Language of document : ECLI:EU:T:2016:603



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

11 octobre 2016 (*)

« Aides d’État – Régime d’aides en faveur de la production et de l’innovation dans le domaine de la presse écrite – Décision de ne pas soulever d’objections – Décision déclarant le régime d’aides compatible avec le marché intérieur – Droits procéduraux des parties intéressées – Absence de difficultés sérieuses – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑167/14,

Søndagsavisen A/S, établie à Søborg (Danemark), représentée initialement par Mes M. Honoré et C. Fornø, puis par Me Honoré, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Grønfeldt et M. B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté par M. C. Thorning, en qualité d’agent, assisté de Me R. Holdgaard, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2013) 7870 final de la Commission, du 20 novembre 2013, concernant le régime d’aides d’État SA.36366 (2013/N) notifié par le Royaume de Danemark en faveur de la production et de l’innovation dans le domaine de la presse écrite,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Junius, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 mars 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Søndagsavisen A/S, est une entreprise danoise active dans le secteur de la presse écrite. Elle publie le journal Søndagsavisen, principal journal gratuit du Danemark en termes de tirage, de lecteurs et de diffusion géographique. Søndagsavisen est diffusé les week-ends et est entièrement financé par les recettes publicitaires. Il comprend 24 éditions régionales ayant un contenu rédactionnel commun et dont la publicité est adaptée à chaque région. Le contenu rédactionnel se concentre sur des questions de société et de consommation. En 2013, Søndagsavisen a été distribué, au Danemark, dans 1,239 million de foyers sur un total de 2,6 millions de foyers.

2        Par lettre du 2 octobre 2013, le Royaume de Danemark a notifié à la Commission européenne un projet de loi sur les aides à la presse (ci-après le « projet de loi ») visant à remplacer les régimes d’aides à la distribution de la presse écrite (ci-après les « régimes d’aides antérieurs ») précédemment approuvés par la décision de la Commission C(2006) 1851, du 16 mai 2006, relative aux aides en faveur des journaux hebdomadaires au Danemark (aide d’État N 25/2006) (JO 2006, C 280, p. 2), et la décision de la Commission C(2006) 4376, du 12 octobre 2006, relative à l’aide à la distribution des journaux quotidiens au Danemark (aide d’État N 306/2006) (JO 2006, C 295, p. 24).

3        Le projet de loi comportait plusieurs mesures en faveur de la production et de l’innovation dans le domaine de la presse écrite. Tout d’abord, il instituait une aide à la production rédactionnelle visant à garantir une offre pluraliste et diversifiée d’informations à caractère politique et socioculturel ainsi que la production et la diffusion d’un contenu rédactionnel de grande qualité au plus grand nombre de citoyens danois aux fins de promouvoir le débat démocratique au Danemark. Ensuite, il prévoyait des aides supplémentaires en faveur des petits quotidiens nationaux et des médias de presse écrite diffusés exclusivement sur l’internet. Enfin, il instituait une aide en faveur de projets innovants qui concernent le développement de médias de presse écrite existants ou la création de nouveaux médias.

4        Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du projet de loi, les médias de presse écrite souhaitant bénéficier d’une aide à la production rédactionnelle devaient remplir les conditions suivantes :

–        être des médias indépendants ;

–        avoir un responsable de la publication et une rédaction comprenant au moins trois collaborateurs en équivalent temps plein sur une base annuelle ;

–        s’adresser à un public large et pas uniquement à certaines catégories professionnelles ou à certains métiers, aux membres d’organisations patronales, syndicales ou professionnelles, aux partis politiques ou au personnel des institutions publiques, etc. ;

–        ne pas être détenus pour plus de deux tiers par des organisations patronales, syndicales ou professionnelles ;

–        être distribués ou mis à disposition sur tout le territoire national à des conditions équivalentes pour tous les lecteurs, être disponibles pour tous, éventuellement contre paiement, des rabais pouvant être accordés à certaines catégories de personnes dans le cadre de campagnes de promotion ;

–        avoir un contenu dont la moitié au moins a un caractère rédactionnel sous la forme d’articles ou autres, couvrant un large éventail de sujets et traitant de l’actualité ;

–        avoir un contenu rédactionnel portant principalement sur des sujets politiques, sociétaux ou culturels ;

–        avoir au moins un sixième du contenu total qui soit le fruit d’un travail journalistique indépendant effectué en vue de sa publication dans le média en question ;

–        être publiés au moins dix fois par an.

5        Le 20 novembre 2013, la Commission a adopté la décision C(2013) 7870 final, concernant le régime d’aides d’État SA.36366 (2013/N) notifié par le Royaume de Danemark en faveur de la production et de l’innovation dans le domaine de la presse écrite (ci-après la « décision attaquée »).

6        Dans la décision attaquée, qui a été adoptée à l’issue de la phase préliminaire d’examen, la Commission a constaté que les quatre conditions cumulatives pour qu’existe une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étaient réunies en l’espèce (voir considérants 23 à 28 de la décision attaquée). En outre, elle a déclaré le régime d’aides notifié compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et, partant, a décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre dudit régime d’aides (voir considérant 48 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mars 2014, la requérante a introduit le présent recours.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 août 2014, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

9        Par ordonnance du 8 octobre 2014, le président de la première chambre du Tribunal a admis le Royaume de Danemark à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

10      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), de son règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, auxquelles celles-ci ont répondu dans le délai imparti.

11      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 mars 2016.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      La requérante fait grief à la Commission d’avoir violé les droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p.1).

