Language of document : ECLI:EU:T:2013:401

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 septembre 2013(*

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Base juridique – Violation du droit international – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur manifeste d’appréciation – Droit de propriété – Proportionnalité – Égalité de traitement – Non-discrimination »

Dans l’affaire T‑12/11,

Iran Insurance Company, établie à Téhéran (Iran), représentée par Me D. Luff, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et G. Marhic, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. F. Erlbacher et M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation, premièrement, de l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), telle que modifiée par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010 (JO L 281, p. 81), et de l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), pour autant que celles-ci concernent la requérante, deuxièmement, de la décision à l’égard de la requérante « contenue dans » une lettre du 28 octobre 2010, troisièmement, de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), et du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11), dans la mesure où ceux-ci sont susceptibles d’affecter la situation de la requérante, quatrièmement, de la décision à l’égard de la requérante « contenue dans » une lettre du 5 décembre 2011, cinquièmement, de l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), pour autant que celle-ci concerne la requérante, et, sixièmement, de tout règlement futur ou de toute décision future du Conseil ou de la Commission qui compléterait ou qui modifierait l’un des actes attaqués dans le cadre du présent recours et, d’autre part, une demande de déclaration d’inapplicabilité, à l’égard de la requérante, de l’article 12 et de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, et de l’article 26 du règlement n° 961/2010, de l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22), de l’article 23, paragraphe 2, et de l’article 35 du règlement n° 267/2012, de l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58), de l’article 1er, point 11, du règlement (UE) n° 1263/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34), ainsi que de l’article 1er, point 2, de la décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 356, p. 71),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 février 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin à ses activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci-après la « prolifération nucléaire »).

 Mesures restrictives visant la requérante

2        La requérante, l’Iran Insurance Company, également connue sous la dénomination Bimeh Iran, est une société d’assurance iranienne.

3        Le 9 juin 2010, le Conseil de sécurité des Nations Unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution S/RES/1929 (2010) (ci-après la « résolution 1929 »), destinée à élargir la portée des mesures restrictives instituées par les précédentes résolutions S/RES/1737 (2006), du 27 décembre 2006 (ci-après la « résolution 1737 »), S/RES/1747 (2007), du 24 mars 2007, et S/RES/1803 (2008), du 3 mars 2008, et à instaurer des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de l’Iran.

4        Le 17 juin 2010, le Conseil européen a adopté une déclaration sur l’Iran dans laquelle il a souligné qu’il était de plus en plus préoccupé par le programme nucléaire iranien et s’est félicité de l’adoption de la résolution 1929. Rappelant sa déclaration du 11 décembre 2009, le Conseil européen a notamment invité le Conseil de l’Union européenne à adopter des mesures restrictives mettant en œuvre celles prévues dans la résolution 1929. Conformément à la déclaration du Conseil européen, les mesures restrictives devaient notamment être appliquées à l’égard de personnes et d’entités autres que celles désignées par le Conseil de sécurité ou par le comité créé en vertu du paragraphe 18 de la résolution 1737, mais en utilisant les mêmes critères que ceux appliqués par ces derniers.

5        Par la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), la requérante a été inscrite sur la liste figurant à l’annexe II de ladite décision.

6        Par voie de conséquence, elle a été inscrite sur la liste figurant à l’annexe V du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1). Cette dernière inscription a pris effet le 27 juillet 2010. Elle a eu pour effet le gel des fonds et des ressources économiques (ci-après le « gel des fonds ») de la requérante.

7        L’inscription de la requérante sur les listes précitées était fondée sur les motifs suivants :

« [La requérante] a assuré l’achat de divers produits susceptibles d’être utilisés dans des programmes faisant l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 du [Conseil de sécurité]. Parmi les produits achetés assurés figur[aient] des pièces de rechange pour hélicoptères, du matériel électronique et des ordinateurs destinés à des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles. »

8        Par lettre du 29 juillet 2010, le Conseil a informé la requérante de son inscription sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe V du règlement n° 423/2007. Une copie de ces derniers actes était jointe en annexe à la lettre.

9        Par lettre du 9 septembre 2010, la requérante a demandé au Conseil de revoir son inscription, à la lumière d’informations qu’elle lui communiquait. Elle a également demandé la transmission des éléments justifiant cette inscription. Enfin, elle a demandé à être entendue.

10      Après révision de la situation de la requérante, le Conseil a maintenu l’inscription de cette dernière sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010 (JO L 281, p. 81), avec effet le jour même.

11      Lors de l’adoption du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), la requérante a été inscrite sur la liste figurant à l’annexe VIII dudit règlement, avec effet au 27 octobre 2010.

12      Par lettre du 28 octobre 2010, reçue par la requérante le 23 novembre 2010 (ci-après la « lettre du 28 octobre 2010 »), le Conseil a informé cette dernière que, après révision de sa situation à la lumière des observations contenues dans la lettre du 9 septembre 2010, elle devait rester soumise à des mesures restrictives.

13      Par lettre du 28 décembre 2010, la requérante a réfuté les faits retenus contre elle par le Conseil. Aux fins de l’exercice de ses droits de la défense, elle a demandé à avoir accès au dossier.

14      Par lettre du 22 février 2011, le Conseil a fourni à la requérante les extraits la concernant issus des propositions d’inscription transmises par les États membres, tels qu’ils figuraient dans les notes de transmission du Conseil désignées sous les références 13413/10 EXT 6 et 6726/11.

15      Par lettre du 29 juillet 2011, la requérante a, de nouveau, contesté la réalité des faits qui lui étaient imputés par le Conseil.

16      Après réexamen de la situation de la requérante, le Conseil a maintenu l’inscription de cette dernière sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, avec effet, respectivement, au 1er décembre 2011, jour de l’adoption de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), et au 2 décembre 2011, jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11).

17      Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante qu’elle devait rester soumise à des mesures restrictives.

18      Par lettre du 13 janvier 2012, la requérante a de nouveau demandé à avoir accès au dossier.

19      La décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22), est entrée en vigueur le jour de son adoption. Son article 1er, point 7, a modifié, à compter de cette dernière date, l’article 20 de la décision 2010/413.

20      Par lettre du 21 février 2012, le Conseil a transmis à la requérante des documents se rapportant à la « décision […] du 1er décembre 2011 de maintenir en vigueur les mesures restrictives à [son] encontre ».

21      Lors de l’adoption du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), la requérante a été inscrite, pour les mêmes motifs que ceux déjà mentionnés au point 7 ci-dessus, sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 (ci-après, prise avec les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, les « listes litigieuses »), avec effet au 24 mars 2012.

22      La décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58), est entrée en vigueur le 16 octobre 2012. Son article 1er, point 8, a modifié, à compter de cette dernière date, l’article 20 de la décision 2010/413.

23      Le règlement (UE) n° 1263/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34), est entré en vigueur le 23 décembre 2012. Son article 1er, point 11, a modifié, à compter de cette dernière date, le paragraphe 2, sous c) et d), et le paragraphe 4 de l’article 23 du règlement n° 267/2012.

24      La décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 356, p. 71), est entrée en vigueur le 22 décembre 2012. Son article 1er, point 2, a modifié, à compter de cette dernière date, l’article 20 de la décision 2010/413.

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2011, la requérante a introduit le présent recours.

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 avril 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 9 juin 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

27      Le 30 mars 2011, le Conseil a déposé un mémoire en défense. En annexe à ce mémoire, il a produit le dossier qui l’avait conduit à inscrire ou à maintenir inscrite la requérante sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010.

28      Le 24 juin 2011, la requérante a déposé une réplique.

29      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 juillet 2011, la Commission a indiqué être d’accord avec le mémoire en défense du Conseil, le soutenir pleinement et, dans un souci d’économie de la procédure, renoncer à déposer un mémoire en intervention.

