Language of document : ECLI:EU:T:2011:493

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 septembre 2011(*)

« Aides d’État – Aides en faveur de l’industrie hôtelière dans la région de Sardaigne – Décision déclarant les aides pour partie compatibles et pour partie incompatibles avec le marché commun et ordonnant leur récupération – Aides nouvelles – Obligation de motivation – Protection de la confiance légitime – Effet incitatif – Règle de minimis »

Dans les affaires T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08,

Regione autonoma della Sardegna (Italie), représentée par Mes A. Fantozzi, P. Carrozza et G. Mameli, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑394/08,

soutenue par

Selene di Alessandra Cannas Sas, établie à Cagliari (Italie),

HGA Srl, établie à Golfo Aranci (Italie),

Gimar Srl, établie à Sassari (Italie),

Coghene Costruzioni Srl, établie à Alghero (Italie),

Camping Pini e Mare di Cogoni Franco & C. Sas, établie à Quartu Sant’Elena (Italie),

Immobiliare 92 Srl, établie à Arzachena (Italie),

Gardena Srl, établie à Santa Teresa di Gallura (Italie),

Hotel Stella 2000 Srl, établie à Olbia (Italie),

Vadis Srl, établie à Valledoria (Italie),

Macpep Srl, établie à Sorso (Italie),

San Marco Srl, établie à Alghero,

Due Lune SpA, établie à Milan (Italie),

Nicos Residence Srl, établie à Santa Teresa di Gallura,

Rosa Murgese, demeurant à Iglesias (Italie),

Mavi Srl, établie à Arzachena,

Hotel Mistral di Bruno Madeddu & C. Sas, établie à Alghero,

L’Esagono di Mario Azara & C. Snc, établie à San Teodoro (Italie),

Le Buganville di Cogoni Giuseppe & C. Snc, établie à Villasimius (Italie),

Le Dune di Stefanelli Vincenzo & C. Snc, établie à Arbus (Italie),

représentées par Mes G. Dore, F. Ciulli, A. Vinci, avocats,

parties intervenantes dans l’affaire T‑394/08,

SF Turistico Immobiliare Srl, établie à Orosei (Italie), représentée par Me L. Marcialis, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑408/08,

Timsas Srl, établie à Arezzo (Italie), représentée par Mes D. Dodaro, S. Pinna et S. Cianciullo, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑453/08,

Grand Hotel Abi d’Oru SpA, établie à Olbia, représentée par Mes D. Dodaro, S. Cianciullo et R. Masuri, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑454/08,

contre

Commission européenne, représentée, dans les affaires T‑394/08 et T‑454/08, par Mme E. Righini, MM. D. Grespan et C. Urraca Caviedes, dans l’affaire T‑408/08, par Mme Righini et M. Grespan, dans l’affaire T‑453/08, par MM. Grespan et Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse dans les affaires T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2008/854/CE de la Commission, du 2 juillet 2008, relative au régime d’aides « Loi régionale n° 9 de 1998 – application abusive de l’aide N 272/98 » C 1/04 (ex NN 158/03 et CP 15/2003) (JO L 302, p. 9), par laquelle la Regione autonoma della Sardegna a accordé des subventions en faveur d’investissements initiaux dans l’industrie hôtelière en Sardaigne,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 février 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 mars 1998, la Regione autonoma della Sardegna (ci-après la « Région Sardaigne ») a adopté la legge regionale n° 9, incentivi per la riqualificazione e l’adeguamento delle strutture alberghiere e norme modificative e integrative della legge regionale 14 settembre 1993, n. 40 (interventi creditizi a favore dell’industria alberghiera) (loi régionale n° 9 portant mesures d’incitation à la rénovation et à l’adaptation des structures hôtelières et dispositions modifiant et complétant la loi régionale n° 40 du 14 septembre 1993, Bollettino ufficiale della Regione Autonoma della Sardegna n° 9 du 21 mars 1998, ci-après la « loi n° 9/1998 »), entrée en vigueur le 5 avril 1998.

2        L’article 2 de cette loi instaurait, au bénéfice des entreprises du secteur hôtelier, des aides aux investissements initiaux sous forme de subventions et de prêts bonifiés ainsi que des aides au fonctionnement au titre de la règle de minimis (ci-après le « régime d’aides initial » ou le « régime initial »).

3        Par lettre du 6 mai 1998, les autorités italiennes ont notifié la loi n° 9/1998 à la Commission tout en s’engageant à ne pas appliquer le régime d’aides initial avant son éventuelle approbation par celle-ci.

4        Par lettre du 22 juin 1998, les autorités italiennes ont, en réponse à une demande d’informations complémentaires de la Commission, informé cette dernière que les dispositions d’application du régime d’aides initial ne seraient adoptées qu’après son éventuelle approbation de ce régime.

5        Par lettre du 28 septembre 1998, les autorités italiennes ont également informé la Commission que l’octroi des aides prévues par la loi n° 9/1998 ne pourrait concerner que des projets devant être réalisés « ultérieurement » et que cette condition serait confirmée dans les dispositions d’application de ladite loi.

6        Par décision SG(98) D/9547, du 12 novembre 1998, la Commission a approuvé le régime d’aides « N 272/98 – Italie – aide en faveur de l’industrie hôtelière », introduit par la loi n° 9/1998 (ci-après la « décision d’approbation »). Dans cette décision, la Commission a conclu que le régime d’aides initial était compatible avec le marché commun en vertu de l’article 92, paragraphe 3, sous a), CE [devenu article 87, paragraphe 3, sous a), CE].

7        Le 29 avril 1999, l’Assessore del Turismo, Artigianato e Commercio (conseiller au tourisme, à l’artisanat et au commerce) de la Région Sardaigne a adopté le decreto n° 285, esecutività della deliberazione della giunta regionale n. 58/60 del 22.12.1998 come modificata dalla deliberazione n° 16/20 del 16.03.1999 che approva la direttiva di attuazione prevista dall’art. 2 della LR 11 marzo 1998 n. 9 disciplinante : incentivi per la riqualificazione delle strutture alberghiere e norme modificativi della LR 14.9.1993 n. 40 (décret n° 285 portant application de la loi n° 9/1998, Bollettino ufficiale della Regione Autonoma della Sardegna n° 15, du 8 mai 1999, ci-après le « décret n° 285/1999 »).

8        En vertu de l’article 2 du décret n° 285/1999, le régime d’aides initial devait être appliqué dans le cadre d’une procédure d’invitation à présenter des demandes. Les articles 4 et 5 de ce même décret prévoyaient respectivement que les aides accordées devaient concerner des projets à réaliser après la présentation des demandes d’aides et que les dépenses éligibles devaient être postérieures auxdites demandes. L’article 17 du décret n° 285/1999, intitulé « Disposition transitoire », prévoyait cependant que, au stade de la première application du décret, étaient éligibles les dépenses et les interventions effectuées ou supportées après le 5 avril 1998, date de l’entrée en vigueur de la loi n° 9/1998.

9        Le 27 juillet 2000, la Région Sardaigne a adopté la deliberazione n° 33/3 (délibération n° 33/3), abrogeant le décret n° 285/1999 en raison des vices de forme affectant ce dernier, et la deliberazione n° 33/4 (délibération n° 33/4), établissant des nouvelles dispositions d’application du régime d’aides initial.

10      Le même jour, la Région Sardaigne a également adopté la deliberazione n° 33/6 (délibération n° 33/6), qui prévoyait que, dans la mesure où la publication du décret n° 285/1999, qui contenait des dispositions non conformes aux règles communautaires, pouvait avoir créé, chez les bénéficiaires potentiels d’une aide, l’attente que tous les travaux effectués après le 5 avril 1998 soient considérés comme éligibles, il convenait de prendre en considération, lors de la première application de la loi n° 9/1998, les travaux effectués après cette date, pour autant qu’ils aient fait l’objet d’une demande d’aide dans le cadre de la première invitation annuelle à présenter des demandes.

11      Par lettre du 2 novembre 2000, les autorités italiennes ont, en réponse à une demande de la Commission relative aux mesures utiles prévues pour assurer la compatibilité à partir du 1er janvier 2000 des régimes d’aides existants avec les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale du 10 mars 1998 (JO C 74, p. 9, ci-après les « lignes directrices de 1998 »), informé la Commission des dispositions d’application de la loi n° 9/1998 en lui adressant une copie de la deliberazione n° 33/4, sans toutefois mentionner la deliberazione n° 33/6.

12      Le 29 décembre 2000, la Région Sardaigne a publié la première invitation à présenter des demandes mettant en œuvre le régime d’aides initial.

13      Par lettre du 28 février 2001, la Commission a demandé aux autorités italiennes un complément d’information sur l’application de la loi n° 9/1998 ainsi que sur le mécanisme des invitations et la façon dont, dans le cadre dudit mécanisme, la disposition en vertu de laquelle la demande devait être présentée avant le début de l’exécution du projet avait été respectée.

14      Par lettre du 25 avril 2001, à laquelle était jointe à nouveau la deliberazione n° 33/4, les autorités italiennes ont confirmé que le régime d’aides tel qu’il était appliqué était conforme aux lignes directrices de 1998.

15      Le 21 février 2003, la Commission a reçu une plainte dénonçant une application abusive du régime d’aides initial. À la suite de cette plainte, la Commission a demandé, le 26 février 2003, des informations complémentaires aux autorités italiennes.

16      Par lettre du 22 avril 2003, les autorités italiennes ont répondu à la demande d’informations complémentaires de la Commission en mentionnant pour la première fois la deliberazione n° 33/6.

17      Par décision du 3 février 2004, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, concernant l’application abusive [du régime d’aides initial] (JO C 79, p. 4, ci-après la « décision d’ouverture »). Dans cette décision, la Commission a précisé que, en autorisant l’attribution d’aides à des projets d’investissements engagés avant la date de demande des aides, les autorités italiennes n’avaient pas respecté l’obligation contenue dans la décision d’approbation, ni les conditions énoncées dans les lignes directrices de 1998. La Commission en a conclu qu’il pouvait y avoir application abusive du régime d’aides initial, au sens de l’article 16 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1), et a émis des doutes quant à la compatibilité des aides accordées en faveur de projets d’investissement engagés avant la date de demande des aides.

18      Le 19 avril 2004, les autorités italiennes ont fait parvenir à la Commission leurs observations. Le 30 avril 2004, la Commission a reçu les observations de la requérante dans l’affaire T‑454/08, Grand Hotel Abi d’Oru SpA. Le 25 juin 2005, elle a reçu des informations complémentaires des autorités italiennes.

19      Le 22 novembre 2006, la Commission a adopté une décision portant rectification et extension de la procédure pendante C 1/2004 en application de l’article 88, paragraphe 2, CE (JO 2007, C 32, p. 2, ci-après la « décision de rectification »). Dans cette décision, sous l’intitulé « Raisons de rectifier et d’étendre la procédure », la Commission a notamment indiqué que la deliberazione n° 33/6 n’était pas mentionnée dans la décision d’ouverture, alors que c’est sur le fondement de cet instrument qu’aurait été accordée, dans 28 cas, une aide en faveur de projets d’investissements engagés avant la date de demande des aides et non sur le fondement de la deliberazione n° 33/4, comme erronément indiqué dans la décision d’ouverture. En outre, la Commission a relevé que la notion d’application abusive d’une aide, au sens de l’article 16 du règlement n° 659/1999, à laquelle la décision d’ouverture fait référence, visait des situations dans lesquelles le bénéficiaire d’une aide autorisée l’applique d’une manière contraire aux conditions fixées dans la décision d’octroi et non les situations dans lesquelles un État membre, en modifiant un régime d’aides existant, institue une aide nouvelle illégale [article 1er, sous c) et f), du règlement n° 659/1999].

 Décision attaquée

20      Le 2 juillet 2008, la Commission a adopté la décision 2008/854/CE, relative au régime d’aides « Loi régionale n° 9 de 1998 – application abusive de l’aide N 272/98 » C 1/04 (ex NN 158/03 et CP 15/2003) (JO L 302, p. 9, ci-après la « décision attaquée »).

21      Dans cette décision, la Commission a notamment relevé que la deliberazione n° 33/6 a introduit des modifications à la mesure notifiée, non compatibles avec les termes de la décision d’approbation. La deliberazione n° 33/6 n’aurait pas été notifiée à la Commission, en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE et de l’obligation de coopération incombant à la République italienne en vertu de l’article 10 CE. Par conséquent, selon la Commission, le régime d’aides tel qu’effectivement appliqué ne respecte pas la décision d’approbation et les projets d’aide dont l’exécution a débuté avant la présentation de toute demande d’aide doivent, dès lors, être considérés comme illégaux.

22      S’agissant de la compatibilité avec le marché commun des aides en question, la Commission, après avoir rappelé l’évaluation effectuée par elle dans les décisions d’ouverture et de rectification, considère incompatibles les aides individuelles octroyées à des projets dont les dépenses éligibles ont été supportées avant l’introduction d’une demande d’aide, sur la base des modalités d’exécution pertinentes en vigueur au moment de la présentation de la demande, supérieures au montant de minimis auquel le bénéficiaire aurait pu avoir accès à ce moment, calculé conformément au règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides de minimis (JO L 10, p. 30).

23      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Les aides d’État octroyées au titre de la loi régionale n° 9 de 1998, illégalement appliquée par [la République italienne] par la deliberazione n° 33/6 et la première invitation à présenter des demandes, sont incompatibles avec le marché commun à moins que le bénéficiaire de l’aide n’ait présenté une demande d’aide sur la base de ce régime avant l’exécution des travaux relatifs à un projet d’investissement initial.

Article 2

1.      La République italienne procède à la récupération auprès des bénéficiaires des aides incompatibles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er.

2.      Les montants à recouvrer comprennent les intérêts produits depuis la date à laquelle ces montants ont été mis à la disposition des bénéficiaires jusqu’à celle de leur récupération effective.

3.      […]

4.      La République italienne annule tous les paiements en cours de l’aide au titre du régime visé à l’article 1er avec effet à la date d’adoption de la présente décision.

Article 3

1.      La récupération de l’aide octroyée dans le cadre du régime visé à l’article 1er est immédiate et effective.

2.      La République italienne garantit l’exécution de la présente décision dans les quatre mois de la date de sa notification.


[…]

Article 5

La République italienne est destinataire de la présente décision. »

 Procédure

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 septembre 2008, la Région Sardaigne a introduit le recours dans l’affaire T‑394/08.

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2008, SF Turistico Immobiliare Srl a introduit le recours dans l’affaire T‑408/08.

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 octobre 2008, Timsas Srl a introduit le recours dans l’affaire T‑453/08.

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2008, Grand Hotel Abi d’Oru SpA a introduit le recours dans l’affaire T‑454/08.

28      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2008, Selene di Alessandra Cannas Sas, HGA Srl, Gimar Srl, Coghene Costruzioni Srl, Camping Pini e Mare di Cogoni Franco & C. Sas, Immobiliare 92 Srl, Gardena Srl, Hotel Stella 2000 Srl, Vadis Srl, Macpep Srl, San Marco Srl, Due Lune SpA, Nicos Residence Srl, Rosa Murgese, Mavi Srl, Hotel Mistral di Bruno Madeddu & C. Sas, L’Esagono di Mario Azara & C. Snc, Le Buganville di Cogoni Giuseppe & C. Snc et Le Dune di Stefanelli Vincenzo & C. Snc (ci-après les « intervenantes ») ont demandé à intervenir dans la procédure concernant l’affaire T‑394/08, au soutien des conclusions de la Région Sardaigne. Par ordonnance du 15 juin 2009, le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

29      Par ordonnance du 25 juin 2009, les parties entendues, le président de la deuxième chambre du Tribunal a joint les affaires T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08 aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

30      Le 27 juillet 2009, les intervenantes ont déposé leur mémoire en intervention dans l’affaire T‑394/08. Le 21 septembre 2009, la Commission a déposé ses observations sur ce mémoire. La Région Sardaigne n’a pas soumis d’observations dans le délai imparti par le greffe du Tribunal.

31      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

32      Le 7 décembre 2010, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a adressé des questions écrites à la Commission ainsi qu’à Grand Hotel Abi d’Oru, requérante dans l’affaire T‑454/08, auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

 Conclusions des parties

33      Dans l’affaire T‑394/08, la Région Sardaigne, soutenue par les intervenantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      Dans l’affaire T‑408/08, SF Turistico Immobiliare conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal,

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée, dans la mesure où elle déclare incompatible avec le marché commun l’intégralité du régime d’aides et ordonne le recouvrement des sommes qui entrent dans les limites prévues par les dispositions en matière d’aides de minimis ;

–        à titre encore plus subsidiaire,

–        d’une part, annuler le point 4.2 des lignes directrices de 1998 dans la mesure où il exclut de l’éligibilité l’intégralité de l’aide accordée aux bénéficiaires sans excepter la partie de l’aide relative aux investissements effectués après la présentation de la demande et présentant une autonomie fonctionnelle ou structurelle et,

–        d’autre part, annuler partiellement la décision attaquée dans la mesure où elle ordonne le recouvrement, par la République italienne, des sommes versées sans excepter l’aide relative aux coûts supportés par le bénéficiaire après la présentation de la demande d’aide et portant sur des parties fonctionnellement ou structurellement autonomes du projet entrepris.

35      Dans l’affaire T‑453/08, Timsas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      Dans l’affaire T‑454/08, Grand Hotel Abi d’Oru conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens ;

–        condamner les intervenantes à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux que leur intervention a entraînés pour elle.

 En droit

38      Les parties ayant été entendues sur ce point, le Tribunal estime qu’il y a lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

1.     Sur la recevabilité de certains des moyens soulevés par les intervenantes dans l’affaire T‑394/08

39      La Commission relève que les intervenantes ont soulevé certains moyens qui n’ont pas été soulevés par la Région Sardaigne, requérante dans l’affaire T‑394/08, et qui se situeraient donc hors du cadre du litige dans cette affaire, défini par les moyens soulevés par la Région Sardaigne dans la requête.

