Language of document : ECLI:EU:C:2020:757

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

30 septembre 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Directive 2008/115/CE – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie – Décision de retour – Recours juridictionnel – Effet suspensif de plein droit – Conditions – Octroi d’une aide sociale – Articles 19 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑233/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour du travail de Liège (Belgique), par décision du 11 mars 2019, parvenue à la Cour le 18 mars 2019, dans la procédure

B.

contre

Centre public d’action sociale de Liège,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen (rapporteur), Mme C. Toader et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 janvier 2020,

considérant les observations présentées :

–        pour B., initialement par Mes D. Andrien et P. Ansay, avocats, puis par Me D. Andrien, avocat,

–        pour le centre public d’action sociale de Liège, initialement par Mes M. Delhaye et G. Dubois, avocats, puis par Mes M. Delhaye et J.–P. Jacques, avocats,

–        pour le gouvernement belge, par M. P. Cottin ainsi que par Mmes C. Pochet et C. Van Lul, en qualité d’agents, assistés de Mes C. Piront et S. Matray, avocates,

–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par MM. J. Langer et J. M. Hoogveld ainsi que par Mmes M. K. Bulterman et M. H. S. Gijzen, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes A. Azema et C. Cattabriga, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 mai 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 5 et 13 ainsi que de l’article 14, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant B., ressortissante d’un pays tiers, au centre public d’action sociale de Liège (Belgique) (ci-après le « CPAS ») au sujet des décisions de ce dernier retirant à B. le bénéfice de l’aide sociale.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 3, point 2, de la directive 2008/115 définit la notion de « séjour irrégulier » comme « la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du [règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1)], ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ».

4        L’article 5 de cette directive énonce :

« Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :

[...]

c)      de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

et respectent le principe de non-refoulement. »

5        L’article 9, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit :

« Les États membres reportent l’éloignement :

[...]

b)      tant que dure l’effet suspensif accordé conformément à l’article 13, paragraphe 2. »

6        L’article 13, paragraphes 1 et 2, de la même directive prévoit :

« 1.      Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

2.      L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale. »

7        L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2008/115 dispose :

« Sauf dans la situation visée aux articles 16 et 17, les États membres veillent à ce que les principes ci-après soient pris en compte dans la mesure du possible en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers au cours du délai de départ volontaire accordé conformément à l’article 7 et au cours des périodes pendant lesquelles l’éloignement a été reporté conformément à l’article 9 :

a)      l’unité familiale avec les membres de la famille présents sur le territoire est maintenue ;

b)      les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies sont assurés ;

c)      les mineurs ont accès au système éducatif de base en fonction de la durée de leur séjour ;

d)      les besoins particuliers des personnes vulnérables sont pris en compte. »

 Le droit belge

8        L’article 57, paragraphe 2, de la loi organique du 8 juillet 1976 des centres publics d’action sociale, dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, la mission du centre public d’action sociale se limite à :

1°      l’octroi de l’aide médicale urgente, à l’égard d’un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume ;

[...]

Un étranger qui s’est déclaré réfugié et a demandé à être reconnu comme tel, séjourne illégalement dans le Royaume lorsque la demande d’asile a été rejetée et qu’un ordre de quitter le territoire a été notifié à l’étranger concerné.

L’aide sociale accordée à un étranger qui était en fait bénéficiaire au moment où un ordre de quitter le territoire lui a été notifié, est arrêtée, à l’exception de l’aide médicale urgente, le jour où l’étranger quitte effectivement le territoire et, au plus tard, le jour de l’expiration du délai de l’ordre de quitter le territoire.

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

9        Le 4 septembre 2015, B. a présenté une demande d’asile en Belgique. Cette demande a été rejetée par l’autorité compétente. Le 27 avril 2016, le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique) a rejeté le recours introduit par B. contre la décision de rejet de ladite demande.

10      Le 26 septembre 2016, B. a présenté une demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales, motivée par le fait qu’elle souffre de plusieurs maladies graves.

11      Cette demande ayant été déclarée recevable le 22 décembre 2016, B. a bénéficié de l’aide sociale, cette dernière étant à la charge du CPAS.

12      Par des décisions du 28 septembre 2017, notifiées le 23 octobre 2017, la demande d’autorisation de séjour introduite par B. a été rejetée et l’autorité compétente a délivré à l’intéressée un ordre de quitter le territoire belge.