30      Le 23 septembre 2011, le Conseil a déposé une duplique.

31      Par mémoires déposés au greffe du Tribunal respectivement les 16 février et 4 juin 2012, la requérante a adapté ses conclusions et complété son argumentation pour tenir compte, d’abord, de l’adoption de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011, puis de l’adoption du règlement n° 267/2012.

32      Par décisions des 5 mars et 12 juin 2012, le Tribunal a décidé de verser ces mémoires au dossier de la présente procédure et de recueillir les observations des parties. Par actes déposés au greffe du Tribunal les 17 avril et 4 juillet 2012, le Conseil a fait valoir ses observations. Par actes déposés au greffe du Tribunal les 3 avril et 18 juin 2012, la Commission a indiqué qu’elle renonçait à faire valoir des observations.

33      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité la requérante et le Conseil à répondre par écrit à certaines questions. Ceux-ci ont déféré à cette demande dans le délai imparti. Dans ce cadre, le Conseil a indiqué que, afin de répondre à la question du Tribunal, il avait été amené à demander aux États membres ayant proposé l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses de lui communiquer, si possible, des précisions concernant les biens pour l’achat desquels la requérante aurait fourni des services d’assurance.

34      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2013, le Conseil a communiqué les précisions supplémentaires qui lui avaient été transmises par un État membre concernant les biens en question. Par décision du président de la quatrième chambre du Tribunal du même jour, cette lettre a été versée au dossier et communiquée aux autres parties à la procédure.

35      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 février 2013. Lors de sa plaidoirie, la requérante a demandé au Tribunal de ne pas tenir compte de la nouvelle motivation des actes attaqués fournie par le Conseil dans sa réponse aux questions du Tribunal et dans la lettre du 19 février 2013. Elle a, en outre, adapté ses conclusions pour tenir compte des décisions et des règlements adoptés par le Conseil en janvier, mars, octobre et décembre 2012.

36      Dans la requête, dans les mémoires portant adaptation de ses conclusions et oralement à l’audience, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, premièrement, l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, pour autant que celles-ci la concernent, deuxièmement, la décision à son égard « contenue dans » la lettre du 28 octobre 2010, troisièmement, la décision 2011/783 et le règlement d’exécution n° 1245/2011, dans la mesure où ils sont susceptibles d’affecter sa situation, quatrièmement, la décision à son égard « contenue dans » la lettre du 5 décembre 2011, cinquièmement, l’annexe IX du règlement n° 267/2012, pour autant que celle-ci la concerne, et, sixièmement, tout règlement futur ou toute décision future du Conseil ou de la Commission qui compléterait ou qui modifierait l’un des actes attaqués dans le cadre du présent recours ;

–        déclarer inapplicables, à son égard, l’article 12 et l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 16, paragraphe 2, et l’article 26 du règlement n° 961/2010, l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, l’article 23, paragraphe 2, et l’article 35 du règlement n° 267/2012, l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635, l’article 1er, point 11, du règlement n° 1263/2012, ainsi que l’article 1er, point 2, de la décision 2012/829 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

37      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter comme étant irrecevables, premièrement, les conclusions en annulation de la décision « contenue dans » la lettre du 28 octobre 2010, deuxièmement, les conclusions visant à ce que soient déclarés inapplicables à la requérante l’article 12 de la décision 2010/413 et l’article 26 du règlement n° 961/2010 et, troisièmement, les conclusions en annulation de tout règlement futur ou de toute décision future du Conseil ou de la Commission qui compléterait ou qui modifierait l’un des actes attaqués dans le cadre du présent recours ;

–        pour le surplus, rejeter le recours, tel que modifié à la suite de l’adaptation de ses conclusions par la requérante, comme étant dénué de fondement, en ce compris les arguments tirés de l’arrêt du Tribunal du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil (T‑439/10 et T‑440/10, non encore publié au Recueil), et, à titre subsidiaire, au vu de ces derniers arguments, suspendre la procédure dans l’attente du résultat du pourvoi introduit contre l’arrêt Fulmen et Mahmoudian/Conseil (affaire C‑280/12 P) ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’interprétation des conclusions de la requérante

 Sur l’interprétation des conclusions de la requérante visant à ce que certaines dispositions lui soient déclarées inapplicables

38      Bien que, dans la requête introductive d’instance, la requérante n’ait pas précisé le fondement des conclusions visant à ce que certaines dispositions lui soient déclarées inapplicables, celui-ci ne peut reposer, en raison des termes dans lesquels lesdites demandes ont été formulées, que sur l’article 277 TFUE, en vertu duquel « toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution […] de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, pour invoquer devant [le juge de l’Union] l’inapplicabilité de cet acte ». Il ressort des écritures du Conseil, soutenu par la Commission, que celui-ci a compris ainsi les conclusions de la requérante. Il y a donc lieu de considérer que, par les présentes conclusions, la requérante entend se prévaloir d’exceptions d’illégalité à l’encontre de l’article 12 et de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, et de l’article 26 du règlement n° 961/2010, de l’article 1er, point 7, de la décision 2012/35, de l’article 23, paragraphe 2, et de l’article 35 du règlement n° 267/2012, de l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635, de l’article 1er, point 11, du règlement n° 1263/2012, ainsi que de l’article 1er, point 2, de la décision 2012/829, qui viennent à l’appui des conclusions en annulation.

39      Ces exceptions d’illégalité se confondent avec le septième moyen d’annulation, fondé, en substance et compte tenu de l’adaptation des conclusions intervenue lors de l’audience (voir point 35 ci-dessus), sur une violation du principe de proportionnalité et sur l’illégalité des dispositions citées au point 38 ci-dessus, en ce qu’elles-mêmes violent le principe de proportionnalité.

40      Dans la mesure où cela serait nécessaire à la solution du litige, il y aurait lieu d’examiner lesdites exceptions d’illégalité, non pas de manière autonome, mais avec le septième moyen d’annulation. Il en va de même de la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, soutenu par la Commission, à l’encontre desdites exceptions, au motif qu’elles ne sont pas dirigées contre les dispositions de portée générale qui ont servi de fondement aux actes visés par les conclusions en annulation, à savoir, en substance, les actes portant inscription ou maintien, après réexamen, de l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses.

 Sur l’interprétation des conclusions en annulation des décisions à l’égard de la requérante « contenues dans » les lettres du 28 octobre 2010 et du 5 décembre 2011

41      Au point 21 de la requête, la requérante a indiqué que « [l]e Conseil [lui] a notifié […] sa décision de maintenir son inscription sur les listes, par une lettre [du 28 octobre 2010] qu[‘elle] a reçue le 23 novembre 2010 (annexe 5) » et que « [d]ans ladite lettre, le Conseil renvo[yait] à sa nouvelle décision [2010/644] et à son nouveau règlement [n° 961/2010] ». En outre, au point 8 de la réplique, la requérante a indiqué que, « [l]e 25 octobre 2010, le Conseil a adopté la décision 2010/644[…] et le règlement n° 961/2010, qui sont les actes attaqués en l’espèce (annexes A-1 et A-2 de la requête) » et que « [l]e Conseil [lui] a notifié les actes attaqués […] par une courte lettre type datée du 28 octobre, […] qui indiquait, outre des phrases habituelles, qu’après avoir examiné [s]es observations […], ‘il n’y a[vait] pas d’éléments nouveaux [au dossier] qui justifieraient une modification de sa position’ ». Enfin, au point 6 du premier mémoire portant adaptation de ses conclusions (voir point 31 ci-dessus), la requérante a fait valoir que, « [l]e 5 décembre 2011, le Conseil a notifié à [son] avocat […], par lettre type, qu’[elle] devrait continuer à faire l’objet du gel de ses avoirs » et que « [l]es actes attaqués du 1er décembre 2011 figuraient en annexe de cette lettre ».

