Language of document : ECLI:EU:C:2018:547

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 4 juillet 2018 (1)

Affaire C220/18 PPU

ML

avec l’intervention de la

Generalstaatsanwaltschaft Bremen (ministère public de Brême, Allemagne)

[demande de décision préjudicielle formée par le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (tribunal régional supérieur de Brême, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Motifs de refus d’exécution – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 4 – Interdiction des traitements inhumains et dégradants – Conditions de détention dans l’État membre d’émission »






1.        Les questions posées dans le présent renvoi préjudiciel portent à nouveau sur un mandat d’arrêt européen (ci‑après « MAE »), après l’interprétation de la décision-cadre 2002/584/JAI (2) faite par la Cour dans l’arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (3).

2.        Le juge de renvoi souhaite obtenir de la Cour des précisions supplémentaires quant à la jurisprudence contenue dans cet arrêt, notamment dans le cas où les (éventuelles) violations du droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants dans les établissements pénitentiaires de l’État d’émission du MAE pourraient être réparées par les propres juridictions de cet État.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La charte des droits fondamentaux de l’Union

3.        Conformément à l’article 4 :

« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

2.      La décision-cadre

4.        Aux termes des considérants 5, 6, 8, 10 et 12 de la décision-cadre :

« (5)      […] l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. […]

(6)      Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire.

[…]

(8)      Les décisions relatives à l’exécution du mandat d’arrêt européen doivent faire l’objet de contrôles suffisants, ce qui implique qu’une autorité judiciaire de l’État membre où la personne recherchée a été arrêtée devra prendre la décision de remise de cette dernière.

[…]

(10)      Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui‑ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, [UE devenu, après modification, article 2 TUE], constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, [UE devenu, après modification, article 7, paragraphe 2, TUE] avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article.

[…]

(12)      La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 [UE] et reflétés dans la Charte […], notamment son chapitre VI. Rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d’une personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen s’il y a des raisons de croire, sur la base d’éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu’il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l’une de ces raisons. […] »

5.        L’article 1er de la décision-cadre énonce :

« 1.      Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.      Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3.      La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE]. »

6.        L’article 5 de la décision-cadre prévoit :

« L’exécution du mandat d’arrêt européen par l’autorité judiciaire d’exécution peut être subordonnée par le droit de l’État membre d’exécution à l’une des conditions suivantes :

[…]

2)      lorsque l’infraction qui est à la base du mandat d’arrêt européen est punie par une peine ou une mesure de sûreté privatives de liberté à caractère perpétuel, l’exécution dudit mandat peut être subordonnée à la condition que le système juridique de l’État membre d’émission prévoie des dispositions permettant une révision de la peine infligée – sur demande ou au plus tard après vingt ans – ou l’application de mesures de clémence auxquelles la personne peut prétendre en vertu du droit ou de la pratique de l’État membre d’émission en vue de la non-exécution de cette peine ou mesure ;

3)      lorsque la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuite est ressortissante ou résidente de l’État membre d’exécution, la remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission. »

7.        Conformément à l’article 6 de la décision-cadre :

« 1.      L’autorité judiciaire d’émission est l’autorité judiciaire de l’État membre d’émission qui est compétente pour délivrer un mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

2.      L’autorité judiciaire d’exécution est l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution qui est compétente pour exécuter le mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

3.      Chaque État membre informe le secrétariat général du Conseil de l’autorité judiciaire compétente selon son droit interne. »

8.        Aux termes de l’article 7 de la décison-cadre :

« 1.      Chaque État membre peut désigner une autorité centrale ou, lorsque son ordre juridique le prévoit, plusieurs autorités centrales, pour assister les autorités judiciaires compétentes.

2.      Un État membre peut, si cela s’avère nécessaire en raison de l’organisation de son système judiciaire, confier à son ou ses autorités centrales la transmission et la réception administratives des mandats d’arrêt européens, ainsi que de toute autre correspondance officielle la ou les concernant.

L’État membre qui souhaite faire usage des possibilités visées au présent article communique au secrétariat général du Conseil les informations relatives à l’autorité centrale ou aux autorités centrales désignées. Ces indications lient toutes les autorités de l’État membre d’émission. »

9.        L’article 15 de la décision-cadre énonce :

« 1.      L’autorité judiciaire d’exécution décide, dans les délais et aux conditions définis dans la présente décision-cadre, la remise de la personne.

2.      Si l’autorité judiciaire d’exécution estime que les informations communiquées par l’État membre d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de décider la remise, elle demande la fourniture d’urgence des informations complémentaires nécessaires, en particulier en relation avec les articles 3 à 5 et 8, et peut fixer une date limite pour leur réception, en tenant compte de la nécessité de respecter les délais fixés par l’article 17.

3.      L’autorité judiciaire d’émission peut, à tout moment, transmettre toutes les informations additionnelles utiles à l’autorité judiciaire d’exécution. »

B.      Le droit allemand : l’IRG

10.      La décision-cadre a été transposée en droit allemand par les articles 78 à 83, point k), de la Gesetz über die internationale Rechtshilfe in Strafsachen (4), tels que modifiés (5).

11.      Conformément à l’article 29, paragraphe 1, de l’IRG, le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (tribunal régional supérieur de Brême, Allemagne) se prononce sur l’admissibilité de la remise lorsque la personne concernée n’a pas consenti à cette remise.

12.      Aux termes de l’article 73 de l’IRG :

« En l’absence d’une demande en ce sens, l’entraide judiciaire et la transmission d’informations sont illicites si elles contreviennent à des principes essentiels de l’ordre juridique allemand. En cas de demande au titre des parties huit, neuf et dix, l’entraide judiciaire est illicite si elle contrevient aux principes énoncés à l’article 6 [TUE]. »

II.    Le litige au principal et les questions préjudicielles

13.      Le 31 octobre 2017, le Nyíregyházi járásbíróság (tribunal de district de Nyíregyháza, Hongrie) a émis un MAE aux fins de l’exécution de la condamnation à un an et huit mois d’emprisonnement prononcée à l’encontre de ML, citoyen hongrois, pour coups et blessures, dommages, fraude et vol, par jugement rendu (par défaut) le 14 septembre 2017.

14.      Ce même tribunal hongrois avait émis précédemment, le 2 août 2017, un autre MAE afin d’obtenir la remise de ML pour le juger pour les faits qui, plus tard, entraîneraient sa condamnation.

15.      L’Amtsgericht Bremen (tribunal de district de Brême, Allemagne) a ordonné l’arrestation de ML le 12 décembre 2017. Ce dernier se trouvait toutefois déjà en détention depuis le 23 novembre 2017, en exécution du premier MAE.

16.      Par décision du 19 décembre 2017, le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (tribunal régional supérieur de Brême) a ordonné, après avoir privé d’effet la détention ordonnée en exécution du premier MAE, l’arrestation de ML aux fins de l’exécution du MAE du 31 octobre 2017.

17.      ML s’est opposé à sa remise aux autorités hongroises et a demandé la saisine de la Cour à titre préjudiciel. Avant de se prononcer sur la remise, la juridiction a demandé des précisions supplémentaires.

18.      Dans le cadre du premier MAE, le ministère de la Justice hongrois avait déjà informé le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (tribunal régional supérieur de Brême) des endroits où ML serait détenu, garantissant qu’il ne serait en aucun cas soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »).