13      B. a introduit, le 28 novembre 2017, un recours tendant à l’annulation et à la suspension de ces décisions devant le Conseil du contentieux des étrangers.

14      Par deux décisions du 28 novembre 2017, le CPAS a retiré à B. le bénéfice de l’aide sociale à compter du 23 octobre 2017. En revanche, il lui a accordé le bénéfice de l’aide médicale urgente à partir du 1er novembre 2017.

15      Le 28 décembre 2017, B. a introduit un recours contre les décisions du CPAS lui retirant le bénéfice de l’aide sociale devant le tribunal du travail de Liège (Belgique) et a demandé à cette juridiction de rétablir ses droits à cette aide à compter du 23 octobre 2017.

16      Par un jugement du 15 mars 2018, cette juridiction a rejeté ce recours en tant qu’il portait sur le bénéfice de l’aide sociale.

17      Le 16 avril 2018, B. a interjeté appel de ce jugement devant la cour du travail de Liège (Belgique).

18      Cette juridiction relève que la période concernée par le recours s’étend, eu égard à la date de notification de l’ordre de quitter le territoire belge et à la suite d’une nouvelle décision adoptée par le CPAS, du 23 novembre 2017 au 31 janvier 2018. Elle souligne que, durant cette période, B. ne disposait pas de titre de séjour.

19      Après avoir écarté la possibilité d’octroyer à B. le bénéfice de l’aide sociale en se fondant sur l’existence d’une éventuelle impossibilité médicale de retour, au sens de la réglementation belge relative à l’aide sociale, la juridiction de renvoi constate que l’issue du litige au principal dépend des effets qu’il convient de reconnaître à la solution retenue par la Cour dans l’arrêt du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453).

20      Elle estime, en effet, qu’elle devrait accueillir le recours de B. si un effet suspensif devait être reconnu au recours aux fins d’annulation et de suspension introduit devant le Conseil du contentieux des étrangers. Elle précise que ce recours ne bénéficie pas, en vertu de la législation belge, d’un effet suspensif, mais qu’un tel effet pourrait lui être reconnu sur le fondement de l’arrêt du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453). Elle considère néanmoins qu’il est difficile de déterminer les conditions dans lesquelles une juridiction sociale doit constater le caractère suspensif d’un tel recours, les juridictions belges ayant adopté des décisions divergentes sur cette question.

21      Dans ces conditions, la cour du travail de Liège a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 5 et 13 de la directive 2008/115 [...], lus à la lumière des articles 19, paragraphe 2, et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que l’article 14, paragraphe l, sous b), de cette directive, lus à la lumière de l’arrêt [du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453)], doivent-ils s’interpréter comme conférant un effet suspensif à un recours exercé contre une décision ordonnant à un ressortissant de pays tiers atteint d’une grave maladie de quitter le territoire d’un État membre, étant entendu que l’auteur du recours soutient que l’exécution de cette décision est susceptible de l’exposer à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé,

–        sans qu’il soit nécessaire de porter une appréciation sur le recours, sa simple introduction suffisant à suspendre l’exécution de la décision ordonnant de quitter le territoire

–        ou moyennant un contrôle marginal portant sur l’existence d’un grief défendable ou de l’absence de cause d’irrecevabilité ou de non-fondement manifeste du recours devant le Conseil du contentieux des étrangers

–        ou encore moyennant un contrôle plein et entier de la part des juridictions du travail afin de déterminer si l’exécution de cette décision est bel et bien susceptible d’exposer l’auteur du recours à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé ? »

 Sur la question préjudicielle

 Sur la compétence de la Cour et la recevabilité de la question posée

22      Le gouvernement belge fait valoir, en premier lieu, que la demande de décision préjudicielle est irrecevable en tant qu’elle vise à obtenir de la Cour une interprétation du droit belge. D’une part, les conditions d’octroi d’un titre de séjour et du bénéfice de l’aide sociale seraient, dans l’affaire au principal, régies exclusivement par ce droit. D’autre part, il n’incomberait pas à la Cour de trancher entre les différents courants nationaux de jurisprudence mentionnés par la juridiction de renvoi.

