Language of document : ECLI:EU:T:2014:191

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

9 avril 2014(*)

« Aides d’État – Prêts sans intérêts, assortis d’une garantie de l’État, accordés par les autorités helléniques à des associations de coopératives agricoles du secteur céréalier – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur – Obligation de motivation – Avantage – Aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre »

Dans l’affaire T‑150/12,

République hellénique, représentée par M. I. Chalkias, Mmes X. Basakou et A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. S. Thomas et D. Triantafyllou, puis par M. Triantafyllou et Mme P. Nĕmečkova, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2012/320/UE de la Commission, du 25 janvier 2012, concernant des aides octroyées par la Grèce à des producteurs céréaliers et à des coopératives agricoles de ce secteur (JO L 164, p. 10),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Procédure administrative

1        Après avoir reçu des informations concernant l’aide que la République hellénique a accordé à des exploitations agricoles céréalières et à des coopératives agricoles de ce secteur, la Commission des Communautés européennes lui a adressé une lettre le 21 novembre 2008 afin d’obtenir des informations sur le régime d’aide litigieux.

2        N’ayant pas reçu de réponse dans le délai imparti, la Commission a adressé à la République hellénique un deuxième courrier à la date du 23 janvier 2009, suivi d’un rappel à la date du 24 mars 2009, lui demandant à nouveau des informations sur le régime d’aide litigieux.

3        Le 11 mai 2009, les autorités grecques ont adressé à la Commission une lettre d’informations concernant le régime d’aide litigieux. À la suite de cette lettre, la Commission a adressé, le 11 juin 2009, une deuxième demande d’informations aux autorités grecques, contenant des questions plus détaillées sur le régime d’aide litigieux.

4        Après avoir accordé deux prorogations de délai à la République hellénique et lui avoir envoyé une lettre de rappel à la date du 1er décembre 2009, la Commission lui a adressé, le 10 mars 2010, une décision conformément à l’article 10, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), demandant aux autorités grecques de fournir les informations requises.

5        Par un courrier du 15 mars 2010, la République hellénique a informé la Commission que les autorités grecques avaient répondu à la lettre du 1er décembre 2009 par un courrier daté du 9 février 2010.

6        Par une lettre du 17 mai 2010, la Commission a posé un certain nombre de questions supplémentaires. Entre-temps, elle a reçu de nouvelles informations et a donc invité la République hellénique, par courrier du 18 juin 2010, à présenter ses observations sur celles-ci.

7        Par une lettre du 14 décembre 2010, la Commission a informé la République hellénique qu’elle décidait d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, qu’elle publierait la décision au Journal officiel de l’Union européenne afin d’en informer les intéressés et qu’elle inviterait toutes les parties intéressées à présenter leurs observations.

8        Le 22 mars 2011, la décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, qui contient l’invitation de toutes les parties intéressées à présenter leurs observations (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen »), a été publiée au Journal officiel (JO C 90, p. 11). La Commission a reçu des observations d’une partie intéressée qui faisait valoir le caractère illégal des mesures en question. Ces observations ont été transmises aux autorités helléniques.

9        Par lettre du 5 mai 2011, la Commission a posé des questions supplémentaires aux autorités helléniques, auxquelles celles-ci ont répondu le 6 juin 2011. Par ailleurs, lesdites autorités ont présenté, par lettre du 30 novembre 2011, leurs propres observations sur les observations de la partie intéressée.

10      Le 25 janvier 2012, la Commission a adopté la décision 2012/320/UE, concernant des aides octroyées par la Grèce à des producteurs céréaliers et à des coopératives agricoles de ce secteur (JO L 164, p. 10, ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

11      Sous le point II de la décision attaquée, intitulé « Description détaillée de l’aide », il est indiqué que, selon les informations transmises par les autorités helléniques, il y a eu une surproduction de maïs et de blé au cours de l’année 2008 et, par conséquent, une chute des prix. Lesdites autorités soulignent que, en raison de la crise économique, les organisations de producteurs, à savoir les unions des coopératives agricoles (ci-après les « UCA »), ne disposaient ni des capitaux nécessaires pour soutenir le revenu des agriculteurs, ni d’un accès aux marchés financiers pour obtenir des prêts. Elles indiquent que, afin d’éviter la chute des prix des céréales et d’assurer un revenu minimal aux agriculteurs, une aide sous forme de prêts garantis par l’État avec bonification des intérêts a donc été accordée aux UCA et indirectement aux agriculteurs ayant livré leur production aux coopératives. Elles font observer que les prêts octroyés aux UCA étaient destinés à être transférés vers les producteurs pour les quantités de céréales achetées ou reçues par les UCA au cours de l’année 2008 (considérants 12 et 13 de la décision attaquée).

12      Le régime d’aide est créé par plusieurs décisions ministérielles. La décision portant la référence 56700/B.3033 du ministre de l’Économie et des Finances grec du 8 décembre 2008 prévoit notamment que la bonification des intérêts est autorisée pour les prêts octroyés ou qui seront octroyés, au cours de l’année 2008, par les établissements de crédit aux UCA, afin qu’ils soient affectés aux quantités de céréales achetées auprès des producteurs ou reçues de ceux-ci en 2008 (considérant 15 de la décision attaquée).

13      De même, la décision portant la référence 2/88675/0025 du ministre de l’Économie et des Finances grec du 9 décembre 2008 prévoit que la République hellénique accorde une garantie à hauteur de 100 % des prêts qui seront octroyés par les établissements de crédit aux UCA et aux coopératives agricoles de premier degré du pays, afin qu’ils soient affectés aux quantités de céréales achetées auprès des producteurs ou reçues de ceux-ci en 2008, et que le montant total maximal des prêts déjà octroyés ou qui seront octroyés est de 150 millions d’euros (considérant 16 de la décision attaquée).

14      D’autres décisions ministérielles ont prolongé la date d’échéance du prêt, initialement prévue au 30 septembre 2009, jusqu’au 30 septembre 2010 et ont prévu la répartition du montant de 150 millions d’euros entre 57 UCA (considérants 17 et 18 de la décision attaquée).

15      Après examen des arguments présentés par les autorités grecques, la Commission est parvenue à la conclusion que toutes les conditions de l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour qualifier la mesure d’aide d’État étaient remplies en ce qui concerne, d’une part, la garantie sur les prêts et, d’autre part, la bonification des intérêts (considérant 41 de la décision attaquée).

16      Premièrement, la Commission souligne que la bonification des intérêts est accordée par la République hellénique, que ladite bonification représente clairement un avantage, puisque, en réalité, le prêt est consenti sans intérêts, et que les UCA en sont les bénéficiaires directs. Elle ajoute que, étant donné que, en accordant les prêts, la République hellénique visait à augmenter le revenu des agriculteurs grecs en augmentant de manière artificielle le prix des céréales vendues par les producteurs aux UCA, les agriculteurs (producteurs) sont les bénéficiaires indirects de l’aide. Elle estime qu’il est satisfait à la condition de sélectivité, les UCA et les producteurs, qui ont vendu aux UCA les céréales, étant les seuls bénéficiaires du régime d’aide, et à la condition de distorsion de concurrence, la position commerciale de ceux-ci ayant été renforcée par rapport à celles d’autres entreprises. Elle souligne également que, le secteur des céréales générant d’importants échanges commerciaux intracommunautaires, le régime d’aide était susceptible d’affecter les échanges entre États membres (considérants 29 à 31 de la décision attaquée).

17      Deuxièmement, la Commission considère également que la garantie de la République hellénique sur les prêts représentait un avantage pour les UCA (bénéficiaires directs) et en fin de compte les agriculteurs (bénéficiaires indirects), puisque les emprunteurs n’étaient pas tenus de payer la prime appropriée qui aurait dû être versée pour couvrir le risque. Elle souligne qu’il est satisfait aux conditions de sélectivité, de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges entre États membres et renvoie à cet égard aux considérations formulées dans le cadre de l’examen de la bonification des intérêts (considérants 32 à 35 de la décision attaquée).

18      Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :

« Article premier

Le régime établi en faveur des producteurs céréaliers et des coopératives agricoles de ce secteur par les décisions ministérielles [portant les références] 56700/Β.3033/8.12.2008 et […] 2/88675/0025/9.2.2008 sous la forme de prêt garanti par [la République hellénique] avec bonification des intérêts constitue une aide d’État. Cette aide d’État mise à exécution illégalement par la [République hellénique], en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est incompatible avec le marché intérieur.

[…]

Article 4

1. La [République hellénique] est tenue de se faire rembourser par les bénéficiaires l’aide incompatible octroyée au titre du régime visé à l’article 1er.

2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à compter de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective.

3. Les intérêts sont calculés sur une base composée en conformité avec les dispositions prévues au chapitre V du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission […] »

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2012, la République hellénique a introduit le présent recours.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure en application de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé deux questions écrites aux parties. Celles-ci ont répondu aux questions dans le délai imparti.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 septembre 2013.

22      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

 En droit

24      À l’appui du recours la République hellénique invoque cinq moyens. Le premier moyen est tiré du manque de clarté et du caractère contradictoire de la décision attaquée et de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Dans le cadre du deuxième moyen, la République hellénique fait valoir que la Commission a mal interprété et appliqué l’article 107, paragraphe 1, TFUE et a apprécié erronément les éléments de fait. Le troisième moyen est fondé sur une appréciation erronée des faits et une violation des formes substantielles de la procédure. Le quatrième moyen est tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ainsi que d’une mauvaise utilisation par la Commission du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose dans le secteur des aides d’État. Dans le cadre de son cinquième moyen, la République hellénique soutient que la Commission a erronément interprété et appliqué l’article 107, paragraphe 1, TFUE en incluant une cotisation et une commission de garantie qui ne constituent pas des aides d’État.

25      Avant de procéder à l’examen des moyens, il est utile de souligner, ainsi que le fait la Commission, que les deuxième et troisième moyens concernent les critères prévus à l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État. Ces moyens seront donc examinés ensemble.

 Sur le premier moyen, tiré du manque de clarté et du caractère contradictoire de la décision attaquée ainsi que de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen

26      Le premier moyen est composé de deux griefs. Dans le cadre du premier grief, la République hellénique fait valoir que la décision attaquée est imprécise, parce qu’il n’est pas indiqué clairement en quoi consiste l’aide illégale, comment est déterminé le montant de ladite aide ni quels sont les bénéficiaires de cette aide qui devront la rembourser. Le second grief repose sur le fait que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen était dénuée de clarté.

 Sur le premier grief, tiré du manque de clarté et du caractère contradictoire de la décision attaquée

27      La République hellénique soutient que le dispositif de la décision attaquée est dénué de clarté et que ce problème ne peut toutefois pas être résolu avec certitude par référence aux motifs de celle-ci. D’une part, elle fait valoir que la décision attaquée n’indique nulle part en quoi consiste l’aide qui doit être récupérée ni comment déterminer le montant de celle-ci. D’autre part, il existerait une incertitude quant à la détermination des personnes à l’égard desquelles des mesures doivent être prises en vue de la récupération des aides. La décision attaquée porterait ainsi atteinte au principe de sécurité juridique.

28      À titre liminaire, il doit être relevé que la République hellénique fait valoir en substance que la décision attaquée est insuffisamment motivée et que c’est en raison de ce manque d’éléments de motivation dans la décision attaquée que le principe de sécurité juridique est violé.