42      Dans ce contexte, les présentes conclusions doivent être interprétées en ce sens qu’elles visent non les lettres du 28 octobre 2010 et du 5 décembre 2011, en tant que telles, dans la mesure où elles ne sont que les actes par lesquels le Conseil a communiqué à la requérante les actes portant inscription ou maintien, après réexamen, de son inscription sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, ainsi que les motifs de ces actes, en conformité avec l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et avec l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010, mais comme visant ces derniers actes, tels que communiqués à la requérante par les lettres du 28 octobre 2010 et du 5 décembre 2011 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, Rec. p. I‑5829, points 1 et 30).

43      Interprétées de la sorte, les présentes conclusions de la requérante n’ont pas de portée autonome par rapport aux conclusions tendant, en substance, à l’annulation des actes portant inscription et maintien, après réexamen, de l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses, dont ni le Conseil ni la Commission ne contestent, en l’espèce, la recevabilité.

44      Par conséquent, il n’y a lieu de statuer ni sur les présentes conclusions ni sur la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, soutenu par la Commission, à l’encontre des seules conclusions en annulation de la décision à l’égard de la requérante « contenue dans » la lettre du Conseil du 28 octobre 2010, au motif que cette lettre n’est qu’un acte purement informatif qui ne fait pas, en tant que tel, grief à la requérante d’une manière autonome par rapport aux actes portant inscription ou maintien, après réexamen, de l’inscription de cette dernière sur les listes litigieuses.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation de tout règlement futur ou de toute décision future du Conseil ou de la Commission qui compléterait ou qui modifierait l’un des actes attaqués dans le cadre du présent recours

45      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut au rejet, comme étant irrecevables, des conclusions en annulation de tout règlement futur ou de toute décision future du Conseil ou de la Commission qui compléterait ou qui modifierait l’un des actes attaqués dans le cadre du présent recours.

46      Comme l’observe à bon droit le Conseil, soutenu par la Commission, le Tribunal n’est pas autorisé à procéder à un contrôle spéculatif de la légalité d’actes hypothétiques non encore adoptés (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 32, et la jurisprudence citée). Or, les conclusions sous examen visent à l’annulation d’actes hypothétiques, non encore adoptés à la date de clôture de la procédure orale.

47      Il y a donc lieu d’accueillir la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, soutenu par la Commission, et de rejeter, comme étant irrecevables, les conclusions en annulation de tout règlement futur ou de toute décision future du Conseil ou de la Commission qui compléterait ou qui modifierait l’un des actes attaqués dans le cadre du présent recours.

48      Il résulte de ce qui précède que seules doivent être examinées, sur le fond, les conclusions en annulation de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, de la décision 2011/783, du règlement d’exécution n° 1245/2011 et de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, pour autant qu’ils concernent la requérante, à savoir en ce qu’ils portent inscription ou maintien, après réexamen, de l’inscription de cette dernière sur les listes litigieuses (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

 Sur le fond

49      La requérante invoque formellement neuf moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Le premier moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 ainsi que de l’article 16, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 961/2010. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, ainsi que d’un défaut de motivation. Le troisième moyen se fonde sur une violation de l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413 et de l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de bonne administration. Le cinquième moyen est pris d’une violation du principe de confiance légitime. Le sixième moyen est tiré d’une violation du droit de propriété. Le septième moyen se fonde, en substance, sur l’illégalité de l’article 12 et de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et de l’article 16, paragraphe 2, et de l’article 26 du règlement n° 961/2010, en ce qu’ils violent le principe de proportionnalité. Le huitième moyen est tiré de l’illégalité du règlement n° 961/2010, en ce qu’il viole l’article 40 TUE et l’article 215, paragraphes 2 et 3, TFUE. Le neuvième moyen est pris d’une violation des principes d’égalité et de non-discrimination.

50      Dans les mémoires portant adaptation des conclusions, la requérante invoque six moyens supplémentaires. Ces six moyens supplémentaires, hormis le quatrième, viennent à l’appui des conclusions tendant à l’annulation de la décision à l’égard de la requérante « contenue dans » la lettre du 5 décembre 2011 et à l’annulation partielle de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011. Le premier moyen supplémentaire est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’un détournement de pouvoir. Le deuxième moyen supplémentaire est pris d’une violation de l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et de l’article 36, paragraphe 6, du règlement n° 961/2010. Le troisième moyen supplémentaire est fondé sur une violation de l’obligation de motivation. Le cinquième moyen supplémentaire est pris d’une violation des droits de la défense. Le sixième moyen supplémentaire est fondé sur une violation du droit à une protection juridictionnelle effective. Le quatrième moyen supplémentaire vient à l’appui des conclusions tendant à l’annulation partielle de l’annexe IX du règlement n° 267/2012 et de tout règlement futur ou de toute décision future du Conseil ou de la Commission qui compléterait ou qui modifierait l’un des actes attaqués dans le cadre du présent recours. Il est tiré d’une erreur d’appréciation des faits, d’une violation du règlement n° 961/2010, tel que remplacé par le règlement n° 267/2012, et d’une absence de preuve du comportement allégué.

51      En réponse aux questions écrites du Tribunal, la requérante a confirmé que l’adaptation des conclusions tendant à l’annulation de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, pour autant que celle-ci la concerne, impliquait l’adaptation du premier moyen du recours aux fins de soulever une violation de l’article 23, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 267/2012 et l’adaptation du troisième moyen du recours aux fins de soulever une violation de l’article 46, paragraphe 3, de ce même règlement.

52      Pour des raisons de bonne administration de la justice, d’économie de la procédure et d’opportunité, il convient d’examiner, en premier lieu, les deuxième et troisième moyens et, en second lieu, le premier moyen, tels qu’ils ont été formulés initialement puis complétés par les conclusions portant adaptation des conclusions de la requérante.

 Sur le deuxième moyen, pris d’une violation du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, ainsi que d’un défaut de motivation, et sur le troisième moyen, fondé sur une violation de l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, de l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010 et de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012

53      Par ces moyens, la requérante soutient, en substance, que les actes attaqués ont été adoptés sans que les formes qui visent à garantir le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective aient été respectées, à savoir, en particulier, l’obligation générale de motivation, les obligations spécifiques de communiquer les motifs et de revoir les mesures restrictives à la lumière des observations des personnes concernées, telles que prévues à l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, à l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, le droit d’accéder au dossier et le droit d’être entendu.

54      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste que la requérante soit titulaire et puisse invoquer à son profit des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux. Il soutient, plus spécifiquement, que la requérante ne peut se prévaloir du principe du respect des droits de la défense. En tout état de cause, il estime, en l’espèce, avoir pleinement respecté les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux invoquées par la requérante.

–       Sur l’aptitude de la requérante à se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux qu’elle invoque dans le cadre des deuxième et troisième moyens

55      La question de savoir si la requérante est titulaire des droits qu’elle invoque dans le cadre des deuxième et troisième moyens d’annulation ne concerne pas la recevabilité de ces moyens, mais leur bien-fondé.

56      En l’espèce, le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir que, au regard du droit de l’Union, des personnes morales qui constituent des émanations des États tiers ne peuvent pas invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux. Dans la mesure où la requérante serait une émanation de l’État iranien, cette règle lui serait applicable.

