Language of document : ECLI:EU:C:2015:20

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 janvier 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2000/78/CE – Articles 2, paragraphes 1 et 2, sous a), et 6, paragraphes 1 et 2 – Différence de traitement fondée sur l’âge – Fonction publique – Régime de pension – Réglementation nationale excluant la prise en compte des périodes de scolarité accomplies avant l’âge de 18 ans»

Dans l’affaire C‑529/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 16 septembre 2013, parvenue à la Cour le 8 octobre 2013, dans la procédure

Georg Felber

contre

Bundesministerin für Unterricht, Kunst und Kultur,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, M. K. Lenaerts, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev (rapporteur) et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. B.‑R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») ainsi que des articles 2, paragraphes 1 et 2, sous a), et 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Felber à la Bundesministerin für Unterricht, Kunst und Kultur (ministre fédérale de l’Enseignement, de l’Art et de la Culture, ci-après la «Bundesministerin») au sujet du refus de la Bundesministerin de prendre en compte des périodes de scolarité précédant l’entrée en service de M. Felber pour le calcul de ses droits à pension.

 Le cadre juridique

 La directive 2000/78

3        Aux termes de son article 1er, la directive 2000/78 «a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement».

4        L’article 2 de cette directive prévoit:

«1.      Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.      Aux fins du paragraphe 1:

a)      une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;

[...]»

5        L’article 3, paragraphes 1 et 3, de ladite directive, intitulé «Champ d’application», dispose:

«1.      Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[...]

c)      les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

[...]

3.      La présente directive ne s’applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de sécurités sociale ou de protection sociale.»

6        L’article 6 de la même directive est ainsi libellé:

«1.      Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

a)      la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;

b)      la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi;

[...]

2.      Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe.»

7        L’article 7 de la directive 2000/78, intitulé «Action positive et mesures spécifiques», prévoit à son paragraphe 1:

«Pour assurer la pleine égalité dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à l’un des motifs visés à l’article 1er

 Le droit autrichien

8        Les articles 53, 54 et 56 de la loi fédérale relative aux droits à pension des fonctionnaires fédéraux, de leurs survivants et des membres de leur famille (loi relative aux pensions de 1965) [Bundesgesetz über die Pensionsansprüche der Bundesbeamten, ihrer Hinterbliebenen und Angehörigen (Pensionsgesetz 1965)], du 18 novembre 1965 (BGBl., 340/1965, ci-après le «PG 1965»), étaient, dans leur version en vigueur à l’époque des faits du litige au principal, libellés comme suit:

«Périodes antérieures à l’entrée en service à prendre en considération pour le calcul des points de retraite

Article 53

(1)      Les périodes assimilables sont celles qui sont énumérées aux paragraphes 2 à 4 dans la mesure où elles sont antérieures à la date à partir de laquelle commence à courir le temps de service fédéral susceptible d’être pris en considération aux fins de la retraite. Ces périodes sont comptabilisées par voie d’imputation.

(2)      Sont comptabilisées les périodes suivantes:

[...]

h)      la durée d’un cycle d’études complet accompli dans un [...] collège de l’enseignement technique ou professionnel, dans un lycée de l’enseignement technique ou professionnel, dans une académie ou dans un établissement d’enseignement apparenté pourvu que la durée minimum de scolarité n’ait pas été dépassée,

[...]

Exclusion de la prise en compte et renonciation

Article 54

[...]

(2)      Ne sont pas prises en compte les périodes assimilables suivantes:

a)      les périodes que le fonctionnaire a accomplies avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans [...]

[...]

Cotisation extraordinaire

Article 56

(1)      Le fonctionnaire doit verser une cotisation extraordinaire dans la mesure où le Bund ne reçoit pas, pour les périodes assimilables prises en compte, un montant dit de transfert conformément aux règles du droit de la sécurité sociale [...]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        M. Felber, né en 1956, exerce le métier de professeur et est fonctionnaire au service du Bund (État fédéral) depuis l’année 1991.

10      Aux fins du calcul de ses droits à pension, les périodes assimilables antérieures à son entrée au service de l’administration ont été déterminées par une décision prise au cours de l’année 1992. Seules les périodes de formation et d’activité professionnelle accomplies après l’âge de 18 ans ont été prises en considération aux fins du calcul des droits à pension de M. Felber. La période de formation que ce dernier a accomplie avant l’âge de 18 ans, en l’occurrence trois années d’études, n’a, par conséquent, pas été comptabilisée. Se fondant sur l’arrêt Hütter (C‑88/08, EU:C:2009:381), M. Felber a demandé que cette période soit prise en compte ou puisse être rachetée moyennant le versement d’une cotisation extraordinaire.