15      À l’appui de son recours, elle invoque, en substance, quatre moyens, tirés, le premier, de l’absence d’examen du caractère approprié du régime d’aides notifié, le deuxième, d’un défaut de motivation et d’un examen insuffisant du caractère approprié dudit régime, le troisième, d’un examen insuffisant de la question de savoir si les avantages de ce régime l’emportent sur les distorsions de concurrence découlant de sa mise en œuvre et, le quatrième, d’un défaut de motivation résultant de l’absence d’examen des distorsions de concurrence sur le marché de la publicité.

16      Lors de l’audience, la requérante a confirmé que son recours tendait à la sauvegarde des droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE en sa qualité de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999 et, partant, ne visait pas à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

17      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Commission est obligée d’ouvrir la procédure formelle d’examen notamment si, à la lumière des renseignements obtenus au cours de la procédure préliminaire d’examen, elle reste confrontée à des difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure considérée. Cette obligation résulte directement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence, et est confirmée par les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, lorsque la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure en cause suscite des doutes quant à sa compatibilité (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 328).

18      En effet, selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire de l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à une mesure étatique que si elle est à même d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette mesure soit ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le marché intérieur. En revanche, si ce premier examen conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou s’il ne lui permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée avec le marché intérieur, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 329 ; voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 33, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 39).

19      Ainsi, il appartient à la Commission de déterminer, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire, si les difficultés rencontrées dans l’examen de la compatibilité de l’aide nécessitent l’ouverture de cette procédure (arrêt du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, EU:C:1993:197, point 30). Cette appréciation doit respecter trois exigences.

20      Premièrement, l’article 108 TFUE circonscrit le pouvoir de la Commission de se prononcer sur la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur au terme de la procédure préliminaire d’examen aux seules mesures ne soulevant pas de difficultés sérieuses, de telle sorte que ce critère revêt un caractère exclusif. Ainsi, la Commission ne saurait refuser d’ouvrir la procédure formelle d’examen en se prévalant d’autres circonstances, telles que l’intérêt de tiers, des considérations d’économie de procédure ou tout autre motif de convenance administrative (arrêt du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, EU:T:2001:94, point 44).

21      Deuxièmement, lorsqu’elle se heurte à des difficultés sérieuses, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle et ne dispose, à cet égard, d’aucun pouvoir discrétionnaire. Si son pouvoir est lié quant à la décision d’engager cette procédure, la Commission jouit néanmoins d’une certaine marge d’appréciation dans la recherche et l’examen des circonstances de l’espèce afin de déterminer si celles-ci soulèvent des difficultés sérieuses. Conformément à la finalité de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et au devoir de bonne administration qui lui incombe, la Commission peut, notamment, engager un dialogue avec l’État notifiant ou des tiers afin de surmonter, au cours de la procédure préliminaire, des difficultés éventuellement rencontrées (arrêt du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, EU:T:2001:94, point 45).

22      Troisièmement, la notion de « difficultés sérieuses » revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de la décision attaquée que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché intérieur (voir arrêt du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, EU:T:2001:94, point 47 et jurisprudence citée).

23      À cet égard, il convient de relever que la partie requérante supporte la charge de la preuve de l’existence de difficultés sérieuses, preuve qu’elle peut fournir à partir d’un faisceau d’indices concordants, relatifs, d’une part, aux circonstances et à la durée de la phase préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée (voir arrêt du 16 septembre 2013, Colt Télécommunications France/Commission, T‑79/10, non publié, EU:T:2013:463, point 37 et jurisprudence citée).

24      Le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir arrêt du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, EU:T:2012:351, point 81 et jurisprudence citée).

25      Enfin, les moyens de la requérante portant sur l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, il importe de souligner que cet article confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice implique des appréciations d’ordre économique et social (arrêts du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T‑375/03, non publié, EU:T:2007:293, point 138, et du 27 septembre 2012, Italie/Commission, T‑257/10, non publié, EU:T:2012:504, point 133). Dès lors, le contrôle exercé par le juge de l’Union européenne sur de telles appréciations se limite à la vérification du respect des règles de procédure, du caractère suffisant de la motivation, de l’exactitude matérielle des faits et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du 13 septembre 1995, TWD/Commission, T‑244/93 et T‑486/93, EU:T:1995:160, point 82).

26      C’est à la lumière des principes précédemment rappelés qu’il convient d’examiner, conjointement, les premier et deuxième moyens, puis le troisième moyen et, enfin, le quatrième moyen.

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés, en substance, d’un défaut de motivation et d’un examen insuffisant du régime d’aides notifié

27      La requérante fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas suffisamment examiné le caractère approprié du régime d’aides notifié. En particulier, elle lui reproche de ne pas avoir examiné si, à la lumière de la condition posée à l’article 3, paragraphe 2, point 6, du projet de loi, à savoir « avoir un contenu dont la moitié au moins a un caractère rédactionnel sous la forme d’articles ou autres, couvrant un large éventail de sujets et traitant de l’actualité » (ci-après la « condition dite de moitié »), ledit régime permettait de réaliser les objectifs de diffusion de l’information auprès des citoyens danois et de promotion du débat démocratique au Danemark. Selon elle, l’insuffisance de l’examen conduit par la Commission serait un indice de l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen, en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999. Par ailleurs, la requérante considère que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce qu’elle ne mentionne pas les motifs pour lesquels la Commission a estimé que le régime d’aides notifié était approprié pour atteindre les objectifs qu’il vise.

28      La Commission et le Royaume de Danemark contestent les arguments de la requérante.

29      En l’espèce, il ressort du projet de loi que le régime d’aides notifié poursuit un objectif d’intérêt général, à savoir le maintien d’un marché des médias pluraliste et général afin de renforcer la démocratie danoise et le débat démocratique au Danemark. En outre, aux termes du projet de loi, les aides octroyées au titre dudit régime doivent permettre de garantir la production et le développement d’une information de grande qualité au Danemark, dont le contenu est diffusé sur le plus grand nombre de supports pertinents au plus grand nombre de citoyens.

