Language of document : ECLI:EU:C:2007:333

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

12 juin 2007 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Risque de confusion – Demande de marque figurative communautaire avec les éléments verbaux ‘Limoncello della Costiera Amalfitana’ et ‘shaker’ – Opposition du titulaire de la marque verbale nationale LIMONCHELO»

Dans l’affaire C‑334/05 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 9 septembre 2005,

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. O. Montalto et P. Bullock, en qualité d’agents,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Shaker di L. Laudato & C. Sas, établie à Vietri sul Mare (Italie), représentée par Me F. Sciaudone, avvocato,

partie requérante en première instance,

Limiñana y Botella SL, établie à Monforte del Cid (Espagne),

partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. Klučka, (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues, U. Lõhmus et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 janvier 2007,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 mars 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 15 juin 2005, Shaker/OHMI – Limiñana y Botella (Limoncello della Costiera Amalfitana shaker) (T-7/04, Rec. p. II‑2305, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a fait droit au recours de Shaker di L. Laudato & C. Sas (ci-après «Shaker»), en annulant la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 24 octobre 2003 (ci-après la «décision litigieuse»), qui avait refusé à cette société l’enregistrement d’une marque figurative communautaire contenant les éléments verbaux «Limoncello della Costiera Amalfitana» et «shaker».

 Le cadre juridique

2        Le septième considérant du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), énonce:

«[…] la protection conférée par la marque communautaire, dont le but est notamment de garantir la fonction d’origine de la marque, est absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services; […] la protection vaut également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services; […] il y a lieu d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion; […] le risque de confusion, dont l’appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés, constitue la condition spécifique de la protection».

3        L’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement dispose:

«Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement:

[…]

b)       lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.»

 Les antécédents du litige

4        Le 20 octobre 1999, Shaker a présenté à l’OHMI une demande d’enregistrement en tant que marque communautaire d’une marque figurative ainsi représentée:

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5        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’«arrangement de Nice»).

6        À la suite d’une intervention de l’OHMI, Shaker a limité sa demande à la liqueur de citrons provenant de la côte amalfitaine, pour ce qui est des produits de la classe 33, qui correspond aux «[b]oissons alcooliques (à l’exception des bières)».

7        Le 1er juin 2000, Limiñana y Botella SL a formé une opposition en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 40/94. Le motif de cette opposition était le risque de confusion visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement entre, d’une part, la marque dont l’enregistrement est demandé en ce qu’elle a trait aux produits de la classe 33 et, d’autre part, la marque verbale de l’opposante portant également sur les produits de la classe 33, enregistrée en 1996 auprès de l’Oficina Española de Patentes y Marcas (office espagnol des brevets et marques) et dénommée «LIMONCHELO».

8        Par décision du 9 septembre 2002, la division d’opposition de l’OHMI a accueilli ladite opposition et a refusé l’enregistrement de la marque demandé.

9        Par la décision litigieuse, la deuxième chambre de recours de l’OHMI, saisie par Shaker, a rejeté la demande de celle-ci. En substance, elle a estimé que l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement était demandé était le terme «Limoncello» et que cette marque ainsi que la marque antérieure étaient visuellement et phonétiquement très proches l’une de l’autre, de sorte qu’il existait un risque de confusion.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10      Le 7 janvier 2004, Shaker a introduit un recours devant le Tribunal aux fins de l’annulation de la décision litigieuse, invoquant, en premier lieu, la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en deuxième lieu, un détournement de pouvoir et, en troisième lieu, la violation de l’obligation de motivation des décisions.

11      S’agissant du premier moyen, le Tribunal, après avoir constaté l’identité entre les produits en cause, a, en ce qui concerne les signes en présence, jugé aux points 53 et 54 de l’arrêt attaqué:

«53      [L]a chambre de recours devait examiner quel composant de la marque demandée est susceptible, de par ses caractéristiques visuelles, phonétiques ou conceptuelles, de donner à lui seul une impression de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que les autres composants de celle-ci apparaissent négligeables à cet égard. [...]

