Language of document : ECLI:EU:T:2016:481

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

15 septembre 2016 (*)

« Concurrence – Abus de position dominante – Marché mondial des flux de données en temps réel consolidés – Décision rendant obligatoires les engagements offerts par l’entreprise en position dominante – Article 9 du règlement (CE) no 1/2003 »

Dans l’affaire T‑76/14,

Morningstar, Inc., établie à Chicago, Illinois (États-Unis), représentée par MM. S. Kinsella, K. Daly, P. Harrison, solicitors, et Me M. Abenhaïm, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Castilla Contreras, MM. A. Dawes et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Thomson Reuters Corp., établie à Toronto (Canada),

et

Reuters Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

représentées par MM. A. Nourry, G. Olsen et Mme C. Ghosh, solicitors,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2012) 9635 de la Commission, du 20 décembre 2012, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE [affaire COMP/D2/39.654 – Codes d’instruments financiers de Reuters (RIC)],

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 mars 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 octobre 2009, la Commission des Communautés européennes a décidé d’ouvrir une procédure à l’égard de Thomson Reuters Corporation et des entreprises placées sous son contrôle direct ou indirect parmi lesquelles Reuters Limited (ci-après « TR »), pour cause d’abus de position dominante présumé sur le marché mondial des flux de données en temps réel consolidés.

2        Le 19 septembre 2011, la Commission a adopté une évaluation préliminaire, conformément à l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), qu’elle a notifiée à TR le 20 septembre 2011.

3        Il ressort de l’évaluation préliminaire que TR occupe une position dominante sur le marché mondial des flux de données en temps réel consolidés. Elle pourrait avoir abusé de sa position dominante en imposant certaines restrictions concernant l’utilisation des codes d’instruments financiers de Reuters (ci-après les « RIC »). Les RIC sont des codes alphanumériques courts développés par TR pour identifier les valeurs mobilières et le lieu où elles sont négociées.

4        TR interdit à ses clients d’utiliser les RIC pour retrouver des données dans des flux de données en temps réel consolidés proposés par d’autres fournisseurs et empêche les tiers ainsi que les fournisseurs concurrents d’élaborer et de tenir à jour des tableaux de correspondance incorporant des RIC afin de permettre une interaction entre les systèmes de ses clients et les flux de données en temps réel consolidés d’autres fournisseurs. Dans son évaluation préliminaire, la Commission est arrivée à la conclusion que ces pratiques engendraient d’importants obstacles au changement de fournisseur de flux de données et constituaient un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

5        Le 8 novembre 2011, TR a soumis, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, une proposition d’engagements à la Commission afin de lever les préoccupations formulées par cette dernière dans son évaluation préliminaire.

6        Dans cette proposition d’engagements, TR proposait, notamment :

–        d’autoriser ses clients à conclure un accord de licence étendue portant sur les RIC (ci-après l’« ERL »). L’ERL permet au client, moyennant le versement d’une redevance mensuelle, d’utiliser les RIC pour rechercher des données dans les flux de données en temps réel consolidés de fournisseurs concurrents et, de la sorte, de changer une ou plusieurs de leurs applications ;

–        de fournir les informations nécessaires pour permettre à ses clients d’établir des correspondances entre les RIC et le système de codage des fournisseurs concurrents afin de changer de fournisseur.

7        Le 14 décembre 2011, la Commission a publié un avis au Journal officiel de l’Union européenne, conformément à l’article 27, paragraphe 4, du règlement no 1/2003, qui résumait l’affaire et les engagements et invitait les tiers intéressés à présenter des observations sur la proposition de TR.

8        Le 7 mars 2012, la Commission a informé TR des observations qu’elle avait reçues des tiers intéressés à la suite de la publication de l’avis d’enquête de marché.

9        Le 27 juin 2012, TR a, en réponse aux observations formulées, soumis une proposition d’engagements révisés. Les changements principaux étaient les suivants :

–        le niveau de la redevance relative à l’ERL a été revu à la baisse ;

–        la structure de la redevance relative à l’ERL n’était plus liée à d’éventuels rabais existants accordés pour les flux de données en temps réel consolidés de TR. Elle a également été rendue moins complexe et plus transparente ;

–        l’ERL pouvait être utilisée dans le monde entier par les clients qui exercent des activités commerciales effectives dans l’Espace économique européen (EEE) ;

–        l’ERL couvrait les RIC liés à des instruments négociés de gré à gré provenant d’une source unique sous réserve du consentement du contributeur concerné (à moins que TR ne soit l’unique fournisseur de données relatives à des instruments négociés de gré à gré au moment du changement de fournisseur) ;

–        l’ERL couvrait des interfaces humaines vers des applications basées sur un serveur (sans coût supplémentaire) ;

–        au-delà de la période initiale de cinq ans durant laquelle il serait possible de s’abonner à l’ERL, le client avait la possibilité de prolonger son abonnement de deux ans moyennant le versement d’une redevance symbolique ;

–        la mise à disposition d’une licence supplémentaire distincte, en l’occurrence une licence destinée aux développeurs tiers (ci-après la « TPDL »), afin de permettre à ces derniers d’élaborer des tableaux de correspondance qui permettent aux clients de TR de changer facilement de fournisseur.

10      Le 12 juillet 2012, la Commission a lancé une deuxième enquête auprès des acteurs du marché et publié les engagements modifiés, conformément à l’article 27, paragraphe 4, du règlement no 1/2003.

11      Le 25 septembre 2012, la Commission a informé TR des observations qu’elle avait reçues des tiers intéressés à la suite de la publication du deuxième avis d’enquête de marché.

