Language of document : ECLI:EU:T:2018:608

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 septembre 2018 (*)

« Recours en annulation – Politique économique et monétaire – Adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español – Recours en annulation – Association établie après adoption de l’acte attaqué – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑618/17,

Activa Minoristas del Popular Asociación para la tutela de los inversores minoristas afectados por la resolución, supervisión y gestión del Banco Popular, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me C. Arredondo Díaz, avocat,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. R. Ugena Torrejon et A. Lefterov, en qualité d’agents,

et

Conseil de résolution unique (CRU), représenté initialement par Mes B. Meyring, S. Schelo, F. Málaga Diéguez, F. Fernández de Trocóniz Robles, T. Klupsch, M. Bettermann, L. Baudenbacher et S. Ianc, puis par Mes Meyring, Schelo, Málaga Diéguez, Fernández de Trocóniz Robles, Klupsch, Bettermann, Ianc et M. Rickert, avocats,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision SRB/EES/2017/08 du CRU, du 7 juin 2017, concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. G. De Baere (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Par décision SRB/EES/2017/08 du 7 juin 2017 (ci-après la « décision attaquée »), le Conseil de résolution unique (CRU) a adopté un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA. Cette décision est fondée sur l’article 18 du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1). La décision attaquée désigne le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne) comme destinataire.

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2017, la requérante, Activa Minoristas del Popular Asociación para la tutela de los inversores minoristas afectados por la resolución, supervisión y gestión del Banco Popular, a introduit le présent recours.

3        Le 27 février 2018, le CRU a déposé son mémoire en défense dans lequel, sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, il a fait valoir que le recours était irrecevable.

4        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 28 février 2018, la Banque centrale européenne (BCE) a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 17 avril 2018.

5        Par actes déposés au greffe du Tribunal les 15 et 16 janvier et les 2  et 26 février 2018, Banco Santander, SA, Banco Popular Español, le Royaume d’Espagne et la Commission européenne ont respectivement demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la BCE et du CRU.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 février 2018, Chavela Inmuebles, SL a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

7        Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        subsidiairement, dans le cas où l’annulation de la décision attaquée serait impossible, constater le droit au paiement des dommages et intérêts subis du fait de cette décision ;

–        condamner les parties défenderesses aux dépens.

8        Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        Dans son exception d’irrecevabilité, la BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours comme étant irrecevable en ce qu’il la concerne ;

–        condamner la requérante aux dépens.

10      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante a clarifié ses conclusions en précisant que son recours avait pour unique objet l’annulation de la décision attaquée.Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la BCE.

11      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité la requérante à répondre à une question. La requérante a déféré à cette demande dans le délai imparti.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

12      En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond.

13      Par ailleurs, en vertu de l’article 126 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

14      En l’espèce, la BCE ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

15      La BCE fait valoir que le recours est irrecevable en ce qu’il la concerne, en raison du fait, notamment, que la requérante n’aurait démontré ni sa qualité pour agir ni son intérêt à agir. Il ne ressortirait pas de la requête si la requérante agit aux fins de la protection de ses propres intérêts en tant qu’association ou, au contraire, aux fins de la protection des intérêts de ses membres. Dans l’hypothèse où la requérante agirait en son nom propre, elle n’aurait pas été concernée de manière directe et individuelle par la décision attaquée, puisqu’elle a été créée après l’adoption de la décision attaquée.

16      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante fait valoir, notamment, qu’elle était recevable à introduire le présent recours en raison du fait que la décision attaquée affecte de façon directe et individuelle ses objectifs et ses intérêts. Par ailleurs, elle avance qu’elle ne juge pas utile, à ce stade de la procédure, d’établir l’identité de ses membres.

17      En outre, en réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante confirme qu’elle agit uniquement et exclusivement en son nom propre et non au nom de ses membres.