40      Selon la Commission, cela concerne les moyens suivants :

–        le moyen tiré de ce qu’elle aurait ouvert la procédure d’examen formel en se fondant sur l’hypothèse erronée de la violation d’une décision conditionnelle antérieure ;

–        le moyen tiré de la violation de l’article 9 du règlement n° 659/1999, en ce qu’elle aurait dû révoquer la décision d’approbation avant d’adopter la décision attaquée ;

–        le moyen tiré de la violation de l’article 16 du règlement n° 659/1999, qui ne prévoirait pas la rectification et l’extension d’une procédure déjà engagée ;

–        le moyen tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE, en ce qu’elle aurait exclu à tort la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, ainsi que d’un défaut de motivation de la décision attaquée à cet égard, en raison d’une contradiction par rapport à des décisions antérieures ;

–        le moyen tiré de la violation de certaines dispositions du règlement n° 659/1999 relatives aux délais de procédure ainsi que du principe de la durée raisonnable de la procédure ;

–        le moyen tiré de la violation des principes d’impartialité et de protection de la concurrence ;

–        le moyen tiré de la violation de la règle de minimis pour avoir omis de déduire le montant de 100 000 euros ou de 200 000 euros des aides dont elle a ordonné la récupération.

41      L’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice dispose que les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. L’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure dispose que le mémoire en intervention contient, notamment, les conclusions de l’intervenant tendant au soutien ou au rejet, total ou partiel, des conclusions de l’une des parties ainsi que les moyens et arguments invoqués par l’intervenant.

42      Ces dispositions confèrent à l’intervenant le droit d’exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d’une des parties principales et ne soient pas d’une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu’il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l’objet (voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 152, et la jurisprudence citée).

43      Il revient donc au Tribunal, pour décider de la recevabilité des moyens invoqués par un intervenant, de vérifier qu’ils se rattachent à l’objet du litige tel qu’il a été défini par les parties principales.

44      Pour autant, lorsqu’il apparaît qu’un recours dont la recevabilité fait débat doit en tout état de cause être rejeté au fond, il est loisible au juge, dans un souci d’économie de la procédure, de se prononcer d’emblée sur sa substance (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52, et du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, Rec. p. I‑2759, point 26). De même, lorsqu’il apparaît qu’un moyen dont le rattachement à l’objet du litige est discutable doit en tout état de cause être rejeté comme irrecevable pour un autre motif ou comme dépourvu de fondement, il est loisible au juge de rejeter ce moyen sans statuer sur le point de savoir si l’intervenant est sorti de son rôle de soutien des conclusions d’une des parties principales (arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, France/Commission, C‑118/99, Rec. p. I‑747, points 64 et 65, et arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 42 supra, point 155).

45      En l’espèce, il convient de constater, d’une part, que la plupart des moyens soulevés par les intervenantes et qui n’ont pas été également soulevés par la Région Sardaigne ont été soulevés par l’une ou l’autre des requérantes dans les affaires T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08. D’autre part, ces moyens sont en tout état de cause non fondés, pour les motifs qui seront exposés ci-dessous.

46      Dans ces circonstances et dans un souci d’économie de la procédure, il n’y a pas lieu d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

2.     Sur la recevabilité de certains griefs soulevés au stade de la réplique

47      La Commission fait valoir que les requérantes ont introduit pour la première fois au stade de la réplique de nouveaux moyens, qui devraient donc être rejetés comme irrecevables.

 Affaire T‑394/08

48      Dans l’affaire T‑394/08, la Commission considère comme nouveaux, premièrement, le moyen tiré d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’effet incitatif de l’aide, deuxièmement, le moyen tiré d’une violation de l’obligation d’instruction de la Commission et, troisièmement, le moyen tiré de ce que la violation du principe de nécessité de l’aide par le régime en cause ne serait qu’apparente.

49      S’agissant des premier et troisième moyens contestés par la Commission, il apparaît que les développements que la Commission qualifie de moyens nouveaux ne sont en fait destinés qu’à développer des griefs déjà introduits en tant que premier moyen dans la requête.

50      Il est vrai que ce premier moyen soulevé par la Région Sardaigne est intitulé « Violation des formes substantielles en raison de la contradiction des motifs : prétendue absence de pertinence de la confiance dans l’appréciation de l’‘effet d’incitation’ dans le chef des bénéficiaires et donc dans l’appréciation de la condition de la ‘nécessité de l’aide’ ». Cet intitulé semble restreindre la portée du moyen à une violation de l’obligation de motivation. Toutefois, le texte qui suit ce titre contient aussi des passages ayant clairement trait à une erreur dans l’évaluation de l’effet incitatif de l’aide, par exemple au point 17, quatrième tiret, et aux points 18, 20 et 23 de la requête. Or, le critère de l’effet incitatif d’une aide est utilisé par la Région Sardaigne comme synonyme du critère de nécessité, l’octroi de l’aide devant motiver le bénéficiaire à mettre en œuvre un certain projet, lequel ne serait autrement pas réalisé. Dès lors, le premier moyen soulevé par la Région Sardaigne contient en fait deux moyens, l’un, tiré d’une erreur dans l’appréciation de l’effet incitatif de l’aide et, l’autre, tiré d’un défaut de motivation relatif à ce point.

51      S’agissant du deuxième moyen contesté par la Commission, cette dernière allègue que, dans la réplique, sous prétexte d’étayer son raisonnement concernant la prétendue violation de l’obligation de motivation relative à l’évaluation de l’effet incitatif, la Région Sardaigne critiquerait le fait qu’elle n’ait pas adéquatement instruit la décision attaquée.

52      Or, au regard des passages en cause de la réplique, il apparaît que la Région Sardaigne, qui n’a nullement entendu introduire un nouveau moyen, tiré d’un défaut d’instruction, a simplement entendu étayer son premier moyen, qui est tiré, ainsi qu’il a été relevé au point 50 ci-dessus, tant d’une erreur dans l’appréciation de l’effet d’incitation de l’aide que d’un défaut de motivation relatif à ce point.

53      Dès lors, la Région Sardaigne n’a pas soulevé de nouveaux moyens au stade de la réplique, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

 Affaire T‑408/08

54      Dans l’affaire T‑408/08, la Commission considère comme nouveau le moyen tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’incidence du régime en cause sur le commerce entre les États membres.

55      Or, cette fin de non-recevoir de la Commission procède d’une mauvaise compréhension des écritures de SF Turistico Immobiliare, prêtant certes à confusion. En effet, ladite requérante a déjà mentionné dans la requête l’« altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun », dans le cadre de son neuvième moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et des lignes directrices de 1998. Toutefois, ce faisant, elle a uniquement entendu étayer ce moyen, tiré d’une violation des dispositions régissant la compatibilité de l’aide, et non soulever un moyen distinct, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, en ce que la Commission aurait erronément conclu à l’existence d’une aide d’État.

56      Dès lors, la mention faite par SF Turistico Immobiliare, dans la réplique, selon laquelle elle « a en outre fait valoir [dans la requête] l’absence substantielle d’une motivation suffisante quant à l’incidence de l’aide sur les échanges entre les États membres » doit être comprise dans le même sens, à savoir comme étant censée étayer le moyen tiré d’une violation des dispositions régissant la compatibilité de l’aide.

57      Il s’ensuit que SF Turistico Immobiliare n’a pas soulevé de moyen nouveau au stade de la réplique, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

 Affaire T‑453/08

58      Dans cette affaire, la Commission considère comme nouveau le moyen tiré de la violation de l’article 253 CE quant à l’application de la règle de minimis.]

59      Elle fait valoir, à cet égard, que le moyen soulevé dans la requête a trait à l’exacte application du seuil de minimis et non à la motivation adéquate de cette application.

60      Or, cette affirmation n’est pas exacte au regard du libellé des points en question de la requête, qui mentionnent le « défaut de motivation à l’égard de l’existence de l’élément d’incitation de l’aide en relation avec le fait que la partie de la subvention se rapportant à la dépense réalisée avant la demande est d’un montant inférieur au seuil de minimis » et une « contradiction » entre la décision attaquée et les affirmations de la Commission relatives au plafond de minimis à l’occasion d’autres contacts avec la Région Sardaigne.

61      Il y a lieu de considérer, dès lors, que le moyen tiré d’un défaut de motivation quant à l’application de la règle de minimis a déjà été soulevé par Timsas dans la requête, de sorte qu’il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

 Affaire T‑454/08

62      Dans cette affaire, la Commission considère comme nouveau le moyen tiré de la violation des droits de la défense, prétendument soulevé par Grand Hotel Abi d’Oru au stade de la réplique.

63      Elle fait valoir, à cet égard, que, dans la requête, Grand Hotel Abi d’Oru n’aurait clairement invoqué, par rapport au fait que la Commission ne lui a pas notifié certains documents, que la violation de l’article 254 CE et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

64      Or, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, Grand Hotel Abi d’Oru a affirmé qu’elle n’a pas entendu, par le passage de la réplique visé par la Commission, soulever un nouveau moyen, tiré de la violation des droits de la défense, ledit passage étant seulement censé étayer le moyen, soulevé dans la requête, tiré de la violation de l’article 254 CE et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999. Par conséquent, il n’y a pas lieu de rejeter comme irrecevable un moyen soulevé par Grand Hotel Abi d’Oru.

3.     Sur la recevabilité des moyens tirés de l’illégalité de la décision de rectification

65      Les intervenantes et SF Turistico Immobiliare ont invoqué l’illégalité de la décision de rectification pour faire valoir l’illégalité de la décision attaquée.

66      La Commission, sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité à cet égard, estime que les moyens en cause sont irrecevables, puisque la décision de rectification est devenue définitive. En effet, elle aurait été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 14 février 2007 et n’aurait pas été attaquée dans les délais prévus à l’article 230, cinquième alinéa, CE.

67      SF Turistico Immobiliare fait valoir que la décision de rectification ne lui portait pas préjudice dans la mesure où le seul préjudice concret pour ses intérêts découlait de la décision attaquée. C’est donc uniquement à l’égard de cette dernière qu’elle aurait un intérêt à agir.

68      À cet égard, il convient tout d’abord de déterminer la nature juridique de la décision de rectification, pour ensuite déterminer, le cas échéant, si les requérantes, à défaut de l’avoir attaquée en justice dans le délai visé à l’article 230, cinquième alinéa, CE, se trouvent forcloses d’invoquer son illégalité dans le cadre d’un recours en annulation contre la décision attaquée.

 Sur la nature juridique de la décision de rectification

69      Les textes régissant la procédure en matière d’aides d’État ne prévoient pas expressément une décision de rectification et d’extension d’une procédure pendante.

70      À cet égard, il résulte du considérant 8 du règlement n° 659/1999 et de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen doit récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, inclure une évaluation préliminaire de la mesure en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun, afin de permettre à l’État membre concerné et aux autres parties intéressées de présenter utilement leurs observations et, ce faisant, de fournir à la Commission toutes les informations dont elle a besoin pour évaluer la compatibilité de l’aide avec le marché commun. La procédure formelle d’examen permet, quant à elle, d’approfondir et d’éclaircir les questions soulevées dans la décision d’ouverture. Il résulte de l’article 7 du règlement n° 659/1999 que, à l’issue de cette procédure, l’analyse de la Commission peut avoir évolué, puisqu’elle peut décider finalement que la mesure ne constitue pas une aide ou que les doutes sur son incompatibilité ont été levés. Il s’ensuit que la décision finale peut présenter certaines divergences avec la décision d’ouverture, sans que celles-ci vicient pour autant la décision finale (arrêt du Tribunal du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, non publié au Recueil, point 69). Dans cette perspective, il n’y aurait donc pas lieu, pour la Commission, de procéder à une rectification d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

71      Néanmoins, il est logique et, qui plus est, dans l’intérêt des bénéficiaires potentiels d’un régime d’aides que, dans l’hypothèse où la Commission s’aperçoit, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que cette dernière est fondée soit sur des faits incomplets soit sur une qualification juridique erronée de ces faits, elle doive avoir la possibilité d’adapter sa position, en adoptant une décision de rectification. En effet, une telle décision de rectification, assortie d’une nouvelle invitation aux parties intéressées à soumettre leurs observations, leur permet de réagir à la modification intervenue dans l’appréciation provisoire, par la Commission, de la mesure en cause et de faire valoir leur point de vue à cet égard.

72      Il convient d’ailleurs de relever que la Commission aurait également pu choisir d’adopter d’abord une décision clôturant sans suite la procédure et ensuite une nouvelle décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, fondée sur son appréciation juridique modifiée, qui aurait eu, en substance, le même contenu que la décision de rectification. Dans ces conditions, des considérations d’économie de la procédure et le principe de bonne administration laissent apparaître comme préférable l’adoption d’une décision de rectification par rapport à la clôture de la procédure et à l’ouverture d’une nouvelle procédure. Il convient de relever, dans ce contexte, que la rectification de l’objet de la procédure a permis à la Commission de tenir compte, aux fins de la décision attaquée, des observations présentées par Grand Hotel Abi d’Oru à la suite de la décision d’ouverture, ce qui n’aurait pas été le cas si elle avait clôturé la procédure formelle d’examen pour en ouvrir une nouvelle.

73      Quant à la qualification juridique d’une telle décision de rectification, étant donné qu’elle vient s’ajouter à la décision d’ouverture pour former avec cette dernière une décision d’ouverture modifiée, il y a lieu de considérer qu’elle partage sa qualité juridique. Il convient de rappeler, à cet égard, que la communication sur l’ouverture de la procédure formelle d’examen vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (arrêt de la Cour du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, Rec. p. 813, point 19 ; arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, Rec. p. II‑1399, point 256).

74      En l’espèce, la Commission a exposé, dans la décision de rectification, les raisons pour lesquelles elle considérait que l’appréciation juridique du régime d’aides en cause, contenue dans la décision d’ouverture, devait être rectifiée. Elle a notamment expliqué qu’il s’agissait, selon elle, d’un régime illégal et non de l’application abusive d’un régime approuvé par elle. La Commission a assorti ces explications d’une nouvelle invitation, à l’adresse des parties intéressées, à présenter leurs observations. Il s’ensuit que la décision de rectification avait le même objet et la même finalité qu’une décision d’ouverture, de sorte qu’il y a lieu de la qualifier comme telle.

 Sur les conséquences, en l’espèce, pour la recevabilité des moyens tirés de l’illégalité de la décision de rectification

75      Il convient de relever, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑10/92 à T‑12/92 et T‑15/92, Rec. p. II‑2667, point 28).

76      Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêt IBM/Commission, point 75 supra, point 10, et arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 75 supra, point 28).

77      En application de cette jurisprudence, la décision finale adoptée par la Commission pour clore la procédure formelle d’examen prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE constitue un acte attaquable sur la base de l’article 230 CE. Une telle décision produit, en effet, des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des parties intéressées, puisqu’elle met fin à la procédure en cause et se prononce définitivement sur la compatibilité de la mesure examinée avec les règles applicables aux aides d’État. Partant, les parties intéressées disposent toujours de la possibilité d’attaquer la décision finale qui clôture la procédure formelle d’examen et doivent dans ce cadre pouvoir remettre en cause les différents éléments qui fondent la position définitivement adoptée par la Commission (arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, Rec. p. II‑5015, point 45). Cette possibilité est indépendante de la question de savoir si la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen entraîne ou non des effets juridiques susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation. Certes, la jurisprudence de la Cour et du Tribunal a admis la possibilité de former un recours contre la décision d’ouverture lorsqu’elle emporte des effets juridiques définitifs qui ne peuvent pas être régularisés a posteriori par la décision finale. Tel est le cas lorsque, comme en l’espèce, la Commission ouvre la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure qu’elle qualifie provisoirement d’aide nouvelle, cette décision d’ouverture emportant des effets juridiques autonomes par rapport à la décision finale. En effet, la suspension de la mise en œuvre de la mesure concernée résultant, en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE, de la qualification provisoire de cette mesure d’aide nouvelle revêt un caractère autonome par rapport à la décision finale, limité dans le temps jusqu’à la clôture de la procédure formelle (arrêts de la Cour du 30 juin 1992, Espagne/Commission, C‑312/90, Rec. p. I‑4117, points 12 à 24 ; du 5 octobre 1994, Italie/Commission, C‑47/91, Rec. p. I‑4635, points 29 et 30, et du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C‑400/99, Rec. p. I‑7303, points 56 à 62 et 69 ; arrêt du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec. p. II‑2309, points 80 à 86).

78      Néanmoins, cette possibilité d’attaquer une décision d’ouverture ne peut avoir pour conséquence de réduire les droits procéduraux des parties intéressées en les empêchant d’attaquer la décision finale et d’invoquer au soutien de leur requête des vices relatifs à toutes les étapes de la procédure conduisant à cette décision (arrêt Regione Siciliana/Commission, point 77 supra, point 47).

79      Il découle de ce qui précède que le fait que les requérantes et les intervenantes n’ont pas introduit dans le délai requis un recours contre la décision de rectification ne les empêche pas de soulever des moyens tirés de l’illégalité de cette dernière à l’encontre de la décision attaquée, de sorte qu’il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

4.     Sur les moyens tirés de vices de procédure

80      Les requérantes et les intervenantes soulèvent trois moyens visant des vices de procédure et tirés, premièrement, de la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE et du règlement n° 659/1999, deuxièmement, de la violation de l’article 254, paragraphe 3, CE et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 et, troisièmement, de défauts de motivation de la décision attaquée.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE et du règlement n° 659/1999

81      Ce moyen se subdivise en trois griefs, respectivement tirés d’une violation de l’article 9 du règlement n° 659/1999, d’un défaut d’instruction et du non-respect des délais prévus par le règlement n° 659/1999.

