Language of document : ECLI:EU:T:2014:777

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

      18 septembre 2014      (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Recours en annulation – Litispendance – Obligation de motivation – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑262/12,

Central Bank of Iran, établie à Téhéran (Iran), représentée par Mme M. Lester, barrister,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant, en substance, pour objet une demande d’annulation, premièrement, de la décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 19, p. 22), et de la décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 58), en ce que celles-ci ont inscrit ou maintenu, après réexamen, inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), et, deuxièmement, du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), et du règlement d’exécution (UE) n° 945/2012 du Conseil, du 15 octobre 2012, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 282, p. 16), en ce que ceux-ci ont inscrit ou maintenu, après réexamen, inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 décembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin à ses activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci-après la « prolifération nucléaire »).

 Mesures restrictives visant la requérante

2        La requérante, Central Bank of Iran, est la banque centrale de l’Iran.

3        Le 9 juin 2010, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution S/RES/1929 (2010) destinée à élargir la portée des mesures restrictives instituées par les précédentes résolutions S/RES/1737 (2006), du 27 décembre 2006, S/RES/1747 (2007), du 24 mars 2007 et S/RES/1803 (2008), du 3 mars 2008, et à instaurer des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de l’Iran.

4        Le 17 juin 2010, le Conseil européen a adopté une déclaration sur l’Iran dans laquelle il a souligné qu’il était de plus en plus préoccupé par le programme nucléaire iranien et s’est félicité de l’adoption de la résolution S/RES/1929 (2010). Rappelant sa déclaration du 11 décembre 2009, le Conseil européen a notamment invité le Conseil de l’Union européenne à adopter des mesures restrictives mettant en œuvre celles prévues dans la résolution S/RES/1929 (2010). Conformément à la déclaration du Conseil européen, les mesures restrictives devaient notamment être appliquées à l’égard de personnes et d’entités autres que celles désignées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le comité créé en vertu du paragraphe 18 de la résolution S/RES/1737 (2006), mais en utilisant les mêmes critères que ceux appliqués par ces derniers.

5        Le 1er décembre 2011, le Conseil a exprimé à nouveau sa préoccupation croissante concernant la nature du programme nucléaire mis en œuvre par l’Iran, en particulier au sujet des conclusions sur les activités iraniennes liées au développement de la technologie nucléaire militaire, qui figuraient dans le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Compte tenu de ces préoccupations et conformément à la déclaration du Conseil européen du 23 octobre 2011, le Conseil a décidé d’élargir les sanctions existantes en examinant, en étroite coordination avec ses partenaires internationaux, des mesures supplémentaires, dont des mesures visant à affecter sérieusement le système financier de l’Iran.

6        Le 9 décembre 2011, le Conseil européen a fait siennes les conclusions adoptées par le Conseil le 1er décembre 2011 et invité ce dernier à poursuivre en priorité ses travaux relatifs à l’extension du champ d’application des mesures restrictives de l’Union européenne à l’encontre de l’Iran.

7        Par la décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 19, p. 22), le nom de la requérante a été inscrit dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39).

8        Par voie de conséquence, par le règlement d’exécution (UE) n° 54/2012 du Conseil, du 23 janvier 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 19, p. 1), le nom de la requérante a été inscrit dans la liste figurant à l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1). Cette inscription a pris effet le 24 janvier 2012. Elle a eu notamment pour effet le gel des fonds et des ressources économiques (ci-après le « gel des fonds ») de la requérante.

9        L’inscription du nom de la requérante dans les listes précitées était fondée sur le motif suivant :

« Impliquée dans des activités visant à contourner les sanctions. »

10      Par lettre du 24 janvier 2012, reçue par la requérante le 6 février 2012, le Conseil a informé cette dernière de l’inscription de son nom dans les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/35, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, dans sa version modifiée par le règlement d’exécution n° 54/2012. Une copie de la décision 2012/35 et du règlement d’exécution n° 54/2012 était jointe en annexe à cette lettre.

11      Lors de l’adoption du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), l’inscription du nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, dans sa version modifiée par le règlement d’exécution n° 54/2012, a été abrogée pour être remplacée par l’inscription du nom de celle-ci, pour des motifs identiques à ceux déjà mentionnés au point 9 ci-dessus, dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 (ci-après, ensemble avec la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/35, les « listes litigieuses »), avec effet au 24 mars 2012.

