Language of document : ECLI:EU:C:2004:238

Arrêt de la Cour

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
29 avril 2004 (1)


«Recours en annulation – Aides d'État – Décision 2000/567/CE – Aide accordée par la République fédérale d'Allemagne en faveur de System Microelectronic Innovation GmbH, Francfort-sur-l'Oder (Brandebourg) – Article 88, paragraphe 2, CE – Droits de la défense – Compatibilité avec le marché commun – Article 87, paragraphe 1, CE – Récupération des aides illégales – Récupération auprès d'entreprises autres que le bénéficiaire initial»

Dans l'affaire C-277/00,

République fédérale d'Allemagne, représentée par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent, assisté de Me M. Schütte, Rechtsanwalt,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. K.-D. Borchardt et V. Di Bucci, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision 2000/567/CE de la Commission, du 11 avril 2000, relative à l'aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de System Microelectronic Innovation GmbH, Francfort-sur-l'Oder (Brandebourg) (JO L 238, p. 50),



LA COUR (sixième chambre),



composée de M. V. Skouris (rapporteur), faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet et R. Schintgen, et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: M. A. Tizzano,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 21 novembre 2002, au cours de laquelle la République fédérale d'Allemagne a été représentée par M. M. Lumma, en qualité d'agent, assisté de Me M. Schütte, et la Commission par MM. K.-D. Borchardt et V. Di Bucci,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 19 juin 2003,

rend le présent



Arrêt



1
Par requête déposée au greffe de la Cour le 11 juillet 2000, la République fédérale d’Allemagne a, en vertu de l’article 230, premier alinéa, CE, introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2000/567/CE de la Commission, du 11 avril 2000, relative à l’aide d’État accordée par l’Allemagne en faveur de System Microelectronic Innovation GmbH, Francfort-sur-l’Oder (Brandebourg) (JO L 238, p. 50, ci-après la «décision attaquée»).


Les antécédents du litige

2
Il ressort de la décision attaquée que, avant la réunification de l’Allemagne, VEB/Kombinat Halbleiterwerk, établi à Francfort-sur-l’Oder (Allemagne), était, avec 8500 salariés, le leader de son marché au sein du Conseil d’assistance économique mutuelle (Comecon). Situé dans le Land de Brandebourg, ce combinat avait pour activité principale la fabrication de circuits personnalisés. Microelektronic und Technologie GmbH (ci-après «MTG») est l’entreprise qui a succédé à VEB/Kombinat Halbleiterwerk. Appartenant initialement à la Treuhandanstalt, un organisme allemand de droit public chargé de restructurer les entreprises de l’ancienne République démocratique allemande, MTG a, le 1er mars 1993, changé sa dénomination en Halbleiter Electronic Frankfurt (O) GmbH (ci-après «HEG»). HEG devait poursuivre les activités les plus importantes de MTG. Le même jour était créée une entreprise commune («joint venture») avec la société américaine Synergy Semiconductor Corporation (ci-après «Synergy»), laquelle a acquis 49 % du capital de MTG. En janvier 1993, MTG avait cédé les 51 % restants de son capital à la Treuhandanstalt. Le 1er décembre 1993, la dénomination de HEG a été changée pour devenir System Microelectronic Innovation GmbH (ci-après «SMI»). Le 28 juin 1994, la Treuhandanstalt a transféré les 51 % du capital de SMI dont elle était propriétaire au Land de Brandebourg.

3
Au cours des années 1993 à 1997, SMI a obtenu un soutien financier tant du Land de Brandebourg que de la Treuhandanstalt et de la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben (ci-après la «BvS»), l’organisme ayant succédé à la Treuhandanstalt. Les subventions de ces dernières se sont élevées à 64,8 millions de DEM et elles ont été consacrées à des investissements, pour un montant de 63 millions de DEM, et à des activités de déménagement, pour un montant de 1,8 million de DEM. Les 70,3 millions de DEM accordés, sous forme de prêts, par le Land de Brandebourg ont servi à absorber les pertes enregistrées de 1993 à 1997. Le total des concours financiers s’est donc élevé à 135,1 millions de DEM.

4
Le 25 avril 1997, SMI a déposé une demande d’ouverture de la procédure de faillite et elle a alors pris la dénomination de SMI in Gesamtvollstreckung (SMI en liquidation, ci-après «SMI iG»). La procédure de faillite a été ouverte le 1er juillet 1997, SMI iG ayant cessé ses activités le 30 juin précédent. Le même jour, le liquidateur a créé, à Francfort-sur-l’Oder, une structure de cantonnement, la société Silicium Microelectronic Integration GmbH (ci-après «SiMI»), dont le capital était de 50 000 DEM, afin de poursuivre les activités de SMI iG avec un effectif de 105 salariés en utilisant à titre onéreux les installations de cette dernière. La totalité du capital de SiMI était détenue par SMI iG. Le 1er juillet 1997, le liquidateur a créé une filiale détenue à 100 % par SiMI, la société Microelectronic Design & Development GmbH (ci-après «MD & D»), ayant pour objet des activités de conseil, de marketing ainsi que d’étude et de création de produits de microélectronique et la prestation de services.

5
Le 29 juillet 1997, le Land de Brandebourg a consenti à SiMI un prêt de 4 millions de DEM, afin de permettre à cette entreprise de poursuivre l’exploitation de SMI iG. Par ailleurs, la BvS a versé à SiMI une subvention de 1 million de DEM à titre de compensation des pertes pour la période allant de la date de sa création jusqu’au mois de juin 1998.

6
Par la suite, le Land de Brandebourg et le liquidateur ont uni leurs efforts pour trouver un repreneur privé pour SiMI. Nonobstant certains efforts infructueux, les autorités allemandes ont informé la Commission des Communautés européennes de l’engagement de nouvelles négociations avec la société Megaxess Inc. (ci-après «Megaxess»), établie aux États-Unis. Couronnées de succès, ces négociations ont permis la vente de SiMI et de MD & D à Megaxess. En particulier, par contrat du 28 juin 1999, celle-ci a acquis 80 % du capital de MD & D, tandis que les 20 % restants ont été acquis par trois salariés de cette dernière société. Le 14 juillet 1999, MD & D a racheté les parts sociales de SiMI à leur valeur nominale totale, soit une somme de 50 000 DEM, ainsi que les biens meubles de SMI iG pour la somme de 1,7 million de DEM.

