Language of document : ECLI:EU:C:2014:300

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

8 mai 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale – Règlement (CEE) no 1408/71 – Règlement (CEE) no 574/72 – Prestations familiales – Allocations familiales – Allocation d’éducation – ‘Elterngeld’ – ‘Kindergeld’ – Calcul du complément différentiel»

Dans l’affaire C‑347/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (Luxembourg), par décision du 12 juillet 2012, parvenue à la Cour le 20 juillet 2012, dans la procédure

Caisse nationale des prestations familiales

contre

Ulrike Wiering,

Markus Wiering,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas (rapporteur), D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 juin 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour la Caisse nationale des prestations familiales, par Mes A. Rodesch et R. Jazbinsek, avocats,

–        pour Mme et M. Wiering, par Mes G. Pierret et S. Coï, avocats,

–        pour la Commission européenne, par MM. D. Martin et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 juillet 2013,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, sous u), i), 4, paragraphe 1, sous h), et 76 du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (JO L 209, p. 1, ci-après le «règlement no 1408/71»), ainsi que de l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71 (JO L 74, p. 1), dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97 (ci-après le «règlement no 574/72»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Caisse nationale des prestations familiales (ci-après la «CNPF») à Mme et M. Wiering, résidents allemands travaillant, respectivement, en Allemagne et au Luxembourg, au sujet du refus de la CNPF de leur verser un complément différentiel d’allocations familiales pour leurs enfants.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les premier, cinquième, huitième et dixième considérants du règlement no 1408/71 sont libellés comme suit:

«considérant que les règles de coordination des législations nationales de sécurité sociale s’inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes et doivent contribuer à l’amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi;

[...]

considérant qu’il convient, dans le cadre de cette coordination, de garantir à l’intérieur de la Communauté aux travailleurs ressortissants des États membres ainsi qu’à leurs ayants droit et leurs survivants, l’égalité de traitement au regard des différentes législations nationales;

[...]

considérant qu’il convient de soumettre les travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté au régime de la sécurité sociale d’un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités;

[...]

considérant que, en vue de garantir le mieux l’égalité de traitement de tous les travailleurs occupés sur le territoire d’un État membre, il est approprié de déterminer comme législation applicable, en règle générale, la législation de l’État membre sur le territoire duquel l’intéressé exerce son activité salariée ou non salariée».

4        L’article 1er de ce règlement énonce les définitions des termes employés dans le domaine régi par celui-ci.

5        L’article 1er, sous u), dudit règlement dispose:

«i)      le terme ‘prestations familiales’ désigne toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille dans le cadre d’une législation prévue à l’article 4 paragraphe 1 point h), à l’exclusion des allocations spéciales de naissance ou d’adoption mentionnées à l’annexe II;

ii)      le terme ‘allocations familiales’ désigne les prestations périodiques en espèces accordées exclusivement en fonction du nombre et, le cas échéant, de l’âge des membres de la famille».

6        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du même règlement, ce dernier s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent les prestations familiales.

7        L’article 12, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 énonce:

«Le présent règlement ne peut conférer ni maintenir le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d’assurance obligatoire. [...]»

8        L’article 13 de ce règlement, intitulé «Règles générales», dispose:

«1.      Sous réserve de l’article 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2.       Sous réserve des articles 14 à 17:

a)       la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre;

[...]»

9        L’article 73 dudit règlement prévoit:

«Le travailleur salarié ou non salarié soumis à la législation d’un État membre a droit, pour les membres de sa famille qui résident sur le territoire d’un autre État membre, aux prestations familiales prévues par la législation du premier État, comme s’ils résidaient sur le territoire de celui-ci, sous réserve des dispositions de l’annexe VI.»

10      L’article 76 du même règlement est libellé comme suit:

«1.       Lorsque des prestations familiales sont, au cours de la même période, pour le même membre de la famille et au titre de l’exercice d’une activité professionnelle, prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident, le droit aux prestations familiales dues en vertu de la législation d’un autre État membre, le cas échéant en application des articles 73 ou 74, est suspendu jusqu’à concurrence du montant prévu par la législation du premier État membre.

2.       Si une demande de prestations n’est pas introduite dans l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident, l’institution compétente de l’autre État membre peut appliquer les dispositions du paragraphe 1 comme si des prestations étaient octroyées dans le premier État membre.»

11      Les articles 7 à 10 bis du règlement no 574/72 énoncent les modalités d’application de l’article 12 du règlement no 1408/71.