12      Par lettre du 26 mars 2012, la requérante a nié toute implication personnelle dans des activités visant à contourner les sanctions et demandé, par conséquent, au Conseil de revoir l’inscription de son nom dans les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/35, et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, dans sa version modifiée par le règlement d’exécution n° 54/2012. Elle a également demandé la transmission des éléments justifiant cette inscription.

 Faits postérieurs à l’introduction du recours

13      Par lettre du 2 août 2012, le Conseil a informé la requérante de son intention de compléter les motifs justifiant l’inscription de son nom dans les listes litigieuses, en incluant une référence au fait qu’elle apportait un appui financier au gouvernement iranien et qu’elle entrait, de ce fait, dans le champ d’application de l’article 20, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/35, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012.

14      Par lettre du 7 octobre 2012, la requérante a reproché au Conseil de ne pas avoir respecté l’obligation de motivation qui lui incombait. Elle a nié toute implication dans des activités visant à contourner les sanctions à l’encontre de l’Iran ou à apporter un soutien financier au gouvernement iranien pour la prolifération nucléaire. Enfin, elle a de nouveau demandé au Conseil de lui transmettre les éléments justifiant l’inscription de son nom dans les listes litigieuses.

15      Par la décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58), les motifs de l’inscription du nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/35, ont été complétés comme suit :

« Impliquée dans des activités visant à contourner les sanctions. Apporte un soutien financier au gouvernement iranien. »

16      Par voie de conséquence, par le règlement d’exécution (UE) n° 945/2012 du Conseil, du 15 octobre 2012, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 282, p. 16), les motifs de l’inscription du nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 ont également été complétés comme indiqué au point 15 ci-dessus.

17      Par lettre du 28 novembre 2012, la requérante a, une nouvelle fois, demandé au Conseil de lui communiquer les éléments justifiant l’inscription de son nom dans les listes litigieuses.

18      Par lettre du 10 décembre 2012, le Conseil a indiqué à la requérante que l’inscription de son nom dans les listes litigieuses était fondée sur une proposition d’inscription transmise par un État membre, qui ne pouvait être indiqué pour des raisons de confidentialité. Le contenu de cette proposition, tel que figurant dans la note de transmission du Conseil désignée sous la référence 17576/12, jointe à la lettre du 10 décembre 2012, était rédigé comme suit :

« Les activités de la [requérante] aident à contourner les sanctions internationales à l’encontre de l’Iran.

Cette mesure [restrictive prise à l’égard de la requérante] pourrait substantiellement renforcer la pression diplomatique exercée actuellement sur l’Iran. »

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 juin 2012, la requérante a introduit le présent recours, qui a été attribué à la quatrième chambre du Tribunal pour cause de connexité.

20      Le 25 septembre 2012, le Conseil a déposé un mémoire en défense, dans lequel il a conclu à l’irrecevabilité du recours.

21      Le 20 décembre 2012, la requérante a déposé une réplique, en annexe de laquelle elle a produit un témoignage de son vice-gouverneur aux affaires de change, Mme R.

22      Compte tenu des doutes existant sur la recevabilité du présent recours, la requérante a décidé, par requête déposée au greffe du Tribunal, par le biais de l’application e-curia, le 26 décembre 2012, à 20 h 44, d’introduire un nouveau recours visant, en substance, à l’annulation de la décision 2012/635 et du règlement d’exécution n° 945/2012, en ce que ceux-ci ont maintenu, après réexamen, son nom inscrit dans les listes litigieuses. Ce recours a été enregistré sous la référence T‑563/12.

23      Le même jour, à 21 h 19, la requérante a déposé au greffe du Tribunal, par le biais de l’application e-curia, un mémoire portant adaptation de ses conclusions, afin qu’elles visent également les actes mentionnés au point 22 ci-dessus. Dans ce mémoire, elle demandait également au Tribunal, s’il jugeait « la […] requête modifiée [par le mémoire portant adaptation des conclusions] recevable dans son intégralité, […] de joindre [la présente affaire à l’affaire T‑563/12] ou de […] traiter [ces deux affaires] comme une requête en annulation unique ».

24      Le 28 février 2013, le Conseil a déposé une duplique.

25      Par acte déposé le 21 mars 2013, le Conseil a fait valoir ses observations sur l’adaptation des conclusions du recours.

