Language of document : ECLI:EU:C:2019:644

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 29 juillet 2019 (1)

Affaire C421/18

Ordre des avocats du barreau de Dinant

contre

JN

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de première instance de Namur (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice –Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (UE) nº 1215/2012 – Article 1er, paragraphe 1 – Notion de “matière civile et commerciale” – Article 7, point 1 – Compétence spéciale en matière contractuelle – Notion de “matière contractuelle” – Demande de paiement des cotisations annuelles dues par un avocat à un ordre des avocats – Obligation juridique librement consentie »






I.      Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle, formée par le tribunal de première instance de Namur (Belgique), porte sur l’interprétation de l’article 7, point 1, du règlement (UE) nº 1215/2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après le « règlement Bruxelles I bis ») (2).

2.        Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant l’ordre des avocats du barreau de Dinant (Belgique) à M. JN au sujet du non‑paiement, par ce dernier, des cotisations professionnelles annuelles dues au premier. Ces cotisations annuelles découlent de l’inscription de M. JN à l’ordre des avocats du barreau de Dinant, qui est obligatoire conformément au code judiciaire belge pour exercer le métier d’avocat en Belgique.

3.        Étant domicilié en France, M. JN a contesté la compétence internationale de la juridiction de renvoi pour connaître de ce litige.

4.        Dans ce contexte, cette juridiction cherche à savoir si l’action d’un ordre des avocats, ayant pour objet d’obtenir la condamnation d’un de ses membres au paiement des cotisations professionnelles annuelles qui lui sont dues constitue une action « en matière contractuelle » au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

5.        À l’issue de mon exposé, je proposerai à la Cour de répondre à cette question en ce sens qu’une action portant sur une obligation de paiement des cotisations annuelles constituées essentiellement de primes d’assurance et découlant d’une décision émanant d’un ordre des avocats, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, et auquel la loi nationale impose aux avocats de s’inscrire, doit être regardée comme relevant de la notion de « matière contractuelle » au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

II.    Le cadre juridique

A.      Le règlement Bruxelles I bis 

6.        Le considérant 16 du règlement Bruxelles I bis énonce :

« Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice. L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir. [...] »

7.        L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). »

8.        La section 2 dudit règlement, intitulée « Compétences spéciales », prévoit à son article 7, point 1:

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1)      a)      en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande;

b)      aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

–        pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

–        pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c)      le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ; »

B.      Le code judiciaire belge

9.        L’article 428, premier alinéa, du code judiciaire belge énonce :

« Nul ne peut porter le titre d’avocat ni en exercer la profession s’il n'est Belge ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, porteur du diplôme de docteur ou de licencié en droit, s’il n’a prêté le serment visé à l’article 429 et s’il n’est inscrit au tableau de l’Ordre ou sur la liste des stagiaires. »

10.      L’article 443 indique que le conseil de l’Ordre peut imposer aux avocats inscrits au tableau, aux avocats qui exercent leur profession sous le titre professionnel d’un autre État membre de l’Union européenne, aux avocats stagiaires et aux avocats honoraires, le paiement des cotisations fixées par lui.

III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

11.      À une date non précisée, M. JN a été admis à l’ordre des avocats du barreau de Dinant.

12.      M. JN déclare avoir fixé sa résidence en France dans le courant des années 1990, tout en restant inscrit à l’ordre des avocats du barreau de Dinant, auquel il a versé des cotisations annuelles jusqu’en 2012.

13.      Par courrier en date du 29 mai 2015, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Dinant a demandé à M. JN d’acquitter les cotisations dues pour les années 2013, 2014 et 2015. À cet égard, il ressort de ce courrier, d’une part, que le fait d’être inscrit à l’ordre des avocats « procure des avantages non négligeables au niveau des assurances » et que les cotisations dues à cet ordre « sont, en réalité, essentiellement constituées de primes d’assurance payées par cet ordre » et, d’autre part, qu’en constatant que M. JN était très peu actif comme avocat mais toujours inscrit à l’ordre des avocats, le bâtonnier de celui‑ci lui a proposé de réduire le montant de ses cotisations à celui des primes d’assurance payées par l’ordre ainsi que de procéder à des paiements fractionnés.

14.      Faute de réponse et de paiement reçu de la part de M. JN, des rappels lui ont été adressés le 11 décembre 2015 et le 21 décembre 2016. Ces courriers de rappel étant restés sans réponse, l’ordre des avocats a enjoint M. JN de régler ses cotisations annuelles par une mise en demeure datée du 23 janvier 2017.

15.      À la suite de cette mise en demeure, M. JN a envoyé à l’ordre un courrier dans lequel il expliquait rencontrer des difficultés financières qui ne lui permettaient pas de verser plus de cent euros par mois afin de régler les cotisations réclamées.

16.      Toutefois, aucun paiement n’ayant été effectué par M. JN, l’ordre des avocats du barreau de Dinant l’a assigné à comparaître devant le tribunal de première instance de Namur, la juridiction de renvoi, par une citation du 17 mai 2017, en demandant à celle-ci de le condamner au paiement de la somme de 7 277,70 euros, majorée des intérêts ainsi que des frais et dépens de l’instance.

17.      Par lettre du 16 mai 2017, adressée au bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Dinant, M. JN a sollicité son omission du tableau et la possibilité d’échelonner ses paiements sur une durée de vingt‑quatre mois.