19.      Sur le fondement de ces informations, la juridiction d’exécution avait indiqué, par décision du 9 janvier 2018, que la détention de ML dans les centres indiqués par le ministère de la Justice hongrois ne soulevait pas de problèmes. Elle nourrissait toutefois des doutes quant aux conditions régnant dans d’autres centres, également indiqués par ce ministère comme lieux possibles de détention de ML. Dès lors, en application des principes sur l’exécution des peines approuvés par le Conseil de l’Europe en 2006 (6) et des règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (7), la juridiction d’exécution a posé une série de questions aux autorités hongroises (8).

20.      Dans la réponse du ministère de la Justice hongrois du 12 janvier 2018, il était indiqué que des lois garantissant aux détenus la possibilité de dénoncer leurs conditions de détention étaient entrées en vigueur le 25 octobre 2016.

21.      Le ministère de la Justice hongrois a complété cette information, le 1er février 2018, en indiquant que la personne réclamée serait détenue pour une période d’une à trois semaines dans la prison de Budapest, sauf circonstances impondérables. Durant cette période, des mesures non précisées liées à l’exécution de la remise seraient adoptées.

22.      Le 12 février 2018, la juridiction d’exécution a sollicité certaines précisions sur les conditions de détention dans la prison de Budapest. Elle a également demandé dans quels autres centres de détention ML était susceptible d’être transféré et sur quels éléments de fait les conditions de détention y régnant pouvaient être vérifiées. Les autorités hongroises n’ont pas répondu à cette demande dans le délai fixé par la juridiction d’exécution (28 février 2018) (9).

23.      Le ministère public allemand a soutenu l’exécution du MAE, à laquelle ML s’oppose. Dans ces conditions, le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (tribunal régional supérieur de Brême) a posé les questions préjudicielles suivantes, demandant qu’elles soient traitées selon la procédure préjudicielle d’urgence :

« 1)      Dans l’interprétation des dispositions précitées, quelle incidence ont les possibilités de protection juridique que l’État membre d’émission donne à la personne détenue quant à ses conditions de détention :

a)      lorsque les autorités judiciaires d’exécution disposent de preuves de l’existence, dans les conditions de détention dans l’État membre d’émission, de défaillances systémiques ou généralisées concernant certains groupes de personnes ou certains centres de détention, peut‑on écarter, au regard des dispositions précitées, un risque réel que la personne poursuivie fasse l’objet d’un traitement inhumain ou dégradant au cas où elle serait extradée, de nature à empêcher d’accorder l’extradition, du seul fait que ces possibilités de protection juridique sont mises en place, sans devoir contrôler plus avant les conditions concrètes de détention ;

b)      le fait que la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas vu d’élément indiquant que ces possibilités de protection juridique n’offrent pas à la personne détenue de perspective réaliste d’amélioration de conditions de détention inadéquates importe‑t‑il à cet égard ?

2)      Si, d’après la réponse à la première question préjudicielle, la seule existence de ces possibilités de protection juridique pour les détenus sans que les autorités judiciaires d’exécution ne contrôlent plus avant les conditions concrètes de détention dans l’État membre d’émission n’est pas susceptible d’écarter un risque réel que la personne poursuivie fasse l’objet d’un traitement inhumain ou dégradant :

a)      faut‑il interpréter les dispositions précitées en ce sens que le contrôle des conditions de détention dans l’État membre d’émission par les autorités judiciaires d’exécution doit porter sur l’ensemble des centres de détention ou établissements pénitentiaires dans lesquels la personne poursuivie pourrait éventuellement être détenue ? En va‑t‑il de même si la détention est simplement temporaire ou s’effectue à titre transitoire dans des centres de détention bien précis ? Ou le contrôle peut‑il se limiter au centre de détention dans lequel, d’après les indications des autorités de l’État membre d’émission, la personne poursuivie sera vraisemblablement détenue la majeure partie du temps ;

b)      faut‑il à cet égard contrôler à chaque fois complètement les conditions de détention concernées, en vérifiant à la fois la surface de l’espace personnel par détenu ainsi que les autres conditions de détention ? Faut‑il évaluer les conditions de détention ainsi vérifiées à l’aune de l’arrêt de la Cour EDH du 20 octobre 2016 (Muršić c. Croatie, requête no 7334/13) ?

3)      Si, d’après la réponse à la deuxième question préjudicielle, on doit admettre que les autorités judiciaires d’exécution ont l’obligation de contrôler l’ensemble des centres de détention entrant en considération :

a)      les autorités judiciaires d’exécution peuvent-elles se dispenser de contrôler les conditions de détention de chacun des centres de détention entrant en considération, du fait que l’État membre d’émission a donné l’assurance générale que la personne poursuivie ne risque pas de faire l’objet d’un traitement inhumain ou dégradant ;

b)      ou, au lieu de contrôler les conditions de détention de chacun des centres de détention entrant en considération, les autorités judiciaires d’exécution peuvent-elles accorder l’extradition en l’assortissant de la condition que la personne poursuivie ne fasse pas l’objet de pareil traitement ?

4)      Si, d’après la réponse à la troisième question préjudicielle, les assurances données ou les conditions fixées ne sont pas susceptibles de dispenser les autorités judiciaires d’exécution de contrôler les conditions de détention de chacun des centres de détention entrant en considération dans l’État membre d’émission :

a)      l’obligation des autorités judiciaires d’exécution de contrôler les conditions de détention s’étend-elle à l’ensemble des centres de détention entrant en considération lorsque les autorités judiciaires de l’État membre d’émission indiquent que la durée de détention de la personne poursuivie n’y dépassera pas une à trois semaines, sous réserve de la survenance de circonstances s’y opposant ;

b)      En va‑t‑il de même lorsque les autorités judiciaires d’exécution ne parviennent pas à déterminer si ces indications ont été données par les autorités judiciaires d’émission ou si elles proviennent d’une des autorités centrales de l’État membre d’émission qui ont agi à la demande d’assistance des autorités judiciaires d’émission ? »

III. La procédure devant la Cour

24.      La décision de renvoi est parvenue au greffe de la Cour le 27 mars 2018 et il a été décidé de la traiter selon la procédure préjudicielle d’urgence.

25.      ML, les gouvernements allemand et hongrois, ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites, puis ont pris part, avec le ministère public allemand et les gouvernements belges, danois, irlandais, espagnol, néerlandais et roumain, à l’audience, qui s’est tenue le 14 juin 2018.

IV.    Analyse

A.      Considérations préliminaires

26.      Dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru, qui a répondu à des questions préjudicielles posées par la même juridiction que la présente juridiction de renvoi, la Cour a jugé que les articles 1er, paragraphes 3, 5 et 6, paragraphe 1, de la décision-cadre doivent être interprétés en ce sens que, « en présence d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés témoignant de l’existence de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes, soit encore certains centres de détention en ce qui concerne les conditions de détention dans l’État membre d’émission, l’autorité judiciaire d’exécution doit vérifier, de manière concrète et précise, s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée par un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exercice de poursuites pénales ou de l’exécution d’une peine privative de liberté courra, en raison des conditions de sa détention dans cet État membre, un risque réel de traitement inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en cas de remise audit État membre » (10).