26      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir du 23 septembre 2013, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

27      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions. La requérante et le Conseil ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

28      La requérante et le Conseil ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 décembre 2013. Au cours de l’audience, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours, elle-même fondée sur de nouvelles fins de non-recevoir des conclusions en annulation, premièrement, de la décision 2012/635, en ce que celle-ci a maintenu le nom de la requérante inscrit dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, et, deuxièmement, du règlement n° 267/2012 et du règlement d’exécution n° 945/2012, en ce que ceux-ci ont inscrit ou maintenu inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012. La requérante a été entendue sur l’exception d’irrecevabilité et les fins de non-recevoir ainsi soulevées, pour la première fois, par le Conseil, mais a affirmé ne pas être en mesure d’y répondre utilement lors de l’audience. Cette exception d’irrecevabilité et les observations de la requérante ont été consignées dans le procès-verbal d’audience.

29      Par lettre déposée au greffe le 12 février 2014, le Conseil a demandé une modification du procès-verbal d’audience en vue de clarifier l’exception d’irrecevabilité soulevée lors de l’audience.

30      Par ordonnance du Tribunal du 18 mars 2014, la procédure orale a été rouverte.

31      Conformément à l’article 7, paragraphe 2, des instructions au greffier du Tribunal, le président de la première chambre du Tribunal a décidé de verser au dossier la lettre déposée le 12 février 2014.

32      La requérante n’a pas déposé d’observations sur ladite lettre.

33      Par décision du 11 avril 2014, le président de la première chambre du Tribunal a accueilli la demande de modification du procès-verbal d’audience déposée par le Conseil.

34      Par ailleurs, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à une nouvelle question portant sur les conséquences à tirer, quant à une éventuelle litispendance, de l’heure de validation enregistrée dans l’application e-Curia concernant, respectivement, le dépôt du mémoire portant adaptation des conclusions dans la présente affaire et le dépôt du recours dans l’affaire T‑563/12 actuellement pendante devant le Tribunal.

35      La requérante et le Conseil ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

36      Dans la requête et le mémoire portant adaptation des conclusions, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, premièrement, la décision 2012/35 et la décision 2012/635, en ce que celles-ci ont inscrit ou maintenu, après réexamen, inscrit son nom dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, et, deuxièmement, le règlement n° 267/2012 et le règlement d’exécution n° 945/2012, en ce que ceux-ci ont inscrit ou maintenu, après réexamen, inscrit son nom dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

37      Le Conseil conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur le relevé d’office d’une exception de litispendance concernant les conclusions en annulation de la décision 2012/635 et du règlement d’exécution n° 945/2012, en ce que ceux-ci ont maintenu, après réexamen, le nom de la requérante inscrit dans les listes litigieuses

38      Il y a lieu de rappeler que le juge de l’Union peut, à tout moment, examiner d’office les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent, selon la jurisprudence, les conditions de recevabilité d’un recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 décembre 1960, Humblet/État belge, 6/60, Rec. p. 1125, 1147). Le contrôle du Tribunal n’est donc pas limité aux fins de non-recevoir soulevées par les parties (ordonnance du Tribunal du 10 juillet 2002, Comitato organizzatore del convegno internazionale/Commission, T‑387/00, Rec. p. II‑3031, point 36).

39      Selon une jurisprudence constante, un recours introduit postérieurement à un autre, qui oppose les mêmes parties, qui est fondé sur les mêmes moyens et qui tend à l’annulation du même acte juridique, doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance (arrêt du Tribunal du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑618/11 P, non encore publié au Recueil, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 septembre 1988, France/Parlement, 358/85 et 51/86, Rec. p. 4821, point 12).

40      L’adaptation de conclusions opérée par acte déposé au greffe du Tribunal en cours d’instance, dans les circonstances telles que celles de l’espèce, constitue un acte de procédure qui, sans préjudice d’une décision ultérieure du Tribunal sur la recevabilité, équivaut à l’introduction d’un recours par voie de requête (ordonnance du Tribunal du 21 juin 2012, Hamas/Conseil, T‑531/11, non publiée au Recueil, point 16).

41      En l’espèce, les conclusions en annulation contenues dans le mémoire portant adaptation des conclusions (point 23 ci-dessus) et celles contenues dans la requête introductive d’instance dans l’affaire T‑563/12 (point 22 ci-dessus) opposent les mêmes parties, sont fondées sur les mêmes moyens et tendent à l’annulation des mêmes actes juridiques, à savoir la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012, en ce que ceux-ci ont maintenu, après réexamen, le nom de la requérante inscrit dans les listes litigieuses.