30      Dans la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a estimé, en substance, que les objectifs poursuivis par le régime d’aides notifié étaient conformes au traité FUE et aux valeurs exprimées à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir considérant 32 de la décision attaquée).

31      En deuxième lieu, la Commission a examiné si le régime d’aides notifié était nécessaire et adéquat pour atteindre les objectifs d’intérêt commun rappelés au point 29 ci-dessus.

32      Tout d’abord, en se référant à l’étude sur le marché danois des médias intitulée « Analysis of the Danish News Media » (analyse des médias danois d’information), à la lumière de laquelle a été conçu le régime d’aides notifié, la Commission a relevé que, si le temps consacré à la « consommation » des informations augmentait tous les ans, la part que représentaient les médias écrits diminuait. En outre, elle a constaté que la rentabilité du modèle économique actuel, fondé sur les revenus générés par la vente d’espaces publicitaires et par les abonnements, avait changé durant les dernières années en raison de la popularité grandissante d’Internet, d’un nombre croissant de médias gratuits sur Internet et de nouveaux acteurs fournissant de l’espace publicitaire sans être nécessairement engagés dans la diffusion de contenus rédactionnels indépendants à caractère sociopolitique. De surcroît, elle a indiqué que les consommateurs étaient de moins en moins disposés à payer pour la production de contenus rédactionnels, y compris de grande qualité, alors que cette activité pouvait générer des coûts d’exploitation élevés. Pour la Commission, ces changements de structures du marché et des conditions qui y prévalaient avaient conduit à accroître la défaillance du marché, celle-ci se traduisant par une réduction des contenus rédactionnels et, potentiellement, par une réduction de la qualité sur le long terme. Dans ce contexte, elle a conclu, en substance, que les médias de presse privés étaient peu motivés à produire des contenus sociopolitiques, indépendants et de grande qualité, accessibles à tous les citoyens à des conditions égales. Selon la Commission, le régime d’aides notifié était donc nécessaire pour remédier à cette défaillance du marché (voir considérants 33 à 35 de la décision attaquée).

33      À cet égard, premièrement, elle a relevé que le régime d’aides notifié contribuait à assurer que des contenus rédactionnels de grande qualité soient produits pour le public danois en laissant aux médias de presse le choix de la plate-forme de distribution. Deuxièmement, elle a précisé que les conditions d’éligibilité et, notamment, celles qui concernaient le contenu rédactionnel avaient pour objectif d’inciter les bénéficiaires du régime d’aides notifié à accomplir des activités qu’ils n’accompliraient pas, ou qu’ils accompliraient dans une moindre mesure, en l’absence de l’aide. Troisièmement, la Commission a constaté que le régime d’aides notifié avait été conçu pour subventionner partiellement les coûts additionnels encourus par les médias qui s’engagent à produire et à diffuser une information de grande qualité promouvant le débat démocratique. Quatrièmement, elle a relevé que, puisque la condition relative au contenu rédactionnel requérait qu’au moins la moitié du contenu du média ait été consacrée au contenu rédactionnel, l’espace restant consacré à la publicité était réduit d’autant. Eu égard à ce qui précède, la Commission a conclu que l’aide était nécessaire aux fins de couvrir une partie du surcoût généré pour les médias de presse qui s’engageaient dans une telle démarche (voir considérants 36 et 37 de la décision attaquée).

34      En troisième lieu, la Commission a observé que le régime d’aides notifié n’augmentait pas le niveau des aides aux médias de presse au Danemark et que l’intensité des aides octroyées au titre dudit régime était modeste. En effet, l’intensité maximale de l’aide autorisée était fixée à 35 % des coûts éditoriaux totaux d’un média de presse et le plafond du montant annuel maximal de l’aide était de 17,5 millions de couronnes danoises (DKK) (voir considérant 38 de la décision attaquée).

35      En quatrième lieu, la Commission a pris en compte les effets sur les conditions du commerce entre États membres et sur la concurrence, afin de faire un bilan global des avantages du régime d’aides notifié au regard de ses inconvénients.

36      S’agissant des avantages du régime d’aides notifié, la Commission a rappelé, d’une part, que ledit régime visait à pallier une défaillance du marché en ce qu’il incitait les médias de presse écrite, imprimée ou sur l’internet, à produire des contenus rédactionnels indépendants et de grande qualité. D’autre part, elle a relevé que le régime d’aides notifié contribuait à promouvoir le pluralisme des médias et la diffusion d’informations sociopolitiques conformément à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux (voir considérants 43 à 47 de la décision attaquée).

37      S’agissant des effets sur la concurrence et sur les échanges intra-communautaires, la Commission a conclu que ces derniers étaient limités par rapport à l’objectif de sauvegarde du pluralisme des médias et d’un contenu rédactionnel de grande qualité. À cet égard, elle a indiqué, premièrement, que ledit régime bénéficiait dans une mesure égale aux médias de presse écrite, imprimée ou sur l’internet, deuxièmement, qu’il s’adressait à tous les médias de presse écrite visant le public danois, y compris ceux établis dans d’autres États membres, et, troisièmement, que les échanges transfrontaliers étaient généralement limités en ce qui concerne les journaux d’information étant donné leur caractère intrinsèquement national. Elle a également relevé que, en général, les journaux danois, imprimés ou sur l’internet, n’étaient pas substituables aux journaux étrangers, compte tenu notamment du caractère limité de l’aire linguistique danoise. Partant, elle a estimé, en substance, qu’il était peu probable que les publications dans une langue étrangère puissent se substituer aux journaux danois ou que les souscripteurs et les annonceurs se tournent vers ces derniers en raison de l’aide (voir considérants 43 à 47 de la décision attaquée).

