Language of document : ECLI:EU:T:2017:686

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

3 octobre 2017 (*)

« REACH – Redevance due pour l’enregistrement d’une substance – Réduction accordée aux PME – Détermination de la taille de l’entreprise – Vérification par l’ECHA de la déclaration de l’entreprise – Demande d’éléments de preuve démontrant le statut de PME – Décision imposant un droit administratif »

Dans l’affaire T‑656/16,

PM, représentée par Me C. Zambrano Almero, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée initialement par MM. E. Maurage, J.-P. Trnka et Mme M. Heikkilä, puis par M. Trnka et Mme M. Heikkilä, en qualité d’agents, assistés de Me C. Garcia Molyneux, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision SME(2016) 3198 de l’ECHA, du 12 juillet 2016, constatant que la requérante n’a pas apporté les preuves nécessaires pour bénéficier de la réduction de redevance prévue pour les moyennes entreprises et lui imposant un droit administratif,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 novembre 2010, la requérante, PM, a procédé à l’enregistrement d’une substance au titre du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1).

2        Lors de la procédure d’enregistrement, la requérante a déclaré qu’elle était une « moyenne entreprise », au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36). Cette déclaration lui a permis de bénéficier d’une réduction du montant de la redevance due sur le fondement du règlement n° 1907/2006.

3        Le même jour, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a émis la facture n° 10017284, d’un montant de 16 275 euros, correspondant à la redevance due par une moyenne entreprise, dans le cadre d’une soumission conjointe, pour une quantité de substances supérieure à 1 000 tonnes. Cette facture a été acquittée par la requérante.

4        Par un courrier du 15 mars 2013, l’ECHA a informé la requérante que le statut de petite ou moyenne entreprise (PME) qu’elle avait déclaré faisait l’objet d’une procédure de vérification. L’ECHA a invité la requérante à fournir des informations et des documents de nature à prouver son éligibilité concernant la catégorie des moyennes entreprises.

5        Le 4 avril 2013, la requérante a envoyé à l’ECHA quatre courriers électroniques contenant ses comptes certifiés, relatifs aux exercices 2008 et 2009.

6        Le 17 juillet 2014, l’ECHA a envoyé un courrier électronique à la requérante, par lequel elle lui a demandé des informations complémentaires. Des courriers électroniques de rappel ont été adressés à la requérante les 16 septembre et 25 novembre 2014.

7        En réponse à ces demandes, la requérante a envoyé à l’ECHA, le 10 décembre 2014, trois courriers électroniques auxquels étaient annexés les comptes consolidés des entreprises, [confidentiel] (1) et [confidentiel], pour l’exercice 2009, ainsi qu’un certificat relatif à l’effectif de ces deux entreprises pour l’exercice 2014 ; ces courriers étaient rédigés en espagnol.

8        Par courrier du 5 février 2015, l’ECHA a expliqué à la requérante que la procédure de vérification allait être recommencée en espagnol en raison d’une décision récente du conseil d’administration de l’ECHA, selon laquelle une entreprise visée par une procédure de vérification a le droit à ce que cette procédure soit menée dans la langue officielle de l’État membre dont elle est ressortissante. Les premiers échanges ayant, en l’espèce, été conduits en anglais, l’ECHA a décidé de recommencer la procédure de vérification.

9        Dans ce courrier du 5 février 2015, l’ECHA a également indiqué que, en vertu de l’article 6 de l’annexe de la recommandation 2003/361, il convenait, afin de déterminer si la requérante pouvait être considérée comme une PME, d’ajouter aux données de la requérante concernant l’effectif, le chiffre d’affaires et le bilan total annuel, les données des entreprises pouvant être considérées comme étant « partenaires », avec des participations de 25  à 50 % ou « liées », avec une majorité des droits de contrôle ou des participations de plus de 50 %, au sens de ladite recommandation.

10      Faisant application de la recommandation 2003/361, l’ECHA a précisé que, à partir des informations qui lui avaient été fournies par la requérante, elle était arrivée à la conclusion préliminaire que i) la requérante était une filiale en propriété exclusive de [confidentiel] ; ii) cette dernière était totalement contrôlée par [confidentiel] ; iii) [confidentiel] détenait également 66,6 % des actions de [confidentiel], 100 % des actions de [confidentiel], 100 % des actions de [confidentiel], 100 % des actions de [confidentiel] ainsi que 99,09 % des actions de [confidentiel].

11      Sur cette base, l’ECHA a estimé que la requérante devait être considérée comme étant liée, au sens de l’annexe de la recommandation 2003/361, à [confidentiel], à [confidentiel], à [confidentiel], à [confidentiel], à [confidentiel], à [confidentiel] et à [confidentiel].

