Language of document : ECLI:EU:T:2012:633



ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

29 novembre 2012 (*)

« Concurrence − Décision d’association d’entreprises – Marché de l’émission des cartes de paiement en France – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Mesures tarifaires applicables aux ‘nouveaux entrants’ – Droit d’adhésion et mécanismes dits de ‘régulation de la fonction acquéreur’ et de ‘réveil des dormants’ – Marché pertinent − Objet des mesures en cause − Restriction de la concurrence par l’objet − Article 81, paragraphe 3, CE − Erreurs manifestes d’appréciation – Principe de bonne administration − Proportionnalité − Sécurité juridique »

Dans l’affaire T‑491/07,

Groupement des cartes bancaires « CB », établi à Paris (France), représenté initialement par Mes A. Georges, J. Ruiz Calzado et É. Barbier de La Serre, puis par Mes Ruiz Calzado et F. Pradelles, avocats,

partie requérante,

soutenu par

BNP Paribas, établie à Paris, représentée par Mes O. de Juvigny et D. Berg, avocats,

par

BPCE, anciennement Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance (CNCEP), établie à Paris, représentée par Mes B. Bär-Bouyssière et A. de Beaugrenier, avocats,

et par

Société générale, établie à Paris, représentée par Mes A. Barav et D. Reymond, avocats,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. F. Arbault, Mme O. Beynet et M. V. Bottka, puis par Mme Beynet et MM. Bottka et B. Mongin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2007) 5060 final de la Commission, du 17 octobre 2007, relative à la procédure d’application de l’article 81 [CE] (COMP/D1/38606 – Groupement des cartes bancaires « CB »),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le Groupement des cartes bancaires « CB » (ci-après le « requérant » ou le « Groupement ») est un groupement d’intérêt économique de droit français, créé en 1984 par les principaux établissements bancaires français. Il a été créé afin de réaliser l’interopérabilité des systèmes de paiement et de retrait par cartes bancaires émises par ses membres (ci-après les « cartes CB »). Cette interopérabilité se traduit en pratique par le fait qu’une carte CB émise par un membre du Groupement peut être utilisée pour effectuer des paiements auprès de tous les commerçants affiliés au système CB par l’intermédiaire de n’importe quel autre membre du Groupement et/ou peut être utilisée pour effectuer des retraits dans les distributeurs automatiques de billets (DAB) exploités par tous les autres membres du Groupement.

2        Les organes et les principes de fonctionnement du Groupement sont décrits dans son contrat constitutif et dans son règlement intérieur.

3        Le 29 juin 2007, le Groupement comptait 148 membres. Ceux-ci sont soit des établissements dits « chefs de file », soit des établissements rattachés à l’un des chefs de file. En vertu du contrat constitutif du Groupement, les onze chefs de file sont les suivants : la Banque fédérale des banques populaires (représentant le groupe Banque populaire, Natexis et ses filiales et établissements affiliés), La banque postale, BNP Paribas, la BPCE, [anciennement Caisse nationale des caisses d’épargne et de prévoyance (CNCEP)] (représentant l’ensemble des caisses d’épargne et de prévoyance), la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) (représentant l’ensemble des Fédérations régionales et des caisses de crédit mutuel), le Crédit agricole et la Fédération nationale du Crédit agricole (FNCA) (représentant conjointement les Caisses régionales et les Caisses locales du crédit agricole), le Crédit du nord, le Crédit industriel et commercial (CIC), le Crédit Lyonnais, la HSBC France (anciennement CCF) et la Société générale.

4        L’assemblée générale des membres du Groupement comprend l’ensemble des membres du Groupement. Au sein de cette assemblée, chaque membre dispose d’une voix et, en outre, d’un nombre de voix égal à la somme du nombre des opérations initiées par les cartes CB qui lui sont attribuées (article 23.3 du contrat constitutif). L’assemblée générale extraordinaire est notamment compétente pour modifier le contrat constitutif du Groupement.

5        Le conseil de direction du Groupement (ci-après le « conseil de direction ») est composé des chefs de file. Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour prendre toutes les décisions définissant les grandes options du Groupement, sous réserve de ceux attribués aux assemblées générales des membres du Groupement et à l’administrateur du Groupement.

6        L’administrateur du Groupement est un organe d’exécution subordonné au conseil de direction.

7        À ces organes statutaires du Groupement est adjointe une instance informelle, sans pouvoir de décision, dénommée « Comité d’orientation monétique » (ci-après le « COM »). Le COM est composé [confidentiel] (1) du Groupement et [confidentiel] des chefs de file, à l’exception de la HSBC France.

I –  Procédure devant la Commission

8        Le 10 décembre 2002, le Groupement a notifié à la Commission des Communautés européennes, en vertu du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), différentes nouvelles règles envisagées pour le système CB, consistant, d’une part, en trois mesures tarifaires qui avaient été adoptées par le conseil de direction les 8 et 29 novembre 2002 et, d’autre part, en des modifications du contrat constitutif qui allaient être adoptées par l’assemblée générale du Groupement le 20 décembre 2002 (ci-après la « notification »). Ces nouvelles règles devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2003.

9        Le 7 mai 2003, la Commission a adopté, sur le fondement de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, une décision ordonnant au Groupement de se soumettre à une vérification. Par arrêt du 12 juillet 2007, CB/Commission (T‑266/03, non publié au Recueil), le Tribunal a rejeté le recours en annulation qui avait été introduit par le Groupement à l’encontre de cette décision. Des décisions similaires ont été adoptées par la Commission à l’égard de neuf des onze chefs de file.

10      Le 8 juin 2004, le conseil de direction a décidé de ne pas mettre en œuvre les mesures tarifaires notifiées, jusqu’à une éventuelle décision de la Commission sur leur compatibilité avec le droit de la concurrence. Cette décision a été communiquée à la Commission par lettre du 10 juin 2004.

11      Le 6 juillet 2004, la Commission a adopté une première communication des griefs, adressée au Groupement et aux neuf chefs de file ayant fait l’objet de vérifications. Elle leur faisait grief d’avoir conclu un « accord secret anticoncurrentiel » ayant « globalement pour objet de limiter la concurrence entre les banques parties à l’accord ainsi que de freiner de manière concertée la concurrence des nouveaux entrants (notamment la grande distribution, les banques en ligne et les banques étrangères) sur le marché de l’émission de cartes bancaires ». Elle a estimé que « la notification [avait] été faite dans le but de dissimuler le véritable contenu de l’accord anticoncurrentiel ». Elle envisageait de priver de tout effet la notification et d’infliger une amende aux destinataires de cette communication des griefs. Le Groupement a répondu à cette communication des griefs le 8 novembre 2004 et une audition s’est tenue les 16 et 17 décembre 2004.

12      Le 17 juillet 2006, la Commission a adopté une seconde communication des griefs, adressée uniquement au Groupement. Elle y indiquait que la première communication des griefs devait être considérée comme retirée. Cette seconde communication des griefs portait sur une décision d’association d’entreprises instituant une série de mesures tarifaires ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel.

13      Le Groupement a répondu à cette seconde communication des griefs le 19 octobre 2006 et une audition s’est tenue le 13 novembre 2006.

14      Des discussions se sont ensuite déroulées entre le Groupement et les services de la direction générale (DG) de la concurrence de la Commission, concernant la possibilité pour le Groupement de soumettre à la Commission une proposition d’engagements en vertu de l’article 9 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1). Après avoir soumis de manière informelle quatre versions de propositions d’engagements, le Groupement a formellement présenté une proposition d’engagements le 20 juillet 2007.

15      Par lettre du 31 juillet 2007, le directeur général de la DG de la concurrence de la Commission a informé le Groupement que, eu égard au stade actuel de la procédure, cette offre lui apparaissait tardive et également insatisfaisante. Il y indiquait en outre que l’issue de l’affaire serait décidée par le collège des commissaires.

II –  Décision attaquée

16      Le 17 octobre 2007, la Commission a, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, adopté la décision C (2007) 5060 final relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (COMP/D1/38606 − Groupement des cartes bancaires « CB ») (ci-après la « décision attaquée »).

17      Dans la décision attaquée, la Commission a décrit les mesures tarifaires qui lui ont été notifiées.

18      La première mesure tarifaire notifiée consistait en l’instauration d’un dispositif dénommé « mécanisme de régulation de la fonction acquéreur » (ci-après le « MERFA »). Selon le Groupement, ce dispositif avait pour objectifs, d’une part, d’inciter les membres du Groupement, davantage émetteurs qu’acquéreurs, à développer leur activité d’acquisition, et, d’autre part, de prendre en compte financièrement les efforts des membres dont l’activité d’acquisition est importante par rapport à leur activité d’émission (voir considérant 139 de la décision attaquée).

19      L’activité d’acquisition au sens du MERFA comprend, d’une part, l’« activité d’acquisition de commerçants » [correspondant à l’affiliation de commerçants ayant un numéro attribué par l’Institut national français de la statistique et des études économiques (INSEE) dans le cadre du « Système d’identification au répertoire des entreprises » (SIREN) servant à identifier une entreprise, personne physique ou personne morale] et, d’autre part, l’« activité retrait » (correspondant à l’exploitation de DAB dans lesquels les cartes CB peuvent être utilisées). L’activité d’émission désigne la délivrance par une banque de cartes CB de paiement et/ou de retrait à un porteur.

20      La formule prévue pour le MERFA, permettant de déterminer l’indice d’utilisation du système CB, reproduite au considérant 142 de la décision attaquée, est la suivante :

« [½ ([nombre de DAB homologués actifs de la banque concernée/nombre total de DAB homologués actifs du Groupement) + (nombre de SIREN actifs de la banque concernée/nombre total de SIREN actifs du Groupement])]/(nombre de cartes CB actives de la banque concernée/nombre total de cartes CB actives du Groupement) ».

21      Est soumise au MERFA, au titre d’un exercice donné, toute banque dont l’indice d’utilisation du système CB est inférieur à 0,5.

22      Pour être qualifié de « DAB homologué actif », un DAB doit répondre aux trois conditions suivantes : i) le gestionnaire de DAB déclare au Groupement que l’environnement sécuritaire du DAB est conforme aux décrets en la matière ; ii) le matériel est « agréé CB » selon les règles de l’agrément en vigueur, dans le respect de la réglementation interbancaire du retrait par carte CB, et iii) le DAB a accepté au moins une opération de retrait CB au cours de l’exercice. Les « SIREN actifs » sont les commerces avec lesquels la banque concernée a au moins un contrat d’affiliation « cartes CB » en vigueur et qui ont accepté au moins une opération de paiement au cours de l’année. Enfin, l’expression « banque concernée » signifie tout groupe constitué par un membre du Groupement et les filiales dont il détient 51 % au moins du capital. Les groupes de banques incluent, en plus des filiales, les entités relevant d’un organe central au sens du code monétaire et financier.

23      Les banques soumises au MERFA étaient redevables d’un montant annuel variant, selon les cas, de 0 à 11 euros par carte CB de paiement et de retrait active et de 0 à 3 euros par carte CB de retrait active, une carte CB étant considérée comme « active » lorsqu’elle a été utilisée au moins une fois au cours de l’année.

24      Les sommes perçues au titre du MERFA devaient être réparties entre les membres du Groupement qui n’étaient redevables d’aucune somme au même titre, au prorata de leur contribution à l’activité d’acquisition. Ces membres pouvaient utiliser librement les sommes perçues à ce titre.

25      Le MERFA devant être mis en place le 1er janvier 2003, il était prévu que les sommes dues au titre de celui-ci soient versées en 2004, sur la base des données constatées en 2003.

26      La deuxième mesure tarifaire notifiée consistait en une réforme du droit d’adhésion au Groupement. Le nouveau droit d’adhésion, qui devait s’appliquer à tout nouvel entrant au sein du Groupement à compter du 1er janvier 2003, comprenait :

–        un droit d’adhésion proprement dit, consistant en un droit fixe de 50 000 euros hors taxes, perçu au moment de l’adhésion (ci-après le « droit fixe d’adhésion ») et en un droit (que la formule décrite au considérant 146 de la décision attaquée permet de calculer) de 12 euros hors taxes par carte CB émise et active pendant les trois années suivant l’adhésion au Groupement, assis sur la différence entre le stock de cartes CB détenu par ce membre entre la fin et le début de l’exercice concerné (ci-après le « droit d’adhésion par carte ») ;

–        le cas échéant, un droit complémentaire d’adhésion (que la formule figurant au considérant 146 de la décision attaquée permet de calculer) applicable aux membres dont le nombre de cartes CB en stock au cours ou à la fin de la sixième année suivant leur adhésion excède le triple de leur nombre de cartes CB en stock à la fin de la troisième année suivant leur adhésion, fixé à 12 euros hors taxes par « nouvelle » carte CB et assis sur le tiers de la différence entre le stock de [cartes CB] à la fin de la sixième année et le stock de [cartes CB] à la fin de la troisième année, soit 12 euros multiplié par un tiers des cartes CB « en excès ».

27      La troisième mesure tarifaire notifiée consistait en l’instauration d’un dispositif dénommé « réveil des dormants » (ci-après le « droit de réveil des dormants »). Il s’agissait d’un droit par carte CB émise applicable aux membres « dormants », c’est-à-dire aux membres du Groupement inactifs ou peu actifs avant la date d’entrée en vigueur des nouvelles mesures tarifaires, dont la part dans l’activité d’émission de cartes CB de l’ensemble du système CB, au cours de l’une des années 2003, 2004 et 2005, aurait été plus de trois fois supérieure à leur part dans l’activité relative aux cartes CB totale de l’ensemble du système CB au cours de l’exercice 2000, de l’exercice 2001 ou de l’exercice 2002. Ce dispositif visait à assurer un traitement identique des nouveaux membres du Groupement (qui pouvaient éventuellement être soumis au droit complémentaire d’adhésion) et de ceux qui, bien que déjà membres, se trouvaient objectivement dans la même situation que les nouveaux membres s’agissant de l’utilisation du système CB. Ce dispositif était destiné à être temporaire et il ne devait pas s’appliquer au-delà de l’année 2005.

28      Le droit de réveil des dormants (que la formule figurant au considérant 150 de la décision attaquée permet d’établir) devait être calculé sur la base des positions relatives d’un membre du Groupement en tant qu’émetteur, à savoir son nombre total de cartes CB divisé par le nombre total des cartes CB du Groupement, en tant qu’acquéreur, à savoir son nombre de SIREN actifs divisé par le nombre total de SIREN actifs du Groupement, et en tant que gestionnaire de DAB, à savoir son nombre de DAB actifs divisé par le nombre total de DAB actifs du Groupement) à la fin des années 2000, 2001 et 2002. Le meilleur de ces indices devait être retenu. Si, à la fin de l’exercice 2003, de l’exercice 2004 ou de l’exercice 2005, le ratio de cartes CB émises par ce membre par rapport au nombre total de cartes CB du Groupement excédait trois fois l’indice retenu, il était prévu que ce membre paye 12 euros par carte CB en surnombre.

29      Le droit de réveil des dormants devait être dû une seule fois. Les membres ayant adhéré au Groupement en 2002 pouvaient choisir d’être considérés comme de nouveaux entrants ou comme des membres dormants.

30      En l’espèce, sont en cause les mesures tarifaires suivantes : le MERFA, le droit d’adhésion par carte, le droit complémentaire d’adhésion et le droit de réveil des dormants (ci-après, prises ensemble, les « mesures en cause »). Le droit fixe d’adhésion n’est pas visé par la décision attaquée parmi les mesures considérées comme contraires à l’article 81 CE.

31      Après une présentation des systèmes de paiement par carte en France, du fonctionnement du Groupement et du système des commissions interbancaires en France, la Commission a détaillé les travaux qui se sont déroulés au sein du Groupement, et plus particulièrement ceux du COM, et qui ont précédé l’adoption des mesures en cause.

32      La Commission a relevé que les premières réflexions relatives aux mesures en cause avaient débuté en 2001, dans le cadre du projet CS 2002, conçu au sein du COM, qui avait notamment pour objectif la mise en place d’une tarification pour éviter la baisse de la cotisation payée par les porteurs de cartes CB déclenchée par l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché de l’émission des cartes bancaires en France. Ces nouveaux entrants étaient principalement des banques de la grande distribution et des banques en ligne. Dans le cadre de ce projet, la possibilité de création d’une société industrielle et commerciale (SIC) qui deviendrait propriétaire du système CB avait notamment été envisagée. Cette possibilité avait par la suite été abandonnée au vu de son « éventuelle irrecevabilité […] au regard du droit de la concurrence ». À la suite de cet abandon, les mesures en cause ont finalement été adoptées par le COM le 11 octobre 2002, puis formellement adoptées par le conseil de direction par décisions des 8 et 29 novembre 2002.

33      Aux fins de son analyse, la Commission a défini le marché en cause comme étant celui de l’émission des cartes de paiement en France et a considéré qu’il n’était pas nécessaire de préciser si le marché se limitait aux seules cartes CB ou s’il comprenait également d’autres cartes telles que les cartes privatives ou accréditives.

34      La Commission a considéré que les mesures en cause constituaient une décision d’association d’entreprises.

35      La Commission a conclu que les mesures en cause avaient un objet anticoncurrentiel. Cet objet ressortait des formules mêmes prévues pour les mesures en cause et contredisait les objectifs de ces mesures déclarés dans la notification. Ainsi, la Commission a considéré, d’une part, que ces mesures n’étaient pas appropriées pour encourager l’acquisition et qu’elles aboutissaient soit à imposer un surcoût aux membres qui y étaient soumis, soit à limiter l’activité d’émission des membres qui y auraient autrement été soumis et, d’autre part, que la fonction d’incitation de l’activité d’acquisition prêtée au MERFA par le Groupement était contredite par la fonction prêtée par le Groupement aux commissions interbancaires et par la fonction du droit complémentaire d’adhésion et du droit de réveil des dormants.

36      La Commission a également estimé que l’objet anticoncurrentiel ressortant des formules mêmes prévues pour les mesures en cause correspondait aux objectifs réels de ces mesures, exprimés par les chefs de file lors de leur préparation, à savoir la volonté d’entraver la concurrence des nouveaux entrants et de les pénaliser, la volonté de préserver les revenus des chefs de file et la volonté de limiter la réduction du prix des cartes bancaires.

37      De plus, la Commission a conclu que les mesures en cause avaient un effet restrictif de concurrence. D’une part, la Commission a analysé les effets qu’auraient déployés les mesures en cause si elles avaient été appliquées, c’est-à-dire si leur suspension avait été levée. À cet égard, elle a considéré que l’application des mesures aurait conduit à une réduction importante de l’attractivité de l’offre des nouveaux entrants du fait du surcoût qui leur aurait été imposé et les aurait pénalisé, tout en ayant des effets positifs pour les grandes banques ayant participé au COM, du fait des critères retenus dans les formules prévues pour les mesures en cause. Elle a également considéré que les mesures en cause auraient eu un effet sur le prix des cartes CB, un effet inhibiteur sur le volume des plans d’émission des nouveaux entrants et des effets bénéfiques pour les participants au COM, notamment la préservation de leurs revenus.

38      D’autre part, la Commission a analysé les effets effectivement produits sur le marché par les mesures en cause. La Commission a considéré que, entre le 1er janvier 2003 et le 8 juin 2004, à savoir la période d’application des mesures en cause, ces dernières avaient conduit à la réduction des plans d’émission de cartes CB des nouveaux entrants et à la prévention de la baisse du prix des cartes CB, tant des nouveaux entrants que des chefs de file et que, après la suspension des mesures en cause, le 8 juin 2004, elles avaient également produit des effets sur les plans d’émission des cartes CB, dont la réduction avait été maintenue même après la suspension des mesures en cause, ainsi que sur le prix des cartes CB des nouveaux entrants et des chefs de file.

39      La Commission a estimé que les mesures en cause n’échappaient pas au champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. En particulier, ces mesures ne pouvaient pas être considérées comme des restrictions accessoires. Elle a également considéré que les mesures en cause créaient une restriction appréciable de la concurrence, étant donné que les cartes CB représentaient, en 2004, plus de 78 % du marché (en valeur) des cartes de paiement en France. Enfin, elle a indiqué que le commerce entre États membres était affecté de manière appréciable, les mesures en cause produisant notamment un effet, au moins potentiel, de cloisonnement du marché français des cartes de paiement et que cela n’avait pas été contesté par le Groupement dans sa notification. La Commission en a conclu que les mesures en cause étaient contraires à l’article 81, paragraphe 1, CE.

40      S’agissant de l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, la Commission a analysé, en premier lieu, la condition de la contribution à l’amélioration de la production ou de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique ou économique. Premièrement, elle a estimé que l’argument fondé sur le parasitisme par les nouveaux entrants des investissements consentis dans le système CB ou de la valeur d’usage de ce système manquait de clarté et que l’existence du parasitisme n’était pas démontrée. À cet égard, elle a estimé que plusieurs raisons s’opposaient à une justification des mesures en cause (en particulier du droit d’adhésion variant en fonction du nombre de cartes émises) par une nécessité de rémunérer les investissements. Ainsi, elle a considéré que le Groupement ne pouvait pas justifier les mesures par des coûts excédant ceux supportés dans l’intérêt du système CB, ni par la rémunération des investissements passés ou le « juste retour » sur investissement (notamment parce que le Groupement ne démontrait pas que les investissements des membres « traditionnels » du Groupement n’avaient pas déjà été rémunérés ni que ces membres auraient contribué davantage au système CB que les nouveaux entrants), ni par la protection des investissements futurs et le risque d’éclatement du système en cause. En outre, elle a estimé que l’assiette des droits en cause était incompatible avec le principe d’une rémunération des investissements.

41      Deuxièmement, la Commission a estimé que la justification des mesures en cause, en particulier en ce qui concerne le MERFA, en tant que mécanisme d’équilibrage entre les fonctions d’acquisition et d’émission ne pouvait être acceptée. D’une part, elle a considéré que les conclusions des études économiques justifiant le MERFA présentées par le Groupement en mars 2003 et en octobre 2004 (ci-après les « deux premières études ») n’étaient pas valables, ces études s’appuyant sur des données contestables, étant entachées d’erreurs méthodologiques et aboutissant à des conclusions elles aussi contestables s’agissant notamment de l’existence d’externalités positives liées à l’acquisition plus importantes que celles liées à l’émission. Elle a indiqué en outre que les mesures en cause « ne résultaient pas des études économiques » et que les études économiques produites par le Groupement en réponse à la seconde communication des griefs (ci-après les « deux études supplémentaires ») ne remettaient pas en cause ses conclusions selon lesquelles les deux premières études ne justifiaient pas le MERFA.

42      D’autre part, la Commission a considéré que le MERFA ne pouvait pas être justifié par une fonction régulatrice des activités d’émission et d’acquisition. À cet égard, elle a indiqué que la proportion de l’activité d’émission par rapport à l’activité d’acquisition de référence était celle des chefs de file et non celle d’un équilibre optimal pour le système CB, que le Groupement ne démontrait pas que les critères retenus aux fins du calcul du MERFA, à savoir le critère du nombre de SIREN (ci-après le « critère SIREN »), le critère du nombre de DAB (ci-après le « critère DAB ») et le critère du nombre de cartes CB, conduisaient à un optimum pour ce système et qu’il ne démontrait pas davantage que l’équilibre optimal pour l’ensemble du système en cause imposait la convergence de chacun des membres vers un même seuil de référence. En outre, le MERFA n’incitait pas, en pratique, les établissements essentiellement émetteurs à exercer davantage d’activités d’acquisition dans les zones et les secteurs définis par le Groupement comme étant dans l’intérêt du système concerné. De plus, la Commission a relevé que les sommes versées au titre du MERFA n’étaient pas affectées à des fins satisfaisant à la première condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE et que la fonction régulatrice alléguée était en contradiction avec la fonction d’autres mesures.

43      Troisièmement, la Commission a estimé qu’il n’existait pas de parasitisme. Quatrièmement, elle a considéré que la validité des autres justifications économiques n’était pas démontrée. Cinquièmement, elle a relevé que les mesures en cause avaient des effets économiques négatifs.

44      En deuxième lieu, la Commission a considéré que, en l’absence de contribution au progrès technique ou économique, il n’y avait pas de part équitable du profit d’un tel progrès qui puisse être réservé aux utilisateurs − porteurs de cartes CB et commerçants − et que, au contraire, les utilisateurs subissaient des effets anticoncurrentiels sur les prix, le volume et les fonctionnalités des cartes CB. Dès lors, la deuxième condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE n’était pas satisfaite.

45      En troisième lieu, la Commission a considéré que les mesures en cause constituaient des restrictions qui n’étaient pas indispensables, en particulier pour lutter contre le parasitisme, dans la mesure où ce phénomène n’existait pas dans le système CB. Elle a également indiqué que le MERFA n’était pas indispensable pour équilibrer les activités d’émission et d’acquisition et que le Groupement n’avait pas démontré dans quelle mesure, parmi toutes les solutions envisageables pour satisfaire les objectifs invoqués, tels que le suivi du rythme des innovations, l’émergence d’un espace européen de paiements et de nouvelles exigences de sécurité, les mesures en cause étaient les moins restrictives. Elle en a conclu que la troisième condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE n’était pas non plus satisfaite.

46      En quatrième lieu, la Commission a considéré qu’il n’était pas nécessaire, au vu de ses précédentes constatations sur l’absence de satisfaction des trois premières conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, de vérifier si la quatrième condition (ne pas rendre possible l’élimination de la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause) était également remplie.

47      La Commission en a conclu que l’article 81, paragraphe 3, CE n’était pas applicable aux mesures en cause, que la décision du Groupement relative aux mesures en cause était contraire aux dispositions de l’article 81, paragraphe 1, CE et nulle de plein droit en application de l’article 81, paragraphe 2, CE et qu’elle était, dès lors, fondée à ordonner au Groupement de retirer les mesures en cause et de s’abstenir à l’avenir de tout accord, décision d’association d’entreprises ou pratique concertée ayant un objet ou un effet similaire.

48      La décision attaquée dispose :

« Article premier

Les mesures tarifaires adoptées par le [Groupement] par décisions des 8 et 29 novembre 2002 [du conseil de direction], à savoir le [MERFA], le droit d’adhésion par carte et le droit complémentaire d’adhésion, ainsi que le [droit de réveil des dormants] applicable aux membres du Groupement qui n’ont pas développé d’activité ‘CB’ significative depuis leur adhésion sont contraires à l’article 81 [CE].

Article 2

Le Groupement met fin immédiatement à l’infraction visée à l’article 1er en retirant les mesures tarifaires notifiées visées audit article, dans la mesure où il ne l’a pas déjà fait.

Le Groupement s’abstient, à l’avenir, de toute mesure ou [de] tout comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »

 Procédure et conclusions des parties

49      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2007, le requérant a introduit le présent recours.

50      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 17, 18 et 22 avril 2008, BNP Paribas, la BPCE et la Société générale (ci-après, prises ensemble, les « intervenantes ») ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien du requérant. Par ordonnances du 16 juillet 2008, le président de la première chambre du Tribunal a admis ces interventions. Les intervenantes ont déposé leurs mémoires en intervention et les autres parties ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

51      Le 30 mai 2008, le requérant et la Commission ont chacun déposé une demande de traitement confidentiel à l’égard des intervenantes de certaines données figurant, respectivement, dans la requête et dans le mémoire en défense ainsi que dans leurs annexes.

52      Le 17 juillet 2008, le requérant a déposé une demande de traitement confidentiel à l’égard des intervenantes de certaines données figurant dans le mémoire en défense et dans la réplique et dans leurs annexes.

53      Le 10 novembre 2008, le requérant a déposé une demande de traitement confidentiel à l’égard des intervenantes de certaines données figurant dans la duplique.

54      Le requérant et la Commission s’étant entendus sur l’étendue de la confidentialité qu’il convenait d’accorder à ces différentes pièces et les intervenantes n’ayant pas soulevé d’objections à l’encontre de ces demandes de traitement confidentiel, des versions non confidentielles des mémoires du requérant et de la Commission et de leurs annexes ont été notifiées aux intervenantes.

55      Le 4 décembre 2008, la BPCE a déposé une demande de traitement confidentiel à l’égard de BNP Paribas et de la Société générale de certaines données figurant dans son mémoire en intervention et dans une des annexes de ce mémoire. Les autres intervenantes n’ayant pas soulevé d’objections à l’encontre de cette demande de traitement confidentiel, une version non confidentielle du mémoire en intervention de la BPCE et d’une des annexes à ce mémoire a été notifiée à BNP Paribas et à la Société générale.

56      Le 6 mai 2009, le requérant a présenté une demande de traitement confidentiel à l’égard des intervenantes et du public de certaines données figurant dans les observations de la Commission sur les mémoires en intervention et dans les annexes de ces observations. Les intervenantes n’ayant pas soulevé d’objections à l’encontre de cette demande de traitement confidentiel, une version non confidentielle des observations de la Commission sur les mémoires en intervention et des annexes de ces observations leur a été notifiée.

57      La composition des chambres ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre à laquelle la présente affaire a donc été attribuée.

58      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a, d’une part, invité le requérant à produire certains documents et à répondre à certaines questions par écrit et, d’autre part, posé une question aux parties pour réponse à l’audience. Le requérant a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

59      Lors de l’audience du 16 mai 2012, le requérant, la Commission, la BPCE et BNP Paribas ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal.