18.      Devant la juridiction de renvoi, M. JN a contesté la compétence de cette juridiction sur le fondement du règlement Bruxelles I bis. Selon lui, l’inscription à l’ordre des avocats du barreau de Dinant aux fins de l’exercice de la profession d’avocat n’est pas de nature contractuelle au sens de l’article 7, point 1, de ce règlement, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un contrat résultant de l’autonomie de la volonté et d’un libre choix, mais d’une formalité administrative et d’une obligation légale.

19.      L’ordre des avocats du barreau de Dinant prétend au contraire qu’en maintenant son inscription à cet ordre, M. JN a souscrit à l’égard dudit ordre un engagement à payer les cotisations annuelles fixées par lui, de sorte que cet engagement doit être assimilé à un engagement contractuel, au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

20.      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’applicabilité de l’article 7, point 1, dudit règlement en l’espèce et, notamment, sur le point de savoir si l’interprétation retenue par la Cour dans l’arrêt Peters Bauunternehmung (3) peut être appliquée. Aux termes de cette jurisprudence, les obligations trouvant leur fondement dans le lien d’affiliation existant entre une association et ses adhérents doivent être regardées comme relevant de la « matière contractuelle » au sens de cette disposition.

21.      Dans ces conditions, par décision du 21 juin 2018, parvenue à la Cour le 28 juin 2018, le tribunal de première instance de Namur a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’action d’un ordre d’avocats, ayant pour objet d’obtenir la condamnation d’un de ses membres au paiement des cotisations professionnelles annuelles qui lui sont dues, constitue-t-elle une action en “matière contractuelle” au sens de l’article 7, [point 1], du [règlement Bruxelles I bis]? »

22.      Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements italien et lituanien ainsi que par la Commission européenne.

IV.    Analyse

23.      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’action d’un ordre des avocats, visant à obtenir la condamnation d’un de ses membres au paiement des cotisations professionnelles annuelles qui lui sont dues constitue une action « en matière contractuelle » au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

24.      D’emblée, je relève que la Commission nourrit des doutes quant à l’applicabilité du règlement Bruxelles I bis dans l’affaire au principal, dès lors que certains litiges opposant un organisme public à une personne de droit privé sont exclus du champ d’application de ce règlement et que l’ordre des barreaux francophones et germanophone (ci-après l’« OBFG »), dont l’ordre des avocats du barreau de Dinant fait partie, est une personne morale de droit public.

25.      La juridiction de renvoi n’ayant pas posé de question sur ce point, ni fait de commentaires à cet égard dans la décision de renvoi, je suppose qu’elle considère que le règlement Bruxelles I bis est bien applicable dans l’affaire au principal.

26.      Toutefois, eu égard aux observations de la Commission, je formulerai, à titre liminaire, des remarques sur ce point (section A). Dans la mesure où le dossier national dont la Cour dispose ne comprend pas suffisamment d’éléments à cet égard, mes remarques se limiteront à des observations générales afin de permettre à la juridiction de renvoi de vérifier si le règlement Bruxelles I bis s’applique au litige au principal.

27.      Ensuite, je procèderai à l’analyse de la question posée, qui vise à savoir si une action, telle que celle en cause au principal, relève de la notion de « matière contractuelle » au sens de l’article 7, point 1, de ce règlement (section B).

A.      Sur le champ d’application du règlement Bruxelles I bis

28.      En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, première phrase du règlement Bruxelles I bis, celui-ci s’applique « en matière civile et commerciale ».

29.      Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la notion de « matière civile et commerciale » est une notion autonome qu’il faut interpréter en se référant, d’une part, aux objectifs et au système du règlement Bruxelles I bis et, d’autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l’ensemble des ordres juridiques nationaux. En outre, la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur ainsi que celle d’éviter, pour le fonctionnement harmonieux de la justice, que des décisions irréconciliables ne soient rendues dans les États membres requièrent une interprétation large de ladite notion de « matière civile et commerciale » (4).

30.      L’interprétation dont a fait l’objet la notion de « matière civile et commerciale » a conduit à exclure certaines décisions juridictionnelles du champ d’application du règlement Bruxelles I bis en raison des éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige ou l’objet de celui-ci (5).

31.      La Cour a ainsi considéré que, si certains litiges opposant une autorité publique à une personne de droit privé peuvent relever du champ d’application du règlement Bruxelles I bis, il en est autrement lorsque l’autorité publique agit dans l’exercice de la puissance publique (6). En effet, la manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une des parties au litige, en raison de l’exercice par celle‑ci de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, exclut un tel litige de la matière civile et commerciale au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement (7).

32.      En l’occurrence, ainsi que je l’ai indiqué au point 24 des présentes conclusions, la Commission fait remarquer que l’OBFG, dont l’ordre des avocats du barreau de Dinant fait partie, est une personne morale de droit public, qui est dotée de la personnalité juridique, et dont l’organisation et le fonctionnement sont régis par le code judiciaire belge (8).

33.      Je constate qu’aux termes de cette réglementation, l’OBFG a pour mission de veiller à l’honneur, aux droits et aux intérêts professionnels communs des avocats et qu’il dispose d’un certain nombre de compétences à cet effet (9).

34.      Il apparaît, dès lors, que l’ordre des avocats du barreau de Dinant, faisant partie de l’OBFG, est investi d’une mission de service public, à savoir celle de procurer les garanties d’intégrité et d’expérience aux consommateurs finaux des services juridiques et d’assurer la bonne administration de la justice (10).