 Sur le grief tiré d’une violation de l’article 9 du règlement n° 659/1999

82      Les intervenantes font valoir que, puisque l’aide déclarée incompatible par la décision attaquée avait été précédemment approuvée par la Commission, celle-ci aurait dû révoquer la décision d’approbation comme le lui imposait l’article 9 du règlement n° 659/1999.

83      La Commission ne s’est pas expressément prononcée sur le bien-fondé de ce grief.

84      En vertu de l’article 9 du règlement n° 659/1999, la Commission peut notamment révoquer une décision par laquelle elle a autorisé une aide, après avoir donné à l’État membre concerné la possibilité de présenter des observations, dans le cas où cette décision reposait sur des informations inexactes transmises au cours de la procédure et d’une importance déterminante pour la décision.

85      Toutefois, force est de constater que la décision d’approbation ne repose pas sur des informations inexactes. Il convient de relever, à cet égard, que, ainsi qu’il ressort des considérants 51, 54, 59, 61 et 72 de la décision attaquée, la Commission ne reproche pas aux autorités italiennes de lui avoir transmis des informations inexactes ou incomplètes lors de la procédure précédant la décision d’approbation. En effet, elle attribue l’incompatibilité avec le marché commun des aides en cause dans la présente affaire au fait que la deliberazione n° 33/6 a introduit des modifications à la mesure initialement notifiée non compatibles avec les termes de la décision d’approbation, dans la mesure où, lors de la première invitation à présenter des demandes dans le cadre du régime en cause, pouvaient être retenus des projets dont l’exécution avait débuté avant la présentation de la demande d’aide (ci-après le « régime d’aides litigieux » ou le « régime litigieux »). Or, la deliberazione n° 33/6 date du 27 juillet 2000 et est donc postérieure à la décision d’approbation du 12 novembre 1998.

86      Il s’ensuit que l’article 9 du règlement n° 659/1999 ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce.

87      Il convient d’ajouter, à cet égard, qu’il n’y avait aucune raison pour la Commission de révoquer la décision d’approbation, puisque son appréciation quant à la compatibilité du régime d’aides approuvé par cette décision n’avait pas changé. En effet, la Commission a constaté, à l’article 1er de la décision attaquée, que « les aides d’État octroyées au titre de la loi […] n° 9/1998, illégalement appliquée par l’Italie par la deliberazione n° 33/6 […], sont incompatibles avec le marché commun à moins que le bénéficiaire de l’aide n’ait présenté une demande d’aide sur la base de ce régime avant l’exécution des travaux […] ». Il en découle que la décision attaquée n’affecte pas la compatibilité des aides d’État octroyées au titre de la loi n° 9/1998 dans la mesure où une demande d’aide a été présentée avant l’exécution des travaux. Or, c’est précisément sous cette condition que la Commission avait déclaré, dans la décision d’approbation, ne pas soulever d’objections à l’égard du régime d’aides notifié par l’Italie.

88      Par conséquent, il convient de rejeter le grief soulevé par les intervenantes, tiré d’une violation de l’article 9 du règlement n° 659/1999.

 Sur le grief tiré d’un défaut d’instruction

89      Timsas et Grand Hotel Abi d’Oru reprochent à la Commission un défaut d’instruction en ce qu’elle n’aurait pas pris en compte leur situation spécifique. En particulier, la Commission aurait omis d’examiner leur situation en tant que parties privées par rapport à la Région Sardaigne et les différences existant entre les diverses entreprises concernées par la mise en œuvre du régime d’aides en cause. De plus, la Commission aurait omis d’examiner la confiance légitime suscitée chez elles tant par la Région Sardaigne que par la Commission.

90      La Commission réfute les arguments de Timsas et de Grand Hotel Abi d’Oru.

91      Il ressort d’une jurisprudence constante que, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission n’est, en principe, pas tenue d’effectuer une analyse des aides octroyées dans des cas individuels mais peut se borner à examiner les caractéristiques du régime en cause (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, Rec. p. 4013, point 18 ; du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec. p. I‑2289, point 89, et du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C‑278/00, Rec. p. I‑3997, point 24). Par ailleurs, les circonstances particulières propres aux bénéficiaires individuels d’un régime d’aides ne peuvent être appréciées qu’au stade de la récupération de l’aide par l’État membre concerné [arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission, précité, point 91, et arrêt du Tribunal du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T‑354/99, Rec. p. II‑1475, point 67]. En effet, s’il en était autrement, la charge de l’examen pesant sur la Commission serait plus importante dans l’hypothèse d’un régime mis en œuvre de manière illégale, en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE, que dans l’hypothèse où l’État membre en cause aurait respecté l’obligation de notification imposée par ladite disposition, puisque, dans ce dernier cas, les circonstances particulières des bénéficiaires potentiels sont par définition inconnues au stade de l’examen.

92      Dès lors, en l’espèce, la Commission pouvait se limiter à examiner le régime d’aides en tant que tel et n’était tenue de prendre en compte ni les rapports entre les requérantes et la Région Sardaigne, ni les différences existant entre les diverses entreprises concernées, ni encore l’éventuelle confiance légitime qui pourrait être invoquée par certaines de ces entreprises et qui aurait été suscitée chez elles soit par la Commission, soit par la Région Sardaigne. Ces circonstances ne pourront être prises en compte qu’au stade de la récupération des aides individuelles.

93      Il s’ensuit que le grief tiré d’un défaut d’instruction doit être rejeté.

 Sur le grief tiré du non-respect des délais prévus par le règlement n° 659/1999

94      Les intervenantes reprochent à la Commission de ne pas avoir respecté les délais suivants, fixés dans le règlement n° 659/1999 :

–        le délai de deux mois à compter du jour suivant la notification complète, dans lequel la Commission doit prendre une décision à l’issue de la phase préliminaire d’examen, conformément à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999 ;

–        le délai de deux mois dans lequel la Commission devrait prendre une décision à l’issue de la phase préliminaire d’examen, lorsqu’elle a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, conformément à l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 tel qu’interprété par la jurisprudence ;

–        le délai de 18 mois à compter de l’ouverture de la procédure formelle d’examen dans lequel la Commission doit adopter une décision de clôture de cette procédure, conformément à l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999.

95      La Commission ne s’est pas expressément prononcée sur le bien-fondé de ce grief.

96      Il y a lieu de relever, à cet égard, premièrement, que le délai de deux mois pour la clôture de la phase préliminaire d’examen, fixé à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999, court à compter du jour suivant celui de la réception d’une notification complète. Or, en l’espèce, l’examen préliminaire du régime litigieux n’a pas été déclenché par une notification de ce régime par la République italienne mais par une plainte concernant l’application abusive du régime initial, reçue par la Commission le 21 février 2003. Dès lors, la Commission n’était pas liée par le délai de deux mois visé à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999 (voir, en ce sens, déjà avant l’entrée en vigueur du règlement n° 659/1999, arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, Gestevisión Telecinco/Commission, T‑95/96, Rec. p. II‑3407, point 79, et du 10 mai 2000, SIC/Commission, T‑46/97, Rec. p. II‑2125, point 103).

97      Deuxièmement, s’agissant du délai de deux mois prétendument imposé par la jurisprudence au regard de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, il convient tout d’abord de relever que, en vertu de cette disposition, lorsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai. Cette disposition ne doit pas être comprise comme faisant référence à la clôture de la phase préliminaire d’examen mais plutôt comme se rapportant au début de l’examen préliminaire, thèse qui est confortée par le fait, souligné au point précédent, que la Commission n’est pas tenue par le délai habituel dans l’hypothèse d’un examen préliminaire déclenché par une plainte.

98      La jurisprudence invoquée par les intervenantes ne donne pas de ces dispositions une interprétation différente de celle qui précède. En effet, s’il est vrai que cette jurisprudence souligne le fait que la Commission doit clôturer la phase préliminaire d’examen dans un délai de deux mois, toujours est-il que ce délai s’applique exclusivement dans le cas d’aides notifiées par les États membres, ainsi qu’il découle clairement du contexte des points cités par les intervenantes, et non dans les cas où, comme en l’espèce, la phase préliminaire d’examen a été déclenchée par une plainte.

99      Il est vrai que cela ne saurait conduire à permettre à la Commission de prolonger de manière discrétionnaire la phase préliminaire d’examen. Ainsi a-t-il été jugé que, dans la mesure où elle possède une compétence exclusive pour apprécier la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial d’une plainte dénonçant l’existence d’une aide incompatible avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 62, et arrêt Gestevisión Telecinco/Commission, point 96 supra, point 72), et qu’elle ne saurait donc prolonger indéfiniment l’examen préliminaire de mesures étatiques ayant fait l’objet d’une plainte relative à une aide d’État (arrêt Gestevisión Telecinco/Commission, point 96 supra, point 74). Selon une jurisprudence constante, le caractère raisonnable de la durée d’une telle procédure administrative doit s’apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission doit suivre, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (arrêts du Tribunal du 19 mars 1997, Oliveira/Commission, T‑73/95, Rec. p. II‑381, point 45 ; du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et T‑18/96, Rec. p. II‑1739, point 57, et Gestevisión Telecinco/Commission, point 96 supra, point 75).

100    En l’espèce, entre la réception de la plainte par la Commission, le 21 février 2003, et l’adoption de la décision d’ouverture, le 3 février 2004, il s’est écoulé un délai d’un peu plus de onze mois. Compte tenu notamment de la nécessité, pour la Commission, de demander, par l’intermédiaire de la République italienne, des renseignements complémentaires auprès de la Région Sardaigne, un tel délai ne saurait être qualifié d’excessif.

101    Troisièmement, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, et de l’article 16 du règlement n° 659/1999, dans le cas d’une aide présumée illégale comme dans le cas d’une aide présumée avoir été appliquée de manière abusive, la Commission n’est pas liée, notamment, par le délai fixé à l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999. Or, en l’espèce, la procédure formelle d’examen ouverte par la Commission concernait initialement une aide présumée avoir été appliquée de manière abusive puis, à la suite de la décision de rectification, une aide présumée illégale.

102    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le grief tiré du non-respect des délais prévus par le règlement n° 659/1999.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 254, paragraphe 3, CE et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999

103    Grand Hotel Abi d’Oru fait valoir que la Commission a violé l’obligation de notification prévue à l’article 254, paragraphe 3, CE et à l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, en ne lui communiquant ni la demande de renseignements complémentaires, adressée par la Commission à la République italienne le 26 février 2003 (voir point 15 ci-dessus), ni la décision de rectification alors qu’elle avait, à la suite de l’invitation contenue dans la décision d’ouverture, déposé des observations relatives au régime d’aides litigieux.

104    La Commission s’oppose aux arguments de Grand Hotel Abi d’Oru.

105    En premier lieu, conformément à l’article 254, paragraphe 3, CE, les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification.

106    S’agissant, premièrement, de la décision de rectification, il découle d’une jurisprudence constante que les décisions adoptées par la Commission dans le domaine des aides d’État ont toujours pour destinataires les États membres concernés (arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 99 supra, point 45 ; arrêts du Tribunal du 17 juin 1999, ARAP e.a./Commission, T‑82/96, Rec. p. II‑1889, point 28, et SIC/Commission, point 96 supra, point 45). Cette jurisprudence, qui est antérieure au règlement n° 659/1999, a été expressément confirmée par l’article 25 de ce règlement, qui dispose que les décisions prises en application des chapitres II, III, IV, V et VII dudit règlement sont adressées à l’État membre concerné, auquel la Commission les notifie sans délai. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, ainsi qu’il a été constaté aux points 69 à 74 ci-dessus, la décision de rectification doit être juridiquement qualifiée de décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.

107    Il s’ensuit que la décision de rectification s’adressait exclusivement à la République italienne et non aux bénéficiaires du régime litigieux. Par conséquent, l’article 254, paragraphe 3, CE n’obligeait pas la Commission à notifier la décision de rectification à Grand Hotel Abi d’Oru.

108    S’agissant, deuxièmement, de la demande de renseignements complémentaires, il ne s’agit pas d’une décision, au sens de l’article 249, quatrième alinéa, CE, de sorte que l’article 254, paragraphe 3, CE n’est pas applicable à celle-ci.

109    Il y a donc lieu de rejeter le grief tiré d’une violation de cette disposition.

110    En second lieu, conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, toute partie intéressée qui a présenté des observations à la suite d’une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen reçoit une copie de la décision prise par la Commission conformément à l’article 7 dudit règlement.

111    Or, ni la décision de rectification ni la demande de renseignements complémentaires ne peuvent être qualifiées de « décision prise conformément à l’article 7 » du règlement n° 659/1999. En effet, cet article vise exclusivement, par son intitulé comme par son contenu, les décisions de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen. Or, d’une part, ainsi qu’il a été expliqué aux points 73 et 74 ci-dessus, la décision de rectification doit être qualifiée, non de décision clôturant la procédure formelle d’examen, mais, au contraire, de décision d’ouverture de cette procédure. D’autre part, s’agissant de la demande d’informations complémentaires, comme il a été indiqué au point 108 ci-dessus, il ne s’agit pas d’un acte pouvant être qualifié de décision, de sorte qu’elle n’est pas non plus visée par l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

112    Il y a donc lieu de rejeter le grief tiré d’une violation de cette disposition.

113    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le moyen tiré de la violation de l’article 254, paragraphe 3, CE et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

 Sur le moyen tiré de défauts de motivation de la décision attaquée

114    Les requérantes et les intervenantes soulèvent six griefs quant au défaut de motivation de la décision attaquée et de la décision de rectification.

 Sur le grief tiré du défaut de motivation quant à la violation du principe de la durée raisonnable de la procédure

115    SF Turistico Immobiliare fait valoir que tant la décision de rectification que la décision attaquée sont dépourvues de motivation à l’égard de la prétendue violation du principe de la durée raisonnable de la procédure.

116    La décision de rectification n’expliquerait pas les raisons qui ont amené la Commission à attendre deux ans et demi pour rectifier et étendre la décision d’ouverture, alors qu’elle avait pleinement connaissance de tous les éléments utiles depuis le mois d’avril 2003.

117    S’agissant de la décision attaquée, SF Turistico Immobiliare admet que, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, la Commission n’est pas tenue, dans le cas d’une éventuelle aide illégale, par les délais fixés à l’article 4, paragraphe 5, à l’article 7, paragraphe 6, et à l’article 7, paragraphe 7, du règlement n° 659/1999. Cela n’impliquerait toutefois pas que le principe de la durée raisonnable de la procédure ne soit pas applicable dans une telle hypothèse. La décision attaquée ne fournissant pas de justification pour la durée anormale de plus de quatre ans et cinq mois de la procédure d’examen, elle serait entachée d’un vice de motivation.

118    La Commission réfute les arguments de SF Turistico Immobiliare.

119    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il ne s’agit pas, dans le cadre de l’examen du présent grief, d’examiner si la durée de la procédure a effectivement été excessive en l’espèce, mais uniquement de répondre à la question de savoir si l’obligation de motivation de la Commission s’applique à la durée de la procédure et, dans l’affirmative, si elle a satisfait à cette obligation.

120    Or, il convient de répondre par la négative à la première de ces questions – en d’autres termes, l’obligation de motivation de la Commission ne s’applique pas à la durée de la procédure mais uniquement au contenu même de la décision.

121    En effet, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes directement et individuellement concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêts de la Cour Commission/Sytraval et Brink’s France, point 99 supra, point 63, et la jurisprudence citée, et du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 166, et la jurisprudence citée).

122    Or, la durée d’une procédure ne procède pas d’un raisonnement de l’institution en cause, susceptible de justifier cette durée, mais est une circonstance purement factuelle dépendant exclusivement du temps qui est nécessaire à l’institution pour mener à son terme ladite procédure. Dès lors, elle ne fait pas partie du contenu de la décision, susceptible d’être motivé, au sens de la jurisprudence citée au point précédent. Elle ne requiert, comme la Commission le fait valoir à bon droit, que l’énumération purement factuelle des différentes étapes de la procédure jusqu’à l’adoption de la décision en question.

123    Par conséquent, il convient de rejeter le grief tiré du défaut de motivation quant à la violation du principe de la durée raisonnable de la procédure.

 Sur le grief tiré du défaut de motivation de la qualification de l’aide de nouvelle aide illégale

124    La Région Sardaigne fait valoir un défaut de motivation de la décision attaquée quant à la qualification des aides aux projets dont l’exécution a été entamée avant l’introduction de la demande d’illégales, plutôt que d’abusives.

125    La Commission conteste les arguments de la Région Sardaigne.

126    À cet égard, il suffit de relever que la Commission a exposé, aux considérants 48 à 55 de la décision attaquée, en substance, que le régime d’aides qui a été mis en œuvre par l’adoption notamment de la deliberazione n° 33/6 ne respectait pas les termes de la décision d’approbation, en ce qu’il n’assurait pas l’effet incitatif des aides en cause, et que, dès lors, les aides consenties pour des projets dont l’exécution a débuté avant la présentation de la demande d’aide devaient être considérées comme illégales.

127    Une telle motivation fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle, au sens de la jurisprudence citée au point 121 ci-dessus.

128    Partant, ce grief doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le grief tiré du défaut de motivation quant à l’incompatibilité des aides au titre du développement régional

129    Les intervenantes et SF Turistico Immobiliare font valoir un défaut de motivation de la décision attaquée s’agissant de la compatibilité des aides accordées au titre du régime litigieux (ci-après les « aides litigieuses »), notamment sous l’angle de son apport au développement régional, au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. La Commission n’aurait notamment pas précisé les motifs pour lesquels, contrairement à d’autres cas présentant des circonstances analogues, elle n’a pas considéré comme applicables les dérogations prévues à l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE.

130    La Commission conteste les arguments des intervenantes et de SF Turistico Immobiliare.

131    S’agissant, en premier lieu, de la recevabilité du grief soulevé par SF Turistico Immobiliare, étant donné que le moyen tiré du défaut de motivation est un moyen d’ordre public, il ne saurait être rejeté comme irrecevable, puisqu’il doit être examiné d’office par le Tribunal (voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, point 52, et la jurisprudence citée).