29      Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, cette dernière question relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 67, et du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35).

30      Ensuite, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19 ; du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, points 15 et 16, et du 29 février 1996, Belgique/Commission, C‑56/93, Rec. p. I‑723, point 86).

31      En outre, il ressort de la jurisprudence que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation et doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec. p. I‑2549, point 21, et arrêts du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et T‑18/96, Rec. p. II‑1739, point 104, et du 11 mars 1999, Eurofer/Commission, T‑136/94, Rec. p. II‑263, point 171).

32      Enfin, il est de jurisprudence constante qu’aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 juillet 1988, France/Commission, 102/87, Rec. p. 4067, point 33, et du 12 octobre 2000, Espagne/Commission, C‑480/98, Rec. p. I‑8717, point 25 ; arrêt du Tribunal du 30 novembre 2009, France/Commission, T‑427/04 et T‑17/05, Rec. p. II‑4315, point 297).

33      Il importe ainsi que les termes de la décision litigieuse soient clairs, aisément compréhensibles, et que l’État membre ne puisse se méprendre ni quant à leur sens ni quant à leur portée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 juin 2000, Commission/Portugal, C‑404/97, Rec. p. I‑4897, point 50). Le calcul du montant de l’aide à récupérer doit donc pouvoir être effectué, au vu des indications figurant dans la décision, sans difficulté excessive (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1988, France/Commission, point 32 supra, point 33, et arrêt du 30 novembre 2009, France/Commission, point 32 supra, point 298).

34      Dans l’hypothèse où, lors de l’exécution de cet ordre de restitution, l’État membre rencontre des difficultés imprévues, il y a lieu de rappeler qu’il peut soumettre ces problèmes à l’appréciation de la Commission, celle-ci et l’État membre devant, dans un tel cas, conformément au devoir de coopération loyale, exprimé notamment à l’article 4, paragraphe 3, TUE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et notamment de celles relatives aux aides (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, Rec. p. I‑1433, point 58, et du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, Rec. p. I‑5163, point 50 ; arrêt du Tribunal du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, Rec. p. II‑1579, point 124).

35      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner si la République hellénique disposait d’indications suffisantes pour, premièrement, déterminer elle-même en quoi consistait l’aide qui doit être récupérée et effectuer le calcul du montant de celle-ci et, deuxièmement, déterminer quels en étaient les bénéficiaires.

36      Premièrement, en ce qui concerne la question de savoir en quoi consiste l’aide sous forme de garantie de l’État qui doit être récupérée et, partant, si le montant de celle-ci peut être déterminé, la République hellénique souligne que la décision attaquée n’indique pas si le montant à récupérer est soit le montant global du prêt accordé dans chaque cas et, le cas échéant, celui du remboursement de ce prêt à l’établissement de crédit ou sous une autre forme, soit la prime de garantie appropriée qui, en principe, selon la communication de la Commission sur l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10, ci-après la « communication sur les garanties »), aurait dû être versée pour la prise de risque, soit tout autre montant défini autrement. Elle relève également qu’aucune distinction n’est faite quant au montant à récupérer en cas de mobilisation de sa garantie lorsque le prêt n’est pas normalement remboursé ou lorsqu’il est remboursé.

37      La République hellénique ajoute que, s’agissant de l’aide sous forme de bonification des intérêts, le point de départ du calcul pour chaque montant subventionné n’est défini nulle part avec certitude. De même, en ce qui concerne l’aide sous forme de garantie de l’État, elle souligne que la méthode de calcul de la somme à récupérer est problématique.

38      Il ressort de l’article 1er de la décision attaquée que le régime sous la forme de prêts garantis par la République hellénique avec bonification des intérêts, établi en faveur des producteurs céréaliers et des coopératives agricoles de ce secteur par les décisions ministérielles citées au point 18 ci-dessus, constitue une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.

39      Conformément à la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, l’article 1er de la décision attaquée doit être interprété à la lumière des motifs de ladite décision. Il ressort de façon non équivoque des considérants 14 à 22 et 29 à 41 de celle-ci que la Commission a identifié comme étant une aide incompatible avec le marché intérieur les deux mesures suivantes : la bonification des intérêts et la garantie de l’État.

40      En effet, d’une part, s’agissant de la bonification des intérêts, celle-ci est présentée au considérant 29 de la décision attaquée comme un avantage, puisque le prêt est en réalité consenti sans intérêt. Ainsi que le reconnaît la République hellénique elle-même, il ressort de la décision attaquée que le montant qui doit être récupéré s’entend du montant qui représente le taux d’intérêt qui aurait dû être appliqué dans les conditions normales du marché à chacun des prêts accordés. L’argument selon lequel le point de départ du calcul des intérêts n’est défini nulle part avec certitude doit être rejeté. En effet, la Commission a motivé à suffisance de droit la décision attaquée sur ce point en indiquant, à l’article 4 de la décision attaquée, que les sommes à récupérer produisent des intérêts à compter de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective, et que ces intérêts sont calculés sur une base composée en conformité avec les dispositions prévues au chapitre V du règlement n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 140, p. 1).

41      D’autre part, en ce qui concerne la garantie de l’État, il ressort de façon non équivoque des considérants 32 et 33 de la décision attaquée que l’avantage accordé aux UCA et aux agriculteurs représente la prime qui aurait dû être versée pour couvrir le risque. À cet égard, la Commission s’est expressément référée à la communication sur les garanties qui indique la façon dont doit être calculé l’avantage en question.

42      Par ailleurs, tant en ce qui concerne la bonification des intérêts que la garantie de l’État, il importe également de souligner que les considérants 33 et 40 de la décision attaquée se réfèrent à la nécessité d’effectuer une comparaison de la situation du cas d’espèce et de celle où les conditions du marché sont normalement consenties, d’une part, et au fait que les emprunteurs se trouvant dans une situation financière difficile ne sont pas exclus du régime, d’autre part. Ce faisant, la Commission a déterminé de façon suffisamment compréhensible que l’avantage concurrentiel et, partant, les montants à récupérer pouvaient être, outre le remboursement des intérêts qui auraient été versés dans les conditions normales du marché, l’ensemble des montants du prêt augmenté des intérêts susmentionnés dans l’hypothèse où les UCA ou les agriculteurs n’auraient pu en aucun cas avoir accès aux marchés financiers pour emprunter.

43      Il résulte de cet examen que les termes de la décision attaquée sont clairs, aisément compréhensibles, et que la République hellénique ne pouvait se méprendre ni quant à leur sens ni quant à leur portée. Il s’ensuit que la République hellénique avance en vain que le contenu du courrier de la Commission du 22 juin 2012, adressé en réponse à la question de savoir dans quelle mesure et auprès de qui il faut récupérer le montant global du prêt, révèlerait que la Commission n’avait toujours pas déterminé en quoi consistait l’avantage concurrentiel devant être remboursé après l’adoption de la décision attaquée.

44      Partant, la République hellénique soutient à tort qu’il existe un doute sur le point de savoir si le montant à récupérer est le montant global du prêt accordé dans chaque cas, la prime de garantie appropriée qui aurait dû être versée pour la prise de risque, ou un autre montant.

45      Deuxièmement, il convient d’examiner si les bénéficiaires de l’aide auprès de qui celle-ci doit être récupérée peuvent être identifiés.

46      La République hellénique soutient qu’il existe une incertitude totale quant à la détermination des personnes à l’égard desquelles des mesures doivent être prises en vue de la récupération des aides. Elle fait valoir que, si ces personnes sont à la fois les UCA et les agriculteurs, aucun élément dans la décision attaquée ne permet de définir « la mesure et le degré » selon lesquels la récupération pour chaque catégorie devra être effectuée.

47      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’elle constate que des aides sont incompatibles avec le marché intérieur, la Commission peut enjoindre à l’État membre de récupérer ces aides auprès des bénéficiaires. La suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et vise au rétablissement de la situation antérieure (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I‑3925, points 73 et 74). Cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire (arrêt de la Cour du 4 avril 1995, Commission/Italie, C‑350/93, Rec. p. I‑699, point 22) ou, en d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Italie/Commission, point 34 supra, point 57 ; du 3 juillet 2003, Belgique/Commission, C‑457/00, Rec. p. I‑6931, point 55, et Allemagne/Commission, précité, point 75).

48      À cet égard, le bénéficiaire auprès de qui l’aide d’État doit être récupérée peut être autre que l’emprunteur (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2003, Belgique/Commission, point 47 supra, point 57).

49      C’est donc à la lumière de ces considérations générales qu’il convient d’examiner la légalité de l’ordre de récupération figurant dans la décision attaquée.

50      En l’espèce, la Commission a clairement identifié deux catégories de bénéficiaires à l’article 1er de la décision attaquée, à savoir les « producteurs céréaliers » et les « coopératives agricoles ». Plus précisément, au considérant 29 de la décision attaquée, les UCA sont présentées comme les bénéficiaires directs de la bonification des intérêts et les agriculteurs (producteurs) comme les bénéficiaires indirects de celle-ci. De même, le considérant 34 de ladite décision indique que les UCA sont les bénéficiaires directs de la garantie de l’État et les agriculteurs (producteurs) en sont les bénéficiaires indirects.

51      De plus, ainsi qu’il résulte du considérant 13 de la décision attaquée, la République hellénique a indiqué elle-même que les UCA ne disposaient pas de capitaux ni d’un accès aux marchés financiers pour obtenir des prêts, qu’un prêt leur a été octroyé dans ces circonstances et qu’il était destiné à être transféré vers les producteurs ayant livré leur production aux UCA. Dans le même sens, le considérant 29 de ladite décision indique que les UCA sont les seuls bénéficiaires de l’aide, ainsi que les agriculteurs qui ont vendu leurs céréales auxdites UCA. Il s’ensuit que, si les UCA ne conservaient pas de gains et transmettaient la totalité de ceux-ci à leurs membres producteurs, seuls ces derniers en retiraient un bénéfice tandis que, si les UCA pouvaient conserver les ressources générées par leurs activités, elles profitaient également de l’aide. Le bénéfice concret retiré par chaque catégorie dépendait donc nécessairement du lien entre les UCA et leurs membres agriculteurs et devait ainsi être examiné à l’échelon national lors de la récupération.

52      C’est donc en vain que la République hellénique soutient que la Commission n’a pas précisé quelle était la catégorie des bénéficiaires de l’aide auprès de laquelle l’aide devait être récupérée ni quel était le « degré » de récupération auprès de chaque catégorie. Si le gouvernement grec éprouvait des difficultés lors de l’exécution de la décision, en particulier, pour déterminer l’identité exacte des bénéficiaires réels des aides litigieuses, à savoir ceux auprès de qui l’aide devait être récupérée, il lui appartenait d’en faire part à la Commission, laquelle aurait été tenue de l’aider à les surmonter conformément au devoir de coopération loyale tel que rappelé au point 34 ci-dessus.

