Language of document : ECLI:EU:C:2004:385

Arrêt de la Cour

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
24 juin 2004 (1)


«Manquement d'État – Articles 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, et 5, paragraphe 2, de la directive 91/271/CEE – Rejet d'eaux urbaines résiduaires dans une zone sensible – Absence de système de collecte – Absence d'un traitement plus rigoureux que le traitement secondaire prévu à l'article 4 de ladite directive»

Dans l'affaire C-119/02,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valero Jordana et M. Konstantinidis, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par Mme E. Skandalou, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour l'installation d'un système de collecte des eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio et en ne soumettant pas à un traitement plus rigoureux que le traitement secondaire les eaux urbaines résiduaires de ladite région avant qu'elles ne soient rejetées dans la zone sensible du golfe d'Éleusis, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, paragraphe 1, et 5, paragraphe 2, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40), telle que modifiée par la directive 98/15/CE de la Commission, du 27 février 1998 (JO L 67, p. 29),



LA COUR (quatrième chambre),



composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, M. J.-P. Puissochet et Mme F. Macken (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: M. R. Grass,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 11 décembre 2003,

vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,

rend le présent



Arrêt



1
Par requête déposée au greffe de la Cour le 3 avril 2002, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour l’installation d’un système de collecte des eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio et en ne soumettant pas à un traitement plus rigoureux que le traitement secondaire les eaux urbaines résiduaires de ladite région avant qu’elles ne soient rejetées dans la zone sensible du golfe d’Éleusis, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, paragraphe 1, et 5, paragraphe 2, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40), telle que modifiée par la directive 98/15/CE de la Commission, du 27 février 1998 (JO L 67, p. 29, ci‑après la «directive»).


Le cadre juridique

2
Selon son article 1er, la directive concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires, ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels, et a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due au rejet des eaux résiduaires.

3
L’article 2, point 1, de la directive définit les «eaux urbaines résiduaires» comme étant «les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement». En outre, aux termes du point 6 du même article, l’«équivalent habitant» (ci‑après l’«EH») est défini comme étant «la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes d’oxygène par jour».

4
Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive:

«Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires:

au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l'équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000

et

au plus tard le 31 décembre 2005 pour celles dont l'EH se situe entre 2000 et 15 000.

Pour les rejets d'eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des ‘zones sensibles’, telles que définies à l'article 5, les États membres veillent à ce que des systèmes de collecte soient installés au plus tard le 31 décembre 1998 pour les agglomérations dont l'EH est supérieur à 10 000.

Lorsque l'installation d'un système de collecte ne se justifie pas, soit parce qu'il ne présenterait pas d'intérêt pour l'environnement, soit parce que son coût serait excessif, des systèmes individuels ou d'autres systèmes appropriés assurant un niveau identique de protection de l'environnement sont utilisés.»

5
Les règles générales applicables aux eaux urbaines résiduaires figurent à l’article 4 de la directive, qui dispose, à son paragraphe 1, premier tiret:

«Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes:

au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15 000».

6
La directive définit, à son article 2, point 8, le «traitement secondaire» comme étant «le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé comprenant généralement un traitement biologique avec décantation secondaire ou par un autre procédé permettant de respecter les conditions du tableau 1 de l’annexe I».

7
L’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive prévoit:

«1.Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à l’annexe II.

2.Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10 000.»

8
Dans un premier temps, la directive a été transposée en droit hellénique par l’arrêté ministériel conjoint n° 5673/400, du 5 mars 1997 (FEK B 192/14.3.1997, p. 1969).

9
La Commission n’étant pas entièrement satisfaite de cette transposition de la directive, en raison notamment de l’absence de désignation de zones sensibles par les autorités helléniques, ces dernières ont adopté et communiqué à la Commission l’arrêté ministériel conjoint n° 19661/1982, du 2 août 1999. Cet arrêté contenait, notamment, une liste des zones que lesdites autorités qualifiaient de «sensibles» au sens de la directive. Le golfe d’Éleusis, dans lequel sont rejetées les eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio, figurait sur cette liste.


La procédure précontentieuse

10
Par lettre du 22 mars 2000, la Commission a demandé aux autorités helléniques, notamment à la suite de la désignation par celles-ci des zones sensibles, de lui fournir des informations relatives aux mesures qu’elles avaient adoptées pour appliquer les dispositions de la directive.