12      L’article 10, paragraphe 1, du règlement no 574/72 prévoit:

«a)      Le droit aux prestations ou allocations familiales dues en vertu de la législation d’un État membre selon laquelle l’acquisition du droit à ces prestations ou allocations n’est pas subordonnée à des conditions d’assurance, d’emploi ou d’activité non salariée est suspendu lorsque, au cours d’une même période et pour le même membre de la famille, des prestations sont dues soit en vertu de la seule législation nationale d’un autre État membre, soit en application des articles 73, 74, 77 ou 78 du règlement, et ce jusqu’à concurrence du montant de ces prestations.

b)      Toutefois, si une activité professionnelle est exercée sur le territoire du premier État membre:

i)      dans le cas des prestations dues, soit en vertu de la seule législation nationale d’un autre État membre, soit en vertu des articles 73 ou 74 du règlement, par la personne ayant droit aux prestations familiales ou par la personne à qui elles sont servies, le droit aux prestations familiales dues, soit en vertu de la seule législation nationale de cet autre État membre, soit en vertu de ces articles, est suspendu jusqu’à concurrence du montant des prestations familiales prévu par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside le membre de la famille. Les prestations versées par l’État membre sur le territoire duquel réside le membre de la famille sont à la charge de cet État membre;

[...]»

13      Il convient de relever, d’une part, que le règlement no 1408/71 a été remplacé par le règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1), et, d’autre part, que le règlement no 574/72 a été remplacé par le règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO L 284, p. 1), ces nouveaux règlements étant devenus applicables le 1er mai 2010, conformément à l’article 91 du règlement no 883/2004 et à l’article 97 du règlement no 987/2009. Toutefois, eu égard à l’époque des faits en cause au principal, ceux-ci demeurent régis par les règlements nos 1408/71 et 574/72.

 Le droit luxembourgeois

14      Le 15 mars 2013, la Cour, en application de l’article 101 de son règlement de procédure, a adressé à la juridiction de renvoi une demande d’éclaircissements. La juridiction de renvoi a notamment été invitée à décrire de manière plus précise les prestations familiales luxembourgeoises en cause au principal et les conditions d’octroi de celles-ci. Par lettre du 29 avril 2013, la juridiction de renvoi a indiqué, entre autres, que les prestations familiales luxembourgeoises en cause au principal étaient les allocations familiales (ci-après les «allocations familiales luxembourgeoises») ainsi que l’allocation d’éducation et a communiqué à la Cour le texte des dispositions de droit luxembourgeois régissant l’octroi de ces prestations. Elle a par ailleurs précisé que l’indemnité de congé parental n’était pas en cause dans le litige pendant devant elle, la demande de Mme et M. Wiering au titre de cette indemnité ayant été déclarée irrecevable.

15      Selon les informations fournies par la juridiction de renvoi, l’article 269, premier alinéa, du code de la sécurité sociale luxembourgeois dispose:

«A droit aux allocations familiales dans les conditions prévues par le présent chapitre,

a)      pour lui-même, tout enfant résidant effectivement et d’une façon continue au Luxembourg et y ayant son domicile légal;

b)      pour les membres de sa famille, conformément à l’instrument international applicable, toute personne soumise à la législation luxembourgeoise et relevant du champ d’application des règlements communautaires ou d’un autre instrument bi- ou multilatéral conclu par le Luxembourg en matière de sécurité sociale et prévoyant le paiement des allocations familiales suivant la législation du pays d’emploi. Est considéré comme membre de la famille d’une personne l’enfant appartenant au groupe familial de cette personne, tel que défini à l’article 270. Les membres de la famille visés par le présent texte doivent résider dans un pays visé par les règlements ou instruments en question.

[...]»

16      En vertu de l’article 271, premier alinéa, dudit code, l’allocation est due à partir du mois de naissance de l’enfant jusqu’à l’âge de dix-huit ans accomplis. Selon l’article 271, troisième alinéa, du même code, le droit aux allocations familiales est maintenu jusqu’à l’âge de vingt-sept ans accomplis au plus pour les élèves de l’enseignement secondaire et de l’enseignement secondaire technique s’adonnant à titre principal à leurs études.

17      L’article 299 du code de la sécurité sociale luxembourgeois prévoit:

«(1)      Une allocation d’éducation est accordée sur demande à toute personne qui:

a)      a son domicile légal au sens de l’article 269 au Grand-Duché de Luxembourg et y réside effectivement, ou qui est affiliée obligatoirement à la sécurité sociale luxembourgeoise au titre d’une activité professionnelle et relève du champ d’application des règlements communautaires;

b)      élève dans son foyer un ou plusieurs enfants pour lesquels sont versées au requérant ou à son conjoint non séparé ou à son partenaire [...], des allocations familiales et qui remplissent à son égard les conditions prévues à l’article 270 [du même code relatif à la détermination du groupe familial];

c)      s’adonne principalement à l’éducation des enfants au foyer familial et n’exerce pas d’activité professionnelle ou ne bénéficie pas d’un revenu de remplacement.

(2)      Par dérogation à la condition prévue au paragraphe (1) sous c) peut également prétendre à l’allocation toute personne qui exerce une ou plusieurs activités professionnelles ou bénéficie d’un revenu de remplacement et qui, indépendamment de la durée de travail presté, dispose ensemble avec son conjoint non séparé ou la personne avec laquelle elle vit en communauté domestique, d’un revenu ne dépassant pas, déduction faite des cotisations de sécurité sociale,

a)      trois fois le salaire social minimum si elle élève un enfant;

b)      quatre fois le salaire social minimum si elle élève deux enfants;

c)      cinq fois le salaire social minimum si elle élève trois enfants et plus.