23      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il ne lui appartient pas, dans le cadre de la procédure préjudicielle, d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales [voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, Pohotovosť, C‑470/12, EU:C:2014:101, point 60, ainsi que du 20 janvier 2016, DHL Express (Italy) et DHL Global Forwarding (Italy), C‑428/14, EU:C:2016:27, point 70].

24      Cependant, en l’occurrence, la juridiction de renvoi interroge la Cour non pas sur l’interprétation des dispositions du droit belge régissant le séjour ou l’aide sociale, mais sur la portée précise de l’obligation procédurale résultant du droit de l’Union imposant de garantir, dans certains cas, un effet suspensif à un recours exercé contre une décision de retour. La circonstance que la portée de cette obligation résultant du droit de l’Union ait été comprise de façon différente par diverses juridictions belges n’est pas de nature à exclure que la Cour puisse être saisie d’une demande de décision préjudicielle visant à préciser la portée de ladite obligation.

25      En deuxième lieu, le gouvernement belge estime qu’il n’est pas nécessaire de répondre à la question posée pour trancher l’affaire au principal. En effet, pour statuer sur la requête de B., la juridiction de renvoi devrait simplement exclure l’existence d’une impossibilité médicale de retour, ce qu’elle aurait déjà fait, et cette juridiction pourrait faire état de la possibilité, pour la personne concernée, de demander une prorogation du délai de départ volontaire qui lui a été accordé, laquelle permettrait à B. de continuer à bénéficier de l’aide sociale.

26      De même, l’incidence de la question posée sur la solution du litige au principal a été contestée par le gouvernement belge dans ses observations orales, ainsi que par les gouvernements tchèque et néerlandais, en raison du fait que B. continuerait de séjourner irrégulièrement sur le territoire belge, même en cas de suspension de la décision de retour prise à son égard. Ces gouvernements en déduisent que sa demande d’aide sociale pourrait toujours être rejetée à la suite d’une telle suspension, dès lors que le droit de l’Union ne s’opposerait pas à ce qu’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier bénéficie d’une aide sociale d’un montant plus faible que celui accordé à un ressortissant d’un pays tiers en séjour régulier.

27      Le gouvernement belge fait valoir, par ailleurs, que la juridiction de renvoi n’est pas compétente, en tant que juridiction du travail, pour accorder un effet suspensif à un recours relevant de la seule compétence d’une autre juridiction belge et que la Cour de cassation (Belgique) a déjà répondu à la question posée dans un arrêt récent.

28      Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 4 décembre 2018, Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Síochána, C‑378/17, EU:C:2018:979, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

29      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 4 décembre 2018, Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Síochána, C‑378/17, EU:C:2018:979, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

30      En l’espèce, il y a certes lieu de constater que, au regard de la définition de la notion de « séjour irrégulier » énoncée à l’article 3, point 2, de la directive 2008/115, une éventuelle suspension de la décision de retour prise à l’égard de B. n’impliquerait pas que son séjour doive être qualifié de « régulier », au sens de cette directive. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le droit de l’Union impose au Royaume de Belgique, à la suite d’une telle suspension, d’assurer à B. des droits équivalents à ceux dont bénéficient les ressortissants de pays tiers séjournant régulièrement dans cet État membre.

31      Cela étant, il ressort de la décision de renvoi que la réglementation belge prévoit que, dans une situation telle que celle en cause au principal, où la personne concernée a introduit une demande d’asile qui a été rejetée et où cette personne ne dispose pas de titre de séjour, le bénéfice de l’aide sociale est limité uniquement après qu’une décision de retour a été notifiée à ladite personne. La juridiction de renvoi considère, en outre, que cette limitation peut débuter non pas le jour où l’irrégularité du séjour de B. a été constatée, mais, au plus tôt, le jour de l’expiration du délai de départ volontaire accordé à l’intéressée dans la décision de retour prise à son égard.

32      Eu égard au lien ainsi constaté par la juridiction de renvoi entre les effets d’une décision de retour et la limitation du bénéfice de l’aide sociale octroyé en vertu de la réglementation belge, il ne saurait être considéré que l’interprétation sollicitée des règles du droit de l’Union relatives à une éventuelle suspension de plein droit des effets d’une telle décision est manifestement sans rapport avec l’objet du litige au principal, sauf à remettre en cause l’interprétation du droit national donnée par la juridiction de renvoi, laquelle relève de sa compétence exclusive dans le cadre d’une procédure visée à l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 21 juin 2016, New Valmar, C‑15/15, EU:C:2016:464, point 25, ainsi que du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 37).