38      Il ressort de ce qui précède et, en particulier, du point 33 ci-dessus que la Commission a effectivement examiné si le régime d’aides notifié constituait une mesure appropriée aux fins de réaliser les objectifs de production et de diffusion d’une information de grande qualité en vue de promouvoir le débat démocratique et que les motifs de la décision attaquée contiennent un exposé suffisant à cet égard.

39      Dès lors, il y a lieu de rejeter les griefs de la requérante tirés, respectivement, d’un défaut de motivation de la décision attaquée quant au caractère approprié du régime d’aides notifié et de l’absence d’examen du caractère approprié dudit régime.

40      Cela étant, il convient d’apprécier si les arguments invoqués par la requérante établissent une insuffisance de l’examen de la mesure en cause effectué par la Commission.

 Sur le prétendu caractère inapproprié du régime d’aides notifié

41      La requérante fait valoir que, si la Commission avait effectué un examen diligent et impartial du régime d’aides notifié, elle aurait conclu à l’existence de doutes quant au caractère approprié de celui-ci au regard des objectifs qu’il poursuit. À cet égard, la requérante indique que, de facto, la condition dite de moitié exclut du bénéfice de l’aide les publications gratuites qui, aux fins d’être rentables, consacrent plus de la moitié de leur contenu à des espaces publicitaires. Or, selon elle, les publications gratuites contribuent de manière importante aux objectifs de diffusion de l’information au plus grand nombre de citoyens danois et de promotion du débat démocratique au Danemark poursuivis par le régime d’aides notifié. Ainsi, selon la requérante, la condition dite de moitié constituerait une entrave à la réalisation de l’objectif principal du régime d’aides notifié, à savoir la diffusion de l’information au plus grand nombre de citoyens, y compris au niveau local.

42      La Commission et le Royaume de Danemark contestent les arguments de la requérante.

43      Il y a lieu de relever que sont éligibles au régime d’aides notifié les médias de presse écrite, imprimée et sur l’internet, qui remplissent les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 2, du projet de loi, lesquelles s’appliquent sans distinction à tous les médias de presse écrite qui s’adressent au public danois.

44      Toutefois, en pratique, il ne saurait être exclu que les médias de presse écrite gratuits puissent moins facilement remplir la condition dite de moitié dès lors que leur financement repose, en principe, exclusivement sur des recettes publicitaires. À cet égard, la requérante a d’ailleurs indiqué, sans être contredite par la Commission, que le seul journal gratuit au Danemark qui remplissait la condition dite de moitié était déficitaire depuis 2008.

45      Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la Commission, la condition dite de moitié est susceptible de faire obstacle à l’octroi d’une aide aux médias de presse écrite gratuits sur le fondement du régime d’aides notifié.

46      Cela étant, cette circonstance est insuffisante pour caractériser l’existence de difficultés sérieuses quant au caractère approprié du régime d’aides notifié par rapport aux objectifs qu’il poursuit.

47      En effet, le régime d’aides notifié ayant notamment pour but de favoriser la production rédactionnelle des médias de presse écrite, il était loisible au Royaume de Danemark de réserver le bénéfice des aides aux seuls médias de presse écrite dont une partie suffisamment significative est consacrée à une telle production. La condition dite de moitié fixe un critère objectif à cet égard.

48      Par ailleurs, il y a lieu de préciser que le projet de loi ne vise pas à favoriser la production rédactionnelle en tant que telle, comme le prétend la requérante, mais uniquement celle d’une grande qualité, contribuant à promouvoir le débat démocratique au Danemark (voir considérants 4 et 37 de la décision attaquée).

49      C’est par rapport à l’objectif ainsi défini que la Commission a examiné le caractère approprié du régime d’aides notifié.

50      En effet, il ressort du considérant 37 de la décision attaquée que les conditions d’éligibilité visées à l’article 3, paragraphe 2, du projet de loi et, en particulier, celles qui concernent le contenu rédactionnel visent à inciter les bénéficiaires de l’aide à exercer des activités qu’ils n’exerceraient normalement pas ou qu’ils exerceraient dans une moindre mesure, c’est-à-dire, en l’espèce, à produire et à diffuser des contenus rédactionnels de grande qualité promouvant le débat démocratique. Il ressort en outre du considérant précité que la condition dite de moitié, qui fait partie des conditions d’éligibilité portant sur le contenu rédactionnel, contribue pleinement à la réalisation de l’objectif susmentionné, car elle incite les bénéficiaires du régime d’aides notifié à réduire les espaces publicitaires et, par conséquent, à produire davantage de contenu rédactionnel et à assurer la qualité de l’information diffusée.

51      Les arguments invoqués par la requérante ne sauraient infirmer la conclusion figurant au point 50 ci-dessus.

52      En premier lieu, la requérante conteste l’existence d’un lien entre la réduction de la publicité et la qualité du contenu rédactionnel. En outre, elle soutient que le prétendu lien entre la diminution de la publicité et la qualité du contenu rédactionnel, dont fait état la Commission dans le mémoire en défense, ne ressort ni du projet de loi, ni des travaux préparatoires, ni de la décision attaquée. En particulier, elle prétend que l’argument de la Commission selon lequel la publicité, qui est considérée, à de nombreux égards, comme « polluant » la diffusion des informations sur l’actualité, ne devrait pas représenter une part disproportionnée du contenu des médias de presse (ci-après l’« argument sur la pollution ») a été invoqué pour la première fois dans le mémoire en défense.