57      À cet égard, il convient d’observer que ni la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389) ni les traités ne comportent de dispositions excluant les personnes morales qui sont des émanations des États du bénéfice de la protection des droits fondamentaux. Au contraire, les dispositions de ladite charte qui revêtent un caractère pertinent au regard des moyens soulevés par la requérante, à savoir notamment ses articles 17, 41 et 47, garantissent les droits de « [t]oute personne », ce qui inclut les personnes morales telles que la requérante.

58      Le Conseil, soutenu par la Commission, invoque néanmoins, dans ce contexte, l’article 34 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), qui n’admet pas la recevabilité des requêtes présentées devant la Cour européenne des droits de l’homme par des organisations gouvernementales.

59      Or, d’une part, l’article 34 de la CEDH est une disposition procédurale qui n’est pas applicable aux procédures devant le juge de l’Union. D’autre part, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le but de cette disposition est d’éviter qu’un État partie à la CEDH soit à la fois requérant et défendeur devant ladite Cour (voir, en ce sens, Cour. eur. D.H., arrêt Compagnie de navigation de la République islamique d’Iran c. Turquie du 13 décembre 2007, Recueil des arrêts et décisions, 2007-V, § 81). Cette considération n’est pas applicable au cas d’espèce.

60      Le Conseil et la Commission font également valoir que la règle qu’ils invoquent est justifiée par le fait qu’un État est garant du respect des droits fondamentaux sur son territoire, mais ne peut pas bénéficier de tels droits.

61      Toutefois, à supposer même que cette justification trouve à s’appliquer dans une situation interne à un État, la circonstance selon laquelle un État est le garant du respect des droits fondamentaux sur son propre territoire est sans pertinence s’agissant de l’étendue des droits dont peuvent bénéficier des personnes morales qui sont des émanations de ce même État, sur le territoire d’autres États.

62      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le droit de l’Union ne contient pas de règle s’opposant à ce que des personnes morales qui sont des émanations d’États tiers invoquent à leur profit les protections et garanties liées aux droits fondamentaux. Ces mêmes droits peuvent donc être invoqués par lesdites personnes devant le juge de l’Union pour autant qu’ils soient compatibles avec leur qualité de personne morale.

63      Il s’ensuit que les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux peuvent être invoquées par la requérante.

64      Plus spécifiquement, le Conseil, soutenu par la Commission, conteste l’applicabilité du principe du respect des droits de la défense au cas d’espèce, en se référant à l’arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Tay Za/Conseil (T‑181/08, Rec. p. II‑1965, points 121 à 123), au motif que la procédure d’adoption des mesures restrictives aurait été ouverte à l’encontre de l’Iran et que la requérante ne pourrait, dès lors, pas se prévaloir de droits de la défense dans le cadre de ladite procédure ou, en tout cas, ne pourrait s’en prévaloir que dans une mesure restreinte.

65      Cette argumentation ne peut être retenue.

66      En effet, d’une part, l’arrêt Tay Za/Conseil, point 64 supra, ne peut servir de soutien à l’argumentation du Conseil, soutenue par la Commission, dans la mesure où il a été annulé par l’arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, non encore publié au Recueil). Par conséquent, les constats opérés dans l’arrêt du 19 mai 2010, Tay Za/Conseil, point 64 supra, ne font plus partie de l’ordre juridique de l’Union et ne sauraient donc être valablement invoqués par le Conseil, soutenu par la Commission.

67      D’autre part, l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010 et l’article 46, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 267/2012 prévoient des dispositions garantissant les droits de la défense des entités visées par des mesures restrictives adoptées en vertu de ces textes. Le respect de ces droits fait l’objet du contrôle du juge de l’Union (arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 37).

68      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le principe du respect des droits de la défense peut être invoqué, au cas d’espèce, par la requérante.

69      Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 52 ci-dessus, il convient de commencer par l’examen des violations alléguées de l’obligation de motivation ainsi que de l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, de l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 et de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012.

–       Sur l’obligation de motivation et sur la violation alléguée de l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, de l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 ainsi que de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012

70      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt de la Cour du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, non encore publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée).

71      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Conseil/Bamba, point 70 supra, point 50, et la jurisprudence citée).

72      Dans la mesure où, d’une part, le gel des fonds a des conséquences considérables pour les personnes, les entités et les organismes concernés, dès lors qu’il est susceptible de restreindre l’exercice de leurs droits fondamentaux (arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, non encore publié au Recueil, point 49), et où, d’autre part, ces personnes, ces entités et ces organismes ne disposent pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption de l’acte initial de gel des fonds, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant auxdites personnes, auxdites entités et auxdits organismes, à tout le moins après l’adoption de l’acte initial, de se prévaloir utilement des voies de recours à leur disposition pour en contester la légalité (arrêt Conseil/Bamba, point 70 supra, point 51).

73      Le principe de protection juridictionnelle effective implique donc que l’autorité de l’Union qui adopte l’acte initial de gel des fonds communique les motifs de cet acte à la personne, l’entité ou l’organisme en cause, dans toute la mesure du possible, soit au moment où celui-ci est adopté, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après son adoption, afin de permettre à ladite personne, à ladite entité ou audit organisme d’exercer utilement son droit de recours (voir arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, point 72 supra, point 47, et la jurisprudence citée). En outre, la motivation de l’acte doit être fournie avant l’introduction par la personne, l’entité ou l’organisme en cause d’un recours contre cet acte, le non-respect de cette exigence ne pouvant être régularisé par le fait que cette personne, cette entité ou cet organisme prend connaissance des motifs dudit acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, point 80, et la jurisprudence citée).

74      C’est également en vue du respect du principe de protection juridictionnelle effective que l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 ainsi que l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 imposent au Conseil de donner les raisons individuelles et spécifiques des mesures de gel des fonds prises conformément à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, à l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 ainsi qu’à l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 267/2012 et de les porter à la connaissance des personnes, des entités et des organismes concernés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, point 72 supra, point 48). Selon la jurisprudence, c’est ainsi par une communication individuelle que le Conseil doit s’acquitter, en l’espèce, de son obligation de motivation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, point 72 supra, point 52).

75      La motivation exigée par l’article 296 TFUE, par l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, par l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 ainsi que par l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 doit être adaptée aux dispositions en vertu desquelles les mesures de gel des fonds ont été adoptées. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Conseil/Bamba, point 70 supra, point 53, et la jurisprudence citée).

76      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Conseil/Bamba, point 70 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

77      En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que, par les lettres du 28 octobre 2010 et du 5 décembre 2011, le Conseil a indiqué à la requérante que son inscription et le maintien, après réexamen, de son inscription sur les listes litigieuses étaient fondés sur les motifs exposés dans la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et dans le règlement n° 961/2010, dont une copie était jointe en annexe à la lettre du 28 octobre 2010 et qui avaient, en tout état de cause, été publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 27 octobre 2010. Ces motifs sont les suivants :

« [La requérante] a assuré l’achat de divers produits susceptibles d’être utilisés dans des programmes faisant l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 […]. Parmi les produits achetés assurés figuraient des pièces de rechange pour hélicoptères, du matériel électronique et des ordinateurs destinés à des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles. »

78      Il n’est pas contesté, ainsi qu’il ressort des points 26 et 27 du mémoire en défense, que le Conseil n’a communiqué aucun autre motif complémentaire à la requérante avant l’introduction du présent recours.

79      En outre, c’est à bon droit que la requérante a fait valoir en substance, lors de l’audience, que, pour autant que le Conseil aurait entendu lui communiquer de nouveaux motifs de nature à justifier son inscription sur les listes litigieuses, par la lettre déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2013, ces derniers ne pouvaient être pris en compte par le Tribunal car ayant été communiqués après l’introduction du recours et, donc, tardivement. De fait, les détails supplémentaires fournis dans la lettre du 19 février 2013 se rapportent à la fourniture de services d’assurance pour le transport par voie aérienne, respectivement en mars 2007 et en novembre 2010, de biens d’une autre nature que ceux visés dans les actes attaqués, à savoir des pièces détachées pour des avions d’origine américaine, tels que des avions de combat de types F­4 et F­14, et, en novembre 2010, des équipements pour des services de télécommunication.

