elles ajoutent qu’il appartient à la Cour, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier elle-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende et se réfèrent au point 80 de l’arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:778).

63      Elles font valoir qu’il incombe au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité sur la base des éléments apportés par la partie requérante au soutien des moyens invoqués et soulignent qu’il ne saurait, lors de ce contrôle, s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission en la matière. Elles se réfèrent en particulier, à cet égard, à l’arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, EU:C:2011:816, point 129).

64      Pourtant, en ce qui concerne l’appréciation de la gravité de l’infraction, le Tribunal se serait contenté, au point 525 de l’arrêt attaqué, de citer les lignes directrices de 2006 pour constater que la Commission aurait appliqué à bon droit un taux de 15 % pour apprécier la proportion des ventes prises en compte pour de telles infractions.

65      Il aurait procédé de même pour rejeter ensuite leur argumentation relative à la nécessité de prendre en compte la part de marché cumulée limitée et l’étendue géographique restreinte de l’infraction.

66      Elles font également valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant, au point 532 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était pas nécessaire que la Commission prenne en considération des faits ou des circonstances supplémentaires alors qu’elle aurait dû apprécier les éléments objectifs, tels que le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l’étendue du marché affecté et la détérioration subie par l’ordre public économique, l’importance relative et la part de marché des entreprises responsables ainsi qu’une éventuelle récidive, alors même qu’elles s’y seraient explicitement référées, conformément à l’arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 91).

67      Elles font valoir des critiques similaires en ce qui concerne l’appréciation des circonstances atténuantes par le Tribunal, aux points 544 à 554 de l’arrêt attaqué.

68      Elles soutiennent également que si le Tribunal avait correctement examiné le niveau de l’amende, il aurait dû décider d’une réduction identique à celle de 60 % appliquée par la Commission dans l’affaire de l’Europe du Nord, dès lors que les deux facteurs pris en compte par la Commission dans cette affaire, à savoir le régime réglementaire spécifique et l’existence d’une infraction par objet, sont également réunies en l’espèce.

69      En réponse à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, elles précisent qu’elles ont demandé au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction.

70      La Commission soutient que les requérantes n’ont pas demandé au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction, de sorte que le troisième moyen devrait être rejeté comme irrecevable, et que le Tribunal a examiné en tout état de cause les circonstances particulières de l’affaire conformément aux exigences du principe de protection juridictionnelle.

71      La question de savoir si le Tribunal aurait dû réduire l’amende d’au moins 60 %, de même que ce que la Commission a décidé dans l’affaire de l’Europe du Nord, au motif qu’il s’agit également d’une infraction par objet, porterait en outre sur une question de fait.

 Appréciation de la Cour

72      Il convient, à titre liminaire, de constater que les requérantes ont demandé au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction en annulant ou en diminuant l’amende qui leur a été infligée, ainsi qu’il résulte en particulier du point 142 de leur requête, et que, dès lors, le troisième moyen ne présente pas un caractère nouveau.

73      Pour ce qui concerne le contrôle juridictionnel des amendes infligées par la Commission en cas d’infraction au droit de la concurrence, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’exercer le contrôle de légalité sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués. Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (voir, notamment, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 62).

74      Le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (voir, notamment, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63).

75      Afin de satisfaire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective et compte tenu de ce que l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 dispose que le montant de l’amende doit être déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, le Tribunal est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir, notamment, arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 86).

76      Dans le cadre d’un pourvoi, le rôle de la Cour est de contrôler si le Tribunal a commis des erreurs de droit dans la manière dont il a statué sur le recours dont il était saisi (voir, notamment, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 46).

77      Toutefois, il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation par celles-ci du droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 72).

78      Ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié mais également excessif, au point d’être disproportionné, qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal en raison du caractère inapproprié du montant d’une amende (voir, notamment, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 73).

79      En l’espèce, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 85 de ses conclusions, il ne saurait être reproché au Tribunal de s’être référé dans ce cadre aux lignes directrices de 2006 dès lors que le moyen soulevé par les requérantes en première instance était tiré, ainsi qu’il ressort du point 501 de l’arrêt attaqué, de la violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et des lignes directrices de 2006 en raison de l’appréciation incorrecte, notamment, de la gravité de l’infraction ainsi que des circonstances atténuantes.

80      Il importe également de rappeler que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et qu’à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision attaquée et d’apporter des éléments de preuve (voir, notamment, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).

81      En ce qui concerne la gravité de l’infraction, le Tribunal a estimé à juste titre, au point 525 de l’arrêt attaqué, que la Commission était en droit d’appliquer, pour les restrictions les plus graves, telles que celle en cause, un taux d’au moins 15 % de la valeur des ventes, qui représente le minimum du « haut de l’échelle », au sens du point 23 des lignes directrices de 2006, pour ce type d’infraction (voir, à cet égard, arrêt du 11 juillet 2013, Gosselin Group/Commission, C‑429/11 P, non publié, EU:C:2013:463, point 124).