42      Contrairement à ce que soutient le Conseil, qui a soulevé l’exception de litispendance à l’encontre du recours dans l’affaire T‑563/12, il ne peut être considéré que ce recours soit postérieur au mémoire portant adaptation des conclusions du présent recours. Il ressort, au contraire, des heures de dépôt mentionnées aux points 22 et 23 ci-dessus que ce mémoire a été déposé postérieurement au recours dans l’affaire T‑563/12.

43      Il convient, en outre, de préciser que, contrairement à ce que soutient la requérante, une éventuelle jonction de la présente affaire avec l’affaire T‑563/12, en vertu de l’article 50 du règlement de procédure, ne permettrait pas de couvrir la litispendance constatée en l’espèce, dans la mesure où il résulte de cette disposition qu’une ordonnance de jonction n’affecte pas l’indépendance et la nature autonome des affaires qui y sont visées, une décision de les disjoindre étant toujours possible (arrêts de la Cour du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission, C‑280/99 P à C‑282/99 P, Rec. p. I‑4717, point 66, et du Tribunal du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec. p. II‑5527, point 71).

44      Il s’ensuit que les conclusions en annulation de la décision 2012/635 et du règlement d’exécution n° 945/2012, en ce que ceux-ci ont maintenu, après réexamen, le nom de la requérante inscrit dans les listes litigieuses, doivent être rejetées comme étant irrecevables, pour cause de litispendance, en raison de l’introduction du recours dans l’affaire T‑563/12.

 Sur la tardiveté des conclusions en annulation de la décision 2012/35, en ce que celle-ci a inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413

45      Le Conseil conclut au rejet, comme étant irrecevables, pour cause de tardiveté, des conclusions en annulation de la décision 2012/35, en ce que celle-ci a inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413.

46      La requérante conclut à la recevabilité du recours, dans son intégralité, sans répondre expressément à la fin de non-recevoir, tirée de la tardiveté partielle du recours, soulevée par le Conseil.

47      Selon la jurisprudence, le principe de protection juridictionnelle effective implique que l’autorité de l’Union qui adopte des mesures restrictives individuelles à l’égard d’une personne ou d’une entité communique les motifs sur lesquels ces mesures sont fondées soit au moment où ces mesures sont adoptées soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après leur adoption, afin de permettre à cette personne ou à cette entité l’exercice de son droit de recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec. p. I‑11381, point 47, et la jurisprudence citée).

48      Il en découle que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre un acte imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité commence uniquement à courir à partir de la date de la communication de cet acte à l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, non encore publié au Recueil, points 54 à 59).

49      En l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante a, le 6 février 2012, reçu communication de la lettre du Conseil du 24 janvier 2012, à laquelle était jointe la copie de la décision 2012/35.

50      Il s’ensuit que, dans la mesure où le présent recours, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision 2012/35, a été introduit au greffe du Tribunal le 12 juin 2012, soit plus de quatre mois après la réception par la requérante de la lettre du Conseil du 24 janvier 2012, celui-ci a été présenté, en ce qui concerne cet acte, au-delà du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE et à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure.

51      Partant, ce recours doit être rejeté comme étant irrecevable, dans la mesure où il vise l’annulation de la décision 2012/35, en ce que celle-ci a inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413.

 Sur l’exception d’irrecevabilité et les fins de non-recevoir soulevées par le Conseil, pour la première fois, lors de l’audience

52      L’exception d’irrecevabilité soulevée à l’encontre du recours, par le Conseil, pour la première fois, lors de l’audience, est elle-même fondée sur de nouvelles fins de non-recevoir soulevées à l’encontre des conclusions tendant, premièrement, à l’annulation de la décision 2012/635, en ce que celle-ci a maintenu le nom de la requérante inscrit dans la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, et, deuxièmement, à l’annulation du règlement n° 267/2012 et du règlement d’exécution n° 945/2012, en ce que ceux-ci ont inscrit ou maintenu inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012. Ces fins de non-recevoir sont tirées de ce que, d’une part, le règlement n° 267/2012, dans la mesure où il concerne la requérante, est un acte purement confirmatif du règlement d’exécution n° 54/2012, en ce que celui-ci a inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, et de ce que, d’autre part, la requérante n’est pas recevable à adapter ses conclusions en annulation pour viser la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012 si les conclusions en annulation de la décision 2012/35 et du règlement n° 267/2012, figurant dans la requête introductive d’instance, sont elles-mêmes rejetées comme étant irrecevables.