12      Le 7 novembre 2012, TR a présenté une troisième série d’engagements (ci-après les « engagements définitifs ») qui comportent les dispositions suivantes :

–        la clause figurant au paragraphe 7.1 des engagements définitifs contient une définition révisée de l’expression « développeur tiers » qui permet aux développeurs tiers de conclure des accords avec d’autres fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés aux fins de l’élaboration de tableaux de correspondance permettant aux clients de TR de changer de fournisseur ;

–        les développeurs tiers ont le droit non seulement d’« élaborer » des tableaux de correspondance, mais aussi de les « tenir à jour » (clause figurant au paragraphe 1.8 de la TPDL) ;

–        la TPDL jointe en annexe aux engagements définitifs ne contient plus la clause figurant au paragraphe 3.5 de la TPDL jointe en annexe aux engagements révisés. Ladite clause comportait des dispositions en vertu desquelles un développeur tiers ne pouvait « affirmer que le recours aux RIC éligibles pour retrouver des données de tiers sera[it] pratique ou faisable en toutes circonstances ou qu’il ne [pouvait] donner lieu à des problèmes d’intégrité des données ou [à d’]autres problèmes de fonctionnalité » ;

–        les clauses figurant aux paragraphes 3.2.8 des engagements définitifs et 1.3, sous c, de la TPDL autorisent les développeurs tiers et les autres fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés à coopérer à l’élaboration, à la mise à jour et à la commercialisation de tableaux de correspondance ;

–        la clause figurant au paragraphe 3.2.9 des engagements définitifs et celles figurant au paragraphe 1.3, sous d, et au paragraphe 1.4 de la TPDL améliorent le niveau d’information que les développeurs tiers et les autres fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés peuvent échanger. Il en résulte que les développeurs tiers peuvent fournir aux autres fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés des données de référence descriptives concernant les RIC (mais non les RIC eux-mêmes) dans le cas où le développeur tiers n’a pas été en mesure d’accomplir la mise en correspondance du système de codage du fournisseur de flux de données en temps réel concurrent.

13      Les engagements définitifs de TR prévoient également, dans leur annexe V, la nomination d’un mandataire indépendant chargé de leur suivi. Sa tâche est de procéder au suivi du respect de ces engagements et d’en faire un rapport à la Commission sur une base régulière et, le cas échéant, de lui proposer des mesures afin de garantir le respect desdits engagements ainsi que de rapporter le résultat de la procédure de résolution de différends prévue à l’annexe IV des engagements définitifs.

14      La Commission a considéré que lesdits engagements étaient suffisants pour résoudre les problèmes de concurrence qui avaient été relevés. En conséquence, le 20 décembre 2012, elle a adopté, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, la décision relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE [affaire COMP/D2/39.654 – Codes d’instruments financiers de Reuters (RIC)] (JO 2013, C 326, p. 4, ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne, rendant contraignants les engagements proposés par TR. Dans cette décision, la Commission constate également que, à la lumière de ces engagements, il n’y a plus lieu qu’elle agisse.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2014, la requérante, Morningstar, Inc., a formé le présent recours.

16      Le 16 mai 2014, la Commission a produit le mémoire en défense.

17      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2014.

18      Par une mesure d’organisation de la procédure du 27 août 2014, le Tribunal (huitième chambre) a demandé à la Commission de produire l’évaluation préliminaire, dans une version non confidentielle, qu’elle avait effectuée en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 dans l’affaire en cause. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

19      La duplique est parvenue au greffe du Tribunal le 16 octobre 2014.

20      Par ordonnance du 21 octobre 2014, le président de la huitième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de TR, déposée au greffe du Tribunal le 22 mai 2014.

21      Le 2 janvier 2015, TR a déposé son mémoire en intervention.

22      Les observations des parties principales sur le mémoire en intervention de TR sont parvenues au greffe du Tribunal dans le délai imparti.

23      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous d), de son règlement de procédure, a demandé à la Commission de déposer les réponses aux enquêtes publiées au Journal officiel de l’Union européenne les 14 décembre 2011 et 12 juillet 2012, reçues de la part des acteurs du marché dans des versions non confidentielles. Celle-ci a déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 mars 2016.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée en totalité, soit dans la mesure où elle concerne les fournisseurs de flux de données en temps réel, soit dans la mesure où elle la concerne ;

–        adopter toute autre mesure jugée appropriée par le Tribunal ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité

27      La requérante fait valoir qu’elle est recevable à introduire le présent recours, la décision attaquée l’affectant directement et individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Elle serait directement affectée par la décision attaquée, qui limite sa capacité de conclure un contrat avec TR concernant les RIC, dans la mesure où ladite décision exclut expressément les fournisseurs concurrents de flux de données en temps réel consolidés du champ des personnes éligibles aux licences. En ce qui concerne l’affectation individuelle, elle soutient qu’elle a activement participé à la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. De plus, elle ferait partie d’un cercle fermé et identifiable de personnes ayant participé à la procédure administrative. En outre, la décision attaquée autorise une conduite professionnelle de son principal concurrent, ce qui affecterait sa position sur le marché pertinent.

28      La Commission conteste les arguments de la requérante et soutient, sans avoir cependant soulevé formellement d’exception d’irrecevabilité au sens de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, que le recours est irrecevable.

29      Il convient de rappeler que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE permet à une personne autre que le destinataire d’un acte de former un recours en annulation contre cet acte si celui-ci la concerne individuellement et directement.

30      Selon la jurisprudence, la question de la qualité pour agir d’un requérant s’apprécie par rapport aux effets que l’acte attaqué a sur sa situation juridique dans la mesure où ledit requérant est, d’une part, directement affecté par l’acte attaqué, en ce que l’affectation directe requiert que la mesure en cause produise directement des effets sur sa situation juridique et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union européenne, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts du 5 mai 1998, Glencore Grain/Commission, C‑404/96 P, EU:C:1998:196, point 42, et du 24 mars 1994, Air France/Commission, T‑3/93, EU:T:1994:36, point 80), et, d’autre part, individuellement affecté par ce même acte, en ce qu’il atteint le requérant en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).

31      En l’espèce, conformément à l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, la décision attaquée rend obligatoires les engagements définitifs de TR du 7 novembre 2012. En effet, la Commission a examiné les effets des restrictions imposées par TR concernant les RIC et en a conclu que lesdites restrictions étaient néfastes à la concurrence en ce qu’elles faisaient obstacle à un changement de fournisseur par les clients de TR et, par voie de conséquence, réduisaient la capacité des concurrents à entrer sur le marché ou à se livrer à une concurrence fondée sur les mérites de leurs services. Les engagements définitifs, qui visent à faciliter pour les clients de TR le changement en faveur de fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés concurrents, excluent explicitement que ces fournisseurs concurrents soient éligibles à conclure un contrat d’ERL et un contrat de TPDL. Dans la mesure où elle limite la possibilité pour la requérante de conclure de tels contrats, la décision attaquée produit des effets directs sur sa situation juridique.

