Language of document : ECLI:EU:T:2018:512

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT
DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

27 juillet 2018 (*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire T‑827/17,

Aeris Invest Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes R. Vallina Hoset, A. Sellés Marco, C. Iglesias Megías et A. Lois Perreau de Pinninck, avocats,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mme T. Filipova, et M. D. Báez Seara, en qualité d’agents, assistés de Me M. Kottmann, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions LS/MD/17/405, LS/PT/17/406 et LS/MD/419 de la BCE, du 7 novembre 2017, rejetant des demandes de la requérante visant à obtenir l’accès à certains documents concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español,

rend la présente

Ordonnance

 Procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2017, la requérante, qui prétend être actionnaire de Banco Popular Español SA (ci-après « Banco Popular »), a introduit, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, un recours tendant à l’annulation des décisions LS/MD/17/405, LS/MD/17/406 et LS/MD/17/419 de la BCE, du 7 novembre 2017, rejetant ses demandes d’accès à certains documents concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular.

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2018, Banco Popular a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la BCE.

3        Cette demande d’intervention a été signifiée aux parties conformément à l’article 144, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 avril 2018, la requérante a soulevé des objections à l’encontre de cette demande. La BCE n’a pas soulevé d’objections.

4        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 25 avril 2018, la requérante a déposé, en vertu de l’article 84 du règlement de procédure, un complément à ses objections du 4 avril 2018 qui, par décision du président de chambre du 2 mai 2018, a été versé au dossier de l’affaire et qui a fait l’objet d’observations de la part de Banco Popular.

 En droit

5        À l’appui de sa demande d’intervention, Banco Popular fait valoir que, en sa qualité d’« entité objet du contenu des documents auxquels l’accès a été refusé », elle dispose d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige dans la mesure où les décisions attaquées garantissent la confidentialité, d’une part, des informations relatives à la surveillance prudentielle de la BCE sur elle-même et, d’autre part, de ses informations commerciales.

6        Banco Popular affirme par ailleurs que son intérêt à intervenir dans la présente affaire est justifié par le fait qu’elle a également demandé à intervenir dans deux autres recours que la requérante a introduits auprès du Tribunal.

7        La requérante ne conteste pas que Banco Popular dispose d’un intérêt actuel et direct à la solution du présent litige, mais soutient que la demande d’intervention de cette dernière doit néanmoins être rejetée dans la mesure où Banco Popular et Banco Santander, qui détient 100% du capital de Banco Popular, constituent une seule entité économique et défendent donc le même intérêt. Selon la requérante, il ressort de l’ordonnance du 18 mars 1997, Coca-Cola/Commission (T‑125/97 et T‑127/97) que l’intérêt à intervenir est directement lié à la position d’actionnaire majoritaire, si bien que seule Banco Santander aurait un intérêt suffisamment direct et actuel à intervenir au présent litige. L’admission à l’intervention d’une société mère et de sa filiale se heurterait au principe d’économie de la procédure qui inciterait à éviter la multiplicité d’interventions individuelles.

8        Dans son complément aux observations sur la demande en intervention de Banco Popular, la requérante a porté à la connaissance du Tribunal le fait que Banco Popular et Banco Santander ont soumis, auprès de la Comisión Nacional del Mercado de Valores (commission nationale du marché des valeurs, Espagne), un projet de fusion par absorption. Selon la requérante, ledit projet prévoit une succession à titre universel de Banco Popular par Banco Santander. Comme Banco Santander serait la seule entité juridique survivante après la réalisation de ladite fusion par absorption, les arguments soulevés à l’encontre de la demande d’intervention de Banco Popular s’en trouveraient renforcés.

9        En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige. Les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties.

10      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt à intervenir. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain. En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention [voir ordonnance du 6 octobre 2015, Metalleftiki kai Metallourgiki Etairia Larymnis Larko/Commission, C‑362/15 P(I), EU:C:2015:682, points 6 à 7 et jurisprudence citée].

11      Comme le soulève à juste titre la BCE, il a été jugé, en matière d’accès aux documents, qu’une personne morale a un intérêt direct et actuel à intervenir dans un litige lorsque la décision par laquelle l’accès à certains documents a été refusé est fondée, notamment, sur la protection des intérêts commerciaux de cette personne (ordonnance du 6 mars 2009, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑237/05, non publiée, EU:T:2009:58, point 14).