35.      À supposer que tel soit bien le cas, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, aux fins de déterminer si le règlement Bruxelles I bis s’applique au litige au principal, il convient d’apprécier si, en exigeant le paiement des cotisations annuelles qui font l’objet de l’action du litige au principal, l’ordre des avocats du barreau de Dinant agit dans l’exercice de prérogatives de puissance publique.

36.      Aux fins de cette appréciation, il y a lieu d’examiner la nature des cotisations annuelles (11) ainsi que le fondement et les modalités d’exercice de l’action intentée (12).

37.      S’agissant de la nature des cotisations annuelles, elles ne me semblent pas être l’expression de prérogatives de puissance publique.

38.      En effet, en vertu de l’article 433 du code judiciaire belge, le conseil de l’ordre peut imposer aux avocats inscrits au tableau le paiement des cotisations fixées par lui. La Commission observe à cet égard qu’il semble ressortir de l’article 2 du règlement de l’OBFG que les cotisations sont concrètement déterminées par l’assemblée générale de ce dernier.

39.      Je rappelle qu’il ressort du courrier du 29 mai 2015, envoyé par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Dinant à M. JN, que les cotisations annuelles dues à l’ordre sont, essentiellement, constituées de primes d‘assurance payées par cet ordre et que l’inscription audit ordre procure des avantages en termes d’assurance (13). Tel que je comprends ce constat, l’OBFG a souscrit, auprès d’une compagnie d’assurance, une assurance obligatoire de responsabilité professionnelle pour les avocats inscrits auprès de l’OBFG.

40.      En outre, je rappelle qu’il ressort du même courrier que l’ordre serait d’accord pour réduire le montant des cotisations à concurrence de celui correspondant aux primes d’assurance payées par l’ordre (14).

41.      Dans ces circonstances du moins, il me semble qu’il ne s’agit pas de redevances dues pour un service public, qui sont exclues du champ d’application du règlement Bruxelles I bis (15), mais d’une rémunération pour un service fourni par l’ordre des avocats, ce que semble indiquer également la Commission.

42.      Quant au fondement et aux modalités d’exercice de l’action intentée, il me semble, ainsi que l’indique la Commission dans ses observations, que ceux-ci ne sont pas non plus l’expression d’une prérogative de puissance publique.

43.      En effet, comme l’observe la Commission, il apparaît que, pour pouvoir obtenir le paiement des cotisations annuelles dues, l’ordre des avocats est contraint d’intenter une action en justice et ce dernier ne semble pas disposer de la faculté d’obtenir ce règlement d’une autre manière, par exemple en adoptant un acte de droit public, ayant force exécutoire par lui-même.

44.      Eu égard à tout ce qui précède, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si le litige au principal relève du champ d’application du règlement Bruxelles I bis. À première vue, il me semble que tel est le cas.

45.      Dans les développements qui suivent, je présume que le litige au principal a pour objet une action en matière civile et commerciale au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis et, partant, qu’il relève du champ d’application de ce règlement.

B.      Sur l’applicabilité de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis

46.      La question préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence fournie relative à l’interprétation de la notion de « matière contractuelle » au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis (16). La question préjudicielle devant recevoir une réponse à l’aune de cette jurisprudence, j’estime nécessaire d’en rappeler certains aspects, tout d’abord, (section 1), avant de procéder, ensuite, à l’analyse de la question préjudicielle (section 2).

1.      Sur la jurisprudence de la Cour relative à la notion de « matière contractuelle » au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis

47.      À titre liminaire, je rappelle que les règles de compétence prévues au chapitre II du règlement Bruxelles I bis sont fondées sur le principe général, énoncé à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, selon lequel les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites devant les juridictions de cet État (17).

48.      Ce principe est toutefois complété par d’autres règles de compétence en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice, parmi lesquelles figure celle prévue à l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis relatif à la « matière contractuelle » (18).

49.      La notion de « matière contractuelle » visée à cet article 7, point 1, est une notion autonome qu’il faut interpréter en se référant principalement au système et aux objectifs dudit règlement (19).

50.      À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour que, si l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis n’exige pas la conclusion d’un contrat, l’identification d’une obligation est néanmoins indispensable à l’application de celui-ci, étant donné que la compétence juridictionnelle en vertu de cette disposition est établie en fonction du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée. Ainsi, la notion de « matière contractuelle », au sens de ladite disposition, ne saurait être comprise comme visant une situation dans laquelle il n’existe aucun engagement librement assumé d’une partie envers une autre (20).

51.      Par conséquent, l’application de la règle de compétence spéciale prévue en matière contractuelle à l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis présuppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur (21).

52.      À cet égard, je rappelle, tout d’abord, qu’il ressort de l’arrêt Peters Bauunternehmung, auquel la juridiction de renvoi fait référence (22), que les obligations qui trouvent leur fondement dans le lien d’affiliation existant entre une association et ses adhérents doivent être regardées comme des obligations librement consenties.

53.      L’affaire ayant donné lieu à cet arrêt portait sur la qualification d’une obligation de paiement fondée sur l’adhésion volontaire d’une entreprise à une association d’entreprises. Le paiement concerné avait été mis à la charge de cette entreprise en application d’une règle interne édictée par les organes de l’association et obligatoire pour les membres de celle-ci (23).

54.      La Cour a jugé à cet égard que « l’adhésion à une association crée entre les associés des liens étroits de même type que ceux qui s’établissent entre les parties à un contrat », de sorte qu’il est légitime de considérer les obligations concernées comme des obligations contractuelles aux fins de l’application de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis. Elle a ajouté qu’il est indifférent à cet égard que l’obligation découle directement de l’adhésion ou résulte tout à la fois de celle-ci et d’une décision d’un organe de l’association (24).