7
Après la parution, dans le Handelsblatt du 22 août 1996, d’un article relatant que le Land de Brandebourg envisageait d’accorder à SMI une aide d’un montant de 10 millions de DEM, la Commission a demandé, par lettres des 2 septembre 1996 et 23 janvier 1997, aux autorités allemandes de lui fournir des renseignements complémentaires. Malgré ces demandes, la République fédérale d’Allemagne ne lui a adressé aucune communication officielle.

8
Par lettre du 5 août 1997, la Commission a informé les autorités allemandes de sa décision d’ouvrir, en raison de cette aide, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. À cette occasion, il a été demandé aux autres intéressés de faire connaître leurs observations. Au cours des années 1997 à 2000, les autorités allemandes ont réagi à l’ouverture de cette procédure en adressant plusieurs lettres à la Commission, mais les éléments fournis n’ont pas été considérés comme satisfaisants par cette dernière. Parmi les autres intéressés, un seul a communiqué des observations qui ont appuyé la décision de la Commission d’ouvrir ladite procédure.

9
C’est dans ce cadre factuel et procédural que la Commission a adopté la décision attaquée dont les articles 1er à 3 sont libellés comme suit:

«Article premier

La subvention d’un montant total de 64,8 millions de DEM versée par la Treuhandanstalt et le prêt d’un montant total de 70,3 millions de DEM consenti par le Land du Brandebourg en faveur de la société System Microelectronics Innovation GmbH, Frankfurt/Oder i.G. (SMI) sont incompatibles avec le marché commun.

Article 2

La subvention de 1 million de DEM versée par la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben et le prêt de 4 millions de DEM consenti par le Land du Brandebourg en faveur de la structure de cantonnement System Microelectronic Innovation GmbH, Frankfurt/Oder (SIMI) sont incompatibles avec le marché commun.

Article 3

1.      L’Allemagne prend toutes les mesures qui s’imposent pour récupérer auprès des bénéficiaires l’aide décrite aux articles 1er et 2 qui lui a été accordée illégalement.

2.      La récupération de l’aide a lieu selon les dispositions de procédure nationales. Le montant de l’aide à récupérer est majoré des intérêts qui courent de la date du versement de l’aide illégale au bénéficiaire jusqu’à sa restitution effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence applicable au calcul de l’équivalent-subvention des aides à finalité régionale.

3.       Au sens du présent article, le terme ‘bénéficiaire’ englobe les sociétés SMI, SIMI et Microelectronic Design & Development GmbH (MD & D), de même que toute entreprise à laquelle les actifs de SMI, de SIMI ou de MD & D ont été ou seront transférés sous une forme destinée à contourner les conséquences de cette décision.»


Les conclusions des parties

10
La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler la décision attaquée,

condamner la Commission aux dépens.

11
La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

rejeter le recours comme non fondé,

condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.


Sur le recours

12
À l’appui de son recours, la République fédérale d’Allemagne soulève quatre moyens tirés respectivement:

d’une violation des droits de la défense et de l’article 88, paragraphe 2, CE, au motif que l’ordre de récupération est également dirigé contre SiMI, MD & D ainsi que d’autres entreprises non dénommées, sans que la Commission ait ouvert une procédure d’enquête à leur encontre;

d’une violation des formes substantielles en raison:

d’une constatation erronée des faits relatifs à la privatisation de SMI, à la question de savoir si le prêt accordé à cette dernière par le Land de Brandebourg pouvait ou non relever d’un régime d’aides autorisé et au transfert des avantages concurrentiels à SiMI, à MD & D ou à des entreprises tierces, et

de défauts de motivation quant à la privatisation de SMI et à la possibilité de bénéficier d’une dérogation au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE;

d’une appréciation erronée, au titre des dispositions des articles 87, paragraphe 1, CE, 87, paragraphe 2, sous c), CE et 88 CE, de la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun;

d’une illégalité de l’ordre de récupération desdites aides auprès d’entreprises autres que SMI.

Sur les deuxième et troisième moyens

13
Par ses deuxième et troisième moyens, qu’il convient d’examiner conjointement, le gouvernement allemand fait valoir, d’une part, que la Commission a violé les dispositions des articles 87, paragraphe 1, CE, 87, paragraphe 2, sous c), CE et 88 CE dans la mesure où elle a déclaré, aux articles 1er et 2 de la décision attaquée, l’ensemble des subventions et des prêts en faveur de SMI et de SiMI incompatibles avec le marché commun. D’autre part, il soutient que la décision attaquée est entachée d’une violation des formes substantielles, en raison d’une constatation erronée des faits et de défauts de motivation.

Sur les subventions accordées à SMI par la Treuhandanstalt et la BvS

14
S’agissant, en premier lieu, de la subvention de 63 millions de DEM accordée par la Treuhandanstalt pour la privatisation de SMI en faveur de Synergy, le gouvernement allemand soutient qu’elle trouvait son fondement dans le cadre régissant les activités dudit organisme et, notamment, la lettre SG(92) D/17613 de la Commission, adressée le 8 décembre 1992 audit gouvernement (ci-après le «deuxième régime d’aides de la Treuhandanstalt»); en d’autres termes, cette subvention aurait été fondée sur un régime d’aides existant.

15
Toutefois, dans la décision attaquée, la Commission aurait nié à tort l’applicabilité de ce régime, parce qu’elle aurait apprécié l’existence d’une privatisation de manière manifestement erronée. En effet, la Commission se serait contentée de déduire du fait que la part du capital de SMI acquise par Synergy était de 49 % que la Treuhandanstalt avait conservé le contrôle de SMI et que, en conséquence, il n’y avait pas eu de privatisation de cette société. Or, selon le gouvernement allemand, malgré le fait que Synergy n’avait acquis qu’une participation minoritaire dans SMI, les accords conclus entre la Treuhandanstalt et Synergy dans le cadre de cette opération ont permis à cette dernière d’assumer la direction et d’acquérir des droits de contrôle étendus sur SMI.