27.      L’arrêt Aranyosi et Căldăraru indique qu’« [à] cette fin […] [l’autorité judiciaire d’exécution] doit demander la fourniture d’informations complémentaires à l’autorité judiciaire d’émission, laquelle, après avoir, au besoin, requis l’assistance de l’autorité centrale ou de l’une des autorités centrales de l’État membre d’émission, […] doit communiquer ces informations dans le délai fixé dans une telle demande. L’autorité judiciaire d’exécution doit reporter sa décision sur la remise de la personne concernée jusqu’à ce qu’elle obtienne les informations complémentaires lui permettant d’écarter l’existence d’un tel risque. Si l’existence de ce risque ne peut pas être écartée dans un délai raisonnable, cette autorité doit décider s’il y a lieu de mettre fin à la procédure de remise » (11).

28.      Le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (tribunal régional supérieur de Brême) a tenté, en 2016, d’obtenir de la Cour qu’elle précise sa jurisprudence, en lui posant une série de questions complémentaires. Il n’a toutefois pas été possible de lui répondre, le MAE ayant été retiré avant que la Cour statue, entraînant la radiation du renvoi préjudiciel (12).

29.      Cette (troisième) fois, la juridiction de renvoi demande notamment à la Cour d’interpréter l’article 1er, paragraphe 3, l’article 5 et l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre lus conjointement avec l’article 4 de la Charte, dans le contexte de la « procédure que la Cour […] a définie dans son arrêt […] Aranyosi et Căldăraru […] pour que les autorités judiciaires d’exécution contrôlent les conditions de détention dans l’État membre d’émission » (13).

30.      Avant d’examiner les questions préjudicielles posées, il n’est pas inutile de rappeler que la décision-cadre a pour objet de remplacer le système d’extradition traditionnel, caractérisé par une composante politique importante d’opportunité, par un système de remise entre autorités judiciaires fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle et sur un degré de confiance élevé entre les États membres (14).

31.      Le principe de reconnaissance mutuelle, « qui constitue la “pierre angulaire” de la coopération judiciaire, implique, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision-cadre, que les États membres sont en principe tenus de donner suite à un mandat d’arrêt européen » (15). Ce principe « repose lui-même sur la confiance réciproque entre les États membres quant au fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux, reconnus au niveau de l’Union, en particulier, dans la Charte » (16).

32.      Les principes de reconnaissance mutuelle et de confiance réciproque sont fondamentaux dans le droit de l’Union, car, comme la Cour l’a affirmé dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru en citant l’avis 2/13 (17), « ils permettent la création et le maintien d’un espace sans frontières intérieures », dans la mesure où, « spécifiquement, le principe de confiance mutuelle impose, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun de ces États de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit » (18).

33.      Par conséquent, hormis les cas de non‑exécution obligatoire énumérés exhaustivement à l’article 3 de la décision-cadre et les cas de non‑exécution facultative visés aux articles 4 et 4 bis de celle‑ci, l’autorité judiciaire d’exécution est en principe tenue d’exécuter un MAE et ne peut le soumettre à des conditions autres que celles prévues à l’article 5 de la décision-cadre.

34.      Par conséquent, « alors que l’exécution du mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution d’un tel mandat est conçu comme une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte » (19).

35.      Le législateur de l’Union a prévu que la mise en œuvre du mécanisme du MAE « ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article [2 TUE], constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, [TUE] avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article » (20).

36.      Il ressort toutefois de l’arrêt Aranyosi et Căldăraru que, mis à part le cas auquel je viens de me référer (à savoir hormis le cas de la constatation formelle par le Conseil, conformément à l’article 7 TUE, d’une violation grave et persistante des valeurs et des droits proclamés à l’article 2 TUE), le droit de l’Union consent à l’inexécution d’un MAE dans d’autres cas spécifiques, à caractère exceptionnel. L’examen des deuxième, troisième et quatrième questions préjudicielles permettra d’apprécier la portée de cette exception.

1.      Sur l’incidence des voies de protection offertes par l’État membre d’émission (première question préjudicielle)

37.      Le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (tribunal régional supérieur de Brême) formule sa première question en l’encadrant dans un contexte factuel très précis, à savoir lorsque les autorités judiciaires d’exécution disposent de « preuves de l’existence, dans les conditions de détention dans l’État membre d’émission, de défaillances systémiques ou généralisées concernant certains groupes de personnes ou certains centres de détention ».

38.      Partant de cette prémisse, la juridiction de renvoi souhaite savoir « quelle incidence ont les possibilités de protection juridique que l’État membre d’émission donne à la personne détenue quant à ses conditions de détention ».

39.      Je considère que, au vu de la manière dont la question est formulée, la juridiction de renvoi pourrait trouver elle-même la réponse qu’elle demande à la Cour. Si les « possibilités de protection juridique [offertes par] l’État membre » étaient suffisantes pour écarter le risque de traitements inhumains ou dégradants, on ne pourrait plus parler de l’« existence de défaillances systémiques ou généralisées ».

40.      Selon moi, la situation décrite par la juridiction de renvoi n’est pas exactement celle qui a donné lieu à l’arrêt Aranyosi et Căldăraru :

–        À l’époque (en 2015), la juridiction de renvoi disait être persuadée, eu égard aux informations disponibles, qu’il existait des indices probants que M. Aranyosi puisse être soumis à des conditions de détention contraires à l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme (ci‑après la « CEDH ») et à l’article 6 TUE, notamment en raison de la surpopulation dans les centres de détention (21).

–        Actuellement (en 2018), la conjoncture a changé et, précisément afin d’actualiser (22) les éléments lui permettant de confirmer ou d’infirmer la conviction qu’elle s’était forgée à l’époque, la juridiction de renvoi a demandé plus d’informations aux autorités hongroises. Eu égard aux informations qu’elle a reçues, elle considère pertinent de tenir compte d’un nouvel élément important, l’introduction de moyens de défense dont l’État d’émission était dépourvu à l’époque où le renvoi préjudiciel ayant abouti à l’arrêt Aranyosi et Căldăraru a été soumis (23).

41.      Selon les (nouvelles) informations données à la juridiction de renvoi par les autorités hongroises, des dispositions juridiques ont été adoptées le 25 octobre 2016 afin de donner la possibilité aux personnes concernées de dénoncer leurs conditions de détention. Selon la décision de renvoi, la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « Cour EDH ») a affirmé que rien n’indique que ces mesures n’offrent pas une possibilité réelle d’amélioration des conditions de détention les rendant conformes à l’interdiction de traitements inhumains ou dégradants (24).

42.      Ainsi, conformément à l’arrêt de la Cour EDH du 14 novembre 2017 (25), cité par la juridiction de renvoi, « rien ne prouve que [les nouvelles mesures adoptées par le législateur hongrois] n’offriront pas de perspectives réalistes d’amélioration de conditions de détention inadéquates et ne seront pas en mesure de donner aux détenus une possibilité effective de rendre ces conditions de détention conformes aux exigences de l’article 3 CEDH » (26), étant donné que le contrôle juridictionnel de l’action de l’autorité pénitentiaire est expressément prévu (27).