11      Le Landesschulrat für Salzburg (académie du Land de Salzbourg) a rejeté sa demande par décision du 25 novembre 2010 au motif que l’article 54, paragraphe 2, sous a), du PG 1965 n’autorise pas la prise en compte des périodes de formation accomplies avant l’âge de 18 ans à l’égard des fonctionnaires qui, comme M. Felber, relèvent de l’article 88, paragraphe 1, du PG 1965 parce qu’ils ont été engagés avant le 1er mai 1995. M. Felber a fait appel de cette décision du Landesschulrat für Salzburg devant la Bundesministerin, mais celle-ci a rejeté son recours par décision du 1er décembre 2011.

12      M. Felber a ensuite introduit un recours contre cette décision devant le Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle), qui a décliné sa compétence, par décision du 5 mars 2012, au profit de la juridiction de renvoi. Le Verfassungsgerichtshof a néanmoins jugé compatible avec le principe constitutionnel d’égalité de traitement que des règles applicables à la reconnaissance de périodes de formation antérieures à l’entrée en service dans le calcul du montant des pensions de retraite s’écartent de celles applicables à la reconnaissance de ces périodes en vue de la détermination du montant du traitement des fonctionnaires.

13      Selon la juridiction de renvoi, l’arrêt Hütter (EU:C:2009:381) exige qu’il soit procédé à un nouveau calcul non discriminatoire des périodes d’activité professionnelle et des périodes de formation accomplies par l’agent concerné avant l’âge de 18 ans. Dès lors, elle se demande s’il convient de procéder à ce nouveau calcul non discriminatoire non seulement pour les droits à rémunération mais aussi pour les droits à pension.

14      Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Sans préjudice de l’article 52, paragraphe 1, de la [Charte] et de l’article 6 de la directive [2000/78], ne retenir pour le calcul des points de retraite des fonctionnaires que les périodes d’études que le fonctionnaire a accomplies dans un collège ou un lycée de l’enseignement technique ou professionnel après avoir atteint l’âge de 18 ans, le nombre de périodes étant déterminant non seulement pour le droit à une pension, mais également pour le montant de celle-ci et la pension en question (pension globale) étant, en droit national, considérée comme une rémunération qui continue à être versée dans le cadre d’une relation de service de droit public qui se poursuit même après l’admission du fonctionnaire au bénéfice de la retraite, comporte-t-il une inégalité de traitement (directe) fondée sur l’âge, au sens de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 2, paragraphes 1 et 2, sous a), de [cette] directive?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, un fonctionnaire peut-il, en l’absence d’une justification au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 6 de la directive [2000/78] (voir, à ce sujet, la troisième question), se prévaloir de l’applicabilité directe de l’article 21 de la Charte et de l’article 2 de la directive [2000/78] dans une procédure visant à la prise en compte de périodes accomplies avant son entrée en service même lorsqu’il n’a pas été admis au bénéfice de la retraite au moment où il engage la procédure, compte tenu du fait, en particulier, que, conformément au droit national, si la situation juridique n’a pas évolué au moment où il sera admis au bénéfice de la retraite, les effets en droit du rejet de sa demande de prise en compte de ces périodes pourraient lui être opposés dans une procédure de calcul de ses points de retraite ou lorsqu’il introduira une nouvelle demande de prise en considération des périodes en question?

3)      En cas de réponse affirmative, l’inégalité de traitement est-elle justifiée au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 6, paragraphe 1 ou 2, de la [directive 2000/78]

a)      par le souci de faire bénéficier les personnes dont la date de naissance était postérieure à la date de la rentrée des classes l’année où ils sont entrés à l’école ainsi que les personnes qui suivent un enseignement de cycle supérieur prolongé et qui, pour ce motif, doivent continuer à étudier au-delà de leur dix-huitième année pour terminer leurs études dans les mêmes conditions que les personnes qui quittent le collège ou le lycée de l’enseignement technique ou professionnel avant la fin de leur dix-huitième année, même lorsque la possibilité de prendre en considération les périodes d’études ultérieures à la dix-huitième année ne se limite pas à ces cas-là;