16
Le gouvernement allemand ajoute que l’administrateur nommé pour gérer les parts sociales de la Treuhandanstalt dans SMI ne disposait que de pouvoirs de surveillance secondaires et limités. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que, grâce à sa participation de 49 %, Synergy disposait d’un contrôle conjoint des actes les plus importants de SMI, puisque, en vertu de l’article 14, troisième alinéa, du contrat de société, une majorité de 85 % de toutes les voix aurait été requise pour les décisions portant sur des questions essentielles.

17
Enfin, le gouvernement allemand fait valoir que, en tout état de cause, l’acquisition de parts sociales par les pouvoirs publics tels que, en l’espèce, le Land de Brandebourg remplit les conditions de fait d’une privatisation de sorte que la privatisation de SMI a eu lieu, au plus tard, au moment de cette acquisition.

18
En ce qui concerne, en deuxième lieu, la subvention d’un montant de 1,8 million de DEM accordée par la BvS à SMI pour couvrir ses frais de restructuration et de déménagement, le gouvernement allemand relève que ces dépenses ont été occasionnées par la nécessité de concentrer les installations de l’entreprise sur une surface plus petite à la suite du démantèlement de l’ancien combinat. Ces frais auraient été assumés sur le fondement de la lettre SG(95) D/1062 de la Commission, adressée le 1er février 1995 audit gouvernement (ci-après le «troisième régime d’aides de la Treuhandanstalt»).

19
En troisième lieu, le gouvernement allemand soutient que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation dans la mesure où la Commission n’y a pas répondu à l’argumentation particulière selon laquelle l’acquisition de 49 % du capital de SMI par Synergy, combinée avec les accords conclus dans le cadre de cette opération, remplirait les conditions d’une privatisation au sens des régimes d’aides de la Treuhandanstalt.

20
À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, toutes les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (voir arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I-6857, point 49, et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission, C‑334/99, Rec. p. I-1139, point 117).

21
En outre, ainsi que la Cour l’a jugé, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, Rec. p. 3781, point 12; du 21 février 1984, St. Nikolaus Brennerei und Likörfabrik, 337/82, Rec. p. 1051, point 10, ainsi que arrêts précités du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, point 50, et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission, point 118).

22
S’agissant de la présente espèce, il est constant que le cadre régissant les activités de la Treuhandanstalt, tel qu’il a été arrêté par la Commission, constitue une série de dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE. En adoptant ces dérogations, la Commission visait à faciliter la mission de la Treuhandanstalt, qui est un organisme unique en son genre, consistant à restructurer les entreprises de l’ancienne République démocratique allemande et à assurer le passage de celles-ci d’une économie planifiée à une économie de marché.

23
C’est la raison pour laquelle, aux termes des deuxième et troisième régimes d’aides de la Treuhandanstalt, des subventions telles que celles examinées en l’espèce, qui constituent la forme de soutien étatique la plus directe, n’étaient autorisées que si elles étaient accordées dans le cadre d’une privatisation de l’entreprise concernée.

24
Il s’ensuit que, en tant que condition d’application d’un régime dérogeant au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE, la notion de «privatisation» dans le cadre des régimes d’aides de la Treuhandanstalt doit être interprétée de manière restrictive. Dans le cadre d’une telle interprétation, l’existence d’une privatisation, au sens de ces régimes, ne saurait, en principe, être admise que si un investisseur privé acquiert une partie du capital susceptible de lui conférer le contrôle de l’entreprise concernée.

25
Ainsi, il ne saurait être exclu que l’acquisition d’une part minoritaire du capital d’une entreprise publique, assortie d’une cession du contrôle effectif de cette entreprise, puisse être considérée comme une «privatisation» au sens des régimes d’aides de la Treuhandanstalt.

26
Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En premier lieu, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort du dossier, l’acquisition de 49 % du capital de SMI par Synergy était assortie d’une série d’accords, au moyen desquels cette dernière avait notamment obtenu le droit de nommer deux des trois gérants de SMI ainsi que le président du conseil de surveillance de cette dernière, il n’en demeure pas moins que l’administrateur qui était chargé de la gestion de la part majoritaire de ce capital détenue par la Treuhandanstalt avait, selon ces accords, le droit de s’opposer à chaque nomination pour des motifs importants.

27
En deuxième lieu, le gouvernement allemand lui-même a relevé que, en vertu de l’article 14, troisième alinéa, du contrat de société, une majorité de 85 % de toutes les voix était requise pour les décisions portant sur les questions essentielles concernant SMI. Partant, cela signifie qu’aucune décision relative à une question de cette nature ne pouvait être prise par Synergy sans le consentement de la Treuhandanstalt.

28
En troisième lieu, ainsi qu’il a été admis par le gouvernement allemand, l’administrateur fiduciaire chargé de la gestion de la part majoritaire du capital de SMI détenue par la Treuhandanstalt était contractuellement obligé de rechercher un nouvel investisseur industriel afin de parvenir à une «privatisation complète». Il s’ensuit que l’acquisition de 49 % du capital de SMI par Synergy ainsi que les accords conclus entre cette dernière et la Treuhandanstalt ne constituaient qu’une première étape vers la privatisation complète de SMI.

29
En quatrième lieu, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, le transfert au Land de Brandebourg de 51 % des parts de SMI détenues par la Treuhandanstalt ne pouvait en aucun cas être constitutif d’une privatisation au sens des régimes d’aides de la Treuhandanstalt, puisqu’il s’agissait d’un transfert de parts d’une entreprise par un organisme étatique à un autre.

30
Dans ces conditions, il convient de conclure que, les opérations en question ne constituaient pas une «privatisation», au sens des deuxième et troisième régimes d’aides de la Treuhandanstalt, de sorte que c’est à bon droit que la Commission a considéré que les subventions accordées par la Treuhandanstalt et la BvS à SMI n’étaient pas couvertes par ces régimes.

31
Au demeurant, s’agissant du grief relatif au défaut de motivation de la décision attaquée sur ce point, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort du point 26 des motifs de celle-ci, la Commission a suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles elle considérait que l’acquisition par Synergy de 49 % du capital social de SMI ne constituait pas une privatisation.