53      Dans ce contexte, le courrier du 22 juin 2012 auquel se réfère la République hellénique pour démontrer que les bénéficiaires auprès de qui l’aide doit être récupérée n’étaient pas clairement identifiés n’est pas pertinent, puisqu’il s’agit d’un courrier postérieur à la décision attaquée et à l’introduction du recours en annulation. Au surplus, ce courrier a été adressé par la Commission, conformément à son obligation de coopération loyale, afin de répondre à un courrier du 27 mars 2012 dans lequel la République hellénique demandait des informations sur l’exécution de la décision attaquée. La Commission y a rappelé à juste titre le contenu des considérants 13 et 29 de la décision attaquée et y a confirmé que l’identification des bénéficiaires dépendait du statut juridique des UCA et de la gouvernance interne de ceux-ci, lesquels déterminaient la nature du lien entre les UCA et les producteurs. Comme le souligne la Commission dans le courrier du 22 juin 2012, c’est par l’analyse du droit national que cette question peut être résolue, ce que ne pouvait ignorer la République hellénique.

54      Eu égard au contenu de la décision attaquée et au fait que la République hellénique connaît ou est en mesure de connaître la nature des liens entre les UCA et leurs membres, celle-ci peut aisément identifier ceux que la Commission considèrent comme les bénéficiaires de l’aide, à savoir ceux qui en ont eu la jouissance effective, auprès de qui celle-ci doit être récupérée, et déterminer sans difficulté excessive les montants qui, selon la Commission, doivent être restitués.

55      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la République hellénique, la décision attaquée comporte suffisamment d’éléments lui permettant de déterminer en quoi consistaient les aides à récupérer, le montant de celles-ci et les bénéficiaires auprès de qui les aides doivent être récupérées. Dans ces circonstances, il n’apparaît pas que la décision attaquée n’ait pas été suffisamment motivée ni que le principe de sécurité juridique ait été violé.

56      Partant, le premier grief doit être rejeté.

 Sur le second grief, tiré du manque de clarté de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen

57      La République hellénique soutient que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen adressée par la Commission aux parties intéressées était imprécise quant à la détermination des bénéficiaires de l’aide. Elle fait valoir que, en qualifiant les agriculteurs de bénéficiaires indirects de l’aide, la Commission a donné l’impression que ses constatations ne conduiraient pas à récupérer l’aide auprès de ces derniers. Partant, elle estime que la Commission a violé le principe de sécurité juridique, les droits de la défense des tiers intéressés ainsi que l’article 108, paragraphe 2, TFUE combiné à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999.

58      Il y a lieu de rappeler que l’article 108, paragraphe 2, TFUE n’exige pas une mise en demeure individuelle, mais seulement que toutes les personnes potentiellement intéressées soient averties de l’ouverture d’une procédure et se voient offrir l’occasion de faire valoir leurs observations à cet égard. Dans ces conditions, la publication d’un avis au Journal officiel apparaît comme un moyen adéquat et suffisant pour faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure d’enquête formelle (arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 17, et arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, T‑129/95, T‑2/96 et T‑97/96, Rec. p. II‑17, point 232).

59      En l’espèce, la décision d’ouverture, publiée au Journal officiel le 22 mars 2011, satisfait à ces exigences, dans la mesure où cette publication a fourni aux intéressés des informations générales sur les éléments essentiels de la mesure d’aide et a exposé les points du dossier sur lesquels la Commission avait des doutes.

60      S’agissant des bénéficiaires visés par la décision d’ouverture, il ressort de façon non équivoque des points 21 et 26 de celle-ci que la Commission a identifié deux catégories de bénéficiaires du régime d’aide, à savoir les UCA en tant que bénéficiaires directs et les agriculteurs (producteurs) en tant que bénéficiaires indirects.

61      Partant, la République hellénique soutient à tort que, en présentant les agriculteurs (producteurs) comme les bénéficiaires indirectes de l’aide, la Commission a donné l’impression que ladite aide ne serait pas récupérée auprès d’eux. Cela est d’autant plus vrai qu’il est de jurisprudence constante (voir point 47 ci-dessus) que l’aide doit être récupérée auprès de ceux qui en ont eu la jouissance effective, à savoir ceux qui en ont retiré un avantage. Or, la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen indique de façon claire que la bonification des intérêts et la garantie de l’État ont permis aux agriculteurs (producteurs) d’augmenter leurs revenus, puisque leur céréales étaient achetées à un prix augmenté artificiellement.

62      De même, la République hellénique fait valoir que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen est également ambiguë en ce qui concerne les UCA. Elle soutient que ladite décision donnait l’impression que la condition d’éligibilité serait remplie par les agriculteurs et non par les UCA et que l’avantage ne serait finalement accordé qu’aux agriculteurs. Ces arguments ne sauraient prospérer. En effet, cette décision se comprend aisément en ce sens que, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, le bénéfice retiré par chaque catégorie dépend du lien entre les UCA et les agriculteurs et que celui-ci doit être examiné à l’échelon national lors de la phase de recouvrement.

63      Il y a donc lieu de considérer que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen était suffisamment claire et dénuée d’ambiguïté et que, partant, la Commission n’a ainsi violé ni les droits de la défense, ni le principe de sécurité juridique, ni l’article 108, paragraphe 2, TFUE combiné à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999.

64      Partant, le second grief, tiré du manque de clarté de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, doit être rejeté.

65      Eu égard à tout ce qui précède, le premier moyen, tiré du manque de clarté et du caractère contradictoire de la décision attaquée ainsi que de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, doit être rejeté.

 Sur les deuxième et troisième moyens, tirés d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’une appréciation erronée des faits et d’une violation des formes substantielles

66      Dans le cadre des deuxième et troisième moyens, la République hellénique soutient que les conditions de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne sont pas remplies et présente en substance quatre griefs. Premièrement, la bonification des intérêts ne fournirait pas d’avantage aux bénéficiaires directs et indirects de l’aide. Deuxièmement, la garantie de l’État ne confèrerait pas d’avantage financier aux UCA et aux agriculteurs. Troisièmement, l’appréciation selon laquelle les mesures litigieuses constituaient un avantage financier sélectif pour les bénéficiaires serait erronée et la motivation relative à celle-ci serait défectueuse et insuffisante. Quatrièmement, l’appréciation selon laquelle les mesures litigieuses menaçaient de fausser la concurrence et les échanges entre États membres serait erronée et la motivation relative à celle-ci serait défectueuse et insuffisante.

 Sur le premier grief, tiré de ce que la bonification des intérêts ne fournit pas d’avantage aux bénéficiaires directs et indirects

67      À titre liminaire, il doit être observé que, dans ses écritures, la République hellénique présente le premier grief comme étant tiré de ce que la bonification des intérêts ne fournit pas d’avantage aux bénéficiaires indirects de l’aide. Force est toutefois de relever que, dans le cadre du raisonnement présenté à l’appui de son grief, elle vise également les bénéficiaires directs de l’aide.

68      Partant, il y a lieu d’examiner le premier grief en ce sens que la République hellénique soutient qu’aucun avantage financier n’a été obtenu ni par les UCA ni par les producteurs céréaliers. Premièrement, elle fait valoir, documents à l’appui, que les prix des céréales auxquels les producteurs ont vendu ou livré des céréales aux UCA n’étaient pas artificiellement augmentés et étaient même inférieurs aux prix du négoce ou du marché. Deuxièmement, elle souligne que la fluctuation des prix entre 2008 et 2009 ne permet pas d’établir qu’il y a eu une intervention dans les mécanismes du marché par la création d’un avantage pour le groupe concerné des producteurs. Troisièmement, elle fait observer que les prêts litigieux ont été accordés afin que les UCA puissent verser une partie de la contrepartie, à savoir une partie du prix des quantités qu’elles avaient achetées ou reçues en 2008 des producteurs céréaliers qui n’avaient obtenu aucun avantage par rapport aux entreprises concurrentes. Quatrièmement, elle indique que, à le supposer avéré, l’avantage obtenu dans le cas de la bonification des intérêts ne serait que très faible.

69      Au préalable, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, sont considérées comme des aides les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises (arrêt de la Cour du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, Rec. p. 1141, 1161) ou qui sont à considérer comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêts de la Cour du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, Rec. p. I‑3547, point 60 ; du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C‑342/96, Rec. p. I‑2459, point 41, et du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, point 84).

70      Premièrement, ainsi qu’il ressort du considérant 29 de la décision attaquée, la bonification des intérêts représente de façon claire un avantage pour les bénéficiaires directs de l’aide, à savoir les UCA, et les bénéficiaires indirects de cette aide, à savoir les producteurs.

71      En effet, d’une part, en ce qui concerne les UCA, le prêt dont elles bénéficient est consenti sans intérêt, ce que ne conteste pas la République hellénique. Or, il ressort de la jurisprudence qu’une bonification d’intérêt est de nature à favoriser le bénéficiaire au détriment de ses concurrents (arrêts de la Cour du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission, 62/87 et 72/87, Rec. p. 1573, point 13, et du 7 juin 1988, Grèce/Commission, 57/86, Rec. p. 2855, point 8).

72      La République hellénique ne présente aucun élément convaincant qui permettrait de considérer que, en l’espèce, l’octroi d’un prêt sans intérêt n’avantagerait pas les UCA. À cet égard, elle relève, dans une lettre du 1er décembre 2011 portant sur les observations présentées par les tiers, que « la question de la compatibilité des prêts sous forme de bonification d’intérêt ne se pose plus, puisque [la décision portant la référence 2/21304/0025/26.10.2010 du secrétaire d’État à l’économie et aux finances grec], régissant les prêts en cause, a établi que le taux d’intérêt applicable au prêt était le taux appliqué par chaque institution financière pour la même catégorie de prêts ». S’il est vrai, contrairement à ce qu’affirme la Commission, que ces considérations ne constituent pas un aveu de la part des autorités grecques que la légalité de la bonification des intérêts était sujette à caution avant l’application du taux pratiqué par chaque institution financière, il n’en reste pas moins qu’elles ne permettent pas d’expliquer en quoi la bonification des intérêts au profit des UCA ne constituerait pas un avantage pour celles-ci.

73      D’autre part, les considérants 13, 15, 19 et 29 de la décision attaquée décrivent l’avantage que représente la bonification des intérêts pour les producteurs. Tout d’abord, le considérant 13 indique l’existence d’un lien entre les UCA et les producteurs en ce que les seconds ont livré ou vendu leurs céréales aux premiers. Ensuite, le considérant 15 met en évidence le lien existant entre le système de bonification des intérêts et la vente des céréales par les producteurs. En effet, ledit considérant se réfère à la décision portant la référence 56700/B.3033 du ministre de l’Économie et des Finances grec du 8 décembre 2008, qui indique que la bonification des intérêts était octroyée aux UCA pour des prêts affectés aux quantités de céréales achetées auprès des producteurs ou reçues de ceux-ci en 2008. En outre, il ressort du considérant 19 que, selon les autorités grecques, la bonification des intérêts était une mesure nécessaire pour réagir face à la chute des prix due à la surproduction des céréales dans le pays. Il en découle que la mesure visait également les producteurs. Enfin, le considérant 29 relève que, en accordant les prêts, la République hellénique visait à augmenter le revenu des producteurs en augmentant de manière artificielle le prix des céréales vendues par ceux-ci aux UCA et qu’ils étaient ainsi les bénéficiaires indirects de la bonification des intérêts. Il en résulte que l’avantage réside dans l’incidence positive sur les conditions de vente des céréales par les producteurs aux UCA.