33      Ce constat ne saurait être remis en cause par la circonstance que le recours de B. contre la décision de retour prise à son égard n’a été introduit que le 28 novembre 2017, alors que le litige au principal concerne le bénéfice de l’aide sociale pour la période s’étendant du 23 novembre 2017 au 31 janvier 2018. En effet, cette circonstance n’implique pas, en tout état de cause, que la question posée présente manifestement un caractère hypothétique pour la période s’étendant du 28 novembre 2017 au 31 janvier 2018.

34      Au surplus, ainsi que le souligne la Commission, il découle de la jurisprudence de la Cour que certaines garanties dans l’attente du retour, qui peuvent comprendre la prise en charge des besoins de base de la personne concernée, doivent être assurées, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2008/115, dans les situations où l’État membre concerné est tenu d’offrir à cette personne un recours suspensif de plein droit contre une décision de retour prise à son égard, même si cette personne séjourne irrégulièrement sur le territoire de l’État membre en cause (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Abdida, C‑562/13, EU:C:2014:2453, points 53, 55 et 58 à 60).

35      Dans ces conditions, la circonstance que B. ait disposé d’éventuelles autres possibilités procédurales prévues par la réglementation belge pour obtenir le bénéfice de l’aide sociale, à la supposer établie, n’est pas de nature à entraîner l’irrecevabilité de la question posée. En effet, dès lors que la juridiction de renvoi n’a pas considéré que cette circonstance empêchait B. d’introduire valablement l’action au principal, elle ne permet pas d’écarter la nécessité d’une réponse à cette question pour trancher le litige au principal.

36      De même, l’allégation du gouvernement belge selon laquelle la juridiction de renvoi ne serait pas compétente, en vertu des règles du droit national, pour prendre position sur l’effet suspensif d’un recours exercé contre une décision de retour ne peut suffire à entraîner l’irrecevabilité de cette question, dans la mesure où il n’appartient pas à la Cour de remettre en cause l’appréciation, par la juridiction de renvoi, des règles nationales d’organisation et de procédures judiciaires (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 26, ainsi que du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 30).

37      Par ailleurs, si ce gouvernement se prévaut de l’existence d’un arrêt récent de la Cour de cassation susceptible de répondre aux interrogations de la juridiction de renvoi, il y a lieu de rappeler que, à supposer que cette dernière soit liée par la solution retenue dans cet arrêt, cette circonstance ne saurait la priver de la faculté, prévue à l’article 267 TFUE, de saisir la Cour de questions d’interprétation du droit de l’Union destinées à lui permettre de rendre un jugement conforme au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2010, Melki et Abdeli, C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 42).

38      En troisième lieu, le gouvernement belge fait valoir que la Cour n’est pas compétente pour interpréter l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») dans la présente affaire. En effet, cet article ne trouverait à s’appliquer que dans le champ d’application du droit de l’Union. Or, si la juridiction de renvoi mentionne certaines dispositions de la directive 2008/115, cette juridiction n’établirait pas de lien entre celles-ci et la législation nationale en cause au principal, alors qu’elle serait tenue de le faire en application de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour.

39      À cet égard, il convient de rappeler que la demande de décision préjudicielle doit contenir, conformément à l’article 94, sous c), du règlement de procédure, l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal.

40      Dans la présente affaire, il apparaît que, en exposant, d’une part, le rapport établi, dans le droit belge, entre les effets d’une décision de retour et la limitation du bénéfice de l’aide sociale dans la situation en cause au principal, ainsi que, d’autre part, ses interrogations quant aux conséquences concrètes devant être tirées, dans cette situation, de l’arrêt du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453), la juridiction de renvoi a satisfait à l’obligation énoncée à l’article 94, sous c), du règlement de procédure.

41      En outre, dès lors que cette juridiction a établi que l’issue de l’affaire au principal dépend de l’application des règles énoncées par la directive 2008/115, relatives au recours contre une décision de retour, la compétence de la Cour pour interpréter l’article 47 de la Charte ne saurait, en l’espèce, être contestée.

42      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée.