32
Il s’ensuit que les deuxième et troisième moyens invoqués par la République fédérale d’Allemagne, en tant qu’ils concernent les subventions accordées par la Treuhandanstalt et la BvS à SMI, doivent être rejetés comme non fondés.

Sur les prêts accordés à SMI par le Land de Brandebourg

33
Le gouvernement allemand fait valoir que, en considérant que les prêts pour un montant de 70,3 millions de DEM accordés à SMI par le Land de Brandebourg n’ont pas été accordés dans le cadre d’une privatisation et qu’ils n’étaient donc pas compatibles avec le marché commun, la Commission a commis une erreur dans l’appréciation des faits ainsi qu’une erreur de droit. Selon lui, ces prêts ont été octroyés conformément au deuxième régime d’aides de la Treuhandanstalt. En effet, le contrat de privatisation aurait comporté l’engagement du Land de Brandebourg de fournir un financement d’un montant de 35 millions de DEM à SMI. Cet engagement constituerait une partie du contrat de privatisation ainsi qu’une condition préalable à la conclusion de celui-ci et il importerait peu de savoir quelle est la source étatique de ces financements qui sont licites selon ledit régime.

34
Le gouvernement allemand ajoute que, après l’acquisition par le Land de Brandebourg des parts du capital de SMI détenues par la Treuhandanstalt, ce Land a encore accordé 35,3 millions de DEM supplémentaires à titre de prêt, puisqu’il s’est avéré que les besoins financiers de SMI étaient plus élevés que prévu. Cela constituerait une mesure de gestion du contrat de privatisation par ledit Land et ce dernier serait intervenu à la place de la Treuhandanstalt. Il s’ensuivrait que ce prêt serait également licite selon le deuxième régime d’aides de la Treuhandanstalt. Or, la Commission n’aurait pas examiné la compatibilité dudit prêt sous cet aspect.

35
À cet égard, il suffit de rappeler, d’une part, que, ainsi qu’il ressort des points 20 à 30 du présent arrêt, tant l’acquisition de 49 % des parts du capital de SMI par Synergy que l’acquisition subséquente de 51 % dudit capital par le Land de Brandebourg ne constituaient pas une privatisation au sens des régimes d’aides de la Treuhandanstalt.

36
D’autre part, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 20 et 21 du présent arrêt et, plus particulièrement, à l’exigence d’une interprétation restrictive de tout régime dérogeant au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE, le champ d’application des régimes d’aides de la Treuhandanstalt ne saurait être interprété comme englobant également des aides accordées par des organismes publics autres que cette dernière.

37
Dès lors, les deuxième et troisième moyens invoqués par la République fédérale d’Allemagne, en tant qu’ils concernent les prêts accordés par le Land de Brandebourg à SMI, doivent être rejetés comme non fondés.

Sur le prêt de 4 millions de DEM accordé à SiMI par le Land de Brandebourg

38
Le gouvernement allemand soutient que le prêt de 4 millions de DEM accordé à SiMI par le Land de Brandebourg ne constituait pas une aide d’État incompatible avec le marché commun. Ce prêt, qui aurait été octroyé au taux du marché, supérieur de 3 % au taux d’escompte de la Bundesbank, serait conforme aux conditions de la «directive du Land du Brandebourg sur l’octroi de ressources du fonds de consolidation pour la sauvegarde des petites et moyennes entreprises industrielles». Or, ce programme aurait été approuvé par la Commission [voir Autorisation des aides d’État dans le cadre des dispositions des articles [87] et [88] du traité CE. Cas à l’égard desquels la Commission ne soulève pas d’objection (JO 1995, C 295, p. 24)], ce qui signifierait que ce prêt devrait également être considéré comme une aide fondée sur un régime d’aides existant.

39
À cet égard, il y lieu de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée. En conséquence, un État membre ne peut, pour contester la légalité d’une telle décision, se prévaloir des éléments qu’il a omis de porter à la connaissance de la Commission pendant la procédure administrative (voir, notamment, arrêts du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278/92 à C-280/92, Rec. p. I-4103, point 31, et du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, Rec. p. I-5163, point 76).

40
Or, en l’occurrence, ainsi que la Commission l’a relevé sans être contredite sur ce point par le gouvernement allemand, la République fédérale d’Allemagne n’a pas invoqué le programme rappelé au point 38 du présent arrêt comme base juridique dudit prêt lors de la procédure administrative ayant abouti à la décision attaquée. En effet, c’est dans sa requête que ce gouvernement a pour la première fois mentionné un tel argument.

41
Il s’ensuit que, en l’absence d’informations relatives à la base juridique du prêt de 4 millions de DEM accordé à SiMI par le Land de Brandebourg, susceptibles, par hypothèse, d’induire la Commission à considérer ce prêt comme faisant partie d’un régime d’aides autorisé, celle-ci était en droit d’apprécier la mesure dont il s’agit en se référant aux seules dispositions du traité.

42
Dans ces conditions, les deuxième et troisième moyens invoqués par la République fédérale d’Allemagne, en tant qu’ils concernent ledit prêt, doivent également être rejetés comme non fondés.

Sur l’applicabilité de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE

43
À titre principal, en ce qui concerne la subvention de 1 million de DEM accordée par la BvS à SiMI et, à titre subsidiaire, pour l’ensemble des aides litigieuses, le gouvernement allemand fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en excluant, sans qu’une appréciation spécifique ait été portée à cet égard, l’applicabilité de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE. Selon lui, la Commission aurait dû apprécier si, au sens de cette disposition, la ville de Francfort-sur-l’Oder, qui est située à la frontière avec la Pologne, était une «région» affectée par la division de l’Allemagne et si les différentes mesures en faveur de SMI et de SiMI, l’une et l’autre établies dans cette région, étaient nécessaires pour compenser le désavantage découlant de l’isolement économique de celle-ci. Si une telle appréciation avait été correctement effectuée, elle aurait dû nécessairement conduire la Commission à appliquer la dérogation dont il s’agit et, partant, à déclarer les aides litigieuses compatibles avec le marché commun.

44
En outre, le gouvernement allemand estime que le fait que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle n’a pas pris en considération la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE constitue un défaut de motivation.