32      Quant à la question de savoir si la requérante est individuellement concernée, il y a lieu de relever qu’elle a demandé des réunions avec la Commission par ses courriers des 5 mars et 16 juin 2010. À la suite de ces demandes, une première réunion a été organisée le 27 juillet 2010. Par la suite, tant sur la demande de la Commission que sur celle de la requérante, d’autres réunions et conversations téléphoniques ont eu lieu entre 2010 et 2012. De même, à la suite d’une demande de la Commission en date du 18 avril 2012, la requérante a fourni une version non confidentielle des procès-verbaux des conversations téléphoniques et réunions en cause. La requérante a également réagi et fourni ses observations s’agissant des engagements proposés par TR, par le biais de conversations téléphoniques, de réunions, de courriels et de réponses aux demandes formelles de renseignements de la Commission.

33      En outre, même si le nom de la requérante ne figure pas expressément dans la décision attaquée, il ressort de la procédure administrative qui a abouti à cette décision que la Commission a pris en compte des observations faites par la requérante.

34      Il convient d’observer que la requérante a participé activement à la procédure non seulement de sa propre initiative, mais aussi à l’initiative de la Commission qui l’a notamment invitée à soumettre ses observations sur divers aspects du marché ainsi que sur les engagements proposés, et cela hors du cadre des enquêtes de marché conformément à l’article 27, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 auxquelles la requérante a également contribué. Il s’ensuit que la requérante a participé activement à la procédure. Si une simple participation à la procédure ne suffit certes pas, à elle seule, à établir que la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée, il n’en reste pas moins que sa participation active à la procédure administrative constitue un élément pris en considération par la jurisprudence, en matière de concurrence, y compris dans le domaine plus spécifique des engagements en vertu de l’article 9 du règlement no 1/2003, pour établir, en conjonction avec d’autres circonstances spécifiques, la recevabilité de son recours (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, points 24 et 25 ; du 31 mars 1998, France e.a./Commission, dit « Kali & Salz », C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, points 54 à 56, et du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, EU:T:2003:100, point 95).

35      À cet égard, une telle circonstance spécifique est constituée, en l’espèce, par l’affectation de la position de la requérante sur le marché en cause. En effet, il ressort du dossier devant le Tribunal que la requérante opère, comme TR, sur le marché des flux de données en temps réel consolidés, marché qui est caractérisé par un nombre restreint de concurrents et sur lequel TR occupe une position dominante. Il peut en être déduit que des mesures restrictives de la part de TR en tant qu’entreprise dominante, telles que celles faisant l’objet de l’évaluation préliminaire de la Commission, sont susceptibles d’avoir des effets négatifs appréciables sur les activités de la requérante.

36      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante est également individuellement concernée. Partant, le présent recours est recevable.

 Sur le fond

37      À l’appui du recours, la requérante formule quatre moyens :

–        le premier moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a accepté des engagements qui n’étaient pas de nature à répondre aux préoccupations en matière de concurrence dont elle avait informé TR dans son évaluation préliminaire ;

–        le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, en ce que la Commission a, en acceptant des engagements qui n’étaient pas de nature à résoudre les préoccupations en matière de concurrence, outrepassé les pouvoirs qui lui étaient conférés en vertu dudit article et a, dès lors, agi ultra vires ;

–        le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité ;

–        le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation en ce que la Commission n’a pas expliqué la raison pour laquelle les engagements définitifs répondaient aux préoccupations identifiées en matière de concurrence.

38      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 9 du règlement no 1/2003 que la Commission peut, lorsqu’elle envisage d’adopter une décision exigeant la cessation d’une infraction, rendre obligatoires les engagements offerts par les entreprises concernées lorsqu’ils sont de nature à répondre aux préoccupations concurrentielles qu’elle a identifiées dans son évaluation préliminaire.

39      Le mécanisme introduit par l’article 9 du règlement no 1/2003 vise à assurer une application efficace des règles de concurrence en vigueur dans l’Union à travers l’adoption de décisions qui rendent obligatoires des engagements proposés par les parties et jugés appropriés par la Commission afin d’apporter une solution plus rapide aux problèmes de concurrence qu’elle a identifiés, au lieu d’agir par la voie de la constatation formelle d’une infraction. Plus particulièrement, l’article 9 dudit règlement est inspiré par des considérations d’économie de procédure et permet aux entreprises de participer pleinement à la procédure, en proposant les solutions qui leur semblent les plus appropriées et adéquates pour répondre auxdites préoccupations de la Commission (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07, EU:C:2010:377, point 35).

40      Dans ce contexte, la Commission dispose, en ce qui concerne l’acceptation ou le rejet des engagements, d’une large marge d’appréciation (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07, EU:C:2010:377, point 94).

41      En outre, il convient de rappeler que, dans la mesure où la Commission est appelée à effectuer une analyse nécessitant la prise en compte de nombreux facteurs économiques, telle qu’une analyse prospective afin d’évaluer l’adéquation des engagements offerts par l’entreprise en cause, elle jouit aussi ici d’une marge d’appréciation dont le Tribunal doit tenir compte dans l’exercice de son contrôle. Il en résulte que, dans le cadre du contrôle restreint qu’il exerce sur de telles situations économiques complexes, le juge de l’Union ne peut pas substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07, EU:C:2010:377, point 67, et du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 46).

42      Toutefois, ainsi que la Cour l’a relevé itérativement dans le contexte des domaines donnant lieu à des appréciations complexes, tels que le droit de la concurrence, la marge d’appréciation dont jouit la Commission n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, effectuée par cette institution, des données de nature économique (arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39 ; du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 145, et du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 46). Selon les principes dégagés par cette jurisprudence, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 46 et jurisprudence citée ; du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 50 et jurisprudence citée, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 86 et jurisprudence citée).

43      Au demeurant, il ressort également de la jurisprudence que, bien que les décisions adoptées au titre des articles 7 et 9 du règlement no 1/2003 soient soumises au principe de proportionnalité, l’application de ce principe est néanmoins différente selon que l’une ou l’autre de ces dispositions est concernée.

