ARRÊT DE LA COUR
17 décembre 1998 (1)
«Pourvoi Recevabilité Durée de la procédure Mesures d'instruction
Accès au dossier Concurrence Ententes Amendes»
Dans l'affaire C-185/95 P,
Baustahlgewebe GmbH, société de droit allemand, établie à Gelsenkirchen
(Allemagne), représentée par Mes Jochim Sedemund et Frank Montag, avocats à
Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Aloyse May, 31,
Grand-Rue,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance
des Communautés européennes (première chambre) du 6 avril 1995,
Baustahlgewebe/Commission (T-145/89, Rec. p. II-987), et tendant à l'annulation
de cet arrêt,
l'autre partie à la procédure étant:
Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M.
Bernd Langeheine, membre du service juridique, en qualité d'agent, puis par M.
Paul Nemitz, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de
Me Alexander Böhlke, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à
Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du même service,
Centre Wagner, Kirchberg,
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J.-P. Puissochet et G.
Hirsch, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, D. A.
O. Edward, H. Ragnemalm (rapporteur), L. Sevón, M. Wathelet, R. Schintgen et
K. M. Ioannou, juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 4 novembre 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 février 1998,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 juin 1995, Baustahlgewebe GmbH
a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi
contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 1995,
Baustahlgewebe/Commission (T-145/89, Rec. p. II-987, ci-après l'«arrêt attaqué»),
par lequel celui-ci a annulé partiellement l'article 1er de la décision 89/515/CEE de
la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d'application de l'article
85 du traité CEE (IV/31.553 Treillis soudés) (JO L 260, p. 1, ci-après la
«décision»), a fixé le montant de l'amende qui lui avait été infligée par la
Commission à la somme de 3 millions d'écus, a rejeté le recours pour le surplus et
l'a condamnée à supporter ses propres dépens ainsi qu'un tiers de ceux de la
Commission.
Les faits à l'origine du recours et l'arrêt du Tribunal
- 2.
- Il ressort de l'arrêt attaqué que, à partir de 1980, un certain nombre d'ententes et
de pratiques se seraient développées dans le secteur du treillis soudé sur les
marchés allemand, français et du Benelux. Il s'agit d'un produit préfabriqué
d'armature, utilisé dans presque tous les domaines de la construction en béton
armé, constitué de fils d'acier tréfilés à froid, lisses ou crantés, qui sont assemblés
par soudage de chaque point de croisement pour former un réseau.
- 3.
- Il existe différents types de treillis soudé, notamment les panneaux standard, les
panneaux lettrés type «Lettermatten» ou semi-standardisés, les panneaux lettrés
type «Listenmatten» et les panneaux sur devis.
- 4.
- Pour le marché allemand, le Bundeskartellamt a autorisé, le 31 mai 1983, la
constitution d'un cartel de crise structurelle des producteurs allemands de treillis
soudé, qui, après avoir été prorogé une fois, a expiré en 1988. Ce cartel avait pour
objet une réduction des capacités et prévoyait également des quotas de livraison
et une régulation des prix, qui n'ont toutefois été approuvés que pour les deux
premières années de son application. Les services de la Commission ont été
informés en 1983 par le Bundeskartellamt de la constitution de ce cartel de crise
structurelle.
- 5.
- Les 6 et 7 novembre 1985, en application de l'article 14, paragraphe 3, du
règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des
articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), des fonctionnaires de la
Commission ont procédé, simultanément et sans avertissement, à des inspections
dans les bureaux de sept entreprises et de deux associations: à savoir, Tréfilunion
SA, Sotralentz SA, Tréfilarbed Luxembourg-Saarbrücken SARL, Ferriere Nord
SpA (Pittini), Baustahlgewebe GmbH, Thibo Draad- en Bouwstaalprodukten BV
(Thibodraad), NV Bekaert, Syndicat national du tréfilage d'acier (STA) et
Fachverband Betonstahlmatten eV; les 4 et 5 décembre 1985, ils ont procédé à
d'autres inspections dans les bureaux des entreprises ILRO SpA, G. B. Martinelli,
NV Usines Gustave Boël (afdeling Trébos), Tréfileries de Fontaine-l'Évêque
(TFE), Frère-Bourgeois Commerciale SA (FBC), Van Merksteijn Staalbouw BV
et ZND Bouwstaal BV.
- 6.
- Les éléments découverts dans le cadre de ces vérifications ainsi que les
renseignements obtenus en application de l'article 11 du règlement n° 17 ont
conduit la Commission à conclure que, entre 1980 et 1985, les producteurs
concernés avaient violé l'article 85 du traité par une série d'accords ou de pratiques
concertées sur les quotas de livraison et sur les prix du treillis soudé. La
Commission a engagé la procédure prévue à l'article 3, paragraphe 1, du règlement
n° 17 et, le 12 mars 1987, la communication des griefs a été envoyée aux
entreprises concernées qui y ont répondu. Une audition de leurs représentants a
eu lieu les 23 et 24 novembre 1987.
- 7.
- Au terme de cette procédure, la Commission a pris sa décision, par laquelle elle
a infligé à quatorze producteurs de treillis soudé une amende pour violation de
l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il ressort du point 22 de la décision que les
restrictions de la concurrence consistaient en une série d'accords et/ou de pratiques
concertées ayant pour objet la fixation de prix et/ou de quotas de livraison ainsi
que la répartition des marchés du treillis soudé. Ces ententes concernaient, selon
la décision, différents marchés partiels (les marchés français, allemand et du
Benelux), mais affectaient le commerce entre les États membres puisque y
participaient des entreprises établies dans plusieurs États membres.
- 8.
- S'agissant des faits qui sont à l'origine du recours devant le Tribunal, il ressort de
l'arrêt attaqué que la décision fait plus particulièrement grief à la requérante:
Sur le marché allemand,
d'avoir participé à des ententes concernant des échanges d'interpénétration
entre l'Allemagne et la France avec l'entreprise française Tréfilunion. Ces
ententes auraient été conclues au cours d'une conversation du 7 juin 1985
entre, d'une part, M. Müller, gérant de la requérante, représentant légal du
cartel de crise structurelle et président du Fachverband Betonstahlmatten
et, d'autre part, M. Marie, directeur de Tréfilunion et président de
l'Association française technique pour le développement de l'emploi des
treillis soudés (ADETS). Au point 63 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a
constaté que la décision (point 140) imputait à la requérante d'avoir mené
avec Tréfilunion une concertation générale tendant à limiter la pénétration
réciproque de leurs produits en Allemagne et en France (voir points 135 à
143 et 176 de la décision et points 59 à 68 de l'arrêt attaqué);
d'avoir participé à des ententes sur le marché allemand ayant pour objet,
d'une part, de réguler les exportations des producteurs du Benelux vers
l'Allemagne et, d'autre part, de respecter les prix en vigueur sur le marché
allemand (voir points 147, 178 et 182 de la décision et points 83 à 94 de
l'arrêt attaqué);
dans le souci d'arriver à une réduction ou régulation des exportations
étrangères vers l'Allemagne, d'avoir conclu deux contrats de livraison, les 24
novembre 1976 et 22 mars 1982, avec Bouwstaal Roermond BV
(ultérieurement Tréfilarbed Bouwstaal Roermond) et Arbed SA afdeling
Nederland. Dans ces contrats, la requérante prenait en charge la vente
exclusive en Allemagne, à un prix à fixer selon des critères déterminés, d'un
volume annuel déterminé de treillis soudé provenant de l'usine de
Roermond. Bouwstaal Roermond et Arbed SA afdeling Nederland
s'engageaient, pendant la durée de ces contrats, à n'effectuer aucune
livraison en Allemagne que ce soit directement ou indirectement. La
décision constate que ces accords de distribution exclusive ne remplissaient
pas les conditions exigées par le règlement n° 67/67/CEE de la Commission,
du 22 mars 1967, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du
traité à des catégories d'accords d'exclusivité (JO 1967, 57, p. 849), du moins
depuis l'existence des ententes sur les échanges d'interpénétration entre
l'Allemagne et le Benelux. Depuis que ces ententes existent, ces accords
devraient être considérés comme faisant partie intégrante d'une entente
globale sur la répartition des marchés (voir points 148 et 189 de la décision
et points 95 à 109 de l'arrêt attaqué);
d'avoir participé à une entente avec Tréfilarbed ayant pour objet la
cessation des réexportations de treillis soudé de l'usine de St Ingbert vers
l'Allemagne via le Luxembourg (voir points 152 et 180 de la décision et
points 110 à 122 de l'arrêt attaqué).
Sur le marché du Benelux,
d'avoir participé à des ententes entre les producteurs allemands qui
exportent vers le Benelux et les autres producteurs vendant dans le Benelux
sur le respect de prix fixés pour le marché du Benelux. Selon la décision, ces
ententes ont été arrêtées lors de réunions qui ont eu lieu à Breda et à
Bunnik entre août 1982 et novembre 1985. La décision fait également grief
à la requérante d'avoir participé à des ententes entre les producteurs
allemands, d'une part, et les producteurs du Benelux («club de Breda»),
d'autre part, consistant en l'application de restrictions quantitatives aux
exportations allemandes vers la Belgique et les Pays-Bas ainsi qu'en la
communication des chiffres d'exportation de certains producteurs allemands
au groupe belgo-néerlandais [points 78, sous b), 163, 168 et 171 de la
décision et points 123 à 138 de l'arrêt attaqué].