45
À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE, sont compatibles avec le marché commun «les aides octroyées à l’économie de certaines régions de la République fédérale d’Allemagne affectées par la division de l’Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division».

46
Après la réunification de l’Allemagne, cette disposition n’a été abrogée ni par le traité sur l’Union européenne ni par le traité d’Amsterdam (voir, notamment, arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, point 47).

47
Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au point 20 du présent arrêt, les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE, telles que celle prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte.

48
En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 21 du présent arrêt, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.

49
Par ailleurs, si, à la suite de la réunification de l’Allemagne, l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE a vocation à s’appliquer aux nouveaux Länder, cette application ne peut se concevoir que dans les mêmes conditions que celles qui étaient applicables dans les anciens Länder pour la période antérieure à la date de cette réunification (arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, point 51).

50
À cet égard, les termes «division de l’Allemagne» se réfèrent, historiquement, à l’établissement en 1948 de la ligne de partage entre les deux zones occupées. Dès lors, les «désavantages économiques causés par cette division» ne sauraient viser que les désavantages économiques provoqués dans certaines régions allemandes par l’isolement qu’a engendré l’établissement de cette frontière physique, tels que la rupture des voies de communication ou la perte de débouchés faisant suite à l’interruption des relations commerciales entre les deux parties du territoire allemand (arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, point 52).

51
En revanche, la conception selon laquelle l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE permettrait de compenser intégralement le retard économique incontestable dont souffrent les nouveaux Länder méconnaîtrait tant le caractère dérogatoire de cette disposition que son contexte et les objectifs qu’elle poursuit (arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, point 53).

52
En effet, les désavantages économiques dont souffrent globalement les nouveaux Länder n’ont pas été causés directement par la division géographique de l’Allemagne, au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE (arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, point 54).

53
Force est de constater, dès lors, que les différences de développement entre les anciens et les nouveaux Länder s’expliquent par d’autres causes que la coupure géographique résultant de la division de l’Allemagne et, notamment, par les régimes politico-économiques différents mis en place dans chaque partie de l’Allemagne (arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, point 55).

54
En l’occurrence, le gouvernement allemand s’est contenté, d’une part, de faire valoir que la ville de Francfort-sur-l’Oder est proche de la frontière avec la Pologne et, d’autre part, d’invoquer de manière abstraite un prétendu isolement économique de la région dans laquelle cette ville est située.

55
Dès lors, il convient de conclure que le gouvernement allemand n’a fourni aucun élément de nature à établir que les aides litigieuses étaient nécessaires pour compenser un désavantage économique causé par la division de l’Allemagne.

56
S’agissant, enfin, du grief relatif au défaut de motivation de la décision attaquée, il y a lieu de relever, ainsi que la Commission le fait valoir, que le gouvernement allemand a invoqué l’applicabilité de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE pour la première fois dans sa requête. En outre, ladite décision a été adoptée dans un contexte bien connu du gouvernement allemand et elle se situe dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante relative à l’interprétation de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, précité, point 105).

57
Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE en n’expliquant pas les raisons pour lesquelles elle a considéré que l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE n’était pas applicable en l’espèce.

58
Par conséquent, les deuxième et troisième moyens invoqués par la République fédérale d’Allemagne, en tant qu’ils concernent l’applicabilité de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE, doivent également être rejetés comme non fondés.

59
Dans ces conditions, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter les deuxième et troisième moyens invoqués par la République fédérale d’Allemagne au soutien de son recours.

Sur les premier et quatrième moyens

60
Par ses premier et quatrième moyens, qu’il convient d’examiner conjointement et qui s’articulent en cinq branches, le gouvernement allemand fait valoir que l’ordre de récupération contenu à l’article 3 de la décision attaquée est illégal en raison:

d’une violation des articles 87, paragraphe 1, CE et 88, paragraphe 2, CE, tirée de ce que la qualité de bénéficiaire des aides a été étendue de manière illégale, en raison d’une prétendue volonté de contourner l’obligation de remboursement;

d’une violation des droits de la défense et de l’article 88, paragraphe 2, CE, en tant que l’ordre de récupération est également dirigé contre SiMI, MD & D ainsi que contre d’autres entreprises non dénommées, sans que la Commission ait ouvert une procédure d’enquête spécifique à leur encontre;

d’une incompétence de la Commission pour définir la manière dont les autorités nationales doivent procéder pour récupérer les aides illégales;

d’une violation des formes substantielles, tirée d’une constatation insuffisante des faits et d’un défaut de motivation de la décision attaquée, et

d’une violation des principes de sécurité juridique et de proportionnalité.

Sur la première branche

    Arguments des parties

61
Le gouvernement allemand fait d’abord valoir que l’ordre de récupération contenu à l’article 3 de la décision attaquée viole les articles 87, paragraphe 1, CE et 88, paragraphe 2, CE, en ce qu’aucune des entreprises qui y sont mentionnées, à savoir SMI, SiMI, MD & D ainsi que d’autres entreprises non désignées, n’ont reçu des avantages pour un montant égal à 140,1 millions de DEM et qu’aucune d’entre elles n’a obtenu un avantage procuré par les différentes mesures adoptées par le liquidateur. En se référant à ces mesures, ce gouvernement fait notamment valoir, d’une part, que SiMI n’a perçu aucun avantage en raison de l’utilisation des actifs de SMI, étant donné qu’elle a payé à cette dernière un prix conforme à celui du marché, et, d’autre part, que MD & D n’a obtenu aucun avantage de l’acquisition de 80 % du capital de SiMI et des actifs de SMI, étant donné qu’elle a versé à cette dernière le prix du marché.

62
Sur un autre plan, le gouvernement allemand soutient que MD & D ne saurait être tenue de restituer les aides octroyées à SMI du seul fait qu’elle aurait acquis des actifs de cette société. Il serait en effet absurde de considérer que l’obligation de restitution devrait toujours suivre les actifs de SMI puisque, s’il en était ainsi, nul ne serait disposé à les acquérir, ce qui les condamnerait tout simplement à la destruction. Il fait en outre valoir que SiMI n’a pas été dissoute après la vente de ses actions à MD & D, mais a continué à exister, en maintenant intacts ses droits et obligations. En conséquence, les éventuelles dettes afférentes au remboursement des aides litigieuses devraient donc également subsister à l’égard de SiMI, MD & D ne pouvant être tenue pour responsable de ces dettes.

