Language of document : ECLI:EU:T:2014:631

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 juillet 2014 (*)

« Aides d’État – Service public de radiodiffusion – Aide envisagée par l’Espagne en faveur de la RTVE – Modification du système de financement – Remplacement des revenus de la publicité par de nouvelles taxes sur les opérateurs de télévision et de télécommunications – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Droits procéduraux – Aide nouvelle – Modification du régime d’aide existant – Mesure fiscale constituant le mode de financement de l’aide – Existence d’un lien d’affectation nécessaire entre la taxe et l’aide – Influence directe du produit de la taxe sur l’importance de l’aide – Proportionnalité – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑151/11,

Telefónica de España, SA, établie à Madrid (Espagne),

Telefónica Móviles España, SA, établie à Madrid,

représentées par Mes F. González Díaz et F. Salerno, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Valero Jordana et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. M. Muñoz Pérez, puis par Mmes S. Centeno Huerta et N. Díaz Abad, puis par Mme Díaz Abad et enfin par M. M. Sampol Pucurull, abogados del Estado,

et par

Corporación de Radio y Televisión Española, SA (RTVE), établie à Madrid, représentée par Mes A. Martínez Sánchez, A. Vázquez-Guillén Fernández de la Riva et J. Rodríguez Ordóñez, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/1/UE de la Commission, du 20 juillet 2010, relative au régime d’aide C 38/09 (ex NN 58/09) que l’Espagne envisage de mettre à exécution en faveur de l’organisme public espagnol de radiodiffusion (RTVE) (JO 2011, L 1, p. 9),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 octobre 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par le présent recours, les requérantes, Telefónica de España, SA et Telefónica Móviles España, SA demandent l’annulation de la décision 2011/1/UE de la Commission, du 20 juillet 2010, relative au régime d’aide C 38/09 (ex NN 58/09) que l’Espagne envisage de mettre à exécution en faveur de l’organisme public espagnol de radiodiffusion (RTVE) (JO 2011, L 1, p. 9, ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, la Commission a constaté que le système de financement de la Corporación de Radio y Televisión Española, SA (RTVE), modifié par le Royaume d’Espagne par la Ley 8/2009, de 28 de agosto, de financiación de la Corporación de Radio y Televisión Española (loi nº 8/2009, du 28 août 2009, relative au financement de la RTVE, BOE nº 210, du 31 août 2009, p. 74003, ci-après la « loi nº 8/2009 »), portant modification de la Ley 17/2006, de 5 de junio, de la radio y la televisión de titularidad estatal (loi nº 17/2006, du 5 juin 2006, relative à la radio et à la télévision publiques, BOE nº 134, du 6 juin 2006, p. 21270, ci-après la « loi nº 17/2006 »), était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

 Antécédents du litige et décision attaquée

2        Telefónica de España est l’opérateur historique dans le secteur des télécommunications en Espagne, notamment pour les services de téléphonie fixe, qui peuvent comprendre la fourniture par câble de la télévision payante, l’interconnexion et les lignes louées. Telefónica Móviles España est un opérateur de téléphonie mobile en Espagne. Ces deux sociétés sont détenues à 100 % par Telefónica de España, SA. Telefónica de España opère sur le marché de l’offre de contenus audiovisuels à travers son réseau « Internet Protocol Television », moyennant l’offre de son service « Imagenio ».

3        RTVE est l’organisme public de radiodiffusion et de télédiffusion espagnol, qui a été investi d’une mission de service public dans ces domaines par la loi nº 17/2006.

4        La loi nº 17/2006 prévoyait un régime de financement mixte de la RTVE. En vertu de cette loi, d’une part, la RTVE disposait de recettes provenant de ses activités commerciales, notamment de la vente d’espaces publicitaires. D’autre part, elle recevait une compensation de l’État espagnol pour l’accomplissement de la mission de service public. Ce système de financement (ci-après le « régime de financement existant de la RTVE ») a été approuvé par la Commission des Communautés européennes dans ses décisions C (2005) 1163 final, du 20 avril 2005, relative à une aide d’État en faveur de la RTVE (E 8/05) (résumé au JO 2006, C 239, p. 17), et C (2007) 641 final, du 7 mars 2007, relative au financement de mesures de réduction des effectifs à la RTVE (NN 8/07) (résumé au JO 2007, C 109, p. 2).

5        Le 22 juin 2009, la Commission a été saisie d’une plainte relative au projet de loi ayant donné lieu à la loi nº 8/2009. Le 5 août 2009, la Commission a demandé au Royaume d’Espagne de lui fournir des renseignements sur ce projet de loi.

6        La loi nº 8/2009, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2009, a modifié le régime de financement existant de la RTVE.

7        Tout d’abord, la loi nº 8/2009 prévoyait que, à compter de la fin 2009, la publicité, le télé-achat, le soutien financier et les services d’accès ne constituaient plus des sources de financement pour la RTVE. Les seules recettes commerciales dont la RTVE continuait à disposer après cette date étaient celles provenant de la prestation de services à des tiers ainsi que de la vente de ses propres productions [article 2, paragraphe 1, sous e), de la loi nº 8/2009]. Ces recettes se limitaient à un montant de près de 25 millions d’euros (voir considérant 9 de la décision attaquée).

8        Ensuite, afin de compenser la perte des autres recettes commerciales, la loi nº 8/2009 a introduit ou modifié, à son article 2, paragraphe 1, sous b) à d), et à ses articles 4 à 6, les trois mesures fiscales suivantes :

–        une nouvelle taxe de 3 % sur les recettes des opérateurs de télévision gratuite et de 1,5 % sur les recettes des opérateurs de télévision payante établis en Espagne ; la contribution de cette taxe au budget de la RTVE ne pouvant dépasser 15 % (en ce qui concerne la télévision en libre accès) et 20 % (en ce qui concerne la télévision payante) de l’aide totale destinée chaque année à la RTVE et toute recette fiscale supérieure étant versée au budget général de l’État espagnol [article 2, paragraphe 1, sous d), et article 6 de la loi nº 8/2009] ;

–        une nouvelle taxe de 0,9 % sur les recettes brutes d’exploitation (à l’exclusion des recettes obtenues sur le marché de gros en cause) des opérateurs de services de télécommunication établis en Espagne, inscrits au registre des opérateurs de la commission du marché des télécommunications et ayant une couverture géographique correspondant au territoire de l’État espagnol ou supérieure à celle d’une communauté autonome, fournissant des services audiovisuels ou tout autre type de service comportant de la publicité, pour l’un des services suivants : service de téléphonie fixe, service de téléphonie portable et fournisseur d’accès à Internet ; la contribution à l’aide totale destinée chaque année à la RTVE ne pouvant être supérieure à 25 % et toute recette fiscale supérieure à ce pourcentage étant versée au budget général de l’État espagnol [article 2, paragraphe 1, sous c), et article 5 de la loi nº 8/2009] ;

–        un pourcentage de 80 %, jusqu’à un montant maximal de 330 millions d’euros, du rendement de la taxe existante sur l’utilisation du spectre radioélectrique, le reste étant versé au budget général de l’État espagnol et ce pourcentage pouvant être modifié dans le respect des lois relatives au budget général de l’État espagnol [article 2, paragraphe 1, sous b), et article 4 de la loi nº 8/2009].

9        Par ailleurs, la compensation pour l’accomplissement des obligations de service public, prévue par la loi nº 17/2006, a été maintenue [article 2, paragraphe 1, sous a), de la loi nº 8/2009]. Ainsi, si les sources de financement susmentionnées [et quelques autres sources sans grande importance prévues à l’article 2, paragraphe 1, sous f) à i), de la loi nº 8/2009] ne suffisaient pas pour couvrir l’ensemble des coûts de la RTVE prévus pour l’accomplissement de ses obligations de service public, l’État espagnol était obligé, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 et de l’article 33 de la loi nº 17/2006, de combler cet écart. Partant, le système de financement mixte de la RTVE se trouvait transformé en un système de financement quasi uniquement public (ci-après le « régime de financement quasi uniquement public »).

10      Enfin, l’article 3, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 prévoyait un plafond pour les recettes de la RTVE. Au cours des deux années 2010 et 2011, le total desdites recettes ne pouvait pas dépasser 1 200 millions d’euros par an, ce qui correspondait également au plafond de ses dépenses pour chaque exercice. Pendant les années 2012 à 2014, l’augmentation maximale de ce montant était fixée à 1 % et, pour les années suivantes, la hausse était déterminée par l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation.

11      La loi nº 8/2009 a modifié également la définition de la mission de service public de radiodiffusion dont la RTVE était investie. Notamment, elle a établi des obligations supplémentaires pour la RTVE relatives à la programmation pour enfants. Par ailleurs, elle a prévu des limites pour l’acquisition de droits de retransmission d’événements sportifs ainsi que pour la diffusion de films réalisés par de grandes sociétés internationales de production cinématographique aux heures de grande audience.

12      Le 2 décembre 2009, la Commission a notifié au Royaume d’Espagne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108 TFUE concernant la modification du régime de financement de la RTVE, (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ») (résumé au JO 2010, C 8, p. 31). Elle a invité les tiers intéressés à présenter leurs observations sur la mesure en cause.

13      Le 18 mars 2010, la Commission a ouvert la procédure de manquement d’État prévue à l’article 258 TFUE, considérant que la taxe imposée sur les communications électroniques était contraire à l’article 12 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation ») (JO L 108, p. 21). Le 30 septembre 2010, dans un avis motivé, la Commission a demandé au Royaume d’Espagne d’éliminer cette taxe en raison de son incompatibilité avec ladite directive.

14      Le 20 juillet 2010, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle elle a déclaré que la modification du système de financement de la RTVE prévue par la loi nº 8/2009 était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Elle s’est fondée notamment sur la constatation que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 ne faisaient pas partie intégrante des nouveaux éléments d’aide prévus par cette loi et qu’une éventuelle incompatibilité de ces mesures fiscales avec la directive autorisation n’affectait donc pas l’examen de sa compatibilité avec le marché intérieur. Par ailleurs, elle a considéré que le régime financier modifié de la RTVE était conforme à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, puisqu’il était proportionnel.

 Procédure devant le Tribunal

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 mars 2011, les requérantes ont introduit le présent recours.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 mai 2011, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la Commission.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juin 2011, la RTVE a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la Commission.

18      Par ordonnances respectivement des 30 juin et 22 septembre 2011, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis ces interventions.

19      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 20 juillet 2011 les requérantes ont demandé le traitement confidentiel de certaines données et informations contenues dans les annexes à la requête vis-à-vis de la RTVE.

20      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 2011, la RTVE a émis des objections à l’encontre de l’ensemble de la demande de traitement confidentiel formulée par les requérantes.

21      Par ordonnance du 7 décembre 2011, le président de la troisième chambre du Tribunal a rejeté cette demande de traitement confidentiel.

