Language of document : ECLI:EU:T:2011:379

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 juillet 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale OFTAL CUSI – Marque communautaire verbale antérieure Ophtal – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑160/09,

Dr. Robert Winzer Pharma GmbH, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Me S. Schneller, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Alcon Inc, établie à Hünenberg (Suisse), représentée par Me M. Vidal-Quadras Trias De Bes, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 4 février 2009 (affaire R 1471/2007‑1), relative à une procédure d’opposition entre Dr. Robert Winzer Pharma GmbH et Alcon Inc,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 avril 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 7 octobre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 22 septembre 2009,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

à la suite de l’audience du 20 janvier 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 février 2004, Alcon Cusi, SA (qui a transféré ses droits ultérieurement à Alcon Inc., a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque verbale OFTAL CUSI.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits pharmaceutiques et hygiéniques ; préparations pharmaceutiques ophtalmologiques et oto-rhino-laryngologiques ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 50/2004, du 13 décembre 2004.

5        Le 10 mars 2005, la requérante, Dr. Robert Winzer Pharma GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée, pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus. À l’appui de son opposition, la requérante invoquait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure Ophtal, enregistrée le 19 décembre 2003 sous le numéro 489948, pour les « produits pharmaceutiques, ainsi que préparations de soins de santé, à savoir médicaments pour les yeux, le nez et les oreilles ; produits d’entretien, de mouillage, de conservation, de nettoyage, de rinçage et de désinfection pour lentilles de contact ; produits humidifiants pour prothèses oculaires ».

7        Par décision du 16 juillet 2007, la division d’opposition n’a pas fait droit à l’opposition, estimant qu’il n’existait aucun risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée.

8        Le 13 septembre 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 4 février 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours dans son intégralité et a confirmé la décision de la division d’opposition, au motif que les conditions de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’étaient pas réunies.

10      En premier lieu, la chambre de recours a indiqué que, eu égard à la nature des produits désignés par la marque antérieure, le public pertinent était composé de professionnels de la santé et de patients, lesquels ont un niveau d’attention élevé.

11      En deuxième lieu, elle a considéré que les produits désignés par les marques en conflit étaient identiques.

12      En troisième lieu, elle a procédé à la comparaison des signes. Au préalable, elle a estimé que, en raison du lien conceptuel évident entre l’élément verbal « ophtal » et l’ophtalmologie, la marque antérieure présente un faible degré de caractère distinctif. En ce sens, elle a considéré que l’élément verbal « oftal » est faiblement distinctif en ce qu’il indique la destination du produit.

13      Sur le plan visuel, elle a conclu à l’absence de similitude entre la marque antérieure et la marque demandée, cette dernière reproduisant l’élément verbal faiblement distinctif « oftal » auquel est accolé l’élément verbal « cusi » qui ne ressemble aucunement à la marque antérieure. Sur le plan phonétique, elle a estimé que la similitude était faible en raison de la présence de l’élément verbal « cusi ». Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un lien entre les éléments verbaux « ophtal » et « oftal », mais a considéré que les consommateurs ne lui attribueraient pas beaucoup de poids dans la mesure où ce contenu décrit les produits.

14      En quatrième lieu, la chambre de recours a considéré que la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, Rec. 2005 p. I‑8551), était applicable en l’espèce. Elle a ainsi estimé que, comme ce fut le cas pour l’élément verbal « thomson » dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Medion précité, il était probable que l’élément verbal « cusi » serait perçu comme une raison sociale. Mais elle a considéré que, en tout état de cause, les professionnels de la santé et les patients sont suffisamment observateurs pour ne pas confondre deux marques, lorsque le seul élément commun est descriptif.

15      En cinquième lieu, procédant à l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a conclu à l’absence de tout risque de confusion.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        faire droit à l’opposition pour tous les produits visés par la demande de marque communautaire ;

–        ordonner la tenue d’une audience orale ;

–        condamner l’OHMI et, le cas échéant, l’intervenante aux entiers dépens ;

–        subsidiairement, renvoyer l’affaire devant l’OHMI.

17      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

18      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

19      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Dans le cadre du premier moyen, elle fait grief à la chambre de recours d’avoir violé les dispositions générales des directives relatives aux procédures devant l’OHMI. Dans le cadre du second moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

20      Au préalable, le Tribunal fait observer que la requérante opère un renvoi global aux arguments exposés dans ses écritures dans le cadre de la procédure antérieure devant l’OHMI, à titre de complément aux arguments développés dans la requête, et souligne que ceux-ci doivent également être considérés comme faisant partie de l’argumentation développée dans le cadre du présent recours.