54      Toutefois, si la marque demandée est une marque complexe à caractère visuel, l’appréciation de l’impression d’ensemble de cette marque ainsi que la détermination d’un éventuel élément dominant de celle-ci doit intervenir sur la base d’une analyse visuelle. Partant, dans une telle hypothèse, ce n’est que dans la mesure où un éventuel élément dominant comporterait des aspects sémantiques non visuels qu’il y aurait lieu, le cas échéant, de procéder à la comparaison entre cet élément, d’une part, et la marque antérieure, d’autre part, en prenant également en compte ces autres aspects sémantiques, comme par exemple des aspects phonétiques ou des concepts abstraits pertinents.»

12      Suivant cette méthode, le Tribunal a considéré, au point 59 de l’arrêt attaqué, que la représentation du plat rond orné de citrons était le composant dominant de la marque dont l’enregistrement était demandé. Il a constaté que les éléments verbaux de cette marque n’étaient pas dominants sur le plan visuel et a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’analyser les caractéristiques phonétiques ou conceptuelles de ces éléments.

13      En conséquence, il a jugé au point 65 du même arrêt que le composant représentant le plat rond n’avait aucun point commun avec la marque antérieure qui est une marque purement verbale.

14      Aux points 66 à 69 dudit arrêt, le Tribunal a considéré:

«66      Il n’y a dès lors pas de risque de confusion entre les marques en question. La dominance de la représentation figurative d’un plat rond orné de citrons par rapport aux autres éléments de la marque demandée empêche tout risque de confusion fondé sur l’existence de similitudes visuelles, phonétiques ou conceptuelles des termes ‘limonchelo’ ou ‘limoncello’ figurant dans les marques en cause.

67      Dans le cadre d’une appréciation globale du risque de confusion, il convient encore de rappeler que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il garde en mémoire […]. Ainsi, l’élément dominant de la marque demandée que constitue le plat rond orné de citrons a une importance majeure dans l’analyse d’ensemble du signe puisque le consommateur observant une étiquette de boisson alcoolisée forte prend en considération et retient l’élément prédominant du signe qui lui permet, lors d’une acquisition ultérieure, de répéter l’expérience.

68      La prédominance du composant figuratif constitué d’un plat rond orné de citrons dans la marque demandée rend, dans le cas d’espèce, l’appréciation des éléments distinctifs de la marque antérieure sans aucune incidence sur l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. En effet, si l’importance du caractère distinctif d’une marque verbale antérieure est susceptible d’influencer l’appréciation du risque de confusion […], ce critère suppose qu’il y ait, à tout le moins, un certain risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée. Or, il ressort de l’appréciation d’ensemble du risque de confusion entre les marques en cause que la prééminence, dans la marque demandée, d’un plat rond orné de citrons empêche tout risque de confusion avec la marque antérieure. Par conséquent, il n’y a plus lieu de se prononcer sur le caractère distinctif de la marque antérieure […]

69      Au vu de ces considérations, il y a lieu de constater que, malgré l’identité des produits visés, le degré de similitude entre les marques en question n’est pas suffisamment élevé pour pouvoir considérer que le public de référence espagnol puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Partant, contrairement à ce qu’a estimé l’OHMI dans la décision [litigieuse], il n’existe pas de risque de confusion entre celles-ci au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.»

15      Dès lors, le Tribunal a accueilli le premier moyen, a jugé qu’il n’y avait plus lieu d’examiner les autres moyens et a annulé la décision litigieuse. Il a également réformé celle-ci en ce sens que le recours formé par Shaker auprès de l’OHMI est fondé et, par conséquent, que l’opposition doit être rejetée.

 Sur le pourvoi

16      À l’appui de son pourvoi, l’OHMI a invoqué deux moyens, mais a renoncé au second au cours de la procédure devant la Cour, à la suite d’une rectification opérée par le Tribunal, par ordonnance du 12 juin 2006. Il n’y a donc pas lieu d’examiner un tel moyen.

 Argumentation des parties

17      Le moyen maintenu par l’OHMI dans le cadre de son pourvoi est tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

18      L’OHMI reproche au Tribunal d’avoir exclu tout risque de confusion en fondant son appréciation sur la seule perception visuelle de la marque dont l’enregistrement est demandé, sans procéder à une analyse phonétique et conceptuelle de tous les éléments composants les marques en cause, ce qui méconnaîtrait le principe d’appréciation globale du risque de confusion, tel que ce principe ressort notamment de l’arrêt du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, Rec. p. I‑6191).