82      Le Tribunal a également apprécié et répondu à suffisance de droit, aux points 528 à 533 de l’arrêt attaqué, à l’argument des requérantes tiré de ce que la Commission aurait dû prendre en compte le caractère limité de la part de marché cumulée et de l’étendue géographique de l’infraction pour déterminer la proportion de la valeur des ventes retenue. Il a considéré en particulier à bon droit, au point 530 dudit arrêt, que pour les restrictions les plus graves ce taux devrait à tout le moins être supérieur à 15 %.

83      Si l’affirmation du Tribunal, au point 532 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, lorsque la Commission se contente d’appliquer un taux égal ou presque égal au taux minimal de 15 % de la valeur des ventes prévu pour les restrictions les plus graves, il n’est pas nécessaire de prendre en compte des éléments additionnels est a priori erronée, elle ne reflète cependant pas la réalité de l’analyse effectuée par le Tribunal dans cet arrêt, lequel a examiné la pertinence des circonstances invoquées dans leur requête par les requérantes à propos de l’analyse de la gravité de l’infraction, en particulier au point 533 de l’arrêt attaqué (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2013, Gosselin Group/Commission, C‑429/11 P, non publié, EU:C:2013:463, point 129). Il importe également de souligner que dès lors que le Tribunal a considéré à bon droit, dans l’arrêt attaqué, que l’infraction en cause relevait de la catégorie des infractions les plus graves, le comportement individuel des entreprises a bien été pris en compte.

84      Il convient, en outre, de relever que, contrairement à ce qui est énoncé au point 531 de l’arrêt attaqué, il ne ressort pas du considérant 329 de la décision litigieuse que le taux de 15 % de la valeur des ventes aurait été fixé par la Commission sur le seul fondement de la nature de l’infraction, ledit considérant visant également les autres circonstances de l’affaire.

85      En ce qui concerne, enfin, l’appréciation des circonstances atténuantes, le Tribunal ne s’est pas contenté de rappeler, au point 549 de l’arrêt attaqué, l’existence d’une marge d’appréciation de la Commission, mais a estimé, au point 551 de cet arrêt, que l’un des deux facteurs justifiant le bénéfice d’une réduction dans l’affaire de l’Europe du Nord, à savoir la coordination des prix de référence, faisait effectivement défaut dans la présente affaire, ce qui justifiait la différence de pourcentage de réduction dans cette dernière.

86      L’argument des requérantes tiré de ce que le Tribunal aurait dû cependant prendre en compte le fait qu’il s’agissait dans la présente affaire, comme dans l’affaire de l’Europe du Nord, d’une infraction par objet, outre qu’il remet en cause l’appréciation des faits, ne saurait en tout état de cause être opérant, un tel fait ne pouvant en effet constituer une circonstance atténuante.

87      En outre, le Tribunal a également rappelé à bon droit, aux points 552 et 553 de l’arrêt attaqué, les motifs pour lesquels la Commission ne saurait être tenue par sa pratique décisionnelle antérieure de telle sorte que le seul fait qu’elle a accepté par le passé un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle soit tenue d’accorder la même réduction proportionnelle lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure.

88      Par conséquent, il résulte de qui précède que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans l’exercice de son contrôle juridictionnel.

89      Il y a lieu, dès lors, d’écarter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

90      Par leur quatrième moyen, les requérantes invoquent la violation par le Tribunal de la notion d’accord ayant un objet anticoncurrentiel, du fait de la non prise en compte du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrivait l’accord examiné et de la violation des droits de la défense qui en aurait résulté.

91      Elles reprochent ainsi au Tribunal d’avoir jugé, en particulier au point 466 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait conclu à bon droit que le comportement des parties avait pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur.

92      Elles font valoir qu’une analyse du contexte économique et juridique dans lequel s’insère l’accord en cause est nécessaire pour déterminer si une infraction a pour objet de restreindre la concurrence (arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, points 36 et 48, ainsi que du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 16).

93      Elles ajoutent que la notion de restriction de la concurrence par objet doit être interprétée restrictivement, que le Tribunal doit justifier les motifs pour lesquels cette restriction présente un degré suffisant de nocivité pour la concurrence et qu’il ne peut se référer à des comportements analogues qualifiés d’infraction par objet dans une jurisprudence précédente que s’ils sont suffisamment proches de ceux examinés (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204).

94      Elles en déduisent que le Tribunal ne pouvait se contenter de considérer, au point 468 de l’arrêt attaqué, que la pratique en cause relevait de l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE, qui se réfère uniquement à la fixation de prix et non aux simples communications d’intentions futures sur les mouvements de prix.

95      Elles estiment que si le Tribunal avait pris en compte la nature des biens, les conditions de fonctionnement et la structure de marché, il aurait dû conclure à l’absence d’objet anticoncurrentiel de l’accord en cause.