132    En deuxième lieu, il convient de rejeter l’argument de la Commission, tiré de ce qu’il ne lui incomberait pas de démontrer l’incompatibilité de l’aide dans la mesure où il reviendrait à l’État membre concerné d’en démontrer la compatibilité. Il est certes vrai que, dès lors que la décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE contient une analyse préliminaire suffisante de la Commission exposant les raisons pour lesquelles elle éprouve des doutes quant à la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, il revient à l’État membre et au bénéficiaire potentiel d’apporter les éléments de nature à démontrer que ces aides sont compatibles avec le marché commun (arrêt du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec. p. II‑127, point 45 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 novembre 2004, Ferriere Nord/Commission, T‑176/01, Rec. p. II‑3931, points 93 et 94 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 170). Néanmoins, cela ne constitue qu’une règle afférente à la charge de la preuve et non au devoir de motivation, de sorte que c’est à la Commission qu’il appartient, le cas échéant, de faire état, dans sa décision, des motifs qui l’ont conduite à considérer que, malgré les éléments fournis par l’État membre ou les bénéficiaires, les aides en cause ne sont pas compatibles avec le marché commun.

133    Or, en troisième lieu, en l’espèce, la Commission a satisfait à son obligation de motivation à cet égard.

134    En effet, elle a indiqué, aux considérants 56 à 73 de la décision attaquée, en substance, que la raison pour laquelle les aides litigieuses n’étaient pas compatibles avec le marché commun était l’absence d’effet incitatif de ces aides, due au fait qu’elles avaient été octroyées pour des projets ayant été entamés avant la présentation de la demande d’aide. Elle a notamment rappelé, à cet égard, que le principe de la nécessité de l’aide est un principe général, confirmé par la jurisprudence, qui a de plus été repris tant dans la décision d’approbation que dans les lignes directrices de 1998 (voir considérants 58 à 61 de la décision attaquée). Ce constat suffisait déjà à motiver l’incompatibilité de l’aide, puisqu’il était susceptible d’exclure la compatibilité de toute aide au titre du développement régional. Il convient de rappeler, dans ce contexte, que le Tribunal a déjà décidé que, en rappelant les critères définis dans des lignes directrices et en constatant qu’il n’était pas satisfait à ces critères dans un cas particulier, la Commission a motivé à suffisance de droit sa décision de refuser d’accorder une dérogation au titre de l’article 87, paragraphe 3, CE (arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, point 102). Si, aux considérants 62 à 69 de la décision attaquée, la Commission a rejeté divers arguments avancés par les autorités italiennes et si, au point 71 de ladite décision, elle a exposé que les aides litigieuses ne pouvaient pas non plus être approuvées sur le fondement d’autres bases juridiques, de telles explications ne présentent donc qu’un caractère surérogatoire.

135    Dès lors, il convient de rejeter le grief tiré du défaut de motivation quant à l’incompatibilité de l’aide au titre du développement régional.

 Sur le grief tiré du défaut de motivation de l’appréciation de l’effet incitatif des aides litigieuses

136    Dans le cadre de ce grief, la Région Sardaigne, les intervenantes, SF Turistico Immobiliare, Timsas et Grand Hotel Abi d’Oru présentent trois arguments tirés du défaut de motivation de l’appréciation, par la Commission, de l’effet incitatif des aides litigieuses.

137    Premièrement, les intervenantes font valoir que la Commission aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles, en l’espèce, la présomption mentionnée au point 4.2 des lignes directrices de 1998, selon laquelle l’effet d’incitation fait défaut dans l’hypothèse d’un début des travaux avant la demande d’aide, ne pouvait être renversée par les arguments invoqués par la Région Sardaigne. À tout le moins, la Commission aurait dû procéder à une comparaison concrète du prétendu déséquilibre que le versement des aides en cause aurait causé au marché de référence. Or, il n’y aurait aucune trace d’une telle justification dans la décision attaquée.

138    Deuxièmement, la Région Sardaigne fait valoir que la décision attaquée est dépourvue de motivation et contradictoire quant à la raison pour laquelle la Commission n’a pas tenu compte, dans l’appréciation de l’effet incitatif du régime d’aides litigieux, de la confiance des bénéficiaires dudit régime dans les législations nationale et communautaire applicables au moment où ils ont pris la décision d’investir.

139    Troisièmement, SF Turistico Immobiliare, Timsas et Grand Hotel Abi d’Oru font valoir que la décision attaquée est dépourvue de motivation quant à la raison pour laquelle la Commission n’a pas tenu compte, dans l’appréciation de l’effet incitatif du régime d’aides litigieux, de la situation spécifique des bénéficiaires dudit régime.

140    La Commission s’oppose à ces arguments.

141    S’agissant, en premier lieu, des arguments soulevés par la Région Sardaigne et par les intervenantes, il convient d’emblée de rejeter l’argument selon lequel la Commission aurait dû procéder à une comparaison concrète du prétendu déséquilibre que le versement des aides aurait causé au marché. En effet, la question de savoir si les aides en cause ont causé un déséquilibre sur le marché, qui est une question relevant, en principe, de la notion d’aide, est dépourvue de pertinence aux fins de l’appréciation de leur effet incitatif, qui relève de l’examen de la compatibilité avec le marché commun des aides en cause.

142    Par ailleurs, il convient de rejeter l’argument selon lequel la Commission aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles la présomption mentionnée au point 4.2 des lignes directrices de 1998 ne pouvait être renversée par les arguments invoqués par la Région Sardaigne et, notamment, par des considérations relatives à la confiance légitime des bénéficiaires du régime litigieux, et ce sans qu’il soit nécessaire de se prononcer, à ce stade, sur la circonstance alléguée par les intervenantes que l’exigence de la présentation d’une demande d’aide avant le début des travaux découlerait d’une présomption susceptible d’être renversée. En effet, il y a lieu de constater que, aux considérants 62 à 67 de la décision attaquée, la Commission a d’abord rappelé sommairement les arguments présentés par les autorités italiennes dans le cadre de la procédure formelle d’examen et qui sont exposés de manière plus large aux considérants 36 à 43 de ladite décision. Elle a ensuite indiqué, pour chacun d’entre eux, la raison pour laquelle elle estimait qu’il convenait de l’écarter. En tout état de cause, il ne saurait donc être question d’un défaut de motivation à cet égard, de sorte qu’il convient de rejeter les arguments soulevés par la Région Sardaigne et par les intervenantes.

143    En second lieu, il convient d’écarter l’argument présenté au point 139 ci-dessus, sans qu’il soit besoin, conformément aux considérations exposées au point 44 ci-dessus, de se prononcer sur sa recevabilité en tant qu’il est soulevé par SF Turistico Immobiliare.

144    En effet, comme il a été exposé aux points 91 et 92 ci-dessus, dans le cadre de l’examen d’un régime d’aides, la Commission est en droit de limiter son examen aux caractéristiques générales et abstraites dudit régime, sans être tenue d’examiner la situation spécifique des différents bénéficiaires de celui-ci. Or, la Commission n’étant pas tenue d’examiner la situation spécifique des bénéficiaires, l’obligation de motivation ne s’appliquait pas non plus à ladite situation, de sorte qu’il convient de rejeter l’argument soulevé par SF Turistico Immobiliare, Timsas et Grand Hotel Abi d’Oru.

145    Par conséquent, il convient de rejeter le grief tiré du défaut de motivation de l’appréciation de l’effet incitatif de l’aide.

 Sur le grief tiré du défaut de motivation quant au refus d’application de la règle de minimis

146    SF Turistico Immobiliare et Timsas font valoir que la Commission n’a pas expliqué, dans la décision attaquée, la raison pour laquelle elle excluait de faire bénéficier de la règle de minimis la partie des aides correspondant aux coûts supportés avant la date de l’introduction de la demande d’aide.

147    La Commission conteste ces arguments.

148    Il suffit, à cet égard, de relever que, au considérant 68 de la décision attaquée, la Commission a indiqué les raisons pour lesquelles elle considérait que la règle de minimis ne pouvait pas être appliquée, en l’espèce, pour éluder l’obligation de présenter la demande d’aide avant le début d’exécution du projet. Elle a ainsi souligné que le montant à prendre en compte devrait couvrir le projet dans son intégralité, de sorte qu’il n’était pas possible de considérer comme éligibles les travaux initiaux en vertu de la règle de minimis. Elle a précisé, en outre, que les autorités italiennes n’ont apparemment pas pris en considération le fait qu’un bénéficiaire pourrait avoir reçu des aides de minimis sur le fondement d’autres régimes.

149    Dès lors, il convient de rejeter le grief tiré du défaut de motivation quant au refus d’application de la règle de minimis, sans qu’il y ait lieu, conformément à la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, d’examiner sa recevabilité.

 Sur le grief tiré du défaut de motivation de l’injonction de récupération

150    La Région Sardaigne fait valoir l’absence de motivation de la décision attaquée quant à l’injonction de récupérer les aides auprès des bénéficiaires. Elle précise, à cet égard, que la Commission aurait dû prendre en considération, dans les motifs de ladite décision, le fait que, d’après la jurisprudence, le bénéficiaire d’une aide illégale est admis à invoquer des circonstances exceptionnelles qui ont légitimement pu fonder sa confiance dans le caractère régulier de cette aide.

151    La Commission s’oppose à cet argument.

152    Selon une jurisprudence constante, en matière d’aides d’État, lorsque, contrairement aux dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE, l’aide a déjà été accordée, la Commission, qui a le pouvoir d’enjoindre aux autorités nationales d’en ordonner la restitution, n’est pas tenue d’exposer des motifs spécifiques pour justifier de son exercice (arrêts de la Cour du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C‑75/97, Rec. p. I‑3671, point 82 ; du 7 mars 2002, Italie/Commission, point 91 supra, point 106, et du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, Rec. p. I‑11137, point 99). Cette jurisprudence, antérieure à l’entrée en vigueur du règlement n° 659/1999, trouve toujours à s’appliquer dans le cadre de l’article 14, paragraphe 1, de ce règlement. En effet, cette disposition spécifie que, « [e]n cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire ». La décision de faire récupérer l’aide est donc la conséquence quasi automatique en cas de constatation de son illégalité et de son incompatibilité – sous la seule réserve, découlant de la deuxième phrase de ladite disposition, qu’une injonction de récupération n’aille pas à l’encontre d’un principe général de droit communautaire. La Commission n’a donc pas de marge d’appréciation à cet égard. Or, dans de telles circonstances, une fois qu’elle a exposé les raisons pour lesquelles elle considère que l’aide en cause est illégale et incompatible avec le marché commun, elle ne saurait être tenue de motiver la décision ordonnant la récupération.

153    Dès lors, il convient de rejeter le grief tiré du défaut de motivation de la décision de faire récupérer les aides litigieuses et, par conséquent, le moyen tiré du défaut de motivation en général.

5.     Sur les moyens de fond

154    Les requérantes et les intervenantes soulèvent dix moyens de fond et tirés, premièrement, de l’absence d’une base légale de la décision de rectification, deuxièmement, d’un détournement de pouvoir lors de l’adoption de cette décision, troisièmement, de ce que la décision d’approbation ne mentionnait pas la condition de la demande préalable, quatrièmement, de la qualification erronée des aides en cause d’illégales, cinquièmement, de l’inapplicabilité des lignes directrices de 1998, sixièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’existence d’un effet d’incitation, septièmement, de la violation de l’article 87, paragraphe 3, CE, huitièmement, de la violation du principe d’impartialité et du principe de protection de la concurrence, neuvièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et, dixièmement, de la violation des dispositions relatives aux aides de minimis.

 Sur le moyen tiré de l’absence d’une base légale de la décision de rectification

155    SF Turistico Immobiliare et les intervenantes font valoir qu’aucune disposition du traité CE ou du règlement n° 659/1999 ne prévoit la possibilité de rouvrir, d’étendre ou de rectifier la procédure formelle d’examen. En outre, SF Turistico Immobiliare soutient que, conformément à l’article 7 du règlement n° 659/1999, cette procédure doit se clore par une décision expresse et non par l’ouverture d’un nouvel examen. La décision de rectification serait ainsi illicite, viciant également les mesures adoptées ultérieurement.

156    La Commission réfute ces arguments.

157    Ainsi qu’il ressort des constatations faites aux points 69 à 72 ci-dessus, s’il est vrai que les textes régissant la procédure en matière d’aides d’État ne prévoient pas expressément une décision de rectification d’une procédure pendante, l’adoption d’une telle décision est possible lorsque la Commission se rend compte, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que cette dernière est fondée soit sur des faits incomplets soit sur une qualification juridique erronée de ces faits. Comme il a été constaté aux points 73 et 74 ci-dessus, étant donné qu’un telle décision vient s’ajouter à la décision d’ouverture pour former avec cette dernière une décision d’ouverture modifiée, il y a lieu de considérer qu’elle partage sa qualité juridique.

158    Dès lors, en l’espèce, la décision de rectification pouvait se fonder sur l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE et sur l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, comme toute décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, auxquels viennent s’ajouter les principes de l’économie de la procédure et de bonne administration, conformément aux considérations exposées au point 72 ci-dessus.

159    Par conséquent, il convient de rejeter le moyen tiré de l’absence d’une base légale de la décision de rectification.

 Sur le moyen tiré d’un détournement de pouvoir lors de l’adoption de la décision de rectification

160    SF Turistico Immobiliare fait valoir que, en adoptant la décision de rectification, la Commission a utilisé un « escamotage non prévu par la législation » afin de prolonger démesurément la procédure formelle d’examen ouverte en 2004, afin de pallier ses propres défaillances. Selon elle, c’est dans le but de permettre la récupération des aides versées que la Commission a requalifié d’aides illégales les aides qu’elle avait, dans un premier temps, qualifié d’aides abusives.

161    La Commission réfute ces arguments.

162    En premier lieu, dans la mesure où SF Turistico Immobiliare fait valoir que la procédure formelle d’examen aurait été prolongée de manière démesurée, il convient de rappeler que, si la durée de la procédure formelle d’examen peut paraître avoir été longue en l’espèce, la Commission n’était en tout état de cause pas liée, ainsi qu’il a été relevé au point 101 ci-dessus, par le délai fixé à l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999.

163    En deuxième lieu, ainsi qu’il a été constaté aux points 157 à 159 ci-dessus, la décision de rectification était fondée sur l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE et sur l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, de sorte qu’il ne s’agit nullement, comme le fait pourtant valoir SF Turistico Immobiliare, d’un « escamotage non prévu par la législation ».

164    En troisième lieu, l’adoption de la décision de rectification ne peut avoir poursuivi le but de permettre la récupération des aides versées, ainsi que SF Turistico Immobiliare le fait valoir. En effet, puisque l’article 16, seconde phrase, du règlement n° 659/1999 renvoie, entre autres, à l’article 14 du même règlement, les aides appliquées de manière abusive doivent être récupérées au même titre que des aides illégales, dans l’hypothèse où la Commission constate qu’elles ne sont pas compatibles avec le marché commun. Dès lors, la modification de l’appréciation juridique intervenue dans la décision de rectification n’était nullement nécessaire afin de permettre une décision de récupération.

165    Par conséquent, il convient de rejeter le moyen tiré d’un détournement de pouvoir.

 Sur le moyen tiré de ce que la décision d’approbation ne mentionnait pas la condition de la demande préalable

166    Les intervenantes font valoir que la décision d’approbation ne mentionne pas la condition selon laquelle la demande d’aide devait précéder le début des travaux. La Commission aurait donc approuvé, par cette décision, un régime d’aides qui n’empêchait pas les opérateurs économiques ayant entamé des travaux avant la présentation d’une demande d’aide de bénéficier des aides prévues par ce régime. Ce faisant, la Commission aurait reconnu l’effet incitatif et la nécessité de ces aides. Dès lors, la décision attaquée serait fondée sur la constatation erronée d’une violation d’une condition qui, en réalité, n’existait pas.

167    La Commission conteste cet argument.

168    Il convient de rejeter ce moyen. En effet, dans la partie de la décision d’approbation consacrée à la description du régime approuvé, la Commission indiquait sans ambiguïté que « [l]es entreprises doivent avoir présenté une demande de financement avant le début de l’exécution des projets d’investissements ».

169    Il est vrai que la copie de la décision d’approbation figurant à l’annexe A.2 de la requête dans l’affaire T‑394/08 est reproduite de telle manière qu’elle ne fait pas apparaître l’indication en cause, qui figure au début de la deuxième page de ce document. Toutefois, la copie produite par la Commission dans l’annexe au mémoire en défense dans l’affaire T‑408/08 démontre que l’indication en cause y figurait bien. Par ailleurs, il ressort tant de la procédure précontentieuse entre la Commission et la Région Sardaigne que du comportement de cette dernière devant le Tribunal que l’intéressée était consciente de la condition relative à la présentation de la demande d’aide antérieurement au début des travaux. En effet, comme la Commission le souligne à bon droit, la Région Sardaigne n’a jamais nié, ni dans sa correspondance avec la Commission ni devant le Tribunal, avoir pris l’engagement d’octroyer l’aide uniquement à des projets entamés après l’introduction de la demande d’aide.

170    Il s’ensuit que la décision attaquée n’est nullement fondée, comme l’affirment pourtant les intervenantes, sur la constatation de la violation d’une condition qui, en réalité, n’existerait pas. Dès lors, il y a lieu de rejeter le moyen soulevé par les intervenantes.