60      Le requérant, soutenu par les intervenantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

61      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

62      À l’appui de son recours, le requérant, soutenu par les intervenantes, soulève six moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 81 CE en raison d’erreurs dans la méthode d’analyse des mesures en cause et des marchés retenus, de la violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’objet des mesures en cause. Le troisième moyen est tiré d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen des effets des mesures en cause. Le quatrième moyen, soulevé à titre subsidiaire, est tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 3, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’applicabilité de cette disposition aux mesures en cause. Le cinquième moyen est tiré de la violation du principe de bonne administration. Le sixième moyen est tiré de la violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique.

I –  Observations liminaires

63      Selon la jurisprudence, les notions d’« accord », de « décision d’association d’entreprises » et de « pratique concertée » appréhendent, du point de vue subjectif, des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêt de la Cour du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 23 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 131). Dès lors, les critères dégagés par la jurisprudence aux fins d’apprécier si un comportement a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sont applicables qu’il s’agisse d’un accord, d’une décision d’association d’entreprises ou d’une pratique concertée (arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., précité, point 24). Il s’ensuit qu’est applicable à l’analyse de l’ensemble du présent recours non seulement la jurisprudence portant spécifiquement sur des décisions d’associations d’entreprises, mais également l’ensemble de la jurisprudence relative à l’application de l’article 81 CE.

64      Également, selon une jurisprudence constante, le contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt de la Cour du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, Rec. p. I‑9291, ci-après l’« arrêt de la Cour GlaxoSmithKline », point 85, et la jurisprudence citée).

65      Il convient de relever que, dans la requête, le requérant soutient, à titre liminaire, que la décision attaquée est affectée de façon transversale par quatre erreurs. Premièrement, la Commission aurait utilisé à tort, comme moyen de preuve de l’intention anticoncurrentielle de certains membres du Groupement, les documents relatifs aux discussions qui ont eu lieu entre certains membres du Groupement préalablement à l’adoption des mesures en cause. Deuxièmement, la Commission aurait ignoré la nature « biface » des systèmes de paiement par carte. Troisièmement, le raisonnement de la Commission aurait reposé sur une théorie économique manifestement erronée selon laquelle tout coût imposé à un opérateur est anticoncurrentiel per se, c’est-à-dire sans aucun examen de la valeur de la contrepartie obtenue en échange. Étant donné que ces arguments sont également invoqués dans les premier et deuxième moyens, ils seront analysés dans le cadre de ces deux moyens.

66      Quatrièmement, le requérant soutient que le raisonnement de la Commission reposait, implicitement, sur la prémisse erronée selon laquelle le système CB constitue une facilité essentielle. À cet égard, il suffit de constater que le requérant n’indiquant pas dans quels considérants de la décision attaquée figurerait ce raisonnement, cet argument constitue une simple allégation non étayée et doit être rejeté comme manifestement non fondé.

II –  Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 81 CE en raison d’erreurs dans la méthode d’analyse des mesures en cause et des marchés retenus, de la violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation

67      Par le premier moyen, le requérant conteste la méthode d’analyse des mesures en cause de la Commission.

68      Ce moyen est divisé en trois branches, tirées, respectivement, de la non-prise en compte de la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause, de la non-prise en compte de l’interdépendance des activités d’émission et d’acquisition et de la contradiction, dans la décision attaquée, entre la définition des marchés concernés et leur analyse.

69      Avant d’examiner les différentes branches de ce moyen, il convient de relever que, s’agissant de la méthode d’analyse des mesures en cause, la Commission a, tout d’abord, indiqué dans la décision attaquée que, en ce qui concernait les systèmes de paiement par carte, une distinction devait être faite entre deux types de concurrence : la concurrence intersystèmes, opposant les systèmes de paiement par carte, et la concurrence intrasystème, opposant les institutions financières (généralement les banques) pour les activités liées aux cartes, à savoir l’émission des cartes et l’acquisition des commerçants (voir considérants 163 à 168 de la décision attaquée). Elle a observé, que, en raison de l’importance du système CB sur le marché des systèmes de paiement en France et en raison de la faiblesse de la concurrence intersystèmes en France, il y avait lieu de focaliser l’analyse des mesures en cause sur le marché intrasystème (voir considérants 169 et 170 de la décision attaquée). La Commission a défini le marché géographique comme étant la France en se fondant sur le critère de la localisation des destinataires des services fournis par les banques membres du Groupement (voir considérants 186 à 188 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission a constaté que les mesures en cause créaient une restriction par objet et par effet appréciable sur le marché de l’émission de cartes de paiement en France (voir considérants 193 à 251, 258 à 358 et 369 à 374 de la décision attaquée) et qu’elles n’étaient pas appropriées pour atteindre les objectifs que le Groupement leur assignait dans la notification, à savoir assurer un développement équilibré de l’activité d’émission et de l’activité d’acquisition au sein du système CB et prendre en compte financièrement les efforts des membres dont l’activité d’acquisition était plus importante que leur activité d’émission (voir considérants 380 à 470 de la décision attaquée). Enfin, il y a lieu de relever que, en examinant les mesures en cause, la Commission a vérifié, notamment, la possibilité de développer l’activité d’acquisition au sein du système CB, la capacité des mesures en cause à contribuer effectivement au développement de cette activité ainsi que la cohérence des mesures en cause avec les autres commissions interbancaires existant déjà au sein du système CB et la cohérence des trois mesures en cause entre elles (voir, notamment, considérants 201 à 234 de la décision attaquée). La Commission a également tenu compte de la genèse de ces mesures, telle qu’elle ressortait des documents saisis lors de vérifications sur place effectuées dans les locaux du Groupement et dans ceux de certains de ses membres ainsi que des règles statutaires régissant le fonctionnement interne du Groupement, notamment le processus de prise de décision au sein du Groupement (voir considérants 1, 29 à 47, 198 et 235 à 250 de la décision attaquée).

A –  Sur la première branche, tirée de la non-prise en compte de la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause

70      Le requérant fait valoir que la Commission a violé les principes juridiques relatifs à l’application de l’article 81 CE en se dispensant, dans la décision attaquée, de toute analyse de la situation concurrentielle en l’absence des mesures en cause en ne prenant en compte ni le risque de parasitisme subi par le système CB, ni la situation de la concurrence sur le marché des systèmes de paiement en l’absence des mesures en cause.

71      En premier lieu, le requérant affirme que la Commission aurait dû examiner si, en l’absence des mesures en cause, le Groupement ne mettait pas à la disposition de certains de ses membres une infrastructure sans que ceux-ci participent de façon appropriée aux coûts de fonctionnement et d’équilibre du système CB. Il appartiendrait à la Commission, lors de l’analyse des mesures en cause au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE, d’examiner si ces mesures n’étaient pas nécessaires pour éviter le parasitisme du système CB, pour prévenir le risque d’affaiblissement de ce système ou, plus généralement, pour assurer un bon fonctionnement de ce système. Selon le requérant, seul un tel examen aurait permis à la Commission de s’assurer que les membres du Groupement potentiellement redevables des mesures en cause ne bénéficiaient pas d’un avantage anticoncurrentiel du fait de leur accès quasi gratuit à une ressource mutualisée et ne livraient pas ainsi, aux autres membres du Groupement, une concurrence déloyale.

72      La Commission soutient que certains arguments du requérant, relatifs au caractère nécessaire des mesures en cause pour un bon fonctionnement du système CB pourraient être compris comme reposant sur la théorie des restrictions accessoires. Toutefois, le requérant a indiqué, lors de l’audience, qu’il n’invoquait pas cette théorie.

73      Il ressort de la jurisprudence que, pour déterminer si un accord relève de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE, il y a lieu de s’attacher à la teneur de ses dispositions et aux buts objectifs qu’il vise à atteindre. À cet égard, même à supposer qu’il soit établi que les parties à un accord ont agi sans aucune intention subjective de restreindre la concurrence, mais dans un but légitime, de telles considérations ne sont pas pertinentes aux fins de l’application de ladite disposition. En effet, un accord peut être considéré comme ayant un objet restrictif même s’il n’a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d’autres objectifs légitimes. Ce n’est que dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE que ces objectifs légitimes peuvent, le cas échéant, être pris en considération aux fins d’obtenir une exemption de la prohibition énoncée au paragraphe 1 du même article (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, Rec. p. I‑8637, points 19 à 21).

74      Il y a lieu de rappeler, également, que selon la jurisprudence, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et à la personne qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, CE de démontrer que les conditions d’application de ce paragraphe sont réunies (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T‑168/01, Rec. p. II‑2969, ci-après l’« arrêt du Tribunal GlaxoSmithKline Services/Commission », points 233 à 235, et la jurisprudence citée).

75      En l’espèce, il y a lieu de considérer que, en soutenant que les mesures en cause étaient nécessaires pour éviter le parasitisme du système CB, pour prévenir le risque d’affaiblissement de ce système ou, plus généralement, pour assurer un bon fonctionnement de ce système, le requérant fait valoir, en substance, que les mesures en cause avaient un objectif légitime. Ainsi, par cet argument, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, lors de l’examen de mesures en cause au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE, de cet objectif légitime.

76      Cependant, il ressort de la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus que le fait que les mesures en cause poursuivent un objectif légitime de lutter contre le parasitisme du système CB n’empêche pas qu’elles puissent également être considérées comme ayant un objet restrictif de concurrence. À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, en examinant les mesures en cause, la Commission a considéré qu’elles avaient un objet anticoncurrentiel qui ressortait des formules mêmes prévues pour ces mesures et que cet objet anticoncurrentiel contredisait les objectifs déclarés par le Groupement (voir considérant 198 de la décision attaquée).

77      Il en ressort en outre que l’objectif légitime de lutter contre le parasitisme du système CB peut être pris en considération au stade de l’analyse des mesures en cause au regard de l’article 81, paragraphe 3, CE (voir, en ce sens, arrêt Beef Industry Development Society et Barry Brothers, point 73 supra, point 21). Il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, après avoir constaté l’existence d’une restriction de concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, la Commission a examiné si les mesures en cause pouvaient bénéficier d’une exemption dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE, au regard de l’objectif allégué de lutte contre le parasitisme.

78      Partant, il ne saurait être considéré que la Commission a commis une erreur dans la méthode d’analyse des mesures en cause au motif qu’elle n’a pas tenu compte du fait qu’elles étaient nécessaires pour éviter le parasitisme du système CB, pour prévenir le risque d’affaiblissement de ce système ou, plus généralement, pour assurer un bon fonctionnement de ce système, dans le cadre de l’analyse de ces mesures au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE.

79      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel, dans sa pratique antérieure, la Commission avait accepté, comme ne tombant pas sous le coup de l’article 81, paragraphe 1, CE, des mesures nécessaires pour le bon fonctionnement du système CB. En effet, à cet égard, le requérant se réfère, notamment, à la lettre de classement de la Commission du 30 octobre 2000, relative aux affaires COMP/32.746, COMP/35.700, COMP/35.859 et COMP/37.260 − Groupement des cartes bancaires (ci-après la « décision cartes étrangères ») et à la décision 89/95/CEE de la Commission, du 19 décembre 1988, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (IV/31.291 − Eurochèques uniformes) (JO 1989, L 36, p. 16, ci-après la « décision Eurochèques uniformes »).

80      Or, s’agissant de la décision cartes étrangères, il y a lieu de constater qu’il en ressort qu’une des dispositions du contrat type en cause avait été considérée comme susceptible de tomber sous le coup de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE, mais que la Commission avait estimé que la justification de cette disposition avancée par le Groupement était suffisante pour conclure que les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE étaient réunies. Les autres dispositions du contrat type notifiées par le Groupement avaient été considérées par la Commission comme ne tombant pas sous le coup de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE au motif qu’elles n’avaient pas d’effet sur le commerce entre les États membres (s’agissant des commissions interbancaires de paiement) ou qu’elles ne restreignaient pas sensiblement la concurrence au sens de cet article (s’agissant notamment des règles relatives à l’émission en dehors de la France de cartes ayant vocation à être utilisées principalement dans le système CB). Aucune précision supplémentaire n’était fournie dans cette décision et, notamment, aucune indication du caractère nécessaire de ces règles pour le (bon) fonctionnement du système CB. La décision cartes étrangères ne peut donc pas venir au soutien de l’argument du requérant.

81      En outre, s’agissant de la décision Eurochèques uniformes, le requérant fait valoir que la Commission a accepté dans cette décision, comme ne tombant pas sous le coup de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE, des mesures justifiées par « la sécurité indispensable au bon fonctionnement du système ‘Eurochèque’ ». Il y a lieu de constater à cet égard que, dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision, la Commission a considéré que seuls les accords relatifs à certaines obligations techniques (telles que la production du papier spécial) étaient justifiés par la sécurité indispensable au bon fonctionnement du système eurochèque et, en tant que tels, ils ne relevaient pas de l’article 81, paragraphe 1, CE. En revanche, la règle relative à l’agrément préalable des entreprises de finition a été considérée par nature comme susceptible de produire des discriminations entre les entreprises et a été exemptée en vertu du paragraphe 3 de cet article (voir points 42 et suivants de cette décision). Il en ressort que, dans le cadre de l’analyse de l’accord en cause au regard du paragraphe 1 de l’article 81 CE, la Commission a tenu compte uniquement des considérations relatives à la sécurité du système. Or, de telles considérations ne sont pas comparables aux considérations relatives à un risque de parasitisme du système de paiement invoqué par le requérant. Ce dernier ne saurait donc déduire de cette décision que la Commission aurait dû tenir compte, dans le cadre de l’examen des mesures en cause au regard du paragraphe 1 de l’article 81 CE, du fait que ces mesures étaient nécessaires pour un bon fonctionnement du système CB en ce qu’elles permettaient de lutter contre le parasitisme de ce système.

82      En second lieu, le requérant fait valoir, premièrement, que la Commission aurait dû examiner la situation en l’absence des mesures en cause au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE sur le seul marché où le Groupement était présent, à savoir le marché des systèmes de paiement. Le Groupement aurait soutenu, lors de la procédure administrative, que, en l’absence des mesures en cause, le système CB risquait de s’affaiblir durablement sur ce marché.

83      À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué à bon droit, au considérant 179 de la décision attaquée, que « le droit communautaire de la concurrence [était] applicable au comportement d’une entreprise ou association d’entreprises restreignant la concurrence sur un marché autre que celui sur lequel elle [fournissait] ses services et au bénéfice d’autres entreprises qu’elle-même » et que « [t]el [était]t le cas en l’espèce[,] le Groupement – système de cartes de paiement, prestataire de services aux banques qui en [étaient] membres – [ayant] pris des mesures restreignant la concurrence entre banques sur le marché de l’émission de cartes au bénéfice des grandes banques participant à la préparation des mesures ». En effet, le fait que le Groupement est actif sur le marché des systèmes de paiement sur lequel il est en concurrence avec d’autres systèmes de paiement n’empêche pas que les banques membres du Groupement soient concurrentes à l’intérieur du système CB et que, dans ce cadre, les mesures élaborées par certains membres du Groupement, à savoir les chefs de file, puissent restreindre la concurrence à l’intérieur de ce système.

84      Deuxièmement, le requérant reproche à la Commission d’avoir analysé uniquement l’objet et les effets des mesures en cause sur le marché de l’émission des cartes bancaires et de ne pas avoir examiné si les mesures en cause étaient de nature à produire des effets proconcurrentiels sur le marché des systèmes de paiement, supérieurs aux effets éventuellement restrictifs qu’elles pourraient avoir sur le volet de l’émission, notamment dans la perspective de la mise en place du SEPA (Single Euro Payments Area, Espace unique de paiement en euros).

85      Par cet argument, le requérant fait valoir, en substance, que la Commission aurait dû procéder à une mise en balance des aspects pro- et anticoncurrentiels des mesures en cause dans le cadre de l’examen de ces mesures au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE.

86      À cet égard, il y a lieu de relever que, certes, dans certains arrêts, notamment les arrêts de la Cour du 30 juin 1966, LTM (56/65, Rec. p. 337), du 28 janvier 1986, Pronuptia de Paris (161/84, Rec. p. 353), et du 15 décembre 1994, DLG (C‑250/92, Rec. p. I‑5641), invoqués par le requérant, la Cour s’est exprimée en faveur d’une lecture plus souple de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE. Toutefois, ces arrêts s’inscrivent plutôt dans un courant jurisprudentiel plus large selon lequel il n’y a pas lieu de considérer, de manière complètement abstraite et indistincte, que tout accord restreignant la liberté d’action des parties ou de l’une d’elles tombe nécessairement sous le coup de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE. Cette interprétation n’implique pas une mise en balance des effets pro- et anticoncurrentiels d’un accord aux fins de déterminer l’applicabilité de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE. En effet, ce n’est que dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE qu’une mise en balance des aspects pro- et anticoncurrentiels d’une restriction peut avoir lieu. L’article 81, paragraphe 3, CE perdrait en grande partie son effet utile si un tel examen devait déjà être effectué dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T‑112/99, Rec. p. II‑2459, points 75 à 77, et du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T‑65/98, Rec. p. II‑4653, point 107).

87      Par ailleurs, doit être écarté l’argument du requérant selon lequel il y a lieu d’interpréter le point 136 de l’arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission (T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141), dans le sens où c’est seulement lorsqu’une décision d’association d’entreprises comporte des restrictions patentes de la concurrence que de telles restrictions ne peuvent être mises en balance avec les effets favorables de cette décision que dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE. En effet, cet argument procède d’une lecture erronée de ce point de l’arrêt European Night Services e.a./Commission, précité, duquel il ressort seulement que l’appréciation au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE d’un accord contenant des restrictions patentes n’exige pas de tenir compte du cadre concret dans lequel il déploie ses effets, et notamment du contexte juridique et économique dans lequel opèrent les entreprises concernées, la mise en balance de ses effets pro- et anticoncurrentiels devant être effectuée dans le cadre du paragraphe 3 de l’article 81 CE. Ce point ne saurait être interprété dans le sens où, lorsque les restrictions ne sont pas patentes, les effets proconcurrentiels d’un accord peuvent être pris en compte dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE.

88      Il s’ensuit que c’est au stade de l’analyse des mesures en cause au regard de l’article 81, paragraphe 3, CE que la Commission devait examiner si les mesures en cause étaient de nature à produire des effets proconcurrentiels sur le marché des systèmes de paiement, supérieurs aux effets éventuellement restrictifs qu’elles pourraient avoir sur le volet de l’émission. La question de savoir si l’examen de ces éléments effectué par la Commission est exempt d’erreur fait l’objet du quatrième moyen par lequel le requérant reproche à la Commission des erreurs dans l’analyse de la justification des mesures en cause au regard de l’article 81, paragraphe 3, CE. Cependant, sans préjuger du bien-fondé du quatrième moyen, il ne saurait être considéré que la Commission a commis une erreur dans la méthode d’analyse des mesures en cause au motif qu’elle n’a pas tenu compte des effets proconcurrentiels que les mesures en cause pouvaient produire sur le marché des systèmes de paiement dans le cadre de l’examen de ces mesures au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE.

89      Le requérant soutient dans la réplique que la Commission ne saurait réduire son argumentation à l’invocation de la présence des effets proconcurrentiels dans la mesure où il ressort de l’arrêt du Tribunal du 2 mai 2006, O2 (Germany)/Commission (T‑328/03, Rec. p. II‑1231, points 69 à 71), que « [l]a prise en considération de la situation de la concurrence qui existerait en l’absence d’accord ne revient pas à effectuer un bilan des effets pro- et anticoncurrentiels de l’accord dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE et à appliquer de la sorte une règle de raison », mais « à prendre en considération l’impact de l’accord sur la concurrence actuelle et potentielle […] et la situation de la concurrence à défaut d’accord ».

90      À cet égard, il suffit de constater que cette citation tirée des points 69 à 71 de l’arrêt O2 (Germany)/Commission, point 89 supra, n’est pas pertinente en l’espèce. En effet, dans ces points, le Tribunal a relevé que, parce que l’accord en cause dans cette affaire n’avait pas un objet anticoncurrentiel, il y avait lieu pour examiner ses effets, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence avait été, en fait, soit empêché, soit restreint ou faussé de façon sensible et que le jeu de la concurrence dont il s’agissait devait être entendu dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l’accord.

91      La Commission ayant constaté, en l’espèce, que les mesures en cause avaient un objet anticoncurrentiel (voir points 35 et 68 ci-dessus), le requérant ne saurait prétendre, sur la base de cette jurisprudence, que la non-prise en considération de la situation concurrentielle sur le marché en l’absence des mesures en cause constitue une erreur dans la méthode d’analyse.

92      Troisièmement, le requérant invoque deux décisions de la Commission relatives à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 EEE, à savoir la décision 2001/782/CE, du 9 août 2001 (Affaire COMP/29.373 − Visa International) (JO L 293, p. 24, ci-après la « décision Visa 2001 »), et la décision 2002/914/CE, du 24 juillet 2002 (Affaire COMP/29.373 − Visa International − Commission multilatérale d’interchange) (JO L 318, p. 17, ci-après la « décision Visa 2002 »). Il soutient, en substance, que, dans ces deux décisions, la Commission a adopté une approche radicalement différente de celle suivie dans la décision attaquée, en ce que pour conclure à la compatibilité des mesures litigieuses avec l’article 81, paragraphe 1, CE, la Commission a tenu compte de l’interdépendance des activités d’émission et d’acquisition ainsi que du contexte plus large du marché des systèmes de paiement. Ainsi, en se référant à ces deux décisions, le requérant reproche à la Commission une violation du principe d’égalité de traitement, une erreur de droit dans la méthode d’analyse des mesures en cause et un défaut de motivation.

93      Tout d’abord, s’agissant de l’argument du requérant relatif à la violation du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de rappeler que ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, Rec. p. I‑8301, point 55, et la jurisprudence citée).

94      À cet égard, force est de constater que les mesures faisant l’objet des décisions Visa 2002 et Visa 2001 étaient sensiblement différentes des mesures en cause. En effet, d’une part, la commission multilatérale d’interchange (ci-après la « CMI »), visée par la décision Visa 2002, est, contrairement au MERFA et aux droits d’adhésion visés dans la décision attaquée, une commission bancaire payée opération par opération. Elle ne dépend donc pas du profil (acquéreur ou émetteur) des banques qui en sont redevables. D’autre part, contrairement à ce que soutient le requérant, la NAWIR (No Acquiring Without Issuing Rule, règle pas d’acquisition sans émission), visée par la décision Visa 2001, subordonnant l’acquisition à l’émission, ne peut être considérée comme analogue aux mesures faisant l’objet de la décision attaquée, qui, en substance, visent à subordonner l’émission à l’acquisition. En effet, compte tenu des différences entre les activités d’émission et d’acquisition, notamment du point de vue de la clientèle visée et du niveau d’investissements nécessaires pour développer chacune de ces activités, ces deux types de mesures ne peuvent pas être facilement comparés. En outre, le système CB, qui fonctionne sur le marché national français, se distingue par ses dimensions d’un système international, tel que le système de paiements par cartes Visa. Au vu des différences existant, tant entre le système de paiements par cartes Visa et le système CB, qu’entre les mesures adoptées au sein de ces deux systèmes, les circonstances de la présente affaire et des affaires ayant donné lieu aux décisions Visa 2001 et Visa 2002 ne peuvent pas être considérées comme comparables. Il s’ensuit que le requérant ne saurait reprocher à la Commission une violation du principe d’égalité de traitement au motif qu’elle aurait suivi dans la décision attaquée une autre approche que celle adoptée dans les décisions Visa 2001 et Visa 2002.

95      Ensuite, s’agissant de l’argument du requérant relatif à l’erreur de droit dans la méthode d’analyse des mesures en cause, il y a lieu de relever que la Commission a constaté que tant la NAWIR que la CMI applicables dans le système de paiements par cartes Visa affectaient les deux types de concurrence qui existent dans le cadre des systèmes quadripartites de paiement par carte, c’est-à-dire la concurrence intersystèmes et la concurrence intrasystèmes (voir considérant 35 de la décision Visa 2001 et considérant 44 de la décision Visa 2002), et a examiné l’objet et les effets des mesures en cause dans ces affaires, tant sur le marché des systèmes de paiement que sur les marchés de l’émission et de l’acquisition existant au sein du système de paiements par cartes Visa. C’est dans ce contexte que la Commission, tout en constatant que l’accord sur la CMI relevait du champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE en raison de ses effets sur la concurrence, a admis au considérant 69 de la décision Visa 2002, visé par le requérant, qu’elle « ne considérait pas que l’accord sur la CMI [avait] pour objet de restreindre la concurrence, étant donné que, dans le cadre d’un système de paiement quadripartite tel que celui de Visa, un accord de ce type [avait] pour objectif d’accroître la stabilité et l’efficacité du fonctionnement dudit système (section 8.1.1) et, indirectement, de renforcer la concurrence entre systèmes de paiement en permettant ainsi aux systèmes quadripartites de concurrencer plus efficacement les systèmes tripartites ».

96      Dans la décision attaquée, la Commission a concentré son analyse sur les relations entre les banques membres du système CB et a examiné l’objet et les effets des mesures en cause sur un marché intrasystème – celui de l’émission. Son analyse des mesures en cause dans la présente affaire diffère donc de l’analyse des mesures visées par les décisions Visa 2001 et Visa 2002. Toutefois, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de cette différence d’analyse à l’appui de son argumentation selon laquelle la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’un requérant n’est pas en droit de remettre en cause les constatations de la Commission faites dans une décision au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, sur la base d’une notification et d’un dossier différents (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec. p. II‑5575, point 118).

97      Enfin, s’agissant de l’argument relatif à la violation de l’obligation de motivation, le requérant fait valoir que la Commission n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle avait suivi dans la décision attaquée une approche différente de celle adoptée dans les décisions Visa 2001 et Visa 2002. Il soutient également que la décision attaquée ne contient aucune motivation de la définition géographique du marché des systèmes de paiement, laquelle définition serait en contradiction avec celle retenue dans la décision Visa 2002. La Commission aurait implicitement et erronément défini le marché des systèmes de paiement comme étant de dimension nationale.

98      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la décision attaquée (voir point 68 ci-dessus) que la Commission a constaté la restriction de concurrence intrasystème et a retenu le marché de l’émission des cartes de paiement en France comme étant le marché en cause. Dès lors, la Commission n’avait pas à motiver dans la décision attaquée la définition géographique du marché des systèmes de paiement.

99      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’il ne saurait être déduit de l’obligation de motivation que la Commission doive, au-delà du fait de motiver sa décision par référence au dossier de l’affaire en cause, exposer spécifiquement les raisons pour lesquelles elle est arrivée à une conclusion différente de celle retenue dans une affaire précédente portant sur des situations similaires ou identiques ou ayant les mêmes acteurs économiques (voir, en ce sens, arrêt General Electric/Commission, point 96 supra, point 513).

100    Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

B –  Sur la deuxième branche, tirée de la non-prise en compte de l’interdépendance des activités d’émission et d’acquisition

101    Le requérant et les intervenantes font valoir, en substance, que, bien que la Commission ait admis la nature « biface » du système de paiement par carte, elle n’en a pas tiré de conséquences lors de la définition du marché en cause et lors de l’analyse de l’objet et des effets des mesures en cause dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE. En appliquant cette disposition, la Commission n’aurait fait aucune référence aux exigences d’équilibre au sein d’un système de paiement entre les activités d’émission et d’acquisition. Or, selon une « doctrine économique unanime », en présence d’un marché « biface », il serait impossible d’examiner l’un des deux volets de ce marché sans considérer l’autre.

102    Il y a lieu de relever que, concernant l’analyse du marché en cause, la Commission a indiqué, au considérant 180 de la décision attaquée, que, s’agissant d’éventuelles interdépendances entre les activités d’émission et d’acquisition, qui généreraient chacune des externalités positives envers l’autre (nature « bifaciale » du système de paiement par carte), elle ne contestait nullement que le paiement par carte présentait deux « faces » liées par l’existence d’effets de réseau. Elle a également indiqué que les activités d’émission et d’acquisition étaient indispensables l’une à l’autre et au fonctionnement du système du paiement par carte en général, étant donné que, d’une part, les commerçants n’accepteraient pas de rejoindre le système de paiement par carte si le nombre des porteurs de cartes était insuffisant et, d’autre part, les consommateurs ne souhaiteraient pas posséder une carte si celle-ci n’était pas utilisable auprès d’un nombre suffisant de commerçants. Cependant, selon elle, le caractère « bifacial » d’une activité économique n’impliquait pas que ce système de paiement par carte constituait un seul marché. Un tel caractère n’exclurait en rien que l’émission, l’acquisition et le système de paiement puissent constituer des marchés distincts.

103    À cet égard, tout d’abord, la Commission s’est référée, au considérant 181 de la décision attaquée, à sa pratique antérieure, notamment à la décision Visa 2002 dans laquelle elle avait distingué le marché des systèmes de paiement ou « marché intersystèmes » des marchés de l’émission et de l’acquisition ou « marchés intrasystèmes ». Dans cette dernière décision, elle aurait admis que, si la demande des commerçants et celle des titulaires de cartes étaient interdépendantes, il n’y avait pas de fourniture en commun d’un seul et même produit, que les émetteurs de cartes Visa et les acquéreurs offraient chacun un service distinct à une clientèle distincte et que l’émission et l’acquisition étaient des activités fondamentalement différentes, nécessitant des spécialisations et entraînant des coûts différents. Ensuite, au considérant 185 de la décision attaquée, elle a indiqué que, au regard des critères distinctifs d’un marché (caractéristiques des produits et des services vendus, identification des offreurs et des demandeurs, tarification des produits et des services), l’émission de cartes, l’acquisition de commerçants et la mise à la disposition d’un système de cartes de paiement se distinguaient chacun clairement comme autant de marchés distincts. Enfin, au considérant 189 de la décision attaquée, elle a indiqué que le marché en cause était le marché de l’émission des cartes de paiement en France.