- 9.
- La décision comporte le dispositif suivant:
«Article premier
Les entreprises Tréfilunion SA, Société métallurgique de Normandie (SMN), CCG
(TECNOR), Société de treillis et panneaux soudés (STPS), Sotralentz SA,
Tréfilarbed SA ou Tréfilarbed Luxembourg-Saarbrücken SARL, Tréfileries de
Fontaine-l'Évêque, Frère-Bourgeois Commerciale SA (maintenant Steelinter SA),
NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos, Thibo Draad- en Bouwstaalprodukten
BV (maintenant Thibo Bouwstaal BV), Van Merksteijn Staalbouw BV, ZND
Bouwstaal BV, Baustahlgewebe GmbH, ILRO SpA, Ferriere Nord SpA (Pittini)
et G. B. Martinelli fu G. B. Metallurgica SpA ont enfreint l'article 85 paragraphe
1 du traité CEE en participant, entre le 27 mai 1980 et le 5 novembre 1985, dans
un ou plusieurs cas, à un ou plusieurs accords et/ou pratiques concertées (ententes)
qui consistaient à fixer des prix de vente, à restreindre les ventes, à se répartir les
marchés et à prendre des mesures visant à appliquer ces ententes et à contrôler
cette application.
Article 2
Dans la mesure où elles continuent à exercer une activité dans le secteur des treillis
soudés dans la Communauté, les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de
mettre fin immédiatement aux infractions constatées (si elles ne l'ont pas encore
fait) et de s'abstenir à l'avenir, en ce qui concerne cette activité, de tous accords
et/ou pratiques concertées ayant un objet ou un effet identique ou similaire.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises citées ci-après pour les
infractions constatées à l'article 1er:
1) Tréfilunion SA (TU): une amende de 1 375 000 écus;
2) Société métallurgique de Normandie (SMN): une amende de 50 000 écus;
3) Société des treillis et panneaux soudés (STPS): une amende de 150 000
écus;
4) Sotralentz SA: une amende de 228 000 écus;
5) Tréfilarbed Luxembourg/Saarbrücken SARL: une amende de
1 143 000 écus;
6) Steelinter SA: une amende de 315 000 écus;
7) NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos: une amende de 550 000 écus;
8) Thibo Bouwstaal BV: une amende de 420 000 écus;
9) Van Merksteijn Staalbouw BV: une amende de 375 000 écus;
10) ZND Bouwstaal BV: une amende de 42 000 écus;
11) Baustahlgewebe GmbH (BStG): une amende de 4 500 000 écus;
12) ILRO SpA: une amende de 13 000 écus;
13) Ferriere Nord SpA (Pittini): une amende de 320 000 écus;
14) G. B. Martinelli fu G. B. Metallurgica SpA: une amende de 20 000 écus.
...»
- 10.
- C'est dans ces circonstances que la requérante a introduit, le 20 octobre 1989, un
recours devant la Cour visant, à titre principal, à l'annulation de la décision et, à
titre subsidiaire, à la réduction de l'amende ainsi qu'à la condamnation de la
Commission aux dépens de l'instance. Par ordonnances du 15 novembre 1989, la
Cour a, en application de l'article 14 de la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom
du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un tribunal de première instance des
Communautés européennes (JO L 319, p. 1), renvoyé cette affaire, ainsi que dix
autres recours introduits contre la même décision, devant le Tribunal.
- 11.
- Ces recours ont été enregistrés devant le Tribunal sous les numéros T-141/89 à T-145/89 et T-147/89 à T-152/89. Par ordonnance du 13 octobre 1992, le Tribunal a
joint ces affaires aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité,
conformément à l'article 50 de son règlement de procédure. Dans l'affaire qui fait
l'objet du présent pourvoi, la procédure écrite devant le Tribunal avait pris fin le
5 juillet 1990. La première chambre du Tribunal, lors de la conférence du 16
février 1993, a décidé, sur rapport du juge rapporteur, d'ouvrir la procédure orale
et d'inviter les parties à répondre par écrit, avant l'audience, à certaines questions.
Le 18 mai 1993, le rapport d'audience a été notifié aux parties, lesquelles ont été
entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal au
cours de l'audience qui s'est déroulée du 14 au 18 juin 1993. Le Tribunal a
prononcé l'arrêt le 6 avril 1995.
- 12.
- Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, eu égard à l'absence de participation de
la requérante, d'une part, à un accord avec Tréfilunion, ayant pour objet de
subordonner leurs exportations futures à la fixation de quotas, et, d'autre part, à
une entente avec Sotralentz sur le contingentement des exportations de celle-ci sur
le marché allemand, et eu égard à l'application d'une circonstance atténuante à
l'entente entre la requérante et Tréfilarbed ayant pour objet la cessation des
réexportations de St Ingbert vers l'Allemagne, l'article 1er de la décision devait être
partiellement annulé et le montant de l'amende de 4,5 millions d'écus infligée à la
requérante réduit et fixé à 3 millions d'écus. Le Tribunal a rejeté le recours pour
le surplus et a condamné la requérante à supporter ses propres dépens ainsi qu'un
tiers de ceux de la Commission.
Le pourvoi
- 13.
- Dans son pourvoi, la requérante conclut à ce qu'il plaise à la Cour:
annuler l'arrêt attaqué, dans la mesure où il lui inflige une amende de 3
millions d'écus, rejette son recours et la condamne à supporter ses propres
dépens ainsi qu'un tiers de ceux de la Commission et prononcer l'arrêt de
la procédure;
à titre subsidiaire, annuler l'arrêt attaqué et renvoyer l'affaire devant le
Tribunal afin de reprendre la procédure;
annuler les articles 1er, 2 et 3 de la décision, dans la mesure où ils la
concernent et n'ont pas été annulés par l'arrêt attaqué;
à titre subsidiaire, réduire l'amende à un montant raisonnable;
condamner la Commission aux dépens de la première instance et du
pourvoi.
- 14.
- La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la
requérante aux dépens.
- 15.
- A l'appui du pourvoi, la requérante fait valoir que, par une durée excessive de la
procédure, le Tribunal a porté atteinte à son droit à ce que sa cause soit entendue
dans un délai raisonnable prévu à l'article 6, paragraphe 1, de la convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre
1950 (ci-après la «CEDH») et, en rendant son arrêt 22 mois après la clôture de
la procédure orale, a violé le principe général d'immédiateté. En outre, le Tribunal
aurait appliqué un critère d'analyse erroné lors de l'appréciation des preuves, en
ne contrôlant pas si les faits relevés par la Commission ne pouvaient s'expliquer
autrement que par l'existence d'une entente, et aurait refusé d'examiner les preuves
offertes par la requérante. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu les principes
applicables en matière de preuves. De plus, le Tribunal aurait porté atteinte aux
droits de la défense en rejetant la demande que la requérante avait formulée
d'ordonner à la Commission de lui permettre de consulter, d'une part, l'ensemble
des pièces de la procédure administrative et, d'autre part, certains documents
relatifs au cartel de crise structurelle allemand.
- 16.
- La requérante soutient également que, s'agissant de la délimitation du marché en
cause, ainsi que des prétendues ententes
entre la requérante et Tréfilunion sur les échanges d'interpénétration entre
l'Allemagne et la France,
avec les producteurs du Benelux quant au marché allemand et
sur les quotas et les prix sur le marché du Benelux,
le Tribunal a violé l'article 85, paragraphe 1, du traité par défaut de motivation
et/ou par une qualification erronée des faits. Le Tribunal aurait encore, quant aux
contrats de distribution exclusive conclus entre, d'une part, la requérante et, d'autre
part, Bouwstaal Roermond BV et Arbed SA afdeling Nederland, méconnu les
conditions d'application du règlement n° 67/67.
- 17.
- Enfin, la requérante reproche au Tribunal d'avoir, en ce qui concerne l'imposition
des amendes, violé les dispositions de l'article 15 du règlement n° 17.
- 18.
- Il convient d'abord de rappeler que, s'agissant des irrégularités éventuelles de la
procédure, aux termes des articles 168 A du traité CE et 51, premier alinéa, du
statut CE de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit. Selon
cette dernière disposition, il peut être fondé sur des moyens tirés de l'incompétence
du Tribunal, d'irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux
intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit communautaire
par le Tribunal.
- 19.
- Ainsi, la Cour est compétente pour contrôler si des irrégularités de procédure
portant atteinte aux intérêts de la requérante ont été commises devant le Tribunal
et doit s'assurer que les principes généraux de droit communautaire et les règles
de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont
été respectés (voir, notamment, ordonnance du 17 septembre 1996, San
Marco/Commission, C-19/95 P, Rec. p. I-4435, point 40).
- 20.
- A cet égard, il convient de rappeler que l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH
prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle.
- 21.