22      Les intervenantes ont déposé leurs mémoires et les requérantes ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

23      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2012, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel, à l’égard du Royaume d’Espagne et de la RTVE, de certains éléments contenus dans leurs observations sur le mémoire en intervention de la RTVE.

24      Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 10 et 11 avril 2012, respectivement, le Royaume d’Espagne et la RTVE ont contesté les demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes.

25      Par ordonnance du 4 juillet 2013, le président de la troisième chambre du Tribunal a rejeté cette demande de traitement confidentiel.

26      Par lettres du 9 juillet 2013, le Tribunal a demandé aux parties de répondre à des questions dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, conformément à l’article 64 de son règlement de procédure. Les parties ont fait suite à cette demande dans le délai imparti.

27      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 15 octobre 2013.

28      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en vertu de l’article 263 TFUE ;

–        en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens ;

–        condamner le Royaume d’Espagne à tous les dépens liés à son intervention, y compris ceux encourus par elles ;

–        condamner la RTVE à tous les dépens liés à son intervention, y compris ceux exposés par elles.

29      La Commission, le Royaume d’Espagne et la RTVE concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours partiellement irrecevable ;

–        en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les parties requérantes aux dépens.

 En droit

30      Le recours est fondé sur cinq moyens, tirés, premièrement, d’une violation des droits procéduraux garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE, deuxièmement, d’une violation de l’article 108 TFUE et de l’article 1er, sous c), du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), troisièmement, d’une violation de l’obligation de motivation à cet égard, quatrièmement, d’une erreur concernant la notion d’aide au sens de l’article 107 TFUE et, cinquièmement, d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et de l’obligation de motivation.

1.     Sur la recevabilité du recours et des moyens

31      La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, avance que le recours est partiellement irrecevable. Les requérantes disposeraient uniquement d’un intérêt à agir pour leur demande d’annulation en ce qui concernerait les éléments de la décision attaquée qui seraient liés aux apports devant être effectués par elles. Elles n’auraient donc pas d’intérêt à demander l’annulation de ladite décision dans la mesure où elle concernerait soit des apports qu’elles devraient payer de toute façon, indépendamment de l’affectation des montants, soit des apports qu’elles ne devraient pas payer. Chacun des apports prévus aux articles 4 à 6 de la loi nº 8/2009 serait dissociable des autres. L’annulation de l’un d’entre eux n’aurait donc pas d’incidence sur les autres.

32      Par sa part, le Royaume d’Espagne invoque que les deuxième à cinquième moyens sont irrecevables en raison d’un manque d’intérêt à agir des requérantes. Ces moyens viseraient le bien-fondé de la décision attaquée. Il ne serait donc pas suffisant que les requérantes soient considérées comme étant des intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, mais elles devraient être individuellement concernées par ladite décision. Or, la position des requérantes sur le marché ne serait pas substantiellement affectée par la loi nº 8/2009.

33      Les requérantes contestent ces arguments.

34      À cet égard, il suffit de rappeler que le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours ou un moyen, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, points 51 et 52, et arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 155).

35      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère que, dans un souci d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée la conclusion en annulation des requérantes et le bien-fondé des moyens qu’elles ont invoqués à son soutien, sans statuer préalablement sur la recevabilité du recours dans son ensemble ni sur celle des deuxième à cinquième moyens, le recours étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement.

2.     Sur le fond

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits procéduraux garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE

36      Par leur premier moyen, les requérantes avancent que la Commission a violé leurs droits procéduraux garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Au considérant 29 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, elle aurait constaté que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 étaient dissociables du régime de financement existant de la RTVE, alors qu’il aurait existé des doutes à cet égard. Ainsi, elle aurait limité l’objet de la procédure formelle d’examen. Cette limitation aurait eu comme conséquence de limiter leurs droits procéduraux, la Commission étant uniquement obligée de prendre en compte les observations des tiers intéressés concernant l’objet de la procédure. Dès lors, concernant la question de savoir si les mesures fiscales étaient dissociables des éléments d’aide, les requérantes font valoir qu’elles n’ont pas bénéficié d’une protection comparable à celle dont elles auraient bénéficié si cette question avait fait l’objet de la procédure. La situation serait donc équivalente à celle dans laquelle la Commission adopte une décision finale sur une mesure sans ouvrir de procédure formelle d’examen, en dépit du fait qu’il existerait des doutes sérieux concernant la mesure en cause.

37      La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, conteste ces arguments.

38      À cet égard, il convient de rappeler que la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE vise notamment à protéger les droits des tiers potentiellement intéressés et qu’elle revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une mesure est compatible avec le marché commun (arrêt de la Cour du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, Rec. p. I‑10707, point 70, et arrêt du Tribunal du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, Rec. p. II‑199, point 87).

39      Il convient également de relever que, en l’espèce, les requérantes ne font pas grief à la Commission de ne pas avoir ouvert de procédure formelle d’examen à l’égard de la loi nº 8/2009. Elles soutiennent que, bien que la Commission ait décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen concernant cette loi, elle a violé leurs droits procéduraux garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE en constatant, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 étaient dissociables du régime de financement existant de la RTVE.

40      Cet argument doit être rejeté.

41      En effet, les constatations à l’égard des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 que la Commission a faites au considérant 29 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ne sont pas susceptibles de porter atteinte aux droits procéduraux des requérantes garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

42      Contrairement à ce qu’avancent les requérantes, la situation en l’espèce ne peut pas être comparée à une situation dans laquelle la Commission aurait décidé ne pas ouvrir de procédure formelle d’examen à l’égard de la loi nº 8/2009.

43      En effet, dans l’hypothèse où la Commission aurait décidé de ne pas ouvrir de procédure formelle d’examen à l’égard de la loi nº 8/2009, les requérantes n’auraient pas pu faire usage des droits procéduraux que leur garantit l’article 108, paragraphe 2, TFUE en tant que tiers intéressés.

44      Par ailleurs, en l’espèce, la Commission a décidé d’ouvrir une procédure formelle d’examen à l’égard de la loi nº 8/2009. Les requérantes auraient donc pu soumettre des observations en tant que tiers intéressés et la Commission aurait pu prendre en compte ces observations.

45      Tout d’abord, les constatations de la Commission reprises au considérant 29 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ne s’opposaient pas à ce que les requérantes puissent exprimer des doutes à l’égard du caractère dissociable des mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009. En effet, lorsque la Commission décide d’examiner formellement une mesure, elle invite les tiers intéressés à présenter leurs observations à l’égard de celle-ci. Or, rien ne s’oppose à ce que les tiers intéressés fassent des observations non seulement en ce qui concerne les doutes que la Commission a mentionnés dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, mais également en ce qui concerne d’autres éléments de la mesure sous examen.

46      Ensuite, même à supposer que la Commission n’ait pas évoqué de doutes concernant la dissociabilité des mesures fiscales dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, cela ne l’empêcherait pas de prendre en compte les doutes soulevés par des tiers intéressés au cours de la procédure formelle d’examen. Rien ne s’oppose à ce que, à la suite des doutes soulevés dans les observations d’un tiers intéressé, la Commission procède à un examen plus approfondi, recueille des informations supplémentaires et, le cas échéant, modifie sa position. En effet, il résulte de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999 que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen inclut une évaluation de nature préliminaire qui permet à la Commission de se former une première opinion quant à la question de savoir si les mesures sous examen présentent le caractère d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et sont compatibles avec le marché intérieur. Une telle décision ne revêt donc qu’un caractère préparatoire (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 25 novembre 2009, Andersen/Commission, T‑87/09, non publiée au Recueil, point 53). Le caractère nécessairement provisoire des appréciations contenues dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen est confirmé par l’article 7 du règlement nº 659/1999, qui prévoit que la Commission peut décider dans la décision finale que la mesure sous examen ne constitue pas une aide, que l’aide notifiée est compatible avec le marché commun, que l’aide notifiée peut être considérée comme compatible avec le marché commun si certaines conditions sont respectées ou que l’aide notifiée est incompatible avec le marché commun (arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, Rec. p. II‑5015, point 48).

47      Dès lors, les requérantes ne peuvent pas invoquer avec succès que leurs droits procéduraux garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE ont été affectés par la constatation de la Commission au considérant 29 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.

48      Aucun argument avancé par les requérantes n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.

49      D’une part, les requérantes invoquent qu’il peut être déduit des points 90 à 99 de l’arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Scott (C‑290/07 P, Rec. p. I‑7763), que la Commission n’est pas obligée de prendre en compte les doutes concernant des éléments de la mesure sous examen soulevés par des tiers intéressés, dans la mesure où elle ne les a pas émis dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Or, cette lecture de l’arrêt susmentionné est erronée. En effet, dans ledit arrêt, la Cour s’est limitée à constater que la Commission n’est pas obligée de prendre en compte des documents qui, d’un côté, ne lui avaient pas été fournis durant la procédure administrative, mais postérieurement, et, de l’autre côté, ne contenaient que de vagues affirmations.

50      D’autre part, en invoquant les points 124 à 137 de l’arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission (T‑25/04, Rec. p. II‑3121), les requérantes soutiennent que la Commission doit tenir compte de la confiance légitime qu’ont pu faire naître les indications contenues dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.

51      Cet argument doit également être rejeté.

52      En effet, l’arrêt mentionné au point 50 ci-dessus concerne un cas où le Tribunal a examiné si, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission avait donné suffisamment d’indications, permettant ainsi au bénéficiaire de la mesure de réaliser qu’elle nourrissait un doute à l’égard d’un élément de la mesure sous examen, de faire valoir ses arguments et de fournir les éléments qu’il pouvait juger nécessaires sur ce point en toute connaissance de cause. Or, en l’absence d’indications suffisantes, un bénéficiaire d’une mesure ne peut pas s’attendre à devoir dissiper les doutes que nourrit la Commission à l’égard de celle-ci. Dès lors, il peut invoquer le principe de la confiance légitime lorsque la Commission se fonde sur ce doute dans sa décision finale.

53      Ce raisonnement n’est pas transposable au présent cas, dans lequel, en cas de désaccord, les requérantes pouvaient soumettre leurs observations concernant la constatation de la Commission développée au considérant 29 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, selon laquelle les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 étaient dissociables du régime de financement existant de la RTVE. Eu égard au caractère nécessairement provisoire des appréciations de la Commission dans une telle décision, les requérantes ne pouvaient pas se fier à ce que, au cours de la procédure, à la suite, notamment, de leurs observations, la Commission ne change pas d’avis.