104    Il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas retenu le marché des systèmes de paiement en France comme le marché pertinent, mais le marché de l’émission de cartes de paiement en France, qui n’est pas un marché « biface ». Le fait que ce dernier marché soit un des volets du marché des systèmes de paiement n’empêche pas qu’il puisse être considéré comme un marché distinct. Certes, il existe des interactions entre les « faces » « émission » et « acquisition » d’un système de paiement et les activités d’émission et d’acquisition sont complémentaires et produisent des effets de réseau indirects au sein d’un système de paiement, en ce sens que l’importance de l’acceptation des cartes par les commerçants et le nombre de cartes en circulation influent l’un sur l’autre. Toutefois, il convient de souligner que, en dépit de cette complémentarité, d’une part, les services fournis aux titulaires de cartes et aux commerçants sont différents et, d’autre part, les titulaires de cartes et les commerçants exercent des pressions concurrentielles séparées sur, respectivement, les banques d’émission et les banques d’acquisition. La Commission pouvait, dès lors, valablement constater l’existence d’un marché distinct de l’émission de cartes de paiement en France.

105    L’argument du requérant selon lequel l’analyse des exigences d’équilibre entre les activités d’émission et d’acquisition au sein du système de paiement aurait dû être effectuée dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE ne saurait prospérer dans la mesure où cet argument repose sur la prémisse selon laquelle le marché des systèmes de paiement serait le marché pertinent. Or, la Commission a constaté une restriction de concurrence non sur le marché des systèmes de paiement en France, mais sur celui de l’émission de cartes de paiement en France. Les exigences d’équilibre entre l’activité d’émission et celle d’acquisition au sein du système de paiement n’avaient pas à être examinées dans le cadre de l’article 81, paragraphe 1, CE, dès lors que le seul marché retenu était le marché en aval de l’émission de cartes.

106    Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’analyse des mesures en cause en tant que mécanisme d’équilibrage des activités d’acquisition et d’émission a été faite par la Commission dans le cadre de l’analyse de l’applicabilité de la première condition de l’article 81, paragraphe 3, CE. La Commission a en effet considéré que la nécessité d’équilibrer les activités d’émission et d’acquisition constituait une justification de la restriction créée par les mesures en cause sur le marché de l’émission, devant être appréciée au regard de l’article 81, paragraphe 3, CE (voir considérants 430 à 477 de la décision attaquée).

107    S’agissant de l’argument par lequel le requérant reproche à la Commission une violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation, en soutenant qu’elle a adopté dans la décision attaquée une autre approche des mesures notifiées que celle retenue dans les décisions précédentes, il y a lieu de l’écarter pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 93, 94 et 99 ci-dessus.

108    Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

C –  Sur la troisième branche, tirée de la contradiction entre la définition des marchés concernés et leur analyse

109    Le requérant soutient, d’une part, que la décision attaquée contient une contradiction entre la définition des « marchés » concernés et leur analyse concurrentielle. Selon le requérant, cette contradiction consiste en ce que la Commission a reconnu l’importance d’une relation globale de proximité avec le commerçant pour pratiquer l’acquisition, mais a refusé de définir un marché des services bancaires de proximité. Cette contradiction révélerait l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la définition des marchés retenus.

110    À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, la définition du marché en cause ne joue pas le même rôle selon qu’il s’agit d’appliquer l’article 81 CE ou l’article 82 CE et que dans le cadre de l’application de l’article 81 CE, la définition du marché en cause a pour seul objet de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en question est susceptible d’affecter le commerce entre les États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (ordonnance de la Cour du 16 février 2006, Adriatica di Navigazione/Commission, C‑111/04 P, non publiée au Recueil, point 31). C’est pourquoi, dans le cadre de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, les griefs formulés à l’encontre de la définition du marché retenue par la Commission ne sauraient revêtir une dimension autonome par rapport à ceux relatifs à l’atteinte à la concurrence (arrêt du Tribunal du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T‑29/92, Rec. p. II‑289, points 74 et 75 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 172, et la jurisprudence citée).

111    Partant, l’argument du requérant formulé à l’encontre de la définition du marché en cause ne saurait prospérer, car il ne saurait être analysé de façon autonome et abstraite, c’est-à-dire sans tenir compte de la question de savoir si les mesures en cause étaient susceptibles de porter atteinte à la concurrence.

112    En outre, pour les raisons exposées au point 104 ci-dessus, il convient de rappeler que la Commission a pu valablement constater l’existence d’un marché distinct de l’émission de cartes de paiement en France.

113    Ensuite, il convient de relever, s’agissant de la contradiction alléguée par le requérant, qu’il ressort des considérants 206 à 209 et 463 de la décision attaquée, auxquels le requérant renvoie, que la Commission s’est référée à l’importance des réseaux de proximité pour illustrer la difficulté de développer l’acquisition. Selon la Commission, le développement de l’activité d’acquisition est difficile, notamment, parce que, pour exercer une telle activité, il faut disposer d’un nombre significatif d’agences bancaires, c’est-à-dire d’un réseau de proximité, permettant de développer avec les commerçants une relation globale, individualisée et suivie. Certes, la Commission reconnaît ainsi que l’activité d’acquisition, pour être entreprise avec succès, doit s’insérer dans une relation bancaire globale de proximité avec les commerçants. Toutefois, cela ne signifie pas que les « services bancaires de proximité » constituent un marché distinct. Le requérant n’explique d’ailleurs pas quels seraient les principaux éléments d’un tel marché, à savoir les offreurs et les demandeurs et les produits et les services offerts sur ce marché. Partant, le fait de reconnaître l’importance d’une relation globale de proximité avec les commerçants pour exercer une activité d’acquisition n’implique pas nécessairement l’existence d’un marché de « services bancaires de proximité ». Le requérant ne saurait donc reprocher à la Commission une contradiction dans la motivation de la décision attaquée, au motif qu’elle a refusé de définir un tel marché.

114    Enfin, ainsi que le relève à juste titre la Commission, ni le requérant ni les intervenantes ne démontrent dans quelle mesure une définition du marché effectuée au regard du marché des services bancaires de proximité offerts aux commerçants et aux particuliers aurait eu pour conséquence une conclusion différente quant à la légalité des mesures en cause au regard de l’article 81 CE.

115    D’autre part, le requérant fait valoir que la Commission, dans la partie de la décision attaquée relative à la définition du marché pertinent n’a pas démontré que les services bancaires de proximité aux commerçants et aux particuliers ne constituaient pas un seul et même marché et n’a donc pas suffisamment motivé la définition du marché qu’elle a retenue. Ainsi, la Commission n’aurait pas répondu, dans la décision attaquée, aux arguments soulevés par le Groupement, lors de la procédure administrative, relatifs à l’importance d’un service bancaire complet aux particuliers et aux commerçants, et n’aurait pas analysé précisément la substituabilité des services bancaires de proximité.

116    Selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Toutefois, l’auteur d’un tel acte n’est pas tenu de prendre position sur des éléments clairement secondaires ou d’anticiper des objections potentielles (voir arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, points 166 et 167, et la jurisprudence citée).

117    Il y a lieu de rappeler que, aux considérants 162 à 189 de la décision attaquée, la Commission a défini le marché en cause comme le marché de l’émission des cartes de paiement en France (voir point 33 ci-dessus).

118    En particulier, aux considérants 183 et 184 de la décision attaquée, en réponse aux arguments du Groupement avancés au cours de la procédure administrative et relatifs à l’importance des services bancaires de proximité, la Commission a répondu :

« 183. […] il est clair qu’il n’existe pas un seul service global qui serait celui du ‘service bancaire et de proximité’ offert indistinctement à l’ensemble des clients des banques – porteurs de cartes, commerçants ou autres – et constituerait un seul marché. Il existe de nombreux produits bancaires distincts, non interchangeables ni substituables, faisant l’objet d’une offre et d’une demande distincte.

184.       À titre d’exemple, il ne saurait être sérieusement soutenu que la demande, par un futur porteur, d’une carte de paiement (avec les services qui lui sont rattachés) est identique à celle du commerçant sollicitant que lui soit fourni le service permettant d’accepter les paiements par carte dans son magasin, ou encore à celle d’un prêt hypothécaire. Par ailleurs, la fourniture de l’un de ces services n’emporte pas automatiquement avec elle celle de l’ensemble des autres services bancaires pouvant exister. Elle ne leur est pas substituable et les demandes de ces différents services sont distinctes. Le client ne sollicite ni ne considère tous ces services comme interchangeables ou substituables. »

119    Le requérant ne reproche pas à la Commission de ne pas avoir motivé suffisamment la définition du marché retenu, à savoir celui de l’émission des cartes de paiement en France. Il lui reproche de ne pas avoir suffisamment justifié le fait de ne pas avoir retenu le marché des services globaux de proximité comme étant le marché pertinent. Or, dans la mesure où la motivation de la Commission présentée aux considérants 162 à 189 de la décision attaquée visait principalement à démontrer que le marché où se produisaient les effets anticoncurrentiels était celui de l’émission des cartes de paiement en France, conformément à la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus, la Commission n’avait pas à répondre d’une façon détaillée à l’ensemble des arguments du requérant relatifs à une définition de marché alternative.

120    Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée.

121    Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

III –  Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’objet des mesures en cause

122    Par le deuxième moyen, le requérant fait valoir que la Commission a commis plusieurs erreurs lors de l’examen de l’objet des mesures en cause. Il soutient que, en ne respectant pas son obligation d’examiner l’objet même des mesures en cause, la Commission a ignoré la légitimité de la lutte contre le parasitisme et a été amenée à conclure illégalement au caractère anticoncurrentiel per se des mesures en cause. Ce moyen se divise en trois branches.

A –  Sur la première branche, tirée du non-respect de l’obligation de considérer l’« objet même » des mesures en cause

123    Par la première branche, le requérant fait valoir que la Commission n’a pas examiné les mesures en cause au regard de l’objet indiqué dans la notification, à savoir la protection du système CB contre le parasitisme et le renforcement de la position concurrentielle du système CB sur le marché des systèmes de paiement. La Commission n’aurait ainsi pas respecté l’obligation que lui impose la jurisprudence de prendre en compte l’« objet même » des mesures en cause, c’est-à-dire leur objet tel qu’il ressort des termes propres des mesures en cause sans considération pour les intentions subjectives de leurs auteurs.

124    Selon la jurisprudence, les types d’accords envisagés à l’article 81, paragraphe 1, sous a) à e), CE ne forment pas une liste exhaustive de collusions prohibées et, dès lors, il n’y a pas lieu d’interpréter la notion d’infraction par objet de manière restrictive (voir, en ce sens, arrêt Beef Industry Development Society et Barry Brothers, point 73 supra, points 22 et 23).

125    Pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d’un accord ou d’une décision d’association d’entreprises, il convient de s’attacher notamment à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il ou elle vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il ou elle s’insère. À cet égard, il suffit que l’accord ou la décision d’association d’entreprises soit susceptible de produire des effets négatifs sur la concurrence. En d’autres termes, il ou elle doit simplement être concrètement apte, en tenant compte du contexte juridique et économique dans lequel il ou elle s’inscrit, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sein du marché commun. Il n’est pas nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée, restreinte ou faussée ni qu’il existe un lien direct entre cette décision et les prix à la consommation. En outre, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord, rien n’interdit à la Commission ou aux juridictions communautaires d’en tenir compte (voir, en ce sens, arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 63 supra, points 31, 39 et 43, et arrêt de la Cour GlaxoSmithKline, point 64 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

126    Il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que les mesures en cause avaient un objet anticoncurrentiel consistant à entraver la concurrence émanant des nouveaux entrants sur le marché français de l’émission de cartes (voir considérants 222, 235 et 251 de la décision attaquée). Elle a estimé que cet objet ressortait des formules mêmes qui avaient été prévues pour les mesures en cause et qu’il contredisait les objectifs déclarés dans la notification (voir considérant 198 de la décision attaquée).

127    S’agissant du MERFA, la Commission a constaté que, selon la formule prévue à cet égard (voir point 19 ci-dessus), étaient redevables du MERFA les banques dont l’activité relative d’acquisition (DAB et SIREN) était notablement inférieure (moins de 50 %) à leur activité relative d’émission et que, de ce fait, le seul moyen d’y échapper était soit de développer l’acquisition (de DAB ou de SIREN), soit de limiter l’émission de cartes (voir considérant 202 de la décision attaquée). Toutefois, elle a estimé qu’un certain nombre d’obstacles rendaient très difficile, dans la pratique, le développement de l’acquisition par un nouvel entrant : la détention quasi exclusive du marché de l’acquisition par les chefs de file, l’importance capitale d’avoir une organisation en réseau de proximité permettant de développer avec les commerçants une relation globale, individualisée et suivie et le fait que, selon toute vraisemblance, les zones à équiper en DAB les plus rentables étaient déjà équipées par les chefs de file (voir considérants 202 à 222 de la décision attaquée). Elle en a déduit que le MERFA conduisait essentiellement celui qui souhaitait y échapper à une limitation directe de l’émission de cartes (voir considérant 204 de la décision attaquée).

128    S’agissant du nouveau droit d’adhésion par carte et du droit complémentaire d’adhésion, la Commission a souligné qu’ils « […] consist[ai]ent […] en un droit à verser au titre de chaque carte émise et dont [étaient] redevables les seuls nouveaux entrants sur le marché de l’émission (nouveaux membres du Groupement ou établissements qui − bien que déjà membres du Groupement − n’avaient émis jusqu’alors que très peu de cartes et qui se mettraient à émettre un grand nombre de cartes), alors que les membres plus anciens du Groupement − particulièrement les chefs de file − y échapp[ai]ent tous dans la mesure où ils [étaient] déjà présent[s] sur le marché et n’[étaient] pas exposés à un risque d’augmentation de leur part de marché dans une proportion déclenchant l’application de ces droits » (voir considérant 213 de la décision attaquée).

129    S’agissant du droit de réveil des dormants, la Commission a notamment estimé que, « [d]u fait de la formule du droit de réveil des dormants (voir considérants 147 à 149 [de la décision attaquée]), les membres qui en [étaient] potentiellement redevables p[ouvaient] y échapper en limitant leur activité d’émission durant les années 2003, 2004 et 2005. En revanche, ils ne p[ouvaient] pas y échapper en augmentant, notamment, leur activité d’acquisition (nombre de DAB et de SIREN) durant les années 2000, 2001 et 2002 − puisque ces années [étaient] déjà écoulées lorsque cette mesure [était] portée à leur connaissance −, ni en augmentant leur activité d’acquisition durant les années suivantes − puisque celles-ci n’[étaient] pas prises en compte dans la formule du droit de réveil des dormants » (note en bas de page n° 283 de la décision attaquée).

130    La Commission a également souligné que les chefs de file échappaient tous aux mesures en cause et que les sommes versées au titre de ces mesures n’étaient pas affectées au développement de l’acquisition, mais redistribuées aux membres qui n’en étaient pas redevables (principalement les chefs de file) (voir considérants 144, 151 et 211 de la décision attaquée). Elle a donc estimé que les redevances versées au titre des mesures en cause représentaient un coût supplémentaire pour les nouveaux entrants et un revenu supplémentaire pour les chefs de file (voir considérant 211 de la décision attaquée).

131    En outre, la Commission a estimé que, de par les formules prévues, le MERFA et le droit de réveil des dormants n’étaient pas appropriés pour encourager l’acquisition (voir considérants 214 à 221 de la décision attaquée).

132    La Commission a donc considéré, au vu des formules prévues pour les mesures en cause et en raison de la difficulté de développer l’activité d’acquisition, que ces mesures imposaient aux membres du Groupement qui y étaient soumis soit de limiter leur activité d’émission, soit de supporter des coûts (liés à l’émission) qui n’étaient pas supportés par d’autres membres du Groupement, dont les chefs de file. Ces formules limitaient ainsi la possibilité des membres y étant soumis de concurrencer (par les prix), sur le marché de l’émission, les membres du Groupement qui n’y étaient pas soumis. La Commission en a conclu que les mesures en cause avaient un objet anticoncurrentiel consistant à entraver la concurrence des nouveaux entrants (voir considérants 212, 213 et 222 de la décision attaquée).

133    La Commission a en outre relevé que la fonction prêtée par le Groupement au MERFA (incitation à développer l’acquisition) était contredite par l’existence de commissions interbancaires qui encourageaient l’émission (voir considérants 226 à 230 de la décision attaquée) et par la circonstance que le droit complémentaire d’adhésion et le droit de réveil des dormants sanctionnaient les banques qui n’avaient pas émis suffisamment de cartes lors d’un passé récent (voir considérants 231 et 232 de la décision attaquée).

134    Enfin, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que le requérant soutient, c’est seulement à titre confirmatif que la Commission s’est appuyée sur les documents recueillis lors des vérifications contenant les propos tenus par les chefs de file lors de la préparation des mesures en cause.

135    En effet, la Commission a considéré que « [l]a lecture des documents recueillis lors des vérifications et datant de la période de préparation des mesures [en cause] par le Groupement et les grandes banques chefs de file confirm[ait] que l’objet anticoncurrentiel des mesures – qui pro[cédait] de leur formule même […] – [était] bien d’entraver la concurrence émanant des nouveaux entrants sur le marché français de l’émission de cartes bancaires […] afin de limiter la baisse du prix des cartes bancaires […] et de permettre ainsi aux chefs de file participant à la préparation des mesures de conserver leurs parts de marché et leurs revenus » (voir considérant 235 de la décision attaquée).

136    Il convient également d’observer que les considérants 199 à 234 de la décision attaquée (qui figurent sous le point 10.2.1.1 de la décision attaquée, intitulé « La formule même des mesures contredit les objectifs déclarés dans la notification et est bien restrictive de concurrence ») ne portent que sur l’analyse des formules des mesures en cause, laquelle est parfois étayée par les réponses apportées par les acteurs du marché à certains questionnaires de la Commission. Les renvois aux documents recueillis lors des vérifications, c’est-à-dire aux « propos tenus par les chefs de file durant [la] préparation [des mesures en cause] » (point 10.2.1.2 de la décision attaquée [considérants 235 à 250]) ne sont effectués qu’à titre complémentaire et confirmatif des conclusions que la Commission a tirées, quant à l’objet anticoncurrentiel des mesures en cause, de son analyse des formules mêmes de ces mesures (effectuée dans le point 10.2.1.1).

137    C’est donc au regard des termes propres des mesures en cause que la Commission a établi l’objet des mesures en cause. Elle a ainsi examiné l’« objet même » de ces mesures.

138    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments du requérant et des intervenantes.

139    Premièrement, le requérant, soutenu par la Société générale, fait valoir que la Commission a violé l’article 81, paragraphe 1, CE en ne retenant pas comme objet des mesures en cause celui déclaré dans la notification alors qu’elle a considéré la notification comme loyale et complète. Il fait également valoir que les objectifs poursuivis par les mesures en cause ressortent clairement des termes de la note d’information envoyée le 14 novembre 2002 par les chefs de file à leurs sous-participants. Il conteste la non-prise en compte de ce document par la Commission qui serait explicite quant à l’« objet même » des mesures en cause.

140    À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence, citée au point 73 ci-dessus, qu’une décision d’association d’entreprises peut être considérée comme ayant un objet restrictif de concurrence même si cette décision d’association d’entreprises n’a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d’autres objectifs légitimes.

141    Ainsi, quand bien même la notification et la note d’information du 14 novembre 2002 établiraient que les mesures en cause visaient à lutter contre le parasitisme, cela n’exclurait pas qu’elles aient un objet anticoncurrentiel sur le marché de l’émission de cartes bancaires au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE tel que défini par la Commission.

142    De plus, il convient de relever que la constatation par la Commission du caractère complet et donc loyal de la notification n’a qu’un caractère formel. Elle n’emporte ni une appréciation du bien-fondé des éléments présentés par les parties dans la notification ni une qualification juridique des mesures notifiées comme échappant à l’article 81 CE pour les motifs qui y sont exposés par les parties notifiantes. Dès lors, le simple fait que la notification des mesures en cause a été considérée par la Commission comme complète et loyale n’a pas pour conséquence que le seul objet des mesures qui peut être retenu soit celui contenu dans la notification. En outre, contrairement à ce que soutient la Société générale, la conclusion de la Commission selon laquelle les mesures en cause ont un objet anticoncurrentiel ne peut être assimilée à une constatation du caractère frauduleux de la notification. L’argument du requérant et de la Société générale fondé sur le caractère complet et loyal de la notification doit donc être rejeté.

143    Deuxièmement, le requérant soutient que les mesures en cause étaient nécessaires à la poursuite de l’objet légitime du Groupement et qu’elles ne relèvent donc pas de l’article 81, paragraphe 1, CE. Il fait valoir que, contrairement à ce que soutient la Commission, il n’est pas requis que le Groupement disparaisse à court ou à moyen terme pour que les mesures en cause soient considérées comme nécessaires.

144    Par cet argument, le requérant soutient que les mesures en cause ne relèvent pas de l’article 81, paragraphe 1, CE étant donné qu’elles étaient nécessaires pour le bon fonctionnement du système CB. Cet argument doit être rejeté pour les raisons exposées aux points 75 à 77 ci-dessus.

145    Troisièmement, le requérant affirme qu’une simple lecture des procès-verbaux et autres documents du Groupement relatifs aux mesures en cause suffit pour constater que ces mesures ne contiennent non seulement aucune restriction patente de concurrence (accord sur les prix, répartition de marché, etc.), mais, en outre, pas la moindre restriction limitant l’autonomie de comportement des membres du Groupement en matière d’émission ou d’acquisition ou dans leur relation avec leurs clients.

146    S’agissant, tout d’abord, de l’argument du requérant selon lequel les mesures en cause ne contiennent aucune restriction patente de concurrence, il y a lieu de rappeler que l’article 81, paragraphe 1, CE ne se réfère pas à la notion de restriction patente. En outre, selon la jurisprudence citée au point 124 ci-dessus, l’article 81, paragraphe 1, sous a) à e), CE (en vertu duquel sont notamment prohibés les accords sur les prix et les répartitions de marché) ne constitue pas une liste exhaustive de collusions prohibées et, dès lors, il n’y a pas lieu d’interpréter la notion d’infraction par objet de manière restrictive. Ainsi, à supposer que les mesures en cause ne puissent pas être considérées comme une des restrictions énumérées à l’article 81, paragraphe 1, sous a) à e), CE, cela n’est pas de nature à infirmer la conclusion de la Commission selon laquelle les mesures en cause ont un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

147    S’agissant, ensuite, de l’argument du requérant selon lequel les mesures en cause ne contiennent pas la moindre restriction limitant l’autonomie de comportement des membres en matière d’émission ou d’acquisition, il convient de relever que le requérant a affirmé lui-même itérativement, lors de la procédure administrative, que les mesures en cause visaient à encourager le développement de l’acquisition, en d’autres termes à conduire ses membres à développer une activité qui, par définition, n’était pas nécessairement celle qu’ils auraient librement choisi de développer en l’absence des mesures en cause. Dès lors, le requérant ne peut soutenir que les mesures en cause ne contiennent aucune restriction limitant l’autonomie de comportement des membres du Groupement en matière d’émission ou d’acquisition.

148    Enfin, quant au fait que la restriction ne porterait pas sur les relations des membres avec leurs clients, il convient de souligner qu’il ne ressort pas de l’article 81, paragraphe 1, CE que seules les décisions d’association d’entreprises privant les consommateurs de certains avantages pourraient avoir un objet anticoncurrentiel. Ainsi, il résulte de la jurisprudence que la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une décision d’association d’entreprises ne saurait être subordonnée à ce que les consommateurs finals soient privés des avantages d’une concurrence efficace en termes d’approvisionnement ou de prix (voir, en ce sens, arrêt de la Cour GlaxoSmithKline, point 64 supra, point 63, et la jurisprudence citée). En effet, l’article 81 CE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle (arrêt T-Mobile Netherlands e.a., point 63 supra, point 38).

149    Quatrièmement, le requérant soutient que la Commission n’a pas démontré l’objet anticoncurrentiel des mesures en cause, mais s’est contentée d’affirmer qu’elles étaient inadéquates pour atteindre les objectifs recherchés.

150    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, certes, la Commission a estimé, aux considérants 214 à 221 de la décision attaquée, que, de par les formules prévues, le MERFA et le droit de réveil des dormants n’étaient pas appropriés pour encourager l’acquisition.

151    Toutefois, ainsi qu’il ressort des points 127 à 134 ci-dessus, la circonstance que les mesures en cause n’étaient pas appropriées pour encourager l’acquisition n’est pas le seul motif pour lequel la Commission a conclu que ces mesures avaient un objet anticoncurrentiel. Partant, contrairement à ce que le requérant soutient, la Commission ne s’est pas contentée d’affirmer que les mesures en cause étaient inadéquates pour atteindre les objectifs recherchés pour conclure à leur objet anticoncurrentiel. En outre, le fait que les mesures en cause n’étaient pas appropriées pour encourager l’acquisition contredit un des objectifs déclaré par le Groupement dans la notification, à savoir celui d’inciter les membres du Groupement, davantage émetteurs de cartes CB qu’acquéreurs, à développer leur activité d’acquisition, et renforce l’analyse de la Commission qui ressort des formules mêmes prévues pour les mesures en cause.

152    Cinquièmement, le requérant et BNP Paribas font valoir que, dans la décision Visa 2001, la Commission a tenu compte de la nature « biface » du système de paiement par carte et a considéré qu’une règle ayant des effets d’encouragement simplement inverses au MERFA et visant ainsi aussi à équilibrer le système n’était pas anticoncurrentielle par objet. La Commission ne démontrerait pas dans quelle mesure subordonner l’émission à l’acquisition serait une différence pertinente d’un point de vue concurrentiel.

153    Cet argument doit être rejeté pour les raisons déjà exposées aux points 93 à 96 ci-dessus.

154    Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

B –  Sur la deuxième branche, tirée de la non-prise en compte de la légitimité de la lutte contre le parasitisme

155    Par la deuxième branche, le requérant, soutenu en particulier par la BPCE, reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir pris en compte, dans le cadre de son analyse de l’objet des mesures en cause au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE, la légitimité de la lutte contre le parasitisme qui est l’objet des mesures en cause selon le Groupement. En ne démontrant pas que la lutte contre le parasitisme était contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE, la Commission n’aurait pas établi que ces mesures avaient un objet anticoncurrentiel.

156    Il ressort de l’examen de la première branche du premier moyen que la Commission n’a pas estimé que les mesures en cause avaient pour objet de lutter contre le parasitisme. Elle a estimé que les mesures en cause avaient pour objet d’entraver la concurrence émanant des nouveaux entrants sur le marché français de l’émission de cartes de paiement et que cet objet était anticoncurrentiel. La Commission n’avait donc pas à démontrer que l’objet allégué par le requérant, la lutte contre le parasitisme, était anticoncurrentiel par objet.

157    En outre, il ressort également de l’examen de la première branche du premier moyen que la Commission n’a pas ignoré la lutte contre le parasitisme, mais a considéré, à bon droit, qu’il s’agissait d’une circonstance devant être appréciée dans le cadre du paragraphe 3 de l’article 81 CE.

158    L’argument de la BPCE, selon lequel la Commission aurait à tort omis de prendre en compte, lors de son analyse au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, l’élément selon lequel les frais que les mesures en cause peuvent faire supporter à certains membres du Groupement ne viseraient pas à les pénaliser, mais simplement à les faire contribuer financièrement au développement du système CB, dans la mesure où ils ne réaliseraient pas d’investissements profitables à ce système. Cet argument revient, en substance, à faire valoir que les mesures en cause avaient un objectif légitime. Il doit donc être rejeté pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment (voir points 75 et 76 ci-dessus).

159    Il s’ensuit que la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

C –  Sur la troisième branche, tirée de la conclusion erronée relative au caractère anticoncurrentiel per se des mesures en cause

160    Le requérant fait valoir que la Commission a conclu au caractère anticoncurrentiel per se des mesures en cause en dépit de l’absence de toute restriction apparente de concurrence dans leur objet même. Cette branche se divise en deux griefs.

1.     Sur le premier grief, tiré de l’absence de démonstration de l’objet anticoncurrentiel des options ouvertes aux membres du Groupement et de l’absence de démonstration de l’obligation de choisir une option ayant un objet anticoncurrentiel

161    Le requérant fait valoir que, s’agissant du droit d’adhésion par carte, du droit complémentaire d’adhésion et du droit de réveil des dormants, la Commission a considéré que les membres du Groupement qui y étaient potentiellement soumis pouvaient soit payer les redevances qui y étaient associées, soit limiter leur activité d’émission. S’agissant du MERFA, la Commission aurait considéré que les membres du Groupement qui y étaient potentiellement soumis pouvaient soit le payer, soit limiter leur activité d’émission, soit augmenter leur activité d’acquisition. Selon le requérant, il en découle que, pour constater un objet anticoncurrentiel des mesures en cause, la Commission aurait dû démontrer soit que chacune des options examinées avait un objet anticoncurrentiel, soit, à défaut, que les membres du Groupement étaient objectivement et nécessairement contraints de choisir une option dont l’objet était anticoncurrentiel.