- Le principe général de droit communautaire selon lequel toute personne a droit à
un procès équitable, qui s'inspire de ces droits fondamentaux (voir, notamment, avis
2/94, du 28 mars 1996, Rec. p. I-1759, point 33, et arrêt du 29 mai 1997, Kremzow,
C-299/95, Rec. p. I-2629, point 14), et notamment le droit à un procès dans un
délai raisonnable, est applicable dans le cadre d'un recours juridictionnel contre
une décision de la Commission infligeant à une entreprise des amendes pour
violation du droit de la concurrence.
- 22.
- Il appartient dès lors à la Cour, au stade du pourvoi, d'examiner de tels moyens
invoqués quant à la procédure devant le Tribunal.
- 23.
- S'agissant, ensuite, d'un examen prétendument erroné des faits, il résulte des
articles 168 A du traité et 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice
que le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans
le cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du
dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque
le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer,
en vertu de l'article 168 A du traité, un contrôle sur la qualification juridique de ces
faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir,
notamment, ordonnance San Marco/Commission, précitée, point 39).
- 24.
- La Cour n'est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour
examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès
lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du
droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et
d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal
d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis
(voir, notamment, ordonnance San Marco/Commission, précitée, point 40). Cette
appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces
éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour
(arrêt du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C-53/92 P, Rec. p. I-667, point 42).
- 25.
- Cependant, la question de savoir si la motivation d'un arrêt du Tribunal est
contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant
que telle, invoquée dans le cadre d'un pourvoi (voir, notamment, arrêts du 1er
octobre 1991, Vidrányi/Commission, C-283/90 P, Rec. p. I-4339, point 29; du 20
novembre 1997, Commission/V, C-188/96 P, Rec. p. I-6561, point 24, et du 7 mai
1998, Somaco/Commission, C-401/96 P, Rec. p. I-2587, point 53).
Sur les moyens tirés d'irrégularités de la procédure
Quant à la violation du principe du délai raisonnable de la procédure
- 26.
- La requérante soutient que le délai dans lequel le Tribunal a statué est excessif, de
sorte qu'il a porté atteinte à l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH. La durée de la
procédure ne serait aucunement due aux circonstances de l'espèce, mais devrait,
au contraire, être imputée au Tribunal. Un tel retard constituerait un
«Prozeßhindernis» (une fin de non-recevoir) qui justifierait l'annulation de l'arrêt
attaqué et de la décision, ainsi que la clôture de la procédure. A titre subsidiaire,
la requérante fait valoir que la durée excessive des procédures administrative puis
judiciaire constitue, en soi, une circonstance atténuante et un motif de réduction
du montant de l'amende en vertu d'un principe de minoration de la peine qui serait
reconnu tant dans l'ordre juridique des États membres que par la jurisprudence du
Tribunal.
- 27.
- La Commission conteste le caractère excessif de la durée de la procédure et
considère que, même si la durée de la procédure devant le Tribunal peut paraître
longue, elle ne saurait constituer une fin de non-recevoir.
- 28.
- A titre liminaire, il y a lieu de préciser que la durée de la procédure qui fait, enl'espèce, l'objet de l'examen de la Cour, aux fins de déterminer si une irrégularité
de procédure a été commise portant atteinte aux intérêts de la requérante, a eu
comme point de départ le 20 octobre 1989, date du dépôt de la requête en
annulation, et s'est achevée le 6 avril 1995, date du prononcé de l'arrêt attaqué. Par
conséquent, la durée de la procédure qui fait l'objet de l'examen de la Cour est
d'environ cinq ans et six mois.
- 29.
- Il convient d'emblée de constater qu'une telle durée est, de prime abord,
considérable. Toutefois, il y a lieu d'apprécier le caractère raisonnable d'un tel délai
en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l'enjeu
du litige pour l'intéressé, de la complexité de l'affaire ainsi que du comportement
du requérant et de celui des autorités compétentes (voir, par analogie, Cour eur.
D. H., arrêts Erkner et Hofauer du 23 avril 1987, série A n° 117, § 66; Kemmache
du 27 novembre 1991, série A n° 218, § 60; Phocas c. France du 23 avril 1996,
Recueil des arrêts et décisions 1996-II, p. 546, § 71, et Garyfallou AEBE c. Grèce du
27 septembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-V, p. 1821, § 39).
- 30.
- S'agissant de l'enjeu du litige pour la requérante, il y a lieu de souligner que sa
survie économique n'était pas directement mise en danger par le litige. Il n'en reste
pas moins que, en cas de litige sur l'existence d'une infraction aux règles de
concurrence, l'exigence fondamentale de sécurité juridique dont doivent bénéficier
les opérateurs économiques ainsi que l'objectif d'assurer que la concurrence n'est
pas faussée dans le marché intérieur présentent un intérêt considérable non
seulement pour le requérant lui-même et pour ses concurrents, mais également
pour les tiers, en raison du grand nombre de personnes concernées et des intérêts
financiers en jeu.
- 31.
- En effet, la requérante risquait, aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du
règlement n° 17, que soit infligée à son encontre une amende maximale égale à
10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent. En
l'espèce, la Commission a, aux termes des articles 3 et 4 de la décision, infligé à la
requérante une amende d'un montant de 4,5 millions d'écus, payable dans un délai
de trois mois à compter de sa notification, augmentée des intérêts moratoires au
taux de 12,50 % l'an à l'issue de ce délai.
- 32.
- A cet égard, l'article 192 du traité CE prévoit, notamment, que les décisions de la
Commission qui comportent une obligation pécuniaire à la charge des personnes
autres que les États forment un titre exécutoire et que l'exécution forcée est régie
par les règles de la procédure civile en vigueur dans l'État sur le territoire duquel
elle a lieu. En vertu des dispositions combinées des articles 185, 186 et 192 du
traité CE et de l'article 4 de la décision 88/591, les recours formés devant le
Tribunal n'ont pas d'effet suspensif; le Tribunal peut, s'il estime que les
circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué, prescrire
les mesures provisoires nécessaires et, le cas échéant, suspendre l'exécution forcée.
- 33.
- En l'espèce, il ressort du dossier qu'il n'a été procédé à aucune mesure de
recouvrement de l'amende pendant la durée de la procédure juridictionnelle,
puisque la requérante a constitué une garantie bancaire, ainsi que l'exigeait la
Commission. Une telle circonstance ne saurait toutefois priver la requérante de son
droit à un procès équitable dans un délai raisonnable et notamment qu'il soit statué
sur le bien-fondé des accusations de violation du droit de la concurrence portées
à son encontre par la Commission et des amendes qui lui ont été infligées à cet
égard.
- 34.
- Au regard de l'ensemble de ces circonstances, il y a lieu de constater que la
procédure devant le Tribunal présentait un enjeu réel pour la requérante.
- 35.
- S'agissant de la complexité de l'affaire, il convient de rappeler que la Commission
a conclu, dans sa décision, que quatorze producteurs de treillis soudé avaient violé
l'article 85 du traité par une série d'accords ou de pratiques concertées sur des
quotas de livraison et sur les prix de ce produit. Le recours de la requérante
constituait l'un des onze recours, formulés en trois langues de procédure
différentes, qui ont été formellement joints aux fins de la procédure orale.
- 36.
- A cet égard, il ressort du dossier et de l'arrêt attaqué que la procédure concernant
la requérante nécessitait un examen approfondi de documents relativement
volumineux et de questions de fait et de droit d'une certaine complexité.
- 37.
- En ce qui concerne la conduite de la requérante devant le Tribunal, il ressort du
dossier que le délai prévu pour le dépôt du mémoire en duplique a été, à sa
demande, prolongé d'environ un mois.
- 38.
- A cet égard, l'argument de la Commission, selon lequel la procédure devant le
Tribunal a été retardée du fait que le conseil de la requérante n'était tout d'abord
pas intervenu dans la procédure administrative devant la Commission et qu'il avait
ensuite porté l'essentiel de son argumentation, à mauvais escient, sur l'amende que
la Commission lui avait imposée au titre de sa participation au cartel de crise
structurelle, ne saurait être retenu.
- 39.
- En effet, une entreprise visée par une décision de la Commission constatant des
infractions au droit de la concurrence et lui infligeant des amendes doit pouvoir
contester par tous les moyens qu'elle juge utiles le bien-fondé des accusations
portées à son encontre.
- 40.
- Dès lors, il n'a pas été établi que la requérante aurait contribué, de manière
significative, à prolonger la durée de la procédure.
- 41.
- S'agissant du comportement des autorités compétentes, il convient de rappeler que
l'adjonction à la Cour du Tribunal et l'institution d'un double degré de juridiction,
d'une part, visaient à améliorer la protection juridictionnelle des justiciables,
notamment pour les recours nécessitant un examen approfondi de faits complexes,
et, d'autre part, avaient pour but de maintenir la qualité et l'efficacité du contrôle
juridictionnel dans l'ordre juridique communautaire, en permettant à la Cour de
concentrer son activité sur sa tâche essentielle, à savoir celle d'assurer le respect
du droit dans l'interprétation et l'application du droit communautaire.
- 42.
- C'est la raison pour laquelle la structure du système juridictionnel communautaire
justifie, à certains égards, que le Tribunal, chargé d'établir les faits et de procéder
à un examen matériel du litige, puisse disposer de relativement plus de temps pour
instruire les recours nécessitant un examen approfondi de faits complexes.