53      Sans même qu’il y ait lieu de répondre à la question de savoir si l’exception d’irrecevabilité du recours et les nouvelles fins de non-recevoir ont été soulevées trop tardivement pour permettre à la requérante de se défendre utilement lors de l’audience (voir point 28 ci-dessus), il y a lieu, en tout état de cause, de constater que, pour partie, il n’y a plus lieu de statuer sur celles-ci et que, pour le reste, elles doivent être rejetées comme étant non fondées.

54      D’une part, il n’y a plus lieu de statuer sur les fins de non-recevoir tirées de ce que la requérante n’est pas recevable à adapter ses conclusions pour viser l’annulation de la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012, dans la mesure où ces conclusions ont déjà été rejetées comme étant irrecevables pour cause de litispendance (voir point 44 ci-dessus).

55      D’autre part, le Conseil n’est pas fondé à prétendre que le règlement n° 267/2012, dans la mesure où il concerne la requérante, est un acte purement confirmatif du règlement d’exécution n° 54/2012, en ce que celui-ci a inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. En effet, le règlement n° 267/2012, dans la mesure où il concerne la requérante, a eu pour effet d’abroger l’inscription du nom de celle-ci dans la liste figurant à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 pour la remplacer par l’inscription de son nom dans la liste figurant à son annexe IX, avec effet au 24 mars 2012. Il s’ensuit que, après cette dernière date, la mesure de gel des fonds dont la requérante faisait l’objet n’a plus été fondée sur l’inscription de son nom dans la liste figurant à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, mais uniquement sur l’inscription de son nom dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, laquelle produisait ainsi des effets juridiques propres à l’égard de la requérante. Ainsi, contrairement à ce que prétend le Conseil, le simple fait que cette dernière inscription se fonde sur des motifs identiques à ceux qui justifiaient l’inscription du nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 ne permet pas de conclure, dans les circonstances particulières de l’espèce, que la première est un acte purement confirmatif de la seconde, qui ne produit pas d’effet juridique propre à l’égard de la requérante et dont, partant, cette dernière n’est pas recevable à demander l’annulation. Par conséquent, la fin de non-recevoir fondée sur le caractère purement confirmatif du règlement n° 267/2012, dans la mesure où il concerne la requérante, doit être rejetée.

56      Dans la mesure où les nouvelles fins de non-recevoir soulevées par le Conseil ne permettent pas de rejeter, comme étant irrecevables, les conclusions en annulation du règlement n° 267/2012, dans la mesure où il concerne la requérante, elles ne peuvent justifier d’accueillir l’exception d’irrecevabilité à l’encontre de l’ensemble du recours, telle que soulevée par le Conseil lors de l’audience.

 Sur l’irrecevabilité du recours, en ce que tous les moyens invoqués à l’appui de celui-ci se fondent sur l’invocation, par la requérante, de protections et de garanties liées aux droits fondamentaux

57      Le Conseil soutient que le recours est irrecevable, en ce qu’il s’appuie sur des moyens qui sont tous fondés sur l’invocation, par la requérante, de protections et de garanties liées aux droits fondamentaux. Or, selon le Conseil, en tant que banque centrale de l’Iran, la requérante est une organisation gouvernementale qui ne bénéficie pas des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux, qu’elle invoque devant le Tribunal.

58      La requérante conclut au rejet de la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, au motif qu’elle a qualité pour invoquer les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux.

59      Il convient d’observer que, contrairement à ce que prétend le Conseil, tous les moyens qui viennent à l’appui du présent recours ne se fondent pas sur une invocation, par la requérante, des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux. Ainsi le premier moyen est-il tiré d’une erreur d’appréciation. Partant, la présente exception d’irrecevabilité n’est pas fondée en fait.

60      En outre, cette exception n’est pas fondée en droit dans la mesure où, selon la jurisprudence, la question de savoir si la requérante est titulaire des droits qu’elle invoque dans le cadre des deuxième, troisième et quatrième moyens ne concerne pas la recevabilité de ces moyens et, partant, du recours qui s’appuie sur ces derniers, mais leur bien-fondé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 septembre 2013, Post Bank Iran/Conseil, T‑13/11, non encore publié au Recueil, point 54).