80      Partant, il convient de répondre au grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation sur la base des seuls motifs exposés dans les actes attaqués, tels que rappelés au point 77 ci-dessus.

81      S’agissant de l’indication selon laquelle « [p]armi les produits achetés assurés figuraient […] du matériel électronique et des ordinateurs destinés à des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles », il convient de relever, à titre liminaire, que les différentes versions linguistiques des actes attaqués ne concordent pas. En effet, les termes « destinés à des applications dans », dans la version en français des actes attaqués, deviennent, notamment, « with applications in », dans leur version en anglais, « mit Anwendungen für », dans leur version en allemand, « con applicaciones en », dans leur version en espagnol, « con applicazioni di », dans leur version en italien, « com aplicações na », dans leur version en portugais, « cu aplicații în », dans leur version en roumain, « med användningsområden inom », dans leur version en suédois, ou « met toepassingen in », dans leur version en néerlandais. Or, selon la jurisprudence, la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes des dispositions du droit de l’Union exclut qu’un texte soit considéré isolément dans l’une de ses versions, mais exige qu’il soit interprété en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier, à la lumière notamment des versions établies dans toutes les langues de l’Union (voir arrêt du Tribunal du 13 septembre 2011, Zangerl-Posselt/Commission, T‑62/10 P, non encore publié au Recueil, point 42, et la jurisprudence citée). Surtout, il y a lieu d’observer que la motivation des actes attaqués a pour origine les motifs qui figuraient, en anglais, dans les extraits des notes de transmission du Conseil désignées sous les références 13413/10 EXT 6 et 6726/11 se rapportant au cas de la requérante. Or, ces derniers motifs sont rédigés comme suit : « Purchased items insured include helicopter spare parts, electronics, and computers with applications in aircraft and missile navigation ». Compte tenu de la manière dont lesdits motifs ont été traduits dans les différentes versions linguistiques des actes attaqués, il y a lieu de retenir, s’agissant de la seconde partie de la seconde phrase des motifs, l’interprétation uniforme suivante : « du matériel électronique et des ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles ».

82      Au point 13 du mémoire en défense, le Conseil a expressément indiqué que « les motifs fournis pour désigner la requérante satisfont la condition consistant à ‘apport[er] un appui’ aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par l’Iran, qui est prévue à l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement (UE) n° 961/2010 ». Par la suite, il n’a jamais rattaché ces mêmes motifs à un autre critère ou à une autre condition justifiant l’application des mesures de gel des fonds.

83      Il importe, à cet égard, de rappeler que l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012 prévoient notamment le gel des fonds des personnes, entités ou organismes « apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par l’Iran, y compris en concourant à l’acquisition de biens et [de] technologies interdits ». De même, l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 prévoit le gel des fonds des « personnes et entités […] qui […] apportent un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires [par l’Iran], y compris en concourant à l’acquisition des articles, biens, équipements, matières et technologies interdits ».

84      Il ressort sans équivoque tant de l’économie que de la finalité générale de la décision 2010/413, du règlement n° 961/2010 ainsi que du règlement n° 267/2012, dont l’objectif est d’empêcher un « risque de prolifération » nucléaire en Iran (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, Afrasiabi e.a., C‑72/11, non encore publié au Recueil, point 44), que, dans le contexte desdites dispositions, les « biens (articles, matières et équipements) et technologies interdits » doivent être entendus comme étant les biens (articles, matières et équipements) et technologies, originaires ou non de l’Union, inscrits sur les listes citées ou annexées aux actes en cause qui énumèrent les biens et les technologies susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire et dont la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation, directe ou indirecte, à toute personne, toute entité ou tout organisme iranien, ou aux fins d’une utilisation en Iran sont, en principe, interdits par ces mêmes actes.

85      Au vu de ce contexte réglementaire, la motivation des actes attaqués ne pouvait donc être comprise qu’en ce sens que le Conseil reprochait à la requérante d’avoir apporté un appui à la prolifération nucléaire en fournissant des services d’assurance à l’occasion de l’achat de divers produits susceptibles d’être utilisés dans le cadre de ladite prolifération, parmi lesquels des pièces de rechange pour hélicoptères, du matériel électronique et des ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles.

86      Pour autant qu’elle vise « divers produits susceptibles d’être utilisés dans [la prolifération nucléaire] », sans se limiter aux pièces de rechange pour hélicoptères, au matériel électronique et aux ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles, la motivation des actes attaqués est insuffisante pour permettre à la requérante de vérifier le bien-fondé des actes attaqués, de se défendre devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle. En effet, ladite motivation se réfère à un ensemble de produits défini de manière très générale et abstraite par les termes « divers » et « susceptibles d’être utilisés dans [la prolifération nucléaire] ». Or, le terme « divers » est un adjectif par nature vague et imprécis. A priori, cet adjectif et les termes « susceptibles d’être utilisés dans [la prolifération nucléaire] », qui le complètent, précisent le type de produits concernés par référence à leur destination, à savoir une « utilisation possible » dans certaines activités identifiées. Cependant, en l’absence de toute autre précision et dans la mesure où, comme cela a été relevé par la requérante lors de l’audience, un nombre considérable de produits peut, sous une forme ou une autre, directement ou indirectement, être utilisé dans la prolifération nucléaire, cette motivation est insuffisante.

87      En revanche, pour autant qu’elle vise « divers produits susceptibles d’être utilisés dans [la prolifération nucléaire] », en se référant, d’une part, à « des pièces de rechange pour hélicoptères » et, d’autre part, à « du matériel électronique et des ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles », la motivation des actes attaqués est suffisante. À cet égard, il convient d’observer que la motivation des actes attaqués se réfère, dans le premier cas, à des produits bien identifiés et, dans le second, à des produits suffisamment identifiables par référence à leur nature et à leurs caractéristiques ou à leur contenu. En effet, ces derniers produits correspondent à une catégorie spécifique de produits, même si celle-ci est relativement large, à savoir le matériel électronique et les ordinateurs, et ils sont encore davantage spécifiés, au sein de cette catégorie générale, par référence à certaines de leurs caractéristiques, à savoir qu’il s’agit de matériel électronique et d’ordinateurs « avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles ». Ainsi, même en l’absence de toute autre précision sur les opérations en cause (clients, montants, dates, etc.), cette motivation permet d’identifier, le cas échéant, les prestations de services d’assurance concrètement visées par le Conseil. En outre, il ressort clairement et précisément de cette motivation que le Conseil n’a entendu se fonder que sur la circonstance générale que des pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que du matériel électronique et des ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles, pour l’achat desquelles la requérante aurait fourni des services d’assurance, étaient susceptibles d’être utilisés dans la prolifération nucléaire, et non sur la circonstance concrète que lesdits produits avaient effectivement été utilisés dans cette dernière. Or, cette circonstance générale est connue de la requérante, qui en conteste la pertinence dans le cadre du premier moyen. Il y a donc lieu de considérer que la motivation fournie a permis à celle-ci de vérifier le bien-fondé des actes attaqués, de se défendre devant le Tribunal, tout en permettant à ce dernier d’exercer son contrôle.