Toutefois, cette mission ne dispense pas la juridiction communautaire instituée
spécialement à cette fin de respecter le délai raisonnable dans le traitement des
affaires dont elle est saisie.
- 43.
- Il convient également de tenir compte des contraintes inhérentes à la procédure
devant les juridictions communautaires, liées notamment au régime linguistique de
la procédure prévu à l'article 35 du règlement de procédure du Tribunal, et à
l'obligation, prévue à l'article 36, paragraphe 2, de ce règlement de procédure, de
publier les arrêts dans les langues visées à l'article 1er du règlement n° 1 du Conseil,
du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté
économique européenne (JO 1958, 17, p. 385).
- 44.
- Cependant, il y a lieu de constater qu'il ne ressort pas des circonstances de l'espèce
que des contraintes d'une telle nature puissent justifier la durée de la procédure
devant le Tribunal.
- 45.
- Il convient en effet de souligner que deux périodes sont significatives lors de la
procédure devant le Tribunal au regard du principe du délai raisonnable. Ainsi,
environ trente-deux mois se sont écoulés entre la fin de la procédure écrite et la
décision d'ouvrir la procédure orale. Il a certes été décidé, par ordonnance du 13
octobre 1992, de joindre les onze affaires aux fins de la procédure orale, mais il y
a lieu de relever l'absence, au cours de cette période, de toute autre mesure
d'organisation de la procédure ou de mesure d'instruction. A cela s'ajoute le fait
que vingt-deux mois se sont écoulés entre la clôture de la procédure orale et le
prononcé de l'arrêt du Tribunal.
- 46.
- Même au regard des contraintes inhérentes à la procédure devant les juridictions
communautaires, de telles durées de l'instruction et du délibéré ne sauraient être
justifiées que par des circonstances exceptionnelles. En l'absence de toute
suspension de la procédure devant le Tribunal, notamment en vertu des articles 77
et 78 de son règlement de procédure, il convient de conclure que de telles
circonstances ne sont pas, en l'espèce, réunies.
- 47.
- A la lumière des éléments qui précèdent, force est de constater, tout en tenant
compte de la relative complexité de l'affaire, que la procédure devant le Tribunal
a dépassé les exigences liées au respect du délai raisonnable.
- 48.
- Pour des raisons d'économie de procédure et afin de garantir un remède immédiat
et effectif contre une telle irrégularité de procédure, il y a lieu de déclarer le
moyen tiré de la durée excessive de la procédure fondé aux fins de l'annulation de
l'arrêt attaqué, dans la mesure où il fixe le montant de l'amende infligée à la
requérante à la somme de 3 millions d'écus.
- 49.
- En revanche, en l'absence de tout indice que la durée de la procédure ait eu une
incidence sur la solution du litige, ce moyen ne saurait aboutir à l'annulation de
l'arrêt attaqué dans son ensemble.
Quant à la violation d'un principe d'immédiateté
- 50.
- La requérante estime que le Tribunal a violé le principe général de droit
communautaire de l'immédiateté de la procédure juridictionnelle en prononçant
son arrêt 22 mois après la clôture de la procédure orale, au point que l'utilité de
cette dernière aurait disparu avec l'effacement de son souvenir dans l'esprit des
juges. Elle fait valoir, en substance, que le principe de l'oralité de la procédure
juridictionnelle impliquerait le caractère immédiat de la procédure qui, à l'instar
des codes de procédures civile et pénale d'une majorité d'États membres,
comporterait l'obligation pour le Tribunal de mettre les affaires en délibéré
immédiatement après l'audience des plaidoiries et de rendre ses arrêts dans un
délai proche de celle-ci.
- 51.
- La Commission considère que le principe de l'immédiateté de la procédure, tel
qu'interprété par la requérante, n'existe pas en droit communautaire, en sorte que
ce moyen doit être rejeté.
- 52.
- A cet égard, il y a lieu de constater que, d'une part, contrairement à ce que la
requérante a soutenu lors de l'audience, ni l'article 55, paragraphe 1, du règlement
de procédure du Tribunal ni aucune autre disposition de ce même règlement ou
du statut CE de la Cour de justice ne prévoient que les arrêts de ce dernier doivent
être rendus dans un délai déterminé après la procédure orale.
- 53.
- D'autre part, il convient de souligner que la requérante n'a pas établi que la durée
du délibéré aurait eu une quelconque incidence sur la solution du litige dont le
Tribunal était saisi, notamment au regard de la déperdition des preuves.
- 54.
- Dans ces conditions, ce moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Quant à la violation des principes applicables en matière de preuves
- 55.
- La requérante fait valoir que le Tribunal a, tout d'abord, employé un critère
d'analyse erroné lors de l'appréciation des preuves en se contentant de contrôler
si la Commission avait établi la participation de la requérante aux ententes, sans
prendre en considération l'exposé de cette dernière, et a, ensuite, méconnu les
règles relatives à la forclusion en rejetant les offres d'audition de témoins comme
tardives. En se bornant à examiner l'exposé de la Commission et en refusant
d'examiner les preuves offertes par la requérante, le Tribunal aurait violé
l'obligation d'instruire et le droit à un procès équitable ainsi que les principes de
la libre appréciation de la preuve et du bénéfice du doute.
- 56.
- Quant au premier point, la requérante reproche en substance au Tribunal de ne
pas avoir contrôlé si les faits présentés par la Commission ne pouvaient s'expliquer
autrement que par l'existence d'une entente, bien que la requérante ait présenté
une autre justification plausible et cohérente.
- 57.
- La Commission fait valoir que ce grief constitue, en réalité, une demande de
réexamen des faits.
- 58.
- A cet égard, pour autant que ce grief ne porte pas sur l'appréciation des faits
effectuée par le Tribunal, il convient de rappeler que, en cas de litige sur
l'existence d'une infraction aux règles de concurrence, il appartient à la Commission
de rapporter la preuve des infractions qu'elle constate et d'établir les éléments de
preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs
d'une infraction.
- 59.
- Cependant, rien ne permet de constater que le Tribunal a omis de considérer les
éléments présentés par la requérante en contrôlant ceux présentés par la
Commission. Il ressort, tout d'abord, des points 64 à 67 de l'arrêt attaqué, que le
Tribunal, s'agissant de l'entente entre la requérante et Tréfilunion, au vu d'une
analyse des notes présentées par la Commission, a conclu que cette dernière avait
établi à suffisance de droit seulement deux parmi les trois points de concertation
incriminée. Ensuite, les points 90 à 92 de l'arrêt attaqué, relatifs aux ententes sur
les quotas et sur les prix avec les producteurs du Benelux, les points 115 à 118,
portant sur l'entente entre la requérante et Tréfilarbed, et les points 131 à 136,
concernant des ententes sur des prix et des quotas sur le marché du Benelux,
montrent que le Tribunal, en tenant compte des arguments de la requérante, a
procédé à un examen des faits présentés par la Commission pour en conclure que
cette dernière avait établi à suffisance de droit que la requérante avait participé
aux ententes en cause.
- 60.
- Quant au deuxième point, la requérante reproche au Tribunal d'avoir fait une
interprétation erronée de son règlement de procédure lorsqu'il a rejeté ses offres
de preuve comme étant tardives. La requérante ne conteste pas que ses offres de
preuve sont apparues pour la première fois dans la réplique. En revanche, elle fait
valoir que les éléments de preuve présentés au stade de la réplique n'étaient ni
nouveaux ni tardifs au sens de l'article 48, paragraphe 1, du règlement de
procédure du Tribunal, dès lors qu'elle aurait proposé l'audition des témoins et sa
comparution personnelle dans sa réplique pour contredire les preuves invoquées
par la Commission dans son mémoire en défense.
- 61.
- La requérante soutient également que l'obligation d'instruire et les principes du
contradictoire et du procès équitable obligeraient le Tribunal à faire droit aux
offres de preuve, sauf dans certains cas limités, dont l'existence ne serait pas, en
l'espèce, démontrée. Elle estime que le rejet de ses offres d'audition de témoins et
de comparution personnelle revient à procéder à une appréciation anticipée des
preuves et ajoute que, même en l'absence d'offres de preuve, le principe de
l'inquisitoire imposerait au Tribunal, notamment dans les procédures pouvant
conduire à des amendes, d'étendre d'office l'instruction à tous les moyens de
preuve qui sont à sa disposition et de s'efforcer d'obtenir la meilleure preuve
possible.
- 62.
- La Commission estime que le Tribunal s'est conformé à sa jurisprudence constante
lorsqu'il a estimé que les offres de preuve présentées pour la première fois dans
la réplique étaient constitutives d'un retard qui devait dès lors être motivé.
- 63.
- A titre liminaire, il convient de rappeler que, afin d'apporter la preuve de ses
affirmations, la requérante a demandé, dans sa requête devant le Tribunal, que soit
entendu, en qualité de témoin, son conseil juridique, Me Pillmann et, au stade de
la réplique, de comparaître elle-même en la personne de son représentant légal,
M. Müller, et d'entendre, en qualité de témoin, M. Broekman, ancien président des
producteurs du Benelux.
- 64.