18      Il convient donc de déterminer si la requérante dispose de la qualité pour agir contre la décision attaquée.

19      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante est une association sans but lucratif dont l’objectif fondamental est la défense des intérêts des investisseurs minoritaires concernés par la résolution, la surveillance et la gestion de Banco Popular Español. Dès lors, elle n’est, selon la jurisprudence, recevable à introduire un recours en annulation que dans trois situations, à savoir, premièrement, lorsqu’elle représente les intérêts d’entreprises qui, elles, seraient recevables à agir, deuxièmement, lorsqu’elle est individualisée en raison de l’affectation de ses intérêts propres en tant qu’association, notamment parce que sa position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée, ou, troisièmement, lorsqu’une disposition légale lui reconnaît une série de facultés à caractère procédural (voir ordonnance du 10 février 2017, Acerga/Conseil, T‑153/16, non publiée, EU:T:2017:73, point 15 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, la requérante fait valoir que la décision attaquée la concerne de façon directe et individuelle et qu’elle agit donc en son nom propre aux fins de la protection de ses propres intérêts.Elle prétend donc relever de la deuxième situation mentionnée au point précédent.

21      En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former […] un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

22      En l’occurrence, comme il a été mentionné au point 1 ci-dessus, le destinataire de la décision attaquée est le FROB. La requérante n’agit donc pas en qualité de destinataire de cette décision, ce que, au demeurant, elle admet dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

23      L’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit deux hypothèses dans lesquelles la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte concerne directement et individuellement ladite personne. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 59,  et du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 32).

24      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’affectation directe du requérant, en tant que condition de la recevabilité d’un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale contre une décision qui ne lui est pas adressée, requiert, notamment, que cette décision produise directement des effets sur la situation juridique du particulier (arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, point 43 ; du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 45, et ordonnance du 16 octobre 2017, Salehi/Commission, T‑773/16, non publiée, EU:T:2017:739, point 27).

25      Or, la décision attaquée n’était manifestement pas de nature à produire directement des effets sur la situation juridique de la requérante dans la mesure où cette dernière n’avait pas encore été établie au moment de l’adoption de la décision attaquée. En effet, il ressort de la requête ainsi que des observations sur l’exception d’irrecevabilité, que la requérante a demandé son inscription au répertoire des associations du ministère de l’Intérieur espagnol le 19 juillet 2017 et qu’elle a effectivement été inscrite audit répertoire le 4 septembre 2017, c’est-à-dire bien après le 7 juin 2017, jour de l’adoption de la décision attaquée.

26      À défaut d’affectation directe de la requérante, il y a lieu de conclure que le recours, en ce qu’il émane de cette dernière, ne satisfait pas aux conditions cumulatives énoncées dans le cadre de la première hypothèse mentionnée au point 23 ci-dessus, de sorte que la requérante ne peut prétendre posséder la qualité pour agir en vertu de cette hypothèse, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si la décision attaquée constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution au sens de la deuxième hypothèse relevée au point 23 ci-dessus. En effet, la notion d’affectation directe fait l’objet d’une interprétation identique s’agissant de ces deux hypothèses [arrêts du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, EU:T:2011:623, points 31 et 32, et du 14 janvier 2016, Doux/Commission, T‑434/13, non publié, EU:T:2016:7, point 36].

27      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent recours comme manifestement irrecevable. Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur les autres griefs d’irrecevabilité soulevés par la BCE.

 Sur les demandes d’intervention

28      Conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure, lorsque la partie défenderesse dépose une exception d’irrecevabilité ou d’incompétence, visée à l’article 130, paragraphe 1, dudit règlement, il n’est statué sur les demandes d’intervention qu’après le rejet ou la jonction de l’exception au fond. Par ailleurs, conformément à l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’intervention est accessoire au litige principal et perd son objet, notamment, lorsque la requête est déclarée irrecevable.

29      En l’espèce, le recours étant rejeté dans son ensemble, il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention.

 Sur les dépens

30      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du CRU et de la BCE.

31      Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, Banco Santander, Banco Popular Español, le Royaume d’Espagne, la Commission et Chavela Inmuebles, supporteront leurs propres dépens afférents à leurs demandes d’intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention de Banco Santander, SA, de Banco Popular Español, SA, du Royaume d’Espagne, de la Commission européenne et de Chavela Inmuebles, SL.

3)      Activa Minoristas del Popular Asociación para la tutela de los inversores minoristas afectados por la resolución, supervisión y gestión del Banco Popular est condamnée aux dépens à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

4)      Banco Santander, Banco Popular Español, le Royaume d’Espagne, la Commission et Chavela Inmuebles supporteront leurs propres dépens afférents à leurs demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 24 septembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins


*      Langue de procédure : l’espagnol.