53      À titre liminaire, dans le cadre du présent recours, il ne revient pas au Tribunal de remettre en cause le bien-fondé des conditions, définies par le Royaume de Danemark, devant être satisfaites aux fins d’atteindre le niveau souhaité de qualité du contenu rédactionnel des médias de presse écrite qui s’adressent aux lecteurs danois, mais uniquement d’apprécier si la Commission a suffisamment examiné le régime d’aides notifié et, plus généralement, si la requérante a établi l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire à l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

54      Par ailleurs, il convient de relever, d’une part, que la Commission a expressément fait valoir que la condition dite de moitié permettait d’assurer la qualité du contenu rédactionnel pour la première fois dans le mémoire en défense et, d’autre part, que l’argument sur la pollution n’est mentionné en tant que tel ni dans le projet de loi, ni dans les travaux préparatoires, ni dans la décision attaquée.

55      Toutefois, il ressort implicitement, mais nécessairement, de la décision attaquée et, en particulier, de son considérant 37, ainsi que du projet de loi et des travaux préparatoires, que le régime d’aides notifié repose sur un ratio contenu informatif/volume de publicité et, partant, sur l’idée que la réduction de la publicité contribue à la réalisation des objectifs poursuivis par ledit régime, parmi lesquels figurent la production et la diffusion de contenus rédactionnels de grande qualité.

56      L’argument sur la pollution ne fait donc qu’expliciter davantage la motivation figurant dans la décision attaquée.

57      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne la publicité à la télévision, la Cour a jugé, à plusieurs reprises, qu’une limitation de la durée ou de la fréquence des messages publicitaires pouvait être imposée aux fins de protéger les consommateurs contre les excès de la publicité commerciale ou, dans un but de politique culturelle, pour maintenir une certaine qualité des programmes (arrêts du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda, C‑288/89, EU:C:1991:323, point 27, et du 28 octobre 1999, ARD, C‑6/98, EU:C:1999:532, points 49 et 50).

58      En ce qui concerne la publicité dans les médias de presse écrite, la Commission pouvait donc raisonnablement estimer qu’une limitation du volume de messages publicitaires visait également à protéger les consommateurs et à maintenir une certaine qualité du contenu rédactionnel.

59      À l’audience, la requérante a admis que la publicité à la télévision pouvait engendrer un « effet de répulsion » sur le téléspectateur. Néanmoins, elle a contesté toute comparaison entre la publicité diffusée à la télévision et la publicité diffusée dans la presse écrite, car, en ce qui concerne la première, le téléspectateur serait obligé d’attendre sa fin alors que, en ce qui concerne la seconde, le lecteur ne serait pas obligé de la regarder et pourrait sélectionner les parties du journal qu’il entend lire.

60      Or, contrairement à ce que prétend la requérante, les téléspectateurs ne sont pas plus contraints de regarder la publicité à la télévision que les lecteurs d’un média de presse écrite, en ce qu’ils peuvent notamment changer de chaîne.

61      Compte tenu de ce qui précède, l’argument de la requérante selon lequel il n’existerait pas de lien entre la réduction de la publicité et la qualité du contenu rédactionnel doit être rejeté.

62      En deuxième lieu, la requérante soutient, en substance, que la publicité permet de réaliser les objectifs visés par le régime d’aides notifié en ce que, d’une part, elle fait augmenter le taux de lecture des médias de presse écrite ainsi que la diffusion du contenu rédactionnel et, d’autre part, elle permet d’améliorer la qualité dudit contenu.

63      Premièrement, il y a lieu de rejeter comme inopérant l’argument selon lequel, en substance, la publicité fait augmenter le taux de lecture des médias de presse écrite ainsi que la diffusion du contenu rédactionnel au plus grand nombre de citoyens étant donné que l’objectif principal du régime d’aides notifié n’est pas la diffusion de toute information, mais la production et la diffusion d’une information de grande qualité en vue de promouvoir le débat démocratique au Danemark (points 29 et 48 ci-dessus).

64      Deuxièmement, les arguments invoqués par la requérante aux fins de démontrer que la publicité permet d’améliorer la qualité du contenu rédactionnel ne sauraient prospérer.

65      Tout d’abord, la requérante fait valoir que les revenus publicitaires confèrent aux médias des ressources plus importantes aux fins de produire un contenu rédactionnel de grande qualité. Toutefois, la requérante n’a produit aucun élément de preuve aux fins de démontrer que les médias de presse écrite gratuits investissent davantage que les médias de presse écrite payants dans la production de contenus rédactionnels de qualité. Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

66      En outre, la requérante prétend que les médias de presse écrite dont le contenu publicitaire est supérieur à 50 % sont de plus grande qualité que ceux dont le contenu publicitaire est inférieur à ce seuil et invoque, à cet égard, une étude sur l’appréciation quotidienne des Danois de plus de 250 marques de différents secteurs d’activité. Toutefois, l’étude précitée est dépourvue de pertinence au regard de la question relative à la qualité du contenu rédactionnel, car elle se limite à comparer les marques de certains médias de presse et celles exploitées par des entreprises dont l’activité principale n’est pas la production et l’édition d’informations à caractère sociopolitique.

67      Compte tenu de ce qui précède, l’argument de la requérante selon lequel la publicité permet de réaliser les objectifs visés par la mesure en cause doit être rejeté.

68      En troisième lieu, la requérante fait grief à la Commission d’avoir indiqué, dans le mémoire en défense, que la limitation de la publicité permettait de garantir que les médias de presse soient de grande qualité alors que, en application de l’article 3, paragraphe 2, point 6, du projet de loi, c’est l’information diffusée par ces derniers qui doit être de grande qualité.

