composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida, D. A. O. Edward, L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn (rapporteur), J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann, H. Ragnemalm et V. Skouris, juges,
avocat général: M. G. Cosmas,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 23 novembre 1999,
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal a fait les constatations suivantes:
«1 La requérante, Ladbroke Racing Ltd (ci-après 'Ladbroke), est une société de droit anglais, contrôlée par Ladbroke Group plc, dont l'une des activités est l'organisation et la fourniture de services de paris sur les courses hippiques au Royaume-Uni et dans d'autres pays de la Communauté européenne.
2 Le Pari mutuel urbain (ci-après 'PMU) est un groupement d'intérêt économique (ci-après 'GIE), composé des principales sociétés de courses en France (article 21 du décret 83-878, du 4 octobre 1983, relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel, ci-après 'décret 83-878), créé pour gérer les droits de ces sociétés à l'organisation de paris mutuels hors hippodrome. La gestion par le PMU de ces droits était assurée initialement sous forme de 'service commun (décret du 11 juillet 1930, relatif à l'extension du pari mutuel hors hippodrome). Selon les dispositions de l'article 13 du décret 74-954, du 14 novembre 1974, relatif aux sociétés de courses de chevaux ... le PMU assure, depuis cette date, la gestion des droits des sociétés de courses sur les paris mutuels hors hippodrome à titre exclusif. Cette exclusivité du PMU est, en outre, protégée par l'interdiction, pour d'autres personnes que le PMU, d'engager ou de prendre des paris sur les courses de chevaux (article 8 de l'arrêté interministériel du 13 septembre 1985 portant règlement du PMU). Elle s'étend aux paris pris sur les courses organisées en France, ainsi qu'aux paris pris en France sur les courses organisées à l'étranger, lesquels ne peuvent, également, être engagés que par les sociétés autorisées et/ou le PMU (article 15, paragraphe 3, de la loi 64-1279, du 23 décembre 1964, portant loi de finances pour 1965, et article 21 du décret 83-878, précité).
3 Le 7 avril 1989, sept sociétés appartenant au groupe Ladbroke, dont la requérante, ont déposé une plainte auprès de la Commission contre un certain nombre d'aides que les autorités françaises auraient accordées au PMU et qui seraient incompatibles avec le marché commun.
...
5 Par lettre du 11 janvier 1991, la Commission a informé les autorités françaises de sa décision d'engager la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, dutraité CEE à l'égard des sept mesures suivantes en faveur du PMU (JO C 38, p. 3):
'1) facilité de trésorerie représentée par les délais accordés pour le paiement de prélèvements du Trésor, à partir de 1980 et 1981;
2) abandon de 180 millions de francs français sur les prélèvements de 1986;
3) dispense de la règle de décalage d'un mois pour la déduction de la [taxe sur la valeur ajoutée, ci-après la TVA];
4) utilisation des gains non réclamés afin de verser un complément d'indemnité de licenciement en 1985;
5) exemption de la participation des employeurs à l'effort de construction;
6) abandon de 1982 à 1985 de sommes provenant de l'usage qui consiste à arrondir les gains des parieurs au décime inférieur;
7) dispense de l'impôt sur les sociétés».
...
13 Le 22 septembre 1993, la Commission a adopté la décision 93/625/CEE mettant fin à la procédure engagée contre la France.
...
16 Dans la décision attaquée, la Commission a distingué entre deux catégories de sommes prélevées sur les paris engagés sur les courses hippiques, à savoir, d'une part, les 'prélèvements ou 'prélèvements publics, qui représentent les sommes versées au budget général de l'État et, d'autre part, les 'prélèvements non publics, qui sont les sommes distribuées aux parieurs. En effet, selon la décision attaquée, sur 100 [FRF] de paris enregistrés, le PMU prélève plus ou moins 30 [FRF] et reverse plus ou moins 70 [FRF] aux parieurs. Sur les 30 [FRF] restants, le PMU couvre ses dépenses, soit plus ou moins 5,5 [FRF], les autorités nationales et la ville de Paris retiennent plus ou moins 18 [FRF] et le restant est attribué aux sociétés de courses.
