Language of document : ECLI:EU:T:2013:283

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

30 mai 2013 (*)

« Concurrence – Abus de position dominante – Marché de la fourniture de logiciels de planification des ressources de l’entreprise (LAE) et de logiciels d’applications d’entreprise (PGI) – Décision de rejet d’une plainte – Défaut d’intérêt de l’Union »

Dans l’affaire T‑74/11,

Omnis Group Srl, établie à Bucarest (Roumanie), représentée par Me D.-A.-F. Tarara, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. A. Biolan et J. Bourke, puis par MM. Biolan et C. Hödlmayr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Microsoft Corp., établie à Redmond, Washington (États-Unis), représentée par Mes A.-M. Baciu et G. Harapcea, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2010) 8529 de la Commission, du 1er décembre 2010, portant rejet de la plainte (affaire COMP/39.784 – Omnis/Microsoft) concernant de prétendues violations des articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE par Microsoft Corp. sur le marché des logiciels d’applications d’entreprise, dits programmes de type « logiciels d’applications d’entreprise / progiciels de gestion intégrés »,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Omnis Group Srl, est une société de développement de logiciels pour les systèmes d’exploitation des ordinateurs personnels. Elle possède le programme informatique Isis.Net, inscrit à l’Oficiul Român pentru Drepturile de Autor (ORDA, Office roumain des droits d’auteurs) depuis le 19 mars 2003. Elle indique avoir débuté la commercialisation de ce programme à partir de mai 2002. Son programme a pour concurrent le programme Navision 3.60, acquis par Microsoft Corp. le 11 juillet 2002. Ces programmes constituent des logiciels d’applications d’entreprise, dits programmes de type « logiciels d’applications d’entreprise / progiciels de gestion intégrés » (ci-après les « LAE/PGI »).

2        Le 23 décembre 2009, la requérante a adressé une plainte à la Commission européenne, complétée par lettres des 18, 25 février et 6 avril 2010, alléguant un comportement anticoncurrentiel de Microsoft sur le marché de la fourniture des LAE/PGI, en violation des articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE. En substance, la requérante se plaignait de ce que Microsoft avait recours à des méthodes illégales pour fermer l’accès au marché de la fourniture des LAE/PGI.

3        Par lettre du 13 juillet 2010, la Commission a informé la requérante que, en application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO L 123, p. 18), elle était d’avis qu’il n’existait pas d’intérêt suffisant de l’Union européenne pour ouvrir une enquête plus approfondie sur les infractions alléguées. La requérante a présenté des observations par neuf lettres du mois d’août 2010.

4        Le 9 septembre 2010, la Commission a communiqué à la requérante une étude de marché, réalisée par un cabinet de consultants. Cette étude constate que, en 2008, 161 entreprises étaient présentes sur le marché mondial des LAE, treize ayant une part de marché en valeur supérieure à 1 % et 33 supérieure à 0,5 %, soulignant ainsi le nombre élevé d’entreprises présentes et la relative faible part de marché de chacune d’elles. La requérante a adressé des observations les 20, 21, 22 et 24 septembre 2010.

5        Par décision C (2010) 8529 du 1er décembre 2010 (affaire COMP/39.784 – Omnis/Microsoft) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a conclu à l’absence d’intérêt suffisant de l’Union pour décider de l’ouverture d’une enquête sur les infractions alléguées et a rejeté la plainte de la requérante, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004.

 Décision attaquée

6        Tout d’abord, la Commission a précisé la portée de l’examen de la plainte effectué en l’espèce. Elle a indiqué que, s’agissant des griefs de la requérante concernant l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle, l’utilisation abusive de fonds européens, la violation des règles sur les appels d’offres publics et la corruption, la plainte avait été transmise à l’unité en charge des questions relatives aux appels d’offres publics ainsi qu’à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) pour qu’ils enquêtent sur les allégations ne touchant pas directement au droit de la concurrence.

7        La Commission a également relevé que, s’agissant des allégations relatives à la pratique de Microsoft consistant à lier la vente de son navigateur Internet Explorer à celle de son système d’exploitation dominant pour ordinateurs personnels (Windows) et à son système d’exploitation pour serveurs (.Net Framework), la plainte n’était pas étayée au point de permettre une appréciation de la probabilité d’une violation du droit de la concurrence. Les allégations relatives aux navigateurs Internet et au système .Net Framework ont ainsi fait l’objet d’un classement sans suite. Elle a également indiqué que la pratique de Microsoft consistant à lier la vente de son navigateur Internet Explorer à celle de son système d’exploitation dominant pour ordinateurs personnels avait fait l’objet d’une décision de la Commission en date du 16 décembre 2009 (affaire COMP/C-3/39530 – Microsoft).

8        La Commission a indiqué que la plainte visait, premièrement, un abus de position dominante contraire à l’article 102 TFUE, consistant en diverses pratiques, et notamment le refus d’établir des relations d’affaires avec la requérante, le refus de lui communiquer des renseignements, l’exercice de pratiques discriminatoires à son égard, la pratique de ventes liées illicites et le recours à des sociétés intermédiaires afin de fermer de manière générale l’accès au marché de la fourniture des LAE/PGI et d’empêcher toute concurrence de la part de la requérante. Elle a indiqué que la plainte visait, deuxièmement, la violation des articles 101 TFUE et 106 TFUE, en ce que Microsoft aurait conclu un partenariat stratégique illicite avec le gouvernement roumain, pouvant s’assimiler à une entente illégale ou à un comportement d’entente, conférant à Microsoft un monopole illégal en Roumanie.