- Il ressort du dossier que, lors de sa conférence des 18 et 24 mars 1993, le Tribunal
a décidé de poser des questions aux parties. Compte tenu de la demande d'audition
de la requérante et au regard de quatre télex des 15 décembre 1983, 11 janvier, 4
mars et 4 avril 1984, la requérante a été invitée à «indiquer quelles sont les raisons
précises et factuelles qui [l'ont amenée] à contredire le contenu apparent des
documents mentionnés au-delà de la négation globale avancée dans ses mémoires».
- 65.
- Lors de sa conférence des 13 et 17 mai 1993, le Tribunal a décidé de recueillir les
observations des parties sur l'audition éventuelle de MM. Müller et Broekman et
la comparution personnelle, à l'audience, des requérantes Boël, Steelinter et
Tréfilunion, en la personne de représentants informés des contacts qui avaient eu
lieu à l'époque.
- 66.
- Par lettre du 19 mai 1993, la Commission s'est déclarée opposée à l'audition des
témoins cités au motif qu'ils étaient, de toute façon, les représentants des
entreprises concernées par la décision. Le Tribunal a décidé, le 26 mai 1993, de
réserver sa décision sur une éventuelle audition des témoins.
- 67.
- Au point 68 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu'il n'y avait pas besoin de
procéder à l'audition de témoins ni d'ordonner la comparution de la requérante.
Aux points 94, 120 et 138 du même arrêt, le Tribunal a rejeté, en application de
l'article 48, paragraphe 1, de son règlement de procédure, les offres d'audition de
témoins et de comparution de la requérante, au motif que ces offres de preuve,
formulées dans la réplique, étaient tardives, la requérante n'ayant invoqué aucune
circonstance qui l'aurait empêchée de les formuler dans la requête.
- 68.
- Au vu des circonstances de l'espèce, l'appréciation du Tribunal, quant à la
pertinence d'entendre Me Pillmann et M. Müller au sujet de l'entente entre
Baustahlgewebe et Tréfilunion, ne saurait être remise en cause.
- 69.
- Quant au refus, par le Tribunal, d'entendre MM. Müller et Broekman au motif que
ces offres de preuve étaient tardives, il convient de relever que l'article 68,
paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que ce dernier
ordonne la vérification de certains faits par témoins soit d'office, soit à la demande
des parties, les parties entendues. La demande d'une partie tendant à l'audition
d'un témoin doit indiquer avec précision les faits sur lesquels il y a lieu de
l'entendre et les raisons de nature à justifier son audition. L'article 44, paragraphe
1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal dispose que la requête doit
contenir les offres de preuve, s'il y a lieu.
- 70.
- Lorsqu'une demande d'audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec
précision les faits sur lesquels il y a lieu d'entendre le ou les témoins et les motifs
de nature à justifier leur audition, il appartient donc au Tribunal d'apprécier la
pertinence de la demande par rapport à l'objet du litige et à la nécessité de
procéder à l'audition des témoins cités.
- 71.
- Aux termes de l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal,
les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l'appui de leur
argumentation dans la réplique et la duplique. Elles motivent le retard apporté à
la présentation de leurs offres de preuve.
- 72.
- Ainsi, la preuve contraire et l'ampliation des offres de preuve fournies à la suite
d'une preuve contraire de la partie adverse dans son mémoire en défense ne sont
pas visées par la règle de forclusion prévue à l'article 48, paragraphe 1, du
règlement de procédure. En effet, cette disposition concerne les offres de preuves
nouvelles et doit être lue à la lumière de l'article 66, paragraphe 2, qui prévoit
expressément que la preuve contraire et l'ampliation des offres de preuve restent
réservées.
- 73.
- Toutefois, s'agissant, en l'espèce, des offres d'audition du témoin M. Broekman et
de comparution de la requérante elle-même, il suffit de constater qu'il ressort du
dossier que les éléments de preuve invoqués par la Commission dans son mémoire
en défense étaient déjà mentionnés dans la décision ainsi que dans la
communication des griefs ou annexés à celle-ci, et avaient été produits par la
requérante elle-même en annexe 3 à sa requête devant le Tribunal. De même,
s'agissant des déclarations de M. Müller lors de l'audition devant la Commission
du 24 novembre 1987, à laquelle le Tribunal s'est référé aux points 92 et 135 de
l'arrêt attaqué, il est constant que celles-ci figuraient dans le procès-verbal de cette
réunion qui avait également été produit par la requérante elle-même en annexe 9
à sa requête devant le Tribunal.
- 74.
- Par conséquent, il y a lieu de constater que la demande d'audition de M. Broekman
et celle de comparaître elle-même en la personne de son représentant légal, M.
Müller, ne sauraient être considérées comme des offres de preuve contraires et que
la requérante était en mesure de présenter ces offres de preuve dans sa requête
devant le Tribunal.
- 75.
- Dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que les offres de
preuve formulées dans la réplique étaient tardives et les a refusées au motif que
la requérante n'avait pas motivé le retard apporté à leur présentation.
- 76.
- En outre, il convient de rejeter l'argument de la requérante selon lequel le Tribunal
aurait violé une obligation d'instruire qui lui incomberait, dès lors qu'il est constant
que celui-ci a pris des mesures d'organisation de la procédure ayant pour objet de
faciliter l'administration des preuves et à préciser l'argumentation des parties,
conformément à l'article 64, paragraphe 2, de son règlement de procédure.
- 77.
- Enfin, il y a lieu de souligner que le Tribunal ne saurait être tenu de citer des
témoins d'office, dès lors que l'article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure
du Tribunal précise que ce dernier fixe les mesures d'instruction qu'il juge convenir
par voie d'ordonnance articulant les faits à prouver.
- 78.
- Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal des principes
applicables en matière de preuves doit être écarté.
Quant à la violation du droit de consulter certains documents
- 79.
- La requérante fait valoir que le Tribunal a enfreint les droits de la défense en
refusant de faire droit à sa demande de production de l'ensemble des pièces de
procédure administrative, alors même que le droit d'accès au dossier relève d'un
principe fondamental du droit communautaire dont le respect s'impose en toutes
circonstances. Ainsi, la Commission aurait l'obligation de rendre accessible aux
entreprises impliquées dans une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1,du traité l'ensemble des documents à charge et à décharge qu'elle a recueillis au
cours de l'enquête. Ces principes s'appliqueraient également dans le cadre de la
procédure devant le Tribunal, lorsque les documents éventuellement pertinents
pour la défense du requérant ne lui ont pas été communiqués au cours de la
procédure administrative. En tout état de cause, la requérante estime que le
Tribunal ne pouvait refuser de faire droit à sa demande de production de
documents au motif que la requérante n'aurait pas présenté d'indices de nature à
établir que ces documents auraient été pertinents à sa défense. En effet, une partie
et ses conseils ne peuvent apprécier l'importance d'un document pour la défense
que s'ils en connaissent l'existence et le contenu.
- 80.
- En outre, la requérante soutient que le Tribunal a porté atteinte aux droits de la
défense en refusant d'ordonner la production des documents relatifs au cartel de
crise structurelle allemand.
- 81.
- La Commission souligne que, s'agissant de la demande d'accès à l'ensemble des
pièces de procédure, ce serait à bon droit que le Tribunal aurait jugé que la
requérante n'avait pas présenté d'indices de nature à établir que ces documents
auraient été pertinents à sa défense. Quant aux documents relatifs au cartel de
crise structurelle, une irrégularité de procédure de ce type ne serait pas susceptible
d'un pourvoi puisqu'elle ne serait pas de nature à porter atteinte aux intérêts de
la requérante et constituerait un élargissement de l'objet du litige soumis au
Tribunal, qui serait donc irrecevable dans le cadre d'un pourvoi.
- 82.
- Tout d'abord, en ce qui concerne l'exception d'irrecevabilité invoquée par la
Commission, il suffit de constater que, premièrement, la question de savoir si
l'existence du cartel de crise structurelle allemand a influencé la décision a été
débattue devant le Tribunal et que, deuxièmement, la requérante maintient devant
la Cour que ledit cartel de crise a au moins influencé le montant des amendes
imposées. Dans ces circonstances, il ne s'agit pas, sur ce point, d'un élargissement
de l'objet du litige devant le Tribunal. Le moyen tiré d'un droit de consulter les
documents concernant le cartel de crise est donc recevable.
- 83.
- Ensuite, s'agissant de l'accès aux documents, il y a lieu de rappeler qu'il ressort du
point 23 de l'arrêt attaqué que la Commission, au cours de la procédure
administrative, a communiqué à la requérante les documents la concernant
directement ou indirectement, à l'exclusion de ceux qui étaient confidentiels, tout
en rappelant que la requérante avait la possibilité, pour la préparation de ses
observations, de prendre connaissance, moyennant une autorisation, d'autres
documents détenus par la Commission.
- 84.
- Il ressort du point 28 de l'arrêt attaqué et du dossier que le conseil de la
requérante, nouvellement constitué, a soutenu devant la Commission qu'il avait
encore le droit de consulter le dossier après l'adoption de la décision. Un échange
de correspondance entre les parties révèle que la Commission a rappelé à la
requérante qu'elle lui avait transmis, en annexe à la communication des griefs, les
documents sur lesquels celle-ci reposait. Par télécopie du 11 octobre 1989, la
Commission a soumis une liste de l'ensemble des pièces du dossier, dans la mesure
où elles se rapportaient à la requérante, et lui a offert de lui en transmettre copie.
