Language of document : ECLI:EU:C:2011:672

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

20 octobre 2011 (*)

«Manquement d’État – Aides d’État – Aides accordées en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs – Décision déclarant ces aides incompatibles avec le marché commun – Obligation de récupérer sans délai les aides déclarées illégales et incompatibles ainsi que d’en informer la Commission – Inexécution – Impossibilité absolue d’exécution»

Dans l’affaire C‑549/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, introduit le 23 décembre 2009,

Commission européenne, représentée par M. E. Gippini Fournier et Mme K. Walkerová, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par MM. G. de Bergues et J. Gstalter, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. U. Lõhmus (rapporteur), président de chambre, MM. A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas exécuté la décision 2005/239/CE de la Commission, du 14 juillet 2004, concernant certaines mesures d’aide mises à exécution par la France en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs (JO 2005, L 74, p. 49), en récupérant auprès des bénéficiaires les aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun par les articles 2 et 3 de cette décision, et en ne l’ayant pas informée des mesures prises pour se conformer à celle-ci, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 288, quatrième alinéa, TFUE ainsi que 4 et 5 de ladite décision.

 Le cadre juridique

2        Le treizième considérant du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

«considérant que, en cas d’aide illégale incompatible avec le marché commun, une concurrence effective doit être rétablie; que, à cette fin, il importe que l’aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai; qu’il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national; que l’application de ces procédures ne doit pas faire obstacle au rétablissement d’une concurrence effective en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission; que, afin d’atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission».

3        L’article 14, paragraphe 3, dudit règlement énonce:

«Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice [de l’Union européenne] prise en application de l’article [278 TFUE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire.»

4        Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, du même règlement:

«Si l’État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l’article 14, la Commission peut saisir directement la Cour de justice [de l’Union européenne] conformément à l’article [108], paragraphe 2, [TFUE].»

 Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

5        Par lettre du 21 juin 2000, la République française a communiqué à la Commission les mesures d’indemnisation qu’elle avait adoptées en faveur des pêcheurs et des aquaculteurs ayant subi des dommages à la suite, d’une part, de la pollution par hydrocarbures causée par le naufrage du navire Erika survenu le 12 décembre 1999 dans le golfe de Gascogne et, d’autre part, de la violente tempête, d’une force inhabituelle, ayant eu lieu en France les 27 et 28 décembre 1999.

6        Après un échange de correspondances, la Commission a, le 14 juillet 2004, adopté la décision 2005/239, dont l’article 1er dispose qu’une partie des aides examinées peut être déclarée compatible avec le marché commun. Les articles 2 à 5 de la même décision, visant l’autre partie des mesures adoptées, sont libellés comme suit:

«Article 2

Les mesures d’aide mises à exécution par la France en faveur des aquaculteurs des départements autres que le Finistère, le Morbihan, la Loire-Atlantique, la Vendée, la Charente-Maritime et la Gironde, sous forme d’allégement de charges sociales pour la période du 15 avril au 15 juillet 2000 et sous forme d’exonération des redevances domaniales pour l’année 2000, sont incompatibles avec le marché commun.

Article 3

La mesure d’aide mise à exécution par la France en faveur des pêcheurs sous forme d’allégement de charges sociales pour la période du 15 avril au 15 octobre 2000 est incompatible avec le marché commun.

Article 4

1.      La France prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de [leurs] bénéficiaires les aides visées aux articles 2 et 3 et déjà mises illégalement à leur disposition [ci-après les «aides en cause»].

2.      La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu’à la date de leur récupération. Le taux d’intérêt à retenir est calculé et appliqué conformément au chapitre V du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission [du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement […] n° 659/1999 (JO L 140, p. 1)].

Article 5

La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu’elle a prises pour s’y conformer.»

7        Par lettre du 6 décembre 2004, la Commission a rappelé aux autorités françaises les obligations découlant de la décision 2005/239 et a demandé de lui communiquer les mesures qui ont été prises par ces autorités pour se conformer à l’obligation de récupération des aides en cause figurant à l’article 4 de cette décision.

8        Les autorités françaises ont alors invité la Commission, par lettre du 20 janvier 2005, à reconsidérer la position qu’elle avait prise dans ladite décision.

9        Par lettre du 11 juillet 2005, la Commission a fait savoir qu’il ne lui était pas possible de reconsidérer sa position.

10      En l’absence de réponse à cette lettre, la Commission a adressé différents rappels à la République française.

11      Par lettre du 16 novembre 2007, les autorités françaises ont informé la Commission qu’elles allaient se livrer à une étude de la situation spécifique de chacune des 41 entreprises auprès desquelles il convenait de récupérer les aides en cause.