11
Par lettres des 8 et 15 juin 2000, les autorités helléniques ont transmis à la Commission des informations relatives à l’application de la directive en Grèce. En particulier, s’agissant de la région de Thriasio Pedio, lesdites autorités ont reconnu l’absence d’un système de traitement des eaux résiduaires.

12
Lors d’une réunion «paquet», qui s’est déroulée à Athènes (Grèce) les 13 et 14 décembre 2000, les autorités helléniques ont de nouveau reconnu l’absence d’un système de traitement des eaux résiduaires dans la région de Thriasio Pedio. Elles ont toutefois mentionné les efforts réalisés en vue de l’achèvement d’un projet à cet égard, dont les installations devaient être opérationnelles en 2003.

13
Constatant l’absence de mesures relatives à l’installation d’un système de collecte et de traitement plus rigoureux que le traitement secondaire pour les eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio, la Commission a considéré que la République hellénique avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, paragraphe 1, et 5, paragraphe 2, de la directive et a adressé à cet État membre, le 10 avril 2001, une lettre de mise en demeure l’invitant à présenter ses observations dans un délai de deux mois.

14
Les autorités helléniques n’ayant pas répondu à cette lettre de mise en demeure dans le délai imparti, la Commission a, par lettre du 27 juillet 2001, adressé à la République hellénique un avis motivé reprenant les observations contenues dans la lettre de mise en demeure. S'agissant, en particulier, de l'absence d'un système de collecte, la Commission faisait valoir que le golfe d'Éleusis a été désigné comme une zone sensible en 1999, que l’EH de la région de Thriasio Pedio est supérieure à 10 000 et que les eaux urbaines de celle-ci sont rejetées dans des eaux réceptrices de ce golfe. Par conséquent, lesdites autorités auraient dû, conformément à l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive, installer un système de collecte pour les eaux résiduaires de cette région au plus tard le 31 décembre 1998. Par ailleurs, ledit État membre était invité à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

15
Dans leur réponse du 8 octobre 2001 audit avis motivé, les autorités helléniques faisaient tout d’abord valoir, quant à l’installation d’un système de collecte des eaux urbaines résiduaires conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive, que les études relatives aux réseaux des principaux collecteurs d’eaux résiduaires de la région concernée étaient parvenues à la phase finale d’adjudication.

16
Ensuite, s’agissant de l’application de l’article 5, paragraphe 2, de la directive, elles soutenaient que les conditions environnementales du centre de traitement des eaux résiduaires de la région de Thriasio Pedio avaient été approuvées par l’arrêté ministériel conjoint n° 67414, du 3 juin 1999. La construction dudit centre, qui a fait l’objet d’une adjudication, devrait être achevée dans le courant de l’année 2004.

17
Enfin, les autorités helléniques indiquaient que le système de traitement des eaux urbaines résiduaires prévu comportera trois phases, garantissant ainsi l’élimination efficace de l’azote, du phosphore et de la charge organique. Le bassin récepteur des eaux épurées après le traitement complet sera le golfe d’Éleusis. Les eaux usées épurées ainsi rejetées, après avoir subi le traitement susmentionné et la décontamination, rempliront alors les critères prévus par la directive pour les zones sensibles.

18
C’est dans ces conditions que la Commission, considérant que la réponse desdites autorités à l’avis motivé n’était pas de nature à mettre fin au manquement reproché, a décidé d’introduire le présent recours.


Sur le recours

Arguments des parties

19
La Commission rappelle que la région de Thriasio Pedio a un EH supérieur à 10 000 et que les autorités helléniques ont identifié, en application de l’article 5 de la directive, le golfe d’Éleusis comme une zone sensible. Elle considère que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour installer, au plus tard le 31 décembre 1998, un système de collecte des eaux urbaines résiduaires de cette région, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive.

20
La Commission fait également valoir que, contrairement à l’article 5, paragraphe 2, de la directive, les eaux urbaines résiduaires de ladite région sont rejetées, sans traitement, dans une zone reconnue comme étant sensible. Conformément à cette disposition, un traitement plus rigoureux que le traitement secondaire visé à l’article 4 de la directive aurait dû être mis en œuvre au plus tard le 31 décembre 1998.