 Sur le fond

43      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, quelles sont les conditions dans lesquelles les articles 5 et 13 de la directive 2008/115, lus à la lumière de l’article 19, paragraphe 2, et de l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige en matière d’aide sociale dont l’issue est liée à une éventuelle suspension des effets d’une décision de retour prise à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie, doit considérer qu’un recours tendant à l’annulation et à la suspension de cette décision emporte, de plein droit, la suspension de celle-ci, alors même que cette suspension ne résulte pas de l’application de la réglementation nationale.

44      Il convient, d’emblée, de rappeler que, en vertu de l’article 13, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/115, un ressortissant d’un pays tiers doit disposer d’une voie de recours effective pour attaquer une décision de retour prise à son égard, mais que ce recours n’a pas nécessairement un effet suspensif (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Abdida, C‑562/13, EU:C:2014:2453, points 43 et 44).

45      Toutefois, les caractéristiques dudit recours doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte, aux termes duquel toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à cet article, et avec le principe de non-refoulement, garanti, notamment, à l’article 19, paragraphe 2, de la Charte et à l’article 5 de la directive 2008/115 (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2014, Abdida, C‑562/13, EU:C:2014:2453, points 45 et 46, ainsi que du 19 juin 2018, Gnandi, C‑181/16, EU:C:2018:465, points 52 et 53).

46      La Cour a déduit des considérations qui précèdent que le recours introduit contre une décision de retour doit, afin d’assurer, à l’égard du ressortissant concerné d’un pays tiers, le respect des exigences découlant de l’article 47 de la Charte et du principe de non-refoulement, être revêtu d’un effet suspensif de plein droit, dès lors que l’exécution de cette décision est, notamment, susceptible d’exposer ce ressortissant à un risque réel d’être soumis à des traitements contraires à l’article 19, paragraphe 2, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, Gnandi, C‑181/16, EU:C:2018:465, point 56).

47      Tel est le cas, en particulier, lorsque l’exécution d’une décision de retour est susceptible d’exposer un ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Abdida, C‑562/13, EU:C:2014:2453, point 53).

48      Il incombe, au premier chef, au législateur national de prendre les mesures nécessaires afin de satisfaire à cette obligation. Ainsi, il lui appartient, le cas échéant, de modifier sa réglementation afin de garantir que le recours introduit par un ressortissant d’un pays tiers bénéficie de plein droit, dans les situations visées aux points 46 et 47 du présent arrêt, d’un effet suspensif (voir, par analogie, arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a., C‑612/15, EU:C:2018:392, point 65).

49      Dans la mesure où le droit de l’Union ne définit pas avec précision les modalités concrètes du recours suspensif de plein droit devant être ouvert contre la décision de retour, les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre à cet égard.

50      Partant, dans le cadre de l’organisation des procédures de recours contre une décision de retour, un État membre peut prévoir, à cet effet, une voie de recours spécifique, qui s’ajoute à un recours en annulation dépourvu d’effet suspensif pouvant également être introduit contre cette décision, pour autant que les règles procédurales nationales applicables sont suffisamment précises, claires et prévisibles pour permettre aux justiciables de connaître avec exactitude leurs droits (voir, par analogie, arrêt du 8 mars 2017, Euro Park Service, C‑14/16, EU:C:2017:177, point 40).

51      En outre, dès lors que le gouvernement belge soutient qu’un recours suspensif de plein droit ne devrait être garanti que contre une décision d’éloignement et non contre une décision de retour, il y a lieu de souligner qu’il ressort des points 44 à 49 de l’arrêt de ce jour, CPAS de Seraing (C‑402/19), que la protection juridictionnelle assurée à un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une décision de retour, dont l’exécution est susceptible de l’exposer à un risque réel d’être soumis à des traitements contraires à l’article 19, paragraphe 2, de la Charte, serait insuffisante si ce ressortissant d’un pays tiers ne disposait pas d’un recours suspensif de plein droit contre cette décision dès la notification de celle-ci.

52      Par ailleurs, si ce gouvernement soutient que la réglementation belge est conforme au droit de l’Union, il importe de rappeler que le système de coopération établi à l’article 267 TFUE est fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. Dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de cet article, l’interprétation des dispositions nationales appartient aux juridictions des États membres et non à la Cour, et il n’incombe pas à cette dernière de se prononcer sur la compatibilité de normes de droit interne avec les dispositions du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1981, Frans-Nederlandse Maatschappij voor Biologische Producten, 272/80, EU:C:1981:312, point 9, et du 30 avril 2020, CTT – Correios de Portugal, C‑661/18, EU:C:2020:335, point 28).