21      Selon une jurisprudence constante, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 décembre 1961, Fives Lille Cail e.a./Haute Autorité, 19/60, 21/60, 2/61 et 3/61, Rec. p. 559, 588, et arrêt du Tribunal du 16 mars 2004, Danske Busvognmænd/Commission, T‑157/01, Rec. p. II‑917, point 45). À cet égard, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions pertinentes, doivent figurer dans la requête (ordonnance du Tribunal du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 94 à 101).

22      Ainsi, dans la mesure où la requérante ne fait pas spécifiquement référence à des points précis de ses écritures contenant les arguments développés dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, les références générales auxdites écritures doivent être déclarées irrecevables.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

 Arguments de parties

23      La requérante soutient que les directives relatives aux procédures devant l’OHMI, partie A, directives concernant les dispositions générales des procédures devant l’OHMI, point 2.5.1 (JO OHMI 6/06, p. 651), et les principes à la base de ces dispositions ont été violés. La requérante fait en effet valoir que la motivation de la décision attaquée est insuffisante et contradictoire de sorte qu’il n’est pas possible d’examiner la légalité de la décision attaquée.

24      En premier lieu, la requérante estime que la chambre de recours a présenté une motivation contradictoire, d’une part, en affirmant, que le terme « ophtal » est fréquemment utilisé et, d’autre part, en indiquant, que ce même terme n’existe dans aucune langue. Or, selon la requérante, la question de savoir si ce terme est fréquemment utilisé ou n’existe dans aucune langue revêtirait une importance fondamentale pour l’appréciation du caractère distinctif initial de la marque antérieure.

25      En deuxième lieu, elle souligne que le raisonnement de la chambre de recours est contradictoire lorsque celle-ci a, d’une part, constaté l’existence d’une faible similitude entre les signes en conflit sur le plan phonétique et, d’autre part, a conclu à l’absence de similitude entre ceux-ci dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion. Selon la requérante, la motivation de la décision attaquée ne lui permettrait ainsi pas de déterminer si, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a tiré les conséquences de l’existence d’une faible similitude phonétique entre les signes en conflit.

26      En troisième lieu, la requérante constate que la chambre de recours a considéré que les principes de l’arrêt Medion, point 14 supra, s’appliquaient en l’espèce. Elle relève à cet égard que la chambre de recours a admis que l’élément verbal « cusi » serait probablement perçu comme une raison sociale. Elle soutient que la chambre de recours n’a tiré cependant aucune conséquence de cette considération et a poursuivit, au contraire, son raisonnement sur la base de l’hypothèse selon laquelle ledit élément verbal ne serait pas reconnu comme une raison sociale. La requérante y voit une contradiction dans les motifs de la décision attaquée.

27      En quatrième lieu, elle affirme avoir présenté des éléments de preuve relatifs au caractère distinctif élevé de la marque antérieure démontrant que plusieurs marques usant de l’élément verbal « ophtal » étaient utilisées et constate que la décision attaquée ne comporte pas de motif relatif au fait que ledit élément verbal « ophtal » constitue le signe principal d’une famille de marques. À cet égard, elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir examiné ni, a fortiori, motivé si, du fait de l’adjonction de l’élément verbal « cusi », le public pertinent pourrait confondre indirectement les signes en conflit par le biais d’une association d’idées et conclure ainsi que les produits proviennent d’entreprises économiquement liées.

28      En cinquième lieu, la requérante estime que certains éléments de preuve démontrant le caractère distinctif élevé de la marque antérieure n’ont pas été pris en compte. Elle vise, premièrement, une déclaration du président de la fédération professionnelle des ophtalmologistes en Allemagne qui atteste que 80 % de ceux-ci associent l’élément verbal « ophtal » à des préparations de la requérante, deuxièmement, une attestation de la même fédération que les préparations de la famille des marques comprenant le signe « ophtal » faisaient partie des préparations les plus fréquemment prescrites et, troisièmement, une reproduction de la série des marques contenant le signe « ophtal » ainsi que des emballages des produits reproduisant ces marques.

29      En sixième lieu, la requérante se prévaut du fait que les conclusions de la chambre de recours relatives à la comparaison des signes sur le plan conceptuel contenues dans la décision attaquée et celles mentionnées dans la décision du 17 juillet 2008 relative à la marque demandée sont contradictoires, alors qu’elles reposent sur des affirmations identiques. Elle constate en effet que, dans l’une, l’existence d’un lien conceptuel avec l’ophtalmologie serait admis tandis que, dans l’autre, l’existence dudit lien n’apparaîtrait pas évident.

30      En septième lieu, la requérante constate que la chambre de recours ne s’est pas exprimée sur l’incidence, sur le plan visuel, du fait que l’élément verbal « oftal » figure en tête de la marque et que l’élément verbal « cusi » est sensiblement plus court que celui-ci.