b)      par le souci d’exclure du calcul des droits à pension les périodes durant lesquelles l’intéressé n’exerce généralement aucune activité professionnelle rémunérée et ne verse donc aucune cotisation? L’inégalité de traitement susvisée peut-elle être justifiée indépendamment du fait que, dans un premier temps, aucune cotisation ne doit être versée non plus pour les périodes d’études accomplies dans un collège ou un lycée de l’enseignement technique ou professionnel après l’âge de 18 ans et que, en cas de prise en considération ultérieure de ces périodes pour le calcul des droits à pension, une cotisation extraordinaire devra de toute façon être versée à ce titre,

c)      parce que ne prendre en considération, aux fins de l’assurance retraite, aucune période antérieure à l’entrée en service accomplie avant l’âge de 18 ans doit être assimilé à la fixation, ‘pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations’, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive [2000/78]?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires

15      Par ses questions, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que consacré à l’article 21 de la Charte et matérialisé dans la directive 2000/78.

16      Ainsi qu’il découle de la jurisprudence de la Cour, lorsqu’ils adoptent des mesures entrant dans le champ d’application de la directive 2000/78, laquelle concrétise, dans le domaine de l’emploi et du travail, le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, les États membres doivent agir dans le respect de cette directive (voir, en ce sens, arrêts Prigge e.a., C‑447/09, EU:C:2011:573, point 48, ainsi que Tyrolean Airways Tiroler Luftfahrt, C‑132/11, EU:C:2012:329, point 22).

17      Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner les questions posées dans le cadre du litige au principal, opposant un particulier à l’administration nationale, au regard de la seule directive 2000/78.

 Sur les première et troisième questions

18      Par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2, paragraphes 1 et 2, sous a), et 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui exclut la prise en compte des périodes de scolarité accomplies par un fonctionnaire avant l’âge de 18 ans aux fins de l’octroi du droit à pension et du calcul du montant de sa pension de retraite, alors que ces périodes sont prises en compte lorsqu’elles sont accomplies après qu’il ait atteint cet âge.

19      Il convient, en premier lieu, de vérifier si la réglementation nationale en cause au principal entre dans le champ d’application de la directive 2000/78. À cet égard, il découle de son article 3, paragraphe 1, sous a) et c), que cette directive s’applique, dans le cadre des compétences dévolues à l’Union européenne, «à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics», en ce qui concerne, d’une part, «les conditions d’accès à l’emploi [...] y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle» et, d’autre part, «les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération».

20      Le champ d’application de la directive 2000/78 doit ainsi s’entendre, à la lumière de l’article 3, paragraphes 1, sous c), et 3, de cette directive, lu en combinaison avec le considérant 13 de celle-ci, comme ne couvrant pas les régimes de sécurité sociale et de protection sociale dont les avantages ne sont pas assimilés à une rémunération, au sens donné à ce terme pour l’application de l’article 157, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts HK Danmark, C‑476/11, EU:C:2013:590, point 25, et Dansk Jurist- og Økonomforbund, C‑546/11, EU:C:2013:603, point 25).

21      La notion de «rémunération», au sens de l’article 157, paragraphe 2, TFUE, comprend tous les avantages en espèces ou en nature, actuels ou futurs, pourvu qu’ils soient payés, serait-ce indirectement, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier (arrêts HK Danmark, EU:C:2013:590, point 26, et Dansk Jurist- og Økonomforbund, EU:C:2013:603, point 26).

22      Dans l’affaire au principal, est en cause l’absence de prise en compte, pour le calcul des points de retraite, de périodes de scolarité accomplies par M. Felber avant l’âge de 18 ans et antérieures à son entrée au service du Bund.

23      Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le montant de la pension de retraite dépend des périodes de service et des périodes assimilables ainsi que du traitement que percevait le fonctionnaire. La pension de retraite constitue un futur paiement en espèces, versé par l’employeur à ses employés, en conséquence directe de la relation d’emploi de ces derniers. En effet, cette pension est, en droit national, considérée comme une rémunération qui continue à être versée dans le cadre d’une relation de service qui se poursuit après l’admission du fonctionnaire au bénéfice des prestations de retraite. Ladite pension constitue, à ce titre, une rémunération au sens de l’article 157, paragraphe 2, TFUE.

24      Il découle de ce qui précède que, en excluant, aux fins du calcul d’une telle pension de retraite, une partie des fonctionnaires du bénéfice de la prise en compte des périodes de scolarité accomplies avant l’âge de 18 ans, l’article 54, paragraphe 2, sous a), du PG 1965 affecte les conditions de rémunération de ces fonctionnaires, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78. Dès lors, cette dernière s’applique à une situation telle que celle en cause au principal.