54      Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur concernant la notion d’aide nouvelle au sens de l’article 108 TFUE et de l’article 1er, sous c), du règlement nº 659/1999

55      Le deuxième moyen vise la partie des motifs de la décision attaquée qui est intitulée « Analyse du caractère d’aide existante des mesures », constituée des considérants 48 à 55. La Commission a répondu à l’argument avancé par le Royaume d’Espagne selon lequel la loi nº 8/2009 ne constituait pas une modification substantielle du régime d’aide existant, modifié conformément à la décision de la Commission dans l’affaire E 8/05, et qu’elle ne constituait donc pas une aide nouvelle exigeant une nouvelle notification (voir considérant 48 de la décision attaquée).

56      Les requérantes avancent que, aux considérants 48 à 55 de la décision attaquée, la Commission a violé la notion d’aide nouvelle au sens de l’article 108 TFUE et de l’article 1er, sous c), du règlement nº 659/1999 en constatant que la modification du régime de financement de la RTVE apportée par la loi nº 8/2009 était dissociable de son régime de financement existant. Cette loi ne pourrait pas être considérée comme un simple ajout au régime existant. Elle ne se limiterait pas à modifier le financement de la RTVE, mais aurait également modifié la mission de service public confié à cet organisme. Or, il existerait un lien entre le financement et le développement de la mission de service public. Dès lors, la Commission n’aurait pas pu considérer que la modification du financement de la RTVE introduite par ladite loi était dissociable du régime existant et n’aurait pas dû être examinée de manière autonome.

57      Les requérantes soutiennent également que la Commission a violé le principe de sécurité juridique. La distinction qu’elle aurait réalisée dans la décision attaquée entre l’analyse de la modification du financement et celle de la modification de la mission de service public serait contraire à sa pratique décisionnelle.

58      En revanche, la Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, estiment que ce moyen doit être rejeté. Les modifications apportées par la loi nº 8/2009 seraient dissociables du régime existant. Seules des modifications affectant la substance, c’est-à-dire le fonctionnement intrinsèque d’un régime existant, seraient indissociables de celui-ci. Or, les modifications apportées par la loi nº 8/2009 n’auraient pas affecté le fonctionnement du régime de financement existant. Tout d’abord, les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 n’auraient affecté ni l’évaluation des autres éléments de l’aide accordée à la RTVE, ni l’incidence que l’aide d’État aurait pu avoir sur le marché. Ensuite, le fait que les mesures fiscales avaient renforcé l’indépendance du service public n’aurait pas affecté le fonctionnement intrinsèque du régime existant, ni l’impact que l’aide aurait pu avoir sur le marché. Enfin, les ajustements de la mission de service public auraient introduit une définition plus restrictive de la mission de service public, ce qui n’aurait pas affecté l’examen de sa compatibilité et n’aurait pas changé la qualification du régime de financement existant de la RTVE d’aide existante.

59      La Commission ajoute que l’argument tiré de sa pratique décisionnelle est inopérant, puisque l’existence d’une telle pratique ne serait pas susceptible d’affecter la légalité de la décision attaquée. En tout état de cause, sa pratique ne serait pas incohérente.

60      Dans ce contexte, il convient d’abord de rappeler les règles régissant les modifications d’un régime d’aide existant avant d’examiner la question de savoir si, aux considérants 48 à 55 de la décision attaquée, la Commission a respecté ces règles.

 Sur les règles régissant les modifications d’un régime d’aide existant

61      Quant aux règles régissant les modifications d’un régime d’aide existant, il convient de rappeler, tout d’abord, que, en vertu de l’article 1er, sous c), du règlement nº 659/1999, on entend par une aide nouvelle tout régime d’aides ou toute aide individuelle qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante.

62      Toutefois, en vertu de l’article 4 du règlement (CE) nº 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement nº 659/1999 (JO L 140, p. 1), toute modification d’une aide existante ne constitue pas forcément une aide nouvelle. En effet, comme il ressort de cette disposition, les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la mesure d’aide ne sont pas considérées comme des modifications d’une aide existante. Pour constituer une aide nouvelle, la modification d’une aide existante doit donc être substantielle.

63      Dans l’hypothèse où la modification d’un régime d’aide existant constitue une aide nouvelle, la Commission doit examiner dans quelle mesure elle affecte le régime d’aide existant. En principe, ce n’est que la modification en tant que telle qui constitue une aide nouvelle. Ce n’est que dans l’hypothèse où la modification affecte le régime d’aide initial dans sa substance même qu’il se trouve transformé en régime d’aide nouveau. Or, une modification n’affecte pas le régime initial dans sa substance même lorsque l’élément nouveau est clairement détachable du régime initial (arrêt du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec. p. II‑2309, points 109 à 111).

64      Ainsi, la modification d’un régime d’aide prévoyant l’extension d’un régime d’aide existant à une nouvelle catégorie de bénéficiaires est une modification qui est clairement détachable du régime initial, puisque l’application du régime d’aide existant à la nouvelle catégorie de bénéficiaires n’affecte pas l’appréciation de la compatibilité du régime initial (arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, ASM Brescia/Commission, T‑189/03, Rec. p. II‑1831, point 106).

65      Dans ce contexte, il convient également de préciser que ce n’est que dans la mesure où la modification d’un régime d’aide existant l’affecte dans sa substance que celle-ci doit être considérée comme une aide nouvelle au sens de l’article 1er, sous c), du règlement nº 659/1999. Partant, la Commission peut se limiter à évaluer uniquement les éléments du régime existant qui ont été affectés dans leur substance par la modification. S’agissant de ces éléments, rien ne s’oppose à ce que la Commission se fonde sur le résultat de son évaluation initiale et se limite à examiner si celle-ci est remise en cause par la modification. Pour l’obligation de notification d’un État membre, il en résulte que, même dans un cas où une nouvelle mesure d’aide modifie le régime d’aide existant dans sa substance, l’État membre n’est pas forcément obligé de notifier à nouveau le régime d’aide dans sa totalité mais peut se limiter à notifier la modification, à condition qu’une telle notification contienne tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission d’évaluer la nouvelle mesure d’aide.

 Sur l’approche de la Commission en l’espèce

66      C’est à la lumière des considérations précédentes qu’il convient d’examiner si, aux considérants 48 à 55 de la décision attaquée, la Commission a respecté les règles régissant les modifications d’un régime d’aide existant.

67      Aux considérants 49 et 50 de la décision attaquée, la Commission a exposé que, en vertu de l’article 4 du règlement nº 794/2004, elle devait d’abord examiner si la modification du régime de financement de la RTVE introduite par la loi nº 8/2009 était substantielle. Ensuite, elle a constaté que le passage du régime de financement mixte au régime de financement quasi uniquement public de la RTVE auquel le Royaume d’Espagne avait procédé par l’adoption de ladite loi avait constitué une modification substantielle et constituait donc une aide nouvelle. Dans ce contexte, elle a retenu que le montant de l’aide avait fortement augmenté et que le financement lié à la publicité, qui n’avait pas constitué une aide, avait été remplacé par un financement fourni par l’État espagnol.

68      Dans cette partie des motifs de la décision attaquée, qui n’est d’ailleurs pas remise en cause par les parties, la Commission s’est donc uniquement prononcée sur la question de savoir si les modifications apportées au régime de financement existant de la RTVE par la loi nº 8/2009 constituaient une aide nouvelle (voir point 62 ci-dessus). Ces considérations ne concernent donc pas la question de la dissociabilité des modifications apportées par la loi nº 8/2009 au régime de financement existant de la RTVE.

69      Aux considérants 51 et 52 de la décision attaquée, la Commission a exposé la méthode qu’elle entendait suivre concernant le traitement d’une modification d’un régime d’aide existant. Après avoir fait référence à l’article 1er, point c), du règlement nº 659/1999 et à la jurisprudence mentionnée au point 63 ci-dessus, la Commission a retenu, dans la première phrase du considérant 52 de la décision attaquée, que les ajustements qui n’affectaient pas l’évaluation de la compatibilité de la mesure n’affectaient pas non plus la substance de l’aide et ne modifiaient donc pas la qualification de la mesure d’aide existante. Dans les deuxième et troisième phrases du considérant 52 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, lorsqu’une modification affectait la substance d’un régime, mais dans une mesure telle qu’une nouvelle évaluation des autres éléments de ce régime n’était pas requise, elle pouvait faire l’objet d’une évaluation indépendante, sans faire référence aux autres éléments du régime, et que, dans un tel cas, l’obligation de notification de la part de l’État membre et l’obligation d’examen de la part de la Commission s’appliquaient uniquement à la modification.

70      Ces conclusions ne sont pas entachées d’erreur. En effet, comme il a été exposé aux points 63 et 64 ci-dessus, une modification qui n’est pas susceptible d’avoir un impact sur l’évaluation d’un régime d’aide existant parce qu’elle ne l’affecte pas dans sa substance doit être considérée comme détachable de ce régime. Par ailleurs, comme il a été exposé au point 65 ci-dessus, dans un cas où une mesure qui doit être considérée comme une aide nouvelle est susceptible d’avoir un impact sur l’évaluation d’un régime d’aide initial, seuls les éléments de ce dernier qui sont affectés dans leur substance se transforment en aide nouvelle.

71      Aux considérants 53 à 55 de la décision attaquée, la Commission a appliqué la méthode mentionnée au point 69 ci-dessus.

72      Ainsi, aux considérants 54 et 55 de la décision attaquée, la Commission s’est prononcée sur la question de savoir si les modifications apportées par la loi nº 8/2009 au régime de financement existant de la RTVE étaient dissociables du régime d’aide existant.

73      Au considérant 54 de la décision attaquée, elle a examiné la relation entre les nouvelles ressources pour la RTVE et les éléments d’aide prévus par son régime de financement existant. Après avoir confirmé que ces nouvelles ressources étaient substantielles et constituaient donc une aide nouvelle, elle a constaté qu’elles pouvaient avoir un impact sur « la compatibilité de l’ensemble de l’aide », et donc également sur les éléments d’aide déjà prévus par le régime d’aide existant en faveur de la RTVE.

74      Au considérant 55 de la décision attaquée, la Commission a conclu que ces modifications auraient dû lui être formellement notifiées en raison de leur incidence sur la compatibilité de l’ensemble du régime de financement de la RTVE. Elle a précisé que la qualification d’aide nouvelle se référait uniquement à la modification en tant que telle, de sorte qu’elle était uniquement obligée d’évaluer la qualité des changements et leurs conséquences quant à la compatibilité de l’aide.

75      Aux considérants 54 et 55 de la décision attaquée, la Commission n’a donc pas constaté que les nouveaux éléments d’aide introduits par la loi nº 8/2009 étaient dissociables du régime d’aide existant. Au contraire, il ressort clairement desdits points qu’elle a considéré que ladite loi avait modifié certains des éléments du régime d’aide existant dans leur substance.