12      Dans ce courrier du 5 février 2015, l’ECHA a indiqué, enfin, qu’elle n’était toujours pas en mesure d’évaluer la taille de la requérante, car des informations et des documents étaient encore manquants. Elle a invité la requérante à lui fournir les informations suivantes dans un délai de 21 jours :

–        la composition exacte de l’actionnariat de [confidentiel] au jour de l’enregistrement ;

–        une copie des comptes certifiés, des notes en annexe et des rapports annuels de [confidentiel] pour l’exercice 2009 ;

–        un certificat ou des informations officielles relatives à l’effectif en personnel, correspondant au nombre d’unités de travail par année, de [confidentiel], de [confidentiel], de [confidentiel], de [confidentiel], de [confidentiel] et de [confidentiel] pour les exercices 2008 et 2009 ;

–        des documents indiquant le nom du titulaire des 33,4 % de parts non détenues par [confidentiel] dans l’actionnariat de [confidentiel] au jour de l’enregistrement ;

–        des documents démontrant le type de relation qui existait au jour de l’enregistrement entre [confidentiel] et [confidentiel], dont il était fait mention en tant que « partie apparentée » dans les états financiers de [confidentiel] pour l’exercice 2009.

13      En l’absence de réponse de la part de la requérante dans le délai imparti, l’ECHA a envoyé un courrier électronique de rappel le 1er avril 2015, assorti d’un nouveau délai.

14      N’ayant toujours pas reçu de réponse, l’ECHA a adopté, le 12 juillet 2016, la décision SME(2016) 3198 constatant que la requérante n’a pas apporté les preuves nécessaires pour bénéficier de la réduction de redevance prévue pour les moyennes entreprises et lui imposant un droit administratif (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, l’ECHA a considéré que la requérante n’avait pas apporté les éléments de preuve démontrant qu’elle relevait de la catégorie des moyennes entreprises. Elle a, sur cette base, conclu que la requérante n’avait pas le droit de bénéficier de la redevance réduite applicable aux moyennes entreprises au sens de la recommandation 2003/361.

15      Faisant application de cette conclusion, l’ECHA a indiqué que, à la suite de la procédure de vérification, la requérante était redevable, d’une part, d’une somme correspondant à la différence entre le montant de la redevance déjà acquittée et le montant de la redevance applicable aux grandes entreprises et, d’autre part, d’un droit administratif correspondant à 2,5 fois le gain financier obtenu du fait de la déclaration incorrecte en ce qui concerne la taille de l’entreprise.

16      En conséquence, l’ECHA a annexé deux factures à la décision attaquée, à savoir la facture n° 10058381, d’un montant de 6 975 euros au titre de la différence entre la redevance acquittée lors de l’enregistrement et la redevance due par les grandes entreprises, et la facture n° 10058382, d’un montant de 17 437 euros au titre du droit administratif.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 septembre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

18      Le 3 octobre 2016, la requérante a présenté une demande d’anonymat à laquelle le Tribunal a décidé de faire droit. Cette décision a été notifiée à la requérante par lettre du greffe du 7 octobre 2016.

19      Le mémoire en défense de l’ECHA a été déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2016.

20      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2017.

21      La duplique a été déposée au greffe du Tribunal le 9 mars 2017.

22      Aucune des parties n’ayant demandé la tenue d’une audience dans le délai prévu à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        par voie de conséquence, faire droit à l’inscription demandée.

24      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

25      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, fondé sur la définition des PME visée à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361.

26      Dans ses écrits, la requérante ne conteste pas l’appréciation effectuée par l’ECHA, sur la base des informations fournies durant la procédure de vérification, des relations que la requérante entretient avec d’autres entreprises ni la pertinence des documents complémentaires qui ont été demandés par l’ECHA sur la base de cette appréciation, aux fins d’évaluer la taille de la requérante. Elle concède également dans sa requête que les documents qu’elle a fournis à l’ECHA étaient incomplets.

27      Elle fait valoir, toutefois, qu’elle remplit les conditions fixées à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361 pour être qualifiée de PME. D’une part, le nombre de salariés du groupe d’entreprises auquel elle appartient serait inférieur au plafond de 250 salariés fixé dans la disposition susmentionnée. D’autre part, les comptes consolidés du groupe montreraient que, depuis l’exercice 2008, le total du bilan annuel consolidé n’a pas excédé le plafond de 43 millions d’euros fixé dans ladite disposition.

28      Selon elle, dès lors qu’elle remplit les conditions fixées à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de la recommandation 2003/361 pour être qualifiée de PME, la communication incomplète à l’ECHA, durant la procédure de vérification, des documents permettant de prouver qu’elle a le statut de PME ne peut justifier qu’elle perde le bénéfice de ce statut.

29      Pour asseoir sa position, la requérante fournit, en annexes à la requête, une série de documents qu’elle demande au Tribunal d’examiner pour constater, sur leur base, qu’elle est une PME et que, par conséquent, elle ne devrait pas se voir imposer de payer les montants qui lui sont réclamés par l’ECHA dans la décision attaquée.