(3)      Par dérogation aux conditions prévues au paragraphe (1) sous c) et au paragraphe (2), peut prétendre à la moitié de l’allocation d’éducation, indépendamment du revenu dont elle dispose, toute personne qui

a)      exerce une ou plusieurs activités professionnelles à temps partiel sans que la durée de travail hebdomadaire totale effectivement presté ne dépasse la moitié de la durée normale de travail lui applicable sur cette même période en vertu de la loi ou de la convention collective de travail, ou bénéficie d’un revenu de remplacement correspondant à la durée de travail déterminée ci-avant;

b)      s’adonne principalement à l’éducation des enfants au foyer familial pendant une durée au moins équivalente à la moitié de la durée normale de travail, telle qu’elle est déterminée sub a).

[...]»

18      L’article 302 dudit code énonce:

«L’allocation d’éducation est due à partir du premier jour du mois qui suit, soit l’expiration du congé de maternité ou du congé d’accueil, soit l’expiration de la huitième semaine qui suit la naissance.

Elle est payée au cours du mois pour lequel elle est due.

L’allocation cesse le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel l’enfant atteint l’âge de deux ans accomplis.

Par dérogation à l’alinéa qui précède,

a)       l’allocation est maintenue en faveur de l’attributaire qui élève dans son foyer, soit des jumeaux, soit trois enfants ou plus tant que les ou l’un des enfants sont âgés de moins de quatre ans accomplis;

b)       la limite d’âge pour le paiement de l’allocation en cas de naissance ou d’adoption multiple de plus de deux enfants, est relevée de deux ans par enfant supplémentaire en faveur de l’attributaire remplissant les conditions sous a).

En cas d’adoption multiple d’enfants d’âges différents, la limite d’âge est appliquée par rapport au plus jeune des enfants adoptés.

Elle est maintenue également en faveur de toute personne qui élève dans son foyer un enfant âgé de moins de quatre ans accomplis pour lequel est versée l’allocation spéciale supplémentaire prévue à l’article 272, alinéa 4.

Le droit à l’allocation prend fin si les conditions d’octroi prévues par le présent Chapitre ne sont plus remplies.»

19      L’article 303 du même code est libellé comme suit:

«L’allocation d’éducation est fixée à 485,01 euros par mois quel que soit le nombre des enfants élevés dans un même foyer. En cas d’application des seuils visés à l’article 299, paragraphe (2), l’allocation est réduite dans la mesure où la somme des revenus, déduction faite des cotisations de sécurité sociale et de l’allocation d’éducation dépasse les seuils visés.»

20      L’article 304 du code de la sécurité sociale luxembourgeois dispose:

«L’allocation d’éducation est suspendue jusqu’à concurrence de toute prestation non luxembourgeoise de même nature due pour le ou les mêmes enfants.

[E]lle n’est pas due au cas où l’un des parents bénéficie pour le ou les mêmes enfants de l’indemnité de congé parental prévue au chapitre VI du présent livre ou d’une prestation non luxembourgeoise versée au titre d’un congé parental. [...]»

 Le droit allemand

21      Le 19 mars 2013, la Cour a invité le gouvernement allemand à préciser notamment les objectifs et les conditions d’octroi du «Kindergeld» et de l’«Elterngeld». Par lettre du 17 avril 2013, le gouvernement allemand a fourni à la Cour des informations relatives à ces prestations.

22      Selon lesdites informations, le «Kindergeld» est l’un des aspects de la compensation fiscale des charges familiales prévue à l’article 31 de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci-après l’«EStG»).

23      Ainsi que le prévoit cette disposition, le «Kindergeld» vise à compenser les charges familiales et à garantir un niveau d’existence minimal à l’enfant.

24      Selon l’article 62, paragraphe 1, de l’EStG, l’ayant droit, à savoir un parent en règle générale, doit soit avoir son domicile ou sa résidence habituelle en Allemagne, soit être imposable sans limitation ou traité comme tel en Allemagne. En vertu de l’article 63, paragraphe 1, de l’EStG, l’enfant doit avoir son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre de l’Union européenne, en Suisse, en Islande, au Liechtenstein ou en Norvège.

25      En application de l’article 32, paragraphe 4, de l’EStG, un enfant ouvre droit au «Kindergeld», sans autres conditions, jusqu’à son dix-huitième anniversaire ou jusqu’à son vingt et unième anniversaire tant qu’il n’exerce pas d’emploi et est inscrit comme demandeur d’emploi auprès d’une agence nationale pour l’emploi ou jusqu’à son vingt-cinquième anniversaire s’il suit une formation ou effectue un service volontaire reconnu ou, enfin, sans limite d’âge si, en raison d’un handicap physique ou mental, il n’est pas en état de se prendre en charge.