63
Le gouvernement allemand nie ensuite que les opérations effectuées par le liquidateur ont tendu à contourner l’obligation de restitution des aides litigieuses. En vendant les actifs de SMI au prix du marché, le liquidateur n’aurait en effet pas «mis à l’abri» les biens de cette société, étant donné que la somme obtenue grâce à une telle vente a été versée dans la masse de la faillite, sur laquelle pèse l’obligation de restitution. Cette obligation ne serait pas non plus contournée du fait que les actifs de SMI ont été vendus «en bloc», étant donné qu’une telle vente a produit une somme plus élevée que celle qui aurait été obtenue en vendant séparément les biens en question, ce qui a eu pour effet d’augmenter les ressources disponibles aux fins de la récupération des aides litigieuses. Au demeurant, même si SiMI et MD & D n’avaient pas été créées, aucun investisseur n’aurait été disposé à acquérir SMI, laquelle, en raison de toutes ses dettes, était insolvable, de sorte que le liquidateur ne pouvait faire autrement que de vendre au prix du marché les actifs de cette société.

64
Le gouvernement allemand conteste enfin la thèse de la Commission selon laquelle la distorsion de concurrence engendrée par l’octroi d’aides d’État ne serait pas éliminée si celui qui acquiert les actifs de l’entreprise bénéficiaire continue, avec ces actifs, l’activité économique exercée par cette dernière. Selon ce gouvernement, en effet, les personnes qui font l’acquisition au prix du marché des actifs de l’entreprise bénéficiaire ne provoquent aucune distorsion de concurrence étant donné qu’ils n’ont obtenu aucun avantage anormal par rapport à leurs concurrents.

65
La Commission précise tout d’abord en termes généraux son point de vue quant à la détermination des personnes tenues de rembourser les aides en cas de cession des actions ou des parts sociales de la société bénéficiaire («share deal») ou des actifs de celle-ci («asset deal»).

66
À cet égard, la Commission commence par observer que la question ne pose pas de difficultés particulières dans le cas du «share deal», étant donné que la société bénéficiaire continue d’exister, seule la propriété de celle-ci étant modifiée. Ainsi que le confirmerait également la jurisprudence de la Cour, dans cette hypothèse, l’obligation de restitution demeurerait à la charge de la société ayant reçu les aides, indépendamment des mutations affectant la propriété de celle-ci et de l’éventuelle prise en compte de l’obligation de récupération dans la détermination des conditions de vente desdites actions ou parts sociales. En continuant à exercer l’activité subventionnée, cette société continuerait en effet à tirer un avantage des aides, faisant ainsi perdurer la distorsion de concurrence.

67
Il n’y aurait pas non plus de difficultés particulières dans le cas où les actifs de la société bénéficiaire sont transférés à des entreprises appartenant à un même groupe. Dans ce cas, en sus de la société bénéficiaire, seraient en effet tenues de restituer les aides en cause les entreprises du groupe qui, grâce au transfert des actifs, ont pu tirer profit des effets favorables découlant de l’octroi de ces aides, en obtenant ainsi un avantage économique.

68
S’agissant, en revanche, de la vente à des entreprises tierces des actifs de la société bénéficiaire, la Commission opère une distinction selon que ceux-ci ont été vendus séparément ou «en bloc».

69
Dans l’hypothèse où ces actifs ont été vendus séparément, au prix du marché, les acquéreurs ne seraient pas tenus au remboursement des aides. En effet, en raison de cette vente séparée, l’activité subventionnée disparaîtrait, ce qui laisserait des possibilités aux concurrents de la société bénéficiaire. De la sorte, la récupération des aides auprès du vendeur, qu’il s’agisse de la société bénéficiaire elle-même, de la masse de la faillite ou de la liquidation, permettrait d’éliminer la distorsion de concurrence.

70
Des problèmes majeurs surgiraient en revanche dans le cas où les actifs ont été vendus «en bloc», de manière à permettre à l’acquéreur de poursuivre l’activité de la société bénéficiaire. Dans cette hypothèse, le fait de poursuivre l’activité subventionnée pourrait pérenniser la distorsion de concurrence, de sorte qu’une vigilance particulière serait nécessaire pour éviter que la cession des biens de la société bénéficiaire permette de contourner l’obligation de restitution en mettant « à l’abri » lesdits actifs. Selon la Commission, dans un tel cas de figure, le contournement n’est exclu que lorsque la cession «en bloc» des biens de la société bénéficiaire, outre qu’elle est intervenue au prix du marché, est opérée dans le cadre d’une procédure inconditionnelle et ouverte à tous les concurrents de cette dernière. Ainsi, ce ne serait que dans ce cas que les acquéreurs ne seraient pas tenus au remboursement des aides.

71
Ayant précisé sa position en termes généraux, la Commission, en se référant à la présente espèce, souligne que:

les décisions d’ouvrir la procédure de liquidation et de créer SiMI ainsi que MD & D ont été prises au cours des mois de juin et de juillet 1997, c’est-à-dire à un moment où les autorités allemandes étaient certainement déjà informées de l’intention de la Commission d’ouvrir une procédure d’enquête;

entre le milieu de l’année 1997 et les mois de juin et de juillet 1999, l’activité de SMI a été poursuivie au moyen de la location de ses actifs à SiMI. N’ayant pas obtenu d’informations lui permettant d’apprécier si le prix de location était conforme aux conditions du marché, la Commission ne pouvait que considérer que, durant cette période, SiMI ainsi que MD & D, qui est sa filiale à 100 %, avaient profité des aides illégalement accordées à SMI;

le 28 juin 1999, alors que la Commission s’apprêtait à adopter une décision négative assortie d’un ordre de récupération, MD & D a été vendue à trois de ses salariés et à Megaxess;

le 14 juillet suivant, les actions de SiMI et l’ensemble des actifs de SMI ont alors été vendus à MD & D, sans qu’une procédure ouverte et transparente ait été suivie.