31      L’OHMI et la partie intervenante réfutent ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

32      À titre liminaire, il y a lieu de relever que les directives relatives aux procédures devant l’OHMI dont se prévaut la requérante ne sauraient servir de fondement au premier moyen. En effet, ainsi que le souligne l’OHMI, ces directives ne sont nullement des textes à caractère législatif et ne peuvent être considérées que comme des instructions générales.

33      Toutefois, à la lumière des développements contenus dans le premier moyen, celui-ci peut aisément s’interpréter comme tiré de la violation de l’obligation de motivation visé à l’article 73 du règlement n° 40/94 (devenu article 75 du règlement n° 207/2009).

34      En vertu de l’article 73 du règlement n° 40/94, les décisions de l’OHMI doivent être motivées et celles-ci ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. De plus, la règle 50, paragraphe 2, sous h), du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), dispose que la décision de la chambre de recours doit contenir les motifs de la décision. L’obligation de motivation prévue par ces dispositions a la même portée que celle consacrée par l’article 253 CE [voir arrêt du Tribunal du 2 avril 2009, Zuffa/OHMI (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP), T‑118/06, Rec. p. II‑841, point 18 et la jurisprudence citée].

35      Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Ainsi, l’obligation de motiver ses décisions qui incombe à la chambre de recours a pour double objectif, d’une part, de faire connaître aux intéressés les justifications des mesures prises, afin qu’ils puissent défendre leurs droits, et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union de contrôler la légalité de ces décisions (voir arrêt ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP, point 34 supra, point 19, et la jurisprudence citée).

36      La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement du libellé de celle-ci, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP, point 34 supra, point 20, et la jurisprudence citée).

37      En premier lieu, la requérante soutient à tort qu’il existe une contradiction dans les motifs de la décision attaquée en ce que la chambre de recours aurait affirmé, d’une part, que l’élément verbal « ophtal » est un terme fréquemment utilisé dans un certain nombre de langues et, d’autre part, que ce même terme n’existe dans aucune langue.

38      En effet, il ressort du point 16 de la décision attaquée que l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle « le mot ‘Ophtal’ n’existe en tant que ‘terme’ dans aucune langue » doit se comprendre dans le sens que l’élément verbal « ophtal » n’est pas un nom commun qui existe de façon autonome. Cette affirmation n’est nullement contradictoire avec celle selon laquelle cet élément verbal est fréquemment utilisé dans un certain nombre de langues. La chambre de recours cite à cet égard les mots « ophtalmologie » et « ophtalmologue » dans lequel le mot « ophtal » n’est qu’une partie d’un nom commun et n’existe pas de façon autonome.

39      L’affirmation précitée de la chambre de recours n’est pas non plus contradictoire avec le constat selon lequel le lien conceptuel entre l’élément verbal « ophtal » et l’ophtalmologie est évident. En effet, la chambre de recours veut seulement souligner que le fait que l’élément verbal « ophtal » n’existe en tant que nom commun dans aucune langue n’implique pas pour autant qu’il n’évoque pas une signification dans l’esprit du consommateur.

40      En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’y a pas de contradiction entre les motifs selon lesquels, d’une part, il existe une faible similitude entre les signes en conflit sur le plan phonétique et, d’autre part, il y a lieu de conclure, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, à l’absence de similitude entre les signes en conflit.

41      En effet, la décision attaquée fait apparaître que la similitude phonétique ne concerne que l’élément verbal commun « ophtal » et que ce dernier n’est que faiblement distinctif du fait qu’il présente un lien avec l’œil.

42      Partant, il ressort implicitement mais certainement de la décision attaquée que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a notamment tenu compte du caractère faible de la similitude phonétique pour conclure à l’absence de similitude entre les signes résultant de l’impression d’ensemble produite par ceux-ci. Ainsi, la motivation contenue dans la décision attaquée permet de comprendre la mesure dans laquelle la similitude phonétique a été prise en compte.

43      En troisième lieu, la chambre de recours ne s’est pas contredite en considérant tout d’abord que la jurisprudence issue de l’arrêt Medion, point 14 supra, s’appliquait en l’espèce, en précisant ensuite que l’élément verbal « cusi » serait perçu comme une dénomination sociale, et en relevant enfin que, même si cet élément n’était pas perçu comme tel, le public pertinent ne confondrait pas les deux marques en conflit dont l’unique élément commun est descriptif.

44      En effet, bien que les motifs contenus dans le point 22 de la décision attaquée soient maladroitement rédigés, ils constituent une réponse aux arguments présentés par la requérante dans le cadre de son recours à l’encontre de la décision de la division d’opposition. La requérante avait soutenu que la jurisprudence issue de l’arrêt Medion, point 14 supra, était transposable en l’espèce, notamment en raison du fait que l’élément verbal « cusi » serait perçu comme le nom d’une société.