A la suite de cette offre, la requérante a demandé, par télécopie du 16 octobre
1989, d'une part, l'envoi du rapport et du dossier relatif à l'inspection effectuée les
6 et 7 novembre 1985 dans ses bureaux ainsi que de celui relatif à l'inspection
effectuée les mêmes jours dans les bureaux du Fachverband Betonstahlmatten et,
d'autre part, l'autorisation de consulter les procès-verbaux et autres documents par
lesquels le Bundeskartellamt avait informé la Commission de l'existence, en
Allemagne, d'un cartel de crise structurelle. La Commission n'aurait toutefois pas
réagi à cette demande jusqu'à l'introduction du recours.
- 85.
- Dans sa requête, la requérante a par conséquent demandé au Tribunal d'ordonner
à la Commission de lui permettre de consulter: a) l'ensemble des pièces de
procédure qui la concernaient, b) tous les documents, correspondances,
procès-verbaux et notes relatifs à l'information de la Commission par le
Bundeskartellamt au sujet de l'existence du cartel de crise structurelle ainsi que c)
tous les documents, pièces, procès-verbaux et notes relatifs aux négociations
trilatérales entre la Commission, le Bundeskartellamt et des représentants de la
communauté allemande du cartel de crise structurelle.
- 86.
- Le Tribunal a jugé, ainsi qu'il est rappelé au point 33 de l'arrêt attaqué, que la
demande de la requérante devait être considérée comme une demande de mesure
d'organisation au sens de l'article 64, paragraphe 3, sous d), de son règlement de
procédure.
- 87.
- Au point 34 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté la demande d'accès au dossier
de la Commission, au motif que la requérante n'avait pas contesté avoir reçu, au
cours de la procédure administrative devant la Commission, tous les documents du
dossier la concernant directement ou indirectement et sur lesquels était fondée la
communication des griefs et qu'elle n'avait pas présenté d'indices de nature à
établir que d'autres documents auraient été pertinents à sa défense. Par
conséquent, il a considéré que la requérante avait été mise en mesure de faire
valoir, comme elle l'entendait, son point de vue sur l'ensemble des griefs formulés
par la Commission à son encontre dans la communication des griefs qui lui avait
été adressée, ainsi que sur les éléments de preuve destinés à étayer ces griefs,
mentionnés par la Commission dans ladite communication des griefs ou annexés
à celle-ci, en sorte que les droits de la défense avaient été respectés. Le Tribunal
en a conclu que, tant lors de la préparation de la requête que durant la procédure
devant le Tribunal, les conseils de la requérante avaient été en mesure d'examiner
en toute connaissance de cause la légalité de la décision et d'assurer pleinement la
défense de la requérante.
- 88.
- Au point 35 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a également rejeté la demande de
production des documents concernant le cartel de crise structurelle allemand au
motif que la requérante n'avait pas fait état de ce que, à défaut de disposer de ces
documents, elle n'était pas en mesure de se défendre des griefs qui lui avaient été
imputés et qu'elle n'avait avancé aucun indice de nature à établir en quoi ces
pièces pouvaient présenter un intérêt pour la solution du litige. Le Tribunal a
ajouté que, en tout état de cause, il s'agissait d'éléments de preuve étrangers à
l'objet de la procédure.
- 89.
- A cet égard, il convient de constater que l'accès au dossier dans les affaires de
concurrence a notamment pour objet de permettre aux destinataires d'une
communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant
dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement, sur
la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue
dans sa communication des griefs (arrêts du 9 novembre 1983, Michelin/
Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 7; du 13 février 1979, Hoffmann-La
Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, points 9 et 11, et du 6 avril 1995, BPB
Industries et British Gypsum/Commission, C-310/93 P, Rec. p. I-865, point 21).
- 90.
- Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, les principes généraux de
droit communautaire régissant le droit d'accès au dossier de la Commission ne
s'appliquent pas, en tant que tels, à la procédure juridictionnelle, celle-ci étant régie
par le statut CE de la Cour de justice et par le règlement de procédure du
Tribunal.
- 91.
- En effet, aux termes de l'article 21 du statut CE de la Cour de justice, la Cour a
la faculté de demander aux parties de produire tous documents et de fournir toutes
informations qu'elle estime désirables. L'article 64, paragraphe 1, du règlement de
procédure du Tribunal dispose que «Les mesures d'organisation de la procédure
visent à assurer, dans les meilleures conditions, la mise en état des affaires, le
déroulement des procédures et le règlement des litiges».
- 92.
- Selon l'article 64, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement de procédure du
Tribunal, les mesures d'organisation de la procédure ont, en particulier, pour objet
d'assurer le bon déroulement de la procédure écrite ou orale et de faciliter
l'administration des preuves, ainsi que de déterminer les points sur lesquels les
parties doivent compléter leur argumentation ou qui nécessitent une instruction.
Aux termes de l'article 64, paragraphes 3, sous d), et 4, ces mesures peuvent être
proposées par les parties à tout stade de la procédure et peuvent consister à
demander la production de documents ou de toute pièce relative à l'affaire.
- 93.
- Il s'ensuit que la requérante pouvait demander au Tribunal d'ordonner à la partie
adverse de produire des documents qui étaient en sa possession. Néanmoins, pour
permettre au Tribunal de déterminer s'il était utile au bon déroulement de la
procédure d'ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la
demande doit identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal au moins un
minimum d'éléments accréditant l'utilité de ces documents pour les besoins de
l'instance.
- 94.
- Force est de constater qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du dossier du Tribunal que,
bien que la Commission lui ait soumis une liste de l'ensemble des pièces du dossier
qui la concernaient, la requérante n'a pas suffisamment identifié, dans sa demande
devant le Tribunal, les documents du dossier dont elle sollicitait la production.
Quant aux documents relatifs au cartel de crise structurelle allemand, bien que la
requérante ait reproché à la Commission d'avoir retenu sa participation au cartel
comme étant une circonstance aggravante, elle n'a cependant pas précisé en quoi
les documents demandés pouvaient présenter une utilité à son égard.
- 95.
- C'est donc à bon droit que le Tribunal a rejeté, aux points 34 et 35 de l'arrêt
attaqué, la demande visant à la production des documents. Dès lors, ce moyen doit
être rejeté comme étant non fondé.
Sur les moyens tirés d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité
Quant à la délimitation du marché
- 96.
- La requérante soutient que le Tribunal n'a pas suffisamment motivé la partie de
l'arrêt attaqué consacrée à la détermination du marché en cause. Elle fait
notamment valoir que, contrairement à ce qu'a indiqué le Tribunal aux points 38
et 40 de l'arrêt attaqué, elle n'a jamais affirmé, lors de l'audience, qu'elle pouvait
fabriquer des panneaux standard sur ses machines ou que les panneaux lettrés et
les panneaux standard étaient interchangeables. Dans ces conditions, le marché ne
pouvait être défini comme comportant les deux types de panneaux.
- 97.
- La Commission considère que la requérante tente par ce moyen de soumettre au
contrôle de la Cour des constatations de fait opérées par le Tribunal.
- 98.
- Il convient de rappeler que, dans la mesure où ce moyen est tiré d'une motivation
insuffisante de l'arrêt attaqué, il est recevable au stade du pourvoi.
- 99.
- A cet égard, il suffit de constater que le Tribunal, en délimitant le marché
pertinent, a relevé, au point 39 de l'arrêt attaqué, que les prix des panneaux
standard et des panneaux «Listenmatten» n'étaient pas très éloignés. Il a en outre
constaté, au point 40 de l'arrêt attaqué, qu'il était apparu, lors de l'audience, que
l'emploi de panneaux standard sur des chantiers sur lesquels des panneaux sur
devis devaient normalement être utilisés était effectivement possible, lorsque le prix
des panneaux standard était tellement bas qu'il assurait au maître d'oeuvre une
économie significative, couvrant les suppléments de coût et compensant les
inconvénients techniques liés au changement de matériel utilisé, et que cette
situation s'était produite pendant une partie de la période couverte par les
ententes.
- 100.
- Le Tribunal a donc exposé, à suffisance de droit, les raisons pour lesquelles
certaines circonstances liées au niveau des prix pouvaient inciter les opérateurs
économiques à substituer des panneaux standard aux panneaux lettrés, délimitant
ainsi un marché commun aux deux produits.
- 101.
- Il convient, dès lors, de rejeter comme étant non fondé le moyen tiré d'un défaut
de motivation dans la délimitation du marché.
Quant aux ententes entre la requérante et Tréfilunion
- 102.
- La requérante soutient que l'arrêt attaqué ne fait pas apparaître les raisons pour
lesquelles les accords passés avec Tréfilunion constituaient une infraction aux
dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité et reproche au Tribunal de ne
pas avoir procédé à la qualification des faits au regard des conditions posées par
cette disposition.
- 103.