17 La Commission a ensuite souligné que, si les marchés des jeux de hasard étaient traditionnellement cloisonnés en marchés nationaux, les paris sur les courses hippiques sur des hippodromes nationaux étaient cependant organisés internationalement, et que ce n'était que depuis janvier 1989, avec la création du Pari mutuel international (ci-après 'PMI), que le PMU avait manifesté expressément sa volonté d'étendre ses activités en dehors de la France, en concluant des accords en Allemagne et en Belgique et en entrant ainsi enconcurrence avec d'autres organisateurs de paris et, en particulier, avec Ladbroke (partie III de la décision attaquée).
18 Elle a estimé que trois des sept mesures prises par le gouvernement français en faveur du PMU, visées par la procédure ouverte au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité, constituaient des aides étatiques au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
19 En effet, la Commission a considéré que l'abandon, de 1982 à 1985, d'une partie du prélèvement (315 millions de [FRF]) sur le produit de l'arrondissement des gains au décime inférieur, affecté depuis 1967, selon la loi de finances du 17 décembre 1966, au budget général de l'État, constituait une aide, parce qu'il était une 'mesure limitée dans le temps visant à résoudre un problème ponctuel, l'informatisation des opérations du PMU, destinée à l'aider à renforcer sa position sur le marché [parties IV et V, point 2)].
20 Elle a également estimé que la dispense de la règle de décalage d'un mois pour la déduction de la TVA constituait un avantage de trésorerie assimilé à une aide d'État, mais que celui-ci était, cependant, compensé, depuis 1989 jusqu'à son abolition le 1er juillet 1993, par une consignation permanente auprès du Trésor public [parties IV et V, point 6)].
21 Enfin, s'agissant de l'exemption de la participation à l'effort de construction dont bénéficie le PMU, la Commission a considéré que, si un arrêt du Conseil d'État de 1962 avait confirmé le caractère agricole des activités des sociétés de courses et, partant, l'exemption de cette contribution en leur faveur, l'activité du PMU lui-même, à savoir l'organisation et le traitement des paris, ne constituait manifestement pas une activité agricole de sorte que, l'exemption en cause n'étant pas justifiée par le statut du PMU, elle constituait une aide d'État [parties IV et V, point 7)].
22 Toutefois, la Commission a considéré que les trois mesures en question pouvaient être exemptées au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.
23 En ce qui concerne l'aide résultant de l'abandon du produit de l'arrondissement des gains au décime inférieur, la Commission a estimé que, bien qu'il s'agissait d'une aide d'une intensité élevée (près de 29 % du coût total de l'informatisation), 'étant donné l'état du développement de la concurrence et des échanges avant la création du PMI en janvier 1989, les aides accordées entre 1982 et 1985 en faveur de l'informatisation du PMU, n'ont pas produit d'effets perturbateurs sur le marché, contraires à l'intérêt commun, compte tenu des effets directs et indirects de ces aides sur le développement du secteur dans toutes ses composantes économiques, y compris l'amélioration de la race chevaline [partie VII, point 1)].
24 S'agissant de la dispense de la règle de décalage pour la déduction de la TVA, la Commission a considéré que, pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l'aide précédente, cette aide devait aussi être considérée comme ayant été compatible avec le marché commun, jusqu'en janvier 1989. Quant à la période postérieure à 1989, les effets nuisibles de l'aide en question sur la concurrence auraient été intégralement compensés par une consignation permanente auprès du Trésor public [partie VII, point 2)].
25 En ce qui concerne l'aide résultant de l'exonération de la contribution à l'effort de construction, la Commission a considéré que, tout comme l'aide constituée par la dispense de la règle de décalage d'un mois pour la déduction de la TVA, elle pouvait bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous c), jusqu'en 1989, mais devait être déclarée incompatible à partir de 1989 [partie VII, point 3)].