45      Les motifs susvisés permettent à la requérante de comprendre à suffisance ce qui a justifié la position de la chambre de recours sur ce point, à savoir que, quelle que soit la perception que les consommateurs pertinents auront de l’élément verbal « cusi », ils ne sauront confondre les signes en conflit compte tenu du fait que leur unique élément commun est descriptif.

46      Il ressort d’ailleurs des points 59 à 61 de la requête que la requérante a compris le raisonnement contenu dans la décision attaquée. En effet, la requérante relève que la chambre de recours a « constaté à bon droit que les principes de l’arrêt [Medion] étaient applicables et que l’élément verbal ‘Cusi’ dans la marque contestée était perçu comme une raison sociale » et ajoute que, « contrairement à ce que pense la chambre de recours, les autres principes de l’arrêt [Medion] sont applicables ». Il convient de rappeler que, selon la chambre de recours, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Medion, point 14 supra, présentait une différence importante avec le cas d’espèce, à savoir que l’élément verbal « ophtal » présenterait un caractère distinctif faible, et que c’est notamment en raison de cette différence que la chambre de recours a conclu différemment. La requérante a bien compris le raisonnement de la chambre de recours, puisqu’elle vise à démontrer aux points 60 et 61 de la requête que cette considération n’aurait pas dû donner lieu, en l’espèce, à un résultat différent de celui exprimé par la Cour dans l’arrêt Medion, point 14 supra.

47      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument tiré du prétendu vice de motivation résultant du fait que la chambre de recours n’aurait pas statué sur l’élément verbal « ophtal » en tant que signe principal d’une famille de marques et sur le risque de confusion indirecte par association avec la marque demandée, il doit être rejeté.

48      En effet, il convient de rappeler que, dans la décision du 16 juillet 2007, la division d’opposition a considéré que, pour que soit reconnue l’existence d’une famille de marques dont le signe principal est l’élément verbal « ophtal », la requérante aurait dû démontrer que le public reconnaissait l’élément commun de ces marques comme provenant d’une seule entreprise. Après avoir rappelé qu’une telle démonstration requérait la preuve de l’usage de la famille de marques, la division d’opposition a constaté qu’aucune preuve en ce sens n’avait été rapportée étant donné que la requérante n’avait présenté aucun chiffre ni aucune étude à l’appui de ses allégations. La division d’opposition a ajouté, en outre, qu’il devait être tenu compte du fait que l’hypothèse de l’existence d’une famille de marques ne saurait être retenue lorsque l’élément commun est relativement faible.

49      Dans le cadre de son recours à l’encontre de la décision de la division d’opposition, la requérante a produit des éléments de preuve tendant à démontrer que le marque antérieure était utilisée comme une « marque parapluie » et en tant que racine de plusieurs marques telles que HYA-OPHTAL et LAC-OPHTAL, et a fait valoir que de telles circonstances en renforçaient le caractère distinctif.

50      Or, au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours souligne qu’elle « a examiné les preuves du caractère distinctif élevé de la marque antérieure en Allemagne, à savoir une déclaration sous serment et du matériel promotionnel, mais n’a pas changé sa constatation de l’absence de similitude, d’une manière à prêter à confusion, entre les marques, si l’on considère le public pertinent ». La chambre ajoute que « [l]es preuves montrent l’utilisation de marques telles que TIM OPHTAL, SIC OPHTAL, PAN OPHTAL, LAC OPHTAL, KAN OPHTAL et HYA OPHTAL, c’est-à-dire des marques dont l’élément dominant est TIM, SIC, PAN etc. ».

51      Ainsi, la motivation contenue dans la décision attaquée répond aux arguments tirés du fait que, en tant que signe principal d’une famille de marques, la marque antérieure présenterait un caractère distinctif renforcé et qu’il y aurait un risque de confusion indirecte par association avec la marque demandée.

52      En cinquième lieu, quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle certains éléments de preuve démontrant le caractère distinctif élevé de la marque antérieure n’ont pas été pris en compte, il convient de rappeler qu’il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [arrêts du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 55, et du 25 mars 2009, Anheuser-Busch/OHMI – Budějovický Budvar (BUDWEISER), T‑191/07, Rec. p. II‑691 point 128].