88      Dans la mesure où les motifs, tirés de ce que la requérante aurait fourni des services d’assurance portant sur l’achat de pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que de matériel électronique et d’ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles susceptibles d’être utilisés dans la prolifération nucléaire, fournissent une motivation autonome et suffisante aux actes attaqués et où, partant, l’insuffisance des motifs tirés de ce que la requérante aurait fourni des services d’assurance pour l’achat d’autres produits, non identifiés ou identifiables, ne peut conduire à l’annulation des actes attaqués, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’un défaut de motivation de ces derniers actes.

89      Il résulte toutefois de ce qui précède que seuls les motifs tirés de ce que la requérante aurait fourni des services d’assurance pour l’achat de pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que de matériel électronique et d’ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles susceptibles d’être utilisés dans la prolifération nucléaire, en ce qu’ils fournissent une motivation autonome et suffisante aux actes attaqués, peuvent être pris en considération lors de l’examen des autres moyens du recours.

–       Sur le principe du respect des droits de la défense

90      Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne ou d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, point 91, et la jurisprudence citée).

91      Le principe du respect des droits de la défense exige que les éléments retenus à la charge de la personne ou de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués. Celle-ci doit être mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, point 46 supra, point 93).

92      Il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, s’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une personne ou d’une entité sont gelés, la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de la personne ou de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, points 92, 93, 98 et 99).

93      Il y a lieu, en outre, de remarquer que, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à la personne ou à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la personne ou de l’entité intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, point 97, et la jurisprudence citée).

94      En l’espèce, premièrement, en ce qui concerne la communication des éléments à charge, les motifs de l’inscription de la requérante sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe V du règlement n° 423/2007, qui ont ensuite été repris dans tous les actes attaqués, ont été initialement communiqués individuellement à la requérante par la lettre du 29 juillet 2010.

95      Dans la mesure où la requérante se plaint du caractère vague et général de la motivation fournie, il convient de rappeler que l’examen des violations alléguées de l’obligation de motivation, de l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, de l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 ainsi que de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 a permis de constater que les motifs tirés de ce que la requérante aurait fourni des services d’assurance portant sur l’achat de pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que de matériel électronique et d’ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles susceptibles d’être utilisés dans la prolifération nucléaire fournissent une motivation autonome et suffisante aux actes attaqués.

96      Dès lors, il y a lieu de constater que le Conseil n’a pas violé les droits de la défense de la requérante en ce qui concerne la communication initiale des éléments à charge.

97      Deuxièmement, la requérante soutient qu’elle n’a pas pu accéder aux éléments et informations la concernant contenus dans le dossier du Conseil, nonobstant les demandes expresses en ce sens qu’elle a formulées, pour la première fois dans la lettre du 9 septembre 2010. Le Conseil soutient toutefois qu’une telle demande n’a pas été formulée par la requérante avant la lettre du 28 décembre 2010 et prétend avoir transmis à celle-ci, à la suite de cette dernière lettre, tous les éléments à charge en sa possession, à savoir les extraits des notes de transmission du Conseil désignées sous les références 13413/10 EXT 6 et 6726/11 se rapportant à son cas (voir point 14 ci-dessus).

98      À cet égard, il doit être relevé que la lettre du 9 septembre 2010 contenait notamment le passage suivant :

« [La requérante], en tant que société indépendante, a le droit de connaître les raisons d[e son inscription sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010] en détail. Nous escomptons respectueusement du Conseil qu’il réponde à nos questions susmentionnées avec les motifs et les documents pertinents, qui nous permettront de préparer des réponses précises. »

99      Le Conseil n’a certes pas répondu à cette demande dans sa lettre du 28 octobre 2010.

100    Toutefois, le Conseil a répondu à la demande, formulée par la requérante dans la lettre du 28 décembre 2010, tendant à accéder aux éléments et informations du dossier ayant justifié son inscription ou le maintien, après réexamen, de son inscription sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. En effet, par lettre du 22 février 2011, il a fourni à la requérante tous les éléments et informations la concernant contenus dans son dossier, à savoir les extraits des notes de transmission du Conseil désignées sous les références 13413/10 EXT 6 et 6726/11 et se rapportant au cas de la requérante.

101    En outre, le Conseil a répondu à la demande d’accès aux éléments et informations contenus dans le dossier ayant justifié l’inscription de la requérante sur la liste figurant à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, formulée par la requérante dans la lettre du 13 janvier 2012. En effet, par la lettre du 21 février 2012, le Conseil a fourni à la requérante tous les éléments et informations la concernant nouvellement versés dans le dossier, à savoir les extraits des procès-verbaux des réunions du groupe COMEM/CONOP (groupe chargé des questions de non-prolifération pour le Moyen-Orient) du Conseil des 10 et 16 novembre 2011 et des notes I/A du Comité des représentants permanents (Coreper) des 28 novembre et 1er décembre 2011 se rapportant au cas de la requérante.

102    Ces communications sont intervenues dans des délais suffisants pour permettre à la requérante d’en prendre connaissance et d’adapter, pour autant que de besoin, ses arguments en cours de procédure. En tout état de cause, les documents communiqués ne contenaient aucune information nouvelle utile à la défense de la requérante, leur contenu ne révélant aucun élément nouveau la concernant. Au demeurant, cette dernière ne s’est référée à ces documents que pour étayer ses arguments, déjà présentés antérieurement, selon lesquels le dossier du Conseil était « vide ».

103    Dès lors, les droits de la défense de la requérante n’ont pas été violés, en l’espèce, en ce qui concerne l’accès aux éléments du dossier.

104    Troisièmement, en ce qui concerne le droit de la requérante de faire valoir utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à son égard, il y a lieu de constater que, à la suite de la première communication des motifs des actes attaqués, par la lettre du 29 juillet 2010, la requérante a adressé au Conseil la lettre du 9 septembre 2010 dans laquelle elle a, en substance, contesté le bien-fondé de la mesure de gel des fonds la concernant, au motif qu’elle n’avait jamais exercé, en tant que société d’assurance, quelque activité illégale que ce soit. Le Conseil a rejeté ces contestations par la lettre du 28 octobre 2010. Par la suite, la requérante et le Conseil ont procédé à plusieurs échanges au sujet des motifs ayant justifié l’inscription ou le maintien, après réexamen, de l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses. Par ailleurs, à la suite de la communication des éléments et informations contenus dans le dossier et ayant justifié cette inscription ou le maintien de celle-ci, respectivement par la lettre du 22 février 2011 et par celle du 21 février 2012, la requérante a fait valoir ses observations respectivement dans la lettre du 29 juillet 2011 et dans le second mémoire portant adaptation de ses conclusions, dans lesquels elle a contesté le bien-fondé de la mesure de gel des fonds prise à son égard, en faisant valoir que le dossier du Conseil était « vide ». Le Conseil a rejeté ces arguments respectivement par la lettre du 5 décembre 2011 et dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 4 juillet 2012 à la suite de l’adaptation de ses conclusions par la requérante.

105    Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort notamment des observations du Conseil déposées au greffe du Tribunal le 4 juillet 2012 que ce dernier a examiné les arguments qu’elle avait présentés, mais a estimé que ceux-ci devaient être écartés au motif que, dans les circonstances de l’espèce, il ne lui était pas possible de demander à l’État membre qui avait sollicité l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses les informations et éléments de preuve précis et concrets qui étayaient celle-ci, compte tenu du fait que ceux-ci émanaient de sources confidentielles.

106    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le droit de la requérante de faire valoir utilement son point de vue a été respecté.

107    Dans ces circonstances, le grief tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense doit être intégralement rejeté.

–       Sur le droit à une protection juridictionnelle effective

108    Le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux ainsi que par les articles 6 et 13 de la CEDH (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, Rec. p. I‑2271, point 37).