53      À cet égard, il appartient aux juridictions nationales, en tenant compte de l’ensemble des règles du droit national et en application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter ces règles en conformité avec la directive 2008/115 y compris en modifiant, le cas échéant, une jurisprudence établie, si celle-ci repose sur une interprétation du droit national incompatible avec cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, CCOO, C‑55/18, EU:C:2019:402, points 69 et 70).

54      En revanche, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, dans l’hypothèse où il lui est impossible de procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, tout juge national, saisi dans le cadre de sa compétence, a, en tant qu’organe d’un État membre, l’obligation de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire à une disposition de ce droit qui est d’effet direct dans le litige dont il est saisi (voir, en ce sens, arrêts du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, points 58 et 61, ainsi que du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 139).

55      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 47 de la Charte se suffit à lui-même et ne doit pas être précisé par des dispositions du droit de l’Union ou du droit national pour conférer aux particuliers un droit invocable en tant que tel (voir, en ce sens, arrêts du 17 avril 2018, Egenberger, C‑414/16, EU:C:2018:257, point 78, ainsi que du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 140).

56      Il en va de même de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, dès lors que les caractéristiques du recours prévu à cette disposition doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte, qui constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective (arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 141).

57      Partant, dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi parviendrait à la conclusion que la réglementation belge n’offre pas, à un ressortissant d’un pays tiers placé dans la situation décrite aux points 46 et 47 du présent arrêt, une voie de recours contre la décision de retour régie par des règles précises, claires et prévisibles et emportant, de plein droit, la suspension de cette décision, il lui appartiendrait de constater le caractère suspensif du recours introduit par ce ressortissant d’un pays tiers aux fins de l’annulation et de la suspension de la décision de retour prise à son égard, en laissant au besoin inappliquée la réglementation nationale qui exclurait que ce recours puisse revêtir un tel caractère (voir, par analogie, arrêts du 5 juin 2018, Kolev e.a., C‑612/15, EU:C:2018:392, point 66 ; du 29 juillet 2019, Torubarov, C‑556/17, EU:C:2019:626, point 77, ainsi que du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 144).

58      À l’inverse, dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi estimerait qu’il existe une telle voie de recours dans le droit belge et que la personne concernée n’en a pas fait usage, alors que cette voie de recours aurait impliqué la suspension de plein droit de la décision de retour prise à son égard, la juridiction de renvoi ne serait pas tenue d’écarter les règles de procédure nationales en vue de constater que le recours en annulation et en suspension introduit par cette personne revêt un caractère suspensif.

59      Par ailleurs, la circonstance que la juridiction de renvoi ne soit pas compétente, en application de la réglementation belge, pour se prononcer sur le recours tendant à l’annulation et à la suspension de la décision de retour en cause au principal, n’est pas de nature à faire obstacle à ce que cette juridiction procède à une application directe des règles de droit de l’Union, en vue de trancher la question préalable, nécessaire à la résolution du litige dont elle est saisie, tenant au caractère éventuellement suspensif de plein droit, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, lu à la lumière des articles 19 et 47 de la Charte, de ce recours en annulation et en suspension introduit devant une autre juridiction.

60      En effet, si la juridiction de renvoi n’est pas appelée, dans une situation telle que celle en cause au principal, à exercer la compétence pour ordonner la suspension d’une décision de retour, prévue à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2008/115, laquelle a été attribuée par le législateur belge à une autre juridiction, il lui incombe, en revanche, de vérifier, aux seules fins de la résolution du litige dont elle est saisie, si un recours contre une telle décision remplit les conditions nécessaires pour être doté d’un effet suspensif, qui doit intervenir de plein droit et doit donc s’imposer à l’ensemble des autorités nationales dans leurs domaines respectifs de compétence, y compris aux juridictions nationales statuant en matière d’aide sociale.

61      Une autorité nationale appelée à se prononcer dans une telle situation n’est cependant pas nécessairement tenue de postuler, en raison des carences de la réglementation nationale applicable, que tout recours introduit contre une décision de retour produirait un effet suspensif de plein droit, dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 44 du présent arrêt, ce type de recours n’a pas systématiquement, en vertu du droit de l’Union, un tel effet.