26      Le montant du «Kindergeld» est, en application de l’article 66, paragraphe 1, première phrase, de l’EStG, de 184 euros par mois pour chacun des deux premiers enfants, de 190 euros pour le troisième enfant et de 215 euros par enfant supplémentaire, indépendamment des revenus et du patrimoine des membres de la famille.

27      Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la loi fédérale relative à l’«Elterngeld» et à la parentalité (Bundeselterngeld- und Elternzeitgesetz, ci-après le «BEEG»), est éligible à l’«Elterngeld» toute personne qui a son domicile ou sa résidence habituelle en Allemagne, qui vit avec son enfant sous un même toit, s’occupe de cet enfant et l’élève, et soit n’exerce pas d’activité professionnelle, soit exerce une activité professionnelle à temps partiel. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du BEEG, l’«Elterngeld» est versé à partir de la naissance de l’enfant jusqu’à ses 14 mois.

28      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du BEEG, l’«Elterngeld» correspond à 67 % du revenu tiré de l’activité professionnelle exercée avant la naissance de l’enfant. Il est versé à concurrence d’un plafond mensuel de 1 800 euros pour les mois entiers au cours desquels l’ayant droit n’a pas perçu de revenus tirés d’une activité professionnelle.

29      En application de l’article 2, paragraphe 2, première phrase, du BEEG, dans le cas où le revenu tiré de l’activité professionnelle exercée avant la naissance est inférieur à un montant de 1 000 euros, ledit pourcentage est accru de 0,1 % par tranche de 2 euros du solde correspondant à la différence entre ce montant et celui de ce revenu dans la limite de 100 %. En application de l’article 2, paragraphe 2, deuxième phrase, du BEEG, dans les cas où le revenu tiré de l’activité professionnelle exercée avant la naissance excède un montant de 1 200 euros, le pourcentage de 67 % de ce revenu est réduit de 0,1 % par tranche de 2 euros du solde correspondant à la différence entre le montant dudit revenu et celui de 1 200 euros dans la limite de 65 %. L’«Elterngeld» s’élève, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, première phrase, du BEEG, à un montant au moins égal à 300 euros par mois, et ce, selon l’article 2, paragraphe 4, deuxième phrase, du BEEG, même si l’ayant droit ne percevait aucun revenu professionnel avant la naissance de l’enfant.

30      En vertu de l’article 2 bis, paragraphe 1, première phrase, du BEEG, si l’ayant droit vit sous un même toit soit avec deux enfants qui n’ont pas encore trois ans, soit avec trois enfants ou plus, qui n’ont pas encore six ans, le montant de l’«Elterngeld» est majoré de 10 % sans que cette majoration puisse être inférieure à un montant minimal de 75 euros. En vertu de l’article 2 bis, paragraphe 4, première phrase, du BEEG, en cas de naissances multiples, le montant de l’«Elterngeld» est majoré de 300 euros pour le deuxième enfant et pour chaque enfant supplémentaire.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

31      Mme et M. Wiering résident avec leurs deux enfants à Trèves (Allemagne). Il ressort du dossier dont dispose la Cour que M. Wiering exerce une activité salariée au Luxembourg, tandis que son épouse travaille en tant que fonctionnaire en Allemagne.

32      Le 12 octobre 2007, M. Wiering a sollicité auprès de la CNPF le versement d’allocations familiales au titre de ses deux enfants.

33      Le comité directeur de la CNPF a refusé de verser à Mme et M. Wiering un complément différentiel en ce qui concerne les allocations familiales dues au titre de leurs deux enfants, correspondant à la différence entre les prestations prévues par le droit luxembourgeois et celles perçues en vertu de la législation de leur État membre de résidence, au motif que le montant de ces dernières, à savoir le «Kindergeld» et l’«Elterngeld», dépassait, pour la période allant du 1er juillet 2007 au 31 mai 2008, celui des prestations prévues par le droit luxembourgeois, à savoir les allocations familiales et l’allocation d’éducation.

34      Par jugement du 31 juillet 2009, le conseil arbitral des assurances sociales a déclaré non fondé le recours de Mme et de M. Wiering contre la décision du comité directeur de la CNPF.

35      Saisi de l’appel interjeté par Mme et M. Wiering, le conseil supérieur de la sécurité sociale a, par arrêt du 16 mars 2011, réformé ce jugement et déclaré que Mme et M. Wiering avaient droit au versement d’un complément différentiel au titre de leurs deux enfants pour la période envisagée. Le conseil supérieur de la sécurité sociale a considéré que l’«Elterngeld» est une prestation familiale qui est due au membre de la famille qui s’occupe de l’éducation des enfants, et non pas aux enfants eux-mêmes. Il a estimé que cette prestation ne peut, partant, être prise en considération pour la détermination du complément différentiel à verser à un travailleur salarié au titre des allocations familiales qui lui sont dues pour le compte de ses enfants, seules les prestations familiales dues pour le même membre de la famille, à l’exclusion de celles dues pour les autres membres de la famille, étant à prendre en considération pour la détermination de ce complément différentiel.