55.      Par la suite, la Cour a appliqué par analogie cette jurisprudence dans l’arrêt Powell Duffryn (25) en jugeant que les statuts d’une société doivent être considérés comme un contrat régissant à la fois les rapports entre les actionnaires et les rapports entre ceux-ci et la société qu’ils créent. En effet, selon la Cour, la constitution d’une société traduit l’existence d’une communauté d’intérêts entre les actionnaires dans la poursuite d’un objectif commun et, afin de réaliser cet objectif, chaque actionnaire est investi, vis-à-vis des autres actionnaires et des organes de la société, de droits et d’obligations qui trouvent leur expression dans les statuts de la société. La Cour a conclu qu’une clause attributive de juridiction figurant dans les statuts d’une société anonyme constitue une convention, liant l’ensemble des actionnaires (26).

56.      Comme l’a expliqué la Cour, en devenant et en demeurant actionnaire d’une société, l’actionnaire donne son consentement pour se soumettre à l’ensemble des dispositions figurant dans les statuts de la société et aux décisions adoptées par les organes de la société, conformément aux dispositions du droit national applicable et des statuts, même si certaines de ces dispositions ou décisions ne rencontrent pas son accord (27).

57.      À mon sens, le raisonnement sous-jacent à la jurisprudence précitée est que, lorsqu’une personne morale ou physique a volontairement adhéré à une personne morale (par exemple une association ou une société), cette personne morale ou physique consent à se soumettre à l’ensemble des obligations découlant de cette adhésion qui se concrétisent par les statuts et par les décisions des organes de cette dernière personne morale, instaurant de cette manière entre ladite personne morale est ses membres des liens étroits, assimilables à des liens de nature contractuelle.

58.      Enfin, dans le récent arrêt Kerr (28), la Cour a eu l’occasion de se prononcer sur la qualification d’une obligation de paiement découlant d’une décision de l’assemblée générale de la copropriété d’un immeuble d’habitation dépourvue de la personnalité juridique et spécialement instituée par la loi pour exercer certains droits ; cette décision, adoptée à la majorité de ses membres, mais contraignante pour tous les membres de celle-ci, fixait le montant des contributions financières annuelles au budget de la copropriété au titre de l’entretien des parties communes de cet immeuble.

59.      En se référant aux arrêts précités, la Cour a jugé que même si la participation à une copropriété est requise par la loi, puisque le droit bulgare applicable en l’espèce rendait obligatoire l’administration des parties communes par une copropriété, il n’en demeure pas moins que les détails de l’administration des parties communes de l’immeuble concerné ont été réglés par contrat et que l’entrée dans la copropriété a été effectuée par un acte d’acquisition volontaire conjointe d’un appartement et de parts de copropriété dans ces parties communes, de telle sorte que l’obligation de paiement litigieuse constitue une obligation juridique librement consentie au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis (29).

60.      La Cour a ajouté que le fait que les copropriétaires concernés n’ont pas participé à l’adoption de cette décision ou s’y sont opposés et que, en vertu de la loi, ladite décision et l’obligation qui en découle ont un caractère contraignant et s’imposent à eux, est sans incidence sur l’application de l’article 7, point 1, puisque, en devenant et en demeurant copropriétaire d’un immeuble, chaque copropriétaire consent à se soumettre à l’ensemble des dispositions de l’acte régissant la copropriété concernée ainsi qu’aux décisions adoptées par l’assemblée générale des copropriétaires de cet immeuble (30).

61.      C’est à la lumière de ces jurisprudences qu’il y a lieu d’examiner la question préjudicielle soulevée dans la présente affaire.

2.      Sur l’applicabilité de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis dans une situation telle que celle en cause au principal

62.      Conformément à la jurisprudence précitée, il est crucial pour répondre à la question préjudicielle de déterminer si l’obligation de payer des cotisations annuelles constitue une obligation librement consentie au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

63.      En l’occurrence, il convient, plus précisément, de s’interroger sur le point de savoir si le fait que l’adhésion à l’ordre des avocats soit imposée par le code judiciaire belge pour pouvoir exercer la profession d’avocat s’oppose à ce que l’obligation de payer les cotisations découlant de cette adhésion puisse être considérée comme une obligation juridique librement consentie.

64.      Sur ce point, les gouvernements italien et lituanien estiment qu’il convient de répondre par la négative.

65.      En substance, ces gouvernements considèrent que l’obligation de payer les cotisations constitue, essentiellement, une obligation librement consentie, dès lors que la personne qui devient avocat exprime librement sa volonté d’exercer cette profession, dont il en découle l’obligation d’adhérer à un ordre professionnel et, par voie de conséquence, l’obligation de payer les cotisations fixées par ce dernier. En appliquant le principe retenu dans l’arrêt Peters Bauunternehmung (31), ces gouvernements soutiennent que les liens d’affiliation existants entre l’ordre et les avocats sont du même type que ceux qui s’établissent entre les parties à un contrat. En effet, un ordre professionnel pourrait être assimilé à une association et les obligations de ses membres trouveraient leur fondement dans l’accord qui donne naissance au lien associatif. Au moyen de cet accord, les contractants manifesteraient leur volonté d’accepter les règles internes qui gouvernent cet organisme, ce qui impliquerait, entre autres, l’engagement à payer les cotisations fixées par ledit organisme.

