Language of document : ECLI:EU:F:2015:103



ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (juge unique)

21 septembre 2015 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercices de promotion 2010 et 2011 – Taux multiplicateurs de référence – Article 6, paragraphe 2, du statut – Mesures de transition pour la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2011 – Article 9 de l’annexe XIII du statut – Dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut – Fixation des seuils de promotion – Non-inscription sur la liste des fonctionnaires promus – Intérêt à agir »

Dans l’affaire F‑72/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Anastasios Anagnostu, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Woluwe-Saint-Pierre (Belgique), et les 24 autres requérants dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes L. Levi et A. Blot, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique),

juge : M. E. Perillo,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 22 juillet 2011, M. Anagnostu et les 24 autres requérants dont les noms figurent en annexe demandent principalement, premièrement, l’annulation des décisions de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de la Commission européenne fixant les seuils de promotion aux grades AD 13 et AD 14 pour les exercices de promotion 2010 et 2011 et, deuxièmement, l’annulation de la liste des fonctionnaires promus aux grades AD 13 et AD 14 au titre de l’exercice de promotion 2010 ainsi que celle de la décision implicite de l’AIPN de la Commission de refuser de promouvoir un nombre plus important de fonctionnaires aux grades AD 13 ou AD 14.

 Cadre juridique

2        L’article 6 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable après l’entrée en vigueur du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1) et jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement (UE, Euratom) no 1296/2009 du Conseil, du 23 décembre 2009, adaptant, avec effet au 1er juillet 2009, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 348, p. 10, ci-après le « statut » ou le « nouveau statut »), dispose :

« 1.      Un tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution fixe le nombre des emplois pour chaque grade et chaque groupe de fonctions.

2.      Afin de garantir l’équivalence entre la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur avant le 1er mai 2004 (ci-après dénommée ‘ancienne structure des carrières’) et la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur après le 1er mai 2004 (ci-après dénommée ‘nouvelle structure des carrières’) et sans préjudice du principe de promotion fondée sur le mérite, énoncé à l’article 45 du statut, ce tableau garantit que, pour chaque institution, le nombre d’emplois vacants pour chaque grade est égal, au 1er janvier de chaque année, au nombre de fonctionnaires en activité au grade inférieur au 1er janvier de l’année précédente, multiplié par les taux fixés, pour ce grade, à l’annexe I, [section] B[, du statut]. Ces taux s’appliquent sur une base quinquennale moyenne à compter du 1er mai 2004.

3.      La Commission, en se fondant sur la méthode définie au paragraphe 5, présente chaque année à l’autorité budgétaire un rapport sur l’évolution des carrières moyennes au sein des deux groupes de fonctions dans toutes les institutions, qui indique si le principe d’équivalence a été respecté et, dans le cas contraire, dans quelle mesure il a fait l’objet d’une violation. S’il n’a pas été respecté, l’autorité budgétaire peut prendre les mesures correctrices nécessaires pour rétablir l’équivalence.

4.      Pour assurer la cohérence entre ce système et le tableau des effectifs, l’équivalence entre l’ancienne et la nouvelle structure des carrières ainsi que la discipline budgétaire, les taux fixés à l’annexe I, [section] B, [du statut] sont revus au terme de la période de cinq ans débutant le 1er mai 2004 sur la base d’un rapport présenté par la Commission au Conseil [de l’Union européenne] et d’une proposition élaborée par la Commission.

5.      L’équivalence est évaluée en comparant, sur la base de la promotion et de l’ancienneté durant une période de référence donnée, à effectifs constants, la progression de la carrière moyenne avant le 1er mai 2004 et la progression de la carrière moyenne des fonctionnaires recrutés après cette date. »

3        Selon l’article 45, paragraphe 1, du statut :

« La promotion est attribuée par décision de l’[AIPN] en considération de l’article 6, paragraphe 2[, du statut]. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’[AIPN] prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), [du statut] et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

4        À l’annexe I, section B, intitulée « Taux multiplicateurs de référence destinés à l’équivalence des carrières moyennes », du statut figure le tableau suivant :

« 

Grade

Assistants

Administrateurs

13

20 %

12

25 %

11

25 %

10

20 %

25 %

9

20 %

25 %

8

25 %

33 %

7

25 %

33 %

6

25 %

33 %

5

25 %

33 %

4

33 %

3

33 %

2

33 %

1

33 %

 »

5        Aux termes de l’article 9 de l’annexe XIII du statut, relative aux mesures de transition consécutives à l’adoption du nouveau statut :

« À partir du 1er mai 2004 et jusqu’au 30 avril 2011, et par dérogation à l’annexe I, section B, du statut, en ce qui concerne les fonctionnaires des grades AD 12 et [AD] 13 et du grade AST 10, les pourcentages visés à l’article 6, paragraphe 2, du statut sont les suivants :

Grade

Du 1er mai 2004 jusqu’au

 

30 avril 2005

30 avril 2006

30 avril 2007

30 avril 2008

30 avril 2009

30 avril 2010

30 avril 2011

A*/AD 13

5 %

10 %

15 %

20 %

20 %

A*/AD 12

5 %

5 %

5 %

10 %

15 %

20 %

25 %

B*/AST 10

5 %

5 %

5 %

10 %

15 %

20 %

20 %

 »

6        La décision C(2008) 3028 de la Commission, du 18 juin 2008, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut, telle que modifiée par la décision C(2010) 2958 final de la Commission, du 7 mai 2010 (ci-après les « DGE »), prévoit à l’article 3, intitulé « Exercice annuel de promotion » :

« 1.      Un exercice de promotion est organisé chaque année. Il comprend l’attribution de points de promotion et l’établissement d’une liste des fonctionnaires promus.