96      À cet égard, elles se réfèrent en particulier au fait que, au moment de l’infraction, le marché européen de la banane était soumis à une organisation commune des marchés qui aurait conduit à une inflexibilité ainsi qu’à un degré élevé de transparence sur les volumes et les prix encourageant, à terme, les concurrents à nouer entre eux des relations d’affaires. Elles ajoutent que l’échange d’informations en cause est intervenu à titre occasionnel et qu’il n’y avait aucun lien manifeste entre les dates de ces contacts et celles des fixations respectives des prix. Elles font également valoir que l’infraction impliquait uniquement deux concurrents sur le marché, que Pacific Fruit Company Italy, en tant que preneur de prix, ne pouvait pas imposer de prix à ses clients et que seule une partie limitée du marché européen de la banane était concernée.

97      Elles estiment que des références éparses au contexte de l’affaire dans l’arrêt attaqué, en dehors du cadre de la qualification des pratiques en cause en tant qu’infraction par objet, ne sauraient permettre de considérer que ce contexte a bien été pris en compte pour la qualification d’infraction par objet.

98      Elles précisent également, à propos de la violation des droits de la défense, que le constat erroné de l’existence d’un objet anticoncurrentiel les a privées d’un débat approfondi et contradictoire à propos des effets de leur comportement.

99      La Commission soutient que le quatrième moyen est irrecevable en raison de sa nouveauté mais aussi parce que les arguments relatifs au contexte juridique et économique de l’infraction en cause remettent en cause l’appréciation des faits.

100    En tout état de cause, le Tribunal aurait pris en compte à suffisance de droit le contexte économique et juridique de l’accord en cause et n’aurait pas commis d’erreur de droit.

 Appréciation de la Cour

101    En ce qui concerne l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission en raison du caractère nouveau du quatrième moyen, il convient de constater qu’il résulte du point 135 de la requête devant le Tribunal que les requérantes ont contesté la qualification d’infraction par objet, « compte tenu notamment des faits et circonstances de l’affaire », mais qu’elles ont uniquement fait valoir à cet égard que l’accord en cause ne portait que sur des échanges d’informations vagues et sporadiques sur les tendances générales du marché.

102    Toutefois, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité du quatrième moyen, il y a lieu de constater que celui-ci n’est, en tout état de cause, pas fondé.

103    Il convient de rappeler que la notion de restriction de la concurrence « par objet » doit être interprétée de manière restrictive et ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire. En effet, certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (voir, notamment, arrêts du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 17, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 26).

104    Le critère juridique essentiel pour déterminer si un accord comporte une restriction de la concurrence « par objet » réside dans la constatation qu’un tel accord présente, en lui-même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour considérer qu’il n’y a pas lieu d’en rechercher les effets (voir, notamment, arrêt du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 20).

105    Dans ce cadre, il convient de s’attacher à la teneur des dispositions de l’accord en cause, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir, notamment, arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 27).

106    En l’espèce, il importe de relever que, ainsi qu’il résulte de l’arrêt attaqué et notamment de ses points 246, 524 et 550, la Commission a constaté que les requérantes avaient pris part à une entente ayant pour objet la fixation des prix, et que cette appréciation des faits et des éléments de preuve n’a pas été remise en cause par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

107    Pour de tels accords, qui constituent des violations particulièrement graves de la concurrence, l’analyse du contexte économique et juridique dans lequel la pratique s’insère peut, dès lors, se limiter à ce qui s’avère strictement nécessaire en vue de conclure à l’existence d’une restriction de la concurrence par objet (voir, par analogie avec les accords sur la répartition des marchés, arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 29).

108    Or, le Tribunal a correctement répondu à l’argument invoqué par les requérantes à cet égard dans leur requête, au point 466 de l’arrêt attaqué, en renvoyant notamment à l’examen des faits examinés dans le cadre du troisième moyen.

109    En outre et en tout état de cause, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 104 de ses conclusions, les arguments relatifs au contexte économique et juridique de l’affaire, invoqués par les requérantes au soutien de leur quatrième moyen, ne sont pas pertinents aux fins d’examiner l’existence d’un objet anticoncurrentiel, de sorte qu’il ne saurait être valablement reproché au Tribunal de ne pas les avoir pris en compte dans l’arrêt attaqué.

110    Certains d’entre eux tendent d’ailleurs à démontrer l’absence de coordination sur les prix et à remettre en cause, en réalité, l’existence même de l’accord. Tel est en effet le cas pour ce qui concerne la soumission du marché européen de la banane à une organisation commune des marchés.

111    Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en estimant, au point 473 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait indiqué à bon droit que l’infraction pouvait être qualifiée de restriction de la concurrence par objet.

112    En outre, il ne saurait valablement être reproché au Tribunal d’avoir violé le principe du contradictoire au motif que la qualification d’accord ayant un objet anticoncurrentiel aurait privé les requérantes de la possibilité de se prévaloir de l’absence d’effet anticoncurrentiel.

113    Il en résulte que le quatrième moyen doit être écarté comme non fondé.

114    Par conséquent, aucun des moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi n’étant susceptible d’être accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci.

 Sur les dépens

115    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a donc lieu de les condamner aux dépens afférents au présent pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      FSL Holdings NV, Firma Léon Van Parys NV et Pacific Fruit Company Italy SpA sont condamnées aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais