Language of document : ECLI:EU:C:2011:650

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

13 octobre 2011 (*)

«Manquement d’État – Aides d’État – Aide en faveur de New Interline SpA – Récupération»

Dans l’affaire C‑454/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, introduit le 19 novembre 2009,

Commission européenne, représentée par Mme E. Righini ainsi que par MM. B. Stromsky et D. Grespan, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili et de Mme B. Tidore, avvocati dello Stato,

partie défenderesse,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. M. Safjan (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, M. J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mai 2011,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires pour se conformer à la décision 2008/697/CE de la Commission, du 16 avril 2008, concernant l’aide d’État C 13/07 (ex NN 15/06 et N 734/06) mise à exécution par l’Italie en faveur de New Interline (JO L 235, p. 12), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 3 et 4 de cette décision et du traité CE.

 Le cadre juridique

2        Le treizième considérant du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

«considérant que, en cas d’aide illégale incompatible avec le marché commun, une concurrence effective doit être rétablie; que, à cette fin, il importe que l’aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai; qu’il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national; que l’application de ces procédures ne doit pas faire obstacle au rétablissement d’une concurrence effective en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission; que, afin d’atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission».

3        L’article 14 du règlement n° 659/1999, intitulé «Récupération de l’aide», énonce:

«1.      En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée ‘décision de récupération’). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2.      L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3.      Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l’article [242 CE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire.»

4        Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, de ce règlement:

«Si l’État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l’article 14, la Commission peut saisir directement la Cour de justice des Communautés européennes conformément à l’article [88, paragraphe 2, CE].»

 Les antécédents du litige

5        L’aide litigieuse a consisté en une garantie accordée sur un prêt bancaire d’un montant de 2,75 millions d’euros en faveur de New Interline SpA (ci-après «New Interline»). Elle a été mise à exécution le 13 février 2006, avant d’être notifiée à la Commission en tant qu’aide au sauvetage le 23 février 2006. Le 10 novembre 2006, les autorités italiennes ont également notifié à la Commission le plan de restructuration prévu pour New Interline.

6        Par une lettre du 25 avril 2007, la Commission a informé la République italienne qu’elle avait conclu, le 24 avril 2007, à la compatibilité de l’aide au sauvetage avec le marché commun pour une période de six mois, mais qu’elle avait décidé d’engager une procédure formelle d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, s’agissant de l’application de l’aide au sauvetage au-delà de cette période et de l’aide à la restructuration.

7        Par une lettre du 30 mai 2007, la République italienne a informé la Commission que New Interline avait opté pour la liquidation volontaire et qu’elle avait donc l’intention de retirer la notification de l’aide à la restructuration, retrait confirmé par un courrier du 9 octobre 2007.

8        Dans la décision 2008/697, adoptée à l’issue de la procédure formelle d’examen, la Commission a, en ce qui concerne l’aide au sauvetage, constaté que, contrairement à ce qui est prévu au point 25, sous c), des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2), la République italienne n’avait pas mis fin à cette aide au terme de la période initiale de six mois et qu’elle avait présenté un plan de restructuration qu’elle avait ensuite retiré. La Commission a donc, à l’article 1er de la décision 2008/697, conclu que la garantie de 2,75 millions d’euros accordée par l’État italien à New Interline constituait une aide incompatible avec le marché commun, dans la mesure où cette garantie avait été prolongée au-delà du 6 septembre 2006.

9        La Commission a, par conséquent, à l’article 2 de la décision 2008/697, ordonné le recouvrement immédiat du montant versé à l’entreprise bénéficiaire, assorti d’intérêts et, à l’article 3 de cette décision, fixé un délai de quatre mois à compter de la notification de ladite décision pour l’exécution de celle-ci.

10      Dans les motifs de la même décision, la Commission a également rappelé à la République italienne les obligations, compte tenu de l’impossibilité de connaître l’issue de la demande de concordat préventif introduite, le 18 novembre 2007, par New Interline auprès du tribunal de Bari, d’inscrire sa propre créance au passif de l’entreprise dans le cadre de la procédure de faillite, de s’opposer à toute cession d’actifs qui ne serait pas réalisée aux conditions du marché aussi longtemps que l’aide n’aurait pas été totalement récupérée et de n’accepter de plan de poursuite des activités que s’il prévoyait le remboursement total de l’aide dans le délai prescrit par la décision en cause.

11      À l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2008/697, la Commission a demandé à la République italienne de lui communiquer, dans les deux mois suivant la notification de celle-ci:

«a)      le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire;

b)      une description détaillée des mesures déjà adoptées et prévues pour se conformer à la présente décision;

c)      les documents démontrant que le bénéficiaire a été mis en demeure de rembourser l’aide.»

12      À l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2008/697, la Commission a également enjoint à la République italienne de l’informer de l’état d’avancement de l’exécution de la décision jusqu’à la récupération complète de l’aide, ainsi que de transmettre, sur simple demande de sa part, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision et des informations détaillées concernant les montants de l’aide et les intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.

13      Par une lettre du 16 juillet 2008, la Commission a demandé à la République italienne de fournir des informations sur les mesures prises en vue de l’exécution de la décision 2008/697, en particulier sur l’issue de la procédure de concordat préventif ainsi que sur l’inscription de la créance de l’État italien dans le cadre de la procédure de faillite. La Commission a, par une lettre du 30 septembre 2008, réitéré sa demande et fixé un délai de dix jours pour y satisfaire, informant l’État membre concerné que, à défaut, elle demanderait l’ouverture de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

14      Par une lettre du 13 octobre 2008, la République italienne a communiqué à la Commission le montant total, principal et intérêts, à recouvrer auprès du bénéficiaire ainsi que l’admission de New Interline au bénéfice de la procédure de concordat préventif. Elle a également joint la lettre du 7 juin 2007 par laquelle le ministère du Développement économique demandait à l’Avvocatura distrettuale dello Stato de Bari de recouvrer la créance en cause dans le cadre de la procédure de liquidation volontaire, mais n’a fourni aucune indication quant à l’inscription ou non des créances de l’État italien dans le cadre de la procédure de faillite.

15      Par une lettre du 17 décembre 2008, la Commission a rappelé que la République italienne aurait dû prendre toutes les mesures nécessaires pour s’opposer à la poursuite de toute activité, quelle qu’elle soit, par New Interline, sauf en cas de recouvrement immédiat de l’aide, et que, à défaut d’un recouvrement intégral et immédiat, la procédure devait déboucher sur la cessation des activités de l’entreprise bénéficiaire. Elle a, en outre, exigé de l’État membre concerné la transmission de la preuve documentaire de la demande de récupération de l’aide introduite par l’Avvocatura distrettuale dello Stato de Bari dans le cadre de la procédure nationale, du calcul détaillé du montant effectif à récupérer, y compris les intérêts échus, de la copie de la décision du 25 février 2008 par laquelle le tribunal de Bari avait autorisé New Interline à bénéficier de la procédure de concordat préventif et des indications sur la durée de la procédure nationale.

16      Cette demande de renseignements étant restée sans réponse, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

17      La Commission reproche à la République italienne de ne pas avoir exécuté la décision 2008/697 à deux égards: cet État membre serait resté en défaut de procéder à la récupération immédiate et effective de l’aide illégalement octroyée et il aurait également manqué à son obligation d’information.

 Sur la violation de l’obligation de récupération de l’aide illégalement versée

 Argumentation des parties

18      La Commission rappelle que le délai dans lequel une décision, adoptée au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, enjoignant la récupération d’une aide d’État doit être exécutée ne saurait être que celui prévu dans ladite décision ou, le cas échéant, celui qu’elle a fixé par la suite. En l’espèce, l’article 3 de la décision 2008/697 prévoyait la récupération «immédiate et effective» de l’aide, qui devait être effectuée dans les quatre mois suivant la date de la notification de cette décision, c’est-à-dire le 18 août 2008 au plus tard.

19      Or, la République italienne n’aurait jamais invoqué l’impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision en cause, alors qu’il s’agirait du seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre le recours en manquement introduit par la Commission sur la base de l’article 88, paragraphe 2, CE. Ne sauraient en tenir lieu des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présenterait la mise en œuvre de ladite décision, dès lors que l’État membre n’a pas proposé à la Commission de modalités alternatives de mise en œuvre qui auraient permis de surmonter lesdites difficultés.

20      Selon la Commission, la République italienne s’est bornée à faire savoir qu’elle avait demandé à l’Avvocatura distrettuale dello Stato de Bari d’engager les actions nécessaires au recouvrement de la créance, sans toutefois fournir la moindre indication sur les actions entreprises par celle-ci, et, notamment, sans jamais fournir la preuve de l’inscription de sa propre créance dans le cadre de la procédure de concordat préventif, comme la Commission l’avait impérativement demandé. De plus, la demande présentée ne portait que sur le montant principal et non sur les intérêts. Or, la Commission rappelle que l’autonomie procédurale laissée aux États membres pour récupérer les aides d’État trouve sa limite dans le respect du principe d’effectivité. Autrement dit, les procédures nationales ne seraient d’application que pour autant qu’elles permettent une récupération immédiate et effective et qu’elles ne font pas obstacle au rétablissement d’une concurrence effective, en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. Afin d’atteindre cet objectif, le simple fait de prévoir des procédures de récupération ne suffirait pas, les États membres devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de cette décision.

21      En l’espèce, plus d’un an après l’adoption de la décision 2008/697, la République italienne n’aurait toujours pas recouvré l’aide accordée à New Interline. Par conséquent, il serait évident que les procédures nationales appliquées n’en ont pas permis une récupération immédiate et effective.

22      En défense, la République italienne excipe d’abord de l’illégalité de la décision 2008/697 ordonnant le recouvrement de l’aide d’État illégale et dont l’inexécution lui est reprochée. Cette décision aurait été adoptée en violation des points 26 et 27 des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté, qui permettraient de prolonger l’aide au sauvetage lorsque l’État membre a soumis un plan de restructuration dans un délai de six mois à compter de la mise en œuvre d’une aide qui n’a pas été préalablement autorisée.

23      La Commission réplique que l’exception d’illégalité de la décision dont l’inexécution est reprochée à la République italienne ne peut être soulevée par un État membre, exception faite de l’hypothèse où cette décision doit être considérée comme inexistante.

24      La République italienne objecte qu’elle ne conteste pas la légalité de la décision de récupération mais soutient que le fait pour la Commission de n’avoir fait savoir que le 24 avril 2007 que la prorogation de l’aide au sauvetage au-delà du 6 septembre 2006 constituait une aide illégale, dans la mesure où le plan de restructuration n’avait été présenté que le 10 novembre 2006, a créé une confiance légitime dans la légalité de la prorogation de l’aide au sauvetage, qui fait obstacle à sa récupération conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

25      Pour sa défense, ledit État membre fait aussi valoir qu’il a entrepris toutes les actions possibles destinées au recouvrement intégral de la créance et de ses intérêts auprès de New Interline. En effet, cette dernière faisait l’objet d’une procédure de concordat préventif de faillite. Or, en vertu de la législation italienne, le déclenchement de cette procédure a pour effet de «geler» jusqu’à l’homologation du concordat par le tribunal toutes les actions en recouvrement sur les biens de l’entrepreneur, fondées sur des créances dont le titre ou la cause est antérieur au décret d’homologation du concordat et d’interdire aux créanciers d’acquérir des droits de préemption dont ils pourraient se prévaloir à l’égard des créanciers concurrents. Par conséquent, jusqu’à la clôture du concordat préventif, l’État italien n’aurait pu, aux termes du droit national, diligenter aucune action visant les biens de New Interline, à part demander l’inscription de sa créance dans le cadre de la procédure ouverte de faillite, ce qu’il aurait fait le 31 octobre 2008 par communication adressée à l’administrateur judiciaire.

26      Pareil dispositif national ne serait pas contraire au droit de l’Union. La communication de la Commission intitulée «Vers une mise en œuvre effective des décisions de la Commission enjoignant aux États membres de récupérer les aides d’État illégales et incompatibles avec le marché commun» (JO 2007, C 272, p. 4) imposerait, à son point 64 et en harmonie avec la jurisprudence de la Cour, à l’État membre concerné de récupérer ses propres créances conformément aux règles nationales relatives à la faillite, de faire inscrire ses créances au passif de la faillite et d’attaquer les décisions des administrateurs judiciaires s’opposant à l’inscription, dans le cadre de la procédure de faillite, de créances résultant du recouvrement des aides illégales. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes, dans un arrêt du 19 octobre 2005, Freistaat Thüringen/Commission (T‑318/00, Rec. p. II‑4179, point 332), comme la Cour, dans des arrêts du 15 janvier 1986, Commission/Belgique (52/84, Rec. p. 89, point 14), et du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse» (C‑142/87, Rec. p. I‑959), auraient jugé suffisante l’inscription de la créance au passif en tant que moyen destiné à assurer l’exécution de la décision de la Commission.

27      La République italienne ajoute que l’obstacle normatif national emporte une impossibilité objective d’exécution de la décision dans les brefs délais fixés par la Commission dans cette dernière.

28      En réplique, la Commission souligne que, à supposer même que cette démarche eût été suffisante pour assurer l’exécution de la décision 2008/697, la République italienne reconnaît n’avoir demandé l’inscription au passif de la créance relative à la récupération de l’aide en cause que le 31 octobre 2008, alors que l’article 3 de ladite décision prescrivait qu’elle devait «veill[er] à ce que la présente décision soit exécutée dans les quatre mois suivant la date de sa notification», à savoir avant le 18 août 2008.

29      Pour la République italienne, toutefois, un tel retard de deux mois et dix jours seulement ne serait pas par lui-même, c’est-à-dire en l’absence de circonstances particulières justifiant la nécessité absolue de procéder à la récupération dans un délai de quatre mois, de nature à constituer une violation de l’obligation de récupération, d’autant que la procédure de concordat préventif ne pouvait pas aboutir à un résultat utile avant le 18 août 2008, la procédure ayant été suspendue du 18 juin 2008 au 2 mars 2009.

30      Par ailleurs, la Commission rappelle que, dans sa communication mentionnée au point 26 du présent arrêt, loin de considérer le seul enregistrement des créances dans le cadre d’une procédure de faillite comme suffisant, elle a précisé que la récupération auprès d’une entreprise insolvable ne peut être considérée comme effectuée que lorsque les sommes en question ont été intégralement restituées, ou lorsque l’activité économique qui a bénéficié de l’aide a totalement cessé, c’est-à-dire que la société a été liquidée et que l’activité n’a pas été poursuivie par le biais d’une vente des actifs à des conditions favorables. Ce n’est, en effet, qu’à ces conditions que serait respectée la logique qui préside à la récupération des aides d’État, qui consiste à rétablir la situation antérieure à l’octroi de l’aide concernée, en supprimant l’avantage concurrentiel procuré à l’activité économique bénéficiaire. Or, il ne serait pas certain que New Interline ait cessé son activité productive.

31      La République italienne rappelle toutefois que ladite société a cessé son activité productive depuis l’inscription au registre du commerce italien de la décision de liquidation, comme en attesterait la note du 20 avril 2009, annexée au dossier, dans laquelle l’administrateur judiciaire explique quels sont les termes de la proposition de concordat soumise au vote des créanciers. En effet, la décision de mise en liquidation volontaire que New Interline aurait prise le 8 mars 2007 entraînerait, selon le droit italien, la cessation de l’exploitation de l’entreprise.

32      Toutefois, selon la Commission, l’application des procédures nationales ne saurait, en tout état de cause, empêcher le rétablissement immédiat de la situation antérieure et prolonger l’avantage concurrentiel indu résultant des aides en cause. La récupération devrait donc être immédiate et effective. Au besoin, le juge national devrait laisser inappliquée toute disposition nationale qui empêche la récupération de l’aide.

33      Il faudrait donc en conclure que, si l’inscription d’une créance au passif de l’entreprise soumise à une procédure de faillite est, en principe, une condition nécessaire à l’exécution correcte d’une obligation relative à la restitution des aides, elle ne pourrait être considérée comme suffisante que lorsqu’elle permet la récupération intégrale dans les délais prévus par la décision de la Commission ou lorsqu’elle s’accompagne d’une cessation définitive de l’activité productive bénéficiaire de l’aide dans les mêmes délais, par la vente des actifs à des conditions de marché.

 Appréciation de la Cour

34      Il ressort d’une jurisprudence constante que l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 249 CE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision (voir arrêts du 12 décembre 2002, Commission/Allemagne, C‑209/00, Rec. p. I‑11695, point 31; du 26 juin 2003, Commission/Espagne, C‑404/00, Rec. p. I‑6695, point 21, et du 5 octobre 2006, Commission/France, C‑232/05, Rec. p. I‑10071, point 42). L’État membre doit, en principe, parvenir à un recouvrement effectif des sommes dues (voir, en ce sens, arrêts du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C‑415/03, Rec. p. I‑3875, point 44, et Commission/France, précité, point 42).

35      Si la République italienne, pour sa défense, fait valoir que le déclenchement de la procédure de faillite faisait obstacle à toute action des créanciers de New Interline visant au recouvrement de leurs créances, il ressort de la jurisprudence relative aux entreprises bénéficiaires d’aides déclarées incompatibles avec le marché commun et qui sont tombées en faillite que le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l’inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées (voir, en ce sens, arrêts Commission/Belgique, précité, point 14; Tubemeuse, précité, points 60 à 62; du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I‑3925, point 85, et du 14 avril 2011, Commission/Pologne, C‑331/09, non encore publié au Recueil, point 60).

36      Il y a lieu également de préciser que l’inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées ne permet de satisfaire à l’obligation de récupération que si, dans le cas où les autorités étatiques ne pourraient récupérer l’intégralité du montant des aides, la procédure de faillite aboutit à la liquidation de l’entreprise, c’est-à-dire à la cessation définitive de son activité, que les autorités étatiques peuvent provoquer en leur qualité d’actionnaires ou de créanciers (voir, en ce sens, arrêts Commission/Belgique, précité, points 14 et 15; du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, C‑499/99, Rec. p. I‑6031, points 26 à 28 et 37 à 43, ainsi que Commission/Pologne, précité, points 63 et 64).

37      Il convient, par ailleurs, de rappeler que la récupération doit s’effectuer sans délai et, plus précisément, dans celui prévu dans la décision, adoptée au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, enjoignant la récupération d’une aide d’État ou, le cas échéant, dans celui fixé par la Commission par la suite (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2001, Commission/Belgique, C‑378/98, Rec. p. I‑5107, point 26, et du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, précité, point 28). Une récupération tardive, postérieure aux délais impartis, ne saurait satisfaire aux exigences du traité (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 2008, Commission/Grèce, C‑419/06, points 38 et 61, ainsi que du 22 décembre 2010, Commission/Italie, C‑304/09, non encore publié au Recueil, point 32).

38      Or, la République italienne a reconnu n’avoir demandé l’inscription au passif de New Interline de la créance relative à la récupération de l’aide en cause que le 31 octobre 2008, c’est-à-dire bien après le 18 août 2008, date d’expiration du délai de quatre mois imparti à cet État membre à l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2008/697 pour s’acquitter de l’obligation de récupération immédiate et effective.

39      En outre, ainsi qu’il ressort des explications fournies par la République italienne lors de l’audience, la réponse à la question de savoir si New Interline a poursuivi ses activités depuis l’ouverture de la procédure de concordat préventif et, en particulier, depuis l’expiration du délai prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2008/697 demeure incertaine.

40      Quant à l’exception d’illégalité de la décision 2008/697 soulevée par la République italienne et tirée de ce que ladite décision aurait été adoptée en méconnaissance des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté et qu’elle aurait exigé la récupération de l’aide en cause en violation du principe de confiance légitime, elle ne saurait prospérer.