30      L’ECHA conclut au rejet du moyen comme non fondé.

31      À cet égard, il convient de relever que, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement n° 1907/2006 précise qu’il vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. Pour atteindre cet objectif, ledit règlement prévoit une obligation générale d’enregistrement des substances telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles. En vertu de l’article 5 dudit règlement, de telles substances ne peuvent être fabriquées dans l’Union européenne ou mises sur le marché si elles n’ont pas été enregistrées, lorsque cela est exigé.

32      Toute demande d’enregistrement est accompagnée du paiement d’une redevance. Le montant des redevances dépend de la taille des entreprises. En vertu de l’article 74, paragraphe 3, du règlement n° 1907/2006, les PME bénéficient d’une réduction du montant de la redevance. De manière à limiter les coûts du système, ces redevances sont fixées sur la base des déclarations fournies par les entreprises elles-mêmes.

33      Selon l’article 13, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 340/2008 de la Commission, du 16 avril 2008, relatif aux redevances et aux droits dus à l’ECHA en application du règlement n° 1907/2006 (JO 2008, L 107, p. 6), l’ECHA peut demander, à tout moment, des éléments de preuve démontrant que les conditions requises pour bénéficier d’une réduction de redevance sont remplies. Dans la mesure où il s’agit de bénéficier d’un régime dérogatoire, il appartient à l’entreprise déclarante d’apporter, lors de la procédure de vérification, les éléments prouvant qu’elle a le statut de PME et qu’elle peut bénéficier de cette dérogation.

34      En vertu de l’article 13, paragraphe 4, du règlement n° 340/2008, lorsqu’une entreprise déclarante prétend pouvoir bénéficier d’une réduction de redevance, mais ne peut démontrer qu’elle a droit à une telle réduction, l’ECHA perçoit la différence entre le montant de la redevance déjà acquittée et le montant de la redevance applicable, à savoir celle due par les grandes entreprises si l’entreprise déclarante est en défaut de prouver son statut de moyenne entreprise, ainsi qu’un droit administratif.

35      Selon le considérant 11 du règlement n° 340/2008, l’imposition de ce droit administratif a pour objectif de décourager la transmission de fausses informations par les entreprises.

36      Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont l’institution pouvait disposer au moment où elle l’a arrêté. Nul ne saurait ainsi se prévaloir devant le juge de l’Union d’éléments de fait qui n’ont pas été avancés au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 687 et jurisprudence citée).

37      De la combinaison de ces éléments, il résulte qu’une entreprise n’ayant pas fourni à l’ECHA l’ensemble des documents et des informations permettant de démontrer qu’elle est une PME ne peut obtenir l’annulation des montants qui lui sont réclamés en tentant de prouver devant le Tribunal qu’elle a ce statut sur le fondement de documents annexés à sa requête et dont certains n’ont pas été soumis à l’appréciation de l’ECHA durant la procédure de vérification.

38      L’argumentation de la requérante présentée au soutien de son moyen unique doit ainsi être rejetée sans qu’il soit besoin de déterminer si celle-ci peut être considérée comme une PME au regard des documents fournis en annexes à la requête.

39      Dans sa réplique, la requérante soutient, en substance, que les documents demandés par l’ECHA ne peuvent être délivrés, car ils concernent des entreprises israéliennes qui ne sont plus opérationnelles depuis plusieurs années. Ce fait ne pourrait toutefois être attesté, car il n’existerait pas, en Israël, des organismes publics fournissant, comme en Europe, les attestations nécessaires.

40      À cet égard, il y a lieu de constater que, comme le relève l’ECHA, cet argument est invoqué pour la première fois devant le Tribunal. La requérante n’a jamais allégué devant l’ECHA qu’il lui était impossible de fournir les documents et informations demandés aux fins de déterminer sa taille. Dans ses écrits soumis au Tribunal, elle n’indique pas non plus la raison qui l’aurait empêchée d’invoquer cette impossibilité devant l’ECHA durant la procédure de vérification.

41      Par ailleurs, comme le soutient également l’ECHA, la requérante n’avance aucun élément permettant de démontrer qu’il n’existerait effectivement aucun organisme public israélien capable d’attester du fait que les entreprises en cause ne seraient plus opérationnelles ou de l’impossibilité d’obtenir les documents et informations demandés par l’ECHA pour ce qui concerne ces entreprises inactives.

42      En tout état de cause, le nouvel argument de la requérante n’est pas suffisamment précis pour pouvoir être considéré comme recevable au regard de l’article 76, sous d), du règlement de procédure. En effet, la requérante se contente d’affirmer que les documents demandés par l’ECHA ne peuvent être délivrés. Elle ne précise pas quels types de documents en particulier ne seraient pas disponibles ni pour quelles entreprises visées dans la demande d’informations de l’ECHA ces documents ne pourraient être délivrés.

43      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le nouvel argument de la requérante et, partant, de rejeter le premier chef de conclusions de la requérante, ainsi que, par voie de conséquence et sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité du second chef de conclusions, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PM supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 octobre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.


1      Données confidentielles occultées.