69      À cet égard, il suffit de constater que, aux considérants 32, 34 et 37 de la décision attaquée, la Commission a correctement rappelé la teneur de l’article précité. Partant, l’erreur invoquée par la requérante ne saurait établir la prétendue insuffisance de l’examen conduit par la Commission.

70      Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

71      Dans ces circonstances, la requérante n’a pas établi que le caractère approprié du régime d’aides notifié constituait une difficulté sérieuse et que l’examen conduit par la Commission était, à cet égard, insuffisant.

 Sur le prétendu caractère disproportionné du seuil de 50 % de contenu rédactionnel

72      La requérante fait valoir qu’un seuil de 25 % de contenu rédactionnel, comme celui fixé par la lov nr 1228/2012 om afgift af husstandsomdelte reklamer (Reklameafgiftsloven) (loi n° 1228/2012 relative à la taxe sur la publicité), du 18 décembre 2012 (ci-après la « loi relative à la taxe sur la publicité »), serait plus approprié aux fins de garantir que les journaux hebdomadaires locaux puissent survivre tout en bénéficiant des aides et que les objectifs du régime d’aides notifié soient atteints.

73      La Commission et le Royaume de Danemark contestent les arguments de la requérante.

74      D’une part, comme l’a relevé à bon droit le Royaume de Danemark, l’objectif du régime d’aides notifié est d’inciter à la production et à la diffusion d’un contenu rédactionnel de grande qualité, alors que celui de la loi relative à la taxe sur la publicité est de garantir la permanence de la diffusion des informations locales.

75      Par conséquent, eu égard à l’objectif poursuivi par la mesure en cause, l’existence du seuil de 25 % de contenu rédactionnel, fixé par la loi relative à la taxe sur la publicité, n’était pas de nature à faire naître des doutes quant au caractère approprié et proportionné du seuil de 50 % de contenu rédactionnel dans le cadre du régime d’aides notifié.

76      D’autre part, et en tout état de cause, l’argumentation de la requérante repose sur le postulat erroné selon lequel, en substance, la compatibilité du régime d’aides notifié dépendrait de la possibilité pour les journaux gratuits de bénéficier d’une aide au titre dudit régime. En effet, ainsi que le soutient la Commission, la compatibilité avec le marché intérieur, y compris la question de savoir si l’aide est appropriée, ne doit pas être appréciée au regard d’une situation dans laquelle la requérante aurait également droit à l’aide ou en se fondant sur l’hypothèse que le régime d’aides notifié aurait pu être conçu différemment, mais par rapport à la situation du marché en l’absence du régime d’aides notifié.

77      Or, il ressort du considérant 34 de la décision attaquée que les consommateurs sont de moins en moins enclins à payer pour la production de contenus rédactionnels, y compris de grande qualité, alors que cette activité engendre d’importants coûts, et, partant, que, en l’absence d’intervention étatique, les opérateurs privés ne seraient pas incités à produire lesdits contenus (voir point 32 ci-dessus).

78      Compte tenu de ce qui précède, la Commission pouvait raisonnablement considérer que l’aide à la production de contenus rédactionnels, dont l’octroi est conditionné au respect de plusieurs conditions qui, dans leur ensemble, visent à garantir un certain niveau de qualité des informations diffusées par les médias de presse écrite, était un moyen adéquat aux fins d’inciter lesdits médias à produire et à diffuser des contenus rédactionnels de grande qualité.

79      La circonstance selon laquelle, en application de la condition dite de moitié, les médias de presse écrite gratuits sont, en pratique, exclus du bénéfice du régime d’aides notifié, à la supposer avérée, n’infirme pas cette conclusion étant donné que lesdits médias ne sont pas dans une situation comparable à celle des médias de presse écrite payants. En effet, il ressort implicitement, mais nécessairement, du considérant 34 de la décision attaquée que seuls les médias de presse écrite payants sont concernés par la tendance des consommateurs à vouloir accéder gratuitement à l’information, y compris de grande qualité.

80      Cette différence de situation entre la presse écrite gratuite et la presse écrite payante est d’ailleurs confirmée par les nombreuses allégations de la requérante visant à démontrer le rôle majeur des publications gratuites dans la diffusion de l’information au plus grand nombre de citoyens danois.

81      Force est donc de constater que les médias de presse écrite gratuits et les médias de presse écrite payants ne sont pas dans une situation comparable au regard de l’exigence de nécessité du régime d’aides notifié. Ainsi, le fait qu’il puisse exister des médias de presse écrite gratuits, comme ceux de la requérante, qui ne remplissent pas les conditions d’éligibilité fixées par le régime d’aides notifié n’est pas, en soi, déterminant dans le cadre de l’examen de la compatibilité dudit régime.

82      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que l’absence d’examen par la Commission de la question de savoir si le seuil de 25 % de contenu rédactionnel était plus approprié que celui de 50 % ne saurait établir l’insuffisance de l’examen conduit par la Commission ou l’existence d’une quelconque difficulté sérieuse.

 Sur la prétendue erreur entachant le considérant 10 de la décision attaquée

83      La requérante fait valoir que l’ouverture de la procédure formelle d’examen aurait permis à la Commission d’éviter l’erreur commise au considérant 10 de la décision attaquée, auquel il est indiqué que, en application de l’article 3, paragraphe 2, point 8, du projet de loi, un sixième du contenu rédactionnel doit être le fruit d’un travail journalistique indépendant.

84      La Commission reconnaît qu’une erreur s’est glissée au considérant 10 de la décision attaquée, mais elle prétend que le régime d’aides notifié aurait été autorisé même en l’absence de celle-ci.