12      Par lettre du 10 avril 2008, la Commission a demandé des renseignements concernant ladite étude et a réclamé que lui soient communiqués les résultats des mesures de recouvrement prises à l’égard des entreprises concernées.

13      Les autorités françaises ont, par lettre du 13 mai 2008, demandé la prolongation pour une durée d’un mois du délai de réponse à ladite lettre. La Commission a fait droit à cette demande.

14      Lesdites autorités ont fait savoir, par lettre du 1er décembre 2008, que l’étude des entreprises concernées montrait que certaines d’entre elles avaient disparu, tandis que d’autres étaient dans une situation économique difficile.

15      Considérant que la République française n’avait pas encore procédé à l’exécution de la décision 2005/239, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

16      Dans le cadre de son recours, la Commission fait grief à la République française d’avoir manqué à l’obligation, d’une part, de récupérer les aides en cause afin d’exécuter ladite décision et, d’autre part, de l’informer des mesures prises à cet égard.

 Sur la récupération des aides en cause et l’exécution de la décision 2005/239

 Argumentation des parties

17      La Commission constate que la République française n’a procédé à aucun recouvrement des aides en cause en exécution de la décision 2005/239. Elle invoque l’article 288, quatrième alinéa, TFUE et la jurisprudence de la Cour selon laquelle la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité.

18      En l’occurrence, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de ladite décision, la récupération aurait dû être effectuée «sans délai» conformément aux procédures prévues par le droit national.

19      La Commission soutient que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre à l’encontre d’un recours en manquement introduit sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est celui résultant d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision prescrivant la récupération de l’aide déclarée illégale et incompatible avec le marché commun, moyen qui n’a jamais été invoqué par la République française au cours de la procédure précontentieuse.

20      La République française conteste le manquement qui lui est reproché en soutenant qu’elle a pris des mesures concrètes visant à récupérer les aides en cause et qu’elle a tout mis en œuvre en vue d’assurer l’exécution de la décision 2005/239. Elle invoque les difficultés objectives qu’elle a rencontrées en ce qui concerne l’identification des entreprises bénéficiaires de ces aides, la détermination des montants de celles-ci et leur récupération effective auprès des entreprises concernées.

21      Tout d’abord, s’agissant des difficultés relatives à l’identification des entreprises bénéficiaires desdites aides, la République française soutient que le délai écoulé entre la réception par la Commission de la lettre par laquelle cette dernière a été informée de l’octroi des aides en cause et la date de l’adoption de la décision 2005/239 ordonnant la récupération de celles-ci est de quatre ans. Durant cette période, certaines entreprises bénéficiaires auraient soit connu des restructurations, soit été placées en liquidation ou encore auraient cessé leur activité. Néanmoins, les autorités françaises se seraient efforcées de vérifier que le bénéfice de l’aide n’avait pas été transmis à un tiers à l’occasion d’un transfert ou d’une cessation d’activité de l’une de ces entreprises.

22      Ensuite, la République française fait valoir qu’elle s’est heurtée à des difficultés relatives à la détermination des montants des aides en cause. En effet, le calcul des aides à récupérer impliquerait la nécessité de déterminer au préalable quelle part de celles-ci répond aux conditions prévues par les règlements successifs de la Commission relatifs aux aides de minimis applicables au secteur de la pêche. La Commission ayant confirmé, dans ses échanges avec les autorités françaises, l’application des seuils de minimis fixés successivement par différents règlements, ces dernières auraient été contraintes d’effectuer, à plusieurs reprises, de nouveaux calculs pour déterminer les montants des aides à restituer.

23      Par ailleurs, la République française souligne que la décision 2005/239 vise les allégements de charges sociales qui comprennent, d’une part, les charges patronales et, d’autre part, les charges salariales. Les sommes qui correspondent à de tels allégements de charges salariales étant versées par les entreprises aux organismes compétents pour le compte des salariés, ces dernières ne seraient pas tenues de les restituer.

24      Enfin, s’agissant de la difficulté relative à la récupération effective des aides en cause auprès des entreprises bénéficiaires, la République française estime, d’une part, que la Commission a admis que les autorités françaises avaient besoin d’un laps de temps plus important pour procéder à cette récupération dès lors qu’elle a accepté de leur accorder des reports de délais successifs.

25      D’autre part, en vue de garantir le respect du principe de bonne administration, la République française soutient qu’il convient de mener en parallèle la procédure de récupération des aides en cause ainsi que celle concernant les aides octroyées au Fonds de prévention des aléas pêche et aux entreprises de pêche (aide d’État C 9/06), qui ont été déclarées incompatibles avec le marché commun par la décision 2008/936/CE de la Commission, du 20 mai 2008 (JO L 334, p. 62).