109    L’efficacité du contrôle juridictionnel, qui doit pouvoir porter notamment sur la légalité des motifs sur lesquels sont fondées les décisions imposant, comme en l’espèce, des mesures restrictives, implique que l’autorité de l’Union en cause est tenue de communiquer les motifs de ces mesures à l’entité ou à la personne concernée par celles-ci, dans toute la mesure du possible, soit au moment où ces mesures sont adoptées, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elles l’ont été, afin de permettre à l’entité ou à la personne concernée l’exercice, dans les délais, de son droit de recours. Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est en effet nécessaire, tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union, que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte en cause qui lui incombe (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, points 335 à 337, et la jurisprudence citée).

110    En l’espèce, il ressort de l’examen des violations alléguées de l’obligation de motivation et du principe du respect des droits de la défense que, d’une part, les motifs tirés de ce que la requérante aurait fourni des services d’assurance portant sur l’achat de pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que de matériel électronique et d’ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles susceptibles d’être utilisés dans la prolifération nucléaire fournissent une motivation autonome et suffisante aux actes attaqués et que, d’autre part, les droits de la défense de la requérante ont été respectés, qu’il s’agisse de la motivation des actes attaqués, de l’accès au dossier ou du droit d’être entendu.

111    Dans ces conditions, il apparaît que le Tribunal est en mesure d’exercer pleinement son contrôle de la légalité des actes attaqués.

112    Par conséquent, le grief tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective doit être rejeté comme étant non fondé de même que, partant, les deuxième et troisième moyens pris dans leur ensemble.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 961/2010 ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 267/2012

113    Au vu des précisions données par le Conseil en cours de procédure, aux termes desquelles les actes attaqués sont uniquement fondés sur la condition tirée d’un « appui » apporté par la requérante à la prolifération nucléaire (voir point 82 ci-dessus), la requérante n’a plus d’intérêt à soulever des moyens ou des griefs tirés d’une violation de l’article 16, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012. Partant, il n’y a pas lieu, en l’espèce, d’examiner les moyens ou griefs tirés d’une violation de ces dernières dispositions.

114    Sur le fond, la requérante fait valoir, en substance, que le Conseil a fondé les actes attaqués sur une appréciation erronée des faits de l’espèce, dans la mesure où il a estimé que les pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que le matériel électronique et les ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles, pour l’achat desquels elle a fourni des services d’assurance, étaient susceptibles d’être utilisés dans la prolifération nucléaire et que, ce faisant, elle avait apporté un appui à cette dernière.

115    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Il fait valoir, en substance, que le fait que cette dernière ait permis, par la fourniture de services d’assurance, l’achat de produits objectivement susceptibles d’être utilisés dans les activités nucléaires de l’Iran présentant un risque de prolifération nucléaire ou dans la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par l’Iran constitue un « appui » apporté auxdites activités, au sens de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012.

116    Selon la jurisprudence, le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité ou d’une personne s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme la justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et des informations sur lesquels est fondée cette appréciation. En cas de contestation, il appartient au Conseil de présenter ces éléments en vue de leur vérification par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, points 37 et 107).

117    En l’espèce, le Conseil prétend que la requérante aurait dû contester les faits précis qui lui étaient imputés dans la lettre du 9 septembre 2010 et que, en tout état de cause, elle n’a pas formellement contesté ces faits dans le cadre du présent moyen.

118    À cet égard, il importe de souligner que, dans la lettre du 9 septembre 2010, la requérante a contesté le bien-fondé de la mesure de gel de ses fonds, au motif qu’elle n’avait jamais, en tant que société d’assurance, exercé d’activités illégales. Elle n’a nullement reconnu, dans cette lettre, avoir fourni des services d’assurance pour l’achat de pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que de matériel électronique et d’ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles. En revanche, elle a demandé au Conseil de lui transmettre les éléments précis ayant déterminé son inscription sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, afin qu’elle puisse se défendre efficacement dans le cadre d’un recours. Au vu des constatations qui précèdent, il ne peut être considéré, comme le soutient le Conseil, que la requérante aurait renoncé à toute contestation portant sur la nature des biens prétendument assurés.

119    Par ailleurs, si, dans le cadre du premier moyen de la requête, la requérante a admis « a[voir] fourni des services d’assurance de routine et a[voir] participé à des activités internationales d’assurance » dans le cadre d’« activités d’importation/exportation » de l’Iran, elle a également indiqué que « le Conseil renvo[yait] à des faits qui [étaient] erronés », que « [l]es activités auxquelles le Conseil renvo[yait] dans le règlement et la décision [étaient] niées » et qu’« [elle] ignor[ait] le fondement sur lequel le Conseil a[vait] abouti à ses conclusions ». Dans la réplique, elle indique « n’a[voir] certainement pas acquiescé aux accusations [du Conseil, mais] les a[voir] déniées clairement et invariablement ». En réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a confirmé que, par lesdites formulations, elle contestait formellement avoir fourni des services d’assurance pour l’achat de pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que de matériel électronique et d’ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles.

120    Il y a donc lieu de constater que, contrairement aux allégations du Conseil, la requérante a formellement contesté avoir fourni des services d’assurance pour l’achat de pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que de matériel électronique et d’ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles. Il appartenait donc bien au Conseil, en l’espèce, de présenter des éléments attestant les services d’assurance fournis par la requérante pour l’achat desdits produits.

121    À cet égard, il ressort des éléments du dossier que le Conseil s’est fondé sur les motifs qui lui ont été communiqués par un État membre, tels que figurant, en anglais, dans les extraits des notes de transmission du Conseil désignées sous les références 13413/10 EXT 6 et 6726/11 et se rapportant au cas de la requérante.

122    Certes, le Conseil prétend qu’il ne peut être tenu de produire les éléments de preuve et d’information soutenant les motifs des mesures restrictives lorsque ceux-ci sont issus de sources confidentielles et sont, comme tels, conservés par les États membres qui les détiennent, voire par des États tiers avec lesquels ces derniers coopèrent, et ce dans un souci de protection des sources. Dans un tel cas, le juge de l’Union devrait, selon le Conseil, s’en tenir à un contrôle de la « vraisemblance » des motifs invoqués. Partant, le Conseil invite le Tribunal à revenir sur la solution adoptée dans l’arrêt Fulmen et Mahmoudian/Conseil, point 37 supra, ou, subsidiairement, à suspendre la présente procédure dans l’attente du résultat du pourvoi introduit contre l’arrêt Fulmen et Mahmoudian/Conseil (affaire C‑280/12 P).

123    D’une part, l’argumentation du Conseil relative au niveau du contrôle exercé par le juge de l’Union et aux éléments de preuve et d’information devant être produits devant ce dernier ne peut être admise, pour les mêmes raisons que celles qui ont déjà été exposées dans l’arrêt Fulmen et Mahmoudian/Conseil, point 37 supra, et, d’autre part, compte tenu du fait que les mesures en cause affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles de la requérante de manière considérable, il n’y a pas lieu, en l’espèce, de donner suite à la demande du Conseil de suspendre la présente procédure dans l’attente du résultat du pourvoi introduit contre l’arrêt Fulmen et Mahmoudian/Conseil (affaire C‑280/12 P).

124    Premièrement, la circonstance que les mesures restrictives à l’égard de la requérante ont été adoptées sur demande ou sur proposition d’un État membre, conformément à la procédure prévue à l’article 23, paragraphe 2, de la décision 2010/413, n’ôte rien au fait que les actes attaqués sont des actes du Conseil, qui doit, partant, s’assurer que leur adoption est justifiée, le cas échéant en demandant à l’État membre concerné de lui présenter les éléments de preuve et d’information nécessaires à cette fin (arrêt Fulmen et Mahmoudian/Conseil, point 37 supra, point 99).