85      Il y a lieu de relever que l’erreur alléguée par la requérante est une simple erreur de plume qui, en tout état de cause, ne constitue pas le fondement du constat de la Commission tiré de la compatibilité du régime d’aides notifié avec le marché intérieur.

86      Dans ces circonstances, l’erreur alléguée par la requérante ne saurait constituer un indice du caractère insuffisant de l’examen conduit par la Commission ou de l’existence de difficultés sérieuses.

87      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième moyens.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un examen insuffisant de la question de savoir si les avantages du régime d’aides notifié l’emportent sur les distorsions de concurrence induites par sa mise en œuvre

88      La requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir suffisamment examiné si les avantages du régime d’aides notifié compensent les distorsions de concurrence qui découlent de sa mise en œuvre et, partant, de ne pas avoir satisfait à l’obligation qui lui incombe de procéder à un examen diligent, impartial et suffisamment nuancé. À cet égard, la requérante fait valoir, tout d’abord, que la Commission n’a tenu compte ni de la différence de traitement entre les médias de presse écrite gratuits et les médias de presse écrite payants qui résulte de la condition dite de moitié, ni de la distorsion de concurrence sur le marché de la publicité qui en découle. Ensuite, elle fait grief à la Commission d’avoir négligé le fait que la condition dite de moitié n’est pas appliquée de manière systématique et cohérente, puisque les suppléments publicitaires ne sont pas pris en compte aux fins d’évaluer si ladite condition est remplie. Elle indique que, de ce fait, un média de presse avec un contenu publicitaire élevé pourrait contourner la condition précitée en regroupant le contenu publicitaire dans un supplément spécial. Enfin, elle considère que, en ayant connaissance du seuil de 25 % de contenu rédactionnel prévu par la loi relative à la taxe sur la publicité, la Commission aurait dû procéder à un examen critique de la question du maintien du seuil de 50 % de contenu rédactionnel compte tenu de ses effets de distorsion de la concurrence.

89      La Commission et le Royaume de Danemark contestent les arguments de la requérante.

90      En premier lieu, il convient de relever que, pour qu’une mesure constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, elle doit nécessairement conférer un avantage sélectif à une entreprise ou à un groupe d’entreprises. Partant, la différence de traitement entre les bénéficiaires d’une aide d’État et les entreprises qui n’en bénéficient pas ainsi que la distorsion éventuelle de concurrence qui en découle sont inhérentes à la notion d’aide d’État et ne sauraient, en tant que telles, rendre ladite aide incompatible avec le marché intérieur.

91      En outre, il ressort de la jurisprudence que, si une aide comporte fréquemment par elle-même une protection et, partant, un certain cloisonnement du marché par rapport aux productions des entreprises qui n’en bénéficient pas, cette circonstance ne saurait impliquer des effets restrictifs qui iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’aide puisse atteindre les objectifs admis par le traité (arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, EU:C:1977:51, point 15).

92      Dès lors, le fait que, en l’espèce, les médias de presse écrite qui ne satisfont pas à l’ensemble des conditions posées à l’article 3, paragraphe 2, du projet de loi et, en particulier, à la condition dite de moitié subissent un désavantage concurrentiel par rapport aux médias de presse écrite éligibles au titre du régime d’aides notifié ne saurait être constitutif d’une difficulté sérieuse, sous peine d’obliger la Commission à ouvrir la procédure de l’article 108, paragraphe 2, TFUE à chaque fois qu’une aide est accordée à une entreprise ou à un groupe d’entreprises.

93      En tout état de cause, aux fins de la mise en balance des avantages du régime d’aides notifié avec ses inconvénients, la Commission a pris en considération les distorsions de concurrence entre les entreprises actives dans le secteur européen de l’édition qui pouvaient résulter de la mise en œuvre dudit régime d’aides (voir considérants 26 et 43 de la décision attaquée).

94      Or, parmi les entreprises actives dans le secteur européen de l’édition figurent, notamment, tous les médias de presse qui s’adressent au public danois et qui ne remplissent pas les conditions d’éligibilité posées à l’article 3, paragraphe 2, du projet de loi, y compris les médias de presse écrite gratuits.

95      Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission a effectivement tenu compte de la différence de traitement entre les médias de presse écrite gratuits et payants.

96      En deuxième lieu, l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas tenu compte des distorsions de concurrence sur le marché de la publicité engendrées par le régime d’aides notifié n’est pas suffisamment étayé.

97      En particulier, la requérante a omis d’expliquer dans quelle mesure le régime d’aides notifié serait susceptible de fausser la concurrence sur le marché de la publicité entre les médias de presse écrite payants et les médias de presse écrite gratuits.

98      Par ailleurs, il convient de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 54 et jurisprudence citée).

99      En l’espèce, le seul document invoqué par la requérante à cet égard est un tableau extrait de l’étude sur le marché danois des médias mentionnée au point 32 ci-dessus [tableau n° 4 intitulé « Advertising turnover by media and time in million DKK » (chiffre d’affaires des médias généré par la publicité par année et en millions de DKK)], dont il ressort, d’une part, que, depuis 2007, les recettes publicitaires tant des quotidiens que des hebdomadaires, avaient baissé considérablement et, d’autre part, que, depuis 2009, les recettes publicitaires des quotidiens étaient inférieures à celles des hebdomadaires, alors même que, sauf rares exceptions et à la différence des quotidiens, les hebdomadaires gratuits n’ont perçu aucune aide au titre des régimes d’aides antérieurs, étant précisé, à cet égard, que lesdits régimes comportaient déjà une condition identique à la condition dite de moitié.