 Sur le moyen tiré de la qualification erronée des aides comme étant illégales, plutôt que comme étant appliquées de façon abusive

171    La Région Sardaigne, les intervenantes et SF Turistico Immobiliare font valoir que, dans la décision de rectification et dans la décision attaquée, la Commission a erronément qualifié les aides en question comme étant illégales, plutôt que comme étant appliquées de façon abusive, en se fondant sur la thèse selon laquelle ces aides constituaient des modifications d’aides existantes, au sens de l’article 1er, sous c) et f), du règlement n° 659/1999. Or, en réalité, les aides en cause devraient être qualifiées d’aides existantes qui ont toutefois été mises en œuvre en violation des modalités établies par les dispositions les autorisant.

172    Les intervenantes ajoutent que, en l’espèce, l’aide n’a pas été modifiée, puisque la condition selon laquelle la demande d’aide devait précéder le début des travaux n’existait ni dans la loi n° 9/1998 ni dans la décision d’approbation. En tout état de cause, il n’y aurait modification d’une aide existante que dans l’hypothèse où la modification affecterait le régime initial dans sa substance même. Or, en l’espèce, la modification ne pourrait être qualifiée que de marginale.

173    La Commission conteste ces arguments.

174    Il convient tout d’abord, afin de pouvoir procéder à une qualification des aides litigieuses, de rappeler les définitions suivantes, figurant à l’article 1er du règlement n° 659/1999 :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

b)      ‘aide existante’ :

[…]

ii)      toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil ;

[…]

c)      ‘aide nouvelle’ : toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ;

[…]

f)      ‘aide illégale’ : une aide nouvelle mise à exécution en violation de l’article [88], paragraphe 3, [CE] ;

g)      ‘aide appliquée de façon abusive’ : une aide utilisée par le bénéficiaire en violation [de la] décision [d’approbation] ;

[…] »

175    Premièrement, il résulte de ces dispositions que, si les aides accordées dans le cadre du régime initial, tel qu’approuvé par la décision d’approbation, doivent être regardées comme des aides existantes, au sens de l’article 1er, sous b), du règlement n° 659/1999, les aides accordées sur une base juridique substantiellement différente du régime approuvé par la décision d’approbation doivent être considérées comme des aides nouvelles, au sens de l’article 1er, sous c), du même règlement.

176    Cette délimitation est conforme à la jurisprudence antérieure à l’adoption du règlement n° 659/1999, selon laquelle les mesures tendant à instituer ou à modifier des aides constituent des aides nouvelles (arrêts de la Cour du 9 octobre 1984, Heineken Brouwerijen, 91/83 et 127/83, Rec. p. 3435, points 17 et 18, et du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C‑44/93, Rec. p. I‑3829, point 13 ; arrêt du Tribunal du 28 novembre 2008, Hôtel Cipriani/Commission, T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, Rec. p. II‑3269, point 358). En particulier, lorsque la modification affecte le régime initial dans sa substance même, ce régime se trouve transformé en un régime d’aides nouveau. En revanche, lorsque la modification n’est pas substantielle, c’est seulement la modification en tant que telle qui est susceptible d’être qualifiée d’aide nouvelle (arrêts Government of Gibraltar/Commission, point 77 supra, points 109 et 111, et Hôtel Cipriani/Commission, précité, point 358).

177    En l’espèce, comme il a été indiqué au point 168 ci-dessus, la décision d’approbation mentionne expressément la condition selon laquelle la demande d’aide devait obligatoirement précéder le début de l’exécution des projets d’investissement. Or, il n’est pas contesté par les parties que, dans le cadre de la première invitation à présenter des offres, au titre du régime instauré par la loi n° 9/1998, la Région Sardaigne a pu accorder, sur le fondement de la deliberazione n° 33/6, des aides pour des projets dont l’exécution avait débuté avant la présentation des demandes d’aide. En ce qui concerne les aides litigieuses, le régime tel qu’appliqué était donc modifié par rapport au régime tel qu’approuvé dans la décision d’approbation.

178    Il convient de souligner, à cet égard, que cette modification ne saurait être qualifiée de mineure ou d’anodine. En effet, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 4.2 des lignes directrices de 1998, la Commission subordonne régulièrement son approbation des régimes d’aides à finalité régionale à la condition selon laquelle la demande d’aide doit obligatoirement précéder le début de l’exécution des projets, il est évident que la suppression de cette condition était susceptible d’influer sur l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun.

179    Il s’ensuit que les aides litigieuses devaient être qualifiées d’aides nouvelles, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999, et non d’aides existantes.

180    Deuxièmement, ces aides nouvelles doivent être qualifiées d’illégales, au sens de l’article 1er, sous f), du règlement n° 659/1999, puisque la modification du régime approuvé, à laquelle la Région de Sardaigne a procédé en adoptant la deliberazione n° 33/6, n’a pas été notifiée à la Commission avant l’introduction des aides en cause, en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE.

181    Troisièmement, pour être exhaustif, il découle de l’article 1er, sous g), du règlement n° 659/1999 que la qualification d’une mesure d’aide appliquée de façon abusive présuppose que c’est le bénéficiaire qui utilise l’aide en violation de la décision par laquelle elle a été approuvée. Or, en l’espèce, la violation de la décision d’approbation n’est pas attribuable aux bénéficiaires mais à la Région Sardaigne. Dès lors, les aides litigieuses ne sauraient être qualifiées d’aides appliquées de façon abusive.

182    Par conséquent, il convient de rejeter le moyen tiré de ce que la Commission a erronément qualifié les aides litigieuses d’illégales, plutôt que d’aides appliquées de façon abusive.

 Sur le moyen tiré de l’inapplicabilité des lignes directrices de 1998

183    La Région Sardaigne et SF Turistico Immobiliare soulèvent plusieurs griefs tirés, en substance, de la prétendue inapplicabilité des lignes directrices de 1998 ou, à tout le moins, du point 4.2 de celles-ci.

 Sur l’applicabilité ratione temporis des lignes directrices de 1998

184    La Région Sardaigne et SF Turistico Immobiliare font valoir que la loi n° 9/1998 n’a en fait pas pu prendre en compte les lignes directrices de 1998, puisqu’elle a été adoptée le lendemain de leur publication et que, en toute hypothèse, les lignes directrices elles-mêmes ne prévoyaient d’entrer pleinement en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2000.

185    La Commission n’a pas expressément pris position sur ces arguments.

186    Premièrement, il convient de relever que la disposition qui rend illégal et non compatible avec le marché commun le régime litigieux ne figure pas dans la loi n° 9/1998, qui reste muette quant à la relation temporelle entre la présentation de la demande d’aide et le début des travaux, mais dans la deliberazione n° 33/6, qui autorise la prise en compte de certains projets entamés avant la présentation de la demande (voir point 10 ci-dessus). Or, la deliberazione n° 33/6 date du 27 juillet 2000 et est donc clairement postérieure à la date de la « pleine » application des lignes directrices de 1998, le 1er janvier 2000.

187    Deuxièmement, le point 6.1 des lignes directrices de 1998 précise ce qui suit :

« [L]a Commission appréciera la compatibilité des aides à finalité régionale avec le marché commun sur la base des présentes lignes directrices dès leur adoption. Cependant, les projets d’aides notifiés avant la communication aux États membres des présentes lignes directrices et pour lesquels la Commission n’a pas encore adopté une décision finale seront appréciés sur la base des critères en vigueur au moment de la notification. »

188    Or, comme il a été constaté aux points 177 à 180 ci-dessus, le régime litigieux n’était pas couvert par la décision d’approbation et, dès lors, n’a précisément pas été notifié mais a été mis en œuvre de manière illégale par les autorités italiennes. En conséquence, sa compatibilité avec le marché commun devait être appréciée sur la base des lignes directrices de 1998, conformément à la disposition citée au point précédent.

 Sur l’argument tiré des dispositions relatives au régime précédent

189    La Région Sardaigne et SF Turistico Immobiliare soutiennent que la loi n° 9/1998 se situait dans la continuité conceptuelle d’un régime d’aides antérieur et approuvé par la Commission, dans lequel l’octroi des aides était indépendant de la question de savoir si les investissements avaient déjà été engagés ou non. C’est en raison du changement inopiné des dispositions communautaires, manifesté par la publication des lignes directrices de 1998, que la deliberazione n° 33/6 aurait prévu le maintien, dans le cadre de la première invitation à présenter des demandes, de la possibilité de soutenir également des projets entamés dans la période comprise entre la date d’entrée en vigueur de la loi n° 9/1998 et la date de la présentation des demandes.

190    Il convient de relever, à cet égard, que la compatibilité d’un régime d’aides avec le marché commun doit être appréciée exclusivement en fonction des caractéristiques qui lui sont propres, à l’aune de la politique que la Commission poursuit au moment de cette appréciation. En revanche, l’appréciation de la compatibilité d’un régime d’aides avec le marché commun ne saurait être influencée par la circonstance qu’il a pu être précédé par d’autres régimes à propos desquels la Commission a accepté certaines modalités. En effet, s’il en était autrement, il serait impossible à la Commission de modifier les critères en fonction desquels elle apprécie la compatibilité des aides d’État, faculté qu’elle doit avoir afin de pouvoir réagir tant à l’évolution de la pratique des États membres en matière d’octroi d’aides d’État qu’à l’évolution du marché commun.

191    Dès lors, il convient de rejeter cet argument.

 Sur l’argument tiré du contexte législatif national

192    La Région Sardaigne fait valoir que la loi n° 9/1998 a initialement été mise en œuvre par le décret n° 285/1999, qui prévoyait un système dit « à guichet ». Ce n’est que par « diligence excessive » qu’elle aurait ensuite décidé d’instaurer une procédure d’appel à candidatures, par les deliberazione nos 33/4 et 33/6, afin de se conformer aux lignes directrices de 1998 qui avaient été adoptées dans l’intervalle. Selon la Région Sardaigne, c’est pour mettre en place cette adaptation, qui ne s’imposait pas, qu’elle s’est vue contrainte de prévoir une disposition selon laquelle les demandes présentées avant la publication de la première invitation à candidatures pouvaient être néanmoins admises, et ce pour préserver la confiance légitime des intéressés ayant présenté leur demande d’aide selon la procédure prévue par le décret n° 285/1999. La Région Sardaigne considère, dès lors, qu’il s’agissait d’une simple « récupération » des anciennes demandes présentées avant l’introduction de la procédure d’appel à candidatures.

193    La Commission s’oppose à cet argument.

194    Il convient de constater que les allégations de la Région Sardaigne sont inexactes à plusieurs égards.

195    Ainsi, premièrement, l’article 2 du décret n° 285/1999, intitulé « Benefici della legge » (avantages conférés par la loi [n° 9/1998]), prévoit, à son cinquième alinéa :

« Les aides au financement visées au présent article sont accordées selon la méthode de l’invitation semestrielle ouverte aux demandes transmises dans le délai de 60 jours à compter de la publication de l’avis et du classement correspondant des initiatives éligibles, établi conformément à l’article 9 ci-dessous. »

196    Il découle de cette disposition que, contrairement à ce qu’affirme la Région Sardaigne, le décret n° 285/1999 n’instaurait pas un système de guichet mais prévoyait, au contraire, que les aides étaient « accordées selon la méthode de l’invitation semestrielle ».

197    Deuxièmement, il ressort du point 3.3 de la lettre de la Région Sardaigne transmise à la Commission le 22 avril 2003 que dix entreprises avaient présenté des demandes d’aide selon la procédure prévue par le décret n° 285/1999. Bien que, à la suite de l’abrogation de ce décret et de son remplacement par la deliberazione n° 33/4, ces entreprises aient dû réintroduire une nouvelle demande dans les formes prescrites par la deliberazione n° 33/4, la Région Sardaigne a considéré, dans ladite lettre, que les aides accordées à ces dix entreprises respectaient le critère de la demande préalable au début des travaux.

198    Or, il découle de la décision attaquée que la Commission s’est ralliée à cet avis. En effet, son article 1er déclare incompatibles avec le marché commun les aides octroyées au titre de la loi n° 9/1998, à moins que le bénéficiaire n’ait présenté une demande d’aide, sur la base de ce régime, avant l’exécution des travaux relatifs à un projet d’investissement initial. Puisque cet article ne se prononce pas sur les formalités auxquelles les demandes d’aides devaient satisfaire, il y a lieu de considérer que la décision attaquée ne concerne pas les aides accordées pour les projets d’investissement réalisés par les dix entreprises en cause, mais exclusivement celles accordées pour les projets dont l’exécution a été entamée avant toute présentation d’une demande d’aide au titre du régime prévu par la loi n° 9/1998.

199    Contrairement à ce que prétend la Région Sardaigne, les dispositions contenues dans la deliberazione n° 33/6 n’étaient donc nullement nécessaires aux fins de préserver la confiance des entreprises ayant présenté une demande selon la procédure prévue par le décret n° 285/1999.

200    Troisièmement, alors que les articles 4 et 5 du décret n° 285/1999 prévoyaient, respectivement, que pouvaient faire l’objet des aides au financement des interventions et des ouvrages « à réaliser après la présentation de la demande d’octroi » et qu’étaient « éligibles les dépenses indiquées plus haut, pour autant qu’elles aient été effectuées postérieurement à la demande », l’article 17 dudit décret, intitulé « disposition transitoire », prévoyait, à son deuxième alinéa, que, « [l]ors de la première application des présentes dispositions [d’exécution de la loi n° 9/1998], […] sont éligibles les interventions et les dépenses effectuées ou encourues après la date du 5 avril 1998 (date de l’entrée en vigueur de la loi [n° 9/1998]) ».

201    Il en découle que la disposition selon laquelle des aides pouvaient être accordées pour des projets dont l’exécution avait débuté avant la présentation de la demande d’aide n’a pas été introduite, comme le prétend la Région Sardaigne, par les deliberazione nos 33/4 et 33/6 dans le cadre du remplacement du décret n° 285/1999 mais faisait déjà partie de ce décret, établissant pour la première fois des dispositions d’exécution de la loi n° 9/1998. Contrairement à ce que prétend la Région Sardaigne, l’introduction de ladite disposition n’était donc pas motivée par l’adaptation des procédures à la suite du remplacement du décret n° 285/1999 par la deliberazione n° 33/4.

202    Dès lors, il convient de rejeter l’argument soulevé par la Région Sardaigne comme manquant en fait.

 Sur l’exception d’illégalité du point 4.2 des lignes directrices de 1998

203    SF Turistico Immobiliare invoque, sur le fondement de l’article 241 CE, l’illégalité du point 4.2 des lignes directrices de 1998, dans la mesure où il ne permet pas, ou est interprété dans le sens qu’il ne permet pas, d’apprécier la compatibilité avec le marché commun des aides octroyées pour le financement de projets dont l’exécution a commencé avant l’introduction de la demande d’aide. En effet, dans de telles circonstances, ledit point 4.2 serait contraire à la ratio legis propre aux politiques communautaires en matière d’aides.

204    SF Turistico Immobiliare souligne, à cet égard, que les projets faisant l’objet d’une aide d’État prévoient souvent des interventions structurelles et infrastructurelles encouragées par le même régime d’aides et constituant un complexe coordonné d’ouvrages qui, tout en étant liés entre eux, conservent une marge de fonctionnalité autonome. Ainsi, dans son propre cas, auraient fait l’objet d’une demande conjointe, au titre du régime litigieux, des projets de finition, d’élargissement, de modernisation ou de nouvelle construction relatifs à différentes installations et immeubles qui, bien qu’insérés dans une seule et même demande de financement, pouvaient être réalisés séparément. Néanmoins, l’application stricte du point 4.2 des lignes directrices de 1998 ferait découler de la réalisation d’une petite partie des ouvrages projetés, correspondant à environ 5 % du total de ces derniers, l’inadmissibilité totale de l’aide, bien que les autres parties des ouvrages projetés aient été régulièrement commencées postérieurement à la demande d’aide.

205    La Commission réfute ces arguments.

–       Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité

206    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 241 CE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, qui, même s’ils n’ont pas la forme d’un règlement, constituent la base juridique de la décision litigieuse, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 230 CE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation (arrêts de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, points 39 et 40, et du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 272).

207    Étant donné que l’article 241 CE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas/Haute Autorité, 21/64, Rec. p. 227, 245, et du 13 juillet 1966, Italie/Conseil et Commission, 32/65, Rec. p. 563, 594 ; arrêts du Tribunal du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, Rec. p. II‑1047, point 57 ; LR AF 1998/Commission, point 206 supra, point 273, et du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 35).

208    En ce qui concerne les lignes directrices de 1998, il convient de relever qu’il découle de leur partie introductive qu’elles fixent, de manière générale et abstraite, les critères que la Commission applique aux fins de l’appréciation de la compatibilité avec le marché commun des aides à finalité régionale, en application de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et sous c), CE, et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des États membres accordant de telles aides. En particulier, la condition établie au point 4.2 des lignes directrices de 1998 s’applique à l’ensemble des aides visées par lesdites lignes directrices, indépendamment de leur objet, de leur forme ou de leur montant.

209    De plus, dans la décision attaquée, la Commission s’est expressément prévalue du point 4.2 des lignes directrices de 1998, dans le cadre de son appréciation de la compatibilité avec le marché commun des aides litigieuses. Il en découle que, bien que le point 4.2 des lignes directrices de 1998 ne constitue pas le fondement juridique de la décision attaquée, celle-ci étant basée sur l’article 88, paragraphe 2, CE et l’article 62, paragraphe 1, sous a), de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), cette condition a déterminé de manière générale et abstraite la façon dont la Commission a apprécié la compatibilité des aides en cause avec le marché commun.

210    Par conséquent, il existe, en l’espèce, un lien juridique direct entre la décision attaquée et l’acte général constitué par les lignes directrices de 1998. Étant donné que SF Turistico Immobiliare n’était pas en mesure de demander l’annulation des lignes directrices, en tant qu’acte général, celles-ci peuvent faire l’objet d’une exception d’illégalité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt LR AF 1998/Commission, point 206 supra, points 272 à 276).