72
Selon la Commission, il ressortirait de l’ensemble de ces circonstances que les différentes transactions ont été coordonnées de manière à faire peser l’obligation de restitution sur SMI et SiMI, tout en permettant à MD & D, libre de cette obligation, de poursuivre les activités économiques subventionnées. La Commission estime donc que le lien économique existant entre MD & D, d’une part, et SMI ainsi que SiMI, d’autre part, n’a pas été rompu, étant donné que les différentes transactions avaient pour seul objectif de permettre la poursuite de ces activités, en contournant l’ordre de récupération. Partant, il serait justifié d’étendre également à MD & D l’obligation de restitution des aides litigieuses.

    Appréciation de la Cour

73
À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément au droit communautaire, lorsqu’elle constate que des aides sont incompatibles avec le marché commun, la Commission peut enjoindre à l’État membre de récupérer ces aides auprès des bénéficiaires (voir, notamment, arrêts du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, Rec. p. 813, point 20, ainsi que du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, C‑328/99 et C‑399/00, Rec. p. I-4035, point 65).

74
La suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et vise au rétablissement de la situation antérieure (voir, notamment, arrêt Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, précité, point 66).

75
Cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire (arrêt du 4 avril 1995, Commission/Italie, C‑350/93, Rec. p. I-699, point 22) ou, en d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, Rec. p. I-1433, point 57). Par cette restitution, le bénéficiaire perd en effet l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (arrêt du 4 avril 1995, Italie/Commission, précité, point 22).

76
Il s’ensuit que le principal objectif visé par le remboursement d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale.

77
C’est donc à la lumière de ces constatations générales qu’il convient d’examiner la légalité de l’ordre de récupération figurant à l’article 3 de la décision attaquée.

78
S’agissant en premier lieu des aides accordées à SiMI, il convient de rappeler que, après l’octroi de celles-ci, cette société a été vendue à MD & D tout en conservant sa personnalité juridique. En d’autres termes, il s’agissait d’une cession au moyen d’une vente d’actions, à savoir un «share deal».

79
Il importe également de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 44 des motifs de la décision attaquée, la Commission a estimé que c’est MD & D, en tant qu’acquéreur de SiMI, qui doit restituer lesdites aides.

80
Or, selon la jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une entreprise ayant bénéficié d’une aide d’État illégale est rachetée au prix du marché, c’est-à-dire au prix le plus élevé qu’un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence était prêt à payer pour cette société dans la situation où elle se trouvait, notamment après avoir bénéficié d’aides d’État, l’élément d’aide a été évalué au prix du marché et inclus dans le prix d’achat. Dans de telles conditions, l’acheteur ne saurait être considéré comme ayant bénéficié d’un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2001, Banks, C-390/98, Rec. p. I-6117, point 77).

81
S’agissant de la présente espèce, l’entreprise à laquelle des aides d’État illégales ont été octroyées conserve sa personnalité juridique et continue à effectuer, pour elle-même, les activités subventionnées par les aides d’État. Dès lors, c’est normalement cette entreprise qui conserve l’avantage concurrentiel lié auxdites aides et c’est donc celle-ci qui doit être obligée de rembourser un montant égal à celui de ces aides. Il ne peut donc être demandé à l’acheteur de rembourser de telles aides.

82
Il est en outre constant que la Commission n’a pas pris en considération le prix de vente des actions de SiMI à MD & D et s’est bornée à constater, au point 44 des motifs de la décision attaquée, que, «[d]ans la mesure où la présente décision concerne l’aide accordée à SiMI, il faut considérer que le capital de cette société a été vendu le 14 juillet 1999 à MD & D. C’est donc MD & D qui doit restituer l’aide».

83
Il convient dès lors de conclure que, en ordonnant à MD & D de restituer les aides d’État accordées à SiMI, la Commission a méconnu les principes régissant la récupération des aides d’État.

84
En ce qui concerne en second lieu les aides accordées à SMI, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 50 à 52 des motifs de la décision attaquée, la Commission a considéré comme bénéficiaires desdites aides à la fois SMI, SiMI, MD & D ainsi que toute entreprise qui aurait acquis les actifs de l’une de ces trois sociétés sous une forme destinée à contourner les conséquences de ladite décision. En outre, lors de l’audience, la Commission a précisé qu’elle considère à cet égard que l’obligation de restitution de toutes les sociétés mentionnées à l’article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée est solidaire.

85
Eu égard au fait que, en l’occurrence, SMI se trouve en liquidation depuis l’ouverture de la procédure de faillite le 1er juillet 1997, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence relative aux entreprises bénéficiaires d’aides tombées en faillite, le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l’inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées. En effet, selon cette jurisprudence, une telle inscription serait suffisante (arrêts du 15 janvier 1986, Commission/Belgique, 52/84, Rec. p. 89, point 14, et du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C-142/87, Rec. p. I‑959, points 60 à 62).

86
Certes, il ne saurait être exclu que, dans l’hypothèse où des sociétés de cantonnement sont créées afin de poursuivre une partie des activités de l’entreprise bénéficiaire des aides lorsque celle-ci est tombée en faillite, lesdites sociétés puissent également, le cas échéant, être tenues au remboursement des aides en question, dès lors qu’il serait établi qu’elles conservent la jouissance effective de l’avantage concurrentiel lié au bénéfice desdites aides. Tel pourrait en effet être le cas, notamment, lorsque ces sociétés de cantonnement procèdent à l’acquisition des actifs de la société en liquidation sans verser en contrepartie un prix conforme aux conditions du marché ou lorsque il est établi que la création de telles sociétés a eu pour effet de contourner l’obligation de restitution de ces aides.

87
En l’espèce, s’agissant tout d’abord de l’obligation de restitution mise à la charge de SiMI par la Commission, il ressort du point 71 du présent arrêt que cette dernière a fondé son appréciation, d’une part, sur la circonstance que SiMI avait poursuivi l’activité de SMI au moyen de la location des installations de cette dernière et, d’autre part, sur le fait qu’elle n’avait pas obtenu d’informations lui permettant de déterminer si le prix de location était conforme aux conditions du marché.