44      Ces dispositions répondent de fait à des objectifs différents. L’article 9 du règlement no 1/2003 vise à répondre aux préoccupations que la Commission a pu soulever lors de son évaluation préliminaire, alors que l’article 7 dudit règlement vise à mettre fin à l’infraction constatée (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07, EU:C:2010:377, point 46).

45      Il s’ensuit que, s’agissant de la proportionnalité des engagements, le test auquel la Commission doit se prêter dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 9 du règlement no 1/2003 réside dans le fait de savoir si les engagements sont « suffisants » et peuvent répondre « d’une façon adéquate » à ses préoccupations, en prenant en compte les circonstances de l’espèce, c’est-à-dire la gravité des préoccupations, leur étendue et l’intérêt des tiers (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07, EU:C:2010:377, points 41 et 61).

46      Il résulte de tout ce qui précède que le contrôle du juge de l’Union se limite à vérifier si l’appréciation à laquelle s’est livrée la Commission est manifestement erronée, en mettant en œuvre les principes rappelés aux points 40 à 45 ci‑dessus.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

47      Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir que les engagements définitifs n’ont pour effet ni de faire cesser ou de limiter sensiblement l’abus identifié ni de répondre aux préoccupations exprimées. La décision attaquée est donc, d’après la requérante, entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

48      La requérante fait remarquer que tant la définition du « client éligible » que celle des « développeurs tiers », contenues respectivement dans l’ERL et la TPDL, excluent les fournisseurs concurrents. En outre, selon les engagements, les fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés concurrents ne peuvent pas eux-mêmes traiter des RIC pour le compte d’un titulaire de licence éligible. Partant, les sociétés qui, comme la requérante, disposent de la capacité, des connaissances et des incitations nécessaires pour proposer des services concurrents seraient directement empêchées de le faire. Au regard des termes de l’accord de licence en cause, seul serait envisagé l’octroi de licences à des clients qui peuvent utiliser les RIC pour développer par eux-mêmes, ou par l’intermédiaire de développeurs tiers, les moyens d’accéder à des services qui pourraient entrer en concurrence avec les services proposés par TR.

49      À cet égard, premièrement, la requérante estime que les fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés sont incapables de fournir un service efficace de changement de fournisseur aux clients de TR car, en les excluant des termes des licences d’ERL et de TPDL, ils ne peuvent proposer un service concurrent totalement intégré. Deuxièmement, la probabilité que les développeurs tiers élaborent des tableaux de correspondance serait théorique et extrêmement faible. Troisièmement, l’intégralité de la charge et du coût du changement de fournisseur incomberait aux clients de TR, quand bien même il serait manifestement improbable qu’ils changent de fournisseur en raison du coût et de la complexité qu’implique un tel changement, du fait des travaux de remaniement de leurs systèmes et des négociations supplémentaires avec les tiers que cela impliquerait, de la nature du marché des flux de données en temps réel consolidés et du coût et de la complexité liés à l’utilisation du tableau de correspondance d’un tiers. Quatrièmement, les clients de TR ne seraient pas susceptibles de travailler avec un outil de conversion développé par un tiers plutôt que par un fournisseur concurrent, car ces outils nécessitent un degré de rapidité et de fiabilité élevé. Le recours à un tiers serait de fait un risque pour l’intégrité et l’exactitude de la mise en correspondance des codes. Aussi, une collaboration éventuelle avec un développeur tiers dans la conception d’un tableau de correspondance serait inefficace de par l’impossibilité d’échanger les informations requises à propos des RIC. Cinquièmement, le motif pour lequel les fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés concurrents ne pourraient offrir un service équivalent est également lié au fait que les « RIC en chaîne » (un moyen d’accéder à un groupe d’instruments en utilisant un seul identifiant) sont exclus des licences offertes par TR, alors que les banques et les institutions financières ont besoin d’un accès aux RIC en chaîne car il s’agit de l’un des principaux moyens d’accéder aux données. Du fait que, conformément aux engagements, seules les données les plus élémentaires sont disponibles, il ne serait pas possible pour un autre fournisseur de reconstruire ces chaînes ou de procéder à une mise en correspondance avec celles-ci sans pouvoir accéder aux données sous-jacentes. Enfin, la requérante fait remarquer que, à sa connaissance, aucun client de TR n’a eu recours à un fournisseur concurrent de flux de données en temps réel consolidés. Dans l’hypothèse où un grand nombre de sociétés chercherait à obtenir et à exploiter des licences, il existerait sur le marché des preuves de ce fait. Or, selon la requérante, tel n’est pas le cas, de sorte qu’elle réitère, comme cela était déjà indiqué lors de la procédure administrative, que de tels passages à un autre fournisseur sont très improbables.

50      En premier lieu, la Commission fait valoir qu’une ERL autorisant les clients de TR à utiliser les RIC pour rechercher des données dans les flux de données des autres fournisseurs, sans être obligés de réécrire leurs applications, suffit à répondre à ses préoccupations relatives aux restrictions portant sur l’utilisation des RIC en changeant de fournisseur. En second lieu, elle estime qu’une TPDL, qui autorise les développeurs tiers à élaborer et à tenir à jour des tableaux de correspondance entre les RIC et les systèmes de codage des autres fournisseurs, suffit également à répondre à ses préoccupations relatives aux restrictions portant sur l’utilisation des RIC afin d’élaborer de tels tableaux. La Commission met l’accent, à titre illustratif, sur diverses clauses et conditions contenues respectivement dans l’ERL et la TPDL ayant pour but de faciliter le changement de fournisseur. Dans ce contexte, elle mentionne qu’une ERL est octroyée à l’échelle mondiale au client éligible s’il exerce une activité commerciale effective dans l’EEE, qu’une ERL est octroyée à perpétuité, à condition que l’ERL ait été demandée au cours des cinq années suivant la date de lancement par le client éligible, que le client éligible pourra augmenter ou réduire à tout moment le nombre de RIC éligibles, selon son besoin dans l’activité commerciale, et que TR fournira au client éligible des mises à jour régulières des RIC éligibles ainsi que les informations de mise en correspondance nécessaires pour identifier de manière unique les données de marché en temps réel sous‑jacentes.

51      Enfin, la Commission fait valoir qu’aucun des arguments soulevés par la requérante ne modifie la conclusion selon laquelle les engagements définitifs suffisent à répondre à ses préoccupations.