36      La CNPF s’est pourvue en cassation contre cet arrêt en faisant valoir quatre moyens. Les deuxième, troisième et quatrième moyens sont tirés de la violation, du refus d’application ou de la mauvaise interprétation, respectivement, des articles 10, paragraphe 1, sous b), i), et 10, paragraphe 3, du règlement no 574/72 ainsi que 76, paragraphe 1, du règlement no 1408/71.

37      La CNPF fait grief à l’arrêt du conseil supérieur de la sécurité sociale de ne pas avoir, en violation de ces dispositions, pris en considération l’«Elterngeld» pour le calcul du complément différentiel.

38      La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant au point de savoir si seules les prestations familiales de même nature ou si toutes les prestations familiales perçues par la famille d’un travailleur migrant sont à prendre en compte pour le calcul du complément différentiel. Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Pour le calcul du complément différentiel éventuellement dû, conformément aux articles 1er, sous u), i), et 4, paragraphe 1, sous h), et 76 du règlement [no 1408/71] et [à] l’article [10, paragraphe 1, sous b), i),] du règlement [no 574/72], par l’organisme compétent de l’État du lieu de travail, convient-il de prendre en compte, en tant que prestations familiales de même nature, l’ensemble des prestations perçues par la famille du travailleur migrant dans l’État de résidence, en l’occurrence l’‘Elterngeld’ et le ‘Kindergeld’ prévues par la législation allemande?»

 Sur la question préjudicielle

39      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 1er, sous u), i), 4, paragraphe 1, sous h), et 76 du règlement no 1408/71 ainsi que l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 574/72 doivent être interprétés en ce sens que, aux fins du calcul du complément différentiel éventuellement dû à un travailleur migrant dans son État membre d’emploi, doivent être prises en compte, en tant que prestations de même nature, l’ensemble des prestations familiales perçues par la famille de ce travailleur en vertu de la législation de l’État membre de résidence, en l’occurrence l’«Elterngeld» et le «Kindergeld» prévus par la législation allemande.

40      Il convient de rappeler d’emblée que, si l’article 73 du règlement no 1408/71 énonce que le travailleur soumis à la législation d’un État membre a droit, pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, aux prestations familiales prévues par la législation du premier État, comme s’ils résidaient sur le territoire de celui-ci, ladite disposition, tout en constituant une règle générale en matière de prestations familiales, n’est toutefois pas une règle absolue (voir, en ce sens, arrêt Schwemmer, C‑16/09, EU:C:2010:605, points 41 et 42).

41      En effet, il y a lieu de constater que, conformément à l’article 12 du règlement no 1408/71, ce règlement ne peut conférer ni maintenir le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d’assurance obligatoire.

42      Ainsi, dès lors qu’un cumul des droits prévus par la législation de l’État membre de résidence avec ceux découlant de la législation de l’État membre d’emploi risque de survenir, l’article 73 dudit règlement doit être confronté aux règles anticumul figurant dans celui‑ci et dans le règlement no 574/72, à savoir notamment les articles 76 du règlement no 1408/71 et 10 du règlement no 574/72 (voir, en ce sens, arrêt Schwemmer, EU:C:2010:605, points 43 et 44).

43      Il ressort du dossier dont dispose la Cour que, dans l’affaire au principal, la législation de l’État membre de résidence de Mme et de M. Wiering, à savoir la République fédérale d’Allemagne, ouvre un droit aux prestations familiales en cause au principal sous condition de domicile ou de résidence habituelle dans cet État membre, et non «au titre de l’exercice d’une activité professionnelle» comme l’exige l’article 76 du règlement no 1408/71 pour trouver à s’appliquer. S’agissant plus particulièrement de l’«Elterngeld», l’octroi de celui-ci est notamment subordonné à la condition de domicile ou de résidence habituelle en Allemagne et à celle de non-exercice d’une activité professionnelle ou de non-exercice d’une activité professionnelle à temps plein, et ce bien que le montant de cette prestation soit en règle générale calculé en fonction des revenus professionnels antérieurs.

44      Par conséquent, ledit article 76 n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause au principal (voir, en ce sens, arrêts Dodl et Oberhollenzer, C‑543/03, EU:C:2005:364, point 53, et Schwemmer, EU:C:2010:605, point 46).

45      En revanche, l’hypothèse dans laquelle le droit aux prestations familiales dans l’État membre de résidence dépend non pas de conditions d’assurance, d’emploi ou d’activité non salariée, mais d’une condition de résidence est visée à l’article 10 du règlement no 574/72.

46      Suivant la règle anticumul énoncée à l’article 10, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, les allocations versées par l’État membre d’emploi priment les allocations versées par l’État membre de résidence, qui sont, de ce fait, suspendues. Toutefois, au cas où une activité professionnelle est exercée dans ce dernier État, l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), dudit règlement prescrit la solution inverse, à savoir que le droit aux allocations versées par l’État membre de résidence l’emporte sur le droit aux allocations versées par l’État membre d’emploi, qui sont ainsi suspendues.