53      En l’espèce, le fait que la chambre de recours ne se soit pas explicitement prononcée sur certains éléments de preuve telles qu’une déclaration du président de la fédération professionnelle des ophtalmologistes en Allemagne et une attestation de la même fédération n’entache pas la motivation de la décision attaquée. En effet, ces éléments de preuve ont pour finalité de démontrer que la marque antérieure était bien connue en Allemagne et disposait d’un caractère distinctif élevé. Or, au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a souligné que, « même si la marque antérieure est bien connue en Allemagne, les consommateurs attentifs ne confondront pas une marque contenant l’élément ‘cusi’ qui a un caractère distinctif élevé ». La motivation de la décision attaquée indique ainsi implicitement que les éléments de preuve du caractère distinctif élevé de la marque antérieure ont été examinés et permet également de connaître les raisons pour lesquelles, nonobstant lesdits éléments de preuve, la chambre de recours a exclu l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

54      En sixième lieu, ainsi que le souligne l’OHMI, les allégations de la requérante fondées sur une comparaison de la décision attaquée avec la décision de la chambre de recours du 17 juillet 2008, qui portait également sur la question du risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure, sont dépourvues de pertinence. En effet, cette dernière ayant été révoquée par la chambre de recours par une décision du 3 février 2009, la requérante ne saurait s’en prévaloir pour tirer argument d’une quelconque contradiction avec la décision attaquée.

55      En septième lieu, doit également être rejeté l’argument tiré de la prétendue insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la comparaison des signes sur le plan visuel. En effet, au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’absence de similitude visuelle entre les signes au motif que la marque demandée a reproduit un élément faiblement distinctif et y a accolé un autre élément verbal ne ressemblant aucunement à la marque antérieure. Il y a lieu de considérer qu’une telle motivation fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la chambre de recours relatif à la comparaison des signes sur le plan visuel. Il en ressort implicitement que, selon la chambre de recours, le positionnement de l’élément verbal « oftal » ainsi que le faible nombre de lettres que compte l’élément verbal « cusi » ne sauraient avoir d’incidence sur son appréciation. Or, l’obligation de motivation qui s’impose à l’OHMI n’implique nullement que, en l’espèce, celle-ci soit obligée d’indiquer de façon explicite l’absence d’incidence de ces éléments sur ses conclusions.

56      Partant, le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

57      En premier lieu, la requérante conteste l’analyse de la chambre de recours relative à la comparaison des signes en conflit.

58      Premièrement, la requérante conteste que l’élément verbal « ophtal » de la marque antérieure présente un caractère distinctif faible.

59      Tout d’abord, elle soutient que, en raison des différences que présente ledit élément verbal « ophtal » avec le terme grec « ophthalmòs », celle-ci possède au minimum un caractère distinctif moyen. Elle fait ensuite valoir que les marques dites « évocatrices » sont usuelles dans le secteur des médicaments et que celles-ci revêtent un caractère distinctif moyen si, comme en l’espèce, elles présentent des modifications sensibles. Elle se prévaut enfin d’une décision de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) français relative à un conflit entre les marques Ophtal et OPHTAL-KIT, dont il ressortirait que l’élément verbal « ophtal » est le seul terme apte à jouer une fonction distinctive, qu’il n’est pas démontré qu’il constitue l’abréviation usuelle du terme ophtalmologie et que le seul fait que le mot « ophtal » soit une partie dudit terme ne saurait suffire à priver la marque Ophtal de tout caractère distinctif.

60      Deuxièmement, la requérante estime qu’il y a une identité entre les signes en conflit. Tout d’abord, elle estime que c’est à tort que la chambre de recours a, au point 20 de la décision attaquée, conclu à l’existence d’une faible similitude sur le plan phonétique en raison de la présence de l’élément verbal « cusi ». Elle relève que cette conclusion est en contradiction avec celle de l’absence de similitude entre les signes en conflit faite au point 23 de la même décision.

61      Ensuite, la requérante considère qu’il existe une identité sur le plan visuel entre les signes. À cet égard, elle se réfère tout d’abord aux règles actuelles de l’orthographe allemande. L’usage des lettres « ph » ou « f » serait indifféremment admis pour les mots d’origine étrangère. Elle fait valoir que l’usage de la lettre « f » serait désormais privilégié au détriment de celui des lettres « ph », que de nombreux consommateurs considéreraient comme désuet. La requérante considère donc que la modification fréquente des lettres « ph » en lettre « f » ne sera pas perçue par les consommateurs comme une modification visuelle et phonétique. Elle en conclut que, en raison de l’interchangeabilité entre les lettres « ph » et « f », les marques sont également identiques sur le plan visuel.

62      Troisièmement, la requérante souligne que la chambre de recours a considéré à bon droit que la jurisprudence issue de l’arrêt Medion, point 14 supra est applicable et que l’élément verbal « cusi » est perçu comme la dénomination d’une entreprise. Elle soutient toutefois que la chambre de recours aurait dû appliquer de façon complète la jurisprudence issue de l’arrêt Medion, point 14 supra, dans le cas d’espèce en considérant que la marque antérieure est utilisée par un tiers dans un signe composé qui inclut la désignation de l’entreprise de ce tiers.