12      En l’espèce, deux des trois décisions attaquées, à savoir les décisions LS/MD/17/406 et LS/MD/17/419, sont fondées, notamment, sur la protection des intérêts commerciaux de Banco Popular. Il s’ensuit, en vertu de la jurisprudence citée au point précédent, que Banco Popular a un intérêt direct et actuel à la solution du litige et que, partant, il y a lieu d’admettre sa demande d’intervention.

13      Cette appréciation n’est pas remise en cause par les arguments soulevés par la requérante.

14      En premier lieu, il convient de rejeter l’argument de la partie requérante selon lequel il convient de tenir compte conjointement des intérêts d’une société mère et de sa filiale, qui forment une unité économique. En effet, cet argument manque, en l’espèce, en fait, étant donné que les décisions attaquées LS/MD/17/406 et LS/MD/17/419 mentionnent séparément les intérêts commerciaux de Banco Popular et de Banco Santander, afin de refuser l’accès à certaines parties des documents dont la divulgation affecterait leurs intérêts commerciaux. Il s’ensuit que Banco Popular a un intérêt propre à intervenir dans la présente affaire.

15      En deuxième lieu, en ce qui concerne la circonstance que Banco Popular et Banco Santander ont soumis un projet de fusion par absorption auprès de la commission nationale du marché des valeurs, il y a lieu de constater que ledit projet n’a aucune incidence sur l’appréciation de l’intérêt de Banco Popular à intervenir dans le présent litige. Comme le soulève à juste titre Banco Popular, la soumission du projet de fusion par absorption n’est que l’une des démarches auxquelles le droit espagnol soumet l’approbation d’une fusion par absorption et n’a donc, pour l’instant, pas produit d’effet quelconque sur la situation de Banco Popular. Le Tribunal prend acte de l’engagement du représentant de Banco Popular de l’informer dès que la fusion aura eu lieu. Il reviendra à ce moment-là au Tribunal d’apprécier si l’intérêt à la solution du litige de Banco Popular perdure.

16      En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel l’intérêt à intervenir d’un actionnaire majoritaire supprime celui de la société dans laquelle une participation est détenue, il suffit de constater, à l’instar de la BCE, que cet argument repose sur une lecture erronée de l’ordonnance du 18 mars 1999, Coca-Cola/Commission (T‑125/97 et T‑127/97). Dans cette ordonnance, le Tribunal a uniquement jugé que Virgin Trading Company, qui en cours d’instance était devenu l’actionnaire majoritaire de The Virgin Cola Company, l’entreprise qui avait été partie à la procédure administrative à l’origine de la procédure devant le Tribunal, avait un intérêt à intervenir en tant que tel. En revanche, le Tribunal n’a pas estimé dans cette ordonnance qu’en cas de demande simultanée d’une société mère et de sa filiale à intervenir, l’intérêt de la société mère l’emporterait sur l’intérêt de sa filiale.

17      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argument selon lequel l’admission à l’intervention d’une société mère et de sa filiale se heurterait au principe d’économie de procédure, il suffit de constater que la jurisprudence citée par la requérante à l’appui de cet argument n’est pas pertinente en l’espèce. Comme le soulève à juste titre Banco Popular, dans les arrêts cités par la requérante, à savoir les arrêts du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368), du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission (T‑325/09 P, EU:T:2011:506), et du 10 juillet 2014, Missir Mamachi di Lusignano/Commission (T‑401/11 P, EU:T:2014:625), aucune demande d’intervention n’a été refusée et les demandeurs en intervention n’ont pas été obligés à comparaître devant la Cour ou le Tribunal avec une représentation commune.

18      En tout état de cause, le prétendu non-respect du principe d’économie de procédure ne saurait prévaloir sur le droit de Banco Popular d’intervenir dans le présent litige.

19      La demande d’intervention ayant été introduite conformément à l’article 143 du règlement de procédure et le demandeur en intervention ayant justifié son intérêt à la solution du litige, il y a lieu de l’admettre, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de son article 53, premier alinéa.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Banco Popular Español, SA, est admise à intervenir dans l’affaire T827/17, au soutien des conclusions de la Banque Centrale européenne.

2)      Une copie de toutes les pièces de procédure sera signifiée, par les soins du greffier, à la partie intervenante.

3)      Un délai sera fixé à la partie intervenante pour présenter un mémoire en intervention.

4)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 27 juillet 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins


*      Langue de procédure : l’espagnol.