26 Pour ce qui est de la restitution de cette dernière aide, à partir de 1989, la Commission a, cependant, considéré que, s'il convenait 'de ne pas exiger le remboursement depuis cette date compte tenu de la position adoptée par les autorités françaises suivant lesquelles la retenue de la contribution en cause n'a pas pu être effectuée pour respecter l'arrêt du Conseil d'État de 1962 évoqué à la partie IV, point 7 (voir ci-dessus, point 21), cet argument ne pouvait 'plus être retenu depuis la notification aux autorités françaises de l'ouverture de la procédure, à savoir le 11 janvier 1991. La Commission a, en outre, déclaré qu'elle n'était pas en mesure de quantifier elle-même l'élément d'aide à récupérer et a demandé aux autorités françaises de déterminer elles-mêmes le montant de l'aide à récupérer et de le lui communiquer (partie VIII).
27 S'agissant des quatre autres mesures, la Commission a considéré que les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité n'étaient pas réunies.
28 En ce qui concerne les sommes représentées par les gains non réclamés, la Commission a considéré que, dans la mesure où ces sommes ont toujours été considérées comme des ressources normales, elles faisaient partie des prélèvements non publics. Leur utilisation pour couvrir, notamment, des dépenses sociales ainsi que des frais de surveillance, de contrôle et d'encouragement à l'élevage et pour financer des investissements liés à l'organisation des courses et du pari mutuel, ne saurait, par conséquent, être considérée comme une aide étatique, le critère de ressources d'État n'étant pas rempli [parties IV et V, point 1)].
29 S'agissant de la modification de la répartition des prélèvements publics (voir ci-dessus point 16), la Commission a exposé que les régimes fiscaux applicables aux courses hippiques relevaient de la compétence des États membres et que les ajustements à la hausse et à la baisse apportés aux taux d'imposition fixés ne constituaient pas des aides d'État, pour autant qu'ils étaient applicablesd'une manière uniforme à toutes les entreprises concernées. L'existence d'une aide d'État ne pouvait être envisagée que lorsqu'une baisse importante du taux d'imposition conduisait à renforcer la situation financière d'une entreprise en position de monopole. Tel ne serait pas le cas en l'espèce, dans la mesure où la baisse en 1984 du prélèvement public sur les paris a été limitée (environ 1,6 %) et maintenue par la suite, ne visant pas, ainsi, à financer une opération ponctuelle. Les autorités françaises auraient agi dans le but d'accroître les ressources des bénéficiaires des prélèvements non publics d'une manière permanente. Compte tenu de la particularité de la situation de ses bénéficiaires, la mesure en question aurait ainsi été non pas une aide d'État, mais une réforme sous forme d'ajustement 'fiscal justifiée par la nature et l'économie du système en cause [parties IV et V, point 3)].
30 En ce qui concerne l'exonération de l'impôt sur les sociétés, la Commission a estimé que, dans la mesure où cet impôt 'ne [pouvait] s'appliquer au [GIE] PMU du fait même de son fondement juridique, une telle exonération devait 'être considérée comme une conséquence de l'application normale du régime fiscal général [partie V, point 4)].
31 S'agissant des avantages de trésorerie résultant du décalage accordé pour le versement des prélèvements publics, représentant un apport de trésorerie de presque deux mois, accordé au PMU par décisions des 24 avril 1980 et 19 février 1982, du ministre du Budget, la Commission a considéré que, dans la mesure où ces avantages ont eu pour effet d'augmenter la part des prélèvements non publics d'une manière continue depuis 1981, ils ne relevaient pas 'd'un renoncement temporaire à des ressources de la part des autorités publiques ni d'une mesure ponctuelle, leur appréciation devant ainsi être la même que la mesure précédente concernant la répartition des prélèvements (voir ci-dessus point 29) [parties IV et V, point 5)].»