162    Toutefois, dans la décision attaquée (voir considérants 202 à 213), la Commission a constaté que, en raison de l’existence d’obstacles majeurs au développement de l’activité d’acquisition, le MERFA ne laissait, en pratique, que deux options aux banques y étant soumises : la limitation de l’activité d’émission et le paiement d’une redevance. Dès lors, il y a lieu de vérifier au préalable si cette constatation est justifiée.

a)     Sur la possibilité de développer l’activité d’acquisition

163    Le requérant, soutenu par la Société générale, reproche, en substance, à la Commission d’avoir commis des erreurs en concluant que le développement de l’activité d’acquisition était très difficile et que, par conséquent, les banques potentiellement redevables du MERFA étaient nécessairement amenées soit à acquitter cette redevance, soit à limiter leur activité d’émission.

164    Il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a estimé qu’il était très difficile de développer l’activité d’acquisition en raison de trois obstacles : premièrement, le fait que le marché de l’acquisition était quasi exclusivement détenu par les chefs de file, deuxièmement, le fait qu’il était d’une importance capitale d’avoir une organisation en réseau de proximité permettant de développer avec les commerçants une relation globale, individualisée et suivie et, troisièmement, le fait que, selon toute vraisemblance, les secteurs de commerçants et les zones à équiper en DAB les plus rentables étaient déjà acquis par les chefs de file (voir considérants 202 à 213 de la décision attaquée).

165    Le requérant soutient, en premier lieu, qu’il existe, dans la décision attaquée, une contradiction entre l’affirmation de la Commission selon laquelle « la concurrence est vive sur le marché de l’acquisition, comme en témoigne le nombre élevé d’établissements acquéreurs en France » et celle selon laquelle le développement de l’acquisition est très difficile.

166    À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a relevé, au considérant 205 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Le développement de l’acquisition par un nouvel entrant est rendu très difficile par le fait que ce marché est quasi exclusivement détenu par les chefs de file. En effet, bien que le nombre d’établissements acquéreurs soit relativement élevé en France par rapport aux autres États membres (voir considérant 491), l’essentiel du marché de l’acquisition est concentré entre les seules banques chefs de file. En dépit de l’existence de quelque 90 banques exerçant une activité d’acquisition, la quasi-totalité − plus de [confidentiel] % − de cette activité est exercée par les chefs de file, les quelque 80 banques acquéreurs non chefs de file se partageant les [confidentiel] % restant […] »

167    Au considérant 491 de la décision attaquée, la Commission a constaté ce qui suit :

« […] le MERFA n’est pas indispensable pour équilibrer les activités d’émission et d’acquisition. En effet, la concurrence est vive sur le marché français de l’acquisition, comme en témoigne le nombre élevé d’établissements acquéreurs en France, ce nombre étant beaucoup plus réduit dans les autres États membres […] »

168    Il convient de relever que le requérant ne conteste pas la constatation de la Commission selon laquelle le marché de l’acquisition est quasi exclusivement détenu par les chefs de file (plus de [confidentiel] %), les quelque 80 banques acquéreurs non chefs de file se partageant les [confidentiel] % restant. Ainsi, il y a lieu de considérer que, du fait de la forte concentration du marché de l’acquisition dans les mains des chefs de file, la concurrence entre un nombre élevé de banques non chefs de file n’existe que sur une très faible part du marché et il est difficile, pour ces banques, de développer leur activité d’acquisition. Il n’existe donc aucune contradiction entre l’affirmation de la Commission selon laquelle la concurrence est vive sur le marché de l’acquisition en raison du nombre élevé d’établissements acquéreurs en France et celle selon laquelle le développement de l’acquisition pour un nouvel entrant est très difficile.

169    Le requérant conteste, en deuxième lieu, l’affirmation figurant au considérant 206 de la décision attaquée selon laquelle il serait nécessaire d’acquérir entre [confidentiel] et [confidentiel] SIREN pour ne pas être redevable du MERFA. À cet égard, il suffit de constater, que cette affirmation ne concerne qu’Axa Banque et la banque Egg et que la Commission n’a pas affirmé, dans la décision attaquée, qu’il était nécessaire pour chaque nouvel entrant d’acquérir autant de SIREN.

170    Le requérant soutient, en troisième lieu, que la Commission n’a pas tenu compte du fait que, parmi les [confidentiel] banques qui auraient été assujetties au MERFA au titre de l’année 2003, plus de la moitié y auraient échappé en affiliant moins de dix SIREN, du fait que [confidentiel] nouveaux SIREN « apparaissent » chaque année et du fait que la puissance financière de certaines banques potentiellement redevables du MERFA leur permettrait de développer l’activité d’acquisition requise pour y échapper.

171    Il convient de relever, tout d’abord, que, même si parmi les [confidentiel] banques qui auraient été assujetties au MERFA au titre de l’année 2003, plus de la moitié y auraient échappé en affiliant moins de dix SIREN, il n’en demeure pas moins, comme l’indique la Commission, que [confidentiel] des [confidentiel] banques qui auraient été assujetties au MERFA, soit [confidentiel] %, auraient dû acquérir plus de dix SIREN.

172    Il y a lieu de relever, ensuite, que, selon la Commission, la difficulté d’acquérir des SIREN n’est pas due à la rareté des SIREN à affilier, mais au fait qu’il est capital de disposer d’un réseau de proximité et d’être en mesure d’offrir aux commerçants un service bancaire global et que les coûts fixes d’investissement dans l’infrastructure nécessaire pour offrir un tel service sont très élevés (voir notamment considérant 206 de la décision attaquée). Cela n’est pas contesté par le requérant.

173    Il y a lieu de relever, enfin, que, si certains des nouveaux entrants sur le marché de l’acquisition peuvent effectivement être adossés à des groupes financièrement puissants, cela n’est pas le cas de tous, ce que le requérant n’allègue par ailleurs pas.

174    En quatrième lieu, le requérant, soutenu par la Société générale, développe des arguments à l’encontre du constat de la Commission selon lequel il est difficile d’installer de nouveaux DAB.

175    Le requérant conteste, premièrement, les éléments de preuve qui viennent au soutien de ce constat. La déclaration de la banque Cofidis, nouvel entrant, citée au considérant 210 de la décision attaquée, selon laquelle « l’installation de DAB ne pourrait se faire que dans les meilleurs endroits, au détriment de ceux qui sont déjà installés », aurait été produite in tempore suspecto, étant donné qu’elle a été produite à une date à laquelle Cofidis avait connaissance des mesures en cause, et émanerait d’une entreprise dont la crédibilité est douteuse en raison de l’intérêt de Cofidis à la solution de l’affaire. En s’appropriant cette déclaration, la Commission se contredirait, puisqu’elle soulignerait ainsi que l’installation de nouveaux DAB conduit à une affectation des revenus des banques qui exploitent les DAB déjà installés, c’est-à-dire selon la Commission, les chefs de file, qu’elle accuse par ailleurs de vouloir protéger leurs revenus. De plus, les déclarations de certains nouveaux entrants, citées au considérant 438 et dans la note en bas de page n° 630 de la décision attaquée, seraient subjectives et non étayées de preuves documentaires. Enfin, les données de l’ECB Blue Book de 2005 (citées dans la note en bas de page n° 632 de la décision attaquée) auraient été exploitées de façon erronée et tendancieuse par la Commission et la déclaration de Visa à laquelle la Commission renvoie, au considérant 442 de la décision attaquée, ne concernerait pas la difficulté de développer des DAB.

176    Il y a lieu de relever, tout d’abord, que la déclaration de Cofidis, citée au considérant 210 de la décision attaquée, ne saurait être considérée comme ayant été faite in tempore suspecto, étant donné qu’elle a été faite le 20 mars 2003, soit à peine trois mois après l’adoption des mesures en cause et avant les inspections. Le requérant ne précise par ailleurs pas à quel moment cette déclaration aurait dû être faite pour ne pas être considérée comme étant faite in tempore suspecto.

177    En outre, le fait que l’installation de nouveaux DAB dans les zones rentables pouvait affecter les revenus des chefs de file ne contredit pas le fait que les mesures en cause visaient à protéger les revenus des chefs de file, étant donné qu’il était très difficile d’installer de nouveaux DAB portant atteinte à ces revenus.

178    Il y a lieu de relever, ensuite, qu’il ressort des déclarations de nouveaux entrants, reproduites dans la note en bas de page n° 630 de la décision attaquée, ce qui suit :

« […] ‘le marché français semble déjà avoir une surcapacité en DAB’, réponse de Egg du 26 mars 2003 à la demande de renseignements de la Commission du 26 février 2003 […] ; ‘le marché français en terme de DAB présente déjà des signes de saturation’, réponse de Egg du 27 novembre 2003 à la demande de renseignements de la Commission du 27 octobre 2003 […] ; ‘Nous ne pensons pas que [installer des DAB supplémentaires] ait du sens en termes économiques étant donné que le niveau de pénétration des DAB en France est parmi les plus élevés d’Europe’, réponse de Capital One du 10 novembre 2003 à la demande de renseignement de la Commission du 27 octobre 2003 […] ; ‘s’agissant de l’installation de DAB, l’on peut noter que le parc de DAB déjà installés en France est particulièrement conséquent à tel point que nombre d’entre eux s’avèrent aujourd’hui non rentables’, réponse de Cofidis du 20 mars 2003 à la demande de renseignements de la Commission du 26 février 2003 […] ; ‘La règle du GIE CB aboutit donc à détruire de la valeur […] aussi, au niveau de la place elle-même, par effet de surcroît d’offre sur un marché très concurrentiel et déjà quasi saturé’, réponse de Groupama du 8 décembre 2003 à la demande de renseignements de la Commission du 24 novembre 2003 […] »

179    De plus, il ressort des déclarations de nouveaux entrants, reproduites dans la note en bas de page n° 363 de la décision attaquée, ce qui suit :

« [Selon] la réponse de S2P du 26 novembre 2003 à la demande de renseignements de la Commission du 27 octobre 2003 : ‘la couverture géographique [des DAB] est déjà effectuée et les meilleures emplacements déjà occupés […] Nous n’avons donc pas vocation à installer de nouveaux DAB ni à reprendre ceux fermés par les banques traditionnelles sur les sites ne permettant ni leur rentabilité ni leur sécurisation’ […] Selon la réponse de Groupama Banque du 11 décembre 2003 à la demande de renseignements de la Commission du 24 novembre 2003 : ‘compte tenu du caractère rural des agences Groupama, ces DAB ne peuvent être installés dans les lieux à fort passage, ce qui conduit donc à une exploitation déficitaire’ ».

180    Le fait que ces déclarations émanent de banques susceptibles d’être soumises aux mesures en cause ne suffit pas à les rejeter. Ces déclarations sont nombreuses et concordantes et corroborées par des documents qui n’émanent pas des nouveaux entrants et qui ont été saisis par la Commission lors des vérifications. Ainsi, dans une note relative au projet CS 2002, « le Groupement constate (contrairement aux études et justifications produites dans le cadre de la présente affaire) que l’acquisition est déjà très développée en France, relevant la ‘taille surcritique’ du parc de DAB » (voir considérant 438 de la décision attaquée). De plus, il ressort d’un courriel interne de la Société générale que « les investissements en DAB n’ont plus lieu d’être, puisque le territoire est assez largement équipé » (voir considérant 438 de la décision attaquée).

181    Enfin, s’il est vrai que les données de l’ECB Blue Book de 2005 et la déclaration de Visa ne concernent pas la difficulté d’installer des DAB, il n’en demeure pas moins que le constat de la Commission, selon lequel il est difficile d’installer de nouveaux DAB (rentables), est étayé par plusieurs déclarations de nouveaux entrants et par des documents saisis par la Commission lors des vérifications.

182    Le requérant soutient, deuxièmement, qu’il ressort de l’extrait de l’ECB Blue Book de 2005, annexé à la réplique, que le nombre de DAB pour un million d’habitants en France était inférieur à la moyenne européenne de 1999 à 2003 et que le constat de la Commission selon lequel il était difficile d’installer de nouveaux DAB demeure, en tout état de cause, entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où [confidentiel] DAB sont créés chaque année (en flux brut annuel), et, où, les banques qui auraient été assujetties au MERFA y auraient échappé en installant [confidentiel] DAB.

183    À cet égard, il suffit de relever que ces arguments ne remettent pas en cause le fait que, selon toute vraisemblance, les zones à équiper en DAB les plus rentables en étaient déjà équipées.

184    Le requérant soutient, en cinquième lieu, que de nombreux nouveaux entrants excluent le développement de l’activité d’acquisition pour des raisons de stratégie commerciale et que ces derniers ne sauraient imposer leur modèle commercial au système CB et à ses membres. À cet égard, il suffit de relever que, même si certains membres n’ont pas l’intention de développer l’activité d’acquisition, cela ne remet pas en cause la conclusion de la Commission selon laquelle le développement de l’activité d’acquisition est difficile.

185    En sixième lieu, la Société générale reproche à la Commission d’avoir estimé, dans la décision attaquée, que le critère DAB a été choisi dans la formule prévue pour le MERFA par les chefs de file pour pénaliser les nouveaux entrants tout en épargnant les chefs de file.

186    À cet égard, il suffit de relever qu’il ressort des considérants 113, 122 et 124 de la décision attaquée que la conclusion de la Commission, selon laquelle le critère DAB avait été choisi par les chefs de file pour pénaliser les nouveaux entrants, repose sur plusieurs documents saisis par la Commission très explicites et concordants à cet égard.

187    Ainsi, aux considérants 113, 122 et 124 de la décision attaquée, la Commission a constaté ce qui suit :

« 113. La raison de l’introduction des DAB dans le calcul du MERFA apparaît à la lecture des commentaires tenus par les chefs de file participant au COM. Ainsi, selon une communication interne à la Société [g]énérale du 24 juillet 2002, l’introduction des DAB dans le calcul du MERFA constitue un ‘facteur d’inertie’ pour les nouveaux entrants.

[…]

122. Cette note [CS 2002. Synthèse générale. Sommaire. Auteur inconnu] analyse l’impact du MERFA sur les nouveaux entrants et estime que les nouveaux entrants auraient de grandes difficultés à échapper au MERFA ; le MERFA se traduira, pour ceux-ci, en un ‘surcoût par carte de l’ordre de 4 [euros], ce qui est important pour le référentiel des tarifs cartes’. ‘L’impact se situe avant tout au niveau du montant des investissements à consentir par les prédateurs, car on peut penser qu’à terme ils auront la capacité de s’équiper en DAB et à rentabiliser leurs investissements (bien que le développement de la tarification des retraits déplacés rende l’exercice plus difficile).

Mais lancer un ambitieux programme de DAB requiert à la fois des ressources financières lourdes et la recherche de lieux adéquats pour les implanter’.

[…]

124. Une note interne à Natexis-Banques Populaires datée du 8 octobre 2002 contient un résumé des positions des participants au COM sur les mesures qui allaient être adoptées le 11 octobre 2002. À cette occasion, il est expliqué que l’introduction des DAB dans le calcul du MERFA renforce l’efficacité du mécanisme : ‘L’introduction des DAB, si elle ne pénalise toujours pas le Groupe [Natexis-Banques Populaires] a priori, remonte le seuil d’éligibilité et donc renforce l’efficacité du mécanisme, alors que précédemment des établissements comme La Poste ou les CE imposaient un seuil très bas pour ne pas être éligibles’[…] »

188    En septième lieu, la Société générale reproche à la Commission d’avoir estimé, dans la décision attaquée, que le critère SIREN avait été choisi dans la formule prévue pour le MERFA par les chefs de file pour pénaliser les nouveaux entrants tout en épargnant les chefs de file.

189    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a estimé que le choix du critère SIREN pénalisait les banques issues de la grande distribution notamment parce que l’acquisition par ces banques d’une enseigne de la grande distribution ne compte, au titre du MERFA et du droit de réveil des dormants, que pour un SIREN, alors que ces enseignes ont un grand nombre de SIRET (un numéro SIRET étant attribué à chaque établissement) et qu’elles représentent un grand nombre de transactions par cartes (voir considérant 239 de la décision attaquée). Cela n’est pas remis en cause par la Société générale.

190    S’agissant, tout d’abord, de l’argument selon lequel la note du 21 juin 2002 d’un salarié de la BNP, citée au considérant 287 de la décision attaquée, n’exprime que le point de vue de son auteur et non celui du Groupement, il y a lieu de le rejeter dans la mesure où cette note n’est pas le seul élément de preuve sur lequel la Commission s’est fondée pour affirmer que le critère SIREN a été choisi pour pénaliser les nouveaux entrants. Elle s’est également fondée sur une note interne de la Société générale, sur les déclarations de S2P et de la Banque Accord (voir considérants 239, 287 et 288 de la décision attaquée), ainsi que sur le fait que la présence du critère SIREN, dans la formule prévue pour le MERFA et du droit de réveil des dormants, désavantageait les banques issues de la grande distribution (voir point 189 ci-dessus).

191    S’agissant, ensuite, de l’argument selon lequel la différence entre le nombre de SIREN et le nombre de SIRET n’est pas significative, il convient de relever que, à supposer que la différence entre le nombre total de SIREN et le nombre total de SIRET ne soit pas significative, il résulte d’un tableau fourni par le requérant en réponse à une question du Tribunal que la différence entre le nombre de SIREN et le nombre de SIRET des entreprises de la grande distribution est significative. Ainsi, selon ce tableau, le ratio « nombre de SIRET sur nombre de SIREN » est pour Leclerc de 1,9, pour Carrefour de 3,05, pour Casino de 3,76 et pour Auchan de 11,65. L’activité d’acquisition d’une banque issue de la grande distribution est donc, ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 286 de la décision attaquée, fortement minorée lorsque le critère SIREN est pris comme critère de référence au lieu du critère du nombre de SIRET (ci-après le « critère SIRET »).

192    S’agissant, enfin, de l’argument de la Société générale selon lequel la référence au stock de SIREN a été préférée à la référence au flux de SIREN afin d’éviter de pénaliser les établissements ayant déjà beaucoup contribué à l’activité d’acquisition (c’est-à-dire les chefs de file), il ne peut pas remettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle le choix du critère SIREN pénalise les nouveaux entrants.

193    Il s’ensuit que le requérant et la Société générale reprochent à tort à la Commission d’avoir commis des erreurs en concluant que le développement de l’activité d’acquisition était très difficile.

194    La Commission a déduit, à juste titre, du fait que le développement de l’activité d’acquisition était très difficile, que le MERFA laissait, en pratique, deux options aux banques y étant soumises : le paiement d’une redevance ou la limitation de l’émission de cartes CB.

b)     Sur les deux options : paiement d’une redevance et limitation de l’émission de cartes CB

195    Le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir démontré que les mesures en cause avaient un objet anticoncurrentiel en ce qu’elles pouvaient amener certaines banques à payer une redevance. La Commission aurait considéré à tort que tout paiement d’une redevance revêtait par nature un objet anticoncurrentiel. La Commission aurait dû démontrer qu’il existait, en l’espèce, une disproportion importante entre le montant de la redevance et la valeur de la contrepartie de la redevance, à savoir l’accès au système CB et l’utilisation de ce système. Le requérant fait également valoir que le raisonnement de la Commission semble reposer sur l’idée selon laquelle les mesures notifiées ont pour objet (nécessairement anticoncurrentiel) de limiter l’émission de cartes par certains membres du Groupement (voir considérants 212, 213 et 222 de la décision attaquée) et que ce raisonnement est erroné.

196    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a considéré comme étant anticoncurrentiel par objet le fait que les mesures en cause pénalisaient les banques y étant soumises dans la mesure où elles leur imposaient soit de supporter certains coûts les désavantageant sur le marché de l’émission par rapport aux membres qui n’y étaient pas soumis et parmi lesquels se trouvaient l’ensemble des chefs de file, soit de limiter leur activité d’émission de cartes CB, c’est-à-dire à adopter un comportement qu’elles n’auraient autrement pas adopté (voir considérants 212, 213 et 222 de la décision attaquée).

197    Dans l’arrêt Beef Industry Development Society et Barry Brothers (point 73 supra, points 36 et 37), la Cour a examiné une mesure imposant à certains producteurs une contribution financière par unité produite au-delà de leur volume de production habituel. Elle a estimé que cette mesure constituait un obstacle au développement naturel des parts de marché de ces producteurs qui, du fait du caractère dissuasif de cette contribution, étaient incités à ne pas dépasser un certain volume de production. Elle a considéré, sans examiner la contrepartie que ces producteurs étaient censés obtenir en échange de cette contribution, que cette mesure était une restriction dont l’objet présentait un caractère anticoncurrentiel.

198    De même, en l’espèce, les mesures en cause constituent un obstacle au développement naturel des parts de marché des nouveaux entrants dans la mesure où ces banques sont incitées à ne pas dépasser un certain volume d’émission de cartes CB afin d’éviter le paiement des redevances dues si ce volume d’émission est dépassé.

199    Dès lors, la Commission ayant constaté que, pour échapper au paiement des redevances dues au titre des mesures en cause, les banques y étant soumises devaient limiter leur volume d’émission de cartes CB, elle pouvait considérer que les mesures en cause avaient pour objet de restreindre la concurrence sur le marché de l’émission de cartes CB sans devoir examiner la valeur de la contrepartie de ces redevances.

200    Les autres arguments du requérant et des intervenantes ne remettent pas en cause cette conclusion.

201    S’agissant, en premier lieu, de l’option consistant à payer une redevance, le requérant soutient, premièrement, que la Commission aurait dû démontrer que les mesures en cause avaient un objet anticoncurrentiel en ce qu’elles pouvaient amener certaines banques à payer une redevance.

202    À cet égard, il suffit de relever que la Commission n’a pas considéré que les mesures en cause étaient anticoncurrentielles par objet du seul fait qu’elles imposaient le paiement d’une redevance à certains membres du Groupement. Si tel était le cas, la Commission aurait considéré que le droit fixe d’adhésion était anticoncurrentiel par objet, ce qu’elle n’a pas fait (voir point 30 ci-dessus). Ainsi, la Commission n’avait pas à démontrer que les mesures en cause avaient un objet anticoncurrentiel en ce qu’elles pouvaient amener certaines banques à payer une redevance.

203    Le requérant soutient, deuxièmement, que les considérations de la Commission sur l’utilisation des fonds générés par les redevances sont inopérantes.

204    À cet égard, il y a lieu de relever que ces fonds sont redistribués aux membres qui ne sont pas redevables des redevances et qui sont libres de leur utilisation, plutôt que d’être réinvestis dans le système ou grevés d’une obligation de les utiliser aux fins de développer l’acquisition. L’utilisation des fonds met donc à mal l’objectif des mesures en cause déclaré par le requérant, à savoir le développement de l’activité d’acquisition, et permet ainsi de corroborer l’analyse faite par la Commission des formules mêmes prévues pour les mesures en cause. Partant, cet argument doit être rejeté.

205    Troisièmement, le requérant reproche à la Commission, d’avoir considéré, d’une part, que la fonction régulatrice du MERFA, à savoir l’incitation à développer l’acquisition, était contredite par l’existence de commissions interbancaires pénalisant l’acquisition et, d’autre part, qu’il existait une contradiction entre les objectifs du MERFA, qui décourage une émission jugée « excessive » par le Groupement, et ceux du droit complémentaire d’adhésion et du droit de réveil des dormants, qui pénalisent une émission insuffisante durant les premières années de participation au système CB. Ces considérations manqueraient en fait.

206    S’agissant de la contradiction entre le MERFA et les commissions interbancaires, le requérant soutient que les commissions interbancaires n’avaient aucune vocation ni pouvoir incitatif et qu’elles avaient pour unique objet de rémunérer les services que les banques se rendent entre elles au titre de chaque opération de paiement et de retrait, ce qu’il aurait démontré, lors de la procédure administrative.

207    Cet argument ne peut pas prospérer.

208    Il ressort de la décision attaquée, qui n’est pas contestée à cet égard par le requérant, que ces commissions interbancaires consistent, d’une part, en une commission interbancaire de paiement (CIP), versée par la banque du commerçant auprès duquel est effectué un paiement (banque acquéreur) à la banque ayant émis la carte (banque émettrice) et, d’autre part, en une commission interbancaire de retrait (CIR) versée par la banque ayant émis la carte à la banque gestionnaire du DAB où le retrait s’est effectué (voir considérant 48 de la décision attaquée). La CIP rémunère ainsi les services rendus par la banque émettrice à la banque acquéreur (voir considérant 50 de la décision attaquée). La CIR est composée de plusieurs éléments, à savoir, d’un montant forfaitaire appelé « avance de trésorerie », du par la banque émettrice, qui rémunère le service rendu à cette dernière par la banque délivrant les billets au porteur de la carte et, soit d’une commission de service retrait (CSR) payée uniquement par les banques dont l’activité d’émission excède dans une certaine mesure l’activité d’acquisition, c’est-à-dire par des banques émettrices disposant de peu (ou pas) de DAB, soit d’une commission de services cartes (CSC) payée uniquement par les banques dont l’activité d’acquisition excède dans une certaine mesure l’activité d’émission, c’est-à-dire par des banques gestionnaires de DAB (banques acquéreurs) émettant peu (ou pas) de cartes (voir considérants 52 et 53 de la décision attaquée).

209    Certes, il découle de cette présentation de la CIP et de la CIR que les commissions interbancaires ont pour objectifs de rémunérer les services que les banques se rendent entre elles au titre de chaque opération de paiement et de retrait. Toutefois, elles constituent également des mécanismes de régulation des activités d’émission et d’acquisition. Le requérant lui-même, dans la notification de la CIR du 11 décembre 1995, les a présentées comme des mécanismes de régulation entre émetteurs et acquéreurs.

210    En effet, il ressort du passage de la notification de la CIR du 11 décembre 1995, reproduit au considérant 226 de la décision attaquée, que le Groupement avait affirmé dans cette notification ce qui suit :

« […] la CIR repose sur un mécanisme autorégulateur […] Son montant représente en effet, comme celui de toutes les commissions interbancaires, dont la commission interbancaire de paiement ou CIP […] un point d’équilibre entre les objectifs divergents des différents membres du système qui poursuivent chacun une stratégie commerciale propre […] Ainsi, le système porte en lui-même son propre mécanisme régulateur qui naît du conflit d’intérêts entre émetteurs et gestionnaires [acquéreurs] de DAB, la plupart des membres du Groupement cumulant généralement ces […] deux qualités. Bien que la stratégie commerciale de certains établissements puisse les incliner à privilégier l’une ou l’autre composante de l’interbancarité, leurs ambitions en ce sens s’annulent avec celles des établissements ayant une stratégie commerciale opposée.

[…] Quant à la CSR et à la CSC, elles constituent l’indispensable mécanisme de pondération […] dans le respect de l’équilibre global de la fonction retrait du système. »

211    Il ressort également du passage de la notification de la CIR du 11 décembre 1995, reproduit dans la note en bas de page n° 306 de la décision attaquée, que le Groupement a affirmé qu’ « [i]l [était] donc nécessaire d’instituer un mécanisme de compensation financière sans lequel les membres du système n’accepteraient pas d’assurer l’interbancarité en délivrant des espèces aux porteurs des autres membres », que « la fonction retrait du système ne [pouvait] fonctionner que si le nombre de porteurs et le nombre de DAB dans lesquels ces porteurs effectuent des retraits se [développaient] de façon globalement équilibrée et que les déséquilibres constatés au niveau de certains établissements [faisaient] l’objet de corrections sous forme de compensation financière » et que « ’[l]’objectif poursuivi [était] de permettre le développement équilibré des différentes composantes du Système CB dans le cadre spécifique des opérations de retrait d’espèces automatisé’ ».

212    De plus, comme l’a justement relevé la Commission aux considérants 227 et 230 de la décision attaquée, le MERFA, d’une part, et la CIP ainsi que la CSC, d’autre part, paraissent contradictoires dans la mesure où le premier vise à développer l’activité d’acquisition de banques « trop » émettrices, mais où les secondes, et en particulier la CSC, sont dues dès lors qu’une banque a une activité d’acquisition trop développée par rapport à son activité d’émission.

213    S’agissant de la contradiction entre les objectifs du MERFA et ceux du droit complémentaire d’adhésion et du droit de réveil des dormants, le requérant soutient, tout d’abord, qu’il a démontré, lors de la procédure administrative, que ces mesures avaient des objectifs différents, le MERFA visant à équilibrer les activités d’émission et d’acquisition et les autres mesures en cause visant à rémunérer le simple accès au système CB.