21
Selon la Commission, les traitements biologiques des eaux usées provenant, par exemple, de l’hôpital de Thriasio ou des cités ouvrières de Mandra, eaux qui sont également rejetées dans le golfe d’Éleusis, ne constituent pas un traitement tel que celui qui est requis par l’article 5, paragraphe 2, de la directive, c’est-à-dire un traitement plus rigoureux que celui décrit à l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci.

22
En outre, selon les informations que la Commission a recueillies, deux torrents de la région de Thriasio Pedio, qui charrient des mélanges d’eaux usées ménagères et industrielles en même temps que les eaux de ruissellement, se déversent tous deux dans le golfe d’Éleusis.

23
La Commission conclut que, en ne soumettant pas les eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio, avant que celles-ci ne soient rejetées dans le golfe d’Éleusis, à un traitement plus rigoureux que le traitement secondaire, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la directive.

24
En premier lieu, le gouvernement hellénique fait valoir qu’il a pris des mesures en vue de mettre en place un système de collecte des eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio et qu’il n’a pas violé l’article 3, paragraphe 1, de la directive.

25
Le service compétent pour la construction et le fonctionnement des installations d’évacuation et de traitement des eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio aurait déjà procédé à l’établissement du projet final des principaux collecteurs. Il aurait également ordonné l’exécution des projets pour la construction, dans le cadre d’un aménagement urbain, des réseaux intérieurs d’évacuation des eaux résiduaires dans les régions urbaines d’Éleusis, de Mandra, de Magoula et d’Aspropyrgos.

26
En outre, le gouvernement hellénique fait valoir que, en juillet 2002, une demande de financement pour la construction du centre de traitement des eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio a été soumise au Fonds de cohésion et que, à l’heure actuelle, la réalisation d’un tel centre se trouve au stade de l’appel d’offres en vue de la désignation de l’adjudicataire du marché.

27
En tout état de cause, le gouvernement hellénique soutient que la région de Thriasio Pedio a été identifiée comme une zone sensible pour tenir compte du rejet futur des eaux traitées dans le golfe d’Éleusis et non parce que celui-ci faisait déjà l’objet de rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations.

28
Eu égard à ces considérations, ledit gouvernement estime qu’il n’a pas violé l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive.

29
Quant à l’article 5, paragraphe 2, de celle-ci, le gouvernement hellénique maintient que, si le golfe d’Éleusis reçoit les rejets des résidus industriels de la région de Thriasio Pedio, en revanche les eaux urbaines résiduaires de celle-ci ne sont pas déversées dans ce golfe ni dans d’autres eaux reconnues ou non comme sensibles. En effet, les agglomérations de cette région seraient reliées à des fosses privées ou à des puits d’infiltration. Ces eaux seraient transportées par camions-citernes à un centre de traitement des eaux usées situé dans une autre région de l’Attique. Ainsi, selon ce gouvernement, est évité le déversement direct d’eaux urbaines résiduaires non traitées dans ledit golfe.

30
En ce qui concerne, en deuxième lieu, les deux torrents mentionnés par la Commission, le gouvernement hellénique reconnaît que, en l’absence d’un système de collecte des eaux urbaines résiduaires, ceux‑ci déversent des déchets liquides dans le golfe d’Éleusis. Toutefois, ces déchets proviendraient de certaines industries de la région et ils seraient rejetés en vertu d’autorisations adéquates et après avoir subi un traitement approprié.

31
En troisième lieu, quant à l’unité de traitement biologique des rejets des cités ouvrières de Mandra, le gouvernement hellénique fait valoir que cette unité ne traiterait qu’une partie des eaux usées de celles‑ci. Le reste des eaux usées serait envoyé dans des fosses. Quant à l’hôpital de Thriasio, il appliquerait un procédé qui correspond au résultat d’un traitement en trois phases, tel que celui exigé par l’article 5, paragraphe 2, de la directive.

Appréciation de la Cour

En ce qui concerne le premier grief, tiré de l’article 5, paragraphe 2, de la directive

32
Conformément à l’article 5, paragraphe 2, de la directive, l’ensemble des eaux urbaines résiduaires qui proviennent d’agglomérations ayant, comme celle de Thriasio Pedio, un EH supérieur à 10 000 et qui se déversent dans une zone sensible devaient faire l’objet, le 31 décembre 1998 au plus tard, d’un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4, paragraphe 1, de la directive.