66.      En outre, lesdits gouvernements relèvent que l’interprétation qu’ils proposent est justifiée par le lien particulier entre le lieu d’exécution de l’obligation et le juge de ce lieu, dès lors que le juge de l’État membre du lieu du siège de l’ordre des avocats est le mieux placé pour statuer sur le litige (32).

67.      En revanche, la Commission estime qu’une action, telle que celle en cause au principal, ne constitue pas une action « en matière contractuelle » au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis, étant donné que l’adhésion à l’ordre des avocats, dont en découle l’obligation de payer des cotisations annuelles, est imposée par la loi, sans aucune possibilité de choix ou de dérogation, afin de pouvoir exercer la profession d’avocat. À cet égard, la Commission souligne notamment que, contrairement au cas d’espèce, l’entreprise concernée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Peters Bauunternehmung (33) avait volontairement décidé de devenir membre de l’association.

68.      De surcroît, selon la Commission, il ne serait pas opportun de contourner la condition d’une obligation librement consentie en se fondant sur les objectifs généraux du règlement Bruxelles I bis en matière de compétences spéciales, au risque d’ailleurs d’aboutir en pratique trop facilement à la compétence du for du demandeur, ce qui s’opposerait à la règle générale énoncée à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement.

69.      J’admets que la réponse à la question préjudicielle ne s’impose pas avec évidence.

70.      Certes, la situation dans le litige au principal présente une certaine analogie avec les affaires ayant donné lieu aux arrêts Peters Bauunternehmung (34) et Powell Duffryn (35), rappelées ci-dessus, dans la mesure où l’affaire au principal concerne également des rapports entre une personne morale et ses membres et porte sur une obligation de paiement imposée aux membres de cette personne morale et découlant d’une décision prise par cette dernière.

71.      Toutefois, la situation du litige au principal, comme le relève à juste titre la Commission, diffère de celle en cause dans ces affaires dans la mesure où l’inscription au tableau de l’ordre des avocats, dont découle l’obligation de payer les cotisations annuelles fixées par cet ordre, est obligatoire en vertu de l’article 428, premier alinéa, du code judiciaire belge, aux fins de l’exercice de la profession d’avocat.

72.      Je rappelle que cette inscription obligatoire à l’ordre des avocats est liée au fait que ce dernier est investi d’une mission de service public (36). De ce point de vue, il ne saurait être assimilé, à mon sens, à une association de droit privé ou à une société de droit privé, comme dans les arrêts précités, où la Cour a laissé entendre que tous les liens entre ces personnes morales et leurs membres respectifs étaient de nature contractuelle (37).

73.      Par conséquent, je ne souscris pas aux considérations avancées par les gouvernements italien et lituanien selon lesquelles les liens d’affiliation existant entre l’ordre et ses membres sont, de manière générale, de même nature que ceux qui s’établissent entre les parties à un contrat.

74.      En effet, ainsi que j’ai l’exposé aux points 28 à 45 des présentes conclusions sur le champ d’application du règlement Bruxelles I bis, s’agissant d’un ordre des avocats, il convient de distinguer entre deux types de litiges : d’une part, les litiges portant sur les liens existant entre l’ordre et ses membres qui ont un caractère de droit public et qui, de ce fait, sont exclus du champ d’application de ce règlement et, d’autre part, les litiges portant sur les liens existant entre cet ordre et ses membres qui ont un caractère de droit privé et qui relèvent ainsi du champ d’application dudit règlement.

75.      C’est seulement dans le cadre de cette seconde catégorie de litiges qu’une action peut constituer une action en matière contractuelle, pour autant qu’elle concerne une obligation librement consentie.

76.      Sur ce point, quant à l’affaire au principal qui relève de cette seconde catégorie, je suis enclin à considérer que l’obligation de payer les cotisations fixées par l’ordre constitue effectivement une obligation librement consentie au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis, de sorte qu’une action portant sur cette obligation relève de la matière contractuelle au sens de cette disposition.

77.      En effet, en ce qui concerne la problématique rappelée au point  63 des présentes conclusions, l’arrêt Kerr (38) contient, à mon sens, des éléments d’interprétation pertinents.

78.      Ainsi, alors que l’arrêt Kerr (39) concerne une obligation de payer des charges de copropriété, il doit toutefois en être déduit, à mon sens, que le fait que la législation nationale subordonne l’exercice d’une certaine activité à l’adhésion à un organisme n’exclut pas nécessairement qu’une obligation en découlant puisse être qualifiée d’obligation juridique librement consentie au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

79.      À cet effet, je souligne que, dans cet arrêt, tout en relevant que la participation à la copropriété était requise par la loi, la Cour a mis en évidence deux aspects concernant l’obligation de payer les charges de copropriété justifiant de qualifier cette obligation de librement consentie : d’une part, l’entrée dans la copropriété se fait par un acte d’acquisition volontaire conjointe d’un appartement et de parts de copropriété dans les parties communes de l’immeuble concerné et, d’autre part, les détails de l’administration de ces parties communes sont réglés par contrat, c’est-à-dire d’un commun accord entre les copropriétaires.

80.      De mon point de vue, les faits du litige au principal présentent une certaine similarité avec ceux de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kerr (40).

81.      Certes, l’inscription à l’ordre des avocats est imposée par la loi et exprime la manière dont la profession d’avocat est réglementée selon le droit national.