63      Elle estime que l’application entière de la jurisprudence issue de l’arrêt Medion, point 14 supra, se justifie d’autant plus pour deux raisons. D’une part, elle relève que la marque antérieure figure au début de la marque demandée. D’autre part, elle soutient que la prétendue faiblesse du caractère distinctif de la marque antérieure n’autorise nullement l’usurpation de celle-ci par un tiers. Elle se réfère à cet égard à l’arrêt du Tribunal du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR) (T‑112/03, Rec. 2005 p. II‑949), et rappelle également que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Medion, point 14 supra, la Cour a considéré que la marque Life n’était que moyennement distinctive.

64      En second lieu, d’une part, la requérante soutient que le caractère distinctif de la marque antérieure est renforcé par l’usage intensif qui en a été fait. Elle se fonde à cet égard sur plusieurs éléments de preuve, dont une déclaration du président de la fédération professionnelle des ophtalmologistes en Allemagne et une attestation de la même fédération rappelées au point 28 ci-dessus.

65      D’autre part, la requérante fait valoir que, en raison de l’existence d’une série de marques telles que TIM OPHTAL, SIC OPHTAL, PAN OHPTAL, LAC OPHTAL, KAN OPHTAL et HYA OPHTAL, comprenant l’élément verbal « ophtal », il existe un risque de confusion par voie d’association entre les signes en conflit.

66      La requérante souligne que, eu égard à la présence de l’élément souche de la famille de marques précitées à côté de la dénomination de l’entreprise « cusi », il y a tout lieu de présumer au minimum que les produits proviennent d’entreprises économiquement liées.

67      Par ailleurs, elle estime non étayée et non fondée l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les autres éléments de la famille des marques comprenant l’élément essentiel « ophtal » sont dominants.

68      L’OHMI et la partie intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

69      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, une marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

70      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

71      En l’espèce, la marque antérieure étant une marque communautaire, la protection s’étend à tous les États membres de l’Union européenne.

72      Il est constant entre les parties que les produits visés par les marques en conflit sont identiques. Il s’agit de produits pharmaceutiques relevant de la classe 5, en particulier des préparations ophtalmologiques et oto-rhino – laryngologiques. Selon la jurisprudence, les produits relevant de la classe 5 s’adressent aux pharmaciens ainsi qu’à des consommateurs finals raisonnablement bien informés, attentifs et avisés [voir arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Madaus/OHMI – Optima Healthcare (ECHINAID), T‑202/04, Rec. p. II‑1115, point 23, et du 28 octobre 2009, CureVac/OHMI – Qiagen (RNAiFect), T‑80/08, Rec. p. I-4025 point 29], qui ont toutefois un degré d’attention élevé et bénéficient, dans leur choix, de l’aide de professionnels hautement qualifiés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 61 ; arrêts ECHINAID, précité, point 33, et RNAiFect, précité, point 29). Partant, il convient d’approuver l’analyse de la chambre de recours aux points 13 et 15 de la décision attaquée selon laquelle le public pertinent à l’égard duquel le risque de confusion doit être apprécié est composé respectivement de professionnels de la santé et des patients dans l’Union, lesquels présentent un degré d’attention élevé.

73      Dans ces conditions, il y a lieu de déterminer si l’analyse de la chambre de recours quant aux signes en conflit et à l’existence d’un risque de confusion est correcte.

74      L’appréciation globale du risque de confusion doit, s’agissant de la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celle-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques par le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25).

75      Selon une jurisprudence constante, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30].

76      Toutefois, dans le cadre de l’examen de l’existence d’un risque de confusion, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, points 41 et 42).

77      En premier lieu, il y a lieu de procéder à la comparaison des signes en conflit.

78      À cet égard, il convient, premièrement, de souligner que la requérante a présenté des arguments liminaires tendant à remettre en cause le constat de la chambre de recours quant au caractère distinctif faible de l’élément verbal « ophtal » de la marque antérieure et, partant, à faire reconnaître que cet élément présentait au moins un caractère distinctif moyen. Eu égard à l’incidence de cette question sur l’appréciation de la similitude des signes, il importe de procéder dès à présent à l’examen de ces arguments.