61      Partant, l’exception d’irrecevabilité du recours doit être rejetée comme étant non fondée.

62      Aux termes des développements qui précèdent, il y a lieu de constater que le présent recours est recevable uniquement dans la mesure où il vise à l’annulation du règlement n° 267/2012, en ce que celui-ci a inscrit le nom de la requérante dans la liste figurant à son annexe IX (ci-après l’« acte litigieux »).

 Sur le fond

63      La requérante avance formellement quatre moyens à l’appui de ses conclusions en annulation de l’acte litigieux. Le premier moyen est tiré d’une erreur d’appréciation. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense et du droit à un contrôle juridictionnel effectif. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité et de la violation des droits fondamentaux de la requérante, notamment le droit à la protection de sa propriété et de sa réputation.

64      Il y a lieu d’examiner le deuxième moyen, pris d’une violation de l’obligation de motivation, en abordant, en premier lieu, la question générale de savoir si, contrairement à ce que soutient le Conseil, la requérante peut se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux qu’elle invoque et, en second lieu, s’il peut être constaté spécifiquement, en l’espèce, une violation de l’obligation de motivation.

 Sur l’aptitude de la requérante à se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux

65      Le Conseil fait valoir que des personnes morales qui constituent des organisations gouvernementales ou des organismes étatiques ne peuvent pas invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux. Dans la mesure où la requérante, en tant que banque centrale de l’Iran, serait une organisation gouvernementale iranienne ou un organisme étatique iranien, cette règle lui serait applicable.

66      La requérante réfute les arguments présentés par le Conseil et soutient avoir qualité pour invoquer le bénéfice des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux.

67      Ni la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ni les traités ne comportent de dispositions excluant les personnes morales qui sont des organisations gouvernementales ou des organismes étatiques du bénéfice de la protection des droits fondamentaux. Au contraire, les dispositions de ladite charte qui revêtent un caractère pertinent au regard des moyens soulevés par la requérante, notamment ses articles 17, 41 et 47, garantissent les droits de « [t]oute personne », cette formulation incluant les personnes morales telles que la requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, non encore publié au Recueil, point 65).

68      Le Conseil invoque néanmoins, dans ce contexte, l’article 34 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, qui n’admet pas la recevabilité des requêtes présentées devant la Cour européenne des droits de l’homme par des organisations gouvernementales.

69      Or, pour les motifs qui figurent au point 67 de l’arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, l’article 34 de la CEDH, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, n’est pas applicable au cas d’espèce. En effet, d’une part, l’article 34 de la CEDH est une disposition procédurale qui n’est pas applicable aux procédures devant le juge de l’Union et, d’autre part, le raisonnement qui sous-tend la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon lequel le but de cette disposition est d’éviter qu’un État partie à la CEDH soit à la fois requérant et défendeur devant ladite Cour, n’est pas applicable dans un cas comme celui de l’espèce.

70      Le Conseil fait également valoir que la règle qu’il invoque est justifiée par le fait qu’un État est garant du respect des droits fondamentaux sur son territoire, mais ne peut pas bénéficier de tels droits.

71      Toutefois, à supposer même que cette justification trouve à s’appliquer dans une situation interne à un État, la circonstance selon laquelle un État est le garant du respect des droits fondamentaux sur son propre territoire est sans pertinence s’agissant de l’étendue des droits dont peuvent bénéficier des personnes morales qui sont des émanations de ce même État, sur le territoire d’autres États.

72      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le droit de l’Union ne contient pas de règle s’opposant à ce que des personnes morales qui sont des organisations gouvernementales ou des organismes étatiques invoquent à leur profit les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux. Ces mêmes droits peuvent donc être invoqués par lesdites personnes devant le juge de l’Union pour autant qu’ils soient compatibles avec leur qualité de personne morale (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, point 70).

73      Il s’ensuit que la requérante peut se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux, qu’elle invoque notamment dans le cadre du deuxième moyen.