 Appréciation de la Cour

26      Il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et cette conséquence ne saurait dépendre de la forme dans laquelle l’aide a été octroyée (arrêt du 14 avril 2011, Commission/Pologne, C‑331/09, non encore publié au Recueil, point 54 et jurisprudence citée).

27      En conséquence, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. Il doit parvenir à une récupération effective des sommes dues (arrêts du 5 octobre 2006, Commission/France, C‑232/05, Rec. p. I‑10071, point 42, ainsi que Commission/Pologne, précité, point 55 et jurisprudence citée).

28      En cas de décision constatant le caractère illégal et incompatible d’une aide, la récupération de celle-ci, ordonnée par la Commission, a lieu dans les conditions prévues à l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999.

29      En vertu de ladite disposition, la récupération d’une telle aide doit, ainsi qu’il ressort également du treizième considérant dudit règlement, s’effectuer sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission (arrêt Commission/Pologne, précité, point 59).

30      Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2005/239, la République française devait prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides déclarées illégales par cette décision. Aux termes du paragraphe 2 du même article, cette récupération a lieu sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national.

31      À cet égard, c’est à tort que la République française soutient que la Commission lui aurait accordé un délai plus important pour procéder à la récupération des aides en cause dès lors qu’elle a accepté des reports de délais successifs. En effet, il importe de constater que, dans la correspondance échangée avec les autorités françaises, cette institution, si elle a certes accepté d’octroyer à ces dernières plusieurs reports de délais pour la transmission d’informations concernant le déroulement de la procédure de recouvrement, a en revanche constamment rappelé auxdites autorités que l’article 4 de la décision 2005/239 exigeait la récupération sans délai des aides en cause. En outre, rien dans cette correspondance ne permet de déduire que la Commission aurait accepté que la procédure de récupération des aides en cause soit retardée de plusieurs années.

32      Or, il est constant que, à la date de l’introduction du présent recours, soit plus de cinq ans après l’adoption de la décision 2005/239, aucune somme correspondant aux aides en cause n’avait été recouvrée par la République française.

33      Selon une jurisprudence constante, le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision ordonnant la récupération de l’aide en question (voir, notamment, arrêts du 4 avril 1995, Commission/Italie, C‑348/93, Rec. p. I‑673, point 16; du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, C‑499/99, Rec. p. I‑6031, point 21, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C‑441/06, Rec. p. I‑8887, point 27).

34      Toutefois, il convient de rappeler que la condition d’impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie lorsque l’État membre défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présentait la mise en œuvre de la décision, sans entreprendre une véritable démarche auprès des entreprises bénéficiaires afin de récupérer l’aide et sans proposer à la Commission des modalités alternatives de mise en œuvre de la décision qui auraient permis de surmonter les difficultés (voir, notamment, arrêts du 14 décembre 2006, Commission/Espagne, C‑485/03 à C‑490/03, Rec. p. I‑11887, point 74; du 13 novembre 2008, Commission/France, C‑214/07, Rec. p. I‑8357, point 46, et du 22 décembre 2010, Commission/Italie, C‑304/09, non encore publié au Recueil, point 36).

35      En l’occurrence, dans son mémoire en défense, la République française invoque, aux fins de justifier l’absence de récupération des aides en cause, diverses difficultés relatives à l’identification des bénéficiaires de ces aides, à la détermination des montants à récupérer ainsi qu’aux modalités des procédures auxquelles s’est heurtée la récupération desdites aides, sans toutefois que cet État membre se prévale d’une impossibilité absolue d’exécution de la décision 2005/239.

36      Il convient également de constater que, dans la correspondance échangée entre la Commission et les autorités françaises concernant les mesures prises pour se conformer à ladite décision, ces autorités n’ont pas non plus invoqué une quelconque impossibilité absolue d’exécuter celle-ci, mais ont exposé diverses justifications pour expliquer le retard pris dans la procédure de récupération ainsi que la nécessité d’analyser la situation de chacune des entreprises concernées.

37      Or, force est de constater d’emblée que ces difficultés invoquées par la République française constituent toutes des difficultés internes imputables au comportement propre des autorités nationales ou aux omissions de ces dernières.

38      Dès lors, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence mentionnée au point 33 du présent arrêt, les arguments fondés sur lesdites difficultés ne sauraient être accueillis.

39      En particulier, s’agissant, en premier lieu, de la difficulté relative à l’identification des bénéficiaires des aides en cause, la Cour a déjà jugé que le fait que l’État membre en cause éprouve la nécessité de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée, en vue d’effectuer un examen préalable afin d’identifier les bénéficiaires des avantages visés par la décision de la Commission, n’est pas de nature à justifier la non-exécution de cette décision (arrêt du 5 mai 2011, Commission/Italie, C‑305/09, non encore publié au Recueil, point 37 et jurisprudence citée).