214    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au considérant 231 de la décision attaquée, qui n’est pas contesté par le requérant, la Commission a constaté ce qui suit :

« […]

–        est redevable [du] droit [complémentaire] d’adhésion le nouvel entrant dont le nombre de cartes émises au cours des trois premières années est inférieur à un tiers du stock de cartes dont cet entrant dispose au cours ou à la fin des trois années suivantes, et

–        est redevable du mécanisme dit ‘de réveil des dormants’ le membre dont la part dans l’activité d’émission du Groupement pour l’un des exercices 2000 à 2002 est inférieure au tiers de sa part dans l’activité d’émission du Groupement au titre de l’un des exercices 2003 à 2005 [, et]

–        est au contraire redevable du MERFA au titre de chaque exercice le membre dont la part dans l’activité d’émission du Groupement est supérieure au double de sa part dans l’activité d’acquisition du Groupement. »

215    Il ressort ainsi du considérant 231 de la décision attaquée que le MERFA est dû par les membres ayant une activité d’émission relative trop importante par rapport à leur activité d’acquisition relative. En revanche, le droit complémentaire d’adhésion et le droit de réveil des dormants sanctionnent indirectement le fait d’avoir émis insuffisamment de cartes lors des premières années de participation au système CB. Le requérant n’établit nullement que cette compréhension des mesures en cause par la Commission est erronée. Or, il ressort de cette compréhension des mesures en cause que les objectifs de ces mesures sont contradictoires.

216    Le requérant soutient, ensuite, que la Commission procède à un renversement de la charge de la preuve en affirmant, au considérant 232 de la décision attaquée, qu’« [a]ucune explication de cette rupture entre, d’une part, la pénalisation d’une émission déficitaire lors du passé récent (par le droit [complémentaire] d’adhésion et le dispositif de réveil des dormants) et, d’autre part, la pénalisation d’une émission jugée excessive à partir du 1er janvier 2003, n’est fournie par le Groupement ».

217    Cet argument ne peut pas prospérer. En effet, il découle de la jurisprudence, qu’il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve en établissant les éléments propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une telle infraction et il appartient à l’entreprise invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve (arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 74 supra, point 58, et arrêt du Tribunal du 9 juillet 2009, Peugeot et Peugeot Nederland/Commission, T‑450/05, Rec. p. II‑2533, point 219).

218    Ainsi, la Commission ayant démontré qu’il existait une contradiction entre les objectifs des différentes mesures en cause, il appartenait au requérant d’apporter des éléments de preuve de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission.

219    Le requérant soutient, enfin, que la conclusion contenue au considérant 233 de la décision attaquée est très peu « affirmative » et donc incompatible avec le degré de preuve exigé pour le constat d’une infraction, la Commission ayant simplement conclu que la poursuite de l’objectif de développement de l’acquisition était « douteuse ». En outre, la Commission aurait entaché la décision attaquée d’une contradiction de motifs en affirmant, d’une part, au premier tiret du considérant 233 de la décision attaquée, de façon catégorique, que le MERFA « n’[avait] pas pour objet […] d’encourager l’acquisition » et, d’autre part, au second tiret du considérant 233 de la décision attaquée, de façon beaucoup moins catégorique que la poursuite d’un tel objectif était simplement « douteuse ».

220    Il convient de rejeter ces deux arguments du requérant. S’agissant du premier argument, il suffit de relever que le fait qu’il était « douteux » que le MERFA ait réellement pour objectif d’encourager l’acquisition (doute qui résulte des contradictions pouvant exister entre le MERFA et les commissions interbancaires et entre le MERFA et les autres mesures en cause) étant seulement un argument supplémentaire venant au soutien de l’analyse à l’issue de laquelle la Commission a conclu que, de par la formule même qui avait été prévue, le MERFA avait un objet anticoncurrentiel (voir considérant 222 de la décision attaquée).

221    S’agissant de l’argument du requérant tiré de la contradiction de motifs au considérant 233 de la décision attaquée, il résulte d’une lecture erronée de ce considérant. En effet, dans le premier tiret du considérant 233 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que le MERFA n’avait pas pour objet, comme il était avancé dans la notification, d’encourager l’acquisition et de décourager une émission jugée excessive de certains membres, mais bien de restreindre la concurrence. Dans le second tiret du considérant 233 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que « la poursuite d’un tel objectif [était] douteuse dans la mesure où cet objectif [était] contredit par celui d’autres mesures ». Il s’agit de deux conclusions visant deux analyses distinctes, il n’existe donc pas de contradiction entre elles.

222    Quatrièmement, le requérant soutient que l’analyse faite par la Commission de la contradiction, d’une part, entre le MERFA et les commissions interbancaires et, d’autre part, entre le MERFA et les autres mesures en cause manque en droit. Il considère que, à supposer que les mesures en cause et les commissions interbancaires puissent avoir des objectifs inverses, cela ne démontrerait pas l’existence d’un objet anticoncurrentiel résultant des formules mêmes prévues pour les mesures en cause.

223    Cet argument résulte d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, il ressort de la décision attaquée que le caractère anticoncurrentiel des mesures en cause ne découle pas des contradictions pouvant exister entre, d’une part, le MERFA et les commissions interbancaires et, d’autre part, le MERFA et les autres mesures en cause. L’analyse de ces contradictions a seulement permis à la Commission de corroborer son analyse selon laquelle il ressort des formules mêmes prévues pour les mesures en cause qu’elles ont pour objet de restreindre la concurrence.

224    Cinquièmement, le requérant fait observer que la Commission a reconnu que la théorie des facilités essentielles ne s’appliquait pas au Groupement. Ainsi, le Groupement aurait été en droit d’imposer une redevance aux banques souhaitant y adhérer et n’aurait pas été obligé d’orienter le montant de cette redevance vers le niveau des coûts.

225    Par cet argument, le requérant soutient en substance que la Commission a méconnu le droit du Groupement d’imposer une redevance aux banques souhaitant y adhérer. À cet égard, il suffit de relever, ainsi qu’il a été indiqué aux points 195 et 196 ci-dessus, que la Commission n’a pas considéré que les mesures en cause étaient anticoncurrentielles par objet seulement parce qu’elles imposaient une redevance à certains membres du Groupement. Dès lors, il ne peut être valablement soutenu que la Commission méconnaît le droit du Groupement d’imposer une redevance aux banques souhaitant y adhérer.

226    Sixièmement, le requérant soutient que l’affirmation de la Commission selon laquelle « la redevance est payée seulement par les nouveaux entrants » est inopérante, étant donné que les « nouveaux entrants » sont des établissements pour la plupart déjà membres du Groupement, que certaines banques non chefs de file ne sont pas soumises au MERFA et en bénéficient, et que certains chefs de file auraient pu se retrouver redevables du MERFA selon l’évolution de leurs activités d’acquisition et d’émission dans le sens d’un déséquilibre excessif.

227    Cet argument doit être rejeté dans la mesure où, comme l’indique la Commission, les mesures en cause n’ont pas été considérées comme anticoncurrentielles par objet parce qu’elles visaient spécifiquement certaines banques, mais parce qu’elles créaient une restriction de concurrence sur le marché de l’émission des cartes de paiement en France.

228    S’agissant, en second lieu, de l’option consistant à limiter l’émission de cartes CB, le requérant soutient qu’il existe une contradiction entre, d’une part, l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 233 de la décision attaquée, selon laquelle « le MERFA n’a pas pour objet, comme il est avancé dans la notification, d’encourager l’acquisition et de décourager une émission jugée excessive de certains membres, mais bien de restreindre la concurrence », et, d’autre part, l’affirmation selon laquelle les mesures en cause ont pour objet de limiter l’émission de cartes.

229    Cet argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la Commission a simplement constaté, au considérant 233 de la décision attaquée, que, contrairement à ce que le Groupement avait fait valoir dans la notification, le MERFA ne visait pas à limiter une émission de cartes CB qui serait excessive. Ce constat n’est pas contradictoire avec l’affirmation selon laquelle le MERFA vise, plus généralement, à limiter l’émission de cartes CB (voir considérants 212, 213 et 222 de la décision attaquée).

230    Le requérant fait également valoir que, même s’il était établi que les mesures en cause avaient pour objet de limiter l’émission, la Commission aurait considéré à tort que ces mesures avaient, par nature, un objet anticoncurrentiel. La Commission se serait ainsi dispensée de tout examen sérieux de la portée concurrentielle d’une limitation de l’émission. Un tel examen aurait notamment exigé que soient pris en compte les différentes caractéristiques des produits existant sur le marché de l’émission (les cartes n’étant pas toutes dotées des mêmes caractéristiques) et le point de vue du consommateur. L’Association de défense, d’éducation et d’information du consommateur (ADEIC), dont la Commission aurait choisi d’écarter le point de vue, aurait d’ailleurs souligné la valeur très réduite des cartes des nouveaux entrants et le danger représenté par leur modèle commercial.

231    À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que le requérant n’explique pas dans quelle mesure l’examen des différentes caractéristiques des cartes aurait pu modifier la conclusion de la Commission s’agissant de l’objet des mesures en cause.

232    D’autre part, s’agissant de la nécessité de prendre en compte le point de vue du consommateur, il y a lieu de relever que le fait de limiter l’émission de cartes CB diminue l’offre proposée aux consommateurs et peut également contrecarrer toute réduction de prix qui pourrait résulter d’une offre plus importante de cartes sur le marché. En tout état de cause, ainsi qu’il a été indiqué au point 148 ci-dessus, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’un accord ne saurait être subordonnée à ce que les consommateurs finals soient privés des avantages d’une concurrence efficace en termes d’approvisionnement ou de prix (voir, en ce sens, arrêt de la Cour GlaxoSmithKline, point 64 supra, point 63, et la jurisprudence citée).

233    Quant aux observations de l’ADEIC dont la Commission aurait choisi d’écarter le point de vue, il y a lieu de relever, comme l’indique la Commission, qu’elles concernent pour l’essentiel les risques de surendettement encourus par les porteurs de cartes « multifonctions » comportant notamment une option « crédit à la consommation ». Dans ses observations, l’ADEIC n’a pas affirmé qu’il aurait été dans l’intérêt des consommateurs de voir l’émission de cartes limitée, mais simplement qu’il aurait été dans leur intérêt de voir la stratégie commerciale de certains nouveaux entrants être modifiée, s’agissant notamment des fonctions de crédit. Or, ces observations ne sont pas pertinentes en l’espèce. Partant, la Commission était fondée à ne pas les prendre en considération.

234    Il s’ensuit que le requérant reproche à tort à la Commission de ne pas avoir démontré que les mesures en cause avaient un objet anticoncurrentiel en ce qu’elles imposaient aux banques y étant soumises soit de payer une redevance, soit de limiter leur émission de cartes de paiement en France.

235    Il ressort de ce qui précède que le premier grief doit être rejeté.

2.     Sur le second grief, tiré de la prise en compte de considérations inopérantes et erronées

236    Le requérant reproche à la Commission de s’être appuyée sur des considérations et des documents inopérants et erronés, aux fins de l’examen de l’objet des mesures en cause.

a)     Sur certaines considérations de la Commission relatives à la formule du MERFA

237    Premièrement, le requérant soutient que les considérants 214 à 218 de la décision attaquée, visant à démontrer que la formule du MERFA incite chaque membre du Groupement à se rapprocher du rapport acquisition/émission des chefs de file, sans qu’il puisse être démontré que ce soit dans l’intérêt du système CB, sont inopérants pour démontrer que les mesures en cause ont un objet anticoncurrentiel.

238    À cet égard, il convient de relever que, aux considérants 214 à 218 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le MERFA n’était pas approprié pour encourager l’acquisition dans l’intérêt du système CB, notamment parce qu’il incitait chaque membre à se rapprocher du rapport acquisition/émission des chefs de file. Cette analyse a donc permis de conclure, contrairement à ce que soutient le requérant, que le MERFA n’avait pas l’objet allégué dans la notification et a ainsi corroboré l’analyse de la Commission selon laquelle il ressort des formules mêmes prévues pour les mesures en cause que ces dernières ont pour objet de restreindre la concurrence.

239    Deuxièmement, le requérant fait valoir que l’affirmation de la Commission selon laquelle le MERFA incite chaque membre à se rapprocher du rapport acquisition/émission des chefs de file est erronée. Il soutient que la Commission raisonne comme si les chefs de file avaient des rapports acquisitions/émissions identiques alors qu’ils ont des rapports acquisitions/émissions variables.

240    Au considérant 215 de la décision attaquée, la Commission a relevé que « [c]e qui [était] comparé dans la formule [prévue pour le] MERFA [était] la part du membre dans le total des activités d’acquisition du système CB (ces activités étant mesurées en nombre de SIREN et de DAB) par rapport à la part de ce membre dans le total des activités d’émission du système CB, ce rapport entre deux ratios ne devant pas être inférieur à un demi ». Au considérant 216 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les chefs de file détenaient le plus grand nombre de SIREN, de DAB et de cartes CB actives. La Commission a donc estimé, au considérant 217 de la décision attaquée, que le MERFA avait pour fonction d’imposer à chaque membre de ne pas trop s’écarter du rapport acquisition/émission prévalant parmi les chefs de file.

241    Il ressort du tableau figurant au considérant 205 de la décision attaquée, que les onze chefs de file du Groupement détenaient, en 2004, [confidentiel] % de l’activité d’acquisition paiements, et [confidentiel] % de l’activité d’acquisition retraits [alors que 87 groupes de banques pratiquaient l’acquisition de commerçants pour les cartes CB en 2002 (voir considérant 19 de la décision attaquée)]. S’agissant de la part des onze chefs de file dans l’activité d’émission de cartes CB, il peut être déduit du tableau joint à l’annexe de la réplique que, en 2003, ils détenaient [confidentiel] % du marché de l’émission de cartes CB. En outre, il convient de relever que le requérant ne conteste pas que les chefs de file détiennent la quasi-totalité des activités d’émission et d’acquisition. Il s’ensuit que, comme le fait valoir la Commission, les chefs de file représentent ensemble la quasi-totalité des activités d’émission et d’acquisition des membres du Groupement.

242    Les rapports acquisition/émission des « chefs de file » représentant, en substance, ceux de l’ensemble des membres du Groupement, la Commission n’a, par conséquent, pas commis d’erreur en affirmant que le MERFA, en ce qu’il incite chaque membre à se rapprocher du rapport acquisition/émission du Groupement, incite chaque membre à se rapprocher du rapport acquisition/émission des chefs de file.

243    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant selon lequel les rapports acquisition/émission des chefs de file sont variables. À cet égard, il convient de relever que le fait que les rapports acquisition/émission des groupes CIP auxquels appartiennent les chefs de file varient de 68 à 214 % (soit de 0,68 à 2,14) indique seulement que, parmi les chefs de file, certains ont une activité d’acquisition sensiblement plus développée que leur activité d’émission et que l’activité d’acquisition d’autres chefs de file. Ce n’est toutefois pas la variation des rapports acquisition/émission individuels des chefs de file qui est importante en l’espèce, mais plutôt la question de savoir si les rapports acquisition/émission des chefs de file se situent facilement ou largement au-delà du rapport acquisition/émission de 0,5 déclenchant l’application du MERFA. Or, il ressort d’un document annexé à la réplique, qu’aucun des chefs de file n’aurait été soumis au MERFA si celui-ci avait été en application.

244    En outre, l’affirmation du requérant selon laquelle ces variations importantes attestent de la « large fourchette à l’intérieur de laquelle le rapport acquisition/émission peut s’inscrire pour échapper au MERFA » est erronée. En effet, il découle de la formule du MERFA (voir point 19 ci-dessus) que, pour ne pas être soumis au paiement de ce dernier, il faut que ce rapport soit au minimum de 0,5. Il ne s’agit donc pas de « rester dans une fourchette » ; une banque qui aurait une activité d’acquisition « déséquilibrée », c’est-à-dire très développée par rapport à son activité d’émission, ne serait pas soumise au MERFA.

245    L’affirmation du requérant selon laquelle le fait que, en cas de déséquilibre de leurs activités d’acquisition et d’émission, les chefs de file pourraient être soumis au MERFA ne remet pas non plus en cause la constatation selon laquelle le MERFA incite chaque membre à se rapprocher du rapport acquisition/émission des chefs de file.

246    Troisièmement, le requérant soutient que la Commission prend position sur ce qui serait dans l’intérêt du système CB, sans étayer sa position. Ce serait au Groupement, et non à la Commission, de juger quel est l’intérêt du système CB. La Commission aurait procédé également à un renversement illégal de la charge de la preuve dans la décision attaquée en se limitant à soutenir qu’il n’avait pas été démontré qu’un alignement sur la stratégie des chefs de file était dans l’intérêt du système CB. Or, même si la conformité des mesures en cause à l’intérêt du système CB était pertinente, il appartiendrait à la Commission de le démontrer, et non au Groupement de démontrer le contraire.

247    À cet égard, d’une part, il suffit de relever que, si la Commission a constaté dans la décision attaquée que le MERFA imposait à chaque membre de se rapprocher du rapport acquisition/émission prévalent parmi les chefs de file sans garantir que ce soit dans l’intérêt du système (voir considérant 214 de la décision attaquée), il ne pouvait être considéré que la Commission avait ainsi pris position sur ce qui serait ou non dans l’intérêt du système CB. En effet, cette constatation résulte simplement du fait que le rapport acquisition/émission de référence utilisé pour déterminer l’applicabilité du MERFA n’est pas « un taux d’équilibre acquisition/émission considéré comme optim[al] pour le système », mais est, mathématiquement, déterminé par rapport au comportement des chefs de file (voir considérant 215 de la décision attaquée). Or, le requérant ne fait pas valoir que ce comportement est le comportement optimal pour le système.

248    D’autre part, force est de constater que la Commission n’a pas procédé à un renversement de la charge de la preuve. Elle a seulement indiqué que le fait que l’applicabilité du MERFA était déterminée par rapport au comportement des chefs de file permettait de douter du fait que le MERFA visait bien à réguler les activités d’acquisition et d’émission.

249    Quatrièmement, contrairement à ce que prétend le requérant, la Commission n’a pas estimé que les externalités positives générées par l’émission étaient supérieures à celles générées par l’acquisition. Elle a simplement indiqué que l’activité d’émission était « a priori génératrice, elle aussi, d’externalités positives profitant au système dans son ensemble » (voir considérant 218 de la décision attaquée), sans valoriser l’une par rapport à l’autre. L’argument du requérant procède donc d’une lecture erronée de la décision attaquée et doit être rejeté.

b)     Sur les documents sur lesquels la Commission se serait appuyée pour caractériser l’objet des mesures en cause

250    Le requérant et les intervenantes reprochent, en substance, à la Commission, de s’être appuyée sur des documents inopérants et dénaturés pour caractériser le but, l’objectif et la finalité des mesures en cause. En s’appuyant sur les propos des chefs de file, la Commission aurait appliqué de manière erronée la jurisprudence selon laquelle il convient de tenir compte du contexte juridique et économique, actuel et futur, des mesures en cause. Le raisonnement de la Commission reposerait en effet davantage sur le contexte factuel antérieur à l’adoption des mesures en cause.

251    Il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 125 ci-dessus que, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’une décision d’association d’entreprises, rien n’interdit à la Commission ou aux juridictions de l’Union d’en tenir compte. Il ressort également de la jurisprudence que, lors de l’appréciation de l’objet éventuellement restrictif de concurrence d’une décision d’association d’entreprises, peuvent être pris en compte tant le contenu de la décision en cause que sa genèse et les circonstances de sa mise en œuvre (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 23).

252    Il ressort de cette jurisprudence que la Commission pouvait tenir compte des propos des chefs de file exprimés lors de la genèse des mesures en cause pour apprécier le caractère restrictif de ces mesures. En effet, ces propos exprimaient l’intention du Groupement.

253    Les arguments du requérant et des intervenantes ne remettent pas en cause cette conclusion.

254    Premièrement, le requérant soutient que les propos, qui émanent non de l’auteur de la décision d’association d’entreprises (le Groupement), mais de certains de ses membres seulement, ne devraient pas être pris en compte. Il y aurait une contradiction manifeste à qualifier les mesures en cause de « décision d’association d’entreprises » exprimant fidèlement la volonté de l’ensemble des membres du Groupement tout en affirmant que ces mesures poursuivent l’objectif d’en exclure certains en s’appuyant à tort sur l’intention prêtée à certains autres.

255    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, tout d’abord, le conseil de direction, qui est l’organe du Groupement compétent pour décider de l’adoption et de la mise en œuvre des mesures en cause, comprend l’ensemble des chefs de file, ensuite, le COM est, certes, une instance informelle, mais il est composé [confidentiel] du Groupement et [confidentiel] des chefs de file (à l’exception de la HSBC France) et, enfin, il n’est pas contesté que, pour l’essentiel, les mesures en cause, avant d’être formellement adoptées par le conseil de direction, ont été préparées et discutées au cours de plusieurs réunions du COM et acceptées lors de la réunion du 11 octobre 2002 et qu’elles ont été adoptées par le conseil de direction sans que les membres non chefs de file aient pu participer à leur préparation.

256    Étant donné que les chefs de file sont membres de l’instance informelle, à savoir le COM, qui a préparé les mesures en cause et du conseil de direction qui les a adoptées, l’intention exprimée par les chefs de file correspond en substance à celle du Groupement en ce qui concerne l’adoption des mesures en cause.

257    Il s’ensuit que la Commission ne s’est pas contredite en qualifiant les mesures en cause de décisions d’association d’entreprises et donc en reconnaissant, par une telle qualification, que les mesures en cause constituent l’expression de la volonté du Groupement tout en s’appuyant sur les propos des chefs de file pour corroborer le fait qu’elles ont pour objet d’exclure les nouveaux entrants. L’argument du requérant doit donc être rejeté.

258    Deuxièmement, le requérant et les intervenantes soutiennent que les déclarations de représentants de certains membres du Groupement, reprises par la Commission, ont été dénaturées. Les propos et documents préparatoires mentionneraient de façon expresse la nécessité de lutter contre le parasitisme. L’affichage d’une volonté de pénaliser certains comportements jugés parasitaires ne constituerait pas l’indice d’une intention anticoncurrentielle.

259    À cet égard, il convient de relever que la Commission n’a pas considéré que l’affichage d’une volonté de pénaliser des comportements jugés parasitaires constituait l’indice d’une intention anticoncurrentielle. La Commission a seulement considéré que la lutte contre le parasitisme était une justification relevant de l’article 81, paragraphe 3, CE. En outre, le fait que la question de la lutte contre le parasitisme a été abordée lors de la préparation des mesures en cause ne remet pas en cause les autres propos tenus par les chefs de file également lors de cette préparation. Cet argument est donc inopérant.

260    La Société générale et la BPCE reprochent en outre à la Commission d’avoir omis certains passages des propos et documents préparatoires qui témoignent de la préoccupation de leurs auteurs de respecter le droit de la concurrence.

261    À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, qu’une éventuelle préoccupation de respecter le droit de la concurrence est contredite par d’autres propos tenus par les chefs de file lors de la préparation des mesures en cause et, d’autre part, qu’elle ne remet pas en cause le fait que la Commission a constaté, au terme de son analyse des formules prévues pour les mesures en cause et des obstacles au développement de l’activité d’acquisition, que ces mesures avaient un objet anticoncurrentiel.

262    Troisièmement, le requérant soutient que, dans la décision attaquée, la Commission a invoqué les mêmes pièces et documents que dans la première communication des griefs alors que celle-ci avait été retirée.

263    Il convient de relever que la première communication des griefs a été retirée par la Commission, car celle-ci a modifié son analyse de la nature de l’accord en cause et non son analyse du caractère anticoncurrentiel des mesures en cause. Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission soutient, dans le mémoire en défense, que le retrait de la première communication des griefs n’a pas d’impact sur la pertinence des propos qu’elle invoque dans la décision attaquée au soutien de son analyse du caractère anticoncurrentiel des mesures en cause.

264    Par ailleurs, le requérant et la BPCE soutiennent que la Commission s’est référée à tort, dans la décision attaquée, à des documents ayant trait au projet CS 2002 afin de justifier le caractère anticoncurrentiel des mesures en cause alors que ce projet a été abandonné.

265    Certes, le projet CS 2002 [dans le cadre duquel, la possibilité de création d’une société industrielle et commerciale (SIC) qui deviendrait propriétaire du système CB a notamment été envisagée] a été abandonné lors de la réunion du COM du 29 mai 2002 au vu de son éventuelle irrecevabilité au regard du droit de la concurrence. Toutefois, en application de la jurisprudence citée au point 251 ci‑dessus, la Commission peut prendre en compte la genèse des mesures en cause pour apprécier le caractère restrictif de celles-ci. Or, en l’espèce, il est constant que, dans le cadre du projet CS 2002, se sont tenues des discussions relatives à une réforme possible du système CB. La Commission pouvait donc se fonder sur les documents et propos antérieurs à l’abandon du projet CS 2002.

266    Partant, les arguments du requérant et des intervenantes visant à démontrer que la Commission s’est appuyée sur des pièces inopérantes et dénaturées doivent être rejetés.

267    Ces arguments sont, en tout état de cause, inopérants dans la mesure où, ainsi qu’il a déjà été exposé aux points 134 à 136 ci-dessus, les renvois aux propos des chefs de file et aux documents préparatoires n’ont été effectués qu’à titre complémentaire et confirmatif des conclusions que la Commission a tirées de son analyse des formules mêmes prévues pour les mesures en cause, quant à l’objet anticoncurrentiel de ces mesures.

268    Il s’ensuit que le deuxième grief doit être rejeté et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

IV –  Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen des effets des mesures en cause

269    Par le troisième moyen, le requérant reproche à la Commission d’avoir violé l’article 81, paragraphe 1, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation commises par la Commission lors de l’examen des effets des mesures en cause.

270    À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il ressort de la jurisprudence que, pour apprécier si une décision d’association d’entreprises est prohibée par l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération de ses effets concrets est superflue lorsqu’il apparaît que celle-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (arrêt Beef Industry Development Society et Barry Brothers, point 73 supra, point 16).

271    D’autre part, il ressort de l’analyse du deuxième moyen que le requérant n’a pas établi que la Commission a commis une erreur en concluant, dans la décision attaquée, que les mesures en cause avaient pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

272    Le troisième moyen doit donc être rejeté comme inopérant.

V –  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 3, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’applicabilité de cette disposition aux mesures en cause

273    Par le quatrième moyen, soulevé à titre subsidiaire, le requérant, soutenu par les intervenantes, fait valoir que la Commission a commis plusieurs erreurs lors de son examen de l’applicabilité de chacune des quatre conditions pour bénéficier d’une exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Ce moyen se divise en quatre branches correspondant à chacune des quatre conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

274    Selon la jurisprudence, toute décision d’association d’entreprises restreignant la concurrence, que ce soit par ses effets ou par son objet, peut en principe bénéficier d’une exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal GlaxoSmithKline, point 74 supra, point 233, et la jurisprudence citée).

275    Afin d’obtenir une exemption sur le fondement de l’article 81, paragraphe 3, CE, un requérant doit démontrer que les mesures notifiées remplissent les quatre conditions énumérées dans cet article, à savoir, premièrement, que l’accord concerné contribue à améliorer la production ou la distribution des produits en cause, ou à promouvoir le progrès technique ou économique, deuxièmement, qu’une partie équitable du profit qui en résulte soit réservée aux utilisateurs, troisièmement, qu’il n’impose aucune restriction non indispensable aux entreprises participantes et, quatrièmement, qu’il ne leur donne pas la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause (voir arrêt du Tribunal GlaxoSmithKline, point 74 supra, point 234, et la jurisprudence citée).

276    Il incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, CE d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce paragraphe sont remplies. En conséquence, la personne qui se prévaut de l’article 81, paragraphe 3, CE doit démontrer que ces conditions sont réunies, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants (voir arrêt du Tribunal GlaxoSmithKline, point 74 supra, point 235, et la jurisprudence citée).

277    Pour sa part, la Commission doit examiner adéquatement ces arguments et ces éléments de preuve, c’est-à-dire déterminer s’ils démontrent que les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE sont réunies. Dans certains cas, ces arguments et ces éléments de preuve peuvent être de nature à l’obliger à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve incombant à la personne se prévalant de l’article 81, paragraphe 3, CE a été satisfaite. La Commission doit, en pareil cas, réfuter ces arguments et ces éléments de preuve (voir arrêt du Tribunal GlaxoSmithKline, point 74 supra, point 236, et la jurisprudence citée).

278    Quant à la portée du contrôle que le Tribunal exerce sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 81, paragraphe 3, CE à l’égard de chacune des quatre conditions qu’il contient, il est de jurisprudence constante qu’il doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T‑39/92 et T 40/92, Rec. p. II‑49, point 109 ; du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T‑17/93, Rec. p. II‑595, point 104, et SPO e.a./Commission, point 110 supra, point 288). Il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle de la Commission (arrêt Van den Bergh Foods/Commission, point 86 supra, point 135).

279    Le requérant, par la première branche, conteste l’examen par la Commission de la condition relative à l’amélioration de la production ou de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique ou économique. Il fait valoir que, conformément à la pratique décisionnelle constante de la Commission selon laquelle les mesures qui renforcent les systèmes de paiement remplissent la première condition de l’article 81, paragraphe 3, CE, le Groupement a démontré, lors de la procédure administrative, que les mesures en cause étaient nécessaires pour éviter deux sortes de comportement. Elles permettraient d’éviter, d’une part, l’accès au système CB sans rémunération appropriée et, d’autre part, l’usage de ce système par des banques qui ne développent pas leur activité d’acquisition dans une mesure proportionnée à leur activité d’émission. Ces deux comportements seraient susceptibles de nuire gravement au maintien et au développement du système CB. La Commission aurait illégalement rejeté ces deux justifications.