9        Ensuite, la Commission a rappelé son large pouvoir d’appréciation dans le traitement des plaintes et l’applicabilité du critère de l’intérêt de l’Union. Elle a indiqué que, en l’espèce, les mesures d’investigation nécessaires pour examiner le comportement anticoncurrentiel allégué de Microsoft sur le marché de la fourniture des LAE/PGI seraient disproportionnées au regard des effets limités qu’il a ou est susceptible d’avoir sur le fonctionnement du marché intérieur et de la très faible probabilité de pouvoir établir la preuve d’une violation des articles 101 TFUE, 102 TFUE ou 106 TFUE.

10      Dans ce cadre, premièrement, elle s’est prononcée sur le marché pertinent. Elle a considéré que la question de savoir si le comportement dont la requérante se plaignait intervenait sur le marché des LAE ou sur le sous-segment du marché des PGI pouvait être laissée ouverte dans la mesure où Microsoft ne paraissait pas détenir de parts significatives de l’un ou de l’autre. L’appréciation ne serait donc pas modifiée selon que le marché pertinent serait celui des LAE ou celui des PGI. De plus, même si le marché de produits pertinent devait être défini comme étant « [l]e marché d’applications LAE/PGI pour les ‘infrastructures’ Microsoft Windows », comme le soutenait la requérante, l’appréciation qui en résulterait n’en serait pas fondamentalement modifiée.

11      Deuxièmement, elle a défini le marché géographique comme étant le marché mondial.

12      Troisièmement, concernant les allégations de violation de l’article 102 TFUE, la Commission a tout d’abord considéré qu’il était peu probable que Microsoft détînt une position dominante sur le marché pertinent ou sur les marchés pertinents. En effet, elle a relevé que, d’après les informations disponibles relatives au marché pertinent, la part de Microsoft sur le marché mondial des PGI était faible. Elle s’est fondée à cet égard sur des études indiquant que la part de marché en valeur de Microsoft sur le marché mondial des PGI était de 3 % en 2006 et de 4 % en 2007, dont une qualifie l’application Navision 3.60 de « produit de niche ». Il ressort également d’une de ces études que Microsoft détenait en 2008 une part de 2,4 % du marché mondial en valeur des PGI.

13      En outre, elle a souligné que la requérante, sans formellement contester ces informations disponibles, faisait valoir que Microsoft communiquait de fausses données aux cabinets d’études de marché. La Commission a estimé que rien ne lui permettait de douter de la fiabilité des données que Microsoft avait communiquées, ni des constatations que les cabinets d’études en avaient tirées, qui concordaient avec ses propres appréciations dans d’autres décisions sur des opérations de concentration. Elle en a conclu que, à première vue, la concurrence sur les marchés des PGI et des LAE était forte et que Microsoft n’en était pas l’un des principaux acteurs. Il paraissait donc peu probable que Microsoft eût une position dominante sur le marché pertinent ou sur les marchés pertinents.

14      Après avoir énoncé les infractions alléguées par la requérante (voir point 8 ci-dessus), la Commission a estimé que, « compte tenu de la faible part détenue par Microsoft sur le(s) marché(s), la probabilité de pouvoir établir une violation de l’article 102 TFUE du fait des infractions alléguées [était] très faible ».

15      Quatrièmement, s’agissant des allégations de violations des articles 101 TFUE et 106 TFUE, la Commission a examiné les affirmations de la requérante, selon lesquelles Microsoft aurait utilisé ses distributeurs en Roumanie pour l’exclure du marché. Elle a constaté que la documentation communiquée ne contenait aucun indice de l’existence probable d’un accord ou d’une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE. De même, s’agissant de l’allégation d’un partenariat stratégique avec le gouvernement roumain, la Commission a relevé que les contrats communiqués par la requérante afin d’étayer ses allégations étaient des extraits du Monitorul Oficial al României (publication des textes officiels roumains) portant publication de marchés publics de licences de logiciels achetées par le gouvernement roumain. Par conséquent, la question de savoir si de tels contrats avaient fait l’objet d’une juste adjudication à Microsoft sur le marché pertinent, plutôt qu’à un concurrent tel que la requérante, a été considérée comme relevant du domaine de la réglementation relative aux marchés publics et n’a pas été examinée dans la décision attaquée. Elle a ajouté que l’allégation suivant laquelle de simples contrats de marchés publics instaureraient un monopole de Microsoft sur le marché pertinent ou une entente avec le gouvernement roumain n’était pas étayée en l’absence de toute référence à des clauses concrètes de ces contrats ou à leur mise en œuvre de manière anticoncurrentielle sur le marché pertinent. Elle en a déduit qu’il était hautement improbable que puisse être établie une violation des articles 101 TFUE et 106 TFUE sur la base des informations communiquées par la requérante.