125    Deuxièmement, le Conseil ne peut se prévaloir de ce que les éléments concernés proviennent de sources confidentielles et ne peuvent, par conséquent, être divulgués. En effet, si cette circonstance peut éventuellement justifier des restrictions s’agissant de la communication de ces éléments à la requérante ou à leurs avocats, il n’en demeure pas moins que, compte tenu du rôle essentiel du contrôle juridictionnel dans le contexte de l’adoption des mesures restrictives, le juge de l’Union doit pouvoir contrôler la légalité et le bien-fondé de telles mesures, sans que puissent lui être opposés le secret ou la confidentialité des éléments de preuve et d’information utilisés par le Conseil. Par ailleurs, le Conseil n’est pas en droit de fonder un acte adoptant des mesures restrictives sur des informations ou sur des éléments de dossier communiqués par un État membre, si cet État membre n’est pas disposé à en autoriser la communication à la juridiction de l’Union investie du contrôle de la légalité de cette décision (voir arrêt Fulmen et Mahmoudian/Conseil, point 37 supra, point 100, et la jurisprudence citée).

126    Troisièmement, c’est à tort que le Conseil prétend que la preuve de l’implication d’une personne ou d’une entité dans la prolifération nucléaire ne peut être exigée de lui, compte tenu de la nature clandestine des comportements concernés. D’une part, le seul fait que l’adoption des mesures restrictives soit proposée en vertu de l’article 23, paragraphe 2, de la décision 2010/413 présuppose que l’État membre concerné ou le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, selon les cas, dispose de preuves ou d’éléments d’information démontrant, à son avis, que la personne ou l’entité concernée est impliquée dans la prolifération nucléaire. D’autre part, les difficultés éventuellement rencontrées par le Conseil lorsqu’il tente de prouver cette implication peuvent, le cas échéant, avoir un impact sur le niveau de preuve exigé de lui. En revanche, elles ne sauraient avoir pour conséquence de l’exonérer totalement de la charge de la preuve qui lui incombe (voir, en ce sens, arrêt Fulmen et Mahmoudian/Conseil, point 37 supra, points 102 et 103).

127    En l’espèce, le Conseil n’a produit, en temps utile, aucun élément d’information ou de preuve au soutien des motifs invoqués dans les actes attaqués. Ainsi qu’il l’admet en substance lui-même, il s’est fondé sur de simples allégations, non étayées, selon lesquelles la requérante aurait fourni des services d’assurance pour l’achat de pièces de rechange pour hélicoptères ainsi que de matériel électronique et d’ordinateurs avec des applications dans l’aéronautique et dans la navigation de missiles. À supposer même que les détails supplémentaires fournis dans la lettre du 19 février 2013 (voir point 34 ci-dessus) aient pu être pris en compte, ceux-ci n’auraient pas été de nature à modifier la solution retenue dans la mesure où ils se rapportent à d’autres biens que ceux visés dans les actes attaqués, à savoir des pièces détachées pour des avions d’origine américaine, tels que des avions de combat de types F-4 et F-14, et, en novembre 2010, des équipements pour des services de télécommunication (voir point 79 ci-dessus).

128    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que le Conseil n’a pas apporté la preuve des faits qu’il impute à la requérante et, partant, d’accueillir le premier moyen.

129    En l’absence de preuves étayant les constatations nécessaires au regard de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012, le Conseil ne pouvait valablement constater, dans les actes attaqués, que la requérante avait apporté un « appui » à la prolifération nucléaire, au sens de ces dernières dispositions.

130    Par conséquent, en décidant différemment, le Conseil a violé l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 ainsi que l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012.

131    Partant, il y a lieu d’accueillir le premier moyen et, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens, griefs et exceptions d’illégalité invoqués à l’appui du recours, d’annuler les actes attaqués.

 Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

132    En ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués, il y a lieu de remarquer, d’abord, que l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, notamment dans sa version modifiée par le règlement d’exécution n° 1245/2011, ne produit plus d’effets juridiques à la suite de l’abrogation de ce dernier règlement, opérée par le règlement n° 267/2012. Par conséquent, l’annulation de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, notamment dans sa version modifiée par le règlement d’exécution n° 1245/2011, pour autant qu’elle concerne la requérante, ne concerne que les effets de cette annexe à l’égard de la requérante produits entre son entrée en vigueur et son abrogation.

133    Ensuite, quant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. Le Conseil dispose donc d’un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification du présent arrêt, pour remédier à la violation constatée en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard de la requérante.

134    En l’espèce, le risque d’une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose le règlement n° 267/2012 n’apparaît pas suffisamment élevé, compte tenu de l’importante incidence de ces mesures sur les droits et les libertés de la requérante, pour justifier le maintien des effets dudit règlement à l’égard de cette dernière pendant une période allant au-delà de celle prévue à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2011, Kadio Morokro/Conseil, T‑316/11, non publié au Recueil, point 38).

135    Enfin, en ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, puis par la décision 2011/783, pour autant qu’elle concerne la requérante, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

136    En l’espèce, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation de l’annexe IX du règlement n° 267/2012 et celle de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, puis par la décision 2011/783, pour autant que ces actes concernent la requérante, serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, lesdits actes infligeant à la requérante des mesures restrictives identiques. Les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, puis par la décision 2011/783, doivent donc être maintenus à l’égard de la requérante jusqu’à la prise d’effet de l’annulation de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, pour autant que celle-ci concerne la requérante (voir, par analogie, arrêt Kadio Morokro/Conseil, point 134 supra, point 39).

 Sur les dépens

137    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

138    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, de ce même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est irrecevable, pour autant qu’il tend à l’annulation de tout règlement futur ou de toute décision future du Conseil de l’Union européenne ou de la Commission européenne qui compléterait ou modifierait l’un des actes attaqués dans le cadre du présent recours.

2)      Il n’y a lieu de statuer ni sur les conclusions en annulation des décisions à l’égard de l’Iran Insurance Company « contenues dans » les lettres du Conseil des 28 octobre 2010 et 5 décembre 2011 ni sur la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, soutenu par la Commission, à l’encontre des seules conclusions en annulation de la décision à l’égard de l’Iran Insurance Company « contenue dans » la lettre du Conseil du 28 octobre 2010.

3)      L’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC, telle que modifiée par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007, la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413, le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010, et l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010, sont annulés, pour autant qu’ils concernent l’Iran Insurance Company.

4)      Les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, puis par la décision 2011/783, à l’égard de l’Iran Insurance Company sont maintenus jusqu’à la prise d’effet de l’annulation de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, pour autant que celle-ci concerne l’Iran Insurance Company.

5)      Le Conseil supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Iran Insurance Company.

6)      La Commission supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran

Mesures restrictives visant la requérante

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur l’interprétation des conclusions de la requérante

Sur l’interprétation des conclusions de la requérante visant à ce que certaines dispositions lui soient déclarées inapplicables

Sur l’interprétation des conclusions en annulation des décisions à l’égard de la requérante « contenues dans » les lettres du 28 octobre 2010 et du 5 décembre 2011

Sur la recevabilité des conclusions en annulation de tout règlement futur ou de toute décision future du Conseil ou de la Commission qui compléterait ou qui modifierait l’un des actes attaqués dans le cadre du présent recours

Sur le fond

Sur le deuxième moyen, pris d’une violation du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, ainsi que d’un défaut de motivation, et sur le troisième moyen, fondé sur une violation de l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, de l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010 et de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012

– Sur l’aptitude de la requérante à se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux qu’elle invoque dans le cadre des deuxième et troisième moyens

– Sur l’obligation de motivation et sur la violation alléguée de l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, de l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 ainsi que de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012

– Sur le principe du respect des droits de la défense

– Sur le droit à une protection juridictionnelle effective

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 961/2010 ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 267/2012

Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.