52      Elle avance, à cet égard, qu’un concurrent peut établir un partenariat avec un développeur tiers afin d’offrir aux clients de TR un service de changement de fournisseur personnalisé et totalement intégré, que, l’architecture informatique de chaque client de TR lui étant généralement spécifique, il est inévitable que chaque client devra effectuer des travaux de remaniement et donc prendre en charge certains frais s’il décide de changer de fournisseur de flux de données en temps réel consolidés, que les principaux clients de TR seraient des établissements financiers d’envergure mondiale disposant de l’expertise et des moyens financiers nécessaires pour changer de fournisseur s’ils estiment que cela est dans leur intérêt commercial, que la coopération entre les fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés et des développeurs tiers pourrait permettre des économies d’échelle, qu’il n’y a aucune raison de croire que les tableaux de concordance élaborés par des développeurs tiers ne seraient pas fiables ou seraient moins rapides par rapport à l’utilisation du service de TR et que les allégations concernant les RIC en chaîne sont formulées pour la première fois dans la réplique et ne se fondent pas sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure administrative et celle devant le Tribunal et qu’elles devraient donc être rejetées comme étant irrecevables alors que, en tout état de cause, elles seraient dénuées de fondement. Enfin, la Commission fait remarquer que, l’ERL et la TPLD n’ayant été introduites que le 20 juin 2013 et le changement de fournisseur étant un processus complexe et long, il n’est pas surprenant que ce changement n’ait pas encore eu lieu durant la période comprise entre l’introduction de ces contrats de licence, d’une part, et le dépôt de la requête, d’autre part.

53      D’abord, s’agissant de la recevabilité de l’argumentation relative aux RIC en chaîne et de celle relative aux limitations dans les données descriptives fournies pour chaque RIC, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

54      Cependant, selon une jurisprudence constante, un moyen ou un argument constituant une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêts du 19 septembre 2000, Dürbeck/Commission, T‑252/97, EU:T:2000:210, point 39, et du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, EU:T:2003:256, point 111).

55      Dans le cas d’espèce, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétend la Commission, ce moyen constitue une ampliation du premier moyen, tel que présenté dans la requête, à savoir le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation des engagements définitifs. Il y a lieu de relever, à cet égard, que figuraient dans la requête de longs développements portant sur le caractère inadéquat des engagements définitifs. Par conséquent, l’argumentation dans la réplique remettant en cause le caractère suffisant des engagements définitifs pour répondre aux préoccupations de la Commission du fait de lacunes dans lesdits engagements, comme celle liée à l’absence de règle visant les RIC en chaîne, est recevable.

56      Ensuite, quant à l’examen au fond du premier moyen, ainsi que cela a déjà été rappelé au point 41 ci-dessus, compte tenu de la marge d’appréciation dont dispose la Commission lorsqu’elle vérifie l’adéquation des engagements proposés, le rôle du Tribunal se limitera à vérifier que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation. Plus précisément, il s’agira, dans le cadre de ce contrôle juridictionnel, d’établir s’il existe une adéquation entre les préoccupations relevées par la Commission dans son évaluation préliminaire et les engagements proposés par TR, engagements qui doivent, pour rappel, répondre à suffisance à ces préoccupations.

57      En outre, le contrôle de la légalité de la décision rendant obligatoires les engagements doit se faire à l’aune des préoccupations de la Commission et non pas des exigences exprimées par les concurrents quant au contenu des engagements.

58      Partant, le critère approprié, au regard des préoccupations de la Commission telles qu’exprimées dans son évaluation préliminaire, est de savoir si les engagements sont de nature suffisante pour répondre de façon adéquate auxdites préoccupations qui visent, en l’espèce, à rendre plus facile, pour les clients, le changement de fournisseur.

59      Par ailleurs, le fait que lesdites préoccupations pouvaient être levées en incluant les concurrents de TR dans les termes des licences, tel que la requérante le suggère, n’établit pas en soi que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et la circonstance que d’autres engagements auraient pu également être acceptés, voire qu’ils auraient été plus favorables pour la concurrence, ne saurait conduire à l’annulation de ladite décision pour autant que la Commission pouvait raisonnablement conclure que les engagements repris dans la décision attaquée permettaient de dissiper les préoccupations identifiées dans l’évaluation préliminaire.

60      Il y a lieu de rappeler que la décision attaquée met en œuvre une série d’engagements proposés par TR dont l’activité soulèverait des préoccupations en matière de concurrence et que, en substance, la requérante estime que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en rendant obligatoires des engagements ne répondant pas de façon suffisante auxdites préoccupations.

61      Doit être écartée l’allégation de la requérante selon laquelle les concurrents seraient incapables de fournir un service efficace de changement de fournisseur du fait qu’ils ne peuvent proposer un service totalement intégré, étant exclus des termes des contrats de licence en cause.

62      En effet, il importe de rappeler que les préoccupations soulevées par la Commission concernaient des restrictions imposées aux clients de TR et de l’empêchement fait aux tiers d’établir des correspondances entre les différents codes, engendrant ainsi des obstacles importants au changement de fournisseur. Les engagements acceptés par la Commission s’articulent donc, pour l’essentiel, autour des possibilités offertes aux clients de changer de fournisseur, que ce soit par leurs propres moyens ou en collaborant avec un développeur tiers. En ce sens, la Commission a estimé que les préoccupations en matière de concurrence pouvaient être dissipées en exigeant de la part de TR des solutions comportementales non pas à l’égard de ses concurrents, mais à l’égard de ses clients et des tiers. Ce constat, selon lequel les engagements s’articulent au premier abord autour des clients et des développeurs tiers, est appuyé par les possibilités offertes à ces derniers de collaborer et de s’assister mutuellement dans l’élaboration de tableaux de correspondance par le biais des licences proposées par TR. Les clients de TR peuvent également opter pour des développeurs tiers ayant conclu des partenariats avec des fournisseurs concurrents, lesdits partenariats consistant en une coopération relative à la conception, à la réalisation, à la mise à jour, à la promotion et au service après-vente des tableaux de correspondance. Il est donc offert aux clients de TR différentes options dans l’optique de changer de fournisseur, qu’elles soient internes ou externes à leurs infrastructures.