33
En l’espèce, le gouvernement hellénique fait valoir que les eaux urbaines résiduaires non traitées ne se déversent pas directement dans le golfe d’Éleusis. En effet, les agglomérations de cette région seraient reliées à des fosses privées ou à des puits d’infiltration et ces eaux seraient transportées par camions-citernes à un centre de traitement des eaux usées situé dans une autre région de l’Attique. Par conséquent, l’obligation d’un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4, paragraphe 1, de la directive, conformément aux exigences de l’article 5, paragraphe 2, de celle-ci, ne s’appliquerait pas étant donné que les eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio ne sont pas déversées dans le golfe d’Éleusis.

34
Cette argumentation ne saurait être accueillie.

35
En premier lieu, même si le système de transport des eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio par camions-citernes constituait une solution de remplacement appropriée au regard des exigences de la directive, la Commission a, en l’espèce, émis des doutes quant à la possibilité pour les autorités helléniques d’évacuer la totalité de ces eaux au moyen d’un tel procédé. Selon la Commission, il s’agit d’une région ayant un EH de 120 000, qui produit quotidiennement environ 25 000 mètres cubes d’eaux urbaines résiduaires. Lesdites autorités ont fait valoir que les camions-citernes peuvent évacuer, quotidiennement, 2 500 à 3 000 mètres cubes d’eaux provenant des fosses. Eu égard à ces chiffres, la Commission soutient que le gouvernement hellénique n’a pas expliqué ce que devient l’important excédent d’eaux urbaines résiduaires qui ne peut être transporté au centre de traitement.

36
À supposer même que les chiffres fournis par le gouvernement hellénique concernant l’EH de la région de Thriasio Pedio soient exacts, chiffres selon lesquels celui-ci est seulement de 80 000, il semble néanmoins exister une différence importante entre la capacité des camions-citernes à évacuer quotidiennement les eaux urbaines résiduaires de cette région et la quantité de celles-ci produite par la population concernée.

37
En second lieu, s’agissant de l’utilisation de puits d’infiltration, il convient de relever, ainsi que la Commission l’a fait à juste titre, que l’utilisation de ces puits dans la région de Thriasio Pedio entraîne un rejet indirect des eaux urbaines résiduaires dans le golfe d’Éleusis. En effet, les eaux évacuées par de tels puits finissent par se déverser en grande partie dans ce golfe en passant par la nappe phréatique.

38
Cet argument n’a pas été contesté par le gouvernement hellénique.

39
Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il est indifférent, au regard de l’article 5, paragraphe 2, de la directive, que les eaux urbaines résiduaires se déversent directement ou indirectement dans une zone sensible (voir, notamment, arrêt du 25 avril 2002, Commission/Italie, C‑396/00, Rec. p. I‑3949, point 29).

40
En effet, l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive, qui concerne les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des zones sensibles, et l’article 5, paragraphe 2, de la directive, qui exige que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet d’un traitement plus rigoureux avant d’être rejetées dans des zones sensibles, ne font aucune distinction selon que les rejets dans une zone sensible sont directs ou indirects (arrêt Commission/Italie, précité, point 30).

41
L’objectif de la directive, à savoir protéger l’environnement, aussi bien que celui de l’article 174, paragraphe 2, CE, disposition qui vise à assurer un niveau de protection élevé dans le domaine de l’environnement, seraient compromis si seules les eaux usées se déversant directement dans une zone sensible étaient soumises à un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4, paragraphe 1, de la directive.

42
Or, il ne ressort nullement des observations soumises à la Cour par le gouvernement hellénique que les eaux rejetées, même indirectement, dans le golfe d’Éleusis ont fait l’objet d’un traitement plus rigoureux que le traitement secondaire prévu à l’article 4, paragraphe 1, de la directive.

43
Quant aux eaux urbaines résiduaires provenant des cités ouvrières de Mandra qui sont, selon le gouvernement hellénique, soumises à un traitement biologique avant leur déversement dans ledit golfe, ce gouvernement a reconnu lui‑même, lors de l’audience, que des problèmes existaient à l’égard de ces eaux et, en tout état de cause, il n’a pas démontré qu’un tel traitement biologique est suffisant au regard des exigences de l’article 5, paragraphe 2, de la directive.