25      S’agissant, en deuxième lieu, de la question de savoir si la réglementation nationale en cause au principal emporte une différence de traitement en fonction de l’âge en ce qui concerne l’emploi et le travail, il y a lieu de constater que, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, le «principe de l’égalité de traitement» doit être entendu comme étant l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs visés à l’article 1er de cette directive, parmi lesquels figure l’âge. L’article 2, paragraphe 2, sous a), de celle-ci précise que, pour les besoins de l’application du paragraphe 1 de cet article, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de ladite directive.

26      Conformément à l’article 53, paragraphe 2, sous h), du PG 1965, doit être prise en compte la durée d’un cycle d’études complet accompli par le fonctionnaire dans un collège ou un lycée de l’enseignement technique ou professionnel, dans une académie ou dans un établissement d’enseignement apparenté pourvu que la durée minimum de scolarité n’ait pas été dépassée. L’article 54, paragraphe 2, sous a), du PG 1965 limite toutefois cette prise en compte aux périodes que le fonctionnaire a accomplies après avoir atteint l’âge de 18 ans.

27      Ainsi que le relève la juridiction de renvoi, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal favorise les personnes qui terminent ou entreprennent un tel cycle d’études après leur dix-huitième anniversaire dans la mesure où seules celles-ci bénéficieront de la prise en compte des périodes de scolarité qu’elles ont accomplies dans un collège ou un lycée de l’enseignement technique ou professionnel avant leur entrée en fonction au service du Bund. Une réglementation de cette nature instaure une différence de traitement entre les personnes en fonction de l’âge auquel elles ont accompli leur formation scolaire. Ce critère peut aller jusqu’à conduire à une différence de traitement entre deux personnes qui ont suivi ce même type de formation, et ce exclusivement en fonction de l’âge respectif de ces personnes. Une telle disposition instaure par conséquent une différence de traitement directement fondée sur le critère de l’âge, au sens de l’article 2, paragraphes 1 et 2, sous a), de la directive 2000/78 (voir, par analogie, arrêt Hütter, EU:C:2009:381, point 38).

28      Il convient, en troisième lieu, d’examiner si cette différence de traitement n’est néanmoins pas susceptible d’être justifiée au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.

29      Le premier alinéa de cette disposition précise que les États membres peuvent prévoir qu’une différence de traitement fondée sur l’âge ne constitue pas une discrimination lorsqu’elle est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens destinés à atteindre cet objectif sont appropriés et nécessaires.

30      En ce qui concerne, premièrement, la question de savoir si le but poursuivi par la réglementation nationale en cause au principal est légitime, la Cour a itérativement jugé que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d’un objectif déterminé parmi d’autres en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (arrêt Specht e.a., C‑501/12 à C‑506/12, C‑540/12 et C‑541/12, EU:C:2014:2005, point 46 et jurisprudence citée).

31      À cet égard, il ressort du dossier dont dispose la Cour que la prise en considération des périodes antérieures à l’entrée en service du fonctionnaire accomplies par celui-ci en dehors de la relation de service est une règle dérogatoire qui a été introduite pour ne pas défavoriser, en terme d’acquisition de droits à pension, les fonctionnaires ayant, préalablement à leur entrée en fonction au service du Bund, accompli une formation supérieure par rapport à ceux dont l’engagement n’est soumis à aucune condition de formation particulière et qui ont, par conséquent, pu entrer en fonction au service du Bund dès l’âge de 18 ans. Ainsi, les règles du régime de pension des fonctionnaires seraient conçues de manière à ce que la carrière globale à prendre en considération aux fins du calcul du montant de la pension de retraite remonte jusqu’à l’âge minimum requis pour l’entrée au service de l’État. La réglementation nationale en cause au principal viserait à uniformiser la date de début de cotisation au régime de pension et, partant, le maintien de l’âge d’admission au bénéfice de la retraite. Dans ce contexte, l’exclusion de la prise en compte des périodes de formation scolaire accomplies avant l’âge de 18 ans serait justifiée par le fait que l’intéressé n’exerce en principe, durant ces périodes, aucune activité rémunérée donnant lieu au versement de cotisations au régime de pension.