16      Enfin, la Commission a conclu que la probabilité que puisse être établie la preuve d’une violation des articles 101 TFUE, 102 TFUE et 106 TFUE sur la base des informations communiquées par la plaignante était extrêmement faible et qu’il n’y avait donc pas un intérêt de l’Union suffisant pour poursuivre les enquêtes sur les infractions alléguées. En conséquence, elle a rejeté la plainte en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004, sans préjudice des autres voies de recours possibles et en attirant l’attention de la requérante sur la compétence des autorités nationales de concurrence pour faire une pleine et entière application des articles 101 TFUE et 102 TFUE.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er février 2011, la requérante a introduit le présent recours.

18      Le 16 mai 2011, Microsoft a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par mémoire du 14 juin 2011, la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas d’observation à formuler à l’égard de cette demande en intervention. Par mémoire du 15 juin 2011, la requérante a demandé au Tribunal de rejeter cette demande en intervention.

19      Par ordonnance du 26 septembre 2011, Microsoft a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Le 10 novembre 2011, elle a déposé un mémoire en intervention. Le 21 décembre 2011, la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas d’observations à formuler. Le 6 janvier 2012, la requérante a présenté ses observations concernant ce mémoire.

20      Le 8 août 2012, au titre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a demandé aux parties de fournir certains documents et de répondre à certaines questions, ce qu’elles ont fait dans les délais impartis.

21      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ; 

–        renvoyer le dossier à la Commission et, à titre subsidiaire, statuer en faisant droit à sa plainte.

22      La Commission et l’intervenante demandent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, dénué de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a décidé d’inviter les parties à déposer certains documents et à répondre à certaines questions, ce que les parties ont fait dans le délai imparti.

24      Lors de l’audience du 16 janvier 2013, la requérante, régulièrement convoquée, ne s’est pas présentée, sans le moindre avertissement. La Commission et Microsoft ont été entendues en leurs plaidoiries.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité du second chef de conclusions

25      La Commission conteste la recevabilité du second chef de conclusions en ce que la requérante demande au Tribunal d’imposer à la Commission de prendre certaines mesures.

26      Pour autant que le second chef de conclusions peut être interprété, comme l’indique la Commission, comme visant à lui adresser une injonction, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union ou de se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce. Il incombe à l’institution concernée, en vertu de l’article 266 du TFUE, de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt rendu dans le cadre d’un recours en annulation (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, IECC/Commission, T‑133/95 et T‑204/95, Rec. p. II‑3645, points 52 et 53).

27      Pour autant que le second chef de conclusions, visant à renvoyer le dossier à la Commission ou, à titre subsidiaire, à statuer en faisant droit à sa plainte, peut être regardé comme tendant à ce que le juge de l’Union mette en œuvre un pouvoir de réformation, il y a lieu de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours en annulation, de substituer un autre acte à l’acte attaqué ou de procéder à sa réformation (voir ordonnance du Tribunal du 11 janvier 2012, Ben Ali/Conseil, T‑301/11, non publiée au Recueil, point 62, et la jurisprudence citée). Ainsi, si le Tribunal a le pouvoir d’annuler l’acte attaqué, il n’a pas celui de le réformer (voir arrêt du Tribunal du 11 octobre 2012, Novatex/Conseil, T‑556/10, non publié au Recueil, point 152, et la jurisprudence citée).

28      Dès lors, le second chef de conclusions, par lequel la requérante demande de renvoyer le dossier à la Commission ou de statuer sur le dossier et de faire droit à sa plainte, est irrecevable.

 Sur la recevabilité du recours au regard de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure

29      La Commission émet des doutes sur le caractère suffisamment clair du recours et sur sa recevabilité au regard de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. La Commission soutient que les trois premiers moyens ne sont pas clairs et que la requérante n’a pas fourni de précisions concernant les éléments de fait et les circonstances sur lesquelles elle s’appuie, même si elle n’exclut pas d’être en mesure de les interpréter pour présenter sa défense. La Commission fait valoir que le quatrième moyen est irrecevable, aux motifs qu’il ne remplit pas les conditions minimales de cohérence et d’intelligibilité lui permettant de présenter une défense appropriée et qu’il n’expose ni la base juridique invoquée ni les éléments de fait et de preuve, qui auraient mal été analysés. Elle allègue que la simple référence aux articles 101 TFUE et 106 TFUE ne constitue pas un argument et doit être également jugée irrecevable. En duplique, la Commission relève que la requérante ne clarifie pas les éléments invoqués à l’appui des deux premiers moyens, qu’elle rend la définition des marchés en cause encore moins claire et qu’elle ne réplique rien concernant les troisième et quatrième moyens.

30      La requérante soutient que sa demande est recevable et que les moyens sont clairement exprimés.

31      En vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

32      Selon une jurisprudence constante, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête même. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête. Il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec. p. II‑5527, points 55 à 57 ; ordonnances du Tribunal du 19 mai 2008, TF1/Commission, T‑144/04, Rec. p. II‑761, point 29, et du 20 janvier 2012, Groupe Partouche/Commission, T‑315/10, non publiée au Recueil, point 19).

33      En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans le cadre des trois premiers moyens invoqués par la requérante, celle-ci indique, avec suffisamment de clarté, qu’elle conteste l’appréciation de la Commission qui a conclu à l’absence d’intérêt de l’Union suffisant pour poursuivre l’examen de sa plainte et des éléments de fait et de droit qu’elle allègue.