47      Ainsi, la Cour a jugé que l’exercice par une personne ayant la garde des enfants, et plus spécialement par le conjoint du bénéficiaire visé à l’article 73 du règlement no 1408/71, d’une activité professionnelle dans l’État membre de résidence des enfants suspend, par application de l’article 10 du règlement no 574/72, le droit aux allocations prévues par ledit article 73 jusqu’à concurrence du montant des allocations de même nature effectivement versées par l’État membre de résidence, et ce quel que soit le bénéficiaire direct des allocations familiales désigné par la législation de l’État membre de résidence (voir, en ce sens, arrêts Dodl et Oberhollenzer, EU:C:2005:364, point 59, ainsi que Weide, C‑153/03, EU:C:2005:428, point 30).

48      À cet égard, les intéressés représentés lors de l’audience s’accordent à dire que Mme Wiering n’a pas perdu son statut de fonctionnaire en Allemagne pendant la période au cours de laquelle elle a bénéficié de l’«Elterngeld», ce qu’il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier. Si tel était effectivement le cas, dans la mesure où il pourrait ainsi être considéré qu’une activité professionnelle était exercée par Mme Wiering en Allemagne pendant la période considérée, la règle anticumul applicable au litige au principal serait l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 574/72.

49      Sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, il en résulterait que la République fédérale d’Allemagne était l’État membre prioritairement compétent pour le versement de prestations familiales à Mme et à M. Wiering pour la période en cause au principal, de sorte que ces derniers n’avaient droit, à charge de l’institution compétente de l’État membre d’emploi de M. Wiering, à savoir la CNPF, qu’au versement éventuel d’un complément différentiel, égal à la différence entre le montant des prestations prévues par le droit luxembourgeois et le montant de celles perçues en Allemagne (voir, en ce sens, arrêt McMenamin, C‑119/91, EU:C:1992:503, point 26).

50      Par ailleurs, il y a lieu de constater que la qualification de prestations familiales des différentes prestations en cause au principal n’a pas été remise en cause.

51      Il convient dès lors de déterminer si, comme le soutient la CNPF, dans le cadre du calcul d’un complément différentiel demandé dans une situation telle que celle au principal, l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 574/72 implique de prendre en considération l’ensemble des prestations familiales perçues dans l’État membre de résidence de la famille d’un travailleur migrant.

52      Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 52 de ses conclusions, étant donné que l’article 12 du règlement no 1408/71 figure dans le titre I de ce règlement, relatif aux dispositions générales, les principes établis par cette disposition s’appliquent aux règles de priorité en cas de cumul de droits à prestations ou à allocations familiales énoncées tant à l’article 76 dudit règlement qu’à l’article 10 du règlement no 574/72.

53      Il convient de constater que, en vertu de l’article 12 du règlement no 1408/71, seul le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période constitue un cumul injustifié.

54      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que des prestations de sécurité sociale doivent être regardées, indépendamment des caractéristiques propres aux différentes législations nationales, comme étant de même nature lorsque leur objet et leur finalité ainsi que leur base de calcul et leurs conditions d’octroi sont identiques. En revanche, ne doivent pas être considérées comme des éléments pertinents pour la classification des prestations des caractéristiques purement formelles (voir, notamment, arrêts Valentini, 171/82, EU:C:1983:189, point 13, et Knoch, C‑102/91, EU:C:1992:303, point 40).

55      La Cour a toutefois précisé que, compte tenu des nombreuses différences qui existent entre les régimes nationaux de sécurité sociale, l’exigence d’une similitude complète dans les bases de calcul et les conditions d’octroi aurait pour conséquence que l’application de l’interdiction du cumul contenue à l’article 12 du règlement no 1408/71 serait considérablement réduite. Un tel effet irait à l’encontre de l’objectif de cette interdiction, à savoir éviter les cumuls non justifiés de prestations sociales (voir arrêt Knoch, EU:C:1992:303, point 42).

56      La Cour a également jugé qu’il résulte des termes de ladite disposition qu’il y a cumul non seulement lorsqu’une personne a droit simultanément à deux prestations familiales différentes, mais également lorsque des droits à de telles prestations existent dans le chef de deux personnes différentes, en l’occurrence deux parents, au bénéfice d’un même enfant. En effet, l’esprit des dispositions du règlement no 1408/71 régissant le cumul de prestations familiales et les solutions qui y sont prévues en cas de cumul démontrent que la finalité de la disposition en question est d’empêcher que tant le bénéficiaire direct d’une prestation familiale, c’est-à-dire le travailleur, que les bénéficiaires indirects de celle-ci, à savoir les membres de la famille du travailleur, puissent bénéficier simultanément de deux prestations de même nature (voir, en ce sens, arrêt Dammer, C‑168/88, EU:C:1989:652, points 10 et 12).