19      Par ailleurs, l’OHMI critique l’arrêt attaqué en ce qui concerne la détermination du composant distinctif et dominant des signes. Le Tribunal aurait en effet attribué une valeur exclusive et décisive à la représentation du plat orné de citrons sans reconnaître que les autres composants puissent avoir une quelconque valeur distinctive.

20      L’OHMI estime que le Tribunal aurait dû évaluer l’incidence effective du terme «Limoncello» sur la perception que le consommateur moyen a des produits en cause, et prendre en compte le public de référence en l’espèce. S’agissant de boissons alcooliques, le consommateur moyen prêterait davantage d’attention au composant verbal, dans la mesure où il s’agirait d’une catégorie de marchandises communément identifiée par le nom du produit, plutôt qu’aux éléments iconographiques reproduits sur l’étiquette.

21      En omettant d’apprécier les caractéristiques distinctives intrinsèques de la marque antérieure, l’arrêt attaqué aurait inversé le processus qui devrait conduire à l’appréciation du risque de confusion. Le Tribunal se serait limité à une simple analyse des signes, sans procéder à une appréciation globale.

22      Shaker estime en revanche, en premier lieu, que le pourvoi se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt SABEL, précité. Le règlement n° 40/94 ne prévoirait pas l’examen de chacun des éléments visuel, phonétique et conceptuel des marques en cause.

23      Par ailleurs, l’arrêt du Tribunal du 15 février 2005, Cervecería Modelo/OHMI – Modelo Continente Hipermercados (NEGRA MODELO) (T‑169/02, Rec. p. II‑505), invoqué par l’OHMI et dans lequel il a été jugé, au point 40, que l’identité phonétique et conceptuelle entre l’élément dominant de la marque proposée à l’enregistrement et la marque antérieure neutralise les différences visuelles découlant des particularités graphiques, ne serait pas pertinent. Cet arrêt porterait sur deux marques figuratives et la valeur neutralisante de la similitude phonétique et conceptuelle coïnciderait avec l’élément dominant du composant auditif et conceptuel commun aux deux marques. Selon Shaker, la thèse proposée par l’OHMI a pour conséquence qu’une similitude phonétique et conceptuelle peut neutraliser l’élément visuel dominant, le caractère dominant étant ainsi privé d’utilité dans l’appréciation du risque de confusion.

24      En deuxième lieu, Shaker relève que, en soutenant que le Tribunal a attribué une valeur exclusive et décisive à la représentation du plat orné de citrons, l’OHMI demande en réalité à la Cour de contrôler l’appréciation des éléments de fait opérée par le Tribunal, alors qu’une telle appréciation ne peut être soumise au contrôle de la Cour.

25      L’argument serait en conséquence irrecevable et, en tout état de cause, non fondé dans la mesure où l’OHMI ne pourrait reprocher au Tribunal une appréciation partielle des éléments de fait, lui-même se livrant à une telle appréciation. L’examen devrait être opéré à la lumière de l’arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN) (T‑6/01, Rec. p. II‑4335), confirmé par une ordonnance de la Cour du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI (C‑3/03 P, Rec. p. I‑3657), qui n’exclurait pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs des composants de celle-ci.

26      En troisième lieu, Shaker invoque l’irrecevabilité des arguments de l’OHMI relatifs à la prise en compte inadéquate du consommateur moyen et du principe d’interdépendance, ces arguments tendant à demander à la Cour une nouvelle appréciation des faits opérée par le Tribunal. Shaker relève en outre que les arrêts du Tribunal invoqués par l’OHMI ne sont pas pertinents, les circonstances dans lesquelles ces arrêts ont été rendus n’étant pas les mêmes que celles de la présente affaire.

27      S’agissant du public de référence, le Tribunal aurait à bon droit retenu les consommateurs moyens espagnols, en s’y référant de façon spécifique pour apprécier le risque de confusion.

 Appréciation de la Cour

 Sur la recevabilité

28      S’agissant de l’exception d’irrecevabilité soulevée par Shaker à l’encontre du moyen invoqué par l’OHMI, il convient de rappeler que, conformément aux articles 225, paragraphe 1, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit. En effet, le Tribunal est seul compétent pour constater les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments de preuve ne constituent donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir notamment, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 22; du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 35, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 40).