34      Il y a donc lieu de considérer que, s’agissant des trois premiers moyens, l’argumentation développée dans la requête est suffisamment claire pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel sur la légalité de la décision litigieuse et à la Commission de présenter utilement sa défense.

35      Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante soutient être dans l’impossibilité de commercialiser son programme Isis.Net du fait du refus de Microsoft de coopérer avec l’ORDA. Ce refus empêcherait la requérante d’exercer ses droits sur le programme Isis.Net, de le commercialiser, de développer ses programmes et l’éliminerait du marché.

36      Force est de constater que, ce faisant, la requérante n’avance pas d’argumentation juridique visant à contester la légalité de la décision attaquée. Ce quatrième moyen apparaît donc davantage comme un exposé des conséquences, pour la requérante, des comportements allégués de Microsoft, que comme un moyen d’annulation de la décision attaquée.

37      En outre, la requérante opère un renvoi global aux pièces déposées dans le cadre de sa plainte, qui ont été communiquées au Tribunal à la suite des mesures d’organisation de la procédure.

38      Or, ainsi qu’il a été rappelé précédemment (voir point 32 ci-dessus), un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête et il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale.

39      Le quatrième moyen doit donc être rejeté comme irrecevable conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

40      Il s’ensuit que le présent recours doit être considéré comme recevable, dans la limite des trois premiers moyens.

 Sur le fond

41      La requérante conteste la décision attaquée en ce qu’elle a constaté l’absence d’intérêt suffisant de l’Union pour ouvrir une enquête sur les infractions alléguées et, en particulier, en ce que la Commission n’a pas pris en compte la position dominante de Microsoft sur le marché des systèmes d’exploitation pour ordinateurs personnels et son impact en l’espèce.

 Observations liminaires

42      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), dont les termes ont été en substance repris à l’article 7 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ne confère pas au plaignant le droit d’exiger de la Commission une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée et n’oblige pas la Commission à poursuivre en tout état de cause la procédure jusqu’au stade d’une décision finale (ordonnance de la Cour du 31 mars 2011, EMC Development/Commission, C‑367/10 P, non publiée au Recueil, point 73 ; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T‑24/90, Rec. p. II‑2223, point 75, et du 3 juillet 2007, Au lys de France/Commission, T‑458/04, non publié au Recueil, point 103).

43      En effet, la Commission, investie par l’article 105, paragraphe 1, TFUE de la mission de veiller à l’application des principes fixés par les articles 101 TFUE et 102 TFUE, est appelée à définir et à mettre en œuvre l’orientation de la politique de la concurrence de l’Union. Afin de s’acquitter efficacement de cette tâche, elle est en droit d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, Rec. p. I‑1341, points 88 et 89, et du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec. p. I‑3875, point 36).

44      La Commission est notamment en droit de se référer à l’intérêt de l’Union pour déterminer le degré de priorité à accorder aux différentes plaintes dont elle est saisie (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Automec/Commission, point 42 supra, point 85, et du 13 décembre 1999, Européenne automobile/Commission, T‑9/96 et T‑211/96, Rec. p. II‑3639, point 28).

45      Le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission à cet égard n’est cependant pas sans limites.

46      En effet, la Commission est tenue d’examiner attentivement l’ensemble des éléments de fait et de droit qui sont portés à sa connaissance par les plaignants (arrêt Ufex e.a./Commission, point 43 supra, point 86, et ordonnance EMC Development/Commission, point 42 supra, point 74).

47      En outre, la Commission est astreinte à une obligation de motivation lorsqu’elle refuse de poursuivre l’examen d’une plainte. La motivation devant être suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités, cette institution est tenue d’exposer les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre celle-ci (arrêt Ufex e.a./Commission, point 43 supra, points 90 et 91, et ordonnance EMC Development/Commission, point 42 supra, point 75).

48      Pour apprécier l’intérêt de l’Union qu’il y a à poursuivre l’examen d’une affaire, la Commission doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce et, notamment, des éléments de fait et de droit qui lui sont présentés dans la plainte dont elle est saisie. Il lui appartient, notamment, après avoir évalué, avec toute l’attention requise, les éléments de fait et de droit avancés par la partie plaignante, de mettre en balance l’importance de l’infraction alléguée pour le fonctionnement du marché intérieur, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 101 TFUE et 102 TFUE (arrêts du Tribunal Automec/Commission, point 42 supra, point 86, et du 15 décembre 2010, CEAHR/Commission, T‑427/08, Rec. p. II‑5865, point 158).

49      En revanche, étant donné que l’évaluation de l’intérêt de l’Union présenté par une plainte est fonction des circonstances de chaque espèce, il ne convient ni de limiter le nombre des critères d’appréciation auxquels la Commission peut se référer ni, à l’inverse, de lui imposer le recours exclusif à certains critères (voir arrêt IECC/Commission, point 43 supra, point 58, et arrêt du Tribunal du 9 mars 2012, Comité de défense de la viticulture charentaise/Commission, T‑192/07, non publié au Recueil, point 66, et la jurisprudence citée).