82.      Toutefois, l’inscription a été effectuée, d’une part, par un acte volontaire accompli par M. JN pour devenir avocat et exercer cette profession en Belgique jusqu’à son omission du tableau en 2017. Par ce choix, il a accepté d’être soumis aux règles régissant cette profession, y compris celles permettant au conseil de l’ordre d’imposer aux avocats inscrits au tableau le paiement des cotisations annuelles. S’agissant de la période à laquelle les cotisations litigeuses se rapportent, je relève d’ailleurs que, s’il apparaît que M. JN était très peu actif comme avocat (41), il a volontairement décidé de rester membre du tableau. En effet, rien ne s’opposait à ce qu’il sollicite son omission du tableau avant 2017 si, selon lui, le maintien de son inscription ne lui procurait aucun avantage.

83.      D’autre part, l’obligation de payer les cotisations n’est pas imposée par la loi dès lors que le code judiciaire belge ne prévoit ni la nature des cotisations, ni le montant de celles-ci.

84.      En effet, sous réserve de vérifications par la juridiction de renvoi, il apparaît que les cotisations dont le paiement est réclamé dans l’affaire au principal ont été fixées dans leur objet et dans leur montant par l’ordre des avocats auquel appartient le requérant et au sein duquel il est susceptible d’exercer une influence sur les règles collectives mises en place par cette profession. Ainsi, les cotisations exigées résultent des liens étroits existant entre l’ordre et M. JN, semblables à ceux d’un contrat. En devenant et demeurant avocat auprès de l’ordre, M. JN a librement assumé d’être soumis à l’obligation de paiement des cotisations.

85.      Je rappelle à cet égard que les cotisations correspondent à un service fourni par l’ordre, à savoir la souscription collective d’une assurance professionnelle, dont le requérant bénéficie dans l’exercice de sa profession, en choisissant de demeurer inscrit à l’ordre des avocats du barreau de Dinant.

86.      Il ne s’agit donc pas d’une situation où l’obligation de paiement serait unilatéralement fixée par loi, comme tel était le cas dans l’arrêt Austro-Mechana (42).

87.      Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et qui portait sur la qualification de l’obligation pour une entreprise de payer une rémunération à une société de gestion collective de droits, la Cour a jugé qu’une telle obligation de paiement n’avait pas été librement consentie au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis, dès lors qu’elle lui avait été imposée par le droit national en raison de la mise en circulation de supports d’enregistrement, conformément à la réglementation autrichienne (43).

88.      Pour conclure, tout en admettant que la question posée dans la présente affaire constitue un cas limite, je suis enclin à considérer, au regard de la jurisprudence de la Cour, qui montre d’ailleurs que la notion de « matière contractuelle » n’est pas interprétée de manière étroite (44), que les éléments exposés dans les présentes conclusions permettent de considérer que l’obligation de payer des cotisations annuelles dans la présente affaire constitue une obligation librement consentie, au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

89.      En outre, cette solution est confortée par les objectifs que poursuit le règlement Bruxelles I bis.

90.      Je rappelle que la compétence des juridictions du domicile du défendeur est complétée par d’autres fors autorisés d’une part, en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou, d’autre part, en vue de faciliter la bonne administration de la justice.

91.      Sur ce premier point, la Cour a souligné dans l’arrêt Peters Bauunternehmung (45) que « du fait que les systèmes de droit nationaux désignent le plus souvent le lieu du siège de l’association comme lieu d’exécution des obligations résultant de l’acte d’adhésion, l’application [du for en matière contractuelle] [...] présente [...] des avantages pratiques : le juge du lieu du siège de l’association est, en effet, normalement le mieux [à même] de comprendre les statuts, les règlements et les décisions de l’association, ainsi que les circonstances qui se rapportent à la naissance du litige » .

92.      En l’occurrence, pour autant que la juridiction de renvoi estime qu’elle est la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande au sens des règles prévues à l’article 7, point 1, sous a) à c), du règlement Bruxelles I bis, ce qui me semble être le cas (46), elle est compétente pour connaître du litige au principal.

93.      Ainsi que le relèvent les gouvernements italien et lituanien à cet égard, cette juridiction doit être considérée comme la mieux placée pour comprendre le statut, les règlements et les décisions de l’ordre des avocats du barreau de Dinant, ainsi que les circonstances qui se rapportent à l’origine du litige. En d’autres termes, la considération portant sur le lien étroit existant entre la juridiction et le litige qui justifie la compétence spéciale prévue à l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis, est présente dans le litige au principal.

94.      Du surcroît, comme le relève à juste titre le gouvernement italien, cette solution permet également d’éviter que les demandes de paiement à l’encontre d’avocats éventuellement domiciliés dans différents États membres et les questions portant sur la validité des décisions sur lesquelles ces demandes se fondent soient entendues par des tribunaux différents (47). En d’autres termes, la solution que je propose est également conforme à l’objectif de bonne administration de la justice.

V.      Conclusion

95.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le tribunal de première instance de Namur (Belgique) de la manière suivante :

L’article 7, point 1, du règlement nº 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’une action portant sur une obligation de paiement des cotisations annuelles constituées essentiellement de primes d’assurance et découlant d’une décision émanant d’un ordre des avocats, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, et auquel les avocats sont tenus de s’inscrire en vertu de la législation nationale, doit être considérée comme relevant de la notion de « matière contractuelle », au sens dudit article.


1      Langue originale : le français.


2      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (JO 2012, L 351, p. 1).