43.      Le fait que la législation hongroise dispose, depuis 2016, d’un mécanisme de recours permettant aux détenus d’obtenir la protection de l’autorité judiciaire en cas de conditions de détention inadéquates devrait être suffisant, si ce mécanisme fonctionne convenablement, pour écarter des défaillances systémiques ou généralisées dans le régime pénitentiaire national quant à la garantie du droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. La confiance mutuelle qui, comme indiqué précédemment, est à la base du système du MAE et constitue également la raison d’être de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, plaide en ce sens.

44.      Il se pourrait toutefois que la nouvelle législation ait un caractère plus testimonial qu’effectif, et qu’elle n’offre donc pas de protection suffisante. S’il en allait ainsi, étant donné le « caractère absolu du droit garanti par l’article 4 de la Charte » (28), ce droit devrait être protégé par l’autorité judiciaire d’exécution, pour peu qu’elle « dispose d’éléments attestant d’un risque réel de traitement inhumain ou dégradant des personnes détenues dans l’État membre d’émission » (29).

45.      Pour apprécier la mise en œuvre effective de ce mécanisme de protection, je rappellerai que, conformément à l’arrêt Aranyosi et Căldăraru, les « éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés sur les conditions de détention qui prévalent dans l’État membre d’émission […] peuvent résulter notamment de décisions judiciaires internationales, telles que des arrêtsde la Cour EDH, de décisions judiciaires de l’État membre d’émission ainsi que de décisions, de rapports et d’autres documents établis par les organes du Conseil de l’Europe ou relevant du système des Nations unies » (30).

46.      Or les informations recueillies dans ces affaires permettent de conclure que les remèdes prévus par le législateur hongrois ne constituent pas des solutions théoriques ou inapplicables, mais peuvent avoir des conséquences pratiques effectives.

47.      C’est ce qu’a considéré tout d’abord la Cour EDH, en affirmant que les nouvelles règles ne restent pas lettre morte et pourvoient efficacement à la garantie du droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants.

48.      Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a ensuite loué, dans sa décision de juin 2017 (31), les efforts faits par les autorités hongroises pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale, constatant que les mesures déjà prises semblent avoir produit leurs premiers effets et que l’on peut espérer que celles‑ci, ainsi que d’autres mesures pouvant être adoptées à l’avenir, aident les autorités nationales à mener, au cas par cas, des actions concrètes et efficaces afin de continuer à traiter ce problème (32).

49.      La juridiction de renvoi reconnaît que, au vu de la position de la Cour EDH, « les autorités judiciaires d’exécution pourraient être tenues d’admettre que ces nouvelles possibilités de protection juridique […] écartent un risque réel que la personne poursuivie fasse l’objet d’un traitement inhumain ou dégradant en raison des conditions de sa détention » (33). Cela étant, dans la mesure où la Cour EDH s’est réservée la faculté de se prononcer sur d’éventuelles violations de l’article 3 de la CEDH si les voies de recours nationales s’avèrent infructueuses, la juridiction de renvoi estime que cela suggère que la Cour EDH n’écarte pas purement et simplement le risque que la personne poursuivie fasse l’objet de traitements inhumains ou dégradants (34).

50.      En réalité, la disponibilité manifestée par la Cour EDH pour connaître des recours éventuellement formés par les personnes détenues dont les actions devant les juridictions nationales auraient été infructueuses ne constitue pas l’expression d’une défiance générale et de principe contre le système national de garanties. Il s’agit plutôt d’un rappel de la possibilité, face aux décisions judiciaires nationales ne réparant pas des atteintes concrètes à des droits garantis par la CEDH, de saisir la Cour EDH (35).

51.      La Cour EDH a précisément déclaré, dans l’arrêt Domján, que les voies de recours introduites en Hongrie par la réforme de 2016 devaient être utilisées par M. Domján, « et [par] toute autre personne dans sa position » avant de la saisir (36). Implicitement, elle reconnaît ainsi l’efficacité potentielle de ces voies de recours pour accorder la protection de la CEDH, sans nécessité de recourir à la voie extraordinaire que, par définition, la juridiction européenne représente (37).

52.      La Cour EDH souligne certes ensuite qu’elle peut modifier sa position « quant à l’efficacité potentielle des voies de recours nationales en question si la pratique des autorités nationales démontre, à long terme, que les détenus se voient refuser une relocalisation ou une compensation pour des motifs formels, que les procédures nationales sont excessivement longues ou que la jurisprudence nationale n’est pas conforme aux exigences de la [CEDH] » (38). Toutefois, aussi longtemps qu’elle ne modifie pas sa position, il convient de présumer que les voies de recours établies en 2016 sont efficaces.

53.      Par conséquent, si la situation pénitentiaire a évolué favorablement, dans le sens indiqué précédemment, s’il existe actuellement une réglementation nationale garantissant la protection judiciaire effective des détenus contre d’éventuelles violations de l’article 4 de la Charte du fait des conditions de leur détention et si cette réglementation est efficace, et non purement formelle ou nominaliste, on ne peut plus partir tout bonnement de la prémisse de l’existence des « éléments objectifs, fiables [et] précis […] témoignant de l’existence de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes, soit encore certains centres de détention ».

54.      Je considère que cette solution est la plus conforme à l’arrêt Aranyosi et Căldăraru, aux principes qui sous-tendent la décision-cadre et au respect dû aux juridictions de chaque État (ici, la Hongrie), que l’on ne saurait suspecter, sans fondement, de connivence généralisée en vue de la violation de l’article 4 de la Charte lorsqu’elles émettent des MAE. Un système de coopération pénale fondé sur la confiance judiciaire mutuelle ne saurait survivre si les juridictions de l’État ayant reçu le MAE traitent les demandes faites par celles de l’État d’émission comme si la sensibilité de ces dernières pour garantir la protection des droits fondamentaux était inférieure à celle des premières.

55.      En tout état de cause, la réception d’un MAE ne saurait conduire la juridiction d’exécution à juger la qualité du système pénitentiaire de l’État d’émission ni dans son ensemble ni à la lumière de son propre droit national. Le critère de contrôle ne peut être autre que l’article 4 de la Charte, une garantie de règles minimales, mais une garantie absolue, au service de laquelle doit œuvrer une protection juridictionnelle effective capable de garantir une protection réelle et efficace contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants.

56.      Le fait que la Cour EDH ait constaté que le nouveau régime de recours permet d’offrir cette protection constitue, selon moi, un élément de la plus haute importance pour apprécier la situation générale (première étape du double test Aranyosi) des conditions de détention dans l’État d’émission du MAE. Je dirais presque qu’il s’agit là d’un élément déterminant pour procéder à cette appréciation.

57.      Néanmoins, dans la mesure où, in fine, la garantie d’un droit absolu, dont la protection doit, eu égard à la nature de ce droit, être préventive plutôt que réparatrice, je considère que, nonobstant sa pertinence, l’existence d’un régime de recours efficace pourrait ne pas suffire si la juridiction d’exécution nourrit des doutes fondés quant à l’éventualité que la personne concrètement réclamée puisse être soumise immédiatement à un traitement inhumain ou dégradant, indépendamment de la réparation ultérieure de cette atteinte par des actions en justice efficaces dans l’État d’émission.