280    Le requérant reproche à la Commission d’avoir commis des erreurs ou des erreurs manifestes concernant l’appréciation, respectivement, de la rémunération de l’accès au système CB, de la nécessité d’une régulation de l’activité d’acquisition, de l’absence de parasitisme et des effets économiques négatifs des mesures en cause.

A –  Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives à la rémunération de l’accès au système CB

281    Par le premier grief, le requérant soutient, en substance, que la Commission a rejeté à tort son argumentation, soulevée pendant la procédure administrative, selon laquelle les mesures en cause étaient nécessaires au maintien et au développement du système CB dans la mesure où elles visaient à éviter la première cause de parasitisme, à savoir l’accès à ce système sans rémunération appropriée. Il fait valoir que la Commission a commis des erreurs concernant la valeur des investissements ou du système CB, l’absence de parasitisme, le risque d’éclatement du système CB en raison de la mise en place du SEPA et l’assiette des droits en cause.

1.     Sur la valeur des investissements ou du système CB

282    Premièrement, le requérant soutient que la Commission a commis des erreurs concernant la valeur des investissements ou du système CB. Il fait valoir que la Commission a considéré à tort que le fait, pour le propriétaire d’un actif, d’en facturer l’accès une fois que les investissements réalisés pour sa création ont été intégralement amortis ne contribuait pas à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique. Il soutient également que le recours à la notion d’« amortissement » utilisée par la Commission dans la décision attaquée est inapproprié, étant donné que cette notion s’applique à des actifs matériels alors que la valeur du système CB est principalement de nature immatérielle.

283    Il y a lieu de relever que, au considérant 419 de la décision attaquée, la Commission a indiqué ce qui suit :

« […] La Commission ne prétend pas que des investissements amortis au sens comptable sont à tous égards dépourvus de la moindre valeur économique. Mais, la valeur comptable d’un bien, après amortissement, permet du moins d’en appréhender la baisse de valeur due à l’usure.

La Commission accepterait volontiers une estimation de la valeur du système [CB] (système profitant tant aux grandes banques chefs de file qu’aux nouveaux entrants) qui serait plus fiable encore qu’une estimation prenant en compte, par le recours à la notion d’amortissement comptable, l’usure et l’obsolescence des investissements. Toutefois, l’estimation par le Groupement des investissements dans le système [CB] dont bénéficient les nouveaux entrants à un montant global de 4 milliards d’euros, sans aucune indication des données utilisées ni de la méthode suivie pour parvenir à ce chiffre, est loin de présenter les qualités de rigueur et d’objectivité qui caractérisent la méthode comptable […] »

284    Il ressort ainsi du considérant 419 de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission n’a pas affirmé que le fait pour le propriétaire d’un actif d’en facturer l’accès une fois que les investissements réalisés pour sa création ont été intégralement amortis ne contribuait pas à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique. La Commission a seulement indiqué que l’estimation des investissements sur laquelle le Groupement s’était fondé pour établir la valeur de son système n’était pas fiable. L’argument du requérant procède donc d’une lecture erronée de la décision attaquée et doit être rejeté.

285    S’agissant du recours à la notion d’amortissement, la Commission n’a pas considéré que le système CB était dépourvu de valeur immatérielle. Au contraire, il ressort du considérant 419 de la décision attaquée, que la Commission a reconnu que des actifs amortis au sens comptable pouvaient avoir une certaine valeur et qu’elle aurait accepté une estimation du Groupement des investissements susceptibles de justifier leur rémunération par le biais des mesures en cause plus fiable que celle fondée sur la notion d’amortissement comptable. Toutefois, le Groupement, à qui la charge de la preuve incombait en vertu de la jurisprudence citée au point 276 ci-dessus, ne lui ayant pas fourni une telle estimation, la Commission a eu recours à la notion d’amortissement comptable. Partant, le requérant ne peut reprocher à la Commission d’avoir eu recours à cette notion.

286    Deuxièmement, le requérant fait valoir que les considérations de la Commission, dans la décision attaquée, relatives à l’absence de démonstration par le Groupement de la valeur des investissements réalisés ou du système CB sont sans pertinence, étant donné que le simple droit de pouvoir faire rémunérer l’accès à un actif, quand bien même il serait amorti, contribue à la promotion du progrès technique ou économique.

287    Cependant, la justification des mesures en cause par le fait qu’elles visaient à faire rémunérer un actif ne suffit pas pour démontrer que la condition de la contribution au progrès technique ou économique est remplie. En effet, il ressort de la jurisprudence que « [c]ette contribution s’identifie non pas à tous les avantages que les entreprises participant à cet accord [en] retirent quant à leur activité, mais à des avantages objectifs sensibles de nature à compenser les inconvénients qui en résultent pour la concurrence » (arrêt de la Cour GlaxoSmithKline, point 64 supra, point 92).

288    Troisièmement, le requérant reproche à la Commission d’avoir estimé, dans la décision attaquée, qu’il n’avait pas démontré, lors de la procédure administrative, la valeur très significative que de nombreux nouveaux entrants reconnaissent au système CB, dans la mesure où ils doublent ou triplent le prix de leur carte privative lorsqu’ils la transforment en carte CB.

289    Il convient de relever que, lors de la procédure administrative, le Groupement a fait valoir que la valeur d’usage du système CB était au moins égale à la différence pour une banque donnée entre le prix (cotisation annuelle) de sa carte CB et celui de sa carte privative.

290    Dans les considérants 396 à 398 de la décision attaquée, la Commission a estimé, à juste titre, que le Groupement n’expliquait pas dans quelle mesure la différence entre le prix d’une carte CB et le prix d’une carte privative pouvait refléter la valeur tirée de l’usage du système CB, alors que l’appartenance au système CB entraînait aussi des coûts, vraisemblablement supérieurs à ceux des systèmes de cartes privatives.

291    En effet, il y a lieu de relever que le prix plus élevé, pour un porteur, d’une carte CB par rapport à une carte privative, s’il peut être le reflet de la plus grande valeur de cette carte du fait de son interbancarité, reflète aussi, au moins en partie, les coûts supplémentaires supportés par les banques pour émettre des cartes CB par rapport à ceux qu’ils supportent pour émettre des cartes privatives (notamment les coûts résultant du droit fixe d’adhésion qui est décrit au point 26 ci-dessus).

292    Le requérant soutient donc, à tort, qu’il a démontré, lors de la procédure administrative, que la différence entre le prix d’une carte CB et le prix d’une carte privative reflétait la valeur d’usage du système CB.

293    Quatrièmement, le requérant fait valoir que, contrairement à ce que prétend la Commission aux considérants 400 à 403 de la décision attaquée, le Groupement a démontré, lors de la procédure administrative, que la valeur du système CB n’était nullement rémunérée par les commissions interbancaires.

294    À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué aux considérants 402 et 403 de la décision attaquée ce qui suit :

« 402. […] en usant du système ‘CB’, chaque membre contribue au fonctionnement du système – ce que le Groupement semble passer complètement sous silence – et bénéficie en même temps d’un certain nombre de prestations, qu’il rémunère par le paiement des commissions interbancaires au titre de chaque transaction : le traitement de la transaction de paiement, les mesures collectives de sécurité, la garantie de paiement et l’immobilisation des fonds versés au porteur effectuant un retrait constituent autant de prestations liées à l’usage du système ‘CB’ déjà rétribuées par les commissions interbancaires.

403.       En utilisant des notions contradictoires, en ne définissant pas ce que recouvre la notion d’usage du système, en n’indiquant aucune méthodologie pour en déterminer la valeur et en ne procédant à aucune estimation de cette valeur, le Groupement n’établit pas l’existence d’un parasitisme dont cette valeur d’usage ferait l’objet et n’établit pas que les prestations déjà rémunérées par les commissions interbancaires – qui, de ce fait, ne sauraient être parasitées – ont été dûment exclues de la ‘valeur d’usage’. »

295    Le requérant n’invoque aucun élément susceptible de démontrer que la Commission a commis une erreur en estimant, dans la décision attaquée, que le requérant n’avait pas établi ce que recouvrait la valeur d’usage du système CB et donc qu’il n’avait pas établi que les prestations déjà rémunérées par les commissions interbancaires ne rémunéraient pas déjà des prestations inclues dans cette valeur d’usage.

296    Cinquièmement, le requérant conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle elle ne connaissait pas les données permettant de conclure à une estimation de 4 milliards d’euros des investissements dont bénéficieraient aujourd’hui les nouveaux entrants. Ces données (sous forme d’un tableau de chiffres intitulé « Investissements monétiques de 1986 à 2000 : synthèse »), annexées par le requérant à la réplique, seraient à la disposition de la Commission depuis l’inspection du 20 mai 2003.

297    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 393 de la décision attaquée, la Commission a considéré que « [n]i le Groupement ni son [consultant] [n’indiquaient] réellement la valeur des investissements dans le système prétendument parasité en les distinguant clairement des coûts dont les banques qui [avaient] réalisé ces investissements (ou d’autres banques, mais non le système proprement dit) [avaient] bénéficié directement ou en premier lieu » et que « [l]e Groupement ne [précisait] pas quelles [étaient] les données utilisées (c’est-à-dire ce que recouvrent les chiffres), ni quelle [était] la méthode suivie pour parvenir [au montant de] 4 milliards d’euros ».

298    Il ressort du tableau invoqué par le requérant que le total des investissements monétiques des chefs de file de 1986 à 2000 est de 3,993 milliards d’euros et que ce montant recouvre les investissements suivants : les investissements « GIE CB », les investissements au titre de l’émission de cartes, les investissements au titre de l’installation de DAB, les investissements pour affilier les commerçants ainsi que le coût des agents informatiques. Ces différents investissements sont tous chiffrés dans ce tableau.

299    Toutefois, il convient de relever, d’une part, que la Commission a estimé, au considérant 393 de la décision attaquée, reproduit au point 297 ci-dessus, que le Groupement n’avait pas indiqué la valeur des investissements parasités en les distinguant clairement des investissements qui avaient bénéficié directement ou en premier lieu aux banques qui les avaient réalisés. Or, le tableau invoqué par le requérant ne fait pas de distinction entre les investissements qui ont bénéficié au système CB dans son ensemble et ceux qui ont bénéficié, directement ou en premier lieu, aux banques qui avaient réalisé ces investissements.

300    D’autre part, la Commission a également indiqué, au considérant 393 de la décision attaquée reproduit au point 297 ci-dessus, que le Groupement n’avait pas expliqué quelles étaient les données et la méthode utilisées pour parvenir au montant de 4 milliards d’euros. Or, le tableau invoqué par le requérant ne contient aucune explication à cet égard.

301    Dès lors, ce tableau ne permet pas de remettre en cause l’affirmation de la Commission selon laquelle elle ne connaissait ni la méthode utilisée ni les données permettant de conclure à une estimation d’un montant de 4 milliards d’euros des investissements dont bénéficieraient aujourd’hui les nouveaux entrants.

302    Sixièmement, le requérant fait valoir que la décision attaquée ne contient aucune référence à la condition, dont elle est censée vérifier l’existence, relative à la contribution des mesures en cause à l’amélioration de la production ou de la distribution des produits en cause ou à la promotion du progrès technique ou économique.

303    Cette argumentation ne saurait prospérer. En effet, la Commission a examiné, aux considérants 359 à 470 de la décision attaquée, l’existence de cette condition en analysant les arguments du requérant visant à démontrer l’existence d’un parasitisme.

304    Septièmement, la BPCE fait valoir qu’elle n’était pas dans l’impossibilité de faire une évaluation des investissements consacrés à l’interbancarité. Elle aurait en effet réalisé une étude interne afin de calculer les montants consacrés annuellement à l’interbancarité. Il résulterait de cette étude, annexée par la BPCE à son mémoire en intervention, que celle-ci a investi entre 20 et 35 millions d’euros au titre de l’interbancarité pour l’année 2007.

305    Cependant, cette étude n’est pas pertinente, parce qu’elle ne concerne que l’année 2007 alors que les estimations des investissements réalisés dans le système CB auraient dû être faites avant l’adoption des mesures en cause par le conseil de direction (les 8 et 29 novembre 2002) étant donné que les mesures en cause sont censées avoir été adoptées, notamment, pour rémunérer ces investissements.

306    Il résulte de ce qui précède que le requérant reproche à tort à la Commission d’avoir commis des erreurs concernant la valeur des investissements ou du système CB.

2.     Sur l’absence de parasitisme

307    Le requérant soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en affirmant que le fait que les membres continuent d’investir dans le Groupement atteste l’absence de symptômes de parasitisme. Une telle affirmation signifierait que le parasitisme ne peut être prouvé qu’à la condition que le propriétaire du bien affecté ait d’ores et déjà cessé tout investissement dans ce bien. En outre, selon le requérant, le fait que les membres du Groupement continuent d’investir dans le système CB n’attesterait pas qu’il n’existe pas de parasitisme.

308    À cet égard, il y a lieu de relever que, au considérant 421 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que « le fait que les membres continuent [d]’investir [dans le système CB] [attestait] l’absence de symptômes de parasitisme ». Cette affirmation visait uniquement à répondre à l’argument du Groupement selon lequel le parasitisme est source de tarissement de l’investissement. Elle ne signifie pas, contrairement à ce que soutient le requérant, que, selon la Commission, le parasitisme ne peut être prouvé que si le propriétaire du bien affecté a d’ores et déjà cessé tout investissement dans ce bien.

309    L’argument du requérant procède donc d’une lecture erronée de la décision attaquée et doit être rejeté.

3.     Sur le risque d’éclatement du système CB compte tenu de la mise en place du SEPA

310    Le requérant soutient que la Commission a commis une erreur en rejetant son argumentation avancée lors de la procédure administrative démontrant les incitations de certains des membres du Groupement à le quitter compte tenu de la mise en place du SEPA. Il fait valoir que le risque que pareille mise en place conduise à la disparition des systèmes nationaux au profit des deux grands systèmes internationaux, à savoir les systèmes Visa et MasterCard, ne pourrait être qu’aggravé en ce qui concerne le système CB si les membres qui ont le plus contribué à son fonctionnement étaient parasités par les nouveaux entrants.

311    La Commission a rejeté cette argumentation en expliquant, au considérant 425 de la décision attaquée, que, dès lors que tous les membres du Groupement sont membres des systèmes Visa ou MasterCard, dont les services sont conformes aux règles du SEPA, ils n’ont pas besoin de quitter le système CB pour offrir des services conformes au SEPA. Elle a ajouté, dans ce même considérant, que « pour autant qu’une hypothétique incapacité du Groupement à se conformer aux règles [du] SEPA dans les délais [est] la cause potentielle de retraits du Groupement, ces retraits ne seraient pas dus à un prétendu phénomène de parasitisme (au demeurant, le Groupement ne démontre ni l’existence de ce parasitisme ni que les mesures en cause soient à même de le pallier), mais à la non-conformité aux règles [du] SEPA ».

312    Le requérant n’invoquant pas d’élément susceptible de remettre en cause l’explication de la Commission, cet argument doit être rejeté.

4.     Sur l’assiette des mesures en cause

313    Le requérant soutient que la Commission a commis une erreur en estimant que l’assiette des mesures en cause, dépendant des cartes émises, était incompatible avec une rémunération des investissements. À en croire la Commission, les mesures en cause ne seraient justifiées que si leur assiette était fondée sur la valeur comptable du système CB. Or, c’est le droit, pour un opérateur, de facturer l’accès à son bien indépendamment de sa valeur comptable et en fonction de l’utilisation qui en est faite qui contribuerait à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique.

314    La Commission, au considérant 427 de la décision attaquée, a relevé ce qui suit :

« Le fait que les montants à payer au titre des mesures [en cause] augmentent en fonction du nombre de cartes émises (voir considérants 143, 146 et 150) est incompatible avec une justification fondée sur une nécessaire rémunération des investissements en l’absence de laquelle ces derniers seraient parasités. Si les mesures avaient réellement pour objet de rémunérer les investissements, les montants dus n’augmenteraient pas en fonction du nombre de cartes émises. »

315    Il y a lieu de relever qu’il découle des formules prévues pour les mesures en cause (voir points 19, 26 et 27 ci-dessus) que leur assiette est fondée sur le nombre de cartes émises alors qu’elles sont, selon le requérant, censées rémunérer les investissements passés consentis dans le système CB. Or, le requérant n’a pas avancé d’élément permettant d’établir un lien entre, d’une part, le nombre de cartes émises et, d’autre part, les investissements passés consentis dans le système CB. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que, au vu de leur assiette, les mesures en cause ne constituaient pas un mode approprié et justifié de rémunération des investissements passés consentis par les chefs de file dans le système CB. En tout état de cause, le requérant se contente à nouveau de faire valoir que le droit pour un opérateur, de facturer l’accès à son bien, indépendamment de sa valeur comptable et en fonction de l’utilisation qui en est faite, contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique. Cet argument doit donc être rejeté pour les motifs exposés au point 287 ci-dessus.

316    Partant, le premier grief doit être rejeté.

B –  Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs relatives à la nécessité d’une régulation de l’activité d’acquisition

317    Par le deuxième grief, le requérant conteste la conclusion de la Commission selon laquelle la justification des mesures en cause, notamment du MERFA, en tant que mécanisme d’équilibrage entre les activités d’acquisition et d’émission n’était pas acceptable (voir point 11.1.3 de la décision attaquée). Il invoque à cet égard trois groupes d’erreurs.

1.     Sur les erreurs relatives à la réponse de la Commission aux études économiques produites par le Groupement

318    Le requérant fait valoir, en substance, que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce que la Commission ne répond pas aux arguments contenus dans les deux études supplémentaires. La Commission se serait abstenue de toute analyse au fond de ces deux études, en ne leur consacrant pas plus de quatre considérants de la décision attaquée (voir considérants 446 à 449 de la décision attaquée). Elle aurait, en outre, dénaturé le contenu et la portée de ces deux études.

319    À cet égard, il y a lieu de constater que les considérants 446 à 449 de la décision attaquée visés par le requérant font partie du point 11.1.3 de la décision attaquée dans lequel la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle n’a pas accepté la justification des mesures en cause (notamment du MERFA) en tant que mécanisme d’équilibrage entre les fonctions d’acquisition et d’émission (remède à la « seconde source » de parasitisme). Dans la première partie de ce point, qui contient les considérants 433 à 449 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle a considéré que les conclusions des deux premières études n’étaient pas valables. Tout d’abord, elle a considéré que ces études s’appuyaient sur des données contestables (voir considérants 434 à 438 de la décision attaquée), qu’elles étaient entachées d’erreurs méthodologiques (voir considérant 439 de la décision attaquée) et que, dès lors, elles parvenaient à des conclusions également contestables (voir considérants 440 à 443 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission a affirmé que ces études ne justifiaient pas les mesures en cause (voir considérants 444 et 445 de la décision attaquée) et, enfin, aux considérants 446 à 449 de la décision attaquée, elle a indiqué que la mise en cause de la validité des conclusions de ces études demeurait pertinente après l’analyse des deux études supplémentaires produites par le Groupement. La Commission a indiqué :

« 446. Après s’être vu adresser la [seconde] communication des griefs […], le Groupement a produit deux études [supplémentaires] supposées invalider à leur tour la mise en cause par la Commission de la conclusion constatant l’existence d’externalités positives importantes générées par l’acquisition du côté de l’émission et d’une quasi-absence d’externalités positives générées par l’émission du côté de l’acquisition (conclusion des [deux premières] études […]).

447. Or, bien loin d’invalider la mise en cause par la Commission de cette conclusion […], l’une des deux études [supplémentaires] confirme qu’on ne saurait conclure que l’externalité générée par l’acquisition est plus importante que celle générée par l’émission :

‘Une autre question […] est de savoir pourquoi l’acquisition devrait être davantage encouragée que l’émission. Finalement, la question revient à estimer la valeur de l’externalité de la participation au système des commerçants vers les porteurs de cartes (combien de valeur économique est créée pour un porteur quand un nouveau commerçant s’affilie au système ?). Il est extrêmement difficile d’estimer de telles externalités, car cela demanderait un système structurel du système CB et des données très détaillées au niveau de chaque banque. Il n’y a aucune raison a priori de croire qu’une externalité est systématiquement plus grande qu’une autre : cela peut dépendre de sa maturité, de son degré de pénétration de chaque côté des marchés et des substituts disponibles.’

‘Le besoin d’encourager l’acquisition plus que l’émission n’a pas été établi […]

Comme il a été relevé de façon pertinente par [la Commission], mesurer ces externalités nécessiterait d’examiner un modèle structurel complet.

Cela impliquerait de disposer de données nombreuses et riches non encore disponibles.’

448. L’autre étude [supplémentaire], si elle contient un certain nombre de critiques à l’encontre de la contre-expertise économique de la Commission (c’est-à-dire des deux exercices économétriques additionnels mentionnés au considérant 441, testant la robustesse des résultats obtenus par [le consultant du Groupement]), reconnaît que l’étude [du consultant du Groupement] est entachée d’un certain nombre d’erreurs méthodologiques […] et notamment que le modèle économique utilisé par [le consultant du Groupement] est incomplet sur l’aspect paiement et qu’il existe des valeurs extrêmes (‘outliers’). Comme il est expliqué au considérant 437, ces valeurs auraient dû être éliminées et auraient alors conduit à des conclusions différentes de celles [du consultant du Groupement].

449. Ainsi, la conclusion de la Commission selon laquelle les études économiques ne justifient pas le MERFA dès lors qu’elles sont entachées d’erreurs méthodologiques demeure pertinente. »

320    Il y a lieu de constater que les deux études supplémentaires visaient à répondre aux critiques formulées par la Commission dans sa contre-expertise économique à l’égard des deux premières études. Par ailleurs, il ressort de la lecture des deux études supplémentaires que, si leurs auteurs font état de certains défauts entachant la contre-expertise économique de la Commission − ce que la Commission reconnaît dans la décision attaquée − ils reconnaissent également que les deux premières études sont entachées de défauts, en particulier s’agissant de l’importance des externalités. En effet, la citation reproduite par la Commission au considérant 447 de la décision attaquée et les critiques citées au considérant 448 de la décision attaquée figurent dans les deux études supplémentaires. Force est de constater également, ainsi qu’il ressort des considérants 446 à 449 de la décision attaquée, que certaines critiques formulées dans ces deux études supplémentaires à l’égard des deux premières études, rejoignaient les critiques formulées par la Commission dans sa contre-expertise économique. Dans ces circonstances, compte tenu de la jurisprudence invoquée au point 116 ci-dessus, et considérant qu’il s’agissait seulement pour la Commission d’analyser si les critiques formulées à l’encontre de sa propre critique des études antérieures étaient fondées, la Commission pouvait se limiter à relever que les auteurs des deux études supplémentaires, reconnaissaient eux aussi l’existence de défauts dans les deux premières études.

321    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le requérant ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir exposé dans la décision attaquée une analyse approfondie des deux études supplémentaires et d’avoir limité la motivation de la décision attaquée relative à ces études à l’affirmation qu’elles ne permettaient pas de remettre en cause le bien-fondé de critiques que la Commission avait formulées à l’égard des deux premières études. Par conséquent, les arguments du requérant relatifs au défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne les deux études supplémentaires qu’il a produites doivent être rejetés.

322    S’agissant de l’argument du requérant relatif à la dénaturation du contenu des deux études supplémentaires, il y a lieu de relever que cet argument est précisé dans le cadre du cinquième moyen relatif à la violation du principe de bonne administration et qu’il sera, dès lors, examiné dans le cadre de ce moyen.

2.     Sur les erreurs relatives à la fonction régulatrice du MERFA

323    Le requérant fait valoir, en substance, que la conclusion de la Commission, au considérant 450 de la décision attaquée, selon laquelle le MERFA n’avait pas de fonction régulatrice et ne saurait donc servir au renforcement du système CB ni, partant, contribuer au progrès technique ou économique au sens de l’article 81, paragraphe 3, CE est erronée.

324    Il convient de relever que la justification du MERFA avancée par le Groupement au cours de la procédure administrative reposait, en substance, sur l’affirmation selon laquelle l’acquisition produit plus d’externalités positives pour le système CB que l’émission et que, dès lors, pour renforcer le système CB, il fallait instaurer une mesure incitant les membres du Groupement au développement de l’activité d’acquisition afin d’atteindre un rapport émission/acquisition découlant de la formule de cette mesure. Ainsi, la discussion entre le requérant et la Commission lors de la procédure administrative concernant la justification de l’introduction du MERFA par sa fonction régulatrice des activités d’émission et d’acquisition se résume à la question de savoir si le maintien, au sein du système CB, d’un équilibre entre les activités d’émission et d’acquisition nécessite effectivement l’introduction du MERFA qui oblige tous les membres du Groupement à développer à la fois l’acquisition et l’émission dans une proportion imposée par la formule du MERFA sous peine de devoir acquitter les droits dans le cas où l’activité d’émission deviendrait trop importante.

325    En premier lieu, le requérant conteste les observations de la Commission, aux considérants 459 à 462 de la décision attaquée, selon lesquelles le Groupement n’aurait pas démontré que l’équilibre optimal pour l’ensemble du système imposait la convergence de chacun des membres vers un même seuil de référence.

326    Premièrement, le requérant soutient que le MERFA ne visait pas à imposer la convergence de chacun des membres du Groupement vers un même seuil de référence.

327    À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’analyse de la formule prévue pour le MERFA (voir point 19 ci-dessus) que celle-ci consiste en un rapport entre la part d’un membre du Groupement dans le total des activités d’acquisition du système CB (mesurée en nombre de SIREN et de DAB) et la part de ce membre dans le total des activités d’émission du système CB. Les droits au titre du MERFA doivent être payés à partir du moment où le rapport entre ces deux données est inférieur à 0,5. Dès lors, cette formule établit effectivement un seuil de référence qui doit être respecté, sous peine de devoir payer des droits. La formule en question oblige donc les membres du Groupement qui veulent éviter de payer ces droits, à respecter une certaine proportion préétablie entre les activités d’émission et celles d’acquisition et, par cela, leur impose une convergence vers le même seuil de référence. Partant, l’argument du requérant doit être rejeté.

328    Deuxièmement, le requérant soutient que la Commission n’a pas démontré que l’activité d’émission produirait plus d’externalités positives que l’activité d’acquisition ni que, dès lors, l’émission serait aussi importante pour le développement du système CB que l’acquisition.

329    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il découle de l’analyse de l’ensemble du deuxième moyen que la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant que le MERFA était une mesure restrictive par objet. Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence citée au point 276 ci-dessus, il incombait au requérant invoquant le bénéfice des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, CE d’apporter des preuves justifiant la restriction de concurrence résultant du MERFA. Ainsi, il lui appartenait, notamment, de démontrer que l’activité d’acquisition, privilégiée par le MERFA, était effectivement plus bénéfique pour le renforcement du système CB que l’activité d’émission. En revanche, il n’appartenait pas à la Commission de démontrer que l’activité d’émission produisait plus d’externalités positives que l’activité d’acquisition.

330    Troisièmement, le requérant soutient que les déclarations des entreprises citées par la Commission aux considérants 442 et 462 de la décision attaquée, qui, en substance, confirmeraient, selon la Commission, le fait que les externalités produites par l’activité d’émission pour le système CB sont plus importantes que celles produites par l’activité d’acquisition, sont dépourvues de crédibilité, dans la mesure où elles proviennent d’un établissement susceptible d’être redevable du MERFA, à savoir la Banque Accord, et d’un concurrent du système CB, à savoir le système Visa.

331    À cet égard, il y a lieu d’observer que la valeur probante de ces déclarations ne saurait être remise en cause en raison de la seule qualité de leurs auteurs. En effet, les acteurs du marché tels que les concurrents et les autres membres du Groupement sont une source d’information importante pour la Commission et il ne saurait être reproché à celle-ci de se tourner vers ceux-ci aux fins de recueillir leurs déclarations concernant les mesures en cause, ni de fonder ses observations sur ces déclarations lorsqu’elles sont convergentes. En outre, ainsi que le relève la Commission, la déclaration de la Banque Accord ayant été faite dans le cadre d’une demande de renseignements, cette entreprise s’exposait à une amende, qui pouvait lui être infligée en vertu de l’article 23, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1/2003, si elle fournissait des renseignements inexacts ou dénaturés. La déclaration de Visa, qui a été fournie en réponse à la publication au Journal officiel de l’Union européenne du 3 avril 2003 (JO C 80, p. 13) d’une communication sur la notification des mesures par le Groupement dans laquelle la Commission a invité les tiers concernés à lui transmettre leurs observations éventuelles sur les mesures notifiées, ne fait que confirmer la déclaration de la Banque Accord.

332    Quatrièmement, le requérant conteste l’affirmation de la Commission figurant au considérant 454 de la décision attaquée, selon laquelle le MERFA « pénalis[ait] l’absence de convergence des nouveaux entrants vers le rapport acquisition/émission prévalant dans l’ensemble du système, à savoir celui des chefs de file ». Il soutient, en substance, que cette affirmation de la Commission est erronée, parce que les chefs de file ont des rapports acquisition/émission très variables et qu’il n’existe pas de ratio type ou un ratio moyen des chefs de file. Il souligne que le MERFA a simplement vocation à s’appliquer aux membres du Groupement s’écartant très sensiblement du rapport moyen observé au sein du système CB.