50      Enfin, il importe de relever que le contrôle juridictionnel des décisions de rejet de plaintes ne doit pas conduire le Tribunal à substituer son appréciation de l’intérêt de l’Union à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêts Automec/Commission, point 42 supra, point 80, et CEAHR/Commission, point 48 supra, point 65, et la jurisprudence citée).

 Sur le premier moyen

51      La requérante conteste le fait que la Commission ait refusé d’ouvrir une enquête à la suite de sa plainte, au motif que Microsoft n’occuperait pas une position dominante sur le marché des LAE/PGI. Elle distingue, d’une part, le premier marché, à savoir le marché des systèmes d’exploitation pour ordinateurs personnels, et, d’autre part, le second marché, à savoir le marché des LAE/PGI pour ces systèmes d’exploitation. Dans ce cadre, elle soutient que les motifs de la décision attaquée sont contraires à la jurisprudence selon laquelle la part de marché de Microsoft sur le second marché n’est pas pertinente compte tenu de la position dominante qu’occupe Microsoft sur le premier marché et de son impact sur le second marché. Elle se réfère, en particulier, à l’arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission (T‑201/04, Rec. p. II‑3601, ci-après l’« arrêt Microsoft »).

52      Premièrement, le Tribunal relève que la décision attaquée est fondée sur l’absence de position dominante de Microsoft sur le marché pertinent des LAE/PGI (voir point 12 ci-dessus).

53      À cet égard, la décision attaquée se réfère aux informations disponibles, et notamment aux études de trois cabinets de consultants, qui confirment la faible part de marché de Microsoft pour la période considérée. La Commission a donc déduit du nombre élevé d’entreprises présentes sur le marché et de la relative faible part de marché de chacune d’elles que les barrières à l’entrée sur ce marché étaient faibles. Il résulte de ces éléments que Microsoft n’est qu’un acteur mineur sur le marché des LAE/PGI, fortement fragmenté.

54      Dans ses observations en intervention, Microsoft se réfère également à des extraits de deux autres rapports qui confirment qu’elle n’occupe pas une position dominante sur le marché des LAE/PGI et qu’elle n’est pas même l’un des principaux acteurs de ce marché.

55      Le Tribunal relève que la requérante ne fournit aucun élément concret de nature à remettre en cause cette conclusion et qu’elle n’établit aucunement le caractère erroné de la décision attaquée sur ce point.

56      L’argument de la requérante selon lequel, dans la décision du 26 octobre 2004 (affaire COMP/M.3216 – Oracle/PeopleSoft) (ci-après la « décision Oracle et PeopleSoft »), la Commission aurait reconnu qu’il était difficile d’évaluer la répartition du marché entre les différentes sociétés qui commercialisent les LAE/PGI doit être écarté.

57      En effet, dans cette décision, qui concernait l’opération de concentration entre les sociétés Oracle et PeopleSoft, les marchés en cause étaient, au sein du marché des LAE, les marchés des « systèmes de gestion financière » (SGF) et des « ressources humaines » (RH) haute fonctionnalité et milieu de gamme (voir points 179 et 180 de la décision Oracle/PeopleSoft). Il s’agissait donc de segments du marché des LAE et non du marché en cause en l’espèce. Par ailleurs, dans cette affaire, la Commission avait indiqué que le calcul de la taille du marché s’était révélé particulièrement difficile en ce qui concerne les marchés en cause, étant donné que ni les études sectorielles librement accessibles ni les parties n’avaient fourni une ventilation du chiffre d’affaires des éditeurs selon la segmentation du marché (marché haut de gamme ou des grandes entreprises, marché milieu de gamme ou des entreprises moyennes et marché des petites entreprises) (voir point 181 de la décision Oracle/PeopleSoft). Une telle constatation n’est donc pas applicable en l’espèce au marché des LAE/PGI pris dans son ensemble.

58      En outre, les allégations de la requérante concernant la réduction significative de la concurrence sur le marché des LAE/PGI et sur l’existence des barrières à l’entrée sur ce marché ne sont étayées par aucun élément concret. Elles relèvent donc de la simple affirmation.

59      Dès lors, la requérante n’a pas établi que la décision reposerait sur des faits matériellement inexacts. Elle n’a pas davantage démontré l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission en ce qu’elle a constaté que la concurrence sur le marché de la fourniture des LAE/PGI était forte et qu’il était peu probable que Microsoft eût une position dominante sur ce marché.

60      Deuxièmement, il convient de considérer que, ainsi que la requérante le souligne, la position dominante de Microsoft existe sur le marché des systèmes d’exploitation pour ordinateurs personnels. Elle a été constatée par la Commission dans les considérants 430 à 435 de sa décision C (2004) 900, du 24 mars 2004, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] et de l’article 54 de l’accord EEE engagée contre Microsoft Corp. (Affaire COMP/C-3/37.792 – Microsoft) (résumé au JO 2007, L 32, p. 23), ainsi que par le Tribunal dans l’arrêt Microsoft, point 51 supra (points 387, 980 et 1038), relatif à cette décision, et n’est pas contestée en l’espèce par la Commission.