40      À cet égard, la République française ne saurait soutenir que la longueur du délai écoulé entre le versement des aides en cause et l’adoption de la décision 2005/239 a objectivement rendu plus difficile l’identification des bénéficiaires, dès lors qu’une telle situation résulte de la violation par cet État membre de l’obligation de ne pas mettre à exécution lesdites aides qui lui incombait en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

41      En deuxième lieu, concernant les difficultés relatives à la détermination du montant des aides en cause en raison de l’adoption des règlements successifs fixant de nouveaux seuils de minimis, il importe de relever qu’elles sont dues au retard avec lequel a été mise en œuvre la récupération des aides en cause. En effet, ainsi que l’a relevé la Commission, celles-ci devaient être récupérées sans délai, alors que le premier règlement autorisant l’octroi des aides de minimis, à savoir le règlement (CE) n° 1860/2004 de la Commission, du 6 octobre 2004, concernant l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides de minimis dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche (JO L 325, p. 4), n’est entré en vigueur que le 1er janvier 2005. En tout état de cause, il n’est pas contesté que, plusieurs années après l’entrée en vigueur de ce règlement, les aides en cause n’avaient toujours pas été récupérées par la République française.

42      Pour ce qui est, en particulier, de la récupération des charges salariales, il convient de constater que cet argument revient en réalité à contester l’appréciation effectuée par la Commission, dans la décision 2005/239, de la nature d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de l’allégement des charges sociales tant patronales que salariales.

43      Or, dans le cadre du présent recours, qui a pour objet un manquement à l’exécution d’une décision en matière d’aides d’État et qui n’a pas été déférée devant la Cour par l’État membre qui en est destinataire, ce dernier ne saurait être fondé à contester la légalité d’une telle décision (voir arrêt du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C‑415/03, Rec. p. I‑3875, point 38 et jurisprudence citée).

44      En dernier lieu, en ce qui concerne l’argument relatif au principe de bonne administration et à la nécessité de conduire concomitamment les deux procédures de récupération mentionnées au point 25 du présent arrêt, il y a lieu de constater qu’il n’est pas fondé, dans la mesure où il est constant que les aides en cause auraient dû être récupérées quatre années avant celles octroyées par le Fonds de prévention des aléas pêche en faveur des entreprises de pêche.

45      Il en résulte que le premier grief invoqué par la Commission au soutien de son recours, relatif à l’article 4 de la décision 2005/239, est fondé.

 Sur l’obligation d’informer la Commission des mesures prises pour se conformer à la décision 2005/239

46      Dans son recours, la Commission reproche à la République française d’avoir manqué à l’obligation de l’informer au sujet des mesures prises pour se conformer à la décision 2005/239 dans le délai fixé à l’article 5 de celle-ci. En effet, cet État membre n’aurait pas indiqué, lors de la phase précontentieuse, quelles étaient les mesures prises pour se conformer à cette décision.

47      La République française conteste le manquement à ladite obligation en considérant qu’elle a informé la Commission des mesures prises par ses autorités pour se conformer à ladite décision. Elle ajoute que cette institution a elle-même rappelé, dans sa requête introductive d’instance, l’ensemble des informations que cet État membre lui avait fournies pendant la période du 20 janvier 2005 au 11 février 2009.

48      À cet égard, il y a lieu de considérer qu’est dépourvu d’objet le chef des conclusions d’un recours visant à faire condamner un État membre pour ne pas avoir informé la Commission des mesures prises pour se conformer à une décision ordonnant la récupération d’aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun, dès lors que cet État membre n’a précisément pas procédé, dans le délai prescrit, à l’exécution de ses obligations de récupérer ces aides auprès des bénéficiaires (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2007, Commission/Espagne, C‑177/06, Rec. p. I‑7689, point 54 et jurisprudence citée, ainsi que du 13 novembre 2008, Commission/France, précité, point 67).

49      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas exécuté, dans le délai prescrit, la décision 2005/239, en récupérant auprès des bénéficiaires les aides en cause, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 288, quatrième alinéa, TFUE et 4 de ladite décision.

 Sur les dépens

50      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas exécuté, dans le délai prescrit, la décision 2005/239/CE de la Commission, du 14 juillet 2004, concernant certaines mesures d’aide mises à exécution par la France en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs, en récupérant auprès des bénéficiaires les aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun par les articles 2 et 3 de cette décision, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 288, quatrième alinéa, TFUE et 4 de ladite décision.

2)      La République française est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.