57      Il convient d’ajouter que le règlement no 1408/71 vise, d’une part, les «prestations familiales», définies à l’article 1er, sous u), i), dudit règlement, et, d’autre part, les «allocations familiales», qui constituent une catégorie de «prestations familiales» et qui sont définies à l’article 1er, sous u), ii), du même règlement.

58      Il résulte des considérations qui précèdent que les différentes prestations familiales dont peut bénéficier un travailleur migrant au titre de la législation de l’État membre d’emploi et celles qui sont perçues par ce travailleur ou par les membres de sa famille au titre de la législation de l’État membre de résidence ne constituent pas forcément des prestations «de même nature», au sens de l’article 12 du règlement no 1408/71.

59      En effet, si ces prestations familiales sont destinées, conformément à l’article 1er, sous u), i), de ce règlement, à compenser les charges de famille, elles n’ont toutefois pas nécessairement toutes le même objet spécifique, ni les mêmes caractéristiques ou bénéficiaires.

60      En outre, seules certaines d’entre elles constituent des allocations familiales, au sens de l’article 1er, sous u), ii), dudit règlement.

61      Ainsi, pour l’application de la règle anticumul prévue à l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 574/72, il convient, dans le cadre du calcul du complément différentiel éventuellement dû à un travailleur migrant dans son État membre d’emploi, de distinguer, parmi les différentes prestations familiales auxquelles a droit ce travailleur en vertu de la législation de cet État et celles qui sont perçues par ledit travailleur ou les membres de sa famille en vertu de la législation de l’État membre de résidence, celles qui sont «de même nature», au sens de l’article 12 du règlement no 1408/71, en considération de leur objet, de leurs finalités, de leur base de calcul et de leurs conditions d’octroi ainsi que de leurs bénéficiaires.

62      Il appartient en dernier ressort à la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour apprécier les faits du litige au principal et pour interpréter la législation nationale, de vérifier, au regard de ces éléments, si l’«Elterngeld» peut être considéré comme étant de même nature que les allocations familiales luxembourgeoises et s’il pouvait dès lors être pris en compte pour le calcul du complément différentiel éventuellement dû à Mme et M. Wiering (voir, en ce sens, arrêt Ottica New Line di Accardi Vincenzo, C‑539/11, EU:C:2013:591, point 48 et jurisprudence citée).

63      Toutefois, la Cour, appelée à fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile, est compétente pour lui donner des indications tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, de nature à permettre à cette juridiction de statuer (voir arrêt Ottica New Line di Accardi Vincenzo, EU:C:2013:591, point 49 et jurisprudence citée).

64      S’il n’est pas contesté dans l’affaire au principal que les allocations familiales luxembourgeoises sont de même nature que le «Kindergeld», Mme et M. Wiering font cependant valoir, en substance, que lesdites allocations familiales ne sont pas des prestations de même nature que l’«Elterngeld». L’«Elterngeld» n’aurait dès lors pas dû être pris en considération dans le cadre du calcul du complément différentiel demandé par M. Wiering à la CNPF.

65      À cet égard, il ressort du dossier dont dispose la Cour que des prestations telles que le «Kindergeld» et les allocations familiales luxembourgeoises visent à permettre aux parents de couvrir les frais liés aux besoins de l’enfant et sont accordées sans tenir compte des revenus ou du patrimoine des membres de la famille ni d’une éventuelle activité professionnelle des parents. Il apparaît que ces prestations ont ainsi pour bénéficiaire ultime non pas les parents, mais l’enfant lui-même. En outre, il semble que lesdites prestations constituent des prestations périodiques en espèces accordées exclusivement en fonction du nombre d’enfants et de l’âge de ceux-ci, de sorte qu’elles peuvent être qualifiées d’«allocations familiales», au sens de l’article 1er, sous u), ii), du règlement no 1408/71.

66      S’agissant de l’«Elterngeld», ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 66 de ses conclusions, il ressort du dossier dont dispose la Cour qu’une telle prestation se distingue de prestations telles que le «Kindergeld» et les allocations familiales luxembourgeoises à plusieurs égards en ce qui concerne, d’une part, ses objectifs et ses caractéristiques et, d’autre part, ses bénéficiaires.

67      En effet, selon les informations fournies par le gouvernement allemand, l’«Elterngeld» a pour vocation d’aider les familles à maintenir leurs conditions d’existence lorsque les parents se consacrent en priorité à leurs enfants. L’«Elterngeld» a essentiellement pour objet de contribuer au maintien de ces conditions d’existence en cas de cessation temporaire, totale ou partielle, de l’activité professionnelle des parents pour les besoins de l’éducation de leurs enfants en bas âge.

68      Ainsi, le parent en charge d’un enfant, qui n’exerce pas d’activité professionnelle ou qui interrompt ou réduit cette activité, bénéficie, en fonction, le cas échéant, de ses revenus antérieurs à cette interruption ou à cette réduction, pendant la première année de l’enfant, d’une compensation de sa perte de revenus destinée à maintenir les conditions d’existence de sa famille. Il importe de relever que le montant de l’«Elterngeld» s’élève, en règle générale, à 67 % du salaire antérieur sans pouvoir excéder 1 800 euros par mois.