76      Cette lecture est confirmée par l’économie de la décision attaquée. En effet, dans le cadre de l’examen de la compatibilité de l’aide, la Commission a examiné le régime de financement de la RTVE tel qu’il a été modifié par la loi nº 8/2009, donc le régime d’aide en faveur de la RTVE consistant non seulement en les nouveaux éléments d’aide introduits par ladite loi, mais aussi en les éléments du régime existant ayant été modifiés par celle-ci dans leur substance. Ainsi, d’une part, aux considérants 56 à 60 de la décision attaquée, la Commission a analysé la définition modifiée de la mission de service public de la RTVE. D’autre part, aux considérants 67 à 76 de la décision attaquée, elle a contrôlé si, au vu de cette mission et de l’ensemble des éléments d’aide dont bénéficiait la RTVE, à savoir les ressources publiques introduites par cette loi et celles qui étaient déjà prévues par le régime de financement existant de la RTVE, il existait un risque de surcompensation.

77      Partant, il ressort clairement des considérants 54 et 55 ainsi que de l’économie de la décision attaquée que la Commission n’a pas constaté que les éléments d’aide prévus par la loi nº 8/2009 constituaient une aide nouvelle étant dissociable du régime d’aide existant de la RTVE.

78      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les considérations de la Commission au considérant 53 de la décision attaquée. Certes, elle a constaté que les mesures fiscales introduites ou modifiés par la loi nº 8/2009 étaient dissociables de l’actuel régime de financement de la RTVE. Dans ce contexte, elle a retenu que les nouvelles sources de financement pourraient affecter la légalité du régime en tant que telle, mais qu’elles n’affectaient pas l’évaluation des autres éléments de l’aide accordée à la RTVE ni l’incidence que celle-ci pouvait avoir sur le marché.

79      Toutefois, contrairement à ce qu’avance la requérante, il ne peut pas être déduit du considérant 53 de la décision attaquée que la Commission a considéré que les éléments d’aide prévus par la loi nº 8/2009 étaient dissociables du régime d’aide existant en faveur de la RTVE.

80      Premièrement, une telle lecture ne s’impose pas. En effet, il paraît également envisageable que les considérations que la Commission développe au considérant 53 de la décision attaquée ne visent que les mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 et donc le volet fiscal de ladite loi. Dans ce cas, les considérations de la Commission développées dans ledit considérant porteraient uniquement sur des éléments de cette loi qui, selon elle, ne faisaient pas partie intégrante de l’aide et ne pouvaient donc pas avoir d’incidence sur sa compatibilité avec le marché commun (voir considérants 61 à 66 de la décision attaquée, dont le bien-fondé sera examiné dans le cadre de l’examen du quatrième moyen). Il semble pareillement envisageable que, dans ce considérant, la Commission ait voulu se limiter à constater que le Royaume d’Espagne était obligé de lui notifier la loi en question, mais pas de lui notifier ex novo tous les éléments du régime de financement existant de la RTVE (voir, à cet égard, point 65 ci-dessus).

81      Deuxièmement, bien qu’il convienne de retenir que la portée exacte des observations de la Commission au considérant 53 de la décision attaquée n’est pas entièrement claire, en tout état de cause, la lecture que fait la requérante de ce considérant doit être rejetée, puisqu’elle serait diamétralement opposée au reste des motifs et à l’économie de cette décision (voir points 72 à 77 ci-dessus).

82      Il convient donc de conclure que, au considérant 53 de la décision attaquée, la Commission n’a pas constaté que les modifications apportées au régime de financement existant de la RTVE constituaient une aide nouvelle entièrement dissociable de celui-ci et pouvant faire l’objet d’un examen autonome. Partant, contrairement à ce qu’avance la requérante, la Commission n’a pas violé l’article 108 TFUE et l’article 1er, sous c), du règlement nº 659/1999.

83      Dès lors, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son entièreté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation concernant la dissociabilité de la modification du régime existant

84      Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes avancent que, au considérant 53 de la décision attaquée, la Commission a violé l’obligation de motivation. Elle n’aurait pas motivé comment elle serait parvenue à la conclusion que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 étaient dissociables de l’actuel régime de financement de la RTVE.

85      En revanche, la Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, estime que la motivation de la décision attaquée est suffisante.

86      Dans ce contexte, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, KG Holding e.a./Commission, T‑81/07 à T‑83/07, Rec. p. II‑2411, points 61 et 62, et la jurisprudence citée).

87      En premier lieu, il convient de rejeter le présent moyen dans la mesure où il vise une constatation de la Commission selon laquelle les nouvelles ressources publiques introduites par la loi nº 8/2009 et la modification de la définition de la mission de service public étaient dissociables du régime d’aide existant. Comme il a été exposé aux points 71 à 83 ci-dessus, la décision attaquée ne contient pas de telles constatations de la Commission.

88      En deuxième lieu, s’agissant du doute quant à la portée exacte des considérations de la Commission figurant au considérant 53 de la décision attaquée (voir points 80 et 81 ci-dessus), il convient de rappeler qu’une contradiction éventuelle dans la motivation d’une décision ne constitue une violation de l’obligation de motivation que s’il est établi que, en raison de cette contradiction, le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l’acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission, T‑347/09, non publié au Recueil, point 101, et la jurisprudence citée).

89      Or, cette condition n’est pas remplie en l’espèce. En effet, comme il a été exposé aux points 72 à 76 ci-dessus, tout d’abord, il ressort clairement des considérants 54 et 55 de la décision attaquée ainsi que de l’économie de ladite décision que la Commission ne considérait pas que les modifications introduites par la loi nº 8/2009 étaient dissociables du régime d’aide existant. Dans ce contexte, il convient également de retenir que les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que le régime de financement de la RTVE, tel que modifié par la loi nº 8/2009, était compatible avec le marché commun ressortent des considérants 56 à 76 de la décision attaquée, où elle ne s’est pas limitée à examiner la compatibilité des nouveaux éléments d’aide introduits par la loi nº 8/2009, mais aussi celle des éléments d’aide modifiés de la loi nº 17/2006.

90      En troisième lieu, même à supposer que, au considérant 53 de la décision attaquée, la Commission se soit mise en contradiction avec le reste des considérations de la décision attaquée, ce qui n’est pas établi, une telle contradiction ne serait pas susceptible affecter la légalité de la décision attaquée. En effet, l’approche et les motifs réels de la Commission ressortent des considérants 54 et 55 de ladite décision et de l’économie de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, point 88 supra, point 101, et la jurisprudence citée).

91      Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, visant la constatation de la Commission selon laquelle les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 ne faisaient pas partie intégrante de l’aide

92      Le quatrième moyen vise les motifs figurant aux considérants 61 à 66 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a constaté que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 ne faisaient pas partie intégrante de la mesure d’aide introduite par celle-ci.

93      Les requérantes avancent que, contrairement à ce que la Commission a retenu, les trois nouvelles mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 faisaient partie intégrante des nouveaux éléments d’aide introduits par cette loi. Dès lors, dans le cadre de l’examen de la compatibilité de l’aide, la Commission aurait également dû examiner la compatibilité des trois nouvelles mesures fiscales avec le droit de l’Union, notamment avec la directive autorisation.

94      Ce moyen s’articule en deux branches. D’une part, les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu les critères régissant la relation entre une mesure d’aide et son financement. D’autre part, elles invoquent que, en application des critères corrects, la Commission aurait dû constater que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 faisaient partie intégrante des éléments d’aide introduits par cette loi.

 Sur la première branche, visant les conditions sous lesquelles le mode de financement d’une aide doit être considéré comme faisant partie intégrante de celle-ci

95      La première branche vise les considérants 61 à 63 de la décision attaquée. Au considérant 61, la Commission a retenu que, selon la loi nº 8/2009, le passage d’un régime de financement mixte de la RTVE à un régime de financement quasi uniquement public était accompagné de l’introduction ou de la modification de trois mesures fiscales, dont l’objectif était de prélever les recettes nécessaires. Au considérant 62, elle a rappelé que, dans le cas où une taxe fait partie intégrante de l’aide, elle devait prendre en compte le mode de financement de l’aide et ne pouvait déclarer le régime d’aide compatible avec le marché intérieur que si le régime d’aide était conforme au droit de l’Union. Au considérant 63, elle a retenu que, pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il devait exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées, en ce sens que le produit de la taxe était nécessairement affecté au financement de l’aide et influençait directement l’importance de celle-ci.

96      Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce que la Commission a constaté au considérant 63 de la décision attaquée, afin que des mesures fiscales ayant pour objectif de financer une mesure d’aide fassent partie intégrante de cette dernière, il suffit qu’elles soient affectées au bénéficiaire de l’aide. En revanche, il ne serait pas nécessaire qu’une mesure fiscale ait une influence directe sur l’importance du montant de l’aide. Il ne s’agirait là que d’un indice parmi d’autres.

97      En revanche, la Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, estime que les critères mentionnés au considérant 63 de la décision attaquée ne sont pas erronés. Une taxe ne pourrait être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide lorsque deux conditions sont réunies, à savoir, premièrement, que le produit de la taxe doit nécessairement être affecté au financement de l’aide et, deuxièmement, que le produit de la taxe influence directement l’importance de celle-ci.

98      À cet égard, il convient de rappeler que le traité FUE instaure une délimitation précise entre, d’une part, les règles concernant les aides d’État, qui sont prévues aux articles 107 TFUE à 109 TFUE, et, d’autre part, les règles concernant les distorsions résultant de disparités entre les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres, et notamment leurs dispositions fiscales, qui sont prévues aux articles 116 TFUE et 117 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 janvier 2005, Streekgewest, C‑174/02, Rec. p. I‑85, point 24).

99      Il s’ensuit que, en principe, les mesures fiscales qui servent à financer une mesure d’aide n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du traité FUE concernant les aides d’État (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 janvier 2005, Pape, C‑175/02, Rec. p. I‑127, point 14, et Streekgewest, point 98 supra, point 25).

100    Toutefois, lorsque les mesures fiscales constituent le mode de financement d’une mesure d’aide de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure, la Commission ne peut pas séparer l’examen d’une aide des effets de son mode de financement, puisque, dans une telle situation, l’incompatibilité du mode de financement avec le droit de l’Union peut affecter la compatibilité du régime d’aide avec le marché commun (arrêts Pape, point 99 supra, point 14, et Streekgewest, point 98 supra, point 25).

101    S’agissant des critères qui régissent la question de savoir si le mode de financement de l’aide fait partie intégrante de celle-ci, il ressort de la jurisprudence qu’il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide et influence directement l’importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun (arrêts de la Cour du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C‑393/04 et C‑41/05, Rec. p. I‑5293, point 46, et du 22 décembre 2008, Regie Networks, C‑333/07, Rec. p. I‑10807, point 99).