333    À cet égard, il y a lieu de constater que, d’une part, les arguments du requérant, selon lesquels les chefs de file avaient des rapports acquisition/émission très variables, sans qu’il existe un ratio type ou un ratio moyen des chefs de file et que le MERFA visait uniquement les membres du Groupement s’écartant très sensiblement du rapport moyen observé au sein du système CB, ont déjà été rejetés dans le cadre de l’examen du deuxième moyen (voir point 243 ci-dessus).

334    D’autre part, le requérant n’avance aucun argument visant à contester l’observation de la Commission figurant au considérant 454 de la décision attaquée, selon laquelle rien ne garantissait que le rapport acquisition/émission découlant de la formule prévue pour le MERFA correspondait à un équilibre optimal pour l’ensemble du système CB.

335    Il s’ensuit que le requérant n’a pas établi que la Commission avait commis une erreur en constatant dans la décision attaquée que le Groupement n’avait pas démontré que l’équilibre optimal pour l’ensemble du système CB imposait la convergence de chacun des membres du Groupement vers un même seuil de référence.

336    En deuxième lieu, le requérant soutient, en substance, que la Commission a commis plusieurs erreurs manifestes dans son analyse des critères retenus par le Groupement pour le calcul du MERFA. Il estime également qu’il est inexact de prétendre, comme le fait la Commission, que le Groupement n’a pas démontré que les critères SIREN et DAB, retenus dans la formule prévue pour le MERFA, conduisaient à un optimum pour le système.

337    En ce qui concerne, premièrement, le critère SIREN, le requérant fait valoir, d’une part, que l’inclusion de ce critère dans la formule prévue pour le MERFA n’a ni pour effet ni pour objet de pénaliser les nouveaux entrants. Or, il y a lieu de rappeler que cet argument a déjà été soulevé dans le cadre du deuxième moyen relatif à l’analyse de l’objet des mesures en cause et qu’il ressort des points 188 à 193 ci-dessus que la constatation de la Commission selon laquelle le choix du critère SIREN pénalisait les nouveaux entrants n’est pas erronée.

338    D’autre part, le requérant soutient que la Commission n’a répondu, ni dans sa contre-expertise économique ni dans la décision attaquée, à l’une des deux premières études (celle d’octobre 2004) qui expliquerait en détail les raisons pour lesquelles, d’une part, le critère SIREN permettait de mesurer, mieux que le critère SIRET, l’activité d’acquisition et, d’autre part, la prise en compte du SIREN diminuerait fortement les incitations à développer l’acquisition.

339    À cet égard, il y a lieu de relever que le requérant renvoie en particulier aux observations contenues dans cette étude selon lesquelles [confidentiel].

340    Il y a lieu de relever, d’une part, que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas de cette étude les raisons pour lesquelles le critère SIREN permettait de mesurer, mieux que le SIRET, l’activité d’acquisition. D’autre part, il en ressort, certes, que l’auteur de cette étude a observé que [confidentiel]. Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, cette observation revient, en substance, à constater que, si le critère SIRET était utilisé pour le calcul du MERFA, [confidentiel]. Or, c’est précisément ce que la Commission a relevé aux considérants 455 à 457 de la décision attaquée, dans lesquels elle a constaté que le Groupement n’avait pas expliqué dans quelle mesure ce critère serait le plus approprié pour mesurer l’activité d’acquisition et que l’étude d’octobre 2004 précisait que la solution d’un mécanisme assis sur le nombre et la valeur des transactions avait été écartée, parce qu’elle conduirait à accentuer la concurrence sur les commerçants. La Commission a, à bon droit, relevé, au considérant 457 de la décision attaquée, que l’auteur de l’étude d’octobre 2004 n’expliquait pas les raisons pour lesquelles il convenait d’éviter l’accentuation de la concurrence sur les commerçants. Elle a observé également, à juste titre, que le requérant, tout en soutenant que le choix du critère SIRET visait à inciter les nouveaux entrants à acquérir des commerçants échappant encore au système CB, n’avait pas expliqué comment les nouveaux entrants ciblés par les mesures pourraient réussir à développer l’acquisition dans les secteurs où les chefs de file n’avaient pas réussi à le faire. En outre, les observations de la Commission figurant aux considérants 455 à 457 de la décision attaquée rejoignent celles figurant aux considérants 285 à 290 de la décision attaquée, dans lesquels elle a expliqué en détail que le choix du critère SIREN plutôt que celui du critère SIRET (ou du nombre de transactions de paiement) était principalement motivé par la volonté de pénaliser les nouveaux entrants, tout en protégeant les intérêts des chefs de file. Il y a lieu de constater que les observations de la Commission figurant aux considérants 455 à 457 de la décision attaquée, qui constituent une réponse aux arguments présentés dans l’étude d’octobre 2004, ne sont pas entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

341    En ce qui concerne, deuxièmement, le critère DAB, le requérant soutient que, selon la déclaration d’un des nouveaux entrants (Cofidis), l’incitation faite aux nouveaux entrants d’installer les DAB était de nature à affecter la rentabilité de ceux déjà installés par les chefs de file.

342    À cet égard, il y a lieu de relever que la déclaration en question s’inscrit parmi plusieurs déclarations faites par différents établissements qui concordent sur le fait que le parc de DAB en France était déjà très développé (voir points 175 à 180 ci-dessus) et que, dès lors, le développement de l’acquisition retrait n’était plus rentable. Cette déclaration, même isolée de son contexte, ne remet donc pas en cause les observations de la Commission exposées aux considérants 455 à 457 de la décision attaquée, selon lesquels le critère DAB choisi pour la formule prévue pour le MERFA n’était pas approprié pour mesurer l’activité d’acquisition retrait des membres du Groupement.

343    Le requérant soutient également que l’absence de prise en compte du critère DAB a pénalisé certains nouveaux entrants.

344    Il y a lieu de constater que le requérant ne cite à cet égard qu’un seul exemple de banque, celui de la banque S2P. Le requérant indique que, selon la déclaration de cette banque, reproduite au considérant 320, sous c), de la décision attaquée, cette banque aurait pu, grâce à son parc de DAB, émettre jusqu’à 500 000 cartes sans être redevable du MERFA, alors qu’elle n’était en mesure d’émettre que 150 000 cartes. Cela démontrerait que l’inclusion du critère DAB dans la formule prévue pour le MERFA n’avait pas pour effet, même potentiel, de pénaliser les nouveaux entrants.

345    À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la déclaration de la banque S2P, reproduite au considérant 320 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Compte tenu des nouveaux frais MERFA, nous avons effectivement été tenus de revoir notre plan d’émission de cartes CB, voire notre stratégie globale sur ce secteur d’activité.

À l’origine, notre vision était de convertir massivement notre parc de cartes privatives (3 millions de porteurs) en cartes bancaires, suivant en cela les pratiques d’ores et déjà mises en œuvre dans les pays anglo-saxons : […] Sur ces bases et comme indiqué dans notre précédent dossier, nous ambitionnions 1 000 000 de clients à la fin de 2004.

Sur les bases actuelles du MERFA et compte tenu de notre parc de DAB, nous serions éligibles à cette taxe à partir de 450 000 à 500 000 cartes.

Nous avons donc revu notre Plan Marketing et Communication de manière à rester dans les 2 à 3 prochaines années sous ce seuil […]

À la date d’aujourd’hui, nous confirmons avoir réorienté en France notre stratégie et privilégié au sein de la clientèle du groupe Carrefour la promotion d’un programme de fidélité auquel 4,4 millions de nouveaux clients ont adhéré depuis avril 2004, versus un développement de notre programme d’émission de cartes bancaires de 150 000 porteurs. »

346    Il y a lieu de constater que l’argument du requérant repose sur une lecture erronée de cette déclaration. En effet, il ne ressort pas de cette dernière que la banque S2P était en mesure d’émettre seulement 150 000 cartes, alors que, grâce à son parc de DAB elle aurait pu en émettre jusqu’à 500 000 sans payer le MERFA, et que donc l’inclusion de ce critère dans la formule du MERFA n’aurait aucun effet négatif pour cette banque. Au contraire, la banque S2P affirme que l’introduction du MERFA l’a conduite à revoir de façon substantielle à la baisse ses plans d’émission des cartes et que, afin d’éviter de payer le MERFA, elle avait décidé de rester sous le seuil de 500 000 cartes. Le requérant ne saurait donc s’appuyer sur cette déclaration pour étayer son argument selon lequel l’absence de prise en compte du critère DAB a pénalisé certains nouveaux entrants.

347    En ce qui concerne, troisièmement, la pondération des critères SIREN et DAB, le requérant conteste la constatation de la Commission, figurant au considérant 458 de la décision attaquée, selon laquelle il n’a pas expliqué davantage les raisons pour lesquelles il serait optimal pour le système CB de donner la même pondération aux critères DAB et SIREN dans la formule prévue pour le MERFA. Il soutient qu’une des deux premières études (celle de mars 2003) consacrerait des développements à cette question, auxquels la Commission n’a pas répondu.

348    Il y a lieu de constater que les développements, contenus dans cette étude, auxquels le requérant renvoie, se limitent à une note en bas de page, à savoir la note en bas de page n° 33 de cette étude, selon laquelle [confidentiel].

349    Il y a lieu de relever que, si la note en bas de page en cause contient une explication quant à la pondération donnée aux critères DAB et SIREN dans la formule prévue pour le MERFA, cette explication est très succincte et, vu l’ampleur de l’étude qui compte près de 50 pages, elle a un caractère marginal. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a constaté que le requérant « n’expliqu[ait] pas davantage » les raisons pour lesquelles il serait optimal pour le système CB de donner la même pondération aux critères DAB et SIREN dans la formule prévue pour le MERFA.

350    Il s’ensuit que les arguments du requérant selon lesquels la Commission a commis des erreurs manifestes en analysant les critères retenus pour le calcul du MERFA et en considérant que le Groupement n’avait pas démontré que ces critères conduisaient à un optimum pour le système CB doivent être rejetés.

351    En troisième lieu, le requérant soutient que la Commission a commis des erreurs en considérant que le MERFA n’incitait pas les établissements essentiellement émetteurs à exercer davantage d’activités d’acquisition dans les secteurs et zones définis par le Groupement comme étant dans l’intérêt du système.

352    S’agissant, premièrement, de l’argument du requérant selon lequel, en substance, il est contradictoire de soutenir, comme le fait la Commission aux considérants 205 et 491 de la décision attaquée, d’une part, que le développement de l’acquisition par un nouvel entrant est extrêmement difficile en raison de la concentration du prétendu « marché d’acquisition » en France et, d’autre part, que ce segment du marché est peu concentré, ou encore que « la concurrence est vive sur le marché français d’acquisition », il y a lieu de rappeler qu’il a déjà été rejeté dans le cadre de l’analyse du deuxième moyen (voir points 165 à 168 ci-dessus).

353    S’agissant, deuxièmement, de l’argument du requérant selon lequel l’affirmation de la Commission relative à la difficulté de développer l’acquisition est incompatible avec la définition du marché retenue par la Commission dans la décision attaquée, il y a lieu de rappeler qu’il a déjà été rejeté dans le cadre de l’analyse de la troisième branche du premier moyen (voir points 110 à 119 ci-dessus).

354    S’agissant, troisièmement, de l’argument du requérant contestant l’observation de la Commission selon laquelle le Groupement n’a pas expliqué dans quelle mesure le MERFA ciblerait le développement de l’acceptation vers les secteurs où la carte CB est encore mal acceptée, il s’appuie sur le fait que, selon l’étude économique de mars 2003, lorsque le MERFA a été adopté, moins de [confidentiel] % des SIREN étaient affiliés au système CB. Il en découlait, selon le requérant, que le potentiel de SIREN à affilier était très important et que les banques, incitées à accroître leur activité d’acquisition, auraient naturellement fait porter leurs efforts sur ces commerçants plutôt que sur ceux déjà affiliés.

355    Or, il convient de relever que le requérant se borne à alléguer que les banques potentiellement redevables du MERFA auraient « naturellement fait porter leurs efforts » sur les commerçants non affiliés au système, sans étayer cette conclusion. Le requérant ne présente aucun élément visant à démontrer que les commerçants représentant les [confidentiel] % de SIREN non affiliés au système CB seraient effectivement intéressés à devenir membres de ce système, ni que les banques potentiellement redevables du MERFA seraient intéressées à acquérir ces commerçants. De plus, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du deuxième moyen, relatif à l’analyse de l’objet des mesures en cause, il a été conclu que le développement d’acquisition était effectivement difficile, principalement en raison de la nécessité de disposer d’un réseau bancaire de proximité (voir point 172 ci-dessus). Partant, l’argument du requérant doit être rejeté.

356    Il s’ensuit que le requérant soutient à tort que la Commission a commis une erreur en considérant que le MERFA n’incitait pas les établissements essentiellement émetteurs à exercer davantage d’activités d’acquisition dans les secteurs et zones définis par le Groupement comme étant dans l’intérêt du système CB.

357    En quatrième lieu, le requérant fait valoir que la Commission a commis une erreur en affirmant que les sommes versées au titre du MERFA n’étaient pas affectées à des fins satisfaisant la première condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, c’est-à-dire la contribution au progrès technique et économique.

358    S’agissant de l’argument par lequel le requérant soutient, en substance, que le produit du MERFA serait bien affecté au renforcement du système CB, dans la mesure où il reviendrait aux membres ayant réalisé ou réalisant un effort d’acquisition et encouragerait ainsi le développement de cette activité, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le requérant ne conteste pas le fait que les sommes versées au titre du MERFA n’étaient pas consacrées à des fins de maintien et de développement du système CB, mais devaient être redistribuées entre les membres du Groupement qui n’y étaient pas soumis (principalement les chefs de file), au prorata de leur indice global de contribution à l’acquisition, et qui pouvaient les utiliser librement.

359    Ensuite, il y a lieu de rappeler également que les chefs de file n’auraient pas eu à acquitter le MERFA, si ce dernier avait été mis en œuvre, mais ils en auraient été les principaux bénéficiaires (voir points 130 et 186 à 192 ci-dessus).

360    Enfin, il y a lieu de préciser, que contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission, dans la décision attaquée, n’a pas critiqué le fait que le produit du MERFA était reversé aux membres les plus actifs en matière d’acquisition, mais le fait que les sommes versées au titre du MERFA n’étaient pas affectées à des dépenses dans l’intérêt du système. Or, en l’absence d’une quelconque obligation d’affecter le produit du MERFA au développement du système CB, le MERFA équivaut à une taxe que les membres davantage émetteurs doivent acquitter en faveur des membres davantage acquéreurs, sans aucune garantie que le produit de cette taxe sera effectivement affecté au renforcement du système CB et donc à la contribution au progrès technique et économique. Partant, l’argument du requérant doit être rejeté.

361    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel un « émetteur pur » pourrait toujours choisir de diminuer son activité d’émission, plutôt que de développer l’acquisition ou de payer le MERFA, et que ainsi, par son abstention, il contribuerait à ne pas déséquilibrer le système CB, dans l’intérêt de ce dernier, il ne saurait prospérer. En effet, cet argument revient à dire qu’une restriction de concurrence pourrait être justifiée par le fait même qu’elle produit ses effets. En outre, comme le souligne à juste titre la Commission, les mesures en cause conduisaient effectivement à ce que les nouveaux entrants, pour éviter de payer le MERFA, réduisent leurs plans d’émission de cartes. Or, même à supposer que l’émission produise moins d’externalités positives que l’acquisition, le développement du système CB nécessite non seulement le développement de l’activité d’acquisition, mais également celui de l’activité d’émission. Ainsi, l’effet inhibiteur que le MERFA était susceptible de produire sur l’activité d’émission pouvait avoir aussi des conséquences négatives pour l’activité d’acquisition et, partant, pour le système CB en tant que tel.

362    Il y a lieu de conclure que le requérant n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur en constatant dans la décision attaquée que les sommes versées au titre du MERFA n’étaient pas affectées à des fins satisfaisant à la première condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

3.     Sur les erreurs relatives à la contradiction entre la fonction régulatrice du MERFA et la fonction des commissions interbancaires

363    Le requérant fait valoir, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une erreur en ce que la Commission a considéré que le MERFA n’était pas justifié sur le fondement de l’article 81, paragraphe 3, CE étant donné que sa fonction régulatrice était en contradiction avec la fonction des commissions interbancaires CIP et CSC et avec certaines autres mesures en cause.

364    Au considérant 468 de la décision attaquée, la Commission s’est limitée à renvoyer à ses observations relatives à la contradiction entre, d’une part, le MERFA et, d’autre part, les commissions interbancaires et les autres mesures en cause exposées dans la partie de la décision consacrée à l’analyse de l’objet anticoncurrentiel des mesures. Dans leurs écritures, le requérant et la Commission renvoient également aux arguments qu’ils avancent à cet égard dans le cadre du deuxième moyen.

365    Il y a lieu de rappeler que les arguments du requérant ont déjà été rejetés dans le cadre de l’analyse du deuxième moyen (voir points 206 à 215 ci-dessus).

366    Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

C –  Sur le troisième grief, tiré d’erreurs relatives à l’absence de parasitisme

367    Le requérant soutient en substance que la conclusion de la Commission, figurant au considérant 470 de la décision attaquée, selon laquelle il n’existe pas de parasitisme du système CB, est fondée sur plusieurs considérations erronées.

368    Le requérant soutient, d’une part, que, en affirmant que tous les membres du système CB, y compris les nouveaux entrants, versent au titre de chaque utilisation du système CB une contrepartie sous la forme des commissions interbancaires CIP et CIR, la Commission a dénaturé ces commissions pour démontrer qu’elles éliminaient tout risque de parasitisme. Il renvoie, à cet égard, à ses observations précédentes dans lesquelles il avait rappelé que les commissions interbancaires en vigueur dans le système CB rémunéraient les services que les banques se rendaient entre elles.

369    Au considérant 48 de la décision attaquée, la Commission a constaté que « chaque opération de paiement [donnait] lieu au versement de la CIP et que chaque opération de retrait [donnait] lieu au paiement de la CIR ». Le requérant ne soutient pas que la présentation de la CIP et de la CIR faite au considérant 48 de la décision attaquée est erronée. Or, au vu de cette présentation, la Commission n’a pas dénaturé la CIP et la CIR en affirmant que tous les membres versaient, au titre de chaque utilisation du système, une contrepartie sous la forme des commissions interbancaires CIP ou CIR. En outre, la Commission n’a pas affirmé que la CIP et la CIR éliminaient tout risque de parasitisme. Partant, l’argument du requérant doit être rejeté.

370    D’autre part, le requérant soutient que la Commission a commis une erreur en affirmant que la CSR, une composante de la CIR, et la CIP remplissaient déjà une fonction de régulation d’une insuffisante contribution de certains membres aux fonctions d’acquisition et d’émission. Il ajoute n’avoir jamais présenté les commissions interbancaires comme remplissant une fonction de régulation des externalités.

371     À cet égard, il y a lieu de renvoyer aux points 209 et 210 ci-dessus, desquels il ressort que, dans la notification de la CIR du 11 décembre 1995, citée dans la décision attaquée, le Groupement avait présenté la CIP et la CIR comme des mécanismes de régulation des fonctions d’émission et d’acquisition. Le requérant affirme donc à tort qu’il n’a jamais présenté la CIP et la CIR comme des mécanismes de régulation des activités d’émission et d’acquisition. Partant, l’argument du requérant doit être rejeté.

372    Partant, le troisième grief doit être rejeté.

D –  Sur le quatrième grief, tiré d’erreurs s’agissant des effets économiques négatifs des mesures en cause

373    Par le présent grief, le requérant soutient en substance que la Commission a commis des erreurs en considérant que les mesures en cause avaient des effets économiques négatifs, en prenant en compte, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, des éléments déjà avancés pour prouver que ces mesures avaient un objet et des effets anticoncurrentiels (tels que la limitation de l’offre de cartes CB, les effets négatifs sur les prix des cartes et une moindre offre de cartes dotées de nouvelles fonctionnalités), ce qui priverait cette disposition de toute portée et constituerait une erreur de droit.

374    Il convient de relever que le rappel par la Commission aux considérants 473 à 476 de la décision attaquée, du fait que les mesures en cause ont des effets économiques négatifs, intervient après l’indication selon laquelle le Groupement n’avait pas apporté la preuve que les mesures en cause contribuaient au progrès technique et économique.

375    Partant, le quatrième grief doit être rejeté.

376    Il s’ensuit que la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

377    Il y a lieu de rappeler que les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE sont cumulatives, de telle sorte qu’il suffit que l’une des quatre conditions fasse défaut pour rendre cette disposition inapplicable (voir, en ce sens, arrêt Matra Hachette/Commission, point 278 supra, point 104). La première branche du quatrième moyen, relative à la première condition de l’application de cette disposition étant rejetée, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments du requérant relatifs aux autres conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

VI –  Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

378    Le requérant, soutenu par les intervenantes, fait valoir que, en vertu du principe de bonne administration consacré par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union. Il soutient en substance, d’une part, que la Commission a manifestement fait preuve de partialité dans la décision attaquée et, d’autre part, que la Commission n’a pas instruit le dossier avec le soin et le sérieux requis par le principe de bonne administration. Par ailleurs, BNP Paribas soutient que la violation du principe de bonne administration est illustrée en l’espèce par le fait que la Commission a agi, dans l’affaire COMP/D1/38606 – Groupement des cartes bancaires « CB », avec une vigueur et une suspicion exagérées.

379    Le présent moyen se divise en deux branches, tirées de ce que la Commission a manifestement fait preuve de partialité dans la décision attaquée et de ce qu’elle n’a pas instruit le dossier avec le soin et le sérieux requis par le principe de bonne administration.

380    Avant d’examiner les différentes branches de ce moyen, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, comme dans le domaine de l’article 81 CE pour ce qui est des appréciations d’ordre économique, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, le principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et du Tribunal du 11 juillet 1996, Métropole télévision e.a./Commission, T‑528/93, T‑542/93, T‑543/93 et T‑546/93, Rec. p. II‑649, point 93).

A –  Sur la première branche, tirée de la partialité manifeste de la Commission

381    La présente branche se divise en trois griefs.

382    Par le premier grief, le requérant reproche à la Commission, en substance, l’absence de mention dans la décision attaquée de certains éléments favorables à sa position et l’absence de réponse à certains arguments qu’il a avancés au cours de la procédure administrative.

383    Le requérant soutient, premièrement, que la Commission a passé sous silence des déclarations de certaines banques qui indiquent clairement que les mesures en cause n’ont pas eu les effets prétendus dans la décision attaquée. Selon lui, la Commission s’est bornée à relever, au considérant 329 de la décision attaquée, que la plupart des banques interrogées avaient fait état d’un impact négatif des mesures en cause en matière d’émission.

384    Il est vrai que, au considérant 329 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que « [l]a plupart des banques interrogées [avaient] fait état d’un impact négatif des mesures en matière d’émission », renvoyant à cet égard aux réponses de « notamment Banque Accord, GE Money Bank, Cofidis, Casino, Egg, Capital One, Axa Banque et S2P ». Toutefois, contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission n’a pas « passé sous silence » les réponses indiquant que les mesures en cause n’avaient pas cet impact négatif. En effet, au considérant 322 de la décision attaquée, la Commission a renvoyé aux arguments présentés par le Groupement dans sa réponse à la seconde communication des griefs, notamment à l’argument selon lequel « les déclarations allant à l’encontre de la thèse de la Commission seraient majoritaires », plusieurs banques ayant déclaré que « le MERFA n’avait eu aucune incidence sur le nombre de cartes bancaires qu’elles [avaient] émises ». La Commission répond de manière détaillée à ces arguments aux considérants 323 à 330 de la décision attaquée s’agissant de l’effet de réduction des plans d’émission. Elle a fait de même s’agissant des effets des mesures en cause sur les prix des cartes : après avoir exposé son analyse aux considérants 331 à 339 de la décision attaquée, la Commission a répondu aux arguments avancés par le Groupement aux considérants 342 et 343 de la décision attaquée.

385    Le requérant soutient, deuxièmement, que la Commission n’a pas répondu aux arguments qu’il a avancés lors de la procédure administrative relatifs à la sélection arbitraire des banques destinataires des demandes de renseignements et à l’exploitation tendancieuse des demandes de renseignements de Egg et de GE Money Bank que la Commission aurait incité à modifier leur réponses en les invitant à reconsidérer la confidentialité des informations envoyées.

386    S’agissant de l’argument du Groupement relatif à la sélection arbitraire des banques destinataires des demandes de renseignements et à l’exploitation tendancieuse de certaines réponses, qui figure déjà au considérant 340, sous d), de la décision attaquée, la Commission y a répondu au considérant 342, sous d), de la décision attaquée. Elle a indiqué, en substance, que le Groupement n’apportait aucun élément de preuve à l’appui de ces allégations. Elle a également répondu aux allégations du requérant selon lesquelles elle aurait incité Egg et GE Money Bank à modifier leurs réponses en les invitant à reconsidérer la confidentialité des informations envoyées. Elle a indiqué que le Groupement a eu accès à son dossier, qu’elle a répondu par lettres à toutes les demandes de précisions du Groupement concernant les versions non confidentielles des réponses en cause et que, à la suite de ces lettres, lorsque le Groupement a reçu les versions non confidentielles, il n’a formulé aucune nouvelle remarque ni fait état de difficultés concernant le contenu de certains éléments de réponse. Ces éléments constituent une réponse suffisante aux arguments qui avaient été présentés par le Groupement en réponse à la seconde communication des griefs, en particulier au vu de la jurisprudence relative à l’obligation de motivation rappelée au point 116 ci-dessus, et ne révèlent aucun manquement de la Commission à son obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

387    En outre, il peut être relevé que, contrairement à ce que le requérant fait valoir, il ne ressort nullement des pièces qu’il a produites que la Commission a incité GE Money Bank et Egg à modifier leurs réponses. Il ressort des courriers électroniques annexés à la requête que la Commission s’est adressée à GE Money Bank et à Egg pour leur demander de « reconsidérer la confidentialité des informations [reproduites dans le courrier électronique] envoyées » dans les réponses à la demande de renseignements du 27 octobre 2003 « ainsi que d’éventuelles modifications/remplacements/suppressions avec lesquels vous accepteriez la non-confidentialité de ces passages ». La Commission a ainsi seulement attiré l’attention des banques en cause sur le fait que certains passages de leurs réponses, qu’elles n’avaient pas considérés comme étant confidentiels, pourraient néanmoins l’être ou contenir certaines informations confidentielles. Le fait que les passages reproduits dans les courriers électroniques se retrouvent dans les versions non confidentielles finales des réponses en cause, telles qu’elles ont été transmises au Groupement, montre que les banques concernées ont maintenu leur position selon laquelle les passages en cause ne contenaient pas d’informations confidentielles.

388    S’agissant, troisièmement, de l’argument du requérant selon lequel la Commission a effectué des comparaisons parcellaires et inexactes entre le système CB et les autres systèmes européens, il y a lieu de constater que le seul élément factuel invoqué au soutien de cet argument est le fait que la Commission a effectué, au considérant 443 de la décision attaquée, une comparaison avec la situation au Royaume-Uni sans identifier le système qu’elle prenait en considération et la situation qui devrait prévaloir au sein du système CB. Le requérant n’indique cependant pas dans quelle mesure cela pourrait démontrer un manque d’impartialité de la Commission. Dès lors, cet argument doit être rejeté.

389    Partant, le premier grief doit être rejeté.

390    Par le deuxième grief, le requérant soutient, tout d’abord, que la Commission n’a pas pris en compte les deux études supplémentaires présentées par le Groupement en réponse à la seconde communication des griefs (voir point 318 ci-dessus).

391    À cet égard, il y a lieu de rappeler, qu’il découle de l’analyse du quatrième moyen que la Commission a pris en compte ces études et y a répondu de façon suffisante.

392    Ensuite, le requérant soutient que la Commission a déformé les propos de l’auteur d’une des deux études supplémentaires, en ayant indiqué, au considérant 447 de la décision attaquée, que son étude « confirm[ait] qu’on ne saurait conclure que l’externalité générée par l’acquisition [était] plus importante que celle générée par l’émission », alors que l’auteur en cause aurait exprimé une opinion contraire.

393    À cet égard, il y a lieu de constater que, dans cette étude, annexée à la requête, l’auteur indique, s’agissant des externalités, seulement ce que la Commission a relevé au considérant 447 de la décision attaquée, cité au point 319 ci-dessus.

394    Force est de constater que la Commission n’a pas déformé les propos en cause, reproduits in extenso dans la décision attaquée, en affirmant que l’auteur d’une des deux études supplémentaires confirmait qu’il ne saurait être conclu à l’existence d’externalités plus importantes en ce qui concerne l’acquisition.

395    Enfin, le requérant fait valoir que la présentation, au considérant 447 de la décision attaquée, de l’exposé effectué au cours de l’audition du 13 novembre 2006, est trompeuse. Cet exposé est annexé à la requête.

396    Force est de constater, à la lecture de cet exposé, que l’affirmation aux termes de laquelle « le besoin d’encourager l’acquisition plus que l’émission n’a pas été établi », a été présentée par la Commission au considérant 447 de la décision attaquée comme étant une affirmation de l’auteur d’une des deux études supplémentaires. Or, cette affirmation figure dans la présentation des arguments des économistes de la Commission auxquels cet auteur répondait dans son exposé. C’est donc de manière erronée que la Commission a attribué cette affirmation à l’auteur d’une des deux études supplémentaires. Il résulte de l’exposé en cause que la position de son auteur à l’égard de l’affirmation précitée est en réalité que, « quand bien même [cette affirmation] serait exacte, elle serait dénuée de pertinence ».