79      Il y a lieu d’approuver le constat fait par la chambre de recours aux points 16 et 17 de la décision attaquée selon lequel, pour le public pertinent, il existe un lien conceptuel entre l’élément verbal « ophtal » et l’ophtalmologie, puisque celui-ci ressemble au terme « ophthal » qui est la première partie du terme grec « ophthalmòs » signifiant l’« œil ». À cet égard, la chambre de recours souligne à juste titre que l’élément verbal « ophtal » est fréquemment utilisé dans un certain nombre de langues et cite plusieurs exemples de mots commençant par les éléments verbaux « ophtal » ou « oftal ». Le fait que l’élément verbal « ophtal » ne corresponde pas exactement au terme grec « ophthalmòs » et n’existe, en tant que « terme », dans aucune langue ne saurait suffire à remettre en cause les considérations de la chambre de recours quant à la signification précitée qui prévaut dans l’esprit du public pertinent.

80      Il convient également de tenir compte du fait que, ainsi que l’admet la requérante elle-même, les marques dites « évocatrices » sont usuelles en ce qui concerne les médicaments. En effet, les références au domaine d’application et aux principes actifs des produits sont plus fréquentes dans le domaine de la pharmacologie. En l’espèce, il y a lieu d’approuver l’analyse de la chambre de recours au point 17 de la décision attaquée selon laquelle les consommateurs pertinents comprendront que les préparations pharmaceutiques dont le nom commence par l’élément verbal « ophthal », « ophtal » ou « oftal » sont destinées à un usage ophtalmologique. Partant, lesdits consommateurs percevront davantage ces éléments comme des références à la destination du produit que comme une indication de l’origine commerciale de celui-ci. À cet égard, la requérante souligne à juste titre que les marques dites « évocatrices » présentent un caractère distinctif original moyen si elles présentent des modifications sensibles, mais relève à tort que, en l’espèce, la marque antérieure présente de telles modifications.

81      Quant à l’argument de la requérante tiré d’une décision nationale dont il ressortirait que l’élément verbal « ophtal » est le seul élément verbal susceptible de jouer une fonction distinctive, il doit être rejeté dès lors que le régime communautaire des marques est un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47, et du 15 mars 2006, Athinaiki Oikogeniaki Artopoiia/OHMI – Ferrero (FERRÓ), T‑35/04, Rec. p. II‑785, point 67]. Par conséquent, l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente, de sorte que l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par des décisions intervenues dans certains États membres, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque [arrêt du Tribunal du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre), T‑36/01, Rec. p. II‑3887, point 34]. En effet, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement nº 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire (arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47).

82      Il s’ensuit que la chambre de recours a pu considérer, sans commettre d’erreur, que l’élément verbal « ophtal » présentait un caractère distinctif faible.

83      Il convient, deuxièmement, d’examiner de façon concrète la comparaison des signes effectuée par la chambre de recours.

84      S’agissant de la comparaison sur le plan visuel, il y a lieu d’approuver la conclusion de la chambre de recours, faite au point 19 de la décision attaquée, selon laquelle les marques en conflit ne sont pas similaires.

85      En effet, la marque demandée est composée de l’élément verbal « cusi », lequel diffère entièrement de la marque antérieure. De plus, l’élément verbal « oftal » de la marque demandée présente des différences avec l’élément verbal « ophtal » de la marque antérieure en ce que le premier est composé de cinq lettres et contient la lettre « f », tandis que le second compte six lettres et comporte les lettres « ph ». En outre, il doit être tenu compte du fait que ces deux éléments revêtent une force distinctive faible. Partant, lorsque l’on considère globalement les deux marques sur le plan visuel, il y a lieu de considérer que les différences l’emportent sur les similitudes.

86      La requérante avance également à tort que, pour des raisons liées aux règles de l’orthographe allemande, les signes sont interchangeables et seraient ainsi identiques sur le plan visuel. En effet, la protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 février 2007, Ontex/OHMI – Curon Medical (CURON), T‑353/04, non publié au Recueil, point 74 ; du 22 mai 2008, Radio Regenbogen Hörfunk in Baden/OHMI (RadioCom), T‑254/06, non publié au Recueil, point 43, et du 17 juin 2009, Korsch/OHMI (PharmaResearch), T‑464/07, non publié au Recueil, point 41].

87      Sur le plan phonétique, il y a lieu de relever que, s’il existe une ressemblance entre les éléments verbaux « ophtal » et « oftal », la présence de l’élément verbal « cusi » et le fait que l’élément verbal « oftal » ne produira aucune impression phonétique durable, en raison de son caractère distinctif très faible pour les produits visés par les marques en conflit, permettent de considérer que les différences l’emportent sur la similitude entre les marques prises dans leur ensemble [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 2008, Otto/OHMI – L’Altra Moda (l’Altra Moda), T‑224/06, non publié au Recueil, point 43]. Le consommateur prêtera donc davantage d’attention à l’élément verbal « cusi ».