102    Il ressort donc de cette jurisprudence, d’une part, que, pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit nécessairement exister une disposition contraignante de droit national imposant l’affectation de la taxe au financement de l’aide. Il s’ensuit que, en l’absence d’une telle disposition, une taxe ne peut pas être considérée comme étant affectée à une mesure d’aide et ne constitue donc pas une de ses modalités. D’autre part, la seule circonstance de l’existence d’une telle disposition ne peut pas, à elle seule, constituer une condition suffisante pour établir qu’une taxe fasse partie intégrante d’une mesure d’aide. Lorsqu’une telle disposition de droit national existe, il faut examiner, par ailleurs, si le produit de la taxe influence directement l’importance de l’aide.

103    Contrairement à ce qu’avancent les requérantes, pour qu’une taxe fasse partie intégrante d’une mesure d’aide, il ne suffit donc pas que son produit soit nécessairement affecté au financement de celle-ci.

104    S’agissant de la jurisprudence que les requérantes invoquent au soutien de leurs arguments, force est de constater qu’aucun des arrêts qu’elles mentionnent n’est susceptible d’appuyer leur thèse selon laquelle, pour démontrer que le mode de financement fait partie intégrante de la mesure d’aide, il suffit de démontrer que le prélèvement effectué sur la base de la mesure fiscale est affecté au bénéficiaire de l’aide.

105    Dans ce contexte, les requérantes invoquent le fait que, dans certains arrêts, la Cour a constaté qu’il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la mesure fiscale et la mesure d’aide et que, si un tel lien existe, le produit de la mesure fiscale influence directement l’importance de l’aide.

106    Or, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, il ne peut pas être déduit des arrêts qu’elles ont invoqués (arrêts de la Cour Streekgewest, point 98 supra, point 26 ; Pape, point 99 supra, point 15 ; du 14 avril 2005, AEM et AEM Torino, C‑128/03 et C‑129/03, Rec. p. I‑2861, points 46 et 47, et du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a., C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, Rec. p. I‑9481, point 40) que l’influence directe de la mesure fiscale sur l’importance de l’aide n’est pas une condition nécessaire, mais uniquement un indice parmi d’autres. Au contraire, dans l’arrêt Streekgewest, point 98 supra (point 28), la Cour ne s’est pas limitée à examiner s’il existait un lien d’affectation contraignant entre la mesure fiscale et la mesure d’aide, mais a également examiné si le produit de ladite mesure fiscale influençait directement le montant de ladite mesure d’aide.

107    Il convient également de rappeler que, dans les arrêts dans lesquels la Cour a constaté un lien indissociable entre la mesure d’aide et son financement sans évoquer explicitement l’exigence d’une influence directe de la mesure fiscale sur le montant de l’aide (arrêts de la Cour du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, Rec. p. I‑12249, point 55, et du 27 novembre 2003, Enirisorse, C‑34/01 à C‑38/01, Rec. p. I‑14243, point 47), il s’agissait de cas de figure où cette condition était remplie.

108    Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en constatant que, pour que le mode de financement fasse partie intégrante d’une mesure d’aide, il devait exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées, en ce sens que le produit de la taxe était nécessairement affecté au financement de l’aide et influençait directement l’importance de celle-ci.

109    Partant, la première branche doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, visant l’application de ces conditions

110    La seconde branche vise les considérants 64 à 66 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a constaté que les conditions requises pour constater que le mode de financement faisait partie intégrante de la mesure d’aide n’étaient pas réunies en l’espèce.

111    Au considérant 64 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le montant de l’aide destinée à la RTVE était fixé en prenant en compte les seuls besoins de financement de la RTVE et les coûts nets estimés de la fourniture du service public de radiodiffusion. Dans la pratique et selon la loi, le financement perçu par la RTVE serait indépendant des recettes provenant des taxes, car il dépendrait uniquement des coûts nets de l’obligation de service public. Le financement global prévu de la mission de service public de la RTVE ne dépendrait pas du montant des recettes fiscales spécifiques, mais serait issu, dans tous les cas, du budget général de l’État espagnol. À cet égard, la Commission a constaté, d’une part, que le produit des taxes qui était affecté au financement de la RTVE ne pouvait excéder les coûts nets de l’obligation de service public, tout excédent de recettes devant être réaffecté audit budget général. D’autre part, elle a retenu que, si les coûts nets de l’obligation de service public étaient supérieurs aux recettes provenant des taxes, la différence serait comblée grâce à des contributions de ce budget général. Le montant plus ou moins important de ces recettes n’entraînerait pas de changements en ce qui concerne les montants prévus. Si les recettes provenant des nouvelles bases d’imposition devaient s’avérer insuffisantes pour combler le déficit de financement provoqué par la suppression de la publicité, le même budget général fournirait les ressources nécessaires, conformément à l’article 33 de la loi nº 17/2006.

112    Par ailleurs, au considérant 65 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le fait que le lien entre les taxes et l’objectif de leur introduction soit mentionné dans l’exposé des motifs et dans la loi nº 8/2009 elle-même n’affectait pas cette conclusion. Dans le texte de ladite loi, la qualité du lien entre les taxes et l’aide ne serait pas définie.

113    Enfin, au considérant 66 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 ne faisaient pas partie intégrante de l’aide et que leur non-conformité avec la directive autorisation n’affecterait donc pas sa décision sur la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur.

114    Les requérantes estiment que ces constatations sont entachées d’erreurs de droit. Selon elles, la Commission aurait dû constater que la taxe imposée par l’article 5 de la loi nº 8/2009 faisait partie intégrante des éléments d’aide introduits par ladite loi.

115    Tout d’abord, il ressortirait de l’article 5, paragraphes 1 et 7, de la loi nº 8/2009 que les recettes provenant de cet apport contribueraient au financement de la RTVE et ne seraient donc, en substance, pas destinées à d’autres finalités. Les pourcentages applicables aux assujettis des trois nouvelles mesures fiscales introduites ou modifiées par ladite loi auraient d’ailleurs été déterminés de sorte que l’État espagnol puisse percevoir un montant lui permettant de couvrir le déficit résultant de la suppression de la publicité.

116    Ensuite, contrairement à ce qu’avancerait la Commission, le lien entre les nouvelles mesures fiscales et la mesure d’aide destinée à la RTVE ne serait pas rompu. Premièrement, une obligation de l’État espagnol de fournir les ressources nécessaires pour la RTVE ne pourrait pas être déduite de l’article 33 de la loi nº 17/2006. Deuxièmement, une garantie de l’État espagnol ne serait que supplémentaire et hypothétique, ce qui serait confirmé, d’une part, par les plaintes de la RTVE, selon lesquelles les défauts de paiement des opérateurs privés ou le calcul erroné de leurs contributions lui causeraient un problème de trésorerie, et, d’autre part, par le fait que, en pratique, l’État espagnol ne serait pas prêt à remplir une telle garantie. Troisièmement, la Commission ne pourrait pas invoquer utilement que les excédents seraient réaffectés au budget de l’État espagnol. D’une part, la totalité du produit des taxes serait obligatoirement affecté au financement de la RTVE jusqu’au plafond prévu. D’autre part, une affectation au budget de l’État espagnol ne serait qu’une possibilité plutôt théorique et en tout état de cause résiduelle, la loi nº 8/2009 prévoyant la création d’un fonds de réserve se constituant de recettes dépassant les coûts nets réels de l’obligation de service public.

117    En tout état de cause, afin de démontrer que la mesure fiscale prévue à l’article 5 de la loi nº 8/2009 ne faisait pas partie intégrante de l’aide, la Commission aurait dû démontrer que, même dans l’hypothèse où la taxe serait illégale, il existait un engagement de l’État espagnol de financer la totalité du budget de la RTVE. Or, il ressortirait de ladite loi que les opérateurs privés devaient supporter la charge économique du financement de la RTVE.

118    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, conteste ces arguments.

119    À titre liminaire, il convient de rappeler que, pour démontrer que la taxe imposée par l’article 5 de la loi nº 8/2009 faisait partie intégrante des éléments d’aide introduits par ladite loi, les requérantes avancent en première ligne des arguments visant à démontrer qu’il existait un lien d’affectation nécessaire entre cette mesure fiscale et le financement de la RTVE.

120    Or, comme il a été exposé aux points 101 à 108 ci-dessus, pour qu’une mesure fiscale fasse partie intégrante de l’aide, il ne suffit pas qu’il existe un lien d’affectation nécessaire entre la mesure fiscale et la mesure d’aide. Encore faut-il que l’influence directe de la mesure fiscale sur l’importance de l’aide soit établie.

121    Toutefois, le Tribunal considère que certains des arguments avancés par les requérantes peuvent être compris comme visant non seulement la condition liée à l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre la mesure fiscale et le financement de la RTVE, mais également celle liée à la preuve de l’influence directe de la mesure fiscale sur l’importance de l’aide.

122    Partant, il convient d’examiner, dans un premier temps, si les arguments avancés par les requérantes sont susceptibles de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle le produit des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 n’influence pas directement l’importance de l’aide destinée à la RTVE.

123    À cet égard, il convient de retenir que, en vertu de la loi nº 8/2009, le montant de l’aide destiné à la RTVE est fixé en prenant en compte les coûts nets de l’accomplissement de la mission de service public de radiodiffusion qui lui a été confiée. Le montant de l’aide qu’elle reçoit ne dépend donc pas du montant des prélèvements effectués sur la base des mesures fiscales introduites ou modifiées par ladite loi.

124    En effet, d’une part, en vertu de l’article 33 de la loi nº 17/2006, tel que modifié par la loi nº 8/2009, dans l’hypothèse où les recettes dont dispose la RTVE excèdent les coûts de l’accomplissement de la mission de service public de radiodiffusion, l’excédent sera réattribué. Dans la mesure où cet excédent ne dépasse pas 10 % des frais annuels budgétés de la RTVE, il sera versé à un fonds de réserve et, dans la mesure où il dépasse cette limite, il sera transféré au trésor public.

125    S’agissant du capital versé au fonds de réserve, il ressort de l’article 8 de la loi nº 8/2009 que celui-ci ne pourra être utilisé qu’avec l’autorisation expresse du ministère de l’Économie et des Finances espagnol et que, s’il n’est pas utilisé pendant quatre ans, il doit servir à réduire les compensations à la charge du budget général de l’État espagnol. Dès lors, le capital versé au fonds de réserve ne peut pas être considéré comme influençant directement l’importance de l’aide destinée à la RTVE.

126    Par ailleurs, l’article 3, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 prévoit une limite absolue pour les recettes de la RTVE qui est fixée à 1 200 millions d’euros pour les années 2010 et 2011. Tout excédent à cette limite sera directement réattribué au budget général de l’État espagnol.

127    D’autre part, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009, dans l’hypothèse où les recettes dont dispose la RTVE ne suffisent pas pour couvrir les coûts de l’accomplissement de la mission de service public de radiodiffusion, l’écart sera comblé grâce à des contributions du budget général de l’État espagnol.