 Sur la violation alléguée de l’obligation de motivation

74      La requérante soutient que le Conseil n’a pas respecté l’obligation de motiver les actes qu’il adopte, découlant de l’article 296 TFUE, telle qu’interprétée par la jurisprudence. Dans l’acte litigieux, le Conseil n’aurait pas précisé sur quel critère précis, énoncé à l’article 23 du règlement n° 267/2012, il se serait fondé pour inscrire son nom dans la liste figurant à l’annexe IX de ce même règlement. Les allégations selon lesquelles elle aurait été « impliquée dans des activités visant à contourner les sanctions » seraient vagues et ne fourniraient aucune indication précise sur ce qui lui serait exactement reproché. Ils paraphraseraient le critère énoncé à l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012. En l’espèce, elle aurait fait de son mieux pour contester l’inscription de son nom dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, sans connaître les raisons précises de cette inscription. Les motifs invoqués seraient tellement vagues et imprécis qu’il ne pourrait y être répondu que sous la forme d’une dénégation générale, comme dans les lettres des 26 mars et 7 octobre 2012 ou dans le témoignage de Mme R. Ces motifs ne répondraient donc pas aux exigences de la jurisprudence. En outre, le Conseil aurait omis d’exposer les raisons pour lesquelles il n’a pas tenu compte de ses déclarations attestant qu’elle n’avait jamais été impliquée dans la prolifération nucléaire ou le contournement des sanctions, lesquelles auraient ensuite été confirmées par le témoignage de Mme R.

75      Le Conseil réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du deuxième moyen, au motif que la motivation de l’acte litigieux permettait à la requérante de comprendre la portée de la mesure restrictive prise à son égard et lui fournissait suffisamment d’informations pour qu’elle puisse la contester utilement.

76      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt de la Cour du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, non encore publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée).

77      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Conseil/Bamba, point 76 supra, point 50, et la jurisprudence citée).

78      S’agissant d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel des fonds, la motivation doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêt Conseil/Bamba, point 76 supra, point 52).

79      L’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 impose également au Conseil de donner les raisons individuelles et spécifiques des mesures de gel des fonds prises conformément à l’article 23, paragraphes 2 et 3, du même règlement et de les porter à la connaissance des personnes, des entités et des organismes concernés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, point 48). Selon la jurisprudence, le Conseil doit, en principe, s’acquitter de son obligation de motivation, par une communication individuelle, la seule publication au Journal officiel de l’Union européenne n’étant pas suffisante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, non encore publié au Recueil, points 47 et 48 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, point 52).

80      La motivation exigée par l’article 296 TFUE ainsi que par l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 doit être adaptée aux dispositions en vertu desquelles les mesures de gel des fonds ont été adoptées. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Conseil/Bamba, point 76 supra, point 53, et la jurisprudence citée).

81      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Conseil/Bamba, point 76 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

82      En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que l’acte litigieux était fondé sur les motifs suivants : « Impliquée dans des activités visant à contourner les sanctions ».

83      Il n’est pas contesté, ainsi qu’il ressort des points 27 et 28 du mémoire en défense, que le Conseil n’a communiqué aucun autre motif complémentaire à la requérante avant l’introduction du présent recours, le 12 juin 2012.

84      Au point 27 du mémoire en défense, le Conseil a expressément indiqué que « l’élément mentionné dans la motivation [mentionnée au point 82 ci-dessus] correspond[ait] aux deux critères d’[inscription énoncés au point 26 du mémoire en défense », à savoir, d’une part, le critère de l’« appui » apporté à la prolifération nucléaire, « comme indiqué à l’article 23, paragraphe 2, [sous] a), du règlement […] n° 267/2012 », et, d’autre part, celui de l’« aide à enfreindre des mesures restrictives ou à s’y soustraire » apportée à une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste, « comme indiqué à l’article 23, paragraphe 2, [sous] b), du règlement […] n° 267/2012 ». Par la suite, le Conseil n’a jamais rattaché cette même motivation à un autre critère justifiant l’application des mesures de gel des fonds.

85      À cet égard, il convient de rappeler que les critères d’inscription du nom d’une personne physique ou morale, d’une entité ou d’un organisme dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 sont définis à l’article 23, paragraphe 2, de ce règlement, dans sa version en vigueur au moment des faits. Cette disposition définit des critères alternatifs d’inscription. Parmi ces critères, d’une part, l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012 prévoit que tous les fonds et ressources économiques des personnes, des entités ou des organismes ayant été reconnus comme participant ou apportant directement un appui à la prolifération nucléaire, y compris en concourant à l’acquisition de biens et technologies interdits, sont gelés. D’autre part, l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012 dispose que tous les fonds des personnes, des entités ou des organismes considérés comme ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions de ce même règlement, de la décision 2010/413 et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, ou à s’y soustraire, sont gelés.

86      Outre l’indication de la base juridique de la mesure adoptée, l’obligation de motivation à laquelle le Conseil est tenu porte précisément sur les circonstances qui permettent de considérer que l’un ou l’autre des critères d’inscription est rempli dans le cas des intéressés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 83).