74      À cet égard, ne saurait prospérer l’argument de la République hellénique selon lequel les prix des céréales auxquels ceux-ci ont vendu ou livré des céréales aux UCA n’étaient pas artificiellement augmentés et étaient même inférieurs aux prix du négoce ou du marché. La République hellénique opère une comparaison entre les prix des céréales au kilogramme mentionnés dans la décision ministérielle portant la référence 8264/9 décembre 2008 et les prix moyens annuels pondérés des mêmes céréales mentionnés dans le document portant la référence 431/34104/22 mars 2012 de la division des statistiques agricoles du ministère grec du Développement rural et de l’Alimentation. Elle soutient que ces informations combinées avec les listes nominatives des producteurs ayant reçu des avances de la part des UCA attestent que les prix des céréales n’étaient pas artificiellement augmentés et étaient même inférieurs aux prix du marché.

75      Il convient de relever que la décision ministérielle portant la référence 8264/9 décembre 2008 prévoit la répartition du montant de 150 millions d’euros entre 57 UCA. Les prix des céréales fixés dans cette décision ministérielle correspondent aux prix utilisés pour le calcul des avances à verser aux agriculteurs en vertu du contrat de prêt et, partant, engagent seulement les UCA sur le financement qu’elles accorderont par kilo de céréales vendues. Ainsi que le souligne la Commission, les producteurs ont bénéficié des incidences positives sur les conditions de vente de leurs céréales aux UCA grâce à l’intervention de l’État. En ce sens, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la République hellénique admet que certains producteurs ont vendu les céréales à un prix supérieur ou inférieur à ceux fixés dans ladite décision ministérielle, confirmant ainsi qu’il n’y a pas de lien entre le montant de la subvention par kilo de céréales indiqué dans cette décision ministérielle et celui du prix de vente par kilo de céréales et qu’il n’y a donc pas lieu de les comparer.

76      En ce sens, la République hellénique se fonde en vain sur le document portant la référence 431/34104/22 mars 2012 de la division des statistiques agricoles du ministère grec du Développement rural et de l’Alimentation afin de démontrer que les prix de vente des céréales aux UCA étaient inférieurs aux prix du négoce ou du marché. En effet, ainsi que le souligne la République hellénique elle-même, ce document ne reflète que les prix moyens annuels pondérés des producteurs pour la vente des céréales de toute l’année 2008. Cela ne démontre cependant pas que les prix du négoce ou du marché à la fin de l’année 2008, c’est-à-dire au moment où des stocks importants de céréales s’étaient constitués en raison de la surproduction et où il fallait pouvoir les vendre, étaient supérieurs aux prix de vente des céréales aux UCA.

77      En tout état de cause, il convient de relever que, au cours de la procédure administrative, la République hellénique a déclaré que les mesures adoptées étaient nécessaires pour réagir face à la chute des prix en 2008 due à la surproduction de céréales dans le pays. Dans une lettre du 9 février 2010, les autorités grecques ont en effet déclaré que, si, au cours de l’hiver 2008, les coopératives avaient vendu les céréales qu’elles avaient récoltées, les prix auraient enregistré une chute importante et les producteurs auraient subi des pertes significatives. Force est de considérer que les producteurs se sont vu procurer un avantage, celui consistant dans l’incidence positive sur les conditions de vente des céréales par les producteurs aux UCA, qu’ils n’auraient pas pu obtenir si aucun prêt n’avait été accordé aux UCA.

78      Deuxièmement, l’argument selon lequel la fluctuation des prix entre 2008 et 2009 ne permet pas d’établir qu’il y a eu une intervention dans les mécanismes du marché ne saurait prospérer. En effet, la Commission souligne à juste titre que la diminution des prix entre 2008 et 2009 ne signifie pas pour autant que les producteurs n’ont pas bénéficié d’un avantage. La République hellénique reconnaît elle-même que la surproduction a eu une incidence directe substantielle sur la formation des prix et il ne saurait être exclu que cette incidence aurait été encore plus manifeste en l’absence de mesures d’aide. Ainsi, le seul fait que le régime d’aide n’aurait pas eu pour effet d’enrayer définitivement la chute des prix ne signifie pas pour autant qu’il n’ait pas ralenti celle-ci et que ce ralentissement n’ait pas bénéficié aux agriculteurs.

79      Troisièmement, la République hellénique soutient en vain qu’est applicable par analogie le principe dégagé par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (point 69 supra) selon lequel, dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas en réalité d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence, une telle intervention ne tombe pas sous le coup de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. La Commission souligne à juste titre que, en l’espèce, les bénéficiaires ne devaient remplir aucune obligation de service public.

80      Quatrièmement, l’argument selon lequel l’avantage obtenu dans le cas de la bonification des intérêts ne serait que très faible est inopérant. En effet, tout avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans les conditions normales de marché constitue une aide d’État. Ainsi que le relève la Commission, la seule exception à cette règle est celle de l’aide de minimis prévue par les règlements (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides de minimis (JO L 379, p. 5), et (CE) n° 1535/2007, du 20 décembre 2007, concernant l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides de minimis dans le secteur de la production de produits agricoles (JO L 337, p. 35).

81      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le premier grief, tiré de ce que la bonification des intérêts n’a pas fourni d’avantage aux bénéficiaires directs et indirects de l’aide.

 Sur le deuxième grief, tiré de ce que la garantie de l’État ne confère pas d’avantage financier aux UCA et aux agriculteurs

82      La République hellénique conteste que la garantie de l’État confère un avantage financier aux UCA et aux agriculteurs et constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, elle invoque, tout d’abord, l’existence d’une sûreté réelle et, ensuite, celle d’une prime de garantie. Dans ce contexte, elle se prévaut de la législation grecque obligeant les services financiers à faire garantir et à recouvrer les créances ou permettant à l’État de révoquer la garantie. Enfin, elle soutient que les dispositions de la communication sur les garanties ont été respectées.

83      Tout d’abord, la République hellénique soutient que, conformément aux dispositions de la loi grecque relative à la constitution d’un gage sans dépossession, une sûreté réelle a été constituée sur les céréales d’une valeur égale au montant du prêt et qu’elle s’étendait à tous les produits que l’emprunteur s’était procurés grâce audit prêt ainsi qu’à toutes les marchandises qui se trouvaient sous sa garde ou sa gestion.

84      La Commission considère à juste titre que l’existence d’une telle sûreté réelle ne rend pas pour autant licite le régime d’aide. En effet, elle souligne au considérant 36 de la décision attaquée que, si les UCA ne remboursent pas les prêts, l’État dispose d’une marge pour apprécier s’il y a lieu de se prévaloir des droits accordés par la sûreté réelle.

85      À cet égard, la République hellénique se réfère en vain à la loi 2322/1995 relative à la fourniture d’une garantie de la République hellénique pour l’octroi de prêts, à la décision ministérielle portant la référence 2/487/0025/2006 relative à la procédure de constatation et de radiation des dettes garanties par la République hellénique et à la décision ministérielle portant la référence 2/88675/0025/2008 relative à la fourniture d’une garantie pour les prêts litigieux pour soutenir que l’État a l’obligation – et non le choix – de mettre en œuvre des droits que lui confère la sûreté en cas de non-remboursement des prêts. Ainsi que le relève la Commission, la décision ministérielle portant la référence 2/88675/0025/2008 ne mentionne pas dans ses considérants ou ses dispositions que la décision ministérielle portant la référence 2/487/0025/2006 est d’application. Seul l’article 3 de la décision ministérielle portant la référence 2/88675/0025/2008 prévoit que les banques qui souhaitent être payées par l’État doivent soumettre les documents mentionnés dans la décision ministérielle portant la référence 2/487/0025/2006. De même, la République hellénique n’a pas identifié avec précision quelle disposition de la loi 2322/1995 imposerait la mise en œuvre automatique de la réalisation de la sûreté réelle par la République hellénique.

86      Ensuite, en ce qui concerne l’existence d’une prime, il ressort des considérants 22 et 37 de la décision attaquée que, par la décision ministérielle portant la référence 2/21304/0025/2010, les conventions de sûreté réelle relatives aux céréales en faveur de la République hellénique ont été abrogées et remplacées par une prime de garantie de 2 % sur le solde du prêt restant dû, à partir du 30 mars 2011.

87      La République hellénique soutient que l’existence de cette prime qui a remplacé la sûreté réelle confirme que, pendant toute la durée du prêt, il existait une rémunération de la part de l’emprunteur en contrepartie de la prise de risque par la République hellénique.

88      Toutefois, il découle du point A de la décision ministérielle portant la référence 2/21304/0025/2010 mentionné au considérant 22 de la décision attaquée que les UCA ont la possibilité et non l’obligation de réglementer selon les conditions définies dans ledit point et que, partant, l’application de la prime de garantie de 2 % sur le solde du prêt restant dû n’est pas automatique. Force est d’observer que la République hellénique n’a présenté aucun élément permettant de conclure qu’une telle procédure est automatique.

89      Enfin, il ressort du point 3.5 de la communication sur les garanties que, pour qu’il soit possible de considérer qu’une garantie accordée au titre d’un régime de garanties en faveur des PME ne constitue pas une aide d’État, le régime doit assurer son autofinancement et plusieurs conditions énumérées au point 3.4 de ladite communication doivent être remplies. Or, la Commission souligne à juste titre que deux conditions au moins, à savoir celle de ne pas ouvrir le régime aux emprunteurs en difficulté [point 3.4, sous a), de cette communication] et celle de ne pas garantir plus de 80 % du solde restant dû de chaque prêt [point 3.4, sous c), de la même communication], n’ont pas été remplies.

90      En ce qui concerne la condition de ne pas ouvrir le régime aux emprunteurs en difficulté, force est de relever que la République hellénique n’a pas présenté, dans ses écritures et lors de l’audience devant le Tribunal, d’argument ou d’élément de preuve visant à démontrer que les emprunteurs en difficulté ne pouvaient pas bénéficier du régime des garanties. À cet égard, elle fait valoir en vain que cette condition prévue au point 3.4, sous a), de la communication sur les garanties ne s’appliquerait pas en l’espèce au motif que ce point renvoie aux lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2) et que l’évaluation de la viabilité des UCA ne constitue pas une condition de l’octroi de l’aide au sens de la communication sur les garanties. Outre le fait que le raisonnement de la République hellénique est dénué de clarté sur ce point, il convient de constater, d’une part, que ce renvoi sert uniquement à déterminer quand l’emprunteur doit être considéré comme étant en difficulté et, d’autre part, qu’il ressort de façon incontestable de ladite communication que les emprunteurs en difficulté ne devaient pas bénéficier du régime des garanties.

91      Quant à la seconde condition, à savoir celle de ne pas garantir plus de 80 % du solde restant dû de chaque prêt, la République hellénique soutient que le point 3.6 de la communication sur les garanties lu en combinaison avec le point 3.2, sous c), de ladite communication conduirait à la conclusion que la limite de 80 % du solde restant dû couvert par la garantie ne s’applique pas de manière rigide et que des garanties supérieures à 80 % pourraient donc être octroyées si elles sont suffisamment étayées. Elle estime que, en l’espèce, elle avait suffisamment exposé les raisons pour lesquelles il lui était permis d’accorder une garantie qui dépassait le plafond de 80 %.