211    Il s’ensuit que l’exception d’illégalité des lignes directrices de 1998 est recevable.

–       Sur le fond

212    Le point 4.2 des lignes directrices de 1998 dispose que « les régimes d’aides doivent prévoir que la demande de l’aide doit être introduite avant le début de l’exécution des projets ». Les arguments exposés par la requérante à l’appui de l’exception d’illégalité consistent à faire valoir, en substance, que l’interprétation par la Commission de cette disposition, selon laquelle le régime d’aides en cause en l’espèce est dépourvu d’effet incitatif dans la mesure où il permet l’octroi d’aides pour le financement de travaux engagés avant l’introduction de la demande d’aide, ne tient pas suffisamment compte des circonstances de l’espèce et est contraire à la logique qui sous-tend les politiques communautaires en matière d’aides.

213    Il convient d’observer, à cet égard, que le Tribunal a déjà jugé que le point 4.2 des lignes directrices de 1998 se réfère à une circonstance d’ordre chronologique et renvoie donc à un examen ratione temporis, qui est pleinement adéquat pour l’appréciation de l’effet incitatif. Cette appréciation doit en effet s’effectuer par rapport à la décision d’investir de l’entreprise concernée, laquelle marque le début du processus dynamique que constitue nécessairement un investissement d’exploitation (arrêt du Tribunal du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T‑162/06, Rec. p. II‑1, point 80). De même, la Cour a considéré que la constatation du défaut de nécessité d’une aide peut notamment découler du fait que le projet aidé a déjà été entamé, voire achevé, par l’entreprise intéressée avant que la demande d’aide ne soit transmise aux autorités compétentes, ce qui exclut que l’aide concernée puisse jouer un rôle incitatif (arrêt de la Cour du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec. p. I‑2577, point 69).

214    Indépendamment de ces précédents, il y a lieu de constater que le critère de la demande préalable à l’exécution du projet est pertinent et adéquat.

215    En effet, l’application du critère du point 4.2 des lignes directrices de 1998 vise à établir si une mesure d’aide présente un effet incitatif, dans une situation où il n’est pas possible de procéder à un examen complet de tous les aspects économiques de la décision d’investissement des futurs bénéficiaires de l’aide. À cet égard, il ressort du point 2, deuxième à quatrième alinéas, des lignes directrices de 1998 que la Commission n’approuve, en principe, les aides à finalité régionale que sous forme de régimes d’aides, puisqu’elle considère que les aides individuelles ad hoc ne remplissent pas la condition selon laquelle l’équilibre doit être assuré entre les distorsions de la concurrence qui découlent des aides et les avantages des aides en termes de développement d’une région défavorisée. Or, lors de l’examen de la compatibilité avec le marché commun d’un régime d’aides notifié, les circonstances particulières propres aux différents bénéficiaires potentiels du régime et aux projets concrets pour lesquels ceux-ci pourront demander des subventions sont par définition inconnues de la Commission. Par conséquent, cette dernière doit se fonder, pour apprécier la compatibilité avec le marché commun d’un régime d’aides, sur des critères qui sont soit indépendants des circonstances particulières propres aux futurs bénéficiaires, soit uniformes pour tous les futurs bénéficiaires. Or, le fait d’exiger que la demande d’aide précède le début de l’exécution du projet subventionné permet de garantir que l’entreprise concernée ait clairement manifesté sa volonté de bénéficier du régime d’aides en cause avant d’entamer l’exécution dudit projet. Cela permet donc d’éviter que ne soient présentées ex post des demandes pour des projets dont la réalisation a été entamée indépendamment de l’existence d’un régime d’aides. Eu égard à ces considérations, le simple constat de l’antériorité de la demande d’aide par rapport au début de l’exécution du projet d’investissement constitue un critère simple, pertinent et adéquat permettant à la Commission de présumer l’existence d’un effet incitatif.

216    Par ailleurs, pour autant que SF Turistico Immobiliare invoque les circonstances spécifiques de son projet d’investissement pour démontrer que l’application du point 4.2 des lignes directrices de 1998 conduit à des résultats inacceptables, il convient encore de rappeler les considérations et la jurisprudence énoncées aux points 91 et 92 ci-dessus, selon lesquelles, dans le cadre de l’examen d’un régime d’aides, la Commission est en droit de limiter son examen aux caractéristiques générales et abstraites dudit régime, sans être tenue d’examiner la situation spécifique des différents bénéficiaires de celui-ci.

217    Dès lors, il convient de rejeter l’exception d’illégalité des lignes directrices de 1998.

 Sur le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’existence d’un effet d’incitation

218    La Région Sardaigne, les intervenantes, SF Turistico Immobiliare, Timsas et Grand Hotel Abi d’Oru font valoir que la Commission n’a pas correctement apprécié l’effet incitatif du régime litigieux, eu égard aux caractéristiques du marché local et à la lumière de la conception subjective acquise par les opérateurs économiques quant au fonctionnement des mécanismes de soutien.

219    À cet égard, elles avancent plusieurs arguments tirés de l’inapplicabilité des lignes directrices de 1998, des dispositions relatives à un régime d’aides précédent, du contexte législatif national, de la certitude qu’avaient les entreprises, dès l’adoption de la loi n° 9/1998, de pouvoir bénéficier des aides qui y étaient prévues ainsi que de la situation particulière ou du comportement des bénéficiaires des aides litigieuses.

 Sur les arguments tirés de la situation particulière ou du comportement des bénéficiaires des aides litigieuses

220    La Région Sardaigne, soutenue par les intervenantes, affirme qu’il ressort des circonstances ayant entouré les investissements effectués par les bénéficiaires que la loi n° 9/1998, quoique le régime d’aides créé par elle n’eût pas encore revêtu sa forme définitive, a pleinement joué son rôle d’incitation. La violation de la condition de nécessité ne serait ainsi qu’apparente, puisque tous les bénéficiaires auraient présenté les demandes d’aide après l’entrée en vigueur de la loi n° 9/1998, notifiée à la Commission et approuvée par elle. Par ailleurs, de nombreux bénéficiaires auraient opté pour le régime d’aides litigieux en renonçant à des mesures alternatives dont ils auraient pu bénéficier de manière certaine et presque tous auraient dû contracter des prêts bancaires dont les conditions, en l’absence de l’aide escomptée, étaient incompatibles avec une gestion d’entreprise avisée.

221    La Région Sardaigne estime donc que la Commission ne pouvait pas déduire de la seule absence de demande d’aide avant le début des travaux que les bénéficiaires auraient procédé auxdits investissements indépendamment de l’aide, ni éliminer l’effet incitatif par une appréciation faite a posteriori sur la base d’un contexte législatif modifié.

222    Les intervenantes ajoutent que, en tout état de cause, l’absence de nécessité ou d’effet incitatif, dans l’hypothèse d’un début des travaux avant l’introduction de la demande d’aide, ne constituerait qu’une présomption susceptible d’être renversée lorsque les bénéficiaires ou les autorités nationales fournissent à la Commission des éléments indiquant que les critères d’incitation et de nécessité sont remplis. En l’espèce, la Commission aurait donc dû évaluer si tel était le cas, au lieu de se retrancher derrière le critère formel de la demande antérieure au début des travaux.

223    SF Turistico Immobiliare reproche à la Commission d’avoir exclu le critère de l’effet d’incitation non seulement s’agissant des ouvrages pour lesquels les travaux ont été entamés avant la présentation de la demande d’aide, mais également s’agissant des ouvrages, beaucoup plus importants et fonctionnellement indépendants, pour lesquels la demande d’aide a précédé le début des travaux, alors qu’il convenait de limiter la déclaration d’illicéité aux seuls ouvrages réalisés avant la présentation des demandes d’aide. En effet, si la Commission avait voulu être certaine que l’effet incitatif fût sauvegardé dans l’absolu, elle aurait très bien pu se limiter à adopter une décision conditionnelle, en précisant que l’aide était compatible avec le marché commun à la condition que les dépenses effectuées avant la présentation de la demande restassent à la charge des entreprises. Cela lui aurait permis d’« épurer » l’aide de l’application, qualifiée d’indue, de la loi n° 9/1998 faite par la Région Sardaigne avec la deliberazione n° 33/6.

224    Timsas et Grand Hotel Abi d’Oru font valoir que, sous l’angle de l’effet incitatif de l’aide, la Commission s’est limitée à affirmer qu’il n’était pas possible de transférer l’effet incitatif d’un régime à l’autre. Or, elles rappellent qu’elles ont présenté des demandes au titre du régime litigieux uniquement en raison de l’épuisement des moyens financiers disponibles dans le cadre des régimes d’aides antérieurs, assimilables au régime litigieux, au titre desquels elles avaient présenté des demandes pour les mêmes projets. Dès lors, il ne serait pas exact qu’elles auraient entamé l’exécution des travaux avant de déposer la demande d’aide et, partant, l’existence et la persistance de l’effet incitatif ne feraient aucun doute.

225    La Commission réfute les arguments des requérantes.

226    En premier lieu, il convient de rappeler les constatations faites aux points 213 à 215 ci-dessus, selon lesquelles le critère relatif à la présentation de la demande d’aides avant le début de l’exécution des projets est pertinent et adéquat aux fins de l’appréciation de l’effet incitatif d’un régime d’aides. Par conséquent, dans le cadre du présent moyen, il ne s’agit plus de remettre en cause ce critère mais uniquement d’examiner si les requérantes ont démontré l’existence, en l’espèce, de circonstances susceptibles d’assurer l’effet incitatif du régime litigieux, même en l’absence d’introduction de la demande antérieurement au début de l’exécution des projets en cause.

227    En second lieu, il convient de rappeler, une nouvelle fois, que la décision attaquée avait pour objet le régime d’aides instauré par la deliberazione n° 33/6 et non les aides individuelles perçues par les requérantes au titre de ce régime et que la Commission n’était donc pas tenue d’apprécier les circonstances particulières propres aux bénéficiaires individuels, tâche qui incombe aux autorités italiennes au stade de la récupération des aides auprès de chacun des bénéficiaires (voir points 91 et 92 ci-dessus). Dès lors, il y a lieu de rejeter comme dépourvus de pertinence, dans le contexte du présent moyen, les arguments liés à la situation particulière ou au comportement des bénéficiaires.

228    Par conséquent, il y a lieu d’écarter les arguments repris aux points 220 à 224 ci-dessus et il convient de n’examiner que les arguments se rapportant, de manière générale, au régime litigieux.

 Sur l’argument selon lequel la simple entrée en vigueur de la loi n° 9/1998 conférait aux entreprises la certitude de pouvoir bénéficier de l’aide

229    Les intervenantes affirment que, lors de son entrée en vigueur, le 5 avril 1998, la loi n° 9/1998 prévoyait déjà en détail à la fois les critères objectifs auxquels devaient satisfaire les bénéficiaires, les projets pour lesquels les aides seraient accordées ainsi que les sommes affectées au régime en cause. En effet, les deliberazione nos 33/4 et 33/6 se seraient bornées à rappeler l’article 3 de la loi n° 9/1998, sans modifier ni préciser les critères que devait remplir une aide pour être éligible. Il serait donc évident qu’une entreprise qui satisfaisait à ces critères pouvait légitimement s’attendre à se voir allouer cette aide et, par conséquent, se sentir incitée à entamer l’exécution des travaux.

230    La Commission réfute les arguments des intervenantes.

231    Tout d’abord, il convient de souligner que la portée juridique du présent argument doit être distinguée de celle des arguments tirés de la protection de la confiance légitime des bénéficiaires, traitée aux points 268 et suivants ci-après, même si les éléments factuels à prendre en compte aux fins de l’examen de l’ensemble de ces arguments sont en substance identiques. En effet, la question de l’effet incitatif des aides litigieuses relève de l’examen de la compatibilité de ces dernières avec le marché commun, alors que la question de l’existence d’une éventuelle confiance légitime dans l’esprit des bénéficiaires relève de l’examen de la légalité de l’injonction de récupération contenue dans la décision attaquée. Néanmoins, dans les deux cas, il y a lieu d’apprécier dans quelle mesure l’adoption de la loi n° 9/1998 était à elle seule susceptible de faire naître pour les entreprises visées par le régime en cause la certitude qu’elles allaient pouvoir bénéficier des aides prévues dans ladite loi.

232    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aides ou d’un régime d’aides avec le marché commun relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge de l’Union (arrêts de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, Rec. p. 595, point 9 ; du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C‑354/90, Rec. p. I‑5505, point 14, et du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, Rec. p. I‑6199, point 52). Dès lors, en l’absence d’une décision de la Commission se prononçant sur la compatibilité d’une aide notifiée, le seul fait que les autorités nationales ont adopté des dispositions légales prévoyant l’introduction d’un régime d’aides n’est pas susceptible de conférer une certitude aux bénéficiaires potentiels de ce régime de pouvoir bénéficier des aides qui y sont prévues (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C‑5/89, Rec. p. I‑3437, point 14, et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C‑169/95, Rec. p. I‑135, point 51).

233    Par conséquent, en l’espèce, l’adoption, par la Région Sardaigne, de la loi n° 9/1998 ne pouvait pas à elle seule faire naître, pour des entreprises remplissant les critères énoncés dans cette loi, la certitude de se voir attribuer, dans le futur, des aides au titre du régime qui y était prévu. Notamment, il était possible que, dans le cadre de la procédure d’examen, la Commission qualifie le régime en cause comme étant incompatible avec le marché commun ou qu’elle demande la modification des critères d’éligibilité des entreprises ou des projets subventionnés.

234    De plus, l’adoption, par la Commission, le 12 novembre 1998, de la décision d’approbation a en tout état de cause mis fin à toute espérance éventuelle qu’auraient pu nourrir les bénéficiaires potentiels quant à l’admissibilité de projets entamés avant la présentation des demandes d’aide, puisque cette décision excluait expressément, ainsi qu’il a été relevé au point 168 ci-dessus, l’octroi d’aides, au titre du régime introduit par la loi n° 9/1998, pour de tels projets.

235    Il convient de relever, par ailleurs, que l’allégation des intervenantes selon laquelle la loi n° 9/1998 prévoyait déjà en détail, notamment, les critères objectifs auxquels devaient satisfaire les projets pour lesquels des aides pouvaient être accordées ne correspond pas à la réalité. En effet, alors que la loi n° 9/1998 ne contenait pas de dispositions quant au rapport temporel entre la présentation de la demande d’aide et le début des travaux, le décret n° 285/1999 introduisait expressément et à titre exceptionnel, ainsi qu’il a été exposé aux points 200 et 201 ci-dessus, la clause selon laquelle, lors de la première application du régime, étaient admissibles les projets entamés après l’entrée en vigueur de la loi n° 9/1998 et donc avant la présentation de la demande d’aide. Il s’ensuit que l’admissibilité de ces projets ne découlait nullement du régime prévu par ladite loi.

236    Dès lors, il convient de rejeter l’argument soulevé par les intervenantes.

237    Par conséquent et compte tenu, par ailleurs, des éléments déjà exposés aux points 184 à 216 ci-dessus s’agissant des arguments tirés de l’inapplicabilité des lignes directrices de 1998, de l’existence d’un régime d’aides précédent et du contexte législatif national, le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’effet incitatif du régime litigieux doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, CE

238    Les intervenantes et SF Turistico Immobiliare font valoir que la décision attaquée viole l’article 87, paragraphe 3, CE, dans la mesure où le régime litigieux est déclaré incompatible avec le marché commun.

239    Les intervenantes affirment, à cet égard, que la loi n° 9/1998 a étendu au secteur touristique et hôtelier les avantages prévus par un régime antérieur qui avait été approuvé par la Commission, de même que son règlement d’application, en vertu de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE. Dès lors, en déclarant ce même régime d’aides incompatible avec le marché commun en ce qui concerne le secteur touristique et hôtelier, la Commission aurait violé ladite disposition du traité.

240    SF Turistico Immobiliare fait valoir que la Commission a renversé la charge de la preuve en estimant, au considérant 70 de la décision attaquée, que les autorités italiennes n’ont invoqué aucun argument selon lequel les aides en question pourraient être compatibles en vertu d’autres dispositions que celle de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE, alors qu’il lui incombait d’apprécier quel était le montant compatible avec le marché commun. Notamment, la Commission n’aurait pas calculé les sommes se rapportant effectivement à la période antérieure à la demande afin d’en évaluer l’incidence sur la « mesure » dans laquelle ces dépenses pourraient altérer les échanges entre États membres. Or, au sein de sa propre demande d’aide, il serait possible de distinguer, d’une part, une demande relative à des travaux commencés avant la présentation de la demande et, d’autre part, une demande totalement autonome, relative à des travaux commencés après la présentation de ladite demande.

241    La Commission conteste ces arguments.

242    En premier lieu, il convient de rejeter l’allégation des intervenantes selon laquelle la loi n° 9/1998 ne constituait que l’extension au secteur touristique et hôtelier d’un régime antérieur approuvé par la Commission, raison pour laquelle le régime prévu par cette loi ne pourrait être déclaré incompatible avec le marché commun.

243    Premièrement, la déclaration d’incompatibilité contenue dans la décision attaquée ne concernait pas le régime d’aides instauré par la loi n° 9/1998, tel que notifié par la République italienne et approuvé par la décision d’approbation. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 87 ci-dessus, la Commission considère toujours que ce régime est compatible avec le marché commun. En revanche, c’est l’extension du bénéfice de ce régime aux projets dont l’exécution a débuté avant la présentation de la demande d’aide, fondée sur la deliberazione n° 33/6, qui a été déclarée incompatible avec le marché commun.

244    Deuxièmement, à supposer même que le régime litigieux constituerait l’extension ou la prorogation d’un régime antérieur approuvé par la Commission, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été exposé au point 190 ci-dessus, l’appréciation de la compatibilité d’un régime d’aides ne saurait être influencée par la circonstance qu’il a pu être précédé par d’autres régimes à propos desquels la Commission a accepté certaines modalités.