61      Toutefois, contrairement à ce que la requérante soutient, l’existence d’une telle position dominante ne suffit pas en soi à justifier l’ouverture d’une enquête par la Commission. À cet égard, il est de jurisprudence constante que la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique par elle-même aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée. En effet, l’article 102 TFUE n’a aucunement pour but d’empêcher une entreprise de conquérir, par ses propres mérites, la position dominante sur un marché (voir arrêts de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 57, et du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, non encore publié au Recueil, point 21, et la jurisprudence citée).

62      Certes, l’article 102 TFUE peut, dans certaines circonstances, être appliqué à un acte commis par une entreprise en position dominante sur un marché distinct du marché dominé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission, C‑333/94 P, Rec. p. I‑5951, point 25). Ainsi, s’agissant de marchés distincts, mais connexes, des circonstances particulières peuvent justifier une application de l’article 102 TFUE à un comportement constaté sur le marché connexe, non dominé, et produisant des effets sur ce même marché (arrêt Tetra Pak/Commission, précité, point 27 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, Rec. p. I‑527, points 84 à 86). De telles circonstances peuvent exister lorsque les comportements d’une entreprise verticalement intégrée en position dominante sur un marché en amont consistent à essayer d’évincer les concurrents au moins aussi efficaces sur le marché en aval. De tels comportements sont en effet susceptibles, en raison notamment des liens étroits entre les marchés concernés, d’avoir pour effet d’affaiblir la concurrence sur le marché en aval (arrêt TeliaSonera Sverige, précité, point 87).

63      Cependant, la requérante n’établit aucunement l’existence de telles circonstances particulières en l’espèce. Elle se borne à affirmer que la position dominante sur le premier marché a un impact sur le second marché. Elle ne fournit là non plus aucun élément venant étayer cette affirmation.

64      Le seul fait de se référer à l’arrêt Microsoft, point 51 supra, n’est pas suffisant à cet égard. En effet, dans cet arrêt, il a été constaté que la position quasi monopolistique détenue par Microsoft sur le marché des systèmes d’exploitation pour ordinateurs personnels lui permettait d’influer sur le marché des systèmes d’exploitation pour serveurs de groupe de travail et que son comportement abusif avait pour origine la position dominante qu’elle occupait sur le premier de ces marchés (arrêt Microsoft, point 51 supra, point 559). Toutefois, en l’espèce, le second marché n’est pas le même que dans l’arrêt Microsoft, point 51 supra, et les affirmations de la requérante ne suffisent pas à démontrer que les marchés en cause en l’espèce, bien que distincts, étaient connexes, ni à établir l’existence d’effets sur le marché non dominé.

65      À cet égard, il ressort des pièces du dossier que, pendant la procédure administrative, la requérante a évoqué, dans certains courriers adressés à la Commission, l’existence de liens commerciaux et technologiques étroits entre le marché des systèmes d’exploitation pour ordinateurs personnels et le marché des LAE/PGI (lettres des 17, 20 et 26 août 2010). Elle a également évoqué l’effet de levier constaté par le Tribunal au point 559 de l’arrêt Microsoft, point 51 supra (lettres des 9, 17 et 26 août 2010).

66      Toutefois, il ressort de l’examen des éléments du dossier que la requérante a évoqué ces éléments de façon générale et sans établir concrètement en quoi consisterait l’effet de levier en l’espèce.

67      De même, la requérante soutient, en réplique, que le refus de Microsoft de fournir les informations nécessaires pour garantir l’interopérabilité de Navision 3.60 avec les autres programmes du marché des LAE/PGI restreint la concurrence sur ce marché. Dans ses observations sur l’intervention de Microsoft, la requérante évoque la situation de vente liée et de subordination technique, qui obligerait le consommateur final à acheter les applications développées par Microsoft et réduirait la concurrence sur le marché des LAE/PGI.

68      Le Tribunal constate que, comme la Commission le souligne, ces arguments n’ont pas été soulevés dans la requête. À ce propos, il convient de rappeler que, selon l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de nouveaux moyens en cours d’instance est interdite, mais un moyen qui constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt de la Cour du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil, C‑301/97, Rec. p. I‑8853, point 169, et arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, non encore publié au Recueil, point 124, et la jurisprudence citée).

69      En l’espèce, le Tribunal relève que l’argument de la requérante concernant le refus de Microsoft de fournir les informations nécessaires pour garantir l’interopérabilité de Navision 3.60 avec les autres programmes du marché des LAE/PGI, soulevé en réplique, peut être considéré comme une ampliation du moyen relatif à la position dominante sur le premier marché et à son impact sur le second marché, soulevé dans la requête, et, partant, être considéré comme recevable.

70      Toutefois, l’argument de la requérante doit, en tout état de cause, être rejeté. En effet, elle renvoie à sa plainte et à certains passages de pièces produites pendant la procédure administrative. Ces renvois aux pièces de la procédure administrative, par le biais de notes de bas de pages se réfèrent à des passages desdites pièces qui concernent le marché pertinent des applications LAE/PGI et évoquent le marché des systèmes d’exploitation pour ordinateurs personnels. Il convient de relever que, dans ces passages, la requérante n’explique pas en quoi la position dominante de Microsoft sur le premier marché aurait un impact sur le second marché, ni en quoi consisterait l’effet de levier en l’espèce. Ces passages ne sont pas davantage relatifs au refus de Microsoft de fournir les informations nécessaires pour garantir l’interopérabilité de Navision 3.60 avec les autres programmes du marché des LAE/PGI. Dès lors, les renvois aux pièces de la procédure administrative effectués en l’espèce n’étayent pas les affirmations de la requérante concernant l’interopérabilité.