69      Il apparaît, dès lors, que l’objectif d’une prestation telle que l’«Elterngeld» est de permettre, dans de telles circonstances, à un parent de bénéficier d’une contribution au maintien des conditions d’existence de sa famille, dont le montant est lié, en règle générale, aux revenus que son activité professionnelle antérieure procurait.

70      Ainsi, contrairement au «Kindergeld» et aux allocations familiales luxembourgeoises, l’«Elterngeld» n’est pas accordé exclusivement en fonction du nombre d’enfants et de leur âge. Si certaines de ses conditions d’octroi sont liées à l’existence d’un enfant et à l’âge de ce dernier, il est calculé, en principe, en fonction du salaire perçu antérieurement à l’interruption d’une activité professionnelle par le parent qui assure la garde de l’enfant. Son montant est seulement majoré si la famille est nombreuse ou en cas de naissances multiples.

71      Dès lors, si une prestation telle que l’«Elterngeld» constitue une «prestation familiale», au sens de l’article 1er, sous u), i), du règlement no 1408/71 (voir, par analogie, arrêt Kuusijärvi, C‑275/96, EU:C:1998:279, point 60), elle ne saurait, toutefois, être qualifiée d’«allocations familiales», au sens de l’article 1er, sous u), ii), de ce règlement.

72      Par ailleurs, il convient de relever que, dans l’affaire au principal, la CNPF a également inclus dans le calcul du complément différentiel l’allocation d’éducation. Or, ainsi que M. l’avocat général l’a indiqué aux points 34 et 74 de ses conclusions et sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, Mme Wiering n’a pas demandé à bénéficier de cette prestation et il n’est pas certain, eu égard à l’article 304 du code de la sécurité sociale luxembourgeois, qu’elle y aurait eu droit.

73      Il importe de préciser, à cet égard, que, à supposer même que ladite prestation puisse être considérée comme de même nature que les allocations familiales luxembourgeoises, il ressort en tout état de cause de la jurisprudence que, pour qu’il puisse être considéré qu’un cumul de droits à des prestations familiales se présente dans un cas donné, il ne suffit pas, par exemple, que de telles prestations soient dues dans l’État membre de résidence de l’enfant concerné et soient, en parallèle, seulement susceptibles de l’être dans un autre État membre, où travaille l’un des parents de cet enfant (voir arrêt Schwemmer, EU:C:2010:605, point 52).

74      La Cour a ainsi considéré, dans le contexte de l’article 10 du règlement no 574/72, que, pour pouvoir considérer des prestations familiales comme dues en vertu de la législation d’un État membre, la loi de cet État doit reconnaître le droit au versement de prestations en faveur du membre de la famille qui travaille dans cet État. Il est donc nécessaire que la personne intéressée remplisse toutes les conditions, tant de forme que de fond, imposées par la législation interne de cet État pour pouvoir exercer ce droit, parmi lesquelles peut figurer, le cas échéant, la condition qu’une demande préalable ait été introduite en vue du versement de telles prestations (voir arrêt Schwemmer, EU:C:2010:605, point 53).

75      Par conséquent, à supposer même que l’allocation d’éducation puisse être considérée comme de même nature que les allocations familiales luxembourgeoises, au cas où les conditions imposées par le droit luxembourgeois pour pouvoir bénéficier de l’allocation d’éducation n’étaient pas remplies dans l’affaire au principal, ladite allocation ne pouvait être prise en compte pour le calcul du complément différentiel éventuellement dû à Mme et M. Wiering.

76      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que les articles 1er, sous u), i), et 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1408/71 ainsi que l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 574/72 doivent être interprétés en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, aux fins du calcul du complément différentiel éventuellement dû à un travailleur migrant dans son État membre d’emploi, ne doivent pas être prises en compte l’ensemble des prestations familiales perçues par la famille de ce travailleur en vertu de la législation de l’État membre de résidence dès lors que, sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, l’«Elterngeld» prévu par la législation allemande n’est pas de même nature, au sens de l’article 12 du règlement no 1408/71, que le «Kindergeld» prévu par cette législation et les allocations familiales prévues par la législation luxembourgeoise.

 Sur les dépens

77      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

Les articles 1er, sous u), i), et 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, ainsi que l’article 10, paragraphe 1, sous b), i), du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, doivent être interprétés en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, aux fins du calcul du complément différentiel éventuellement dû à un travailleur migrant dans son État membre d’emploi, ne doivent pas être prises en compte l’ensemble des prestations familiales perçues par la famille de ce travailleur en vertu de la législation de l’État membre de résidence dès lors que, sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, l’«Elterngeld» prévu par la législation allemande n’est pas de même nature, au sens de l’article 12 du règlement no 1408/71, que le «Kindergeld» prévu par cette législation et les allocations familiales prévues par la législation luxembourgeoise.

Signatures


* Langue de procédure: le français.