397    Cette erreur est toutefois insuffisante pour constater un manque d’impartialité de la Commission ou une violation du principe de bonne administration. En effet, l’affirmation en cause a été reprise par la Commission au considérant 447 de la décision attaquée, afin d’illustrer le fait que l’auteur d’une des deux études supplémentaires « confirm[ait] qu’[il] ne saurait [être conclu] que l’externalité générée par l’acquisition [était] plus importante que celle générée par l’émission » (voir point 319 ci-dessus). Or, l’auteur en cause indique également dans cette étude que les externalités sont très difficiles à estimer d’un point de vue empirique, considérant l’absence d’études sur ce point, et que pour mesurer ces externalités il conviendrait de disposer d’un modèle structurel complet, comme indiqué par les économistes de la Commission, ce qui impliquerait de disposer de données nombreuses et riches non encore disponibles. Ces affirmations, qui sont indiscutablement celles de l’auteur d’une des deux études supplémentaires, sont également reproduites au considérant 447 de la décision attaquée et vont bien dans le sens indiqué par la Commission. L’erreur commise par la Commission peut donc être considérée comme une simple erreur matérielle, sans conséquence sur la validité de la décision attaquée, d’autant plus que l’analyse économique des mesures en cause repose sur de bien plus amples développements que ceux contestés par le requérant dans la présente partie de son recours.

398    Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

399    Par le troisième grief, le requérant reproche à la Commission d’avoir dénaturé certains de ses arguments présentés au cours de la procédure administrative en indiquant deux exemples de dénaturation.

400    Le premier exemple de dénaturation invoqué par le requérant vise le considérant 250 de la décision attaquée dans lequel la Commission a affirmé que l’argument du Groupement consistait à faire valoir que « l’objet réel des mesures en cause serait non pas de pénaliser les nouveaux entrants, mais de lutter contre le parasitisme, et [selon lequel,] en ne prenant pas en compte un tel objectif de lutte contre le parasitisme au titre du paragraphe 1 de l’article 81 CE, mais au seul titre de son paragraphe 3, la Commission se serait déchargée de la charge qui lui incomberait de ‘prouve[r] l’inexistence’ du parasitisme ». Or, selon le requérant, son argument est tout autre. Il aurait expliqué dans la réponse à la seconde communication des griefs que, en se contentant d’affirmer que le parasitisme n’existait pas, et en se dispensant de prouver que la lutte contre le parasitisme, qui motivait l’adoption des mesures en cause, était contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE, la Commission n’avait pas établi l’objet anticoncurrentiel de ces mesures.

401    Force est de constater, à la lecture du considérant 250 de la décision attaquée, et de la réponse du Groupement à la seconde communication des griefs, qu’il ne peut pas être reproché à la Commission d’avoir « dénaturé » l’argument du Groupement. En affirmant, au considérant 250 de la décision attaquée, avoir démontré, lors de l’analyse effectuée dans les considérants précédents, que l’objet réel des mesures en cause était de restreindre la concurrence et que la question du parasitisme relevait du paragraphe 3, et non du paragraphe 1, de l’article 81 CE, la Commission a répondu à l’argument du Groupement selon lequel elle devait établir que la lutte contre le parasitisme était contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE. En effet, dans la mesure où la Commission a considéré que cette question relevait du paragraphe 3 de l’article 81 CE, elle n’avait pas à analyser cet argument du Groupement plus avant.

402    Le second exemple de dénaturation invoqué par le requérant concerne l’absence de prise en compte de l’imminence de l’émergence du SEPA. Le requérant renvoie à cet égard au considérant 188 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a observé que le marché géographique s’étendait sur le territoire de la France et que le Groupement partageait cette conclusion. Le requérant fait toutefois valoir que, au cours de la procédure administrative, il a expliqué que, notamment au vu de l’imminence du SEPA, lequel constituait un élément nouveau, il convenait de considérer qu’il existait un marché des systèmes de paiement de dimension européenne.

403    À cet égard, il convient de relever que l’existence d’un marché des systèmes de paiement de dimension européenne n’exclut pas que le marché de l’émission de cartes de paiement soit de dimension nationale. En outre, le Groupement a lui-même indiqué au paragraphe 59 de la notification que « [l]e ‘marché géographique en cause’ [était] principalement le territoire français dans la mesure où la très grande majorité des opérations ‘CB’ [était] réalisée sur ce territoire, même si certains établissements ‘CB’ [affiliaient] des commerçants [en dehors] du territoire français et [émettaient] des cartes ‘CB’ à des porteurs résidant [en dehors] de [ce territoire] ». Enfin, les arguments du Groupement relatifs à l’émergence du SEPA sont exposés et analysés dans la décision attaquée (voir considérants 424, 425, 431 et 432 de la décision attaquée).

404    Partant, le troisième grief doit être rejeté.

405    Il s’ensuit que la première branche du cinquième moyen doit être rejetée.

B –  Sur la seconde branche, tirée de l’absence d’instruction du dossier avec le soin et le sérieux requis par le principe de bonne administration

406    La présente branche se divise en deux griefs.

407    Par le premier grief, le requérant soutient que la décision attaquée contient des erreurs factuelles et des citations inexactes ou tronquées des pièces du dossier qui révèlent l’absence d’instruction de ce dernier avec le soin et le sérieux requis par le principe de bonne administration.

408    Tout d’abord, il convient de relever que le fait que, au considérant 344 de la décision attaquée, la Commission a indiqué une date erronée s’agissant de l’adoption de la décision de suspendre les mesures en cause constitue une simple erreur de plume, la date exacte de l’adoption de cette décision étant correctement indiquée dans d’autres considérants de la décision attaquée.

409    Ensuite, le requérant reproche à la Commission d’avoir présenté de façon inexacte et trompeuse les pouvoirs du conseil de direction. D’une part, elle aurait indiqué que le conseil de direction pouvait autoriser l’émission des cartes CB par tout membre du Groupement, alors que l’autorisation ne porterait en réalité que sur le visuel des cartes CB.

410    À cet égard, il suffit de constater, que, pour affirmer que le conseil de direction peut autoriser l’émission des cartes, la Commission a relevé, dans la note en bas de page n° 43 de la décision attaquée, que conformément à l’article 10.4 du contrat constitutif du Groupement « [l]’émission de toute carte CB [était] soumise à l’agrément préalable du conseil de direction aux fins de vérification de sa conformité aux règles CB ». Cet article, annexé par le requérant à la requête, prévoit que « [l]’émission de toute carte CB est soumise à l’agrément préalable du conseil de direction aux fins de vérification de sa conformité aux règles CB, notamment en ce qui concerne son visuel et son appellation ou toute modification de ces éléments ». Dès lors, dans sa présentation de l’étendue des pouvoirs du conseil de direction définis par l’article en question, la Commission a seulement omis ce qui était présenté comme un exemple de domaine couvert par l’autorisation du conseil de direction. Étant donné qu’il s’agissait d’un élément clairement secondaire pour l’analyse des mesures en cause effectuée par la Commission dans la décision attaquée, cette omission ne saurait être considérée comme révélatrice d’un manque de soin ou de sérieux de la part de la Commission dans l’instruction du dossier.

411    D’autre part, le requérant soutient que la Commission a omis de mentionner, dans la décision attaquée, la responsabilité financière qui était attachée au statut de chef de file.

412    À cet égard, il suffit de constater qu’il s’agit d’un fait manifestement dénué de pertinence pour l’analyse des mesures en cause au regard de l’article 81 CE. Partant, son omission dans la décision attaquée ne saurait être considérée comme révélatrice d’un manque de soin ou de sérieux de la part de la Commission dans l’instruction du dossier.

413    Enfin, le requérant soutient que, au considérant 56 et dans la note en bas de page n° 73 de la décision attaquée, la Commission a présenté une citation tronquée de la notification de la CIR et a ainsi déformé le mécanisme de cette commission. Le requérant précise que, dans cette notification, il a indiqué que la CSC, qui constituait une des composantes de la CIR, assurait la fonction de régulation de la CIR elle-même, et non une fonction de régulation du système CB ou des activités d’émission ou d’acquisition.

414    Il est vrai que le Groupement a expliqué dans la notification du 11 décembre 1995 relative à la CIR (qui avait été annexée à la réponse du Groupement du 7 novembre 2003 à la demande de renseignements de la Commission du 24 octobre 2003) que la CSC exerçait une fonction de régulation de la CIR. Cependant, les passages reproduits par la Commission, au considérant 56 et dans la note en bas de page n° 73 de la décision attaquée, figurent également dans la notification du 11 décembre 1995 relative à la CIR. De plus, le Groupement a également fait valoir, dans cette notification, que « la CSC [de manière symétrique à la CSR était] due par les établissements n’émettant aucune carte ou dont les porteurs [effectuaient] beaucoup moins de retraits auprès des DAB des autres membres que leurs propres DAB n’en [servaient] aux porteurs des autres membres, c’est-à-dire dont l’apport en porteurs à l’interbancarité ‘CB’ [était] fortement disproportionné par rapport à leur apport en DAB » et que « ce double mécanisme [CSR et CSC] de pondération et de compensation [devait] permettre d’éviter que les membres du Groupement qui [concentraient] leur activité sur une composante de l’interbancarité davantage que sur une autre (que ce soit l’émission de cartes ou l’installation de DAB) [compromettaient] l’équilibre et la viabilité à terme de la fonction retrait du système ».

415    Or, cette formulation correspond précisément à la présentation des arguments du Groupement effectuée par la Commission au considérant 56 de la décision attaquée. De plus, le fait que la CSC régule la CIR n’exclut pas qu’elle contribue également à l’équilibre des activités d’acquisition de DAB et d’émission de cartes, et, partant, à l’équilibre de la fonction de retrait, comme la Commission l’a indiqué (en reprenant les arguments du Groupement dans la notification de la CIR). En effet, si comme le Groupement l’a lui-même indiqué, la CSC régule la CIR, qui a elle-même pour fonction de réguler le « conflit d’intérêts entre émetteurs et gestionnaires de DAB », la CSC contribue, par définition, à cette régulation.

416    Il s’ensuit que l’argument du requérant relatif à la présentation de la fonction de la CSC dans le système CB n’est pas non plus de nature à révéler un manque de soin ou de sérieux de la part de la Commission dans l’instruction du dossier.

417    Partant, le premier grief doit être rejeté.

418    Par le second grief, le requérant soutient que la Commission n’a pas pris en compte les résultats de l’enquête sectorielle relative à la banque de détail menée par la Commission parallèlement à l’instruction de l’affaire en cause (Communication de la Commission – Enquête par secteur menée en vertu de l’article 17 du règlement n° 1/2003 sur la banque de détail, rapport final du 31 janvier 2007).

419    À cet égard, il suffit de relever que ce sont les éléments pertinents du cas d’espèce, c’est-à-dire du dossier qu’elle a à traiter, que la Commission doit analyser dans une décision telle que la décision attaquée. Aucune violation du principe de bonne administration ne peut résulter de la non-prise en compte des éléments contenus dans la communication en cause. En effet, s’il en allait autrement, il ne serait pas possible de déterminer les limites du dossier de la Commission. De plus, les arguments que le requérant en a tirés et qu’il reproduit en l’espèce sont, en substance, identiques à ceux qu’il a déjà fait valoir lorsqu’il a contesté la définition du marché retenue par la Commission et auxquels la Commission a répondu. En outre, comme l’indique la Commission, le requérant ne renvoie à aucun élément précis figurant dans cette communication qui viendrait au soutien de sa position. Dans ces circonstances, la non-prise en compte, et même l’absence de mention, dans la décision attaquée, des résultats de cette enquête sectorielle ne permettent pas d’établir la violation par la Commission du principe de bonne administration ou son manque d’impartialité dans le traitement de l’affaire.

420    Partant, le second grief doit être rejeté.

421    Par ailleurs, BNP Paribas soutient que la violation du principe de bonne administration est illustrée en l’espèce par le fait que la Commission a agi, dans l’affaire COMP/D1/38606 – Groupement des cartes bancaires « CB », avec une vigueur et une suspicion exagérées. Constituerait une violation du principe de bonne administration le fait que des mesures dûment notifiées, qui n’ont pu avoir le moindre effet anticoncurrentiel en l’absence de toute mise en œuvre, aboutissent à un communiqué de presse injustement accusateur, à des vérifications sur place, à une communication des griefs rétractée et remplacée par une autre calquant sur le fond la même analyse erronée, mais reconnaissant l’inexistence de l’accord secret et anticoncurrentiel invoqué dans le communiqué de presse initial, et, en définitive, à des heures de travail perdues.

422    S’agissant, d’abord, du communiqué de presse en cause, il contient, certes, une description des principaux griefs formulés à l’égard du Groupement. Toutefois, il indique expressément que « [l]es griefs reflètent la position préliminaire de la Commission quant à des violations des règles de concurrence » et que « [l]eurs destinataires ont trois mois pour répondre et demander à être entendus lors d’une audition ». Force est donc de constater que le contenu de ce communiqué de presse n’allait pas au-delà d’une information sur l’activité de la Commission et ne comportait pas d’accusation injustifiée à l’égard du requérant. Ensuite, s’agissant des vérifications sur place, il y a lieu de relever que ce n’est pas parce que les mesures en cause ont été notifiées que la Commission ne pouvait pas exercer ses pouvoirs d’enquête dont elle est investie au titre de l’article 14 du règlement n° 17, auquel correspond l’article 20 du règlement n° 1/2003 (arrêt CB/Commission, point 9 supra, point 48). Enfin, s’agissant du retrait de la première communication des griefs et de son remplacement par une seconde communication des griefs, ils s’expliquent par une évolution dans l’analyse de la Commission, due à la prise en compte des réponses écrites des entreprises destinataires de la première communication des griefs et des résultats de l’audition.

423    Dès lors, BNP Paribas ne démontre pas que la Commission a violé le principe de bonne administration.

424    Il s’ensuit que la seconde branche du cinquième moyen doit être rejetée.

425    Il résulte de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté.

VII –  Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique

426    Le sixième moyen se divise en deux branches, tirées respectivement d’une violation du principe de proportionnalité du fait de l’injonction figurant à l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée, et d’une violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique du fait de l’injonction figurant à l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée.

A –  Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité du fait de l’injonction, figurant à l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée, de mettre fin à l’infraction en retirant les mesures illégales

427    Le requérant souligne que, en vertu du principe de proportionnalité tel qu’interprété par la jurisprudence, l’interdiction d’une activité économique est subordonnée à la condition que les mesures d’interdiction soient appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante. En l’espèce, la Commission, après avoir initié des discussions avec le requérant en vue de lui permettre de soumettre une proposition d’engagements en vertu de l’article 9 du règlement n° 1/2003, n’aurait formulé aucun désaccord sur le nouveau dispositif de calcul du droit d’adhésion présenté par le Groupement dans ses propositions d’engagements des 25 mai et 20 juillet 2007, ces propositions ayant été rejetées pour un motif étranger à ce dispositif. Il en résulterait qu’il existe d’autres mesures appropriées et moins contraignantes (comme le nouveau dispositif de calcul du droit d’adhésion proposé par le Groupement) qu’une interdiction de l’intégralité des mesures en cause. Dès lors, l’interdiction de l’intégralité des mesures en cause figurant à l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée ne pouvant être considérée comme appropriée et nécessaire à la réalisation des objectifs assignés à l’article 81 CE, elle serait contraire au principe de proportionnalité. Dans la réplique, le requérant précise qu’il conteste également l’article 1er de la décision attaquée dans la mesure où la proportionnalité de l’injonction formulée à l’article 2, premier alinéa, de cette décision est indissociable du constat formulé à son article 1er.

428    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, Rec. p. I‑2265, point 96, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 223).

429    En l’espèce, il y a lieu de relever que la procédure d’engagements initiée par la Commission n’a pas abouti. Dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne peut être considéré que la Commission a validé le nouveau dispositif de calcul du droit d’adhésion présenté par le Groupement dans ses propositions d’engagements des 25 mai et 20 juillet 2007. Les engagements proposés par le requérant dans le cadre de la procédure prévue à l’article 9 du règlement n° 1/2003 ne peuvent donc pas servir de point de référence pour apprécier la proportionnalité de l’injonction figurant au premier alinéa de l’article 2 de la décision attaquée. Par conséquent, l’ensemble des arguments que le requérant fonde sur ses discussions avec la Commission dans le cadre de cette procédure, de leur caractère prétendument avancé ou encore du prétendu accord de principe de la Commission s’agissant d’une nouvelle méthode de calcul du droit d’adhésion doivent être rejetés.

430    Par ailleurs, il résulte des termes du règlement n° 1/2003 que la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans le choix d’adopter une décision fondée sur l’article 7 ou sur l’article 9 de ce règlement et, des termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement en question que, si la Commission constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 CE, elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction. Or, l’injonction imposée à l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée se limite à imposer au Groupement de mettre fin à l’infraction constatée à l’article 1er de cette même décision en retirant les mesures en cause. Partant, cette injonction ne peut être considérée comme contraire au principe de proportionnalité.

431    Quant au caractère proportionnel de l’article 1er de la décision attaquée, il suffit de relever que, par cet article, la Commission constate que les mesures en cause sont contraires à l’article 81 CE. Or, au vu de l’objectif poursuivi par une décision adoptée au titre de l’article 7 du règlement n° 1/2003, à savoir la constatation de l’existence d’une infraction à l’article 81 CE ou 82 CE, force est de constater que le contenu de cet article n’est pas disproportionné.

432    BNP Paribas ajoute que, bien que, lors de l’audition du 13 novembre 2006, elle ait souligné la nécessité de discuter à l’amiable de mesures permettant au Groupement de lutter contre le parasitisme afin d’assurer la pérennité du système CB, la Commission n’a pas voulu envisager une amélioration des mesures en cause, s’en tenant à l’allégation non justifiée selon laquelle elles seraient anticoncurrentielles par leur objet même.

433    Cette argumentation revient, en substance, d’une part, à contester le fait que la Commission ait adopté une décision fondée sur l’article 7 plutôt que sur l’article 9 du règlement n° 1/2003, et, d’autre part, à contester le bien-fondé de la décision attaquée. Or, il a déjà été constaté, d’une part, au point 430 ci-dessus, que la Commission était en droit d’adopter une décision fondée sur l’article 7 plutôt que sur l’article 9 de ce règlement et, d’autre part, aux points 122 à 268 ci-dessus, que ni le requérant ni les intervenantes n’ont établi que la décision attaquée était entachée d’une erreur s’agissant de l’objet des mesures en cause. L’argumentation de BNP Paribas doit donc être rejetée.

434    Il s’ensuit que la première branche du sixième moyen doit être rejetée.

B –  Sur la seconde branche, tirée d’une violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique du fait de l’injonction, figurant à l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée

435    Le requérant, soutenu par les intervenantes, conteste l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée selon lequel « [l]e Groupement s’abstient, à l’avenir, de toute mesure ou tout comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire » et fait valoir deux griefs, tirés, respectivement, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation du principe de sécurité juridique.

436    Par son premier grief, le requérant fait valoir en substance que cette injonction impose une mesure corrective comportementale qui n’est ni proportionnée à l’infraction ni nécessaire pour la faire cesser, dans la mesure où le Groupement a déjà procédé au retrait des mesures en cause. Le requérant et les intervenantes soulignent en particulier que le terme « similaire » utilisé par la Commission est indéterminé. Partant, l’interdiction d’adopter des mesures similaires irait au-delà d’une interdiction des seuls comportements visés dans la décision attaquée.

437    Selon la jurisprudence relative à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, applicable, par analogie, à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, dans la mesure où l’application de cette disposition doit se faire en fonction de l’infraction constatée, la Commission a le pouvoir de préciser l’étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin qu’il soit mis fin à ladite infraction (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, Rec. p. II‑1043, point 165).

438    Certes, comme le fait valoir le requérant, de telles obligations pesant sur les entreprises ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues (arrêt de la Cour du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C‑241/91 P et C‑242/91 P, Rec. p. I‑743, point 93 ; voir, également, arrêt Gruber + Weber/Commission, point 437 supra, point 165, et la jurisprudence citée).

439    Toutefois, il a déjà été jugé qu’une interdiction consistant pour les entreprises en cause à s’abstenir à l’avenir de tout accord ou pratique concertée susceptible d’avoir un objet ou un effet identique ou analogue à ceux des infractions constatées dans la décision en cause vise uniquement à ce que les entreprises soient empêchées de répéter les comportements dont l’illégalité a été constatée et que, par conséquent, la Commission, en adoptant une telle interdiction, n’a pas outrepassé les pouvoirs que lui confère l’article 3 du règlement n° 17 (voir, en ce sens, arrêt Gruber + Weber/Commission, point 437 supra, point 167). Partant, une telle interdiction ne peut être considérée comme étant contraire au principe de proportionnalité.

440    Il doit en aller de même en l’espèce, l’injonction en cause visant simplement à empêcher que le Groupement n’adopte à nouveau des mesures telles que celles dont l’illégalité a été constatée dans la décision attaquée. Il en va d’autant plus ainsi que le dispositif d’une décision doit être interprété à la lumière de ses motifs (voir arrêt Gruber + Weber/Commission, point 437 supra, point 172, et la jurisprudence citée), lesquels limitent ainsi clairement la portée de l’injonction en cause. L’utilisation du terme « similaire » ne permet donc pas d’établir le caractère disproportionné de cette injonction, dans la mesure où l’utilisation de ce terme n’a nullement pour effet, contrairement à ce que le requérant et les intervenantes font valoir, d’interdire au Groupement d’adopter à l’avenir toute mesure qui viserait à garantir les « équilibres fondamentaux » du Groupement et la position concurrentielle du système CB. En effet, cette injonction devant être lue à la lumière des considérants de la décision attaquée, il s’ensuit que seule l’adoption de mesures ayant pour objet ou pour effets l’exclusion de certains opérateurs nouveaux entrants sur le marché de l’émission et la limitation de la concurrence intrasystème, telles que décrites dans la décision attaquée est interdite.

441    Partant, le présent grief doit être rejeté.

442    Par le second grief, le requérant, soutenu par les intervenantes, fait valoir que, du fait de son caractère ambigu et imprécis, l’injonction entraîne une insécurité juridique, dans la mesure où l’étendue des mesures interdites pourrait largement excéder les mesures visées par l’article 1er de la décision attaquée et englober toute mesure de rééquilibrage qui serait à l’avenir jugée nécessaire pour renforcer la position concurrentielle du système CB ou assurer son développement.

443    Il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêts de la Cour du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20, et du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 113). L’impératif de sécurité juridique exige ainsi qu’une réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose (arrêt de la Cour du 11 décembre 2007, Skoma-Lux, C‑161/06, Rec. p. I‑10841, point 38).

444    Bien qu’il s’agisse en l’espèce d’une décision individuelle, et non d’une réglementation ou d’un acte de portée générale, cela ne saurait exonérer la Commission de son obligation de respecter le principe de sécurité juridique notamment lorsqu’elle enjoint à des entreprises de ne pas adopter un comportement donné.

445    Toutefois, ainsi que cela a déjà été indiqué au point 440 ci-dessus, cette injonction doit être lue à la lumière des considérants de la décision attaquée, qui en définissent donc clairement la portée et les limites. Le requérant et les intervenantes ne sont donc pas fondés à affirmer que l’injonction en cause viole le principe de sécurité juridique, car elle est ambiguë et ne leur permet pas de déterminer l’étendue des obligations qu’elle impose au Groupement.

446    De plus, il résulte également de la jurisprudence rappelée au point 439 ci-dessus que la Commission est en droit d’interdire, à des entreprises condamnées pour une infraction à l’article 81 CE, d’adopter à l’avenir des comportements similaires, sans que cela soit contraire à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003.

447    Contrairement à ce que soutient le requérant, le fait que cette jurisprudence a été adoptée avant l’entrée en vigueur du règlement n° 1/2003 qui a supprimé le système de notification n’a eu aucune conséquence sur la possibilité pour la Commission d’interdire certains comportements, ainsi qu’il résulte d’une comparaison des libellés de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003.

448    L’insécurité juridique alléguée n’étant pas établie, elle ne peut pas être aggravée par le refus de la Commission d’admettre la réserve proposée par le Groupement dans le cadre des négociations sur les engagements, aux termes de laquelle il se réservait la possibilité de prendre « toute mesure nécessaire pour préserver les équilibres fondamentaux et renforcer la position concurrentielle du système CB ». En tout état de cause, il est manifeste que l’injonction en cause, si elle doit être lue à la lumière des considérants de la décision attaquée, ne peut nullement être interprétée au regard de discussions qui se sont tenues lors de négociations des entreprises dans le cadre de la procédure d’engagements prévue à l’article 9 du règlement n° 1/2003.

449    Il en va de même du risque de se voir sanctionner pour récidive, invoquée par le requérant, lequel ne peut pas davantage aggraver une insécurité juridique qui n’a pas été établie.

450    En outre, les arguments supplémentaires de la BPCE selon lesquels, d’une part, l’incertitude créée par la décision attaquée serait d’autant plus préoccupante que d’autres initiatives de la Commission limiteraient la marge de manœuvre des acteurs du paiement par carte (notamment la remise en cause des commissions multilatérales d’interchange dans le cadre du projet SEPA ou le « contentieux MasterCard ») et, d’autre part, la Commission ne pourrait pas s’appuyer sur d’autres systèmes de paiement par cartes pour démontrer l’illégalité du MERFA, sont dénués de pertinence pour l’appréciation de la conformité de l’injonction de l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée avec le principe de sécurité juridique. Il y a donc lieu de les rejeter.

451    Partant, le présent grief doit être rejeté.

452    Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du sixième moyen doit être rejetée et, par suite, le sixième moyen dans son ensemble.

453    Partant, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

454    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

455    La Commission n’ayant pas conclu à la condamnation des intervenantes aux dépens liés à leurs interventions, les intervenantes ne supporteront que leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Groupement des cartes bancaires « CB » supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La BPCE, BNP Paribas et la Société générale supporteront leurs propres dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

I –  Procédure devant la Commission

II –  Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Observations liminaires

II –  Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 81 CE en raison d’erreurs dans la méthode d’analyse des mesures en cause et des marchés retenus, de la violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation

A –  Sur la première branche, tirée de la non-prise en compte de la situation de la concurrence en l’absence des mesures en cause

B –  Sur la deuxième branche, tirée de la non-prise en compte de l’interdépendance des activités d’émission et d’acquisition

C –  Sur la troisième branche, tirée de la contradiction entre la définition des marchés concernés et leur analyse

III –  Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’objet des mesures en cause

A –  Sur la première branche, tirée du non-respect de l’obligation de considérer l’« objet même » des mesures en cause

B –  Sur la deuxième branche, tirée de la non-prise en compte de la légitimité de la lutte contre le parasitisme

C –  Sur la troisième branche, tirée de la conclusion erronée relative au caractère anticoncurrentiel per se des mesures en cause

1.  Sur le premier grief, tiré de l’absence de démonstration de l’objet anticoncurrentiel des options ouvertes aux membres du Groupement et de l’absence de démonstration de l’obligation de choisir une option ayant un objet anticoncurrentiel

a)  Sur la possibilité de développer l’activité d’acquisition

b)  Sur les deux options : paiement d’une redevance et limitation de l’émission de cartes CB

2.  Sur le second grief, tiré de la prise en compte de considérations inopérantes et erronées

a)  Sur certaines considérations de la Commission relatives à la formule du MERFA

b)  Sur les documents sur lesquels la Commission se serait appuyée pour caractériser l’objet des mesures en cause

IV –  Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen des effets des mesures en cause

V –  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 3, CE en raison d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen de l’applicabilité de cette disposition aux mesures en cause

A –  Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives à la rémunération de l’accès au système CB

1.  Sur la valeur des investissements ou du système CB

2.  Sur l’absence de parasitisme

3.  Sur le risque d’éclatement du système CB compte tenu de la mise en place du SEPA

4.  Sur l’assiette des mesures en cause

B –  Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs relatives à la nécessité d’une régulation de l’activité d’acquisition

1.  Sur les erreurs relatives à la réponse de la Commission aux études économiques produites par le Groupement

2.  Sur les erreurs relatives à la fonction régulatrice du MERFA

3.  Sur les erreurs relatives à la contradiction entre la fonction régulatrice du MERFA et la fonction des commissions interbancaires

C –  Sur le troisième grief, tiré d’erreurs relatives à l’absence de parasitisme

D –  Sur le quatrième grief, tiré d’erreurs s’agissant des effets économiques négatifs des mesures en cause

VI –  Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

A –  Sur la première branche, tirée de la partialité manifeste de la Commission

B –  Sur la seconde branche, tirée de l’absence d’instruction du dossier avec le soin et le sérieux requis par le principe de bonne administration

VII –  Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique

A –  Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité du fait de l’injonction, figurant à l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée, de mettre fin à l’infraction en retirant les mesures illégales

B –  Sur la seconde branche, tirée d’une violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique du fait de l’injonction, figurant à l’article 2, second alinéa, de la décision attaquée

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.



Version publique


1 – « Données confidentielles occultées »