128    La Commission a donc constaté à juste titre que le montant des prélèvements effectués sur la base des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 n’était pas susceptible d’influencer directement le montant de l’aide perçue par la RTVE qui était déterminé en fonction des coûts nets de la fourniture du service public de radiodiffusion.

129    Aucun des arguments avancés par les requérantes n’est susceptible de remettre en cause ce constat.

130    Premièrement, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, la seule circonstance que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 aient été conçues de manière à compenser la perte des recettes commerciales de la RTVE (voir considérant 13 de la décision attaquée) ne suffit pas pour démontrer que le mode de financement fait partie intégrante de la mesure d’aide. En effet, la Cour a déjà constaté que cette circonstance ne suffit pas en elle-même pour démontrer l’existence d’un lien contraignant entre la taxe et l’avantage fiscal (arrêt Streekgewest, point 98 supra, points 26 et 27).

131    Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission a commis une erreur en constatant, au considérant 64 de la décision attaquée, qu’une obligation de l’État espagnol de combler l’écart entre les coûts encourus par l’accomplissement de la mission de service public, d’une part, et les moyens financiers dont dispose la RTVE, d’autre part, pourrait être déduite de l’article 33 de la loi nº 17/2006. À cet égard, il suffit de relever que l’article 2, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 prévoit expressément une telle obligation et que cette disposition renvoie à l’article 33, paragraphe 1, de la loi nº 17/2006, qui prévoit également une telle obligation.

132    Troisièmement, les requérantes avancent que, même si une telle obligation existait en théorie, en pratique, l’État espagnol ne serait pas prêt à compléter le budget de la RTVE par des fonds provenant de son budget général.

133    Cet argument doit également être rejeté.

134    En effet, dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté. Dès lors, les appréciations portées par la Commission ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (arrêt de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7).

135    Or, force est de constater que les requérantes n’ont soumis aucun élément qui serait susceptible de démontrer que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, la Commission disposait d’informations indiquant que l’État espagnol n’était pas prêt à compléter le budget de la RTVE en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009. En effet, l’ensemble des documents que les requérantes ont soumis à cet égard sont postérieurs au jour de l’adoption de la décision attaquée, donc postérieurs au 20 juillet 2010.

136    Quatrièmement, les requérantes avancent qu’une mesure fiscale destinée à financer une mesure d’aide ne peut être considérée comme ne faisant pas partie intégrante de cette dernière que dans le cas où la Commission démontre que, dans l’hypothèse où la mesure fiscale est incompatible avec le droit de l’Union, l’État membre concerné s’est engagé à financer la totalité de la mesure d’aide.

137    Cet argument doit également être rejeté.

138    Certes, dans un cas où, en application des deux critères susmentionnés, à savoir la condition liée à l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre la mesure fiscale et le financement de la RTVE et celle liée à la preuve de l’influence directe de la mesure fiscale sur l’importance de l’aide, la mesure fiscale doit être considérée comme faisant partie intégrante de la mesure d’aide – comme dans le cas d’une mesure parafiscale, où l’ensemble ou une partie déterminée d’un prélèvement fiscal est attribué au bénéficiaire de l’aide de manière directe et inconditionnelle – l’incompatibilité du volet fiscal a un impact direct sur la mesure d’aide. En effet, dans un tel cas, l’incompatibilité totale ou partielle du volet fiscal de la mesure parafiscale a pour conséquence de supprimer la mesure d’aide ou de réduire son montant.

139    Or, en l’espèce, l’article 2, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 et l’article 33 de la loi nº 17/2006 prévoyaient que, si les sources financières ne suffisaient pas pour couvrir l’ensemble des coûts de la RTVE pour l’accomplissement des obligations de service public, l’État espagnol était obligé de combler cet écart. Dans le présent cas, le montant de l’aide ne dépendait donc pas directement de la mesure fiscale.

140    Partant, la Commission a constaté à juste titre que le montant de l’aide destinée à la RTVE ne dépendait pas directement du montant des prélèvements réalisés sur la base des mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009.

141    Comme il a été exposé au point 120 ci-dessus, pour que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 puissent être considérées comme faisant partie intégrante de l’élément d’aide introduit par ladite loi, la condition liée à l’existence d’un lien d’affectation nécessaire entre la mesure fiscale et la mesure d’aide et la condition liée à la preuve de l’influence directe de ladite mesure fiscale sur l’importance de ladite mesure d’aide doivent être cumulativement réunies.

142    La seconde condition n’étant pas remplie, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments que les requérantes avancent pour démontrer qu’il existe un lien d’affectation nécessaire entre la mesure fiscale prévue à l’article 5 de la loi nº 8/2009 et le financement de la RTVE, ces arguments étant inopérants.

143    Dès lors, il convient de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et d’une violation de l’obligation de motivation

144    Le cinquième moyen concerne les motifs figurant aux considérants 67 à 73 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a examiné s’il existait un risque de surcompensation et a conclu que rien n’indiquait que la compensation annuelle estimée pour l’obligation de service public incombant à la RTVE excèderait les coûts raisonnablement prévisibles de ce service ou dépasserait en fin de compte les coûts nets du service public. Au considérant 71, la Commission a notamment indiqué ce qui suit :

« [L]’Espagne a démontré que le budget prévu était toujours conforme aux dépenses annuelles budgétisées des exercices précédents et que rien ne pouvait laisser croire que la simple suppression de la publicité puisse, actuellement ni dans un avenir proche, entraîner une réduction considérable des coûts. La RTVE devra continuer à attirer un grand nombre de téléspectateurs et la suppression de la publicité rendra nécessaire le financement et la diffusion de productions supplémentaires. Par rapport aux chiffres des exercices précédents (1,177 milliard EUR en 2007, 1,222 milliard EUR en 2008 et 1,146 milliard EUR en 2009) et en prenant en compte tant le coût supplémentaire (104 millions EUR) des productions nécessaires pour remplir le temps d’antenne réservé antérieurement à la publicité que les recettes commerciales restantes (selon les estimations, à peine quelque 25 millions EUR), un plafond de 1,2 milliard EUR pour les coûts prévus dans le budget semble prudent ; il constituerait le montant des dépenses annuelles budgétisées qu’il est raisonnable de prévoir pour la compensation accordée pour l’accomplissement d’une mission de service public. En outre, le principe de compensation des coûts nets d’un organisme public de radiodiffusion comprend nécessairement la protection de ce dernier face aux fluctuations des recettes sur le marché publicitaire. »

145    Le cinquième moyen s’articule en deux branches, tirées, d’une part, d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et, d’autre part, d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE

146    Les requérantes avancent que la Commission a violé l’article 106, paragraphe 2, TFUE en autorisant le régime financier de la RTVE, sans avoir garanti qu’il ne comportait pas un risque de surcompensation.

147    En premier lieu, les requérantes soutiennent que, au considérant 71 de la décision attaquée, la Commission n’a pas procédé à un contrôle ex ante suffisamment détaillé, mais s’est fondée sur de simples indices. En second lieu, elles avancent que la Commission n’a pas pris en compte le fait que la crise économique a entraîné une diminution des recettes commerciales en 2010 et donc une diminution des recettes globales de la RTVE.

–       Sur le grief tiré de l’absence d’un contrôle suffisamment détaillé

148    Les requérantes avancent que, afin de garantir l’absence d’un risque de surcompensation, la Commission doit se procurer des informations détaillées et doit exposer clairement son raisonnement sur l’absence de surcompensation. Dans ce contexte, elle ne pourrait pas se fonder sur de simples indices. Or, en l’espèce, la Commission se serait limitée à comparer le budget dont disposait la RTVE sous le régime de financement mixte avec celui dont elle dispose sous le régime de financement quasi uniquement public introduit par la loi nº 8/2009. Cette approche serait erronée, puisque les coûts réels que la RTVE encourait pour la prestation du service public en vertu de la loi nº 8/2009 auraient baissé. La RTVE étant devenue un opérateur n’étant plus soumis à la pression commerciale associée à la participation au marché de la publicité, elle pourrait proposer une programmation différente et n’aurait pas à investir autant de ressources pour l’acquisition de droits. Partant, la Commission n’aurait pas pu se limiter à constater, au considérant 71 de la décision attaquée, que la RTVE resterait obligée d’attirer un grand nombre de spectateurs et qu’elle encourrait des frais de production supplémentaires de 104 millions d’euros pour remplir le temps d’antenne libéré par la suppression de la publicité. Par ailleurs, la seule existence de mécanismes de contrôle ex post ne serait pas suffisante pour exclure un risque de surcompensation.

149    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, conteste ces arguments.

150    À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, le contenu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE ainsi que le contexte juridique dans lequel il s’inscrit.

151    En vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Par ailleurs, cette disposition exige que le développement des échanges ne doive pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

152    Pour qu’une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE puisse être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, les conditions suivantes doivent être réunies : d’une part, l’opérateur concerné doit être chargé d’une mission de service d’intérêt économique général par un acte de puissance publique qui définit clairement les obligations de service d’intérêt économique général en cause ; d’autre part, ledit opérateur ne doit pas percevoir de compensation excessive et le financement étatique ne doit pas affecter la concurrence sur le marché extérieur de manière disproportionnée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec. p. II‑81, points 181 et 222).

153    En l’espèce, les requérantes ne remettent pas en cause les constatations de la Commission selon lesquelles la RTVE est chargée d’une mission de service d’intérêt économique général par un acte de puissance publique qui définit clairement les obligations de service d’intérêt économique général.

154    En revanche, les requérantes estiment que la constatation de la Commission, figurant au considérant 73 de la décision attaquée, selon laquelle rien n’indiquait que la compensation annuelle estimée pour l’obligation publique incombant à la RTVE excéderait les coûts raisonnablement prévisibles de ce service ou dépasserait en fin de compte les coûts nets du service public, est entachée d’une erreur, parce que la Commission n’a pas suffisamment examiné le risque de surcompensation.

155    Avant d’examiner ce grief, il convient de rappeler les principes régissant le contrôle du Tribunal sur une décision de la Commission dans le domaine des services publics et, plus spécifiquement, dans le domaine des services de radiodiffusion.

156    En vertu de l’article 14 TFUE, l’Union et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application des traités, veillent à ce que les services d’intérêt économique général fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. Cet article prévoit également que ces principes et ces conditions seront établis sans préjudice de la compétence qu’ont les États membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services.

157    Il ressort du protocole nº 26 sur les services d’intérêt général complétant les traités UE et FUE qu’une des valeurs communes de l’Union concernant ces services est le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d’intérêt économique général.

158    En vertu du protocole nº 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres complétant les traités UE et FUE, la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias. Il ressort également de ce protocole que les dispositions du traité FUE sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte.