58.      Par conséquent, dans une situation telle que celle en cause dans la procédure au principal, dans laquelle la mise en place récente d’un régime judiciaire spécifique de garantie du droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants lors de la détention dans l’État d’émission peut ne pas avoir déployé tous ses effets qui rendraient le risque de sa violation exceptionnel, il serait justifié que la juridiction d’exécution s’intéresse aux conditions dans lesquelles la détention de la personne réclamée aurait lieu (deuxième étape du test Aranyosi).

2.      Sur la portée du contrôle par les autorités judiciaires d’exécution (deuxième, troisième et quatrième questions préjudicielles)

59.      Ces questions sont fondées sur la prémisse qu’il subsiste un risque grave de violation de l’article 4 de la Charte si la juridiction de renvoi accepte d’exécuter le MAE.

60.      Or la Cour a déclaré, dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru, que l’appréciation de ce risque n’était pas suffisante (39) ; en effet, « une fois constatée l’existence d’un tel risque, encore faut‑il, ensuite, que l’autorité judiciaire d’exécution apprécie, de manière concrète et précise, s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée courra ce risque en raison des conditions de sa détention envisagées dans l’État membre d’émission » (40).

61.      Il est donc nécessaire que, outre disposer de la preuve des défaillances systémiques (généralisées) dans les centres de détention de l’État d’émission, le juge de l’exécution vérifie « si, dans les circonstances de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que, à la suite de sa remise à l’État membre d’émission, cette personne courra un risque réel d’être soumise dans cet État membre à un traitement inhumain ou dégradant […] » (41).

62.      La juridiction de renvoi se conforme à ce critère lorsqu’elle tente de vérifier quelles seraient les conditions de détention de ML, ce pour quoi elle a demandé certaines informations complémentaires (42). Sa vérification devrait se limiter, j’insiste, aux informations objectives et raisonnables pouvant lui être données quant aux conditions concrètes et spécifiques qui concerneraient cette personne. Elle ne doit donc pas, à ce stade, rechercher quelles sont les conditions générales en vigueur dans le système pénitentiaire de l’État d’émission.

63.      La juridiction de renvoi demande si, en cas de preuve de défaillances systémiques ou généralisées dans tous ou dans certains centres de détention, le risque que cela suppose pour l’intégrité de la personne réclamée peut être écarté lorsque l’État d’émission a offert une « assurance générale » que cette personne ne fera pas l’objet de tels traitements (43).

64.      Comme la juridiction de renvoi elle‑même le reconnaît, la décision-cadre ne prévoit pas ce type de garanties. Elle n’autorise pas non plus à les exiger (44). Cela étant, dans la mesure où l’objet de la procédure au principal est l’exécution d’un MAE déterminé et non la qualité du système pénitentiaire de l’État d’émission dans son ensemble, je considère que, si les autorités de ce dernier s’engagent (45) à ce que les conditions concrètes de détention de la personne réclamée ne comportent pas de risque réel qu’elle soit soumise à des traitements inhumains ou dégradants, l’autorité judiciaire d’exécution ne saurait ne pas donner à cet engagement l’importance qu’il mérite. Cet engagement constituant l’expression d’une obligation assumée formellement, son non‑respect pourrait être invoqué devant l’autorité judiciaire de l’État d’émission par la personne réclamée.

a)      Sur la provenance des informations nécessaires aux fins de déterminer les conditions de détention

65.      Se pose tout d’abord la question de savoir quelles informations peuvent être utilisées, à cette fin, par le juge de l’exécution et, notamment, quelle est l’autorité à qui il peut les demander ou qui peut les lui fournir.

66.      L’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre prévoit que l’autorité judiciaire d’exécution doit s’adresser, en principe, à la juridiction qui a émis le MAE. La reconnaissance mutuelle est précisément créée à travers le dialogue inter pares instauré par cet article entre l’autorité judicaire d’émission, qui adopte le MAE, et l’autorité d’exécution ou de réception qui doit y donner suite (46).

67.      Conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la décision-cadre, les États membres peuvent désigner une ou plusieurs autorités centrales « pour assister les autorités judiciaires compétentes », auxquelles peuvent également être confiées, selon le paragraphe 2 de cette disposition, « la transmission et la réception administratives des mandats d’arrêt européens, ainsi que de toute autre correspondance officielle la ou les concernant » (47).

68.      Ce point est pertinent, car la juridiction de renvoi a des doutes quant à la question de savoir si elle peut prendre en considération, pour se forger une opinion sur les conditions de détention de ML en Hongrie, des informations relativement auxquelles il n’est pas possible de vérifier si elles proviennent de l’autorité judiciaire d’émission elle‑même ou si elles ont été sollicitées par celle‑ci (48).

69.      La juridiction de renvoi indique que ces informations ont été données par le ministère de la Justice hongrois, sans spécifier si elles l’ont été de manière directe ou par l’intermédiaire de la juridiction d’émission. Dans ce dernier cas, il s’agirait en toute logique d’informations pertinentes aux fins de l’exécution du MAE, étant entendu que leur valeur juridique découle du fait que la juridiction d’émission les a reprises et les a avalisées.

70.      Les autorités judiciaires d’émission et d’exécution sont les seuls protagonistes actifs dans le cadre du traitement du MAE. En effet, l’autorité d’exécution doit adresser ses demandes d’informations à l’autorité d’émission, qui est tenue d’y répondre (49). Ce rôle des juridictions a lieu sans préjudice de la fonction de pure assistance que peuvent avoir, le cas échéant, les autorités centrales désignées par les États membres en vertu de l’article 7 de la décision-cadre (50).

71.      Par conséquent, l’autorité judiciaire d’exécution doit tenir compte des informations qui ont été fournies par l’autorité d’émission ou qui, provenant de l’autorité centrale (ou de l’une des autorités centrales) de l’État d’émission, ont été reprises et transmises par l’autorité judiciaire d’émission.

72.      Ce qui précède doit être interprété sans préjudice de la possibilité pour l’autorité judiciaire d’exécution d’utiliser également toute autre information qu’elle pourrait solliciter aux fins de constater l’existence d’« éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés » (51) de nature à établir un risque réel de traitement inhumain ou dégradant.

73.      Ces autres informations peuvent lui parvenir au cours de la procédure nationale de traitement du MAE, à la demande de la personne réclamée ou du ministère public qui, en Allemagne, agit en tant qu’autorité judiciaire d’exécution (52). Cela étant, de même que les informations obtenues par ce biais ne peuvent cesser d’être soumises à l’appréciation prudente de celui qui les sollicite (53), les informations fournies par l’autorité judiciaire d’émission – que ce soit directement ou avec son aval – ne sauraient faire l’objet d’un contrôle allant au-delà de la constatation de leur provenance, puisque, s’agissant de leur contenu, la confiance à la base de la reconnaissance mutuelle doit prévaloir par principe.

b)      Sur la portée des informations nécessaires aux fins de déterminer les conditions de détention

74.      Selon la décision de renvoi, la juridiction de renvoi n’a pas reçu, à l’expiration du délai qu’elle avait fixé, toutes les informations qu’elle avait demandées (54). Il y a par conséquent lieu d’examiner quelles pourraient être les conséquences de ce comportement (par omission) de la juridiction d’émission.