245    En second lieu, il convient également de rejeter le grief soulevé par SF Turistico Immobiliare, selon lequel, en substance, il incombe à la Commission de démontrer que les aides litigieuses étaient incompatibles avec le marché commun et non aux autorités italiennes de démontrer le contraire.

246    À cet égard, il convient de rappeler tout d’abord que, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, il revient à l’État membre concerné et aux bénéficiaires de la mesure considérée de faire valoir leurs arguments tendant à démontrer que la mesure en cause ne constitue pas une aide ou qu’elle est compatible avec le marché commun, l’objet de la procédure formelle étant précisément d’éclairer la Commission sur l’ensemble des données de l’affaire. En effet, si la Commission est tenue de formuler clairement ses doutes sur la compatibilité de l’aide lorsqu’elle ouvre une procédure formelle afin de permettre à l’État membre et aux intéressés d’y répondre au mieux, il n’en demeure pas moins que c’est à ces derniers de dissiper ces doutes et d’établir que la mesure en cause satisfait aux conditions d’une dérogation (voir, en ce sens, arrêt Ferriere Nord/Commission, point 132 supra, points 93 et 94, et la jurisprudence citée). En particulier, en vue d’obtenir l’approbation d’aides en dérogation aux règles du traité, il appartient à l’État membre concerné, en vertu de son devoir de collaboration envers la Commission, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont réunies (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 avril 1993, Italie/Commission, C‑364/90, Rec. p. I‑2097, point 20, et arrêts du Tribunal Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 42 supra, point 129, et du 6 avril 2006, Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, T‑17/03, Rec. p. II‑1139, point 48).

247    En l’espèce, il incombait donc à la République italienne et, subsidiairement, aux bénéficiaires des aides litigieuses d’établir que les projets en ayant bénéficié étaient compatibles avec le marché commun.

248    Par ailleurs, ainsi qu’il a été exposé au point 91 ci-dessus, en présence d’un régime d’aides, la Commission n’est, en principe, pas tenue d’effectuer une analyse des aides octroyées dans des cas individuels mais peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être obligée d’examiner chaque cas d’application particulier.

249    En conséquence, il convient de rejeter l’argument de SF Turistico Immobiliare exposé au point 240 ci-dessus.

250    Dès lors, il convient de rejeter le moyen tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, CE.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe d’impartialité et du principe de protection de la concurrence

251    Les intervenantes font valoir que les aides visées dans la loi n° 9/1998 ont été accordées également à dix entreprises touristiques qui ont engagé des travaux avant la publication de la loi et des deliberazione nos 33/4 et 33/6 la mettant en œuvre mais après l’introduction de leurs demandes d’aides. Au regard des critères avancés par la Commission pour définir l’incitation, ces entreprises se trouveraient dans la même situation que les intervenantes. Or, la Commission n’aurait pas demandé la récupération des aides versées à ces dix entreprises, ce qui impliquerait une violation du principe d’impartialité.

252    En outre, selon les intervenantes, les dix entreprises en cause ont obtenu un avantage injustifié par rapport à elles, qui sont tenues de restituer les aides déjà perçues. Il en résulterait une violation de la concurrence entre les entreprises du secteur touristique et hôtelier.

253    La Commission ne s’est pas expressément prononcée sur le bien-fondé de ce moyen.

254    Il convient de préciser, tout d’abord, que les intervenantes font référence, au point 54 de leur mémoire en intervention, aux dix entreprises, mentionnées au point 3.3 de la lettre de la Région Sardaigne à la Commission, du 14 avril 2003, qui avaient présenté une demande d’aide dans le cadre de la procédure prévue par le décret n° 285/1999, abrogé ultérieurement. Ainsi qu’il a été exposé au point 198 ci-dessus, il ressort de la décision attaquée que la Commission s’est ralliée à l’avis de la Région Sardaigne, exprimé dans ladite lettre, selon lequel il convenait de tenir compte, à l’égard des projets d’investissement de ces dix entreprises, de la date de la première demande. Par conséquent, elle a considéré que les aides accordées à ces dix entreprises respectaient le critère de la demande préalable au début des travaux et qu’elles n’étaient donc ni illégales ni incompatibles avec le marché commun.

255    Il s’ensuit que ces dix entreprises ne se trouvaient pas dans une situation comparable à celle des requérantes et des intervenantes. En effet, alors que ces dernières n’avaient introduit aucune demande d’aide avant le début des travaux relatifs à leurs projets d’investissement, les dix entreprises en cause avaient effectivement présenté des demandes, sur le fondement d’un décret d’application abrogé ultérieurement. Or, du point de vue du droit communautaire du contrôle des aides d’État, la question de savoir si une demande d’aide est conforme aux formalités prévues par les dispositions d’application nationales est secondaire. Ainsi qu’il a été exposé au point 215 ci-dessus, le fait d’exiger que l’entreprise concernée ait clairement manifesté sa volonté de bénéficier du régime d’aides en cause avant d’entamer l’exécution du projet subventionné permet d’éviter que ne soient présentées ex post des demandes pour des projets dont la réalisation a été entamée indépendamment de l’existence d’un régime d’aides.

256    Puisque cette exigence est remplie pour les dix entreprises mentionnées par les intervenantes mais non pour ces dernières et pour les requérantes, il n’y a pas eu, en l’espèce, de traitement inégal de situations comparables, ni de violation du devoir d’impartialité. Il s’ensuit également que les dix entreprises en cause n’ont pas bénéficié d’un avantage concurrentiel injustifié par rapport aux intervenantes.

257    Dès lors, il convient de rejeter le moyen tiré de la violation du principe d’impartialité et du principe de protection de la concurrence.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

 Sur la confiance légitime de la Région Sardaigne, relative à l’inexistence de lignes directrices, lors de l’adoption de la loi n° 9/1998

258    La Région Sardaigne soutient que la Commission a omis de prendre en compte sa confiance légitime dans le cadre de l’examen de la compatibilité du régime d’aides en cause avec le marché commun. Or, l’existence d’une telle confiance aurait dû être examinée d’office par la Commission, en vertu de l’article 14 du règlement n° 659/1999, qui lui interdit d’ordonner la récupération d’une aide si celle-ci apparaît aller à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

259    D’une part, elle souligne à cet égard que l’obligation de prévoir que la demande d’aide soit introduite avant le début de l’exécution des projets découle directement des lignes directrices de 1998 et n’était pas prévue dans le régime antérieur des aides régionales. D’autre part, lesdites lignes directrices auraient été publiées au Journal officiel le jour précédant l’adoption de la loi n° 9/1998. Dès lors, elle estime qu’elle n’était objectivement pas en mesure d’assurer, dès le départ, la conformité de la loi n° 9/1998 avec les lignes directrices de 1998.

260    La Commission conteste les arguments de la Région Sardaigne.

261    Conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime est ouvert à toute personne dans l’esprit de laquelle une institution a fait naître des espérances fondées. Toutefois, le principe de protection de la confiance légitime ne peut pas être invoqué par une personne qui s’est rendue coupable d’une violation manifeste de la réglementation en vigueur (arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C‑96/89, Rec. p. I‑2461, point 30, et du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, Rec. p. I‑6773, point 41 ; arrêt du Tribunal du 9 avril 2003, Forum des migrants/Commission, T‑217/01, Rec. p. II‑1563, point 76).

262    En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté aux points 177 à 180 ci-dessus, dans la mesure où les dispositions prévues dans la deliberazione n° 33/6 ne respectaient pas la condition selon laquelle la demande d’aide devait précéder le début des travaux, la Région Sardaigne a introduit un régime d’aides illégal car non notifié à la Commission. La Région Sardaigne a donc violé la réglementation en vigueur, en ce qu’elle n’a pas respecté l’article 88, paragraphe 3, CE, qui dispose que les États membres ne peuvent mettre à exécution des aides nouvelles avant que la Commission n’ait adopté une décision finale sur leur compatibilité avec le marché commun.

263    Cette violation était manifeste, puisque tant les lignes directrices de 1998 que la décision d’approbation mentionnaient expressément la condition de la demande préalable au début des travaux.

264    De plus, dans une lettre du 28 septembre 1998, la Région Sardaigne a assuré à la Commission que « l’octroi des aides prévues par la loi [n° 9/1998] ne pourra bénéficier qu’aux initiatives d’entreprise à réaliser ultérieurement ». Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le texte de la loi n° 9/1998 ne prévoyait pas lui-même l’octroi d’aides pour des projets d’investissements entamés avant la présentation de la demande d’aide. Il n’est donc pas déterminant que, lors de la procédure législative concernant ladite loi, la Région Sardaigne n’ait pas pu tenir compte, de fait, des lignes directrices de 1998, publiées la veille de l’adoption de la loi. En revanche, les textes introduisant la possibilité de présenter des demandes d’aides rétroactivement pour des projets déjà entamés, à savoir le décret n° 285/1999 et la deliberazione n° 33/6, ont été adoptés, respectivement, le 29 avril 1999 et le 27 juillet 2000, et sont, dès lors, largement postérieurs tant à la publication des lignes directrices de 1998 qu’à la décision d’approbation.

265    Enfin, il ressort du texte même de la deliberazione n° 33/6 que la Région Sardaigne était parfaitement consciente de ce que l’admission de demandes d’aide pour des projets déjà entamés violait le droit communautaire, puisque la deliberazione n° 33/6 mentionne la responsabilité de l’administration régionale « qui découle de la publication officielle de directives contenant des indications qui, comme dans le cas d’espèce, ne sont pas conformes aux prescriptions de l’UE ».

266    Par conséquent, en application de la jurisprudence citée au point 261 ci-dessus, la Région Sardaigne ne peut pas se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime.

267    Dès lors, il convient de rejeter le moyen fondé sur la violation de ce principe, pour autant qu’il est fondé sur la prétendue confiance de la Région Sardaigne.

 Sur la confiance légitime des bénéficiaires, tirée de l’existence d’une décision d’approbation antérieure et des circonstances de l’espèce

268    La Région Sardaigne, les intervenantes, SF Turistico Immobiliare, Timsas et Grand Hotel Abi d’Oru font valoir que les bénéficiaires des aides en cause pouvaient se prévaloir d’une confiance légitime à l’égard de la compatibilité des aides perçues. Cette confiance serait notamment protégée par l’article 14 du règlement n° 659/1999.

269    Selon ces parties, la confiance des bénéficiaires des aides litigieuses se fondait sur l’existence de la décision d’approbation, sur le fait que la loi n° 9/1998 précisait déjà elle-même tous les critères requis pour l’octroi des aides individuelles, sur les assurances données par les autorités italiennes et sur la décision de la Commission, du 12 juillet 2000, de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’un régime d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie jusqu’au 31 décembre 2006 (aide d’État N 715/99 – Italie), dont une communication succincte a été publiée au Journal officiel (JO C 278, p. 26) et qui était relative au régime d’aides visé dans la legge n° 488/92, conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 22 ottobre 1992, n. 415, concernente rifinanziamento della legge 1 marzo 1986, n. 64, recante disciplina organica dell’intervento straordinario nel Mezzogiorno (loi n° 488/92 convertissant en loi, avec modifications, le décret-loi n° 415, du 22 octobre 22, sur le refinancement de la loi n° 64, du 1er mars 1986, portant réglementation organique de l’intervention extraordinaire dans le Mezzogiorno), du 19 décembre 1992 (GURI n° 299, du 21 décembre 1992, p. 3, et rectificatif, GURI n° 301, du 23 décembre 1992, p. 40), qui prévoyait que les dépenses éligibles étaient celles qui avaient été exposées après la date de clôture de l’avis précédant celui au titre duquel la demande d’aide était présentée.

270    Leur confiance aurait été renforcée par le décret n° 285/1999 et la deliberazione n° 33/6, par les clarifications obtenues auprès des services administratifs de la Région Sardaigne quant à la conformité des aides au marché commun, par le fait que la Région faisait régulièrement droit aux demandes de remboursement et par la lenteur avec laquelle la Commission menait ses travaux sans adopter de mesures de suspension du versement des aides.

271    SF Turistico Immobiliare souligne que cette confiance ne saurait être remise en cause par le fait que ni le décret n° 285/1999 ni la deliberazione n° 33/6 n’ont été notifiés à la Commission. Il serait en effet excessif, selon SF Turistico Immobiliare, d’exiger des bénéficiaires qu’ils demandent à la Région Sardaigne la preuve formelle de la transmission à la Commission de toute mesure ayant une incidence sur la procédure, ou qu’ils demandent à la Commission, après l’octroi de l’aide, si tout acte ultérieur et potentiellement significatif lui a bien été notifié.

272    La Commission s’oppose aux arguments des requérantes et des intervenantes.

273    Il ressort de la jurisprudence que le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration communautaire. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêts du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, Rec. p. II‑2555, point 102, et la jurisprudence citée ; du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec. p. II‑319, point 77, et du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T‑444/07, Rec. p. II‑2121, point 126).

274    Cependant, une confiance légitime dans la régularité d’une aide d’État ne saurait en principe, et sauf circonstances exceptionnelles, être invoquée que si cette aide a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l’article 88 CE. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée (arrêts de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, point 232 supra, point 14 ; du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, point 232 supra, point 51, et du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C‑24/95, Rec. p. I‑1591, point 25).

275    En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé aux points 168 et 180 ci-dessus, la décision d’approbation indiquait clairement que l’approbation de la Commission ne concernait que des aides pour des projets engagés après la présentation de la demande d’aide et les aides litigieuses, qui ne respectaient pas cette condition, n’ont donc pas été accordées dans le respect de la procédure prévue à l’article 88 CE. Il s’ensuit, conformément à la jurisprudence citée au point précédent, que les bénéficiaires des aides litigieuses ne sauraient en principe être admis à invoquer une confiance légitime dans la régularité desdites aides.

276    Certes, la jurisprudence n’exclut pas la possibilité, pour les bénéficiaires d’une aide illégale, d’invoquer, dans le cadre de la procédure de récupération, des circonstances exceptionnelles qui ont pu légitimement fonder leur confiance légitime dans le caractère régulier de cette aide, pour s’opposer à son remboursement (arrêt du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, point 232 supra, point 16 ; arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T‑126/96 et T‑127/96, Rec. p. II‑3437, point 69, et Fleuren Compost/Commission, point 132 supra, point 136).

277    Il ressort toutefois implicitement de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, point 232 supra, points 13 à 16, et Alcan Deutschland, point 274 supra, points 24 et 25) et il a été explicitement jugé à plusieurs reprises par le Tribunal (arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, Rec. p. II‑1675, points 104 et 105 ; du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, Rec. p. II‑1, point 83, et Fleuren Compost/Commission, point 132 supra, point 137) que ces bénéficiaires ne peuvent invoquer de telles circonstances exceptionnelles, sur la base des dispositions pertinentes du droit national, que dans le cadre de la procédure de récupération devant les juridictions nationales, seules compétentes pour apprécier, le cas échéant après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles en interprétation, les circonstances de la cause.

278    En tout état de cause, aucune des circonstances avancées en l’espèce par les requérantes et les intervenantes ne saurait être retenue comme susceptible de justifier l’annulation de la décision attaquée.

279    Premièrement, dans la mesure où il a été allégué que la prétendue confiance légitime des bénéficiaires se fondait sur l’existence de la décision d’approbation et sur le fait que la loi n° 9/1998 précisait déjà elle-même tous les critères requis pour l’octroi des aides individuelles, de sorte que les bénéficiaires potentiels remplissant ces critères s’attendaient à en obtenir le bénéfice, il découle des constatations faites aux points 232 à 234 ainsi qu’au point 168 ci-dessus que ni l’adoption de la loi n° 9/1998 ni la décision d’approbation n’étaient susceptibles de fonder la certitude de pouvoir légalement bénéficier des aides litigieuses. Par conséquent, ces actes n’étaient pas non plus susceptibles de fonder une confiance légitime dans l’esprit des bénéficiaires des aides litigieuses.

280    Il ne découle rien d’autre du point 189 de l’arrêt du Tribunal du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission (T‑6/99, Rec. p. II‑1523), invoqué par la Région Sardaigne. En effet, ainsi que la Commission l’a relevé à bon droit, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et contrairement aux circonstances de la présente affaire, elle avait expressément autorisé les aides en cause, par une décision adoptée à la suite de la notification en bonne et due forme par l’État membre concerné. C’est précisément pour ce motif que le Tribunal a considéré que le principe de protection de la confiance légitime s’opposait à une récupération des aides en cause auprès des bénéficiaires, malgré le fait que la Commission avait ultérieurement, sur le fondement de nouvelles informations, constaté l’incompatibilité des aides avec le marché commun (arrêt ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, précité, points 188 et 189).

281    Deuxièmement, s’agissant des assurances données par les autorités italiennes, du décret n° 285/1999, de la deliberazione n° 33/6, des clarifications obtenues auprès des services administratifs de la Région Sardaigne quant à la conformité des aides au marché commun et du fait que la Région Sardaigne faisait régulièrement droit aux demandes de remboursement, force est de constater que tous ces éléments constituent des agissements des autorités nationales. Ils ne satisfont donc pas à la première condition visée par la jurisprudence citée au point 273 ci-dessus, selon laquelle c’est l’administration communautaire qui doit avoir fourni des assurances aux intéressés, sur lesquelles se fonde la confiance dans l’esprit de ces derniers.

282    Troisièmement, en ce qui concerne la prétendue lenteur de la procédure de la Commission, mis à part le fait, relevé au point 100 ci-dessus, que la durée de la procédure préliminaire d’examen ne saurait être qualifiée d’excessive en l’espèce, la Commission fait valoir à juste titre que toute inaction apparente de sa part est dépourvue de signification lorsqu’un régime d’aides ne lui a pas été notifié (arrêt de la Cour du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C‑183/02 P et C‑187/02 P, Rec. p. I‑10609, point 52).