159    Il s’ensuit que les États membres disposent d’un large pouvoir discrétionnaire quant à la détermination de la compensation pour l’exécution d’un service public de radiodiffusion (voir, par analogie, arrêt BUPA e.a./Commission, point 152 supra, point 220).

160    Dès lors, le contrôle par la Commission du caractère proportionnel de la compensation est restreint (voir, par analogie, arrêt BUPA e.a./Commission, point 152 supra, point 220).

161    S’agissant du contrôle du Tribunal sur une décision de la Commission dans ce domaine, il convient de retenir que l’appréciation de la Commission porte sur des faits économiques complexes. Partant, le contrôle du Tribunal sur la décision de la Commission est encore plus restreint que celui de la Commission sur la mesure de l’État membre concerné. Il se limite à vérifier si la compensation prévue est nécessaire pour que la mission de service d’intérêt général en cause puisse être accomplie dans des conditions économiquement acceptables ou, inversement, si la mesure en cause est manifestement inappropriée par rapport à l’objectif poursuivi (voir, par analogie, arrêt BUPA e.a./Commission, point 152 supra, points 221 et 222).

162    Quant au grief avancé par les requérantes, il convient de constater qu’elles se limitent à invoquer que la Commission n’a pas examiné le risque de surcompensation de manière adéquate parce qu’elle n’a pas examiné de manière suffisamment détaillée si le montant de 1 200 millions d’euros prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 correspondait aux coûts encourus par la RTVE pour l’accomplissement de ses obligations de service public.

163    À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que les requérantes se bornent à ne remettre en cause qu’un seul des mécanismes de contrôle prévus par le régime de financement de la RTVE, alors que ce régime prévoit toute une série de mécanismes de contrôle visant à garantir que la RTVE ne reçoive que les moyens qui sont nécessaires pour accomplir sa mission.

164    Dans ce contexte, tout d’abord, il convient de relever que la dimension économique de l’activité de la RTVE est déterminée en vue des obligations de service public qui lui ont été confiées. Ainsi, il ressort de l’article 3, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 que l’activité de la RTVE est déterminée par une mission-cadre, approuvée par le pouvoir législatif et ayant une durée de neuf ans (voir article 4, paragraphe 1, de la loi nº 17/2006), et par des contrats-programmes, concrétisant la mission-cadre, approuvés par le gouvernement et ayant une durée de trois ans (voir article 4, paragraphe 2, de la loi nº 17/2006). Ces actes doivent contenir des indications sur la dimension économique de l’activité de la RTVE ainsi que sur les limites de sa croissance annuelle, ladite dimension économique devant être déterminée en prenant en compte les obligations de service public qui lui ont été confiées.

165    Ensuite, il convient de rappeler que les sources de financement de la RTVE sont conçues de manière à exclure une surcompensation. Comme il a été exposé aux points 6 à 9 ci-dessus, la RTVE est financée par différentes sources, qui sont énumérées à l’article 2, paragraphe 1, de la loi nº 8/2009. Les sources principales sont, d’une part, les recettes provenant des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par les articles 4 à 6 de ladite loi et, d’autre part, la compensation annuelle issue du budget général de l’État espagnol, qui est mentionnée à son article 2, paragraphe 1, sous a). La détermination du montant de la compensation annuelle permet donc d’adapter le montant prévisionnel des recettes dont la RTVE disposera pour un exercice donné. Or, à l’égard du montant de la compensation annuelle, l’article 33, paragraphe 1, de la loi nº 17/2006 prévoit qu’elle doit être déterminée de sorte que la somme combinée de cette compensation et des autres revenus dont dispose la RTVE ne soit pas supérieure aux coûts des obligations de service public qu’elle doit accomplir pendant l’exercice budgétaire en cause.

166    Par ailleurs, l’article 33, paragraphe 2, de la loi nº 17/2006, telle que modifié par la loi nº 8/2009, prévoit que, si, à la clôture d’un exercice, il est constaté que la compensation que la RTVE a reçue est supérieure aux coûts nets encourus pour l’accomplissement de l’obligation de service public de radiodiffusion pendant l’exercice en cause, l’excédent qui ne sera pas versé au fonds de réserve sera déduit des sommes assignées dans le budget général de l’État espagnol pour l’exercice suivant.

167    Enfin, le régime financier de la RTVE prévoit également des éléments de contrôle ex post. Comme la Commission l’a indiqué au considérant 72 de la décision attaquée, le régime de financement de la RTVE prévoit, premièrement, des mécanismes de contrôle budgétaire consistant en un audit interne, un examen effectué par le contrôle général de l’administration de l’État espagnol et un audit externe effectué par une entreprise privée spécialisée, deuxièmement, un contrôle de l’accomplissement de la mission de service public et des comptes annuels de la RTVE par le Parlement espagnol et l’autorité audiovisuelle espagnole, et, troisièmement, un contrôle de la Cour des comptes espagnole.

168    Certes, les mécanismes de contrôle mentionnés aux points 164 à 167 ci-dessus revêtent un caractère abstrait. Toutefois, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a contrôlé la compatibilité d’un régime d’aide. Partant, elle pouvait se limiter à contrôler s’il existait des mécanismes de contrôle suffisants pour garantir que le montant total de l’aide que la RTVE reçoit pour un exercice donné en application de ce régime n’excède pas les coûts nets de l’accomplissement de la mission de service de radiodiffusion qui lui a été confiée.

169    Force est de constater que les requérantes n’avancent pas d’arguments visant spécifiquement à remettre en cause l’effectivité des mécanismes de contrôle mentionnés aux points 164 à 167 ci-dessus. Dans la mesure où elles avancent que, dans la décision attaquée, la Commission ne pouvait pas se référer à ses décisions antérieures concernant le financement de la RTVE, il convient de rappeler qu’elle n’était obligée de procéder à un examen de la compatibilité des éléments du régime de financement existant de la RTVE que dans la mesure où ils étaient affectés par la loi nº 8/2009 (voir point 65 ci-dessus). Partant, dans la mesure où l’effectivité des mécanismes de contrôle prévus dans l’ancien régime de financement de la RTVE n’était pas remise en cause par les modifications apportées par la loi nº 8/2009, rien ne s’opposait à ce que la Commission renvoie à son analyse antérieure de ces mécanismes.

170    En second lieu, s’agissant, plus spécifiquement, des griefs des requérantes visant les appréciations de la Commission au considérant 71 de la décision attaquée, il convient d’examiner la fonction du montant de 1 200 millions d’euros prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 avant d’analyser si le contrôle exercé par la Commission était insuffisant.

171    Quant à la fonction du montant de 1 200 millions d’euros, il convient de rappeler, tout d’abord, que la Commission n’a pas approuvé un régime de financement selon lequel, pour un exercice donné, la RTVE dispose d’un budget à cette hauteur. En effet, comme il a été exposé aux points 164 à 167 ci-dessus, la loi nº 8/2009 prévoit des mécanismes visant à assurer que l’aide en faveur de la RTVE corresponde aux coûts nets de l’accomplissement de ses obligations de service public. L’article 3, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 prévoit donc une limite absolue de 1 200 millions d’euros pour le budget de la RTVE, donc une limite qui ne peut être dépassée quand bien même le budget de la RTVE pourrait être plus élevé si le seul critère pertinent était celui des coûts de l’accomplissement de ses obligations de service public. En application de cette limite, le budget de la RTVE ne peut pas dépasser le montant maximal de 1 200 millions d’euros, mais il peut être inférieur, lorsque les coûts de l’accomplissement de la mission de service public pour un exercice donné sont moins élevés.

172    Il s’ensuit, tout d’abord, qu’il y a lieu de rejeter le grief des requérantes tiré de ce que les coûts de la RTVE pour l’accomplissement des obligations de service public pourraient éventuellement être inférieurs au montant de 1 200 millions d’euros. En effet, les mécanismes de contrôle mentionnés aux points 164 à 167 ci-dessus assurent que, dans un tel cas, le montant de l’aide pour un exercice donné se limitera aux coûts nets encourus par l’accomplissement des obligations de service public de radiodiffusion.

173    Ensuite, s’agissant des griefs des requérantes visant la densité insuffisante du contrôle de la Commission quant à la limite maximale de 1 200 millions d’euros, il convient de rappeler que les États membres disposent d’un large pouvoir discrétionnaire quant à la détermination de la compensation pour l’exécution d’un service public de radiodiffusion et que, s’agissant du contrôle du caractère proportionnel de la compensation pour une obligation de service public de radiodiffusion, le contrôle de la Commission est restreint et celui du Tribunal sur une décision de la Commission est encore plus restreint (voir points 159 à 161 ci-dessus). Le contrôle du Tribunal se limite donc à examiner si la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

174    Or, en l’espèce, aucun argument avancé par les requérantes n’est susceptible de démontrer que les considérations développées au considérant 71 de la décision attaquée, selon lequel un plafond de 1 200 millions d’euros semblait prudent, étaient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

175    Premièrement, comme la Commission l’a indiqué au considérant 71 de la décision attaquée, le montant de 1 200 millions d’euros correspondait au budget moyen dont la RTVE disposait sous le régime de financement mixte.

176    Deuxièmement, il ressort du considérant 71 de la décision attaquée que la Commission, d’une part, a pris en compte l’existence de coûts supplémentaires de 104 millions d’euros pour remplir le temps d’antenne réservé antérieurement à la publicité et de coûts générés par l’accomplissement des obligations de service public supplémentaires en matière de programmation imposées à la RTVE par la loi nº 8/2009 et, d’autre part, a retenu que rien ne pouvait laisser croire que la suppression de la publicité puisse entraîner une réduction considérable des coûts effectifs de la RTVE.

177    Contrairement à ce qu’avancent les requérantes, ces considérations n’étaient pas manifestement erronées. En effet, il n’est pas acquis que les coûts pour l’accomplissement de la mission de service public encourus par la RTVE allaient être substantiellement inférieurs aux coûts qu’elle avait encourus sous le régime de la loi nº 17/2006. Certes, au considérant 59 de la décision attaquée, la Commission a constaté que le fait de retirer la RTVE du marché de la publicité pouvait contribuer au renforcement de la mission de service public, en rendant la programmation moins dépendante de considérations commerciales et des fluctuations des recettes commerciales. Toutefois, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, le seul fait que la RTVE soit devenue un opérateur qui n’est plus soumis à la pression commerciale associée à la participation au marché de la publicité ne permet pas de tirer la conclusion qu’elle allait pouvoir proposer une programmation différente qui lui permettrait d’opérer à des coûts substantiellement inférieurs. En effet, l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne s’oppose pas à ce qu’un État procède à une définition large de la mission de service public de radiodiffusion qui permet à l’organisme public de radiodiffusion de fournir une programmation équilibrée et variée tout en conservant un certain taux d’audience (arrêt du Tribunal du 26 juin 2008, SIC/Commission, T‑442/03, Rec. p. II‑1161, point 201).