75.      Avant de me prononcer sur ces conséquences, il n’est pas inutile de souligner que la demande d’informations doit se limiter aux informations indispensables dans chaque cas d’espèce. L’objectif des informations demandées est de vérifier s’il existe un risque réel que la personne réclamée soit soumise à des traitements inhumains ou dégradants. La demande ne devrait pas s’étendre à d’autres questions, y compris d’ordre pénitentiaire, qui ne seraient pas strictement liées à ce risque spécifique et au degré plus ou moins élevé de bien-être dans les prisons.

76.      Or, parmi les nombreuses questions posées par la juridiction d’exécution à la juridiction d’émission, certaines excèdent notoirement les questions pertinentes aux fins d’apprécier l’existence d’un risque de traitement inhumain ou dégradant. Ainsi, j’estime que les questions relatives notamment à la possibilité de fumer, aux modalités de nettoyage des vêtements des détenus ou à l’installation de grilles ou de persiennes aux fenêtres des cellules (55) vont au-delà de ce qui est nécessaire aux fins de constater l’existence d’un tel risque.

77.      Dans le même sens, selon moi, les informations demandées ne doivent pas se référer à tous les centres de détention de l’État membre d’émission, mais uniquement à ceux appelés à accueillir la personne réclamée.

78.      Je suis d’accord sur ce point avec la Commission (56) et je considère, comme le gouvernement allemand (57), dont la position a été reprise, lors de l’audience, par la majeure partie des gouvernements étant intervenus, que l’approche devrait être limitée aux effets prévisibles de la remise dont l’État membre d’exécution a pu ou a dû avoir connaissance au moment de la remise. Je considère qu’il s’agit là d’un critère raisonnable, qui est en outre conforme à la jurisprudence de la Cour EDH relative à la responsabilité de l’État d’exécution (58).

79.      Sous cet angle, ce qui est prévisible concerne tant le centre de détention dans lequel la personne réclamée sera détenue immédiatement après la remise que le centre où elle sera envoyée aux fins de sa détention ultérieure (59). Les autres centres dans lesquels elle pourrait être transférée au cours de l’exécution de la peine privative de liberté (60) n’entreraient pas dans le domaine des effets prévisibles dont la connaissance peut être exigée de l’État d’exécution.

c)      Sur les conséquences de l’absence de réponse, par le juge d’émission, aux demandes d’information du juge de l’exécution

80.      Si l’information sollicitée et non reçue est pertinente aux fins d’exclure la possibilité que la personne réclamée soit soumise à des traitements inhumains ou dégradants, le devoir de coopération loyale et la diligence dans la gestion de ses propres intérêts doit conduire la juridiction ayant émis le MAE à fournir à l’autorité judiciaire d’exécution toutes les informations demandées par celle‑ci.

81.      Si les doutes de la juridiction d’exécution persistent du fait de l’absence d’informations complémentaires, lorsque, je le répète, ces informations sont nécessaires pour qu’elle se forge une opinion, elle est en mesure de reporter sa décision finale. Je dis reporter et non refuser, car la jurisprudence établie dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru n’implique pas irrémédiablement l’obligation pour l’autorité judiciaire d’exécution, en cas de risque attesté, non pas général et abstrait mais concret et personnel, de violation de l’article 4 de la Charte, de refuser la remise de la personne réclamée.

82.      En effet, la Cour a affirmé que, si la juridiction d’exécution constate, au regard des informations fournies « qu’il existe, à l’égard de la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen, un risque réel de traitement inhumain ou dégradant […], l’exécution de ce mandat doit être reportée mais elle ne saurait être abandonnée » (61).

83.      Dans un tel cas, ce qui importe avant tout est de garantir le droit à la liberté (article 6 de la Charte) de la personne réclamée si elle est détenue à la suite du MAE (62). Les mesures adoptées en faveur du droit à la liberté ne sauraient toutefois porter préjudice à l’exécution du MAE aussi longtemps qu’aucune décision définitive sur cette exécution n’est prise (63).

84.      La Cour ajoute que, « [s]i l’existence de ce risque [de traitement inhumain ou dégradant] ne peut pas être écartée dans un délai raisonnable, cette autorité doit décider s’il y a lieu de mettre fin à la procédure de remise » (64). J’estime donc que la procédure ne se termine pas automatiquement après la constatation d’un tel risque, l’autorité judiciaire d’exécution pouvant prendre un moment pour décider d’y mettre fin. Selon moi, en utilisant l’expression « mettre fin à la procédure de remise » et non l’expression « refuser ou ne pas exécuter le MAE », la Cour transfère d’une certaine manière la responsabilité de la poursuite de la procédure à l’autorité judiciaire d’émission qui ne répond pas aux demandes d’informations complémentaires.

85.      Si l’existence du risque n’a pas pu être écartée faute de réponse de la juridiction d’émission à la demande d’informations faite par la juridiction d’exécution, cette dernière peut s’adresser à la première et l’informer que, dans ces conditions, elle ne poursuit pas la procédure de remise.

86.      En résumé, avant de décider de ne pas poursuivre la procédure de remise, la juridiction d’exécution doit apprécier si, au vu des informations dont elle dispose, elle peut écarter le risque de traitements inhumains et dégradants dans le centre de détention dans lequel, selon les autorités hongroises, la personne réclamée serait détenue immédiatement après sa remise ainsi que dans le centre dans lequel il est prévisible qu’elle soit transférée afin de purger la peine pour laquelle elle a été réclamée.

87.      Cette appréciation ne saurait toutefois s’étendre au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour écarter le risque d’un traitement inhumain ou dégradant, qui ne peut être purement et simplement identifié au regard des conditions de bien-être plus ou moins élevé dans le centre pénitentiaire.

V.      Conclusion

88.      Eu égard aux réflexions qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (tribunal régional supérieur de Brême, Allemagne) comme suit :

« L’article 1er, paragraphe 3, l’article 5 et l’article 6, paragraphe 1, de la décision‑cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, lus conjointement avec l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que :

1)      L’existence de voies de recours nationales garantissant de manière effective, en pratique, la protection du droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en ce qui concerne les conditions de détention constitue un élément particulièrement important aux fins d’écarter le risque de subir de tels traitements en raison de défaillances systémiques ou généralisées concernant certains groupes de personnes ou certains centres de détention.

2)      Dans une situation telle que celle en cause dans la procédure au principal, dans laquelle la mise en place récente d’un régime judiciaire de garantie du droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en raison des conditions de détention dans l’État d’émission peut ne pas avoir déployé tous ses effets qui rendraient le risque de sa violation exceptionnel, il est justifié que l’autorité judiciaire d’exécution s’intéresse aux conditions dans lesquelles la détention de la personne réclamée aurait lieu.

3)      L’autorité judiciaire d’exécution doit également apprécier, en tant qu’élément particulièrement important, la garantie donnée, le cas échéant, par l’autorité compétente, administrative ou judiciaire, de l’État d’émission, par laquelle elle s’engage à ce que la personne réclamée ne soit pas soumise à des traitements inhumains ou dégradants pendant sa détention. Cet engagement constituant l’expression d’une obligation assumée formellement, son non‑respect pourrait être invoqué devant l’autorité judiciaire de l’État d’émission.