283    Quatrièmement, la décision de la Commission du 12 juillet 2000, relative au régime d’aides visé dans la legge n° 488/92, qui prévoyait, sous certaines conditions, l’éligibilité des dépenses engagées avant le dépôt de la demande d’aide, n’était pas non plus susceptible de fonder une confiance légitime des bénéficiaires des aides litigieuses. En effet, il convient de rappeler que le principe général posé par l’article 87, paragraphe 1, CE est celui de l’interdiction des aides d’État. Selon la jurisprudence, les dérogations à ce principe sont d’interprétation stricte (arrêt Fleuren Compost/Commission, point 132 supra, point 75). Il s’ensuit qu’une décision de ne pas soulever d’objections à un régime d’aides ne concerne que l’octroi effectif des aides relevant de ce régime et ne saurait, dès lors, fonder une confiance légitime des bénéficiaires potentiels de futurs projets d’aides similaires dans la compatibilité avec le marché commun des aides en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 2 décembre 2008, Nuova Agricast et Cofra/Commission, T‑362/05 et T‑363/05, non publié au Recueil, point 80).

284    Dès lors, il convient de rejeter le moyen fondé sur la violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le moyen tiré de la violation des dispositions relatives aux aides de minimis

285    Les intervenantes et SF Turistico Immobiliare font valoir que la Commission a violé les dispositions applicables en matière d’aides de minimis.

286    Les intervenantes estiment, à cet égard, que la Commission aurait dû se limiter à enjoindre à la Région Sardaigne de récupérer la partie du montant des aides versées dépassant le plafond de 200 000 euros fixé à l’article 2 du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides de minimis (JO L 379, p. 5) ou, en tout état de cause, celle dépassant le plafond de 100 000 euros fixé à l’article 2 du règlement n° 69/2001.

287    SF Turistico Immobiliare ajoute que, en excluant que les dépenses supportées avant la présentation de la demande d’aide soient considérées comme effectuées au titre d’une aide de minimis, la Commission n’a pas pris en compte la situation exceptionnelle sur le territoire de la Région Sardaigne, résultant du chevauchement de dispositions contradictoires, de sources différentes et visant toutes à régir les aides dans le secteur du tourisme.

288    Selon elle, les aides de minimis sont exonérées de l’obligation de notification, elles couvrent « toute aide publique » et sont sans préjudice quant à la possibilité de recevoir d’autres aides pour le même projet. Les termes « projet dans son intégralité » seraient interprétés de façon trop formaliste par la Commission sur la base de la première dépense indiquée dans le calcul joint à la demande.

289    La Commission réfute ces arguments.

290    Il y a lieu, tout d’abord, de déterminer lequel des différents instruments successifs en matière d’aides de minimis est applicable ratione temporis aux faits de la présente affaire. En effet, cette matière a successivement fait l’objet de la communication de la Commission relative aux aides de minimis (JO 1996, C 68, p. 9), du règlement n° 69/2001 et du règlement n° 1998/2006.

291    Conformément au considérant 5, troisième phrase, du règlement n° 69/2001 et au considérant 10 du règlement n° 1998/2006, l’aide de minimis doit être considérée comme étant accordée au moment où le droit légal de recevoir cette aide est conféré au bénéficiaire, en vertu du droit national applicable. Il convient de relever, à cet égard, qu’il ressort des différents tableaux contenus dans la lettre de la Région Sardaigne du 14 avril 2003 que les demandes d’aide relatives aux aides litigieuses ont été introduites entre le 20 janvier et le 31 mars 2001. Il en découle que la date à laquelle ces aides ont été accordées ne peut pas avoir été antérieure au mois d’avril 2001. Or, en vertu de son article 4, paragraphe 1, le règlement n° 69/2001 est entré en vigueur le 2 février 2001, vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel, le 13 janvier 2001. Il convient donc, en l’espèce, d’appliquer les dispositions relatives aux aides de minimis contenues dans le règlement n° 69/2001.

292    Ensuite, en ce qui concerne le contenu des dispositions en question, l’article 2, intitulé « Aides de minimis », du règlement n° 69/2001 dispose :

« 1.      Sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article 87, paragraphe 1, du traité et comme non soumises, de ce fait, à l’obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, du traité les aides qui satisfont aux conditions énoncées aux paragraphes 2 et 3.

2.       Le montant total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 100 000 euros sur une période de trois ans. Ce plafond s’applique quels que soient la forme et l’objectif des aides.

[…] »

293    Par ailleurs, selon le considérant 5, quatrième phrase, du règlement n° 69/2001, « [l]a règle de minimis ne doit affecter en rien la possibilité pour les entreprises d’obtenir, pour le même projet, une aide d’État autorisée par la Commission ou couverte par un règlement d’exemption par catégorie ».

294    Enfin, en l’espèce, la décision attaquée contient les passages suivants relatifs à l’application de la règle de minimis :

295    Aux termes du considérant 68 de la décision attaquée :

« [L]a Commission considère comme [inadmissibles] les arguments avancés par la partie italienne concernant la règle ‘de minimis’ car cette règle ne peut être utilisée pour éluder l’obligation imposée par les lignes directrices [de 1998] de présenter la demande d’aide avant le début d’exécution du projet afin que soit respecté le principe de l’effet d’incitation. En effet, le montant à prendre en compte devrait couvrir le projet dans son intégralité et non pas seulement la partie de l’aide concédée avant la demande d’aide. La Commission ne peut donc considérer comme éligibles les travaux initiaux en fonction de la règle de minimis, en dérogeant à la disposition prévue par les lignes directrices [de 1998]. »

296    Au considérant 73 de la décision attaquée, la Commission explique :

« [L’]avis d’incompatibilité [des aides accordées sur le fondement de la deliberazione n° 33/6] s’applique à toutes les aides octroyées à des projets dont les dépenses éligibles ont été supportées avant l’introduction d’une demande d’aide, sur la base des modalités d’exécution pertinentes en vigueur au moment de la présentation de la demande, supérieures au montant de minimis auquel le bénéficiaire aurait pu avoir accès à ce moment, calculé conformément à l’article 2 du règlement n° 69/2001. »

297    Il découle de ces deux considérants, lus ensemble, que la Commission n’a pas entendu exclure, dans l’absolu, l’application de la règle de minimis aux aides litigieuses. Il convient de rappeler, à cet égard, que la Commission ne s’est prononcée, dans la décision attaquée, que sur le régime d’aides tel que modifié par la deliberazione n° 33/6. La décision attaquée n’exclut donc nullement que la règle de minimis puisse trouver application pour certaines des aides individuelles octroyées sur le fondement de ce régime.

298    En revanche, la Commission a considéré que l’application de la règle présupposait que le montant total de l’aide perçue pour un projet donné se situe en deçà du plafond de minimis disponible pour l’entreprise en cause et qu’il n’était donc pas possible de simplement déduire le montant correspondant audit plafond du montant de l’aide à récupérer, ni de ne tenir compte que du montant correspondant aux travaux effectivement accomplis avant la présentation de la demande d’aide.

299    Les parties ne s’opposent donc que sur la question de savoir s’il est possible, aux fins de l’application de la règle de minimis, de fractionner les aides relatives à un projet concret, afin de pouvoir bénéficier de ladite règle pour le montant se situant en deçà du plafond applicable ou si, au contraire, il convient de considérer une aide relative à un projet concret comme indivisible et d’exclure l’application de la règle de minimis pour les aides dépassant le plafond.

300    En l’absence de dispositions explicites à cet égard dans le règlement n° 69/2001, il y a lieu d’apprécier cette question au regard de la finalité de la règle de minimis.

301    À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 3.2 de sa communication relative à l’encadrement communautaire des aides aux petites et moyennes entreprises (JO 1992, C 213, p. 2), la Commission a motivé la première introduction de la règle de minimis par le fait que « toute aide n’a […] pas un impact sensible sur les échanges et la concurrence entre États membres », ce qui vaudrait « en particulier pour les aides dont le montant est très peu élevé », ainsi que par le souci de « simplifier les procédures administratives dans l’intérêt des PME ». Ainsi, il serait « souhaitable que l’aide qui atteint un certain montant absolu, au-dessous duquel l’article [87], paragraphe 1, [CE] peut être considéré comme n’étant pas applicable, ne soit plus soumise à notification préalable à la Commission ».

302    De même, au deuxième alinéa de sa communication de 1996 relative aux aides de minimis (voir point 290 ci-dessus), la Commission a de nouveau invoqué « un souci de simplification administrative tant pour les États membres que pour les services de la Commission – qui doit pouvoir concentrer ses ressources sur les cas d’importance réelle au niveau communautaire ».

303    Quant au règlement n° 69/2001, il ne contient pas de considérants explicitement consacrés à la ratio legis de la règle de minimis et se contente d’énoncer les éléments suivants :

« Il peut être établi, à la lumière de l’expérience de la Commission, que des aides n’excédant pas un plafond de 100 000 euros sur une période de trois ans n’affectent pas les échanges entre États membres et/ou ne faussent pas ou ne menacent pas de fausser la concurrence, et ne tombent pas, par conséquent, sous le coup de l’article 87, paragraphe 1, [CE] » (considérant 5, première phrase, du règlement n° 69/2001).

304    Il découle de ces considérations que l’objectif de la règle de minimis est de simplifier les procédures administratives, tant dans l’intérêt des bénéficiaires d’aides d’une importance relativement faible et donc non susceptibles de fausser la concurrence que dans celui de la Commission, qui doit pouvoir concentrer ses ressources sur les cas présentant un réel intérêt communautaire.

305    À cet égard, il convient de constater que le fait d’admettre le fractionnement d’une aide afin d’en faire bénéficier une partie de la règle de minimis ne contribuerait pas à la poursuite de l’objectif susvisé. En effet, le simple fait de déduire du montant d’une aide envisagée en faveur d’une entreprise le montant correspondant au plafond de minimis n’épargne ni à la Commission la tâche de devoir examiner la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause pour le montant qui dépasse ce plafond ni à l’entreprise en cause de devoir attendre l’issue de cet examen avant de pouvoir en bénéficier ou, dans l’hypothèse d’une aide illégale, de devoir, le cas échéant, la rembourser.

306    De plus, ainsi que la Commission l’a fait valoir à bon droit dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, l’admission du fractionnement pourrait conduire, dans les circonstances de l’espèce, à renoncer au principe selon lequel la compatibilité de l’aide présuppose l’existence d’un effet incitatif, et ce pour le montant total de l’aide accordée. En effet, dans l’hypothèse où les sommes correspondant aux travaux effectués avant l’introduction de la demande d’aide se situeraient en deçà du plafond de 100 000 euros et ne devraient donc pas être considérées comme une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, il faudrait alors conclure qu’aucune aide n’a été octroyée avant la demande d’aide. Par conséquent, le projet devrait être considéré comme ayant été entamé après l’introduction de la demande d’aide, alors que, en réalité, ce critère n’a pas été respecté.

307    Un tel résultat risquerait de compromettre les objectifs poursuivis par le contrôle des aides d’État en général, puisqu’il serait susceptible d’affaiblir la bonne volonté des États membres et des entreprises de respecter l’obligation de ne pas accorder des aides d’État avant que la Commission ait pu se prononcer sur leur compatibilité avec le marché commun. En effet, même si les sommes correspondant aux travaux effectués avant l’introduction de la demande d’aide se situaient au-dessus du plafond de 100 000 euros, les bénéficiaires pourraient alors être assurés qu’au moins une partie d’une aide versée illégalement ne serait pas récupérée. Or, ainsi que la Commission l’a fait valoir à bon droit, la règle de minimis ne vise pas à garantir à toute entreprise s’étant vu accorder des aides illégales de pouvoir bénéficier d’une franchise à concurrence du plafond de minimis.

308    Cette dernière considération se trouve renforcée par une analyse de la notion même d’« aide de minimis ». En effet, cette notion indique qu’il doit s’agir d’une aide d’un faible montant. Or, le fait d’admettre ex post le fractionnement d’aides dépassant le plafond applicable à cet égard impliquerait de faire bénéficier en partie de la règle de minimis des aides qui n’étaient pas d’un faible montant au moment de leur octroi.

309    Il est vrai que, à la suite de la récupération du montant total de l’aide accordée illégalement, l’État membre en cause peut en principe immédiatement octroyer à l’entreprise une nouvelle aide de minimis à concurrence du plafond de 100 000 euros. Toutefois, ainsi que la Commission l’a souligné dans sa réponse à la question écrite du Tribunal, cela requiert une nouvelle décision d’octroi de fonds publics par l’État membre, qui reste libre de sa décision, de sorte que l’interdiction du fractionnement ne saurait être considérée comme une règle de pure forme.

310    Il convient, dès lors, d’interpréter l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 69/2001 en ce sens que l’exonération de l’obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE ne peut pas être appliquée à des montants qui font partie d’une aide dont le montant total excède le plafond de 100 000 euros sur une période de trois ans.

311    En tout état de cause, l’inscription expresse de cette interprétation restrictive à l’article 2, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 1998/2006 doit donc être comprise comme introduisant une clarification et non comme ajoutant une nouvelle condition à l’application de la règle de minimis.

312    Par conséquent, il convient d’écarter l’argument des intervenantes, selon lequel la Commission aurait dû se limiter à enjoindre à la Région Sardaigne de récupérer la partie du montant des aides versées qui dépassait le plafond de 200 000 euros ou, à tout le moins, le plafond de 100 000 euros. De même, il convient d’écarter l’argument de SF Turistico Immobiliare selon lequel la Commission n’aurait dû considérer que la partie des dépenses supportées avant la présentation de la demande d’aide, aux fins de l’application de la règle de minimis.

313    Cela n’exclut pas la possibilité que, dans le cadre de l’appréciation de chaque cas particulier à laquelle les autorités italiennes devront procéder lors de la récupération des aides litigieuses, il puisse être établi que certains projets ayant été entamés avant la présentation de la demande d’aide et ne pouvant donc pas bénéficier d’une aide au titre du régime introduit par la loi n° 9/1998 sont fonctionnellement indépendants d’autres projets qui n’ont été entamés qu’après la date de la présentation de la demande d’aide et, dès lors, pourraient bénéficier d’une aide au titre de ce même régime. Toutefois, il s’agit là d’une question qu’il n’appartient pas au Tribunal de trancher dans le cadre des présentes affaires.

314    Dès lors, il convient de rejeter le moyen tiré de la violation des dispositions relatives aux aides de minimis.

315    Par conséquent, les recours doivent être rejetés dans leur ensemble.

 Sur les dépens

316    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes et les intervenantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Les requérantes supporteront les dépens de la Commission, à l’exclusion de ceux qu’elle a exposés en raison de l’intervention, ainsi que leurs propres dépens.

4)      Les intervenantes dans l’affaire T‑394/08 supporteront les dépens de la Commission relatifs à l’intervention ainsi que leurs propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2011.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Décision attaquée

Procédure

Conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité de certains des moyens soulevés par les intervenantes dans l’affaire T‑394/08

2.  Sur la recevabilité de certains griefs soulevés au stade de la réplique

Affaire T‑394/08

Affaire T‑408/08

Affaire T‑453/08

Affaire T‑454/08

3.  Sur la recevabilité des moyens tirés de l’illégalité de la décision de rectification

Sur la nature juridique de la décision de rectification

Sur les conséquences, en l’espèce, pour la recevabilité des moyens tirés de l’illégalité de la décision de rectification

4.  Sur les moyens tirés de vices de procédure

Sur le moyen tiré de la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE et du règlement n° 659/1999

Sur le grief tiré d’une violation de l’article 9 du règlement n° 659/1999

Sur le grief tiré d’un défaut d’instruction

Sur le grief tiré du non-respect des délais prévus par le règlement n° 659/1999

Sur le moyen tiré de la violation de l’article 254, paragraphe 3, CE et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999

Sur le moyen tiré de défauts de motivation de la décision attaquée

Sur le grief tiré du défaut de motivation quant à la violation du principe de la durée raisonnable de la procédure

Sur le grief tiré du défaut de motivation de la qualification de l’aide de nouvelle aide illégale

Sur le grief tiré du défaut de motivation quant à l’incompatibilité des aides au titre du développement régional

Sur le grief tiré du défaut de motivation de l’appréciation de l’effet incitatif des aides litigieuses

Sur le grief tiré du défaut de motivation quant au refus d’application de la règle de minimis

Sur le grief tiré du défaut de motivation de l’injonction de récupération

5.  Sur les moyens de fond

Sur le moyen tiré de l’absence d’une base légale de la décision de rectification

Sur le moyen tiré d’un détournement de pouvoir lors de l’adoption de la décision de rectification

Sur le moyen tiré de ce que la décision d’approbation ne mentionnait pas la condition de la demande préalable

Sur le moyen tiré de la qualification erronée des aides comme étant illégales, plutôt que comme étant appliquées de façon abusive

Sur le moyen tiré de l’inapplicabilité des lignes directrices de 1998

Sur l’applicabilité ratione temporis des lignes directrices de 1998

Sur l’argument tiré des dispositions relatives au régime précédent

Sur l’argument tiré du contexte législatif national

Sur l’exception d’illégalité du point 4.2 des lignes directrices de 1998

–  Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité

–  Sur le fond

Sur le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’existence d’un effet d’incitation

Sur les arguments tirés de la situation particulière ou du comportement des bénéficiaires des aides litigieuses

Sur l’argument selon lequel la simple entrée en vigueur de la loi n° 9/1998 conférait aux entreprises la certitude de pouvoir bénéficier de l’aide

Sur le moyen tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, CE

Sur le moyen tiré de la violation du principe d’impartialité et du principe de protection de la concurrence

Sur le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur la confiance légitime de la Région Sardaigne, relative à l’inexistence de lignes directrices, lors de l’adoption de la loi n° 9/1998

Sur la confiance légitime des bénéficiaires, tirée de l’existence d’une décision d’approbation antérieure et des circonstances de l’espèce

Sur le moyen tiré de la violation des dispositions relatives aux aides de minimis

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.