63      Ainsi, en acceptant lesdits engagements, la Commission a estimé que, pour répondre aux préoccupations qu’elle avait soulevées, il n’était pas nécessaire d’inclure les concurrents de TR dans les termes des licences. En outre, ainsi qu’il résulte de la décision attaquée, la Commission a considéré que le fait d’accorder aux concurrents de TR l’accès aux RIC allait au-delà de ce qui était nécessaire pour répondre à ses préoccupations. Or, au regard des constats du Tribunal présentés au point 62 ci-dessus, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

64      Doivent également être écartés les arguments selon lesquels la probabilité qu’un développeur tiers conçoive des tableaux de correspondance serait faible et théorique, tableaux de correspondance qui, selon la requérante, n’offriraient pas la fiabilité et la rapidité requises en ce qu’ils seraient conçus par des tiers.

65      S’il n’est pas nécessaire de rappeler les différentes solutions ouvertes aux développeurs tiers dans l’élaboration de tableaux de correspondance, augmentant les probabilités d’une telle conception, il convient d’affirmer que, s’agissant du prétendu manque de fiabilité et de rapidité de ces tableaux, la requérante n’invoque pas d’arguments concrets quant à ces allégations. Pour cette raison, il est déjà possible de les écarter.

66      Par ailleurs, dans l’éventualité où un client exigerait une garantie s’agissant de la fiabilité, un développeur tiers et un fournisseur concurrent peuvent s’accorder afin de donner cette garantie à ce client, possibilité qui n’a pas été exclue par les engagements, conformément à la clause figurant au paragraphe 1.3, sous c, iii, de la TPDL. Dès lors, il est tout à fait possible de répondre aux appréhensions éventuelles d’un client qui sera rassuré dans sa perspective de changement de fournisseur. En outre, hormis le fait que les clients de TR peuvent conclure une ERL afin de changer de fournisseur de flux de données en temps réel consolidés pour l’ensemble de leurs applications, ils peuvent opter, pour une période de douze mois au minimum, pour un changement partiel. Un tel changement partiel peut permettre à un client d’apprécier la fiabilité d’une source de données concurrente en faisant fonctionner en parallèle des applications qui utilisent la source de données de TR et d’autres applications qui utilisent la source de données concurrente, possibilité qui facilite pour le client un changement de fournisseur.

67      De même, l’argument selon lequel l’intégralité de la charge et du coût des changements serait supportée par les clients de TR ne peut davantage être accueilli. Il convient de rappeler que les préoccupations de la Commission portaient essentiellement sur les restrictions imposées aux clients de TR dans l’utilisation des RIC. Lesdites restrictions leur interdisaient de retrouver des données dans les flux des fournisseurs concurrents en utilisant des codes RIC, et ce même par le biais de tableaux de correspondance. En raison de l’intégration des codes RIC dans les applications informatiques des clients, une réécriture de ces applications serait nécessaire lorsque lesdits clients veulent changer de fournisseur, ce changement de fournisseur entraînant de facto, sous l’empire des restrictions imposées par TR, une modification du système de symboles utilisé. Ce processus de modification des applications est considéré, d’après les clients, comme long et coûteux. En effet, il ressort des enquêtes de marché effectuées par la Commission, dont les conclusions ont été insérées dans l’évaluation préliminaire, que la part essentielle des coûts de changement serait attribuée à la conversion des codes. Ces coûts sont parfois difficiles à quantifier, notamment en ce que chaque architecture informatique est spécifique à un client. Cependant, la Commission a indiqué dans son évaluation préliminaire que, pour les clients ayant opéré une évaluation poussée des coûts de changement, ces derniers étaient considérés comme prohibitifs et comme pouvant décourager les clients de changer de fournisseur. En réaction à ces préoccupations, TR a donc offert aux clients, ainsi qu’à des développeurs tiers, la possibilité d’établir des tableaux de correspondance entre les codes RIC et le système de symboles utilisé par le nouveau fournisseur, de sorte qu’une modification des applications ne sera plus nécessaire. Ces engagements permettent donc une réelle avancée pour les clients de TR qui ne font plus face à des coûts prohibitifs dans l’optique d’un changement de fournisseur, en l’absence de la nécessité d’une modification profonde des applications informatiques. Si la mise en place d’un tableau de correspondance par le client, que ce soit en interne ou par le biais d’un développeur tiers, est également susceptible d’entraîner des coûts, il convient de rappeler que les engagements ne visent pas une élimination totale des coûts, mais bien à rendre le changement de fournisseur plus accessible par des coûts raisonnables.

68      En outre, il y a lieu de constater qu’une modification des systèmes et applications informatiques est susceptible, en tout état de cause, d’engendrer des frais qui devront être supportés par le client, notamment eu égard à la spécificité de l’architecture informatique de chaque client. De plus, lesdits clients sont généralement des institutions ou des entreprises d’envergure mondiale et sont susceptibles d’avoir les moyens financiers pour prendre en charge de tels coûts.

69      À l’instar de la Commission, il convient également de constater que les collaborations entre des fournisseurs de flux de données en temps réel consolidés et des développeurs tiers peuvent générer des économies d’échelle. Ces économies sont de nature à faire baisser les coûts de changement de fournisseur, ce qui pourrait être une incitation supplémentaire pour les clients, y compris pour les clients de taille modeste, à changer de fournisseur.

70      Enfin, les arguments liés à l’absence de données relatives aux RIC en chaîne et aux limitations des données descriptives fournies pour chaque RIC empêchant les fournisseurs concurrents d’offrir un service équivalent ne sont pas davantage fondés. En premier lieu, il est à noter à cet égard qu’il apparaît que, durant la procédure administrative, ni la requérante ni aucun autre tiers n’ont exprimé la moindre préoccupation concernant l’exclusion de certains RIC en chaîne de la portée des licences offertes par TR. En effet, les seuls RIC en chaîne à propos desquels des préoccupations ont été exprimées durant la procédure administrative étaient les indices et, conformément à la clause figurant au paragraphe 2.8 des engagements définitifs et à la clause figurant au paragraphe 1.6 de l’ERL, TR est tenue de fournir des données relatives aux indices. En second lieu, il ressort du dossier que la raison pour laquelle les données fournies par TR peuvent, dans certains cas, ne pas indiquer le code mnémonique attribué par la Bourse est que ce code ne constitue pas la seule façon certaine d’identifier un instrument en remontant jusqu’à sa source. Or, des instruments financiers relativement simples comme les valeurs cotées en Bourse peuvent être identifiés au moyen soit de la plateforme de négociation concernée, de la devise et du code officiel, soit de la plateforme de négociation concernée, de la devise et de leur description. TR est tenue de fournir ces informations aux titulaires d’ERL, conformément à la clause figurant au paragraphe 2.12 des engagements définitifs. Il en va de même pour des instruments financiers plus complexes, tels que ceux négociés de gré à gré, pour lesquels TR est tenue de fournir le code mnémonique attribué par la Bourse si c’est le seul moyen de les identifier de manière unique.