44
Quant à l’argumentation tirée de l'utilisation de fosses pour les eaux urbaines résiduaires provenant de ces cités ou du transport de telles eaux dans des camions-citernes à destination de centres de traitement situés dans d'autres régions, il convient de lui opposer le même raisonnement que celui développé aux points 37 à 42 du présent arrêt.

45
Dans ces circonstances, l’argument du gouvernement hellénique selon lequel la région de Thriasio Pedio a été identifiée comme une zone sensible uniquement en vue de tenir compte du rejet futur des eaux urbaines résiduaires dans le golfe d’Éleusis ne saurait non plus être accueilli.

46
En effet, ladite région ayant été identifiée comme une zone sensible au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive, il s’ensuit que la République hellénique doit veiller à ce que soient respectées les exigences de celle-ci relatives au traitement approprié des eaux urbaines résiduaires dans les zones sensibles.

47
Dès lors, en ne soumettant pas les eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio, avant de les rejeter dans la zone sensible du golfe d’Éleusis, à un traitement plus rigoureux que le traitement secondaire prévu à l’article 4, paragraphe 1, de la directive, la République hellénique a manqué à ses obligations découlant de l'article 5, paragraphe 2, de cette directive.

En ce qui concerne le second grief, tiré de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive

48
S'agissant de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive, il ressort de cette disposition que, pour les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des zones sensibles, telles que définies à l’article 5 de la même directive, les États membres veillent à ce que des systèmes de collecte soient installés au plus tard le 31 décembre 1998 pour les agglomérations dont l’EH est supérieur à 10 000.

49
Il n’est pas contesté en l’espèce, d’une part, que le golfe d’Éleusis a été identifié comme une zone sensible au sens de l’article 5 de la directive et, d’autre part, que l’EH de la région de Thriasio Pedio est supérieur à 10 000.

50
Ainsi qu'il ressort clairement de la réponse de la Cour au premier grief de la Commission, relatif à l'article 5, paragraphe 2, de la directive, les eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio sont rejetées, directement ou indirectement, dans le golfe d'Éleusis.

51
Il s’ensuit que, le 31 décembre 1998 au plus tard, les autorités helléniques auraient dû prendre des mesures appropriées, de telle sorte qu’il existât un système de collecte des eaux urbaines résiduaires dans ladite région.

52
Or, il ressort des observations soumises à la Cour que le gouvernement hellénique ne conteste pas l’absence d’un tel système. Il a indiqué, tant au stade de la procédure précontentieuse que devant la Cour, que la construction des installations du centre de traitement des eaux usées de la région de Thriasio Pedio se trouve au stade de l’appel d’offres en vue de la désignation de l’adjudicataire du marché.

53
Il incombait, toutefois, aux autorités helléniques d’engager en temps utile les procédures nécessaires pour transposer la directive dans l’ordre juridique national, en sorte que ces procédures soient achevées dans le délai prescrit à son article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, à savoir le 31 décembre 1998.

54
L’absence d’un système de collecte des eaux urbaines résiduaires dans la région de Thriasio Pedio constitue, depuis cette date, un manquement à ladite disposition.

55
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer comme fondé le recours introduit par la Commission.

56
Il convient dès lors de constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour l’installation d’un système de collecte des eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio et en ne soumettant pas à un traitement plus rigoureux que le traitement secondaire les eaux urbaines résiduaires de ladite région avant qu’elles ne soient rejetées dans la zone sensible du golfe d’Éleusis, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, et 5, paragraphe 2, de la directive.


Sur les dépens

57
En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.


Par ces motifs,

LA COUR (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)
En ne prenant pas les mesures nécessaires pour l’installation d’un système de collecte des eaux urbaines résiduaires de la région de Thriasio Pedio et en ne soumettant pas à un traitement plus rigoureux que le traitement secondaire les eaux urbaines résiduaires de ladite région avant qu’elles ne soient rejetées dans la zone sensible du golfe d’Éleusis, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, et 5, paragraphe 2, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, telle que modifiée par la directive 98/15/CE de la Commission, du 27 février 1998.

2)
La République hellénique est condamnée aux dépens.

Cunha Rodrigues

Puissochet

Macken

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 juin 2004.

Le greffier

Le président de la quatrième chambre

R. Grass

J. N. Cunha Rodrigues


1
Langue de procédure: le grec.