62      Par conséquent, il appartient à cette autorité de vérifier si les conditions auxquelles la garantie de cet effet est subordonnée, dans le droit de l’Union, sont réunies dans l’affaire dont elle est saisie, en fonction de la situation de la personne concernée.

63      Or, il découle de la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 47 du présent arrêt qu’un tel effet suspensif de plein droit doit être impérativement garanti aux recours introduits contre une décision de retour dont l’exécution est « susceptible » d’exposer un ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie à un « risque sérieux » de détérioration grave et irréversible de son état de santé.

64      Dans ce contexte, afin d’apprécier si l’exécution de la décision de retour visée par un recours est « susceptible » d’exposer la personne concernée à un tel risque, une autorité nationale n’est pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si l’exécution de cette décision entraîne effectivement ce risque.

65      En effet, si une telle solution était retenue, les conditions d’application de l’effet suspensif de plein droit seraient confondues avec celles auxquelles est subordonné le succès du recours introduit contre la décision de retour. Il s’ensuivrait, d’une part, que la dimension préventive de l’effet suspensif du recours introduit contre cette décision serait méconnue et, d’autre part, que toute autorité appelée à tirer les conséquences de cet effet suspensif serait conduite, en pratique, à procéder elle-même à l’examen qui incombe à la juridiction compétente pour statuer sur la légalité de la décision de retour.

66      Partant, une telle autorité doit se borner à apprécier si le recours introduit contre la décision de retour contient une argumentation visant à établir que l’exécution de cette décision exposerait un ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé qui n’apparaît pas manifestement infondée. Si tel est le cas, il lui incombe de considérer que la décision de retour est suspendue de plein droit, depuis l’introduction de ce recours, et d’en tirer les conséquences qui s’imposent dans le cadre de la compétence qui est la sienne.

67      Cette obligation est sans préjudice de la faculté des États membres de déterminer les règles nationales d’organisation et de procédures judiciaires et de prévoir, dans ce cadre, qu’une décision sur l’effet suspensif d’un recours contre une décision de retour, prise par une juridiction compétente pour statuer sur un tel recours, lie les autorités et juridictions amenées à se prononcer sur les garanties dont bénéficie, en matière d’aide sociale, le ressortissant d’un pays tiers concerné.

68      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 5 et 13 de la directive 2008/115, lus à la lumière de l’article 19, paragraphe 2, et de l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un litige en matière d’aide sociale dont l’issue est liée à une éventuelle suspension des effets d’une décision de retour prise à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie doit considérer qu’un recours tendant à l’annulation et à la suspension de cette décision emporte, de plein droit, la suspension de ladite décision, bien que cette suspension ne résulte pas de l’application de la réglementation nationale, lorsque :

–        ce recours contient une argumentation visant à établir que l’exécution de la même décision exposerait ce ressortissant d’un pays tiers à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé, qui n’apparaît pas manifestement infondée, et que

–        cette réglementation ne prévoit pas d’autre voie de recours, régie par des règles précises, claires et prévisibles, emportant, de plein droit, la suspension d’une telle décision.

 Sur les dépens

69      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

Les articles 5 et 13 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lus à la lumière de l’article 19, paragraphe 2, et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un litige en matière d’aide sociale dont l’issue est liée à une éventuelle suspension des effets d’une décision de retour prise à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers atteint d’une grave maladie doit considérer qu’un recours tendant à l’annulation et à la suspension de cette décision emporte, de plein droit, la suspension de ladite décision, bien que cette suspension ne résulte pas de l’application de la réglementation nationale, lorsque :

–        ce recours contient une argumentation visant à établir que l’exécution de la même décision exposerait ce ressortissant d’un pays tiers à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé, qui n’apparaît pas manifestement infondée, et que

–        cette réglementation ne prévoit pas d’autre voie de recours, régie par des règles précises, claires et prévisibles, emportant, de plein droit, la suspension d’une telle décision.

Bonichot

Safjan

Bay Larsen

Toader

 

Jääskinen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2020.

Le greffier

Le président de la Ière chambre

A. Calot Escobar

 

J.-C. Bonichot



*      Langue de procédure : le français.