3      Arrêt du 22 mars 1983 (34/82, EU:C:1983:87).


4      Voir, notamment, arrêt du 28 février 2019, Gradbeništvo Korana (C‑579/17, EU:C:2019:162, points 46 et 47 et jurisprudence citée). Je note que la jurisprudence élaborée dans le cadre du règlement (CE) nº 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1) et de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention, vaut également pour le règlement Bruxelles I bis, lorsque les dispositions en question peuvent être qualifiées d’équivalentes [voir, en ce sens, notamment arrêts du 14 mars 2013, Česká spořitelna (C‑419/11, EU:C:2013:165, point 27), ainsi que du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 31)]. Tel est le cas pour les dispositions pertinentes en l’occurrence, à savoir l’article 1er, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis [voir, notamment, arrêts du 11 avril 2013, Sapir e.a. (C‑645/11, EU:C:2013:228, points 31 et 32) ainsi que du 15 novembre 2018, Kuhn (C‑308/17, EU:C:2018:911, point 31 et 32)] et de l’article 7, point 1, de ce règlement [voir, notamment, arrêts du 14 mars 2013, Česká spořitelna (C‑419/11, EU:C:2013:165, point 43 et 44) ainsi que du 8 mai 2019, Kerr (C‑25/18, EU:C:2019:376, point 20)]. Partant, dans la suite des présentes conclusions, je me réfèrerai uniquement au règlement Bruxelles I bis, tout en citant la jurisprudence relative aux instruments qui l’ont précédé.


5      Voir, notamment, arrêts du 14 octobre 1976, LTU (29/76, EU:C:1976:137, point 4) ainsi que du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271, point 42 et jurisprudence citée).


6      Voir, notamment, arrêt du 11 avril 2013, Sapir e.a. (C‑645/11, EU:C:2013:228 ; point 33 et jurisprudence citée).


7      Voir, notamment, arrêt du 28 février 2019, Gradbeništvo Korana (C‑579/17, EU:C:2019:162, point 49).


8      La Commission renvoie à cet égard, notamment, au site Internet de l’OBFG (mis à jour le 26 août 2014), https://avocats.be/sites/default/files/texte_apropos_avocatsBE3.pdf.


9      Voir article 495, paragraphe 1, du code judiciaire belge.


10      Je relève à cet égard que la Cour a reconnu la nécessité de concevoir des règles d’organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité qui procurent de telles garanties [voir, notamment, arrêts du 12 décembre 1996, Reisebüro Broede (C‑3/95, EU:C:1996:487, point 38) ainsi que du 19 février 2002, Wouters e.a. (C‑309/99, EU:C:2002:98, points 97)].


11      Voir jurisprudence citée en note en bas de page 15 des présentes conclusions.


12      Voir, en ce sens, notamment, arrêt du 28 février 2019, Gradbeništvo Korana (C‑579/17, EU:C:2019:162, point 48 et jurisprudence citée).


13      Voir point 13 des présentes conclusions.


14      Voir point 13 des présentes conclusions.


15      En effet, la Cour a jugé qu’une autorité publique agit dans l’exercice de la puissance publique lorsque le litige concerne le recouvrement de redevances dues par une personne de droit privé à un organisme de droit public au titre de l’utilisation des installations et services de celui-ci, notamment lorsque cette utilisation est obligatoire et exclusive, qu’il en est d’autant plus ainsi lorsque le taux des redevances, les modes de calcul et les procédures de perception sont fixés de manière unilatérale vis-à-vis des usagers [voir, notamment, arrêts du 14 octobre 1976, LTU, (29/76, EU:C:1976:137, point 4) ; du 15 février 2007, Lechouritou e.a., (C‑292/05, EU:C:2007:102, point 32), ainsi que du 11 juin 2015, Fahnenbrock e.a., (C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13, EU:C:2015:383, point 52)].


16      En ce qui concerne cette jurisprudence, voir note en bas de page 4 des présentes conclusions.


17      Voir, en ce sens, considérant 15 du règlement Bruxelles I bis et arrêt du 12 septembre 2018, Löber (C‑304/17, EU:C:2018:701, point 18 et jurisprudence citée).


18      Voir, en ce sens, considérant 16 du règlement Bruxelles I bis et arrêt du 4 octobre 2018, Feniks (C‑337/17, EU:C:2018:805, point 36).


19      Voir, notamment, arrêt du 22 mars 1983, Peters Bauunternehmung (34/82, EU:C:1983:87, point 10) ainsi que arrêt du 17 juin 1992, Handte (C‑26/91, EU:C:1992:268, point 10).


20      Voir, notamment, arrêts du 14 mars 2013, Česká spořitelna (C‑419/11, EU:C:2013:165, point 46) ; du 28 janvier 2015, Kolassa (C‑375/13, EU:C:2015:37, point 39), ainsi que du 21 avril 2016, Austro-Mechana (C‑572/14, EU:C:2016:286, point 35).


21      Voir, notamment, arrêts du 14 mars 2013, Česká spořitelna (C‑419/11, EU:C:2013:165, point 47) ; du 18 juillet 2013, ÖFAB (C‑147/12, EU:C:2013:490, point 33), ainsi que du 21 avril 2016, Austro-Mechana (C‑572/14, EU:C:2016:286, point 36).