4)      Les informations pertinentes aux fins d’apprécier si la personne réclamée court le risque d’être soumise à des traitements inhumains ou dégradants du fait de ses conditions spécifiques de détention doivent, en principe, être demandées à l’autorité judiciaire d’émission et reçues de celle‑ci. Les informations que la juridiction d’émission a reprises ou avalisées doivent prévaloir dans l’appréciation devant être faite par l’autorité judiciaire d’exécution.

5)      Les centres de détention relativement auxquels des informations complémentaires doivent être demandées sont ceux dans lesquels il est prévisible que la personne réclamée soit détenue afin de purger la peine qui lui a été infligée.

6)      Si l’autorité judiciaire d’émission ne fournit pas à l’autorité judiciaire d’exécution les informations requises par cette dernière conformément à l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584/JAI, l’autorité judiciaire d’exécution peut informer l’autorité judiciaire d’émission que, dans ces conditions, elle ne poursuit pas la procédure de remise. »


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Décision-cadre du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci‑après la « décision-cadre »).


3      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198).


4      Loi sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale, du 23 décembre 1982 (ci‑après l’« IRG »).


5      La modification a été faite par l’Europäisches Haftbefehlsgesetz (loi relative au mandat d’arrêt européen), du 20 juillet 2006 (BGBl. 2006 I, p. 1721).


6      Recommandation Rec(2006)2 sur les règles pénitentiaires européennes (http://www.right-to-education.org/sites/right-to-education.org/files/resource-attachments/Conseil_Europe_Recommandation_Regles_Penitentiaires_Europeennes_2_2006_FR.pdf).


7      Appelées « règles Nelson Mandela » (https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/GA-RESOLUTION/F-book.pdf).


8      De manière très circonstanciée, la juridiction souhaitait connaître les conditions du régime de détention, notamment les dimensions et les caractéristiques des cellules, l’assistance médicale, les repas, les conditions concernant les toilettes, l’habillement, le chauffage et le nettoyage, les visites, les activités et le temps libre, l’existence de violence entre les détenus ou l’utilisation de moyens coercitifs par le personnel pénitentiaire.


9      Le ministère public allemand a reconnu, lors de l’audience, que, le 27 mars 2018, les autorités hongroises ont réitéré, par écrit, la garantie mentionnée au point 18 des présentes conclusions.


10      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, dispositif).


11      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, dispositif).


12      La nouvelle affaire Aranyosi II a ainsi perdu son objet, ainsi que la Cour l’a déclaré dans l’ordonnance du 15 novembre 2017, Aranyosi (C‑496/16, non publiée, EU:C:2017:866).


13      Décision de renvoi, section I, deuxième alinéa, in fine.


14      Voir notamment arrêt du 16 juillet 2015, Lanigan (C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 27).


15      Arrêt du 25 janvier 2017, Vilkas (C‑640/15, EU:C:2017:39, point 68).


16      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 77 et jurisprudence citée).


17      Avis – Adhésion de l’Union à la CEDH, du 18 décembre 2014, EU:C:2014:2454, point 191.


18      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 78). Dans un autre contexte (celui de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale), mais dans le même sens, la Cour a jugé que « les systèmes de reconnaissance et d’exécution des décisions rendues dans un État membre établis par ledit règlement [règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1)] sont fondés sur le principe de confiance réciproque entre les États membres quant au fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux, reconnus au niveau de l’Union, en particulier, dans la charte des droit fondamentaux » (arrêt du 22 décembre 2010, Aguirre Zarraga, C‑491/10 PPU, EU:C:2010:828, point 70).


19      Arrêt du 23 janvier 2018, Piotrowski (C‑367/16, EU:C:2018:27, point 48).


20      Considérant 10 de la décision-cadre.


21      En ce sens, arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, points 42 à 45).


22      La Cour a clairement indiqué dans sa réponse que « la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes, soit encore certains centres de détention » doit « se fonder sur des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés » (arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 89, mis en italique par mes soins).


23      Le gouvernement hongrois reproche à la juridiction de renvoi de ne pas avoir suffisamment tenu compte, outre l’introduction de ces voies de recours, des progrès accomplis dans la situation des prisons hongroises, en raison de la baisse du nombre de détenus, de l’augmentation du nombre de places disponibles et de l’utilisation accrue du régime d’assignation à résidence (points 13 et 14 de ses observations écrites).


24      Point 30 de la décision de renvoi.


25      Cour EDH, 14 novembre 2017, Domján c. Hongrie, CE:ECHR:2017:1114DEC000543317.


26      Cour EDH, 14 novembre 2017, Domján c. Hongrie, CE:ECHR:2017:1114DEC000543317, § 22.


27      Cour EDH, 14 novembre 2017, Domján c. Hongrie, CE:ECHR:2017:1114DEC000543317, point 22 in fine. Dans ce même arrêt, la Cour EDH a examiné si les mesures juridiques de 2016 avaient servi à remédier efficacement aux déficiences constatées dans le système pénitentiaire hongrois par l’arrêt de la Cour EDH, du 10 mars 2015, Varga e.a. c. Hongrie (CE:ECHR:2015:0310JUD001409712).


28      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 86).


29      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 88).


30      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 89, mise en italique par mes soins).


31      Décision adoptée lors de sa réunion no 1288, qui s’est tenue les 6 et 7 juin 2017 (CM/Notes/1288/H46-16). La Cour EDH s’y réfère dans son arrêt du 14 novembre 2017, Domján c. Hongrie (CE:ECHR:2017:1114DEC000543317, point 23).


32      La juridiction de renvoi soutient en revanche que la situation de surpopulation persiste (elle considère insuffisante la création, depuis 2015, de plus de 1 000 places de prison) et qu’elle n’a pas d’informations sur l’incidence de la commutation de la détention en résidence surveillée (point 28 de la décision de renvoi).


33      Décision de renvoi, point 34.


34      Décision de renvoi, point 35.


35      Il est constant que la Cour EDH ne peut se prononcer qu’après épuisement des voies de recours nationales. Par conséquent, chacun de ses arrêts faisant droit à un recours présuppose l’existence d’une décision judiciaire nationale qui n’a pas permis de réparer l’atteinte finalement appréciée, sans que cela signifie la remise en cause de l’efficacité pratique de l’ensemble du système national de garantie des droits fondamentaux.


36      Cour EDH, 14 novembre 2017, Domján c. Hongrie, CE:ECHR:2017:1114DEC000543317, point 35.


37      Dans cette affaire, la Cour EDH a indiqué que les recours nationaux introduits par la personne concernée étaient encore pendants.


38      Cour EDH, 14 novembre 2017, Domján c. Hongrie, CE:ECHR:2017:1114DEC000543317, point 38.


39      « [L]e constat de l’existence d’un risque réel de traitement inhumain ou dégradant en raison des conditions générales de détention dans l’État membre d’émission ne saurait conduire, comme tel, au refus d’exécuter un mandat d’arrêt européen » (arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 91).


40      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 92). Mise en italique par mes soins.


41      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 94).