32      Dans la mesure où la poursuite d’un tel objectif permet d’assurer le respect du principe de l’égalité de traitement pour toutes les personnes d’un secteur donné et en rapport avec un élément essentiel de leur relation de travail, tel que le moment de départ à la retraite, cet objectif constitue un objectif légitime de la politique de l’emploi (voir, par analogie, arrêt Commission/Hongrie, C‑286/12, EU:C:2012:687, point 61).

33      Deuxièmement, il y a lieu de vérifier, selon les termes mêmes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, si, dans le cadre de la large marge d’appréciation reconnue aux États membres, rappelée au point 30 du présent arrêt, les moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

34      D’une part, s’agissant du caractère approprié de l’article 54, paragraphe 2, sous a), du PG 1965, il ressort du dossier soumis à la Cour que l’âge minimum de recrutement dans le service public est fixé à 18 ans et que, partant, un fonctionnaire ne peut être affilié au régime de pension des fonctionnaires et cotiser à ce régime qu’à partir de cet âge.

35      Par conséquent, l’exclusion, en vertu de cette disposition, de la prise en compte des périodes de formation scolaire accomplies avant l’âge de 18 ans est apte à atteindre l’objectif légitime consistant à adopter une politique de l’emploi de nature à permettre à tous les affiliés au régime de pension des fonctionnaires de commencer à cotiser au même âge, d’acquérir le droit de percevoir une pension de retraite complète et, ainsi, à garantir une égalité de traitement entre les fonctionnaires.

36      S’agissant, d’autre part, de la question de savoir si la réglementation nationale en cause au principal ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’elle poursuit, il convient de rappeler que la demande à l’origine du litige au principal tend à la prise en compte non pas de périodes d’emploi, à l’instar de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hütter (EU:C:2009:381), mais uniquement de périodes de formation accomplies dans un collège ou un lycée de l’enseignement technique ou professionnel.

37      À cet égard, la réglementation nationale en cause au principal apparaît cohérente au regard de la justification mise en avant par la juridiction de renvoi, à savoir exclure du calcul de la pension de retraite les périodes durant lesquelles l’intéressé ne verse pas de cotisations au régime de pension.

38      En effet, d’une part, des périodes de formation scolaire telles que celles en cause ne donnent pas lieu au versement de telles cotisations. D’autre part, s’agissant des périodes de scolarité accomplies par le fonctionnaire après qu’il ait atteint l’âge de 18 ans, il ressort de la décision de renvoi qu’elles ne sont considérées comme des périodes assimilables aux années de service et, partant, ne peuvent être prises en compte pour le calcul des points de retraite qu’à la condition, figurant à l’article 56 du PG 1965, que soit versée, au régime de pension, une cotisation extraordinaire correspondant aux cotisations manquantes. Il ressort du dossier soumis à la Cour que cette cotisation extraordinaire constitue la contrepartie du défaut de contribution, par l’intéressé, durant ces années de scolarité, au régime de pension au moyen de cotisations obligatoires. Ladite cotisation extraordinaire remplit, de ce fait, une fonction de compensation.

39      Dans ces conditions, compte tenu de la large marge d’appréciation reconnue aux États membres dans le choix non seulement de la poursuite d’un objectif déterminé en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser, une mesure telle que celle prévue à l’article 54, paragraphe 2, sous a), du PG 1965 est appropriée pour atteindre les objectifs visés aux points 31 et 32 du présent arrêt et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

40      Il convient par conséquent de répondre aux première et troisième questions que les articles 2, paragraphes 1 et 2, sous a), et 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut la prise en compte des périodes de scolarité accomplies par un fonctionnaire avant l’âge de 18 ans aux fins de l’octroi du droit à pension et du calcul du montant de sa pension de retraite, dans la mesure où, d’une part, elle est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime relatif à la politique de l’emploi et du marché du travail et, d’autre part, elle constitue un moyen approprié et nécessaire pour la réalisation de cet objectif.

 Sur la deuxième question

41      Eu égard à la réponse apportée aux première et troisième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

Les articles 2, paragraphes 1 et 2, sous a), et 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut la prise en compte des périodes de scolarité accomplies par un fonctionnaire avant l’âge de 18 ans aux fins de l’octroi du droit à pension et du calcul du montant de sa pension de retraite, dans la mesure où, d’une part, elle est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime relatif à la politique de l’emploi et du marché du travail et, d’autre part, elle constitue un moyen approprié et nécessaire pour la réalisation de cet objectif.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.