87      Il importe, à cet égard, de rappeler que l’omission de la référence à une disposition précise ne peut pas constituer un vice substantiel lorsque la base juridique d’un acte peut être déterminée à l’appui d’autres éléments de celui-ci. Une telle référence explicite est cependant indispensable lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et le juge de l’Union sont laissés dans l’incertitude quant à la base juridique précise (arrêt de la Cour du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec. p. 1493, point 9).

88      Partant, il y a lieu d’examiner si la motivation de l’acte litigieux contient des références explicites aux premier et second critères ou, à tout le moins, à l’un ou l’autre de ceux-ci et si, le cas échéant, cette motivation peut être regardée comme suffisante pour permettre à la requérante de vérifier le bien-fondé de l’acte litigieux, de se défendre devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle.

89      La motivation mentionnée au point 82 ci-dessus n’indique pas expressément à quels critères d’inscription énoncés à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 elle se rattache. Néanmoins, compte tenu de la référence à « des activités visant à contourner les sanctions », la motivation de l’acte litigieux peut aisément être interprétée comme se référant au second critère, qui repose précisément sur l’idée d’une « aide » apportée au contournement des sanctions. En revanche, en l’absence d’élément qui se référerait à un éventuel « appui » apporté par la requérante à la prolifération nucléaire ou à un éventuel « concours » de celle-ci à l’acquisition de biens et de technologies interdits, cette même motivation ne peut pas être rattachée, comme le Conseil le soutient, au premier critère mentionné au point 85 ci-dessus. Au demeurant, lorsque le Conseil observe, au point 26 du mémoire en défense, que l’« appui » ou le « concours » de la requérante à la prolifération nucléaire ou à l’acquisition de biens et de technologies interdits résulterait « nécessairement » de « la fonction de ‘banquier des pouvoirs publics iraniens’ qu’[elle] assume », celui-ci se réfère, en pratique, à des éléments qui ne figurent pas dans la motivation de l’acte litigieux et qui ne peuvent donc pas être pris en compte au titre de ladite motivation, conformément à une jurisprudence constante (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 86 supra, point 80, et la jurisprudence citée).

90      Au vu des observations qui précèdent, il y a lieu de constater que la motivation de l’acte litigieux peut uniquement être prise en compte en ce qui concerne le second critère, auquel elle se réfère implicitement mais nécessairement.

91      Dans la mesure où la motivation de l’acte litigieux se fonde sur le second critère mentionné au point 85 ci-dessus, elle est toutefois insuffisante, en ce sens qu’elle ne permet pas à la requérante et au Tribunal de comprendre les circonstances qui ont conduit le Conseil à considérer que ce second critère était rempli dans le cas de la requérante et, partant, à adopter l’acte litigieux. Cette motivation apparaît, en effet, comme une simple reprise du second critère lui-même. Elle ne contient aucun élément spécifiant les raisons pour lesquelles ce critère est applicable à la requérante. Ainsi, ladite motivation ne précise nullement les noms des personnes, des entités ou des organismes figurant sur une liste imposant des mesures restrictives que la requérante aurait aidés à contourner les sanctions, le moment et les circonstances de cette aide ainsi que les modalités de celle-ci. Le Conseil ne se réfère à aucune opération identifiable, ni à aucune aide particulière. En l’absence de toute autre précision, cette motivation apparaît insuffisante pour permettre à la requérante de vérifier, à l’égard du second critère, le bien-fondé de l’acte litigieux, de se défendre devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle.

92      Partant, il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen, pris d’une violation de l’obligation de motivation et, sans même qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens ou griefs soulevés par la requérante, d’annuler l’acte litigieux.

 Sur les dépens

93      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions.

94      Dans les circonstances de l’espèce, le Conseil et la requérante ayant succombé respectivement en une partie de leurs chefs de conclusions, il y a lieu de décider que le Conseil supportera, outre la moitié de ses propres dépens, la moitié de ceux de la requérante et que la requérante supportera, outre la moitié de ses propres dépens, la moitié de ceux du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), en ce que celui-ci a inscrit le nom de Central Bank of Iran dans la liste figurant à son annexe IX, est annulé.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera la moitié de ses propres dépens et de ceux de Central Bank of Iran.

4)      Central Bank of Iran supportera la moitié de ses propres dépens et de ceux du Conseil.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.