71      De plus, ainsi qu’il a été constaté aux points 52 à 58 ci-dessus, la décision attaquée se fonde sur l’absence de position dominante de Microsoft sur le marché pertinent des LAE/PGI, sur lequel la concurrence est forte, sans que la requérante ait établi le caractère erroné d’une telle constatation.

72      Dès lors, il convient de considérer que, par son argument concernant l’interopérabilité, la requérante n’apporte pas d’élément démontrant que la décision attaquée serait entachée d’illégalité.

73      Troisièmement, la requérante soutient que le refus de la Commission d’ouvrir une procédure d’enquête est injustifié au regard du caractère notoire des actes illicites et anticoncurrentiels que Microsoft aurait commis sur le second marché en tirant parti de sa position dominante sur le premier marché.

74      Pour autant que la requérante se réfère, dans la requête, au refus de Microsoft de mettre à disposition de l’ORDA le code source de Navision 3.60 pour résoudre le problème lié à ses droits d’auteur sur ses programmes, il convient de relever que cet argument est inopérant. En effet, ainsi qu’il est mentionné au point 12 de la décision attaquée (voir point 6 ci-dessus), cet aspect afférent aux droits de propriété intellectuelle de la requérante ne relève pas du droit de la concurrence et n’a pas été examiné par la Commission.

75      Pour autant que la requérante se réfère aux infractions énumérées au point 15 de la décision attaquée (voir point 8 ci-dessus), force est de constater qu’elle se prévaut du caractère notoire des comportements allégués, sans étayer autrement ses affirmations. Dès lors, une telle allégation d’ordre général ne saurait démontrer le caractère erroné de la décision attaquée. Au surplus, la Commission a refusé d’ouvrir la procédure au vu de la très faible probabilité d’établir la violation des dispositions invoquées compte tenu de la faible part détenue par Microsoft sur le marché pertinent (voir point 14 ci-dessus). Dès lors, elle ne s’est pas fondée sur l’examen des comportements allégués de Microsoft pour refuser d’ouvrir la procédure. À cet égard, il convient d’ailleurs de rappeler que le plaignant n’est pas en droit d’exiger de la Commission une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée et que les dispositions en vigueur n’obligent pas la Commission à poursuivre en tout état de cause la procédure jusqu’au stade d’une décision finale (voir point 42 ci-dessus).

76      Dès lors, l’argument de la requérante concernant les comportements prétendument anticoncurrentiels de Microsoft ne saurait être accueilli.

77      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen

78      La requérante soutient que le marché des technologies de l’information aussi bien en Roumanie que dans l’Union, dans le domaine des logiciels, de la recherche et du développement, est affecté par les actions, les méthodes et les moyens utilisés par la société Microsoft pour éliminer toute concurrence effective, ce qui attesterait de l’intérêt de l’Union en l’espèce. Elle souligne l’impact significatif des pratiques de Microsoft qui affecterait l’Union.

79      Ce faisant, elle se prévaut, en substance, de l’importance des infractions alléguées pour le fonctionnement du marché intérieur.

80      Il convient de rappeler que la notion de dysfonctionnement important du marché constitue l’un des critères d’évaluation de l’existence d’un intérêt suffisant de l’Union à l’instruction d’une plainte par la Commission. Dans ce cadre, il est tenu compte de la gravité des atteintes alléguées à la concurrence et de la persistance de leurs effets, ce qui implique notamment de tenir compte de la durée et de l’importance des infractions dénoncées ainsi que de leur incidence sur la situation de la concurrence dans l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C‑425/07 P, Rec. p. I‑3205, points 52 et 53, et ordonnance du Tribunal du 19 mars 2012, Associazione « Giùlemanidallajuve »/Commission, T‑273/09, non encore publiée au Recueil, point 51).

81      La Commission soulève le caractère inopérant de ce moyen, dès lors qu’elle n’a pas fondé sa décision sur ce critère.

82      Le Tribunal relève que, en l’espèce, ainsi que la Commission l’indique, la décision attaquée est fondée, au regard de l’article 102 TFUE, sur l’absence de position dominante de Microsoft sur le marché des applications LAE/PGI et, au regard des articles 101 TFUE et 106 TFUE, sur la très faible probabilité qu’une infraction puisse être constatée compte tenu du peu d’informations fournies.

83      Dès lors, même si la décision attaquée évoque les effets limités du comportement anticoncurrentiel allégué de Microsoft sur le fonctionnement du marché intérieur (voir point 9 ci-dessus), elle n’est pas fondée sur ce critère. D’ailleurs, les comportements anticoncurrentiels allégués sont énumérés, mais ne sont pas analysés dans la décision attaquée (voir point 14 ci-dessus).