92      Il convient de rappeler que le point 3.6 de la communication sur les garanties prévoit que le non-respect d’une des conditions prévues aux points 3.2 à 3.5 de ladite communication n’implique pas que la garantie ou le régime de garanties soit automatiquement qualifié d’aide d’État et que, en cas de doute quant au caractère d’aide d’État d’une garantie ou d’un régime de garantie envisagé, le projet doive être notifié à la Commission.

93      Le point 3.2, sous c), de la communication sur les garanties, auquel renvoie le point 3.4, sous c), de ladite communication, indique notamment que, pour exclure la présence d’une aide d’État, la garantie ne peut couvrir plus de 80 % du solde restant dû du prêt. Le dernier alinéa dudit point 3.2, sous c), de cette communication prévoit toutefois la possibilité d’accorder une garantie au-delà du plafond de 80 % du solde du prêt. Il mentionne que l’État membre qui souhaite accorder une telle garantie et qui affirme qu’elle ne constitue pas une aide d’État doit étayer son affirmation, par exemple, en présentant le mécanisme de l’ensemble de l’opération et doit la notifier à la Commission. Il revient à la Commission d’apprécier si les éléments présentés par l’État membre concerné permettent de considérer que la garantie ne constitue pas une aide d’État.

94      En l’espèce, la République hellénique fait valoir que le but du prêt garanti, à savoir le paiement partiel des producteurs qui avaient livré leurs céréales à des prix inférieurs à ceux du marché, justifiait le dépassement du plafond de 80 %. Elle soutient en effet que, même si la garantie couvrait 100 % du prêt, cela ne générerait pas un avantage pour les producteurs en question, mais constituerait pour eux un revenu sommaire s’imposant à la lumière de l’objectif de la politique agricole commune, prévu à l’article 39, sous b), TFUE, qui est celui d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole.

95      Toutefois, il ne saurait être considéré que, par les éléments rappelés au point 94 ci-dessus, la République hellénique a suffisamment étayé que l’appréciation de la Commission selon laquelle le régime de garanties constituait une aide d’État était erronée. En effet, il convient de constater que la République hellénique n’a pas notifié à la Commission le régime de garanties dépassant le plafond de 80 % alors que la communication sur les garanties prévoyait une telle notification. De plus, il n’a pas été démontré que les producteurs avaient livré leurs céréales à des prix inférieurs à ceux du marché. Par ailleurs, comme il a été souligné au point 73 ci-dessus, en accordant les prêts, la République hellénique visait à augmenter le revenu des producteurs en augmentant de manière artificielle le prix des céréales vendues par ceux-ci aux UCA.

96      De plus, l’objectif de la politique agricole commune visant à assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, dont se prévaut la République hellénique, n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle le mécanisme de l’ensemble de l’opération ne constitue pas une aide d’État. À tous le moins, aucun élément ne permet de dire que le constat fait par la Commission, au considérant 33 de la décision attaquée, selon lequel il n’était pas satisfait à la condition de non-dépassement du plafond de 80 %, est erroné.

97      En conclusion, force est de relever que, en l’espèce, la garantie de la République hellénique couvrait 100 % du solde restant dû du prêt et que celle-ci était également accordée à des emprunteurs en difficulté. À cet égard, il ressort de la jurisprudence (voir point 69 ci-dessus) que les conditions normales du marché servent de référence pour apprécier la qualification d’aide d’État du régime de garanties. En l’espèce, la Commission a pu raisonnablement considérer que les mesures litigieuses ne répondaient pas aux conditions normales du marché.

98      Il s’ensuit que le deuxième grief, tiré de ce que la garantie de l’État ne confère pas d’avantage financier aux UCA et aux agriculteurs, doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, tiré d’une insuffisance de motivation et du caractère erroné de l’appréciation selon laquelle la bonification des intérêts et la garantie de l’État procurent un avantage financier sélectif pour les bénéficiaires

99      La République hellénique conteste que la bonification des intérêts et la garantie de l’État aient procuré un avantage sélectif aux UCA et aux producteurs. Elle rappelle que les avances reçues par les producteurs à titre de revenu minimal pour les quantités de céréales vendues ou livrées aux UCA ont été calculées sur la base de prix qui étaient inférieurs à ceux du marché. Elle souligne que la Commission aurait dû comparer les UCA qui ont reçu les prêts et les autres coopératives. Elle aurait également dû opérer une comparaison de la situation des producteurs ayant livré ou vendu les céréales aux UCA avec celle des autres producteurs concurrents, qui n’ont pas distribué leurs produits par le biais des UCA. La Commission aurait donc violé l’obligation de motivation à cet égard.

100    À titre liminaire, il convient de souligner que, dans le cadre de ce grief, la République hellénique reproche en substance à la Commission, d’une part, de ne pas avoir suffisamment motivé la décision attaquée quant à l’existence d’un avantage financier sélectif que procureraient la bonification des intérêts et la garantie de l’État, d’autre part, d’avoir commis des erreurs d’appréciation pour conclure à l’existence d’un tel avantage sélectif. Il importe de souligner que les arguments avancés par la République hellénique visent essentiellement l’existence d’un avantage et ne concernent qu’incidemment le caractère sélectif de la mesure.

101    En premier lieu, il convient d’examiner la question de savoir si la décision attaquée est suffisamment motivée quant à l’avantage financier sélectif que procureraient la bonification des intérêts et la garantie de l’État.

102    Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Comme il a été rappelé au point 30 ci-dessus, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, Rec. p. I‑7115, point 88, et du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, Rec. p. I‑3639, point 48).

103    Appliqué à la qualification d’une mesure d’aide, ce principe exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts Portugal/Commission, point 102 supra, point 89, et Commission/Italie et Wam, point 102 supra, point 49).

104    En l’espèce, le considérant 29 de la décision attaquée indique que la bonification des intérêts représente un avantage tant pour les UCA que pour les agriculteurs, puisque le prêt était consenti sans intérêt et qu’il permettait d’augmenter de manière artificielle le prix des céréales vendues par les agriculteurs aux UCA. Il mentionne également que la condition de sélectivité est satisfaite, puisque les UCA et les agriculteurs qui ont acheté et produit des céréales en Grèce en 2008 sont les seuls bénéficiaires de l’aide.

105    De même, il ressort du considérant 32 de la décision attaquée que la République hellénique a accordé aux UCA sa garantie sur le prêt sans intérêt dont celles-ci ont bénéficié et qu’elle n’a pas exigé le paiement d’une prime appropriée en contrepartie du risque qu’elle a supporté. Le considérant 33 de ladite décision souligne en substance que, par cette garantie, les UCA et, en fin de compte, les agriculteurs bénéficient d’un double avantage : d’une part, ils ne doivent pas payer la prime appropriée qui aurait dû être versée pour couvrir le risque supporté par la République hellénique, d’autre part, la garantie de l’État leur permet d’obtenir un prêt à des conditions financières plus avantageuses que celles normalement consenties sur le marché. Le considérant 33 de cette décision précise également à cet égard que la garantie de la République hellénique dépassait 80 % du solde restant dû des prêts accordés aux UCA et aux producteurs et que le régime en question n’excluait pas les emprunteurs en difficulté. Quant à la condition de sélectivité de l’aide, le considérant 34 de la même décision souligne qu’il y est satisfait, puisque les UCA et les agriculteurs qui ont acheté et produit des céréales en Grèce en 2008 sont les seuls bénéficiaires de l’aide, et renvoie à cet égard au considérant 29 de la décision en cause.

106    Il résulte de ce qui précède que la motivation relative à l’avantage financier sélectif que procureraient la bonification des intérêts et la garantie de l’État est suffisante et répond à l’exigence de l’article 296 TFUE.

107    Aucun des arguments sur l’insuffisance alléguée de la motivation de la décision attaquée ne saurait prospérer.

108    Tout d’abord, la République hellénique affirme, en substance, à tort que la Commission n’a pas indiqué dans la décision attaquée la portée et l’importance des sûretés réelles et d’une prime de garantie de 2 % sur le solde du prêt restant dû en faveur de l’État en contrepartie de la garantie qu’il a accordée sur le prêt sans intérêt.

109    En effet, s’agissant de la sûreté réelle, la Commission a observé, au considérant 36 de la décision attaquée, que la République hellénique pouvait décider de mettre en œuvre ou non les droits attachés à ladite sûreté et que la convention sur la sûreté réelle ne garantissait pas la totalité du montant du prêt. Ce faisant, elle a motivé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles elle estimait que l’existence de la sûreté réelle n’avait pas d’incidence sur la qualification d’aide d’État de la garantie de la République hellénique.

110    Ensuite, la République hellénique avance à tort que la décision attaquée n’était pas suffisamment motivée au motif qu’elle aurait dû contenir une comparaison de la situation économique des UCA et des producteurs ayant vendu ou produit des céréales avec celle des entreprises concurrentes. En effet, il est de jurisprudence constante que, lorsque la Commission a indiqué les raisons pour lesquelles elle considérait que la mesure en cause entrait dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, elle n’était pas tenue de présenter une analyse économique de la situation réelle des marchés concernés, de la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, de la position des entreprises concurrentes et des courants d’échanges entre États membres (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 juillet 2002, HAMSA/Commission, T‑152/99, Rec. p. II‑3049, point 225 ; du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, point 215, et du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, Rec. p. II‑2341 point 145).

111    Enfin, est dénué de pertinence l’argument selon lequel la décision n’est pas suffisamment motivée au motif qu’il n’apparaîtrait pas que la Commission ait pris en compte le fait que l’avantage final obtenu par chaque producteur n’aurait été que très faible. D’une part, il ressort de l’article 2 de la décision attaquée que la Commission a tenu compte des cas dans lesquels l’avantage pourrait n’avoir été que très faible. Cette disposition prévoit que les aides sous la forme d’un prêt garanti par l’État avec une bonification des intérêts ne constituaient pas une aide si, au moment de leur octroi, elles remplissaient les conditions de l’aide de minimis. D’autre part, selon une jurisprudence constante, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 43 ; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92 à C‑280/92, Rec. p. I‑4103, point 42, et Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 69 supra, point 81). Une aide d’une importance relativement faible est de nature à affecter la concurrence et les échanges entre États membres lorsque le secteur dans lequel opèrent les entreprises qui en bénéficient connaît une vive concurrence (arrêts de la Cour du 11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, Rec. p. 4393, point 24, et du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑351/98, Rec. p. I‑8031, point 63). Il est admis par la jurisprudence que le secteur agricole connaît une concurrence intense entre les producteurs des États membres dont les produits font l’objet d’échanges intracommunautaires (arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑114/00, Rec. p. I‑7657, point 47 ; arrêt du Tribunal du 13 septembre 2012, Italie/Commission, T‑379/09, non publié au Recueil, point 58 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C‑73/03, non publié au Recueil, point 29). Ainsi, en indiquant au considérant 30 de la décision attaquée que le secteur des céréales générait d’importants échanges commerciaux intracommunautaires, force est de considérer que la Commission a implicitement pris en compte le fait que l’avantage final obtenu par chaque producteur aurait pu n’être que faible. Partant, la décision est suffisamment motivée à cet égard.

112    En second lieu, la République hellénique soutient que l’appréciation de la Commission quant à l’existence d’un avantage financier sélectif est erronée à plusieurs égards.

113    Tout d’abord, la République hellénique soutient que les prix des céréales vendues ou livrées aux UCA auraient été en réalité inférieurs à ceux du marché, si bien que la Commission aurait commis une erreur dans la qualification d’aide d’État des mesures litigieuses.