88      Sur le plan conceptuel, ainsi que cela ressort du point 21 de la décision attaquée, il est, certes, constaté que les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » conduiront les consommateurs concernés à penser à l’ophtalmologie et que, en ce sens, il existe un lien conceptuel entre les signes en conflit. Toutefois, la référence commune à l’ophtalmologie est négligeable en raison du caractère distinctif très faible de ce concept pour les produits pharmaceutiques visés par les deux marques, si bien que, comme le souligne la chambre de recours, les consommateurs concernés ne lui attribueront que peu de poids. De plus, les marques en conflit ne se rattachent à aucun autre concept (voir, en ce sens, arrêt L’Altra Moda, point 87 supra, point 45).

89      Troisièmement, l’argument de la requérante tiré de la jurisprudence de la Cour dans son arrêt Medion, point 14 supra, ne saurait prospérer. Ainsi que le relève à juste titre l’OHMI, l’élément verbal commun « life » était identique dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Medion, point 14 supra. De plus, celui-ci était utilisé pour désigner des appareils de l’électronique de loisirs et présentait un caractère distinctif normal. En l’espèce, les éléments verbaux « ophtal » et « oftal » ne sont pas identiques et sont dotés d’un pouvoir distinctif faible pour désigner des préparations ophtalmologiques. Le consommateur attentif percevra donc l’élément verbal « cusi » comme indiquant l’origine commerciale des produits tandis que l’élément « oftal » informera le public de la destination de ceux-ci.

90      En deuxième lieu, la requérante tente en vain de tirer arguments du fait, d’une part, que la marque antérieure aurait acquis un caractère distinctif renforcé par l’usage qui aurait été fait de la marque elle-même, d’autre part, que l’élément verbal « ophtal » constituerait l’élément essentiel d’une famille de marques et qu’il existerait ainsi un risque indirect de confusion.

91      En effet, tout d’abord, les preuves de l’utilisation de la marque antérieure caractérisée par un pouvoir distinctif faible n’ont pu en aucune façon transformer celle-ci en une marque intrinsèquement plus distinctive jouissant d’un domaine de protection plus vaste.

92      Ensuite, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré en substance, au point 25 de la décision attaquée, que les éléments les plus distinctifs des marques TIM OPHTAL, SIC OPHTAL, LAC OPHTAL, etc. sont les éléments verbaux « tim », « sic » et « lac ».

93      En outre, il y a lieu d’approuver la considération de la chambre de recours également faite au point 25 de la décision attaquée selon laquelle, même si la marque antérieure est bien connue en Allemagne, cela n’implique pas pour autant qu’il y ait un risque de confusion avec la marque demandée. Il importe en effet de rappeler que cette dernière est composée de l’élément verbal « cusi », lequel présente un caractère distinctif élevé par rapport à l’élément verbal « oftal » qui est très faiblement distinctif.

94      Enfin, ainsi que le souligne en substance la partie intervenante, les arguments de la requérante doivent être mis en perspective avec le fait, d’une part, que l’élément verbal « oftal » de la marque demandée est, lui aussi, utilisé dans plusieurs marques antérieures, dont les marques communautaires OFTALMEDIC, OFTALMIKOS, OFTALTECH, etc., pour désigner des produits ou des services ophtalmologiques, et, d’autre part, que l’élément verbal « ophtal » est utilisé, pour des produits et des services dans le secteur de l’ophtalmologie, dans des marques qui ne concernent pas seulement la requérante. Cela tend à démontrer que, en l’espèce, il y a lieu de relativiser la singularité que la partie requérante souhaite attribuer à la marque antérieure.

95      En troisième lieu, en ce qui concerne l’appréciation du risque de confusion, il convient de rappeler, comme il a été souligné au point 70 ci-dessus, qu’elle doit être opérée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.

96      D’une part, il convient de rappeler que la chambre de recours a, à juste titre, pris en compte le caractère distinctif faible de l’élément verbal « ophtal » de la marque antérieure et de l’élément verbal « oftal » de la marque faisant l’objet de la demande d’enregistrement, celles-ci désignant des produits pharmaceutiques ophtalmologiques.

97      D’autre part, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 74 supra, point 19).

98      En l’espèce, compte tenu de l’absence de similitude entre les signes pris dans leur ensemble et du public pertinent qui, comme il a été relevé au point 72 ci-dessus, présente un degré d’attention élevé, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion ou d’association entre les marques en conflit dans l’ensemble de l’Union.

99      Partant, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

100    Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le deuxième chef de conclusions de la requérante visant à ce qu’il soit fait droit à l’opposition, ni sur le cinquième chef de conclusions visant à ce que l’affaire soit renvoyée devant l’OHMI.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dr. Robert Winzer Pharma GmbH est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et de Alcon Inc.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.