88
Or, il importe de relever que le seul fait que les installations de SMI ont été prises en location, pour une certaine période, par SiMI n’est pas susceptible, à lui seul, d’établir que cette dernière a bénéficié de l’avantage concurrentiel lié aux aides accordées au bailleur près de trois ans avant la création du preneur. Par ailleurs, le gouvernement allemand a soutenu, sans être contredit sur ce point par la Commission, que le prix de location en question était conforme aux conditions du marché.

89
Dès lors, dans la mesure où elle ordonne la restitution par SiMI des aides accordées à SMI, la décision attaquée n’est pas conforme aux principes régissant la récupération des aides d’État illégales.

90
En ce qui concerne, ensuite, l’obligation de restitution des aides accordées à SMI mise à la charge de MD & D, il ressort des motifs de la décision attaquée que la Commission a, pour l’essentiel, fondé son appréciation sur l’existence d’une volonté de contourner les conséquences de cette décision, laquelle, selon la Commission, résulte objectivement du fait que toutes les opérations d’achat-vente en cause, à savoir la vente de MD & D à Megaxess, la vente des parts sociales de SiMI à MD & D et la vente à cette dernière des actifs de SMI, étaient étroitement liées entre elles et ont abouti à ce que tous les actifs possédés par SMI et utilisés par SiMI soient placés sous le contrôle des associés de MD & D, de sorte qu’ils étaient ainsi protégés contre la restitution des aides litigieuses.

91
Cette argumentation ne saurait être accueillie.

92
En premier lieu, ainsi que le gouvernement allemand l’a relevé sans être contredit par la Commission, tant la vente des parts sociales de SiMI à MD & D que la vente à cette dernière des actifs de SMI ont été effectuées au prix du marché. Il s’ensuit que ces opérations n’ont pas soustrait des ressources à la masse de la faillite.

93
En deuxième lieu, l’ensemble de ces opérations n’ont pas été effectuées par SMI, mais ont été réalisées à l’initiative de l’administrateur de la faillite qui, agissant sous surveillance judiciaire, avait pour mission d’œuvrer à la satisfaction la plus complète possible des créanciers. Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 99 de ses conclusions, la Commission n’a invoqué aucun élément susceptible d’établir que, en l’espèce, des actes frauduleux, de nature à appauvrir le patrimoine de l’entreprise en liquidation, auraient été accomplis au détriment des créanciers de celle-ci et elle n’a pas non plus soutenu que le principe d’égalité des créanciers aurait été enfreint au détriment des créanciers publics. Dès lors, si les créances afférentes à la récupération des aides litigieuses ont été correctement inscrites au passif de la liquidation, la vente des biens patrimoniaux de SMI au prix de marché n’a pas pu impliquer un contournement de l’obligation de restitution de ces aides.

94
En troisième lieu, ne saurait davantage être accueilli l’argument de la Commission selon lequel la distorsion de concurrence ne peut en l’occurrence être éliminée par l’inscription de la créance pertinente au passif de la masse de la faillite de SMI, puisque la vente des actifs de cette dernière à MD & D a été effectuée, d’une part, «en bloc» et, d’autre part, sans recourir à une procédure ouverte et transparente, en permettant ainsi à cette dernière société de poursuivre les activités subventionnées.

95
Outre que cette argumentation ne figure pas dans les motifs de la décision attaquée comme fondement de l’obligation de MD & D de restituer les aides accordées à SMI, il ressort tant desdits motifs que des pièces du dossier que ladite vente s’est déroulée sous le contrôle d’un tribunal et qu’elle ne s’est pas produite immédiatement, mais a été précédée de tentatives infructueuses avec une autre société américaine. Or, ces éléments constituent des indices de nature à établir que la procédure suivie était suffisamment ouverte et transparente. En outre, la Commission n’a présenté aucune indication susceptible de démontrer que des concurrents de SMI se sont plaints du manque de transparence qui, selon la Commission, a caractérisé cette opération.

96
Eu égard à ces éléments, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas établi l’existence d’une opération de contournement des conséquences de la décision attaquée, susceptible de fonder une obligation à la charge de MD & D de restituer les aides illégales accordées à SMI.

97
Par conséquent, dans la mesure où elle ordonne à MD & D de restituer les aides accordées à SMI, la décision attaquée n’est pas conforme aux principes régissant la récupération des aides d’État illégales.

98
En ce qui concerne, enfin, l’extension de cette obligation de restitution à «toute entreprise à laquelle les actifs de SMI, de SiMI ou de MD & D ont été ou seront transférés sous une forme destinée à contourner les conséquences de cette décision», il importe de relever que, ainsi qu’il ressort du dossier, cette extension ne peut concerner que Megaxess. Or, compte tenu du fait que ni MD & D ni SiMI ne peuvent, en l’espèce, être tenues de procéder à la restitution des aides illégales accordées à SMI, il en est de même, à plus forte raison, pour Megaxess qui, en l’espèce, s’est bornée à acquérir 80 % des parts sociales de MD & D.

99
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’accueillir la première branche des premier et quatrième moyens invoqués par la République fédérale d’Allemagne et d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle ordonne la récupération des aides accordées à SMI auprès d’entreprises autres que celle-ci et celle des aides accordées à SiMI auprès d’entreprises autres que cette dernière.

100
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner les autres branches des premier et quatrième moyens.


Sur les dépens

101
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, du même règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La République fédérale d’Allemagne et la Commission ayant partiellement succombé en leurs moyens, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.


Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1)
La décision 2000/567/CE de la Commission, du 11 avril 2000, relative à l’aide d’État accordée par l’Allemagne en faveur de System Microelectronic Innovation GmbH, Francfort-sur-l’Oder (Brandebourg), est annulée en ce qu’elle ordonne la récupération des aides accordées à System Microelectronic Innovation GmbH auprès d’entreprises autres que celle-ci et celle des aides accordées à Silicium Microelectronic Integration GmbH auprès d’entreprises autres que cette dernière.

2)
Le recours est rejeté pour le surplus.

3)
La République fédérale d’Allemagne et la Commission des Communautés européennes supportent chacune leurs propres dépens.

Skouris

Gulmann

Puissochet

Schintgen

Colneric

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2004.

Le greffier

Le président

R. Grass

V. Skouris


1
Langue de procédure: l'allemand.