114    Cet argument ne saurait prospérer. En effet, ainsi qu’il ressort des développements contenus aux points 75 et 77 ci-dessus, la République hellénique admet que certains producteurs ont vendu les céréales à des prix équivalents, supérieurs ou inférieurs à ceux fixés dans la décision ministérielle portant la référence 8264/9 décembre 2008 et confirme ainsi implicitement que le prix de vente par kilo de céréales ne correspondait pas forcément au montant de la subvention par kilo de céréales indiqué dans ladite décision ministérielle. À cet égard, il convient de relever que la République hellénique a déclaré que les mesures adoptées étaient nécessaires pour réagir face à la chute des prix en 2008 due à la surproduction de céréales dans le pays. En effet, dans une lettre du 9 février 2010, les autorités grecques ont déclaré que, si, au cours de l’hiver 2008, les coopératives avaient vendu les céréales qui avaient été récoltées, les prix de celles-ci auraient enregistré une chute importante et les producteurs auraient ainsi subi des pertes significatives. Force est de considérer que, grâce au mécanisme de prêt sans intérêt assorti d’une garantie étatique, les producteurs ont pu, malgré la situation de surproduction, vendre leur stock de céréales aux UCA, de surcroît à un prix qu’ils n’auraient pas pu fixer si aucun prêt n’avait été accordé auxdites UCA.

115    Ensuite, l’existence d’une sûreté réelle dont se prévaut la République hellénique n’implique pas pour autant que la garantie accordée par la République hellénique ne constituait pas une aide d’État. En effet, ainsi qu’il a été relevé aux points 84 et 85 ci-dessus, la République hellénique disposait d’une marge pour apprécier s’il y avait lieu de se prévaloir des droits accordés par la sûreté réelle.

116    Enfin, pour les raisons exposées aux points 86 à 88 ci-dessus, l’existence d’une prime de garantie de 2 % sur le solde du prêt restant dû en faveur de l’État en contrepartie de la garantie qu’il a accordée sur le prêt sans intérêt n’a pas d’incidence sur la qualification d’aide d’État de la garantie accordée par la République hellénique.

117    La Commission a considéré à bon droit que la bonification des intérêts et la garantie accordée par la République hellénique ont procuré un avantage financier sélectif aux UCA et aux producteurs.

118    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième grief, tiré d’une insuffisance de motivation et du caractère erroné de l’appréciation selon laquelle les mesures litigieuses constituent un avantage financier sélectif pour les bénéficiaires.

 Sur le quatrième grief, tiré d’une insuffisance de motivation et du caractère erroné de l’appréciation selon laquelle les mesures litigieuses ont menacé de fausser la concurrence et les échanges entre États membres

119    Dans le cadre d’un quatrième grief, la République hellénique soutient, en premier lieu, que la motivation de la décision attaquée est vague en ce que des doutes subsistent quant aux données sur la base desquelles la Commission a conclu que les mesures litigieuses ont menacé de fausser la concurrence et les échanges entre États membres. En second lieu, elle affirme que l’appréciation de la Commission sur la distorsion de concurrence et l’affectation des échanges entre États membres est erronée.

120    À titre liminaire, il importe de souligner que les arguments présentés concernent quasi exclusivement la violation de l’obligation de motivation et ne concernent que de façon très marginale le grief tiré d’une appréciation erronée des faits.

121    En premier lieu, il a été rappelé au point 103 ci-dessus que, appliqué à la qualification d’une mesure d’aide, l’obligation de motivation exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, même dans les cas où il ressort des circonstances dans lesquelles l’aide a été accordée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe tout au moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (voir, en ce sens, arrêts Portugal/Commission, point 102 supra, point 89, et Commission/Italie et Wam, point 102 supra, point 49).

122    Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que, selon une jurisprudence également constante, aux fins de la qualification d’une mesure nationale en tant qu’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, Rec. p. I‑289, point 140, et la jurisprudence citée).

123    En ce qui concerne plus précisément la condition de l’affectation des échanges entre États membres, la Cour a jugé que, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a., point 122 supra, point 141, et la jurisprudence citée).

124    À cet égard, la circonstance qu’un secteur économique a fait l’objet d’une libéralisation au niveau communautaire est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence, ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres (arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a., point 122 supra, point 142).

125    Quant à la condition de la distorsion de la concurrence, il convient de rappeler que les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence (arrêts de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, point 30, et du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, Rec. p. I‑1627, point 55).

126    En l’espèce, la Commission indique de façon claire les critères auxquels une mesure doit satisfaire pour constituer une aide d’État et les applique au cas d’espèce (voir considérants 29 à 31 et 32 à 35 de la décision attaquée).

127    Quant à la motivation relative à la distorsion de concurrence et aux effets de l’aide sur les échanges intracommunautaires, il y a lieu de constater que les considérants 30 et 35 de la décision attaquée indiquent, d’une part, que le seul fait que la position commerciale d’une entreprise soit renforcée par rapport à celle d’autres entreprises en lui accordant un avantage économique qu’elle n’aurait pas reçu dans l’exercice normal de son activité fausse la concurrence et, d’autre part, que l’aide accordée à une entreprise qui opère sur un marché ouvert aux échanges intracommunautaires est de nature à affecter les échanges entre États membres. Ils précisent que le secteur des céréales génère d’importants échanges commerciaux intracommunautaires et que le régime de bonification des intérêts et celui de la garantie de l’État sont donc susceptibles d’affecter les échanges entre États membres.

128    La Commission a ainsi indiqué les motifs nécessaires pour étayer sa position selon laquelle les aides en cause affectaient des échanges entre États membres et faussaient ou menaçaient de fausser la concurrence.

129    Aucun des arguments présentés par la République hellénique ne saurait remettre en cause ce constat.

130    Tout d’abord, s’agissant de l’argument selon lequel la motivation aurait dû faire apparaître que la Commission a examiné les données précises telles que le prix du marché par rapport au prix de vente des céréales par les producteurs aux UCA, il doit être rejeté. La décision attaquée indique explicitement que, en accordant les prêts, la République hellénique visait à augmenter le revenu des agriculteurs en augmentant de manière artificielle le prix des céréales vendues par les producteurs aux UCA et que, le secteur des céréales générant d’importants échanges commerciaux intracommunautaires, le présent régime était donc susceptible d’affecter les échanges entre États membres.

131    Ensuite, contrairement à ce que soutient la République hellénique, la motivation concernant les aides sous forme de garantie est suffisante, puisque les conditions dans lesquelles elles ont été fournies sont détaillées aux considérants 16 à 22 de la décision attaquée et analysées aux considérants 32 à 41 de ladite décision. Pour autant que l’argumentation de la République hellénique doive se comprendre dans le sens que la Commission aurait dû calculer le montant de l’aide en application du point 2.1 de la communication sur les garanties, elle est dénuée de pertinence. Ledit point indique uniquement que c’est au moment où la garantie est donnée qu’il faut déterminer si elle constitue une aide d’État et, dans l’affirmative, en calculer le montant, cela ne signifiant pas que, pour satisfaire à l’obligation de motivation, la Commission aurait dû effectuer ledit calcul.

132    Par ailleurs, doit également être rejeté l’argument selon lequel il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait examiné l’intensité de la concurrence sur le marché où sont actifs les producteurs. Comme il a été confirmé dans la jurisprudence citée au point 111 ci-dessus, il existe, dans le secteur agricole, une concurrence intense entre les producteurs des États membres dont les produits font l’objet d’échanges intracommunautaires. Partant, ainsi qu’il a été rappelé au point 127 ci-dessus, la Commission a suffisamment motivé sa décision en soulignant que le secteur des céréales génère d’importants échanges commerciaux intracommunautaires.

133    En outre, est dénué de pertinence l’argument selon lequel la décision n’est pas suffisamment motivée au motif qu’elle ne contient pas d’élément qui attesterait que la Commission a examiné le fait que l’avantage final obtenu par chaque producteur n’aurait été que faible. En effet, comme il a été rappelé au point 111 ci-dessus, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, point 111 supra, point 43 ; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, point 111 supra, point 42, et Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 69 supra, point 81). D’autres éléments peuvent en effet jouer un rôle déterminant dans l’appréciation de l’effet d’une aide, notamment le caractère cumulatif de l’aide ainsi que la circonstance que les entreprises bénéficiaires opèrent dans un secteur particulièrement exposé à la concurrence (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C‑278/00, Rec. p. I‑3997, points 69 et 70, et la jurisprudence citée, et arrêt du 13 septembre 2012, Italie/Commission, point 111 supra, points 57 et 58). Ainsi, une aide d’une importance relativement faible peut parfaitement être de nature à affecter la concurrence et les échanges entre États membres lorsque le secteur dans lequel opèrent les entreprises qui en bénéficient connaît une vive concurrence. Comme il a été rappelé aux points 111, 127 et 132 ci-dessus, la décision attaquée indique en substance que le secteur des céréales connaît une vive concurrence.

134    Enfin, contrairement à ce qu’avance la République hellénique, la Commission n’avait pas à opérer une comparaison concrète de la situation des UCA et des producteurs ayant bénéficié des aides et de celle des UCA et des producteurs n’en ayant pas bénéficié pour satisfaire à l’obligation de motivation. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 110 ci-dessus, il est de jurisprudence constante que la Commission n’est pas tenue de présenter une analyse économique de la situation réelle des marchés concernés, de la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, de la position des entreprises concurrentes et des courants d’échanges entre États membres (voir, en ce sens, arrêts HAMSA/Commission, point 110 supra, point 225 ; Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 110 supra, point 215, et Mediaset/Commission, point 110 supra, point 145).

135    En second lieu, quant à l’argument tiré d’une appréciation erronée des faits, la République hellénique soutient en substance que, compte tenu du fait que les prix de vente des céréales aux UCA étaient inférieurs aux prix du négoce ou du marché, les mesures d’aide litigieuses n’étaient pas de nature à avoir des incidences réelles sur la concurrence et à affecter le commerce entre États membres.

136    Pour les raisons évoquées aux points 73 à 77 ci-dessus, cet argument doit être rejeté.

137    Partant, il y a lieu de rejeter le quatrième grief, selon lequel, en considérant que les mesures litigieuses avaient menacé de fausser la concurrence et les échanges entre États membres, la Commission a violé son obligation de motivation et a erronément apprécié les faits.

138    Il résulte de tout ce qui précède que les deuxième et troisième moyens, tirés d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’une appréciation erronée des faits et d’une violation des formes substantielles, doivent être rejetés comme dénués de fondement.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, d’une erreur d’appréciation et d’une motivation insuffisante de la décision attaquée

139    Dans le cadre du quatrième moyen, la République hellénique soutient que les conditions prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE étaient réunies en l’espèce et que les aides litigieuses étaient donc compatibles avec le marché intérieur. Elle présente en substance deux griefs à l’appui dudit moyen, l’un tiré de la violation de l’obligation de motivation, l’autre fondé sur une interprétation et une application erronées de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, et sur le fait que les conditions prévues par la communication de la Commission sur le cadre communautaire temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JO 2009, C 16, p. 1, ci-après le « CCTA ») étaient réunies en l’espèce.