- A l'appui de ce moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal, d'une part, n'a pas
examiné l'argument selon lequel l'engagement de Tréfilunion de ne pas porter
plainte auprès de la Commission quant au cartel de crise structurelle allemand ne
constituait pas une restriction de la concurrence et, d'autre part, ne s'est pas
prononcé sur la question de savoir si l'engagement de la requérante de ne pas
exporter de panneaux lettrés en France pendant deux ou trois mois était
susceptible de produire une telle restriction ou encore d'affecter de manière
sensible le commerce entre les États membres.
- 104.
- La Commission estime que le Tribunal a régulièrement qualifié les faits litigieux en
les rattachant à la règle applicable.
- 105.
- A cet égard, il convient de rappeler que, au point 63 de l'arrêt attaqué, le Tribunal
a constaté que la décision imputait à la requérante d'avoir mené avec Tréfilunion
une «concertation générale tendant à limiter la pénétration réciproque de leurs
produits en Allemagne et en France». Cette concertation se serait concrétisée en
trois points: 1) Tréfilunion ne déposerait pas de plainte auprès de la Commission
contre le cartel de crise structurelle allemand; 2) l'usine de la requérante de
Gelsenkirchen n'exporterait pas de panneaux lettrés vers la France pendant une
période de deux à trois mois; 3) les deux parties se seraient mises d'accord pour
subordonner leurs exportations futures à la fixation de quotas.
- 106.
- Au vu de l'analyse de deux notes internes établies le 16 juillet 1985 par M. Marie
et le 27 août 1985 par M. Müller, le Tribunal a conclu que la Commission avait
établi à suffisance de droit l'engagement de Tréfilunion de ne pas déposer de
plainte contre le cartel de crise structurelle allemand ainsi que la renonciation de
la requérante à exporter en France des panneaux lettrés pendant une période de
deux à trois mois. En revanche, le Tribunal a jugé que la Commission n'avait pas
établi à suffisance de droit l'existence d'un accord ayant pour objet de subordonner
leurs futures exportations à la fixation de quotas.
- 107.
- Il convient de souligner que le Tribunal a considéré, au point 64 de l'arrêt attaqué,
que l'engagement de M. Marie de ne pas déposer plainte contre le cartel de crise
structurelle allemand devait être analysé comme étant un comportement adopté
vis-à-vis d'un concurrent, en contrepartie de concessions de ce dernier, dans le
cadre d'une entente violant l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 108.
- En jugeant que cet engagement, tout comme la renonciation de la requérante à
exporter en France des panneaux lettrés pendant une période de deux à trois mois,
faisait partie d'une concertation générale relative à la pénétration réciproque de
leurs produits en Allemagne et en France, le Tribunal a pu, à bon droit, conclure
que la Commission n'avait pas commis d'erreur en estimant que la requérante avait
pris part à une entente contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 109.
- En l'absence de preuve tendant à démontrer une erreur manifeste d'appréciation
de la part du Tribunal, il y a lieu de rejeter ce moyen comme étant non fondé.
Quant aux ententes sur les quotas et les prix sur le marché du Benelux et, avec les
producteurs du Benelux, sur le marché allemand
- 110.
- La requérante soutient que le Tribunal a fait une application erronée de l'article
85, paragraphe 1, du traité en ne tenant pas compte des éléments importants
qu'elle avait invoqués devant lui et affirme que le Tribunal a ignoré le fait que ses
collaborateurs n'avaient participé aux réunions entre producteurs qu'en leur qualité
de représentants de la communauté du cartel de crise structurelle ou du
Fachverband Betonstahlmatten, et non de la requérante. Cette dernière ajoute,
s'agissant du marché du Benelux, que la motivation de l'arrêt est contradictoire, dès
lors que la simple participation à une réunion au cours de laquelle d'autres
entreprises ont conclu un accord sur les prix ne peut constituer une infraction à
l'article 85 lorsque l'entreprise ne distribue pas elle-même les produits faisant
l'objet de l'accord.
- 111.
- La Commission estime que les griefs invoqués par la requérante visent à remettre
en cause l'appréciation par le Tribunal des preuves qui lui ont été soumises, ce qui
ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments de preuve,
une question de droit soumise au contrôle de la Cour. Elle ajoute qu'une telle
dénaturation n'est pas démontrée. Enfin, elle fait valoir que la motivation de l'arrêt
du Tribunal n'est pas contradictoire.
- 112.
- A cet égard, il y a lieu de relever, ainsi que l'a indiqué M. l'avocat général aux
points 200 et 246 de ses conclusions, que la requérante se borne essentiellement
à reproduire de larges passages des réponses qu'elle avait données aux questions
posées par le Tribunal, pour en conclure, comme devant le Tribunal, que les
documents incriminés démontrent que M. Müller agissait en tant que représentant
du Fachverband Betonstahlmatten et du conseil de surveillance du cartel de crise
structurelle allemand et non en tant que président de la direction de la requérante.
- 113.
- Il convient de rappeler qu'il résulte des articles 168 A du traité, 51 du statut CE
de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure
qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt qu'il
est demandé d'annuler ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de
manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui
se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui
ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux fondés sur des faits
expressément écartés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en
réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée
devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (ordonnance San
Marco/Commission, précitée, points 36 à 38).
- 114.
- Même pour autant que le pourvoi ne contienne pas une telle répétition ou
reproduction, il vise en effet à obtenir un réexamen de l'appréciation des faits
effectuée par le Tribunal.
- 115.
- Il en résulte que ces moyens doivent être déclarés irrecevables.
Quant à la non-application du règlement n° 67/67 aux contrats de distribution
exclusive
- 116.
- Selon la requérante, le Tribunal n'aurait pas démontré que les contrats de
distribution exclusive conclus entre, d'une part, la requérante et, d'autre part,
Bouwstaal Roermond BV et Arbed SA afdeling Nederland comportaient une
interdiction d'importations parallèles, ni ne se serait prononcé sur la tolérance de
la Commission à l'égard de ces contrats qui lui avaient été soumis à l'occasion de
la réorganisation de l'industrie sidérurgique luxembourgeoise et sarroise.
- 117.
- La Commission fait valoir que l'argumentation relative à l'absence d'interdiction
des importations parallèles relève de l'appréciation des faits par le Tribunal et que
celle tirée de la tolérance dont elle aurait fait preuve à l'égard des contrats litigieux
constitue un moyen nouveau.
- 118.
- A cet égard, il y a lieu de déclarer irrecevable l'argumentation de la requérante
selon laquelle il n'aurait pas été démontré que les contrats qu'elle avait conclus
avec Bouwstaal Roermond BV et Arbed SA afdeling Nederland comportaient une
interdiction d'importations parallèles, étant donné que cette argumentation vise,
ainsi que l'a indiqué M. l'avocat général aux points 210 à 223 de ses conclusions,
à remettre en cause l'appréciation des faits opérée par le Tribunal.
- 119.
- En ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel le Tribunal a omis de
se prononcer sur la tolérance de la Commission à l'égard des contrats en cause, il
convient de relever, ainsi que l'a souligné M. l'avocat général aux points 228 à 232
de ses conclusions, que les arguments soulevés devant le Tribunal à ce propos
étaient de simples allégations dénuées de précision et n'étaient soutenues par
aucune justification. Il ne saurait donc être fait grief au Tribunal de ne pas s'être
prononcé sur ces arguments.
- 120.
- Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur les moyens tirés de la violation de l'article 15 du règlement n° 17
- 121.
- Tout d'abord, il convient de rappeler que la possibilité d'infliger des amendes en
cas de violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité est expressément prévue à
l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, aux termes duquel:
«La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations
d'entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d'un million
d'unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent
du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des
entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par
négligence:
a) elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1...
b) ...
Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération,
outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.»
- 122.
- En premier lieu, la requérante fait grief au Tribunal d'avoir commis des erreurs de
droit dans son appréciation des circonstances atténuantes et aggravantes des
infractions. Selon elle, le Tribunal a considéré, à tort, que la Commission avait
procédé à une appréciation individuelle des critères de détermination de la gravité
des infractions. La requérante fait notamment valoir que tant la Commission que
le Tribunal auraient retenu sa participation au cartel de crise structurelle comme
étant une circonstance aggravante aux fins de la fixation de l'amende. En outre,
l'amende prononcée à l'encontre de la requérante serait disproportionnée, car
plusieurs circonstances atténuantes n'auraient pas été prises en considération.
- 123.
- La Commission répond que ce grief est irrecevable, dans la mesure où il revient
à reprendre les arguments développés par la requérante devant le Tribunal.
S'agissant du cartel de crise structurelle allemand, la Commission considère que le
Tribunal a justifié le choix arrêté dans la décision de ne pas retenir son existence
comme étant une circonstance atténuante à l'égard de la requérante.
- 124.
- En second lieu, la requérante prétend qu'il n'a pas été tenu compte de son
ignorance de l'illégalité du cartel de crise structurelle allemand et des actions
menées pour en assurer la protection.
- 125.
- Sur ce point, la Commission estime que ce grief est irrecevable, car il est invoqué,
pour la première fois, au stade du pourvoi.
- 126.
- Enfin, la requérante demande, à titre subsidiaire, la réduction de l'amende à un
montant raisonnable.
- 127.
- La Commission observe qu'il n'appartient pas à la Cour de substituer, pour des
motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal.
- 128.