71      En outre, mis à part une procédure de résolution de différends, évoquée au point 13 ci-dessus, dans laquelle le mandataire chargé du suivi des engagements joue un certain rôle, la clause figurant au paragraphe 6, sous f, de l’annexe V des engagements définitifs prévoit explicitement que ledit mandataire contribuera à résoudre tout désaccord lié aux demandes de données concernant les informations croisées fournies par TR. Ainsi, si le code mnémonique attribué par la Bourse est effectivement le seul moyen pour identifier de manière unique les données de marché en temps réel sous-jacentes, le mandataire chargé du suivi sera en mesure de le signaler à TR.

72      En conclusion, à la question de savoir si, dans la décision attaquée, les engagements proposés par TR ont été correctement évalués comme étant de nature à dissiper les préoccupations de la Commission, il y a lieu de répondre par l’affirmative. Le moyen selon lequel la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation doit donc être écarté.

73      Par ailleurs, quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle, jusqu’à présent, aucun changement de fournisseur n’aurait eu lieu, cela étant donc une indication que les engagements ne seraient pas effectifs, il est à remarquer que l’examen de la Commission, comme tel est le cas dans la procédure de contrôle des opérations de concentration, est un examen prospectif. Elle est appelée à rendre une décision qui présente le caractère d’une prévision et qui l’amène à évaluer la façon dont se comportera le marché à l’avenir quand les engagements seront mis à exécution. Ainsi que cela a déjà été relevé, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste dans son appréciation selon laquelle les engagements définitifs sont aptes à répondre aux préoccupations exprimées. Quelle que soit la réponse à la question de savoir si les engagements définitifs ont entretemps produit un effet concret sur le marché concerné, elle ne saurait invalider le constat, au moment où a été adoptée la décision attaquée, que ceux-ci étaient en soi suffisants afin d’écarter les problèmes de concurrence signalés.

74      À cet égard, il convient de relever que les engagements définitifs tels qu’acceptés par la Commission facilitent un changement de fournisseur, si cela était souhaité par un client de TR. Cependant, cette facilitation n’implique pas qu’un client change nécessairement de fournisseur s’il est satisfait, par exemple, des services et conditions offerts par TR.

75      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1/2003

76      La requérante admet que l’article 9 du règlement no 1/2003 autorise la Commission à accepter des engagements lorsque lesdits engagements permettent de répondre aux préoccupations exprimées par cette dernière. Toutefois, elle ne serait pas habilitée à accepter les engagements qui manifestement ne permettent pas de lever ‐ ou de limiter sensiblement ‐ les préoccupations exprimées. En acceptant des engagements qui manifestement ne répondent pas aux préoccupations exprimées, la Commission aurait outrepassé les pouvoirs qui lui étaient conférés en vertu de l’article 9 dudit règlement et aurait donc agi ultra vires.

77      La Commission et l’intervenante concluent au rejet de ce moyen.

78      Ainsi que cela a déjà été relevé au point 40 ci-dessus, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation dans l’examen des engagements. Dans le cadre d’une procédure engagée au titre de l’article 9 du règlement no 1/2003, ainsi qu’il ressort du considérant 13 dudit règlement, la Commission est dispensée de l’obligation de qualifier et de constater l’infraction en cause, son rôle se limitant à l’examen et à l’éventuelle acceptation des engagements proposés par les entreprises concernées, à la lumière des problèmes qu’elle a identifiés dans son évaluation préliminaire et au regard des buts qu’elle poursuit. Il appartient à la Commission, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, d’accepter les engagements après avoir vérifié s’ils répondent aux préoccupations exprimées. À cet égard, il a déjà été constaté que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste dans son appréciation concernant le caractère suffisant des engagements en cause de sorte que l’argument selon lequel, en les acceptant, elle aurait outrepassé sa compétence et, de ce fait, aurait agi ultra vires doit être écarté. En effet, le rejet du premier moyen entraîne également le rejet du deuxième.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

79      La requérante allègue que la décision attaquée porte atteinte au principe de proportionnalité étant donné, en premiers lieu, que la Commission a accepté des engagements inappropriés et, en second lieu, qu’elle n’a pas tenu compte des intérêts des tierces parties.

80      Se référant à l’arrêt du 11 juillet 2007, Alrosa/Commission (T‑170/06, EU:T:2007:220), et à celui du 29 juin 2010, rendu sur pourvoi, Commission/Alrosa (C‑441/07, EU:C:2010:377), la requérante fait valoir que l’obligation de respecter le principe de proportionnalité lorsque la Commission décide de rendre obligatoires des engagements offerts au titre de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 implique que la mesure adoptée par cette dernière soit appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. En acceptant des engagements inappropriés, la Commission aurait donc violé ce principe.

81      Le principe de proportionnalité aurait également été violé du fait que la Commission n’aurait pas pris en considération l’inefficacité prévisible et prévue des engagements nonobstant les préoccupations exprimées par des parties tierces, ainsi que cela a déjà été expliqué dans le cadre du premier moyen.

82      La Commission et l’intervenante concluent au rejet de ce moyen.

83      Il convient de constater qu’il résulte de la réponse aux deux premiers moyens que le troisième moyen doit également être écarté.

84      Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêts du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25, et du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, EU:C:1989:303, point 21).