140    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE prévoit que les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

141    Dans le cadre du premier grief, la République hellénique fait valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation en n’examinant pas, dans la décision attaquée, l’argument selon lequel les mesures accordées étaient justifiées sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Elle souligne à cet égard que l’analyse contenue au considérant 43 de la décision attaquée relative à la question de la compatibilité des aides avec les exceptions de l’article 107, paragraphe 3, TFUE ne contient aucun motif sur ce point. Par ailleurs, elle estime que la Commission n’a pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles elle considérait que le CCTA n’était pas applicable en l’espèce.

142    Ces arguments ne sauraient prospérer. En effet, il ressort des considérants 53 à 56 de la décision attaquée que la Commission a examiné la question de savoir si, en raison de la crise économique, dont la gravité a été reconnue en 2009, les aides étaient compatibles avec le marché intérieur. Le considérant 53 de ladite décision indique en effet que, en 2009, la Commission a adopté le CCTA, qui établit les critères qu’elle applique aux fins de l’appréciation de la compatibilité des aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement en période de crise économique, en application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Le considérant 55 de cette décision mentionne que le CCTA a prévu que les entreprises spécialisées dans la production agricole primaire ne pouvaient pas bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et que cette possibilité n’a été prévue qu’à partir du 31 octobre 2009, à savoir la date d’entrée en vigueur de la communication de la Commission modifiant le cadre communautaire temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JO 2009, C 261, p. 2). La Commission a souligné que tout régime d’aide d’État dans le domaine de la production agricole primaire approuvé avant cette date ne pouvait être couvert par le CCTA, renvoyant ainsi implicitement mais certainement aux éléments contenus dans le CCTA qui décrivaient les circonstances économiques du moment et, en particulier, les raisons pour lesquelles il n’y avait pas lieu pour les entreprises spécialisées dans la production agricole primaire de pouvoir bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Elle a constaté que les aides litigieuses ont été octroyées en 2008, soit avant le 31 octobre 2009, et elle a estimé que les producteurs ne pouvaient ainsi bénéficier de ladite possibilité prévue par le CCTA. Ensuite, au considérant 56 de la même décision, la Commission a relevé que les mesures litigieuses ne satisfaisaient pas à la condition établie par le CCTA selon laquelle, pour qu’une aide soit considérée comme compatible, elle doit être applicable à l’ensemble du secteur agricole et non à un produit en particulier, comme les céréales en l’occurrence.

143    Ce faisant, la Commission a motivé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles elle a rejeté les arguments avancés par la République hellénique selon lesquels, d’une part, l’économie en Grèce était gravement perturbée au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE lors de l’octroi des aides, d’autre part, les conditions prévues par le CCTA étaient réunies pour que celui-ci s’applique au cas d’espèce.

144    Dans le cadre du second grief, la République hellénique fait valoir que la Commission a mal usé de son pouvoir d’appréciation pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, que les conditions prévues par cette disposition étaient réunies compte tenu des perturbations graves de l’économie de la Grèce et que, partant, la bonification des intérêts et la garantie de l’État étaient compatibles avec le marché intérieur. Elle estime que la Commission ne pouvait subordonner l’application de ladite disposition à l’entrée en vigueur du CCTA. Par ailleurs, elle soutient que, contrairement à ce que prétend la Commission, les conditions d’application du CCTA étaient réunies depuis son entrée en vigueur et que celui-ci aurait donc dû être également appliqué dans les cas qui concernaient les agriculteurs actifs dans la production agricole primaire.

145    En premier lieu, il convient d’examiner l’étendue du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission pour appliquer l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

146    À cet égard, il doit être rappelé que, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est d’interprétation stricte (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C‑301/96, Rec. p. I‑9919, point 66).

147    L’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE indique que la Commission « peut » considérer comme compatibles les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. La Commission dispose de la faculté et non de l’obligation d’octroyer une dérogation à l’interdiction des aides d’État prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle dispose ainsi d’une large marge d’appréciation afin de déterminer si des mesures de nature à remédier à une perturbation grave de leur économie peuvent être adoptées par les États membres et elle peut, dans le cadre de ce large pouvoir d’appréciation, adopter des critères à cet égard. Partant, la question de savoir si les critères qu’elle adopte en vue de permettre l’octroi d’aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie sont justifiés implique des évaluations complexes d’ordre économique et social, à effectuer dans un contexte communautaire, qui relèvent de l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont jouit la Commission dans le domaine de l’article 107, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1991, Italie/Commission, point 34 supra, point 34 ; TWD/Commission, point 31 supra, point 26, et du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, point 125 supra, point 67). Le contrôle exercé par le juge doit, à cet égard, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêts du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, Rec. p. II‑2169, point 56, et du 5 novembre 1997, Ducros/Commission, T‑149/95, Rec. p. II‑2031, point 63).

148    En deuxième lieu, il doit être déterminé si la Commission a fait un usage manifestement erroné de son pouvoir d’appréciation lors de l’examen des conditions prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. La République hellénique soutient que tel est le cas. Tout d’abord, elle estime que la Commission ne pouvait subordonner l’application de ladite disposition à l’entrée en vigueur du CCTA. Ensuite, les conditions du CCTA auraient été remplies lors de l’adoption des mesures d’aides en raison de la perturbation très grave de l’économie grecque qui touchait manifestement toute l’économie. Enfin, l’aide aurait été compatible sur le seul fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

149    Premièrement, il convient de rappeler que, dans le contexte de la crise économique ayant débuté à la fin de l’année 2008, la Commission a adopté le CCTA, dans lequel elle a considéré que certaines catégories d’aides d’État pouvaient être justifiées, pendant une période limitée, pour pallier les difficultés rencontrées en raison de la crise économique et que ces aides pouvaient être déclarées compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. La Commission a prévu expressément, au point 4.2.2, sous h), du CCTA, que les entreprises spécialisées dans la production agricole primaire ne pouvaient pas bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Ce n’est que dans le CCTA tel que modifié par la communication visée au point 142 ci-dessus qu’elle a constaté que, en raison de la crise financière, les agriculteurs avaient de plus en plus de difficulté à accéder au crédit. Dans le CCTA modifié, elle a donc estimé nécessaire d’étendre aux entreprises actives dans le secteur primaire de la production agricole la possibilité d’appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, et ce à compter du 28 octobre 2009. Elle a également prévu un plafond d’aide n’excédant pas 15 000 euros par entreprise.

150    Dans la décision attaquée, la Commission a souligné que les producteurs céréaliers ne pouvaient pas bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Le considérant 55 indique en effet que l’article 1er de la décision ministérielle portant la référence 56700/B.3033 du ministre de l’Économie et des Finances grec du 8 décembre 2008 établissait que la bonification des intérêts concernait des prêts octroyés en 2008 et en conclut que les prêts concernés, et donc l’aide d’État, avaient été accordés avant la date de l’entrée en vigueur de la modification du cadre temporaire (le 29 octobre 2009).

151    C’est dans ce contexte qu’il convient de déterminer si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

152    S’agissant du contexte économique existant au moment où les aides litigieuses ont été octroyées et où la Commission a adopté le CCTA, il découle du point 4.2.2, sous h), du CCTA que les entreprises spécialisées dans la production agricole primaire ne pouvaient bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. En effet, une référence y était expressément faite au règlement (CE) n° 1857/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107] et [108] du traité aux aides d’État accordées aux petites et moyennes entreprises actives dans la production de produits agricoles et modifiant le règlement (CE) n° 70/2001 (JO L 358, p. 3). L’article 2 dudit règlement définit ce qu’il faut entendre par la « production agricole primaire » et le considérant 6 de celui-ci relève qu’il y a des différences considérables entre la structure de la production primaire, d’une part, et celle de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, d’autre part, et qu’il semble plus indiqué de prévoir une approche différente pour la transformation et la commercialisation des produits agricoles ainsi que de prévoir un règlement d’exemption orienté vers les besoins spécifiques de la production agricole primaire. En d’autres termes et ainsi que le souligne à juste titre la Commission, le fait de ne pas avoir accordé aux entreprises actives dans la production primaire de produits agricoles la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE se justifiait par les importantes distorsions de concurrence bien connues susceptibles de se produire dans ce secteur, qui constitue par excellence le secteur intégré de l’Union européenne et qui est massivement subventionné, même pour des faibles montants d’aide.

153    Au vu de ces éléments dont la teneur n’a au demeurant pas été remise en cause par la République hellénique, il n’apparaît pas que, en l’espèce, la Commission ait fait un usage manifestement erroné de son pouvoir d’appréciation en n’accordant pas aux entreprises actives dans la production primaire de produits agricoles, dans les circonstances économiques existant lors de l’octroi des aides, la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Il s’ensuit que la Commission n’a pas erronément exercé son pouvoir d’appréciation en considérant en substance que la bonification des intérêts et la garantie de l’État accordées aux producteurs de céréales et aux UCA, à savoir des entreprises actives dans la production primaire de produits agricoles, ne pouvaient être considérées comme un régime d’aide compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

154    Ainsi, contrairement à ce que soutient la République hellénique, les conditions prévues par le CCTA n’étaient pas incompatibles avec le traité. De même, au vu de ce qui a été relevé au point 152 ci-dessus, l’affirmation selon laquelle la Commission a subordonné l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE à l’entrée en vigueur du CCTA est erronée.

155    Dans le même sens, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir conféré un caractère rétroactif à la modification apportée le 29 octobre 2009 au point 4.2.2, sous h), de la communication sur le CCTA. Il importe en effet de rappeler que, selon la jurisprudence, si, en règle générale, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que la portée dans le temps d’un acte communautaire voit son point de départ fixé à une date antérieure à celle de la publication de cet acte, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsqu’un but d’intérêt général l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée, ainsi que dans la mesure où il ressort clairement des termes, de la finalité ou de l’économie des règles communautaires concernées qu’un tel effet doit leur être attribué (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 9 mars 2006, Beemsterboer Coldstore Services, C‑293/04, Rec. p. I‑2263, point 21, et du 19 mars 2009, Mitsui & Co. Deutschland, C‑256/07, Rec. p. I‑1951, point 32). En l’espèce, compte tenu des spécificités du secteur de la production agricole primaire, rappelées au point 152 ci-dessus, force est de considérer que le but d’intérêt général que constituait la lutte contre la crise économique n’exigeait pas que la modification du point 4.2.2, sous h), de la communication sur le CCTA présente un caractère rétroactif. La requérante ne présente aucun autre élément qui viserait à justifier l’application rétroactive de ladite communication.

156    De surcroît, il y a lieu de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante, les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte. Cette interprétation stricte exige, elle aussi, de limiter l’application d’une dérogation en matière d’aides d’État à la période postérieure à son entrée en vigueur, à tout au moins si les aides en question ont déjà été versées (voir arrêt du Tribunal du 15 avril 2008, SIDE/Commission, T‑348/04, Rec. p. II‑625, point 62, et la jurisprudence citée). Considérer qu’une aide non notifiée peut être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu d’une dérogation qui n’était pas en vigueur lors du versement de ladite aide reviendrait à avantager l’État membre l’ayant octroyée par rapport à d’éventuels États membres qui auraient voulu accorder une aide similaire et qui y auraient renoncé, faute d’une dérogation le permettant. De même, l’État membre en cause serait avantagé par rapport à tout autre État membre qui, désirant octroyer une aide pour la même période, l’aurait notifiée avant l’entrée en vigueur de la dérogation en question et, en conséquence, aurait obtenu de la Commission une décision constatant l’incompatibilité de l’aide avec le marché intérieur. Cela constituerait une incitation à ce que les États membres ne notifient pas les aides qu’ils jugent incompatibles avec le marché intérieur, en l’absence de dérogation qui leur serait applicable, dans l’espoir qu’une telle dérogation puisse être adoptée par la suite (arrêt SIDE/Commission, précité, point 67).