41      Il ressort, en effet, d’une jurisprudence établie qu’un État membre ne saurait invoquer l’illégalité d’une décision comme moyen de défense à l’encontre d’un recours en manquement fondé sur l’inexécution de cette décision, exception faite de l’hypothèse où celle-ci doit être considérée comme inexistante (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2006, Commission/Italie, C‑207/05, points 40 à 43 et jurisprudence citée).

42      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de constater que, à l’expiration du délai fixé à l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2008/697, la République italienne n’avait pas entrepris toutes les actions nécessaires à une récupération effective de l’aide en cause et au rétablissement des conditions normales de concurrence.

 Sur la violation de l’obligation d’information

 Argumentation des parties

43      La Commission rappelle que l’obligation d’information imposée à la République italienne par l’article 4 de la décision 2008/697 est l’expression particulière du devoir de coopération loyale, qui inspire l’article 10 CE et qui implique que, pour l’exécution des décisions en matière d’aides d’État, la Commission et l’État membre concerné doivent coopérer de bonne foi pour surmonter les difficultés, dans le plein respect des règles du traité et, surtout, de celles relatives aux aides d’État.

44      Or, la République italienne n’aurait fourni aucune des informations demandées, exception faite de l’information selon laquelle New Interline était admise à bénéficier de la procédure du concordat préventif. Ni les demandes contenues dans la décision 2008/697, ni celles figurant dans les différentes lettres de la Commission, auxquelles cet État membre devait donner suite en vertu de l’article 4 de ladite décision, n’auraient reçu de réponse.

45      La République italienne se défend en faisant valoir que le reproche qui lui est fait ne tient pas compte de la communication du ministère du Développement économique du 31 octobre 2008 qui a indiqué la créance avec les intérêts. Elle avance également le fait que New Interline était sous le coup d’une procédure de faillite, l’impossibilité d’entreprendre des actions nouvelles et différentes, sinon à l’issue de cette procédure de faillite, et la circonstance que l’Avvocatura distrettuale dello Stato de Bari avait été mandatée pour entreprendre toute action nécessaire au recouvrement de la créance en cause. En outre, la République italienne se serait trouvée dans l’impossibilité de communiquer les autres actions entreprises en vue de l’exécution de la décision 2008/697, dans la mesure où les événements invoqués se sont produits après l’expiration des délais prévus par ladite décision pour fournir l’information et après les demandes ultérieures de la Commission.

46      La Commission réplique que les informations visées à l’article 4 de la décision 2008/697 devaient être transmises avant le 18 juin 2008.

 Appréciation de la Cour

47      La Cour n’a pas à examiner le chef des conclusions fondé sur l’article 4 de la décision 2008/697 et visant à faire condamner la République italienne pour ne pas avoir informé la Commission des mesures prises et envisagées aux fins de l’exécution de cette décision, étant donné que cet État membre n’a, ainsi qu’il ressort du point 42 du présent arrêt, précisément pas procédé à l’exécution de ces obligations dans le délai prescrit (voir, notamment, arrêts du 20 septembre 2007, Commission/Espagne, C‑177/06, Rec. p. I‑7689, point 54; du 13 novembre 2008, Commission/France, C‑214/07, Rec. p. I‑8357, point 67, et Commission/Pologne, précité, point 74).

48      En conséquence, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris, dans le délai imparti, toutes les mesures nécessaires pour assurer l’exécution de la décision 2008/697, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 249, quatrième alinéa, CE ainsi que 2 et 3 de ladite décision.

 Sur les dépens

49      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas pris, dans le délai imparti, toutes les mesures nécessaires pour assurer l’exécution de la décision 2008/697/CE de la Commission, du 16 avril 2008, concernant l’aide d’État C 13/07 (ex NN 15/06 et N 734/06) mise à exécution par l’Italie en faveur de New Interline, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 249, quatrième alinéa, CE ainsi que 2 et 3 de ladite décision.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.