22      Arrêt du 22 mars 1983 (34/82, EU:C:1983:87). Voir point 20 des présentes conclusions.


23      Voir arrêt du 22 mars 1983, Peters Bauunternehmung (34/82, EU:C:1983:87, point 2).


24      Voir arrêt du 22 mars 1983, Peters Bauunternehmung (34/82, EU:C:1983:87, points 13 à 18).


25      Arrêt du 10 mars 1992 (C‑214/89, EU:C:1992:115).


26      Voir arrêt du 10 mars 1992, Powell Duffryn (C‑214/89, EU:C:1992:115, points 16 à 18).


27      Voir arrêt du 10 mars 1992, Powell Duffryn(C‑214/89, EU:C:1992:115, point 19). De même, la Cour a admis l’existence d’un tel consentement libre dans l’exercice d’un mandat de gérant conformément au droit des sociétés en estimant que l’activité d’un gérant crée des liens étroits de même type que ceux qui s’établissent entre les parties à un contrat de sorte que l’action d’une société contre son ancien gérant en raison d’un prétendu manquement aux obligations lui incombant en vertu du droit des sociétés relève de la notion de « matière contractuelle ». À cet égard, la Cour a souligné que le gérant et la société « ont librement assumé des engagements mutuels en ce sens que [le gérant] a choisi de diriger et de gérer [la société et cette dernière] a pris l’obligation de rémunérer cette activité, de sorte qu’il peut être considéré que leur relation est de nature contractuelle » [arrêt du 10 septembre 2015, Holterman Ferho Exploitatie e.a. (C‑47/14, EU:C:2015:574, points 53 et 54)].


28      Arrêt du 8 mai 2019 (C‑25/18, EU:C:2019:376). Je précise que cet arrêt a été prononcé après la clôture de la procédure écrite dans la présente affaire.


29      Voir, arrêt du 8 mai 2019, Kerr (C‑25/18, EU:C:2019:376, points 26 à 28).


30      Voir arrêt du 8 mai 2019, Kerr (C‑25/18, EU:C:2019:376, point 29).


31      Arrêt du 22 mars 1983 (34/82, EU:C:1983:87).


32      Ces gouvernements partent ainsi du principe que la juridiction de renvoi est le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à l’action au sens des règles prévues à l’article 7, point 1, sous a) à c), du règlement Bruxelles I bis. Voir, à cet égard, note en bas de page 46.


33      Arrêt du 22 mars 1983 (34/82, EU:C:1983:87).


34      Arrêt du 22 mars 1983 (34/82, EU:C:1983:87).


35      Arrêt du 10 mars 1992 (C‑214/89, EU:C:1992:115).


36      Voir point 34 des présentes conclusions.


37      Je note, de même, que la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les ordres d’avocats ne peuvent pas être considérés comme des associations au sens de l’article 11 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui protège la liberté d’association, y compris celle du droit négatif de ne pas être forcé d’adhérer à une association. Partant, les avocats sont exclus du bénéfice de cette protection en ce qui concerne l’inscription à un ordre professionnel (voir Cour EDH, 2 juillet 1990, M.A. et autres c/ Espagne, CE:ECHR:1990:0702DEC001375088).


38      Arrêt du 8 mai 2019 (C‑25/18, EU:C:2019:376).


39      Arrêt du 8 mai 2019 (C‑25/18, EU:C:2019:376).


40      Arrêt du 8 mai 2019 (C‑25/18, EU:C:2019:376).


41      Voir point 13 des présentes conclusions.


42      Arrêt du 21 avril 2016 (C‑572/14, EU:C:2016:286, point 37).


43      Voir arrêt du 21 avril 2016, Austro-Mechana (C‑572/14, EU:C:2016:286, points 18 et 37) dans lequel, je tiens à le préciser, cette réglementation définissait également les modalités relatives au paiement. De même, la Cour a jugé que des obligations incombant à l’actionnaire d’une société vis-à-vis de tiers en vertu du droit national ne sont pas librement consenties au sens de l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis [voir arrêt du 18 juillet 2013, ÖFAB (C‑147/12, EU:C:2013:490, points 34 à 36)].


44      Certes, il est vrai que la Cour mentionne souvent l’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis comme une dérogation à la règle générale de compétence du for du demandeur prévue à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, et que cette première disposition, en tant que dérogation, est d’interprétation stricte [voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2018, Löber (C‑304/17, EU:C:2018:701, points 17 et 18 et jurisprudence citée), Toutefois, à mes yeux, l’application qui a été faite par la Cour de l’article 7, point 1 dudit règlement, montre que la notion de « matière contractuelle » au sens de cette disposition n’est pas d’interprétation stricte, ce qui a d’ailleurs été confirmé par la Cour dans l’arrêt du 20 janvier 2005, Engler (C‑27/02, EU:C:2005:33, point 48), en se réfèrent spécifiquement aux arrêts Peters Bauunternehmung et Powell Duffryn [voir, dans le même sens, les conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Kerr (C‑25/18, EU:C:2019:86, point 51)].


45      Arrêt du 22 mars 1983 (34/82, EU:C:1983:87, point 14).


46      Je souligne qu’une réponse à la question posée ne suffit pas pour déterminer si la juridiction de renvoi est compétente pour connaître du litige au principal, étant donné que, pour répondre à cette question, il convient également de s’interroger sur le point de savoir si la juridiction de renvoi est la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande au sens des règles prévues à l’article 7, point 1, sous a) à c), du règlement Bruxelles I bis. La juridiction de renvoi n’a pas posé de question sur ce point ni formulé de commentaires à cet égard, ce qui me semble indiquer qu’elle se considère, en effet, comme étant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation litigieuse, au sens dudit article 7, point 1.


47      Voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1992, Powell Duffryn (C‑214/89, EU:C:1992:115, point 20).