100    Dès lors, il ne saurait être déduit dudit tableau un quelconque lien entre l’octroi d’une aide aux médias de presse écrite payants et la prétendue distorsion de concurrence sur le marché de la publicité entre les médias de presse écrite payants et les médias de presse écrite gratuits.

101    En tout état de cause, la prétendue distorsion de concurrence sur le marché de la publicité découlant du régime d’aides notifié serait corrélative à la qualification d’aide d’État de la mesure en cause, qui, par définition, est une mesure faussant ou menaçant de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Ainsi, la distorsion de concurrence sur le marché de la publicité ne pourrait être considérée comme excessive et disproportionnée que si elle était substantielle et manifestement disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, ce que, au demeurant, la requérante ne prétend pas. En particulier, la requérante n’allègue pas que la prétendue distorsion de concurrence sur le marché de la publicité menacerait l’existence des médias de presse écrite gratuits au Danemark.

102    En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la condition dite de moitié ne serait pas appliquée de manière systématique, il suffit de constater que l’absence de prise en compte des suppléments publicitaires dans le seuil minimal de 50 % de contenu rédactionnel, laquelle permet, dans une certaine mesure, de contourner l’obligation dite de moitié, vaut pour tous les médias de presse écrite s’adressant au public danois. Ainsi, les médias de presse écrite gratuits comme celui de la requérante pourraient proposer des suppléments publicitaires afin de faire baisser la proportion de contenu publicitaire prise en compte aux fins de bénéficier dudit régime.

103    Au demeurant, l’argument de la requérante n’établit pas que la Commission aurait insuffisamment examiné la question de savoir si les avantages du régime d’aides notifié l’emportent sur les distorsions de concurrence induites par sa mise en œuvre.

104    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

105    En quatrième lieu, dans la mesure où l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la Commission n’aurait pas examiné si le seuil de 25 % de contenu rédactionnel était plus approprié que celui fixé par le régime d’aides notifié ne fait que réitérer l’argumentation de la requérante résumée au point 72 ci‑dessus, il doit être rejeté pour les motifs indiqués aux points 74 à 82 ci-dessus.

106    À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’un défaut de motivation résultant de l’absence d’examen des distorsions de concurrence sur le marché de la publicité

107    La requérante a fait valoir, pour la première fois dans la réplique, que la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation, en substance, au motif qu’elle ne comporte aucune mention des distorsions de concurrence sur le marché de la publicité, induites par le régime d’aides notifié, indiquant que la Commission aurait examiné cette question.

108    La Commission et le Royaume de Danemark ne se sont pas prononcés à cet égard et, en réponse à une question du Tribunal posée lors de l’audience, ils ont indiqué laisser la question de la recevabilité du quatrième moyen de la requérante à l’appréciation du Tribunal.

109    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 269 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 269 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79, et du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 88).

110    S’agissant, en premier lieu, de la nature de l’acte en cause, la décision attaquée a été adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide concernée, sans que soit ouverte la procédure formelle d’examen prévue au paragraphe 2 dudit article, qui, quant à elle, est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données relatives à cette aide (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 57).

111    Or, une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur (arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 48).

112    Pour ce qui concerne, en second lieu, le contexte de la décision attaquée, ainsi qu’il ressort des points 2 et 99 du présent arrêt, celle-ci est intervenue à la suite de deux autres décisions favorables qui portaient sur des régimes antérieurs d’aides à la presse qui, parmi les conditions d’éligibilité, comptaient une condition identique à la condition dite de moitié et qui avaient également été préalablement notifiées par les autorités danoises à la Commission. La décision attaquée se réfère d’ailleurs expressément à l’examen et à l’acceptation par la Commission des régimes d’aides antérieurs à celui faisant l’objet de cette décision, que ce dernier était destiné à remplacer.

113    Cette circonstance justifiait également que la motivation de la décision attaquée soit succincte.

114    Enfin et en tout état de cause, comme indiqué aux points 99 et 100 ci-dessus, la requérante n’a pas établi que la Commission disposait d’éléments pouvant laisser présumer une quelconque distorsion de concurrence sur le marché de la publicité entre les médias de presse écrite gratuits et les médias de presse écrite payants.

115    Compte tenu de ce qui précède, au vu de la nature de l’acte en cause, du contexte de la décision attaquée et des informations dont disposait la Commission, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir examiné l’existence de distorsions de concurrence sur le marché de la publicité et de ne pas en avoir fait mention dans les motifs de la décision attaquée.

116    Il résulte des considérations qui précèdent que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant, en tout état de cause, non fondé, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité. Partant, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

118    En l’espèce, la requérante a succombé dans ses conclusions. Il convient donc de la condamner aux dépens de l’instance, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission, à l’exception des dépens exposés par le Royaume de Danemark, qui resteront à la charge de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Søndagsavisen A/S est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Royaume de Danemark supportera ses propres dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 octobre 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les premier et deuxième moyens, tirés, en substance, d’un défaut de motivation et d’un examen insuffisant du régime d’aides notifié

Sur le prétendu caractère inapproprié du régime d’aides notifié

Sur le prétendu caractère disproportionné du seuil de 50 % de contenu rédactionnel

Sur la prétendue erreur entachant le considérant 10 de la décision attaquée

Sur le troisième moyen, tiré d’un examen insuffisant de la question de savoir si les avantages du régime d’aides notifié l’emportent sur les distorsions de concurrence induites par sa mise en œuvre

Sur le quatrième moyen, tiré d’un défaut de motivation résultant de l’absence d’examen des distorsions de concurrence sur le marché de la publicité

Sur les dépens


* Langue de procédure : le danois.