Language of document : ECLI:EU:C:2004:834

Ordonnance de la Cour

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR
21 septembre 2004 (1)

«Procédure accélérée»

Dans l'affaire C-317/04,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l'article 230 CE,

introduit le 27 juillet 2004,

Parlement européen, représenté par MM. R. Passos et N. Lorenz, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par Mme C. Giorgi Fort et M. M. Bishop, en qualité d'agents,



LE PRÉSIDENT DE LA COUR,



vu la proposition de Mme N. Colneric, juge rapporteur,

l'avocat général, M. P. Léger, entendu,

rend la présente



Ordonnance



1
Par sa requête, le Parlement européen a demandé l'annulation de la décision 2004/496/CE du Conseil, du 17 mai 2004, concernant la conclusion d'un accord [ci-après l’«accord»] entre la Communauté européenne et les États-Unis d'Amérique sur le traitement et le transfert de données PNR [«Passenger Name Records»] par des transporteurs aériens au bureau des douanes et de la protection des frontières du ministère américain de la sécurité intérieure (JO L 183, p. 83, ci-après la «décision attaquée»).

2
Par acte séparé déposé au greffe de la Cour le même jour, le Parlement a, en vertu de l'article 62 bis du règlement de procédure de la Cour, demandé à cette dernière de soumettre le recours à une procédure accélérée.

3
À l'appui de sa demande, le Parlement fait valoir ce qui suit.

4
Le recours serait dirigé contre une violation des droits fondamentaux, notamment du droit à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, d'un nombre très important de personnes physiques, étant donné la densité du trafic aérien de passagers entre l'Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique.

5
L’accord autoriserait le Bureau des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (ci-après le «CBP») à transmettre, au cas par cas et à sa discrétion, des données PNR à des autorités gouvernementales de répression ou de lutte contre le terrorisme étrangères, sans le consentement des personnes concernées. Ces transferts effectués, il deviendrait impossible pour les personnes concernées et pour la Communauté d’en contrôler les conséquences. Cela constituerait une violation tant de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281, p. 31), notamment de son article 7, que de l'article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.

6
Le Parlement relève, en outre, que s’il est vrai que l’accord prévoit que le CBP n’utilisera pas de données «sensibles» figurant dans les PNR, le système dit «pull», prévu par l’accord, implique que le CBP est en droit de collecter toutes les données PNR, y compris celles pouvant être de nature «sensible», ce qui serait contraire à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 95/46. Or, la collecte de ces données à caractère personnel peut, selon le Parlement, entraîner de graves conséquences pour les personnes concernées.

7
Enfin, le Parlement relève qu’il a introduit, également le 27 juillet 2004, un recours, dans l’affaire Parlement/Commission (C-318/04), pendant devant la Cour, tendant à l’annulation de la décision 2004/535/CE de la Commission, du 14 mai 2004, relative au niveau de protection adéquat des données à caractère personnel contenues dans les dossiers des passagers aériens transférés au Bureau des douanes et de la protection des frontières des États-Unis d’Amérique (JO L 235 p. 11, ci‑après la «décision 2004/535», laquelle prévoit, à son article 6, que les États membres doivent se conformer à celle-ci dans les quatre mois à compter de sa notification, soit au plus tard le 28 septembre 2004. Eu égard à ce délai et au fait que la décision attaquée et la décision 2004/535 concernent la même matière et sont étroitement liées, le Parlement estime souhaitable, pour des raisons de cohérence procédurale, que la Cour procède en même temps et sans tarder à l’examen des affaires C-317/04 et C-318/04.

8
Par mémoire déposé au greffe de la Cour le 12 août 2004, le Conseil de l'Union européenne a indiqué qu'il n'a pas d'observations à présenter sur la demande du Parlement tendant à ce que le recours soit soumis à une procédure accélérée et qu’il s’en remet sur ce point à la sagesse de la Cour.

9
Il importe de relever qu'il résulte de l'article 62 bis, premier alinéa, du règlement de procédure que, à la demande soit de la partie requérante, soit de la partie défenderesse, le président de la Cour peut exceptionnellement, sur proposition du juge rapporteur, l'autre partie et l'avocat général entendus, décider de soumettre une affaire à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions dudit règlement, lorsque l'urgence particulière de l'affaire exige que la Cour statue dans les plus brefs délais.

10
Or, les circonstances invoquées en l'espèce par le Parlement n'établissent pas l'existence d'une urgence particulière qui exigerait que la Cour statue sur le recours dont elle est saisie dans les plus brefs délais.

11
En particulier, il y a lieu de constater que le nombre important des personnes potentiellement concernées par la collecte et le transfert des données PNR en exécution de l’accord n’est pas susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée (voir, en ce sens, ordonnance du Président du 10 février 2004, Parlement/Conseil, C-540/03, non publiée au Recueil, point 10).

12
En outre, l’argument tiré de l’expiration imminente du délai fixé par la décision 2004/535 doit être rejeté comme inopérant, dans la mesure où, même en application de la procédure accélérée, les arrêts de la Cour dans les affaires C‑317/04 et C-318/04 ne sauraient intervenir que plusieurs mois après l’expiration de ce délai. Il apparaît dès lors que, dans les circonstances de l’espèce, si le Parlement avait souhaité exclure ou limiter autant que possible les effets que l’exécution de l’accord était susceptible de produire, la procédure appropriée aurait consisté à introduire des demandes de sursis à l’exécution de la décision attaquée et de la décision 2004/535.

13
Dans le même ordre d'idées, il convient de rejeter également les arguments selon lesquels la collecte ou les transferts de données PNR effectués en exécution de l'accord seraient susceptibles d’avoir des conséquences graves ou échappant au contrôle des personnes concernées et de la Communauté. À cet égard, il y lieu de relever qu’une procédure accélérée s’impose notamment lorsqu’une décision de la Cour intervenant dans un très bref délai est nécessaire afin d’éviter les risques qui pourraient être encourus si le déroulement de la procédure suivait son cours normal. Or, en l’espèce, le recours à une procédure accélérée ne serait pas de nature à empêcher que la situation des personnes concernées soit affectée par les conséquences pouvant découler de l’exécution de l’accord.

14
Il en résulte que la demande du Parlement de soumettre l'affaire C‑317/04 à une procédure accélérée ne saurait être accueillie.




Par ces motifs, le président de la Cour ordonne:

1)
La demande du Parlement européen de soumettre l’affaire C‑317/04 à une procédure accélérée est rejetée.

2)
Les dépens sont réservés.

Luxembourg, le 21 septembre 2004.


Signatures.


1
Langue de procédure: le français.