157    Deuxièmement, la République hellénique fait valoir en vain que les conditions du CCTA étaient remplies lors de l’adoption des mesures d’aides en raison de la perturbation très grave de l’économie grecque qui touchait manifestement toute l’économie et que, partant, les producteurs de céréales auraient dû bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Par ce raisonnement, elle tente en réalité d’opérer une distinction entre les producteurs de céréales et les autres entreprises actives dans la production primaire de produits agricoles. Elle ne présente toutefois aucun élément justifiant que les producteurs céréaliers grecs se seraient trouvés dans une situation plus difficile que les autres producteurs agricoles grecs lors de l’adoption du CCTA. Partant, elle ne justifie pas en quoi les conditions du CCTA auraient été remplies en l’espèce.

158    Troisièmement, la République hellénique soutient en vain que l’aide était compatible sur le seul fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. En effet, il ressort d’un examen des éléments de preuve présentés par la République hellénique en annexe à ses écritures qu’ils concernent quasi exclusivement l’année 2009 et ne sont pas de nature à attester d’une grave perturbation de l’économie grecque au cours de l’année 2008.

159    Plus précisément, la République hellénique se prévaut du rapport d’Eurostat pour l’année 2011, qui indique que le taux de croissance de son PIB était de 1,3 % en 2008. Il en ressortirait qu’elle n’était pas en récession en 2008. De même, elle appuie son argumentation sur des documents de la Confédération panhellénique des UCA et de la Banque agricole de Grèce. Ceux-ci ne démontrent cependant pas que l’économie grecque a connu une perturbation grave dès l’année 2008. Ils mentionnent, certes, que les revenus des agriculteurs ont diminué cette année-là et que plusieurs demandes de prêts émanant des agriculteurs ont été refusées. Toutefois, il en résulte que la diminution des revenus et le nombre de refus de prêts s’étaient avérés nettement plus importants en 2009. La République hellénique indique elle-même dans ses écritures avoir connu une perturbation grave de son économie en 2009.

160    Or, il importe de relever que les mesures litigieuses ont été adoptées par des décisions ministérielles de décembre 2008 (voir points 12 et 13 ci-dessus). L’article 1er de la décision ministérielle portant la référence 56700/B.3033 du ministre de l’Économie et des Finances grec du 8 décembre 2008 prévoit que la bonification des intérêts était autorisée pour les prêts octroyés ou qui seraient octroyés au cours de l’année 2008. Quant à la garantie de l’État, le point 2.1 de la communication sur les garanties indique que c’est au moment où celle-ci est donnée qu’il faut déterminer si elle constitue une aide d’État (voir point 131 ci-dessus). C’est donc à juste titre que la Commission souligne que les aides litigieuses ont été accordées au plus tard avant la fin de l’année 2008.

161    Partant, il ne ressort pas de l’argumentation de la République hellénique que les conditions d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE auraient été réunies lors de l’adoption des mesures litigieuses et que, partant, la Commission aurait violé cette disposition.

162    En troisième lieu, ne saurait prospérer l’argument selon lequel, en excluant du CCTA les entreprises agricoles actives dans la production agricole primaire, la Commission a violé les principes de confiance légitime et de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination, d’une économie libre et de la sauvegarde d’une concurrence saine ainsi que l’article 39 TFUE.

163    Premièrement, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à toute personne qui se trouve dans une situation selon laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez elle des espérances fondées (arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, Rec. p. II‑1093, point 26, et du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, non publié au Recueil, point 227).

164    Or, comme le souligne la Commission, le droit d’octroyer une aide d’État n’est pas reconnu en soi et les aides d’État sont en principe interdites par l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf si elles sont approuvées par la Commission en vertu des dispositions des articles 107, paragraphe 2, ou 107, paragraphe 3, TFUE. Rien n’indique en l’espèce que la République hellénique était en présence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes que la Commission lui aurait fournies s’agissant de la validité d’aides d’État accordées aux agriculteurs céréaliers. De même, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de cette aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (arrêt de la Cour du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, Rec. p. I‑1875, point 65). En l’espèce, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, l’aide a été octroyée sans notification préalable, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et sans aucune perspective raisonnable que l’aide puisse être considérée comme compatible en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE au moment considéré, puisque, compte tenu du contexte économique existant au moment de l’adoption des mesures d’aides tel qu’il ressortait du CCTA, les entreprises spécialisées dans la production agricole primaire ne pouvaient bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Partant, il ne peut y avoir violation du principe de confiance légitime.

165    Il est certes vrai, comme le souligne en substance la République hellénique, que, si les aides litigieuses avaient été octroyées après l’entrée en vigueur du point 4.2.2, sous h), de la communication sur le CCTA, tel que modifié le 28 octobre 2009, elles auraient peut-être été considérées comme compatibles avec le marché intérieur. Toutefois, il a été mentionné au point 147 ci-dessus que la Commission disposait d’une marge d’appréciation pour considérer que les entreprises spécialisées dans la production agricole primaire ne pouvaient bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et qu’elle n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard ni n’a violé l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. C’est donc à juste titre qu’elle souligne que, conformément à l’adage tempus regit actum, la légalité de l’acte attaqué devrait s’apprécier en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris.

166    Deuxièmement, quant à l’argument tiré de la violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que ce principe exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Conserve Italia/Commission, T‑305/00, Rec. p. II‑5659, point 111, et la jurisprudence citée). La République hellénique fait valoir qu’une intervention sur l’ensemble du secteur primaire par des mesures financées par l’État membre peut s’avérer impossible en raison de son coût élevé et qu’une intervention sectorielle peut permettre d’atteindre de manière plus efficace les objectifs du CCTA.

167    Ces considérations ne permettent pas de considérer que le principe de proportionnalité a été violé en l’espèce. En effet, au moment de l’adoption des mesures d’aides, le CCTA prévoyait que les producteurs du secteur primaire ne pouvaient pas bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

168    Troisièmement, la République hellénique soutient en vain que les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ont été violés au motif que les entreprises produisant des « produits verts » bénéficiaient, dès l’origine, de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. En effet, les entreprises actives dans le secteur agricole primaire des « produits verts » utilisent un mode de production différent selon des pratiques respectueuses de l’environnement caractérisées notamment par l’absence d’utilisation de pesticides. Le secteur des « produits verts » ne peut donc être comparé avec celui de l’ensemble de la production agricole primaire. À cet égard, il est utile de relever que, au point 1.3 de la communication sur le CCTA, la Commission a souligné que, dans une situation de crise, les entreprises actives en matière d’environnement étaient touchées de manière plus forte et qu’il fallait donc leur accorder un soutien plus important, afin que ces secteurs ne soient pas mis à l’écart, et a affirmé ainsi la nécessité d’encourager les entreprises à continuer d’investir dans l’avenir, en particulier dans une économie caractérisée par une croissance durable, et d’accorder un soutien temporaire aux entreprises qui investissaient dans des projets environnementaux. Partant, la Commission a justifié à bon droit la raison pour laquelle les entreprises actives dans le secteur agricole primaire des « produits verts » devaient bénéficier, dès l’origine, de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

169    Quatrièmement, la décision attaquée ne méconnaît pas l’objectif d’une économie libre et de la sauvegarde d’une concurrence saine, comme le prétend la République hellénique. L’interdiction des aides d’État par le traité a justement pour but d’éviter des distorsions de concurrence, celles-ci pouvant être plus importantes dans le secteur de la production agricole primaire en présence d’aides d’État, étant donné que ledit secteur se caractérise par des petites structures.

170    Cinquièmement, l’argument tiré d’une violation de l’article 39 TFUE est dénué de pertinence. Il convient de rappeler que les règles du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatives aux aides d’État sont applicables, en vertu de l’article 42, premier alinéa, TFUE, lu en combinaison avec les articles 1er et 180 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO L 299, p. 1). L’article 39 TFUE n’est pas de nature à justifier une quelconque dérogation à l’interdiction des aides d’État, prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

171    Partant, le second grief, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ainsi que d’une erreur d’appréciation, doit être rejeté.

172    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, d’une erreur d’appréciation et d’une motivation insuffisante de la décision attaquée.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison de l’inclusion, dans les montants à récupérer en tant qu’aides illégales, d’une cotisation et d’une prime qui ne sont pas des aides d’État

173    Dans le cadre du cinquième moyen, la République hellénique soutient que, parmi les mesures adoptées par la République hellénique pour le financement des prêts aux UCA, les montants financiers qui correspondent à la cotisation de 0,12 % du taux d’intérêt et à la prime de garantie de 2 % sur le solde du prêt restant dû ne sont pas des prestations versées par l’État et ne constituent donc pas des aides illégales.

174    Tout d’abord, ainsi que le souligne la Commission, elle n’est pas tenue de déterminer le montant exact à récupérer auprès des bénéficiaires du régime d’aides d’État. Elle rappelle en effet à juste titre que, si certains montants ne doivent pas être inclus dans l’aide à récupérer, il y a lieu de les déterminer au cas par cas durant la procédure de récupération dans le cadre d’une coopération étroite entre elle et les autorités grecques.

175    Au surplus, la Commission relève de façon correcte que la question de la cotisation de 0,12 % comprise dans la bonification des intérêts n’a jamais été invoquée lors de la procédure administrative, ce que ne conteste d’ailleurs pas la République hellénique. Celle-ci ne peut donc se prévaloir valablement d’une erreur ou d’une inexactitude de la part de la Commission à cet égard, alors même qu’elle était la seule à pouvoir informer la Commission à ce sujet.

176    Partant, le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur les dépens

177    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 avril 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure administrative

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré du manque de clarté et du caractère contradictoire de la décision attaquée ainsi que de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen

Sur le premier grief, tiré du manque de clarté et du caractère contradictoire de la décision attaquée

Sur le second grief, tiré du manque de clarté de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’une appréciation erronée des faits et d’une violation des formes substantielles

Sur le premier grief, tiré de ce que la bonification des intérêts ne fournit pas d’avantage aux bénéficiaires directs et indirects

Sur le deuxième grief, tiré de ce que la garantie de l’État ne confère pas d’avantage financier aux UCA et aux agriculteurs

Sur le troisième grief, tiré d’une insuffisance de motivation et du caractère erroné de l’appréciation selon laquelle la bonification des intérêts et la garantie de l’État procurent un avantage financier sélectif pour les bénéficiaires

Sur le quatrième grief, tiré d’une insuffisance de motivation et du caractère erroné de l’appréciation selon laquelle les mesures litigieuses ont menacé de fausser la concurrence et les échanges entre États membres

Sur le quatrième moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, d’une erreur d’appréciation et d’une motivation insuffisante de la décision attaquée

Sur le cinquième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison de l’inclusion, dans les montants à récupérer en tant qu’aides illégales, d’une cotisation et d’une prime qui ne sont pas des aides d’État

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.