42      La juridiction de renvoi s’est ainsi conformée au point 95 de l’arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198) : « [L]adite autorité [judiciaire d’exécution] doit, en application de l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre, demander à l’autorité judiciaire de l’État membre d’émission la fourniture en urgence de toute information complémentaire nécessaire en ce qui concerne les conditions dans lesquelles il est envisagé de détenir la personne concernée dans cet État membre. »


43      Point 48, sous c), de la décision de renvoi. Il s’agissait en fait d’une assurance particulière plus que générale, puisqu’elle était donnée spécifiquement en relation avec ML.


44      L’exécution du MAE ne peut être subordonnée qu’aux conditions prévues dans les cas particuliers visés à l’article 5 de la décision-cadre (réclusion à perpétuité et ressortissants ou résidents de l’État d’exécution).


45      L’engagement doit provenir de l’autorité compétente en matière d’établissements pénitentiaires, qui, normalement, ne sera pas le juge ayant prononcé la condamnation ni celui ayant émis le MAE.


46      Voir point 43 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Poltorak (C‑452/16 PPU, EU:C:2016:782).


47      Voir points 44 à 50 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Poltorak (C‑452/16 PPU, EU:C:2016:782) relativement à la fonction purement administrative de ces autorités.


48      Point 59 de la décision de renvoi.


49      À nouveau en application du point 97 de l’arrêt Aranyosi et Căldăraru, du 5 avril 2016, C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198 : « Conformément à l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre, l’autorité judiciaire d’exécution peut fixer une date limite pour la réception des informations complémentaires sollicitées de l’autorité judiciaire d’émission. Ce délai doit être adapté au cas d’espèce, afin de laisser à cette dernière autorité le temps nécessaire pour collecter lesdites informations, au besoin en requérant à cette fin l’assistance de l’autorité centrale ou de l’une des autorités centrales de l’État membre d’émission […]. En vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre, ledit délai doit toutefois tenir compte de la nécessité de respecter les délais fixés à l’article 17 de la décision-cadre. L’autorité judiciaire d’émission est tenue de fournir ces informations à l’autorité judiciaire d’exécution » (mise en italique par mes soins).


50      En Hongrie, il s’agit du ministère de la Justice, ainsi qu’il ressort de la communication adressée par le gouvernement hongrois au secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, le 26 avril 2004, en application de l’article 7, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision-cadre (ST 8929 2004 INIT, du 27 avril 2004).


51      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 89).


52      Selon la note transmise par le gouvernement allemand au secrétariat général du Conseil, le 7 août 2006 (ST 12509 2006 INIT, du 7 septembre 2006), « les autorités judiciaires compétentes conformément à l’article 6 [de la décision-cadre] sont les ministères de la Justice de l’État fédéral et des Länder. En règle générale, les Länder ont transmis l’exercice de leurs compétences découlant de la décision-cadre […] relatives à l’admission des demandes qui leur sont soumises (article 6, paragraphe 2) aux ministères publics des Länder ». Il ne semble pas que cette communication ait été modifiée après l’arrêt de la Cour du 10 novembre 2016, Kovalkovas (C‑477/16 PPU, EU:C:2016:861), dans lequel la Cour a déclaré que le ministère de la Justice lituanien ne pouvait pas être qualifié d’autorité judiciaire au sens de l’article 6 de la décision-cadre.


53      La juridiction de renvoi en l’espèce assume également, d’une certaine manière, la fonction d’autorité judiciaire d’exécution, malgré ce qui a été indiqué dans la note précédente, car elle intervient au stade de la recevabilité du MAE, conformément aux articles 29 et 32 de l’IRG (point 17 de la décision de renvoi). La dualité d’autorités concomitantes semble inspirée de la même procédure et des mêmes principes que ceux régissant l’extradition. Comme cela a déjà été souligné dans un rapport du 31 mars 2009 soumis par le Conseil aux États membres après la quatrième série d’évaluations mutuelles sur l’application pratique des MAE, les dispositions de l’IRG en la matière, y compris après la réforme de 2006, « n’aident pas à comprendre que la remise sur le fondement d’un MAE n’est pas uniquement une variante légèrement différente de l’extradition classique, mais une nouvelle forme d’assistance fondée sur des principes complètement différents […]. Dans ces conditions, les experts considèrent qu’il y a un risque que les autorités judiciaires [allemandes] recourent à la législation et à la jurisprudence en matière d’extradition […] » (ST 7058 2009 REV 2, du 30 avril 2009, Evaluation report on the fourth round of mutual evaluations « The practical application of the European Arrest Warrant and corresponding surrender procedures between Member States », report on Germany, p. 35).


54      Au point 21 de ses observations écrites, le gouvernement hongrois reproche à la juridiction de renvoi de ne pas avoir attendu sa réponse.


55      Point 10 de la décision de renvoi. Voir note en bas de page 8 des présentes conclusions.


56      Points 14 à 19 des observations écrites de la Commission.


57      Points 19 et 20 des observations écrites du gouvernement allemand, qui se fait l’écho de la suggestion du gouvernement des Pays‑Bas lors de l’affaire Aranyosi II (ordonnance du 15 novembre 2017, Aranyosi, C‑496/16, non publiée, EU:C:2017:866).


58      Arrêts de la Cour EDH du 30 octobre 1991, Vilvarajah e.a c. Royaume-Uni (requêtes nos 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87, CE:ECHR:1991:1030JUD001316387), et du 4 février 2005, Mamatkulov et Askarov c. Turquie (requêtes nos 46827/99 et 46951/99, CE:ECHR:2005:0204JUD004682799).


59      La juridiction de renvoi indique que, selon le ministère de la Justice hongrois, ML « serait tout d’abord détenu […] pour la durée de la procédure de remise dans le centre de détention de la capitale à Budapest et ensuite dans le centre de détention régional de Szombathely ». Elle ajoute que, « d’après les informations en sa possession », elle avait déjà décidé, le 9 janvier 2018, que « l’exécution de la peine dans le centre de détention indiqué de Szombathely ne soulève pas d’objection » (décision de renvoi, points 9 et 10). Si c’est le cas, le problème porte uniquement sur le temps de détention limité dans la prison de Budapest.


60      Les éléments en fonction desquels un détenu est assigné à un centre de détention déterminé sont très variés (progression dans l’accomplissement de la peine, situation personnelle et familiale, traitement pénitentiaire, etc.) et difficiles à apprécier à l’avance.


61      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 98, mise en italique par mes soins).


62      La Cour insiste sur le fait que « l’autorité judiciaire d’exécution doit respecter l’exigence de proportionnalité, prévue à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, quant à la limitation de tout droit ou de toute liberté reconnus par celle‑ci. En effet, l’émission d’un mandat d’arrêt européen ne saurait justifier le maintien de la personne concernée en détention sans aucune limite temporelle » (arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 101).


63      « [S]i l’autorité judiciaire d’exécution conclut […] qu’elle est tenue de mettre fin à la détention de la personne recherchée, il lui appartient alors, en vertu des articles 12 et 17, paragraphe 5, de la décision-cadre, d’assortir la mise en liberté provisoire de cette personne de toute mesure qu’elle estimera nécessaire en vue d’éviter sa fuite et de s’assurer que les conditions matérielles nécessaires à sa remise effective restent réunies aussi longtemps qu’aucune décision définitive sur l’exécution du [MAE] n’est prise » (arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 102, mise en italique par mes soins).


64      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 104 in fine).