29      En l’espèce, le moyen soulevé par l’OHMI porte sur une question de droit, en ce qu’il tend à démontrer que le Tribunal a méconnu la portée de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, dans la mesure où il s’est limité à l’analyse visuelle des marques en cause et n’a pas procédé à une analyse phonétique et conceptuelle de ces marques.

30      Il convient donc de considérer ce moyen comme recevable.

 Sur le fond

31      S’agissant du bien-fondé du moyen tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il y a lieu de rappeler que, conformément à cette disposition, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Un tel risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

32      Sur ce point, le législateur communautaire a précisé, au septième considérant du règlement n° 40/94, que l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs, et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe ainsi qu’entre les produits ou les services désignés.

33      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que constitue un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [voir en ce sens, à propos de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17, et du 6 octobre 2005, Medion, C‑120/04, Rec. p. I‑8551, point 26].

34      En outre, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts SABEL, précité, point 22; Lloyd Schuchfabrik Meyer, précité, point 18; du 22 juin 2000, Marca Mode, C‑425/98, Rec. p. I‑4861, point 40; ordonnance Matratzen Concord/OHMI, précitée, point 28; arrêts Medion, précité, point 27, et du 23 mars 2006, Mülhens/OHMI, C‑206/04 P, Rec. p. I‑2717, point 18).

35      Selon une jurisprudence également constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, en ce sens, arrêts précités SABEL, point 23, Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 25, Medion, point 28, et Mülhens/OHMI, point 19, ainsi que ordonnance précitée Matratzen Concord/OHMI, point 29).

36      Il convient d’ajouter que, afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, d’évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 27).

37      En l’espèce, le Tribunal a souligné, au point 49 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence telle qu’elle est rappelée au point 35 du présent arrêt et selon laquelle l’appréciation globale du risque de confusion doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les signes en cause.

38      Toutefois, il a précisé, au point 54 de l’arrêt attaqué, que, si la marque dont l’enregistrement est demandé est une marque complexe à caractère visuel, l’appréciation de l’impression d’ensemble de cette marque ainsi que la détermination d’un éventuel élément dominant de celle-ci doivent intervenir sur la base d’une analyse visuelle. Il a ajouté que, dans une telle hypothèse, ce n’est que dans la mesure où un éventuel élément dominant comporterait des aspects sémantiques non visuels qu’il y aurait lieu, le cas échéant, de procéder à la comparaison entre cet élément, d’une part, et la marque antérieure, d’autre part, en prenant également en compte ces autres aspects sémantiques, comme des aspects phonétiques ou des concepts abstraits pertinents.

39      Partant de ces considérations, le Tribunal a, dans le cadre de l’analyse des signes en cause, considéré tout d’abord que la marque dont l’enregistrement est demandé comprenait un élément dominant constitué de la représentation d’un plat rond orné de citrons. Il en a déduit ensuite, aux points 62 à 64 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas lieu d’analyser les caractéristiques phonétiques ou conceptuelles des autres éléments de cette marque. Il a enfin conclu, au point 66 du même arrêt, que la dominance de la représentation figurative d’un plat rond orné de citrons par rapport aux autres éléments de ladite marque empêchait tout risque de confusion fondé sur l’existence de similitudes visuelles, phonétiques ou conceptuelles des termes «limonchelo» et «limoncello» figurant dans les marques en cause.

40      Or, en procédant ainsi, le Tribunal n’a pas effectué une appréciation globale du risque de confusion des marques en cause.

41      En effet, il importe de souligner que, selon la jurisprudence de la Cour, dans le cadre de l’examen de l’existence d’un risque de confusion, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, ordonnance Matratzen Concord/OHMI, précitée, point 32, et arrêt Medion, précité, point 29).

42      Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 21 de ses conclusions, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant.

43      Il s’ensuit que le Tribunal a appliqué de manière erronée l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

44      Dans ces conditions, l’OHMI est fondé à soutenir que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit.

45      Il résulte de ce qui précède que l’arrêt attaqué doit être annulé.

46      Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut renvoyer l’affaire devant celui-ci pour qu’il statue.

47      Dans le présent litige, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 15 juin 2005, Shaker/OHMI – Limiñana y Botella (Limoncello della Costiera Amalfitana shaker) (T‑7/04), est annulé.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes.

3)      Les dépens sont réservés.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.