178    Troisièmement, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en n’examinant pas davantage si le passage à un système de financement quasi uniquement public et la modification des obligations de service public pouvaient avoir des effets sur les coûts encourus par la RTVE. En effet, eu égard au fait que le montant de 1 200 millions d’euros prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la loi nº 8/2009 constitue uniquement une limite maximale pour le budget de la RTVE et que les mécanismes exposés aux points 164 à 167 ci-dessus garantissent que le montant de l’aide pour la RTVE ne dépasse pas les coûts nets de l’accomplissement de ses obligations de service public, la Commission n’était pas obligée de procéder à un examen plus détaillé.

179    Quatrièmement, dans la mesure où les requérantes avancent que la Commission aurait dû réagir aux observations de certaines autorités nationales, il convient de constater que, au considérant 69 de la décision attaquée, la Commission a elle-même exposé des doutes quant à la proportionnalité de la mesure, mais a conclu, après son examen, qu’il n’existait pas de risque de surcompensation. En tout état de cause, le fait qu’elle n’ait pas examiné en détail toutes les observations critiques des autorités administratives nationales concernant un projet de loi n’est pas en lui-même susceptible de démontrer une erreur manifeste d’appréciation de sa part, notamment lorsqu’il s’agit d’un domaine dans lequel les États membres disposent d’un large pouvoir discrétionnaire et le contrôle de la Commission est restreint.

180    Dès lors, les requérantes n’ont pas démontré que la constatation, figurant au considérant 71 de la décision attaquée, selon laquelle un plafond de 1 200 millions d’euros semblait prudent était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

181    Compte tenu des considérations précédentes, il convient de rejeter le grief tiré de l’absence d’un contrôle ex ante suffisamment détaillé.

–       Sur le grief tiré d’un manque de prise en compte de la diminution des recettes commerciales

182    Les requérantes avancent que la Commission n’a pas pris en compte le fait que la crise économique a entraîné une diminution des recettes commerciales en 2010 et donc une diminution des recettes globales de la RTVE.

183    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, conteste cet argument.

184    À cet égard, il convient de relever que, déjà sous le régime de financement mixte instauré par la loi nº 17/2006, le critère pour la détermination du budget de la RTVE n’était pas le montant des recettes commerciales, mais les coûts pour l’obligation de service public. En effet, comme il ressort du considérant 7 de la décision attaquée, sous le régime de financement mixte, la compensation budgétaire de l’État espagnol pour l’année 2009 avait déjà augmenté en raison du fait que la réduction des entrées publicitaires de la RTVE s’était fait sentir pendant cette année.

185    Partant, le seul fait que la Commission n’ait pas pris en compte le fait que, sous le régime de financement mixte, les recettes commerciales de la RTVE provenant de la vente d’espaces publicitaires avaient baissé n’est pas susceptible de démontrer qu’elle a commis une erreur manifeste d’appréciation.

186    Dès lors, il convient également de rejeter ce grief et, partant, la première branche du cinquième moyen dans son ensemble.

 Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

187    Les requérantes avancent que la Commission a violé l’obligation de motivation au sens de l’article 296 TFUE. D’une part, elle n’aurait pas motivé suffisamment la constatation selon laquelle il n’y avait pas de risque de surcompensation. D’autre part, elle ne se serait pas suffisamment prononcée sur les distorsions de la concurrence qui auraient été introduites par les obligations de procéder aux apports introduits par la loi nº 8/2009.

–       Sur le premier grief tiré, d’une motivation insuffisante de l’absence de risque de surcompensation

188    Les requérantes avancent que la Commission n’a pas suffisamment motivé la décision attaquée en ce qui concerne les raisons de l’absence de risque de surcompensation. Tout d’abord, elle aurait dû réagir d’avantage aux observations de certaines autorités nationales concernant des doutes de surcompensation. Ensuite, elle n’aurait fourni aucune information spécifique sur le plan d’entreprise de la RTVE pour les prochaines années, ni sur les coûts nets de la fourniture du service public. Outre le raisonnement succinct de la Commission repris au considérant 71 de la décision attaquée, aucune autre précision ne permettrait de déterminer les éléments sur lesquels le raisonnement de la Commission était fondé. Dès lors, il leur serait impossible de présenter, sur la base de la décision, d’autres observations que celles qu’elles auraient formulées dans la requête. En outre, la Commission ne pourrait pas se référer à la motivation fournie dans une décision antérieure relative à la RTVE.

189    La Commission, soutenue par la RTVE, estime que, aux considérants 67 à 69 et 71 à 73 de la décision attaquée, elle a suffisamment motivé sa conclusion selon laquelle il n’existait pas d’indices de surcompensation.

190    Eu égard aux exigences résultant de l’obligation de motivation rappelées au point 86 ci-dessus, il convient de constater que la motivation de la décision attaquée était suffisante.

191    En effet, tout d’abord, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, la motivation de la décision attaquée sur laquelle la Commission a fondé sa conclusion selon laquelle il n’existait pas de risques de surcompensation n’était pas limitée au considérant 71 de la décision attaquée. En effet, aux considérants 67 à 73 de ladite décision, la Commission a également fait référence aux mécanismes de contrôle mentionnés aux points 164 à 167 ci-dessus. Dans ce contexte, il convient également de retenir que, aux considérants 14, 16 et 17 de cette décision, la Commission a également fait référence à ces mécanismes.

192    Ensuite, s’agissant du grief des requérantes tiré du caractère abstrait de certaines de ces considérations, il suffit de rappeler qu’il ressort clairement de la décision attaquée que la Commission s’est limitée à approuver un régime d’aide permettant de faire bénéficier la RTVE d’une aide correspondant aux coûts nets de l’accomplissement de ses obligations de service public et qu’elle ne s’est pas prononcée sur la compatibilité d’une aide d’un montant de 1 200 millions d’euros.

193    En outre, dans la mesure où les requérantes avancent que la Commission aurait dû réagir aux observations de certaines autorités nationales, il convient de constater qu’elle a suffisamment motivé une décision si celle-ci fait apparaître de façon claire et non équivoque son raisonnement, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, mais qu’il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents. Après avoir mentionné, aux considérants 67 à 76 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles la mesure était proportionnelle, la Commission n’était donc pas obligée de répondre spécifiquement à toutes les observations critiques des autorités administratives nationales concernant un projet de loi. Cela vaut d’autant plus pour un domaine où les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation et où le contrôle de la Commission est, dès lors, restreint.

194    De plus, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, rien ne s’opposait à ce que la Commission se réfère à ses décisions antérieures, qui concernaient le financement de la RTVE et faisaient donc partie du contexte de la décision attaquée au sens de la jurisprudence mentionnée au point 86 ci-dessus. En l’espèce, la Commission était d’autant plus fondée pour faire référence à ses décisions antérieures qu’une grande partie des mécanismes de contrôle avaient déjà été introduits par la loi nº 17/2006 et qu’elle pouvait donc se limiter à examiner si son évaluation initiale de ses mécanismes était remise en question par les modifications apportées par la loi nº 8/2009 (voir point 65 ci-dessus).

195    Enfin, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel elles n’auraient pas été capables de présenter, sur la base de la décision attaquée, d’autres observations que celles qu’elles ont formulées dans la requête, le Tribunal constate que rien ne s’opposait à ce qu’elles avancent des arguments visant à remettre en cause l’efficacité des mécanismes de contrôle par le régime de financement de la RTVE. Toutefois, elles n’ont avancé aucun argument à cet égard.

196    Dès lors, le premier grief de la seconde branche du cinquième moyen doit être rejeté.

–       Sur le second grief, visant les distorsions introduites par les obligations de procéder à un apport

197    Les requérantes avancent que la Commission a violé l’obligation de motivation, parce qu’elle ne s’est pas suffisamment prononcée sur les distorsions de la concurrence qui auraient été introduites par les obligations de procéder à un apport, notamment la diminution de leur capacité concurrentielle par rapport à la RTVE. La constatation figurant au considérant 53 de la décision attaquée selon laquelle les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par les articles 4 à 6 de la loi nº 8/2009 étaient dissociables de l’actuel régime de financement de la RTVE ne serait pas suffisante. Dans la réplique, les requérantes font également valoir que la loi nº 8/2009 contient un élément discriminatoire, en raison du fait que seuls les opérateurs dont le champ d’action géographique correspond au territoire de l’État espagnol ou est supérieur à une communauté autonome sont soumis à la taxe, les autres étant dispensés du coût du financement de la RTVE.

198    La Commission et la RTVE contestent ces arguments, la RTVE mettant en cause la recevabilité de l’argument des requérantes avancé au stade de la réplique.

199    Le second grief de la seconde branche du cinquième moyen doit également être rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité de l’argument des requérantes avancé au stade de la réplique. En effet, il suffit de rappeler que, aux considérants 61 à 66 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 ne faisaient pas partie intégrante des éléments d’aide introduits par cette loi et qu’il ne convenait donc pas d’examiner leur compatibilité avec le marché commun dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision attaquée.

200    Dès lors, la seconde branche doit être rejetée dans son entièreté et, partant, le cinquième moyen dans son ensemble.

201    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours.

 Sur les dépens

202    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en toutes leurs conclusions, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi qu’à supporter conjointement les dépens de la Commission et de la RTVE, conformément aux conclusions de ces dernières.

203    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Telefónica de España, SA et Telefónica Móviles España, SA supporteront leurs propres dépens et supporteront conjointement les dépens de la Commission européenne et de la Corporación de Radio y Televisión Española, SA (RTVE).

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2014.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige et décision attaquée

Procédure devant le Tribunal

En droit

1.  Sur la recevabilité du recours et des moyens

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits procéduraux garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur concernant la notion d’aide nouvelle au sens de l’article 108 TFUE et de l’article 1er, sous c), du règlement nº 659/1999

Sur les règles régissant les modifications d’un régime d’aide existant

Sur l’approche de la Commission en l’espèce

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation concernant la dissociabilité de la modification du régime existant

Sur le quatrième moyen, visant la constatation de la Commission selon laquelle les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi nº 8/2009 ne faisaient pas partie intégrante de l’aide

Sur la première branche, visant les conditions sous lesquelles le mode de financement d’une aide doit être considéré comme faisant partie intégrante de celle-ci

Sur la seconde branche, visant l’application de ces conditions

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et d’une violation de l’obligation de motivation

Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE

–  Sur le grief tiré de l’absence d’un contrôle suffisamment détaillé

–  Sur le grief tiré d’un manque de prise en compte de la diminution des recettes commerciales

Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

–  Sur le premier grief tiré, d’une motivation insuffisante de l’absence de risque de surcompensation

–  Sur le second grief, visant les distorsions introduites par les obligations de procéder à un apport

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.