84      Ce moyen doit donc être considéré comme étant inopérant.

85      En outre et en tout état de cause, l’argumentation de la requérante doit être rejetée comme étant non fondée.

86      En effet, elle se borne à affirmer que le marché des technologies de l’information serait affecté aussi bien en Roumanie que dans l’Union et à souligner l’impact significatif des pratiques de Microsoft dans l’Union, sans toutefois étayer ses affirmations. L’allégation selon laquelle les technologies de l’information, et donc le marché des LAE/PGI, présentent une importance fondamentale pour le développement industriel de l’Union ne suffit à démontrer ni l’importance des infractions alléguées ni leur incidence sur la situation de la concurrence dans l’Union au sens de la jurisprudence applicable (voir point 80 ci-dessus).

87      En outre, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté précédemment (voir points 52 à 58 ci-dessus), la décision attaquée se fonde sur l’absence de position dominante de Microsoft sur le marché pertinent des LAE/PGI, sur lequel la concurrence est forte, sans que la requérante ait établi le caractère erroné d’une telle constatation. Enfin, contrairement à ce qu’affirme la requérante , les circonstances de l’espèce sont différentes de celles de l’arrêt Microsoft, point 51 supra.

88      Dès lors, la requérante ne démontre pas que la décision attaquée serait entachée d’illégalité à cet égard.

89      Le courrier du chef de la délégation de la Commission à Bucarest (Roumanie), du 23 juin 2005, adressé à la requérante , qui évoque l’importance de l’application de l’acquis communautaire en Roumanie, n’est pas de nature à infirmer cette conclusion.

90      En réplique, la requérante soutient également que la Commission n’a pas étudié en détail les éléments portés à sa connaissance.

91      Toutefois, elle ne précise pas quels éléments de fait ou de droit portés à la connaissance de la Commission auraient été négligés de sorte à entacher d’illégalité la décision attaquée.

92      Enfin, elle soutient que la Commission n’a pas effectué la mise en balance nécessaire pour apprécier l’intérêt de l’Union.

93      Il convient de rappeler que, pour apprécier l’intérêt de l’Union qu’il y a à poursuivre l’examen d’une affaire, il appartient à la Commission, notamment, après avoir évalué, avec toute l’attention requise, les éléments de fait et de droit avancés par la partie plaignante, de mettre en balance l’importance de l’infraction alléguée pour le fonctionnement du marché intérieur, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 101 TFUE et 102 TFUE (voir la jurisprudence rappelée au point 48 ci-dessus).

94      Cependant, l’évaluation de l’intérêt de l’Union présenté par une plainte est fonction des circonstances de chaque espèce et il ne convient ni de limiter le nombre des critères d’appréciation auxquels la Commission peut se référer ni, à l’inverse, de lui imposer le recours exclusif à certains critères (voir la jurisprudence rappelée au point 49 ci-dessus).

95      Or, en l’espèce, le critère utilisé par la Commission dans la décision attaquée, afférent à la très faible probabilité de pouvoir établir une violation de l’article 102 TFUE compte tenu de la faible part détenue par Microsoft sur le marché pertinent, doit être considéré comme suffisant. La requérante n’apporte aucun élément de nature à démontrer que l’appréciation de la Commission en l’espèce serait manifestement erronée.

96      Cet argument est donc également dénué de fondement.

97      Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen

98      La requérante soutient que la position dominante de Microsoft sur le marché roumain et ses accords avec l’État roumain ont pour effet d’imposer aux tiers d’utiliser des programmes de Microsoft pour des raisons de compatibilité. Cette position sur le marché roumain affecterait le premier et le second marché et empêcherait l’existence et le développement de concurrents. La Commission, en ignorant cette position dominante, aurait erronément refusé d’examiner sa plainte.

99      D’une part, pour autant que ce moyen vise l’article 102 TFUE, il convient de constater que les arguments invoqués rejoignent ceux rejetés dans le cadre du premier moyen. Il y a donc lieu de rejeter ce moyen pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 51 à 77 ci-dessus.

100    D’autre part, pour autant que ce moyen viserait à contester l’appréciation de la Commission au regard des articles 101 TFUE et 106 TFUE, cet argument doit également être rejeté.

101    En effet, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que les allégations de partenariat stratégique avec le gouvernement roumain relevaient du domaine de la réglementation relative aux marchés publics et que celles concernant le monopole de Microsoft ou l’existence d’une entente entre Microsoft et le gouvernement roumain n’étaient pas étayées (voir point 15 ci-dessus). La Commission a donc conclu qu’il était hautement improbable que puisse être établie une violation des articles 101 TFUE et 106 TFUE sur la base des informations communiquées par la plaignante.

102    Le Tribunal relève que la requérante n’avance aucune argumentation étayée visant à contester cette appréciation de la Commission au regard des articles 101 TFUE et 106 TFUE et se borne à affirmer que les pratiques de Microsoft sur le marché roumain sont illicites et anticoncurrentielles.

103    Dès lors, le troisième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

104    Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a avancé aucun élément concret et substantiel à l’appui de ses affirmations permettant d’établir que la décision attaquée serait entachée d’illégalité. En effet, en application de la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus, il convient de constater que la Commission ne s’est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et n’a pas commis d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ni de détournement de pouvoir.

105    Il s’ensuit que le présent recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

106    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de Microsoft.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Omnis Group Srl est condamnée aux dépens.

Forwood   Dehousse  Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mai 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le roumain.