85      En tant que principe général du droit de l’Union, le principe de proportionnalité constitue un critère de la légalité de tout acte des institutions de l’Union. Cela étant, dans le cadre d’un examen des actions engagées par la Commission, se posent toujours, d’une part, la question de la portée et des limites exactes des obligations qui découlent du respect de ce principe et, d’autre part, la question des limites du contrôle juridictionnel exercé (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07, EU:C:2010:377, points 36 et 37).

86      En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point ci-dessus, la mise en œuvre par la Commission du principe de proportionnalité dans le contexte de l’article 9 du règlement no 1/2003 se limite à la vérification que, d’une part, les engagements en question répondent aux préoccupations dont elle a informé les entreprises concernées et que, d’autre part, ces dernières n’ont pas offert d’engagements moins contraignants répondant d’une façon aussi adéquate à ces préoccupations.

87      De même, le contrôle juridictionnel porte uniquement sur la question de savoir si l’appréciation à laquelle s’est livrée la Commission est manifestement erronée.

88      Ainsi, dans le cadre du premier moyen, il a déjà été relevé que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les engagements définitifs proposés par TR étaient aptes à répondre aux préoccupations qu’elle avait identifiées dans l’évaluation préliminaire.

89      Par ailleurs, si les entreprises offrent des engagements sur le fondement de l’article 9 du règlement no 1/2003 allant au-delà de ce que la Commission elle-même pourrait leur imposer dans une décision qu’elle adopterait conformément à l’article 7 de ce règlement après un examen approfondi, la Commission peut les accepter et les rendre obligatoires. Néanmoins, elle n’est pas habilitée à les exiger en application de l’article 9 du règlement no 1/2003.

90      Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

91      La requérante fait valoir que la décision attaquée n’explique pas en quoi les engagements définitifs répondent de façon adéquate aux préoccupations en matière de concurrence dont TR a été informée dans l’évaluation préliminaire, dans la mesure où ces engagements n’autorisent pas les fournisseurs de flux de données en temps réel concurrents à conclure un contrat de TPDL.

92      La requérante rappelle à ce sujet que, à plusieurs reprises lors de la procédure aboutissant à la décision attaquée, elle a indiqué à la Commission que le fait d’exclure les concurrents des licences prévues dans les engagements priverait ces derniers de toute efficacité. Au paragraphe 6.3 de la décision attaquée, la Commission fait état du fait que des préoccupations en ce sens ont été soulevées, mais elle n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles ces critiques n’ont pas été prises en compte.

93      La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

94      Il y a lieu de constater que, selon la requérante, la motivation de la décision attaquée ne lui permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a conclu que l’exclusion de concurrents du champ d’application des engagements ne remettait pas en question le caractère adéquat de ces engagements.

95      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée, et du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, points 166 et 178 et jurisprudence citée).

96      La Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En particulier, elle n’est pas tenue de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (arrêts du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, point 64, et du 16 juin 2011, Air liquide/Commission, T‑185/06, EU:T:2011:275, point 64).

97      Pour ce qui est des décisions rendant obligatoires des engagements pris en vertu de l’article 9 du règlement no 1/2003, la Commission remplit son obligation de motivation en exposant les éléments de fait et de droit qui l’ont amenée à conclure que les engagements offerts répondaient de façon adéquate aux préoccupations en matière de concurrence qu’elle avait identifiées d’une manière telle qu’il n’y avait plus lieu pour elle d’agir.

98      En l’espèce, les considérants 48 à 90 (paragraphes 5.1. à 6.7) de la décision attaquée sont consacrés aux engagements proposés par TR et aux réactions de tiers à l’égard desdits engagements.

99      Il en ressort que la Commission a expliqué, d’une part, les raisons pour lesquelles les engagements répondaient aux préoccupations exprimées et, d’autre part, en répondant à des observations de tiers, pourquoi les questions abordées dans lesdites observations allaient au-delà des préoccupations en matière de concurrence exprimées dans l’évaluation préliminaire (considérants 77, 84, 86 et 89 de la décision attaquée). En ce qui concerne plus spécifiquement le reproche formulé par la requérante, il y a lieu de constater que le considérant 77 de la décision attaquée fait état du fait que certains tiers ont considéré que les concurrents devraient avoir accès aux RIC parce qu’ils seraient les mieux placés pour fournir les tableaux de correspondance ainsi que l’assistance technique. Il ressort du considérant 78 de la décision attaquée que la Commission a considéré que le fait d’accorder l’accès aux RIC aux concurrents de TR irait au-delà de ce qui était nécessaire pour répondre aux préoccupations en matière de concurrence. Au considérant 79 de la décision attaquée, il a été ajouté que, « en vertu des engagements proposés, les développeurs tiers seront autorisés à fournir des données de marché concurrentes avec des données de référence descriptives liées aux RIC (mais pas les RIC en tant que tels) lorsque les développeurs tiers n’[aur]ont pu réaliser eux-mêmes avec succès un système de correspondance complet » et que « cet échange d’informations permet[tait] aux fournisseurs concurrents de faire une correspondance avec leurs propres symboles de référence permettant à un développeur tiers de développer une correspondance exacte et efficiente ».

100    Il ressort de ces observations que la Commission a rempli son obligation de motivation en exposant, de manière claire et non équivoque, les éléments de fait et les considérations juridiques qui l’ont amenée à constater que les engagements suffisaient pour répondre aux préoccupations exprimées en matière de concurrence. Étant donné que ces précisions mettent le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire dans la décision attaquée, il y a lieu de conclure que la décision attaquée est suffisamment motivée à cet égard.

101    Au demeurant, si la Commission est tenue de motiver la décision qu’elle adopte, elle n’est pas dans l’obligation d’expliquer pourquoi elle s’est abstenue d’adopter une décision différente (voir, en ce sens, la jurisprudence citée aux points 95 et 96).

102    Par ailleurs, pour autant que l’argumentation de la requérante puisse être comprise comme visant à critiquer le caractère approprié des engagements définitifs, il y a lieu de rappeler qu’une telle question ne relève pas de la violation des formes substantielles susceptible d’entacher d’illégalité la décision attaquée, mais de l’examen du bien-fondé de l’appréciation portée par la Commission sur les engagements offerts afin de répondre à ses préoccupations en matière de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67), question qui a déjà été traitée dans le cadre des premier, deuxième et troisième moyens du présent recours.

103    Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

104    En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

105    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Morningstar, Inc. est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.