- A titre liminaire, il convient de rappeler que le Tribunal est seul compétent pour
contrôler la façon dont la Commission a apprécié dans chaque cas particulier la
gravité des comportements illicites. Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la
Cour a pour objet, d'une part, d'examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en
considération, d'une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels
pour apprécier la gravité d'un comportement déterminé à la lumière des articles
85 du traité et 15 du règlement n° 17 et, d'autre part, de vérifier si le Tribunal a
répondu à suffisance de droit à l'ensemble des arguments invoqués par la
requérante tendant à la suppression ou à la réduction de l'amende (voir, sur ce
dernier point, arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec.
p. I-4411, point 31).
- 129.
- S'agissant du prétendu caractère disproportionné de l'amende, il importe de
rappeler qu'il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle se prononce sur des questions
de droit dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son
appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa pleine juridiction,
sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par
celles-ci, du droit communautaire (arrêts précités BPB Industries et British
Gypsum/Commission, point 34, et Ferriere Nord/Commission, point 31). Ce grief
doit donc être déclaré irrecevable dans la mesure où il a pour objet un réexamen
général des amendes et où il tend de manière subsidiaire à la réduction de
l'amende à un montant raisonnable. Il en va de même du grief, qui n'a pas été
formulé par la requérante devant le Tribunal, tiré de sa prétendue ignorance du
caractère illicite des comportements qui étaient destinés à la défense du cartel de
crise structurelle allemand, ainsi que l'a souligné M. l'avocat général au point 286
de ses conclusions.
- 130.
- Quant au défaut d'appréciation des circonstances atténuantes et aggravantes, il
suffit, tout d'abord, de constater que l'arrêt attaqué résume les infractions
commises par la requérante et individualise son comportement ainsi que son rôle
dans la mise en place ou le fonctionnement de chacune des ententes.
- 131.
- Ensuite, le Tribunal a considéré, au point 146 de l'arrêt attaqué, que la décision,
prise dans son ensemble, avait fourni à la requérante les indications nécessaires
pour connaître les différentes infractions qui lui étaient reprochées ainsi que les
circonstances spécifiques de son comportement et, plus particulièrement, les
éléments concernant la durée de sa participation aux différentes infractions. Le
Tribunal a également constaté que, dans la partie de la décision consacrée à
l'appréciation juridique, la Commission avait exposé les différents critères de
l'évaluation de la gravité des infractions imputées à la requérante ainsi que les
diverses circonstances qui avaient atténué les conséquences économiques des
infractions.
- 132.
- En outre, s'agissant des circonstances aggravantes retenues à la charge de la
requérante, le Tribunal a constaté, au point 149 de l'arrêt attaqué, que la
requérante n'avait avancé aucun élément permettant de contredire les preuves
produites par la Commission pour établir le rôle actif qu'elle avait joué dans les
ententes. Ainsi que l'a souligné M. l'avocat général au point 268 de ses conclusions,
le Tribunal s'est référé à des passages précis de la décision caractérisant des
comportements de la requérante de nature à justifier une sévérité plus grande dans
la fixation de la sanction prononcée. Dans ces développements particuliers, la
Commission a mis l'accent à la fois sur le rôle moteur joué par la requérante dans
la constitution des infractions et sur l'intervention de M. Müller en sa triple qualité
de gérant de la requérante, de représentant légal du cartel de crise structurelle
allemand et de président du Fachverband Betonstahlmatten. Au point 207 de la
décision, la Commission a déclaré que les amendes les plus élevées devaient être
infligées aux entreprises dont les dirigeants occupaient des fonctions importantes
au sein des associations d'entreprises telles que le Fachverband Betonstahlmatten.
- 133.
- Quant à l'imputation à la requérante de sa participation au cartel de crise
structurelle, il suffit de constater que, la requérante ayant été sanctionnée en raison
d'ententes qui n'étaient pas indissociablement liées à la constitution du cartel et qui
visaient à protéger le marché allemand contre les importations non contrôlées
d'autres États membres, le Tribunal a pu retenir, à bon droit, que l'existence de ce
cartel autorisé ne pouvait être considérée comme étant une circonstance atténuante
générale à l'égard de ces agissements de la requérante qui avait assumé une
responsabilité particulière à cet égard en raison des fonctions de son gérant.
- 134.
- Enfin, en ce qui concerne, plus précisément, l'existence de circonstances
atténuantes, la requérante soutient que le Tribunal a négligé de tenir compte de
différentes circonstances d'une telle nature. Ainsi, elle reproche à la Commission
et au Tribunal d'avoir calculé l'amende qui lui a été infligée sur la base de son
chiffre d'affaires total au lieu de l'évaluer en fonction du chiffre d'affaires
provenant des ententes. La requérante invoque également une violation du principe
d'égalité, caractérisée par le montant anormalement élevé, au regard des autres
amendes, de l'amende prononcée à son encontre. En outre, elle conteste la prise
en compte, par le Tribunal, du critère de sa part de marché sur le marché
allemand pour fixer le montant de l'amende, au motif que les ressources financières
d'une entreprise ne sont pas nécessairement proportionnelles à sa position sur le
marché.
- 135.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a relevé, au point 158 de l'arrêt
attaqué, que la Commission n'avait pas pris en compte le chiffre d'affaires global
réalisé par la requérante, mais seulement celui se rapportant aux treillis soudés
dans la Communauté à six et n'a pas dépassé la limite de 10 %; dès lors, eu égard
à la gravité et à la durée de l'infraction, le Tribunal a estimé que la Commission
n'avait pas méconnu les dispositions de l'article 15 du règlement n° 17.
- 136.
- Le Tribunal a estimé, au point 160 de l'arrêt attaqué, en ce qui concerne la fixation
du montant de l'amende à un pourcentage de 3,15 % du chiffre d'affaires, que la
requérante, qui ne bénéficiait d'aucune circonstance atténuante générale, s'était en
revanche vu appliquer une circonstance aggravante au même titre que Tréfilunion
qui correspond au nombre et à l'importance des infractions retenues contre la
requérante.
- 137.
- Il convient ensuite d'examiner si le Tribunal a pris en considération, de manière
juridiquement correcte, les parts de marché de la requérante sur le marché
allemand lorsqu'il a constaté, au point 147 de l'arrêt attaqué, que c'est à bon droit
que la Commission avait refusé d'appliquer à la requérante, comme circonstance
atténuante, le fait de ne pas appartenir à une entité économique puissante, au
motif qu'elle était de loin l'entreprise qui détenait la plus grande part du marché
allemand.
- 138.
- A cet égard, il y a lieu de souligner que, parmi les éléments d'appréciation de la
gravité de l'infraction, peuvent figurer le volume et la valeur des marchandises
faisant l'objet de l'infraction, la taille et la puissance économique de l'entreprise et,
partant, l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (voir arrêt du 7 juin
1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825,
point 120).
- 139.
- Il s'ensuit qu'il est loisible, en vue de la détermination de l'amende, de tenir
compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise, lequel constitue une
indication, fût-elle approximative et imparfaite, de sa taille et de sa puissance
économique, que de la part de ce chiffre qui provient des marchandises faisant
l'objet de l'infraction et qui est donc de nature à donner une indication de
l'ampleur de celle-ci (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité,
point 121). Or, si les parts de marché détenues par une entreprise ne sauraient être
déterminantes afin de conclure qu'une entreprise appartient à une entité
économique puissante, elles sont en revanche pertinentes afin de déterminer
l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché.
- 140.
- En conséquence, ce grief doit être écarté.
Sur les conséquences de l'annulation de l'arrêt attaqué dans la mesure où il fixe
le montant de l'amende
- 141.
- Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, la Cour estime qu'un montant
de 50 000 écus constitue une satisfaction équitable, en raison de la durée excessive
de la procédure.
- 142.
- Par conséquent, l'arrêt attaqué étant annulé, dans la mesure où il fixe le montant
de l'amende (voir point 48 du présent arrêt), la Cour, statuant définitivement,
conformément à l'article 54 de son statut, fixe cette amende à la somme de
2 950 000 écus.
- 143.
- Le pourvoi est rejeté pour le surplus.
Sur les dépens
- 144.
- Aux termes de l'article 122 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est
fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les
dépens. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, applicable à la procédure de
pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux
dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article,
la Cour peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un
ou plusieurs chefs. La Commission ayant succombé sur l'un des chefs, tandis que
la requérante a succombé sur les autres chefs, il y a lieu de décider que la
requérante supportera ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux de la
Commission.
Par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête:
- 1.
- Le point 2 de l'arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 1995,
Baustahlgewebe/Commission (T-145/89), en ce qu'il fixe le montant de
l'amende infligée à la requérante à la somme de 3 millions d'écus, est
annulé.
- 2.
- Le montant de l'amende infligée à la requérante est fixé à la somme de
2 950 000 écus.
- 3.
- Le pourvoi est rejeté pour le surplus.
- 4.
- La partie requérante supportera ses propres dépens de l'instance ainsi que
les trois quarts de ceux de la Commission.
Rodríguez IglesiasPuissochet
Hirsch
Mancini Moitinho de Almeida
Edward Ragnemalm
Sevón
Wathelet Schintgen Ioannou
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 1998.
Le greffier
Le président
R. Grass
G. C. Rodríguez Iglesias