2.      Il est lancé par la direction générale [du p]ersonnel et [de l’]administration, par la publication d’une [Information administrative] […] »

7        Aux termes de l’article 4 des DGE, intitulé « Attribution des points de promotion » :

« […]

5.      Chaque directeur général établit […] les critères selon lesquels les points de promotion sont attribués dans chaque niveau de performance.

6.      Dans ce contexte, il est notamment tenu compte :

a)      de l’évaluation qualitative individuelle contenue dans le rapport [d’évaluation établi pour l’année précédant l’exercice de promotion ;]

b)      de l’utilisation par le fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions de langues autres que la langue dont il a justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), du statut, telle qu’attestée dans l’annexe [d]u rapport [d’évaluation établi pour l’année précédant l’exercice de promotion] ;

c)      du niveau des responsabilités exercées […] ;

d)      du travail accompli dans l’intérêt de l’institution [en tant, notamment, que membre ou président d’un jury de concours, d’une procédure de sélection ou d’un comité paritaire].

[…] »

8        L’article 7 des DGE, intitulé « Attribution finale des points de promotion », prévoit :

« À l’issue des travaux du comité paritaire d’évaluation et de promotion, l’[AIPN] attribue le nombre final de points de promotion à chaque fonctionnaire […]. »

9        Aux termes de l’article 8 des DGE, intitulé « Décision de promotion » :

« 1.      Un fonctionnaire peut faire l’objet d’une décision de promotion si [:]

–        il a acquis, au plus tard le 31 décembre de l’année de l’exercice de promotion, le minimum d’ancienneté dans le grade requis par l’article 45, paragraphe 1, du statut […],

[…]

–        il est en position d’activité, en congé parental ou familial […] ou détaché dans l’intérêt du service à la date de l’adoption des décisions de promotion par l’[AIPN,] et

–        selon son rapport [d’évaluation] établi pour [l’année précédant l’exercice de promotion], sa performance ne correspond pas au niveau de performance IV.

2.      Les seuils de promotion sont fixés conformément à l’article 2 de l’annexe II [des DGE].

3.      L’[AIPN] adopte la liste des fonctionnaires promus. Sont promus tous les fonctionnaires ayant accumulé un nombre de points de promotion égal ou supérieur au seuil de promotion pertinent.

[…] »

10      L’article 1er de l’annexe II des DGE, intitulé « Plan de convergence et carrière moyenne », prévoit, à son paragraphe 1, un « plan de convergence » pour les années 2008 à 2011, sous forme de tableau visant, s’agissant du groupe de fonctions des administrateurs (AD), les grades AD 5 à AD 11.

11      Aux termes de l’article 1, paragraphe 2, de l’annexe II des DGE :

« Pour chaque année de 2008 à 2011, le plan de convergence définit une carrière moyenne, devant être comprise comme la durée moyenne passée dans un grade donné et dans une position administrative donnée avant promotion. Le rythme individuel de progression de carrière […] dépend toutefois du mérite accumulé, année par année, dans le grade. Ce mérite justifie la nomination au grade supérieur et détermine le profil de carrière du fonctionnaire, qui peut être plus rapide ou plus lent que la carrière moyenne. Par conséquent, aucun fonctionnaire ne peut s’appuyer sur le concept de la carrière moyenne afin de prétendre à une promotion, basée notamment sur l’ancienneté. »

12      L’article 2 de l’annexe II des DGE, intitulé « Seuils de promotion », prévoit :

« 1.      Pour chaque grade, les seuils de promotion sont fixés conformément au plan de convergence établi à l’article 1er [de l’annexe II des DGE] en fonction de l’annexe I, [section] B, du statut et en fonction des postes budgétaires disponibles dans le tableau des effectifs annuel correspondant.

2.      Pour tous les grades à l’exception des grades de fin de carrière (AD 13, AD 12 […]), les seuils de promotion sont égaux au nombre moyen de points attribués par fonctionnaire multiplié par la durée moyenne dans un grade donné. Les résultats de ce calcul sont arrondis au nombre entier le plus proche. Tous les fonctionnaires sont informés des seuils de promotion au début de l’exercice de promotion.

3.      Pour les grades de fin de carrière, les règles suivantes s’appliquent :

–        les seuils de promotion sont fixés à la fin de l’exercice de promotion ;

–        au début de l’exercice de promotion, les seuils de promotion sont estimés par la direction générale du personnel et de l’administration, sur la base du tableau des effectifs, des résultats du dernier exercice de promotion et de prévisions se rapportant à l’exercice d’évaluation et de promotion en cours ;

–        les seuils définitifs sont constatés par les comités paritaires d’évaluation et de promotion […] et établis par la direction générale du personnel et de l’administration ;

–        le nombre de promotions demandées à l’autorité budgétaire est égal au nombre de fonctionnaires en position d’activité dans le grade au 31 décembre de l’année précédant l’exercice de promotion multiplié par les taux fixés aux articles 9 et 10 de l’annexe XIII du statut. Le seuil correspond alors au nombre total de points accumulés par le dernier fonctionnaire pour lequel une promotion au grade supérieur est possible [;]

–        lorsque le nombre de fonctionnaires dont le nombre de points de promotion accumulés est égal ou supérieur au seuil de promotion pertinent dépasse le nombre de fonctionnaires pouvant effectivement être promus à l’issue de l’exercice de promotion en fonction de la disponibilité de[s] postes prévus dans le tableau des effectifs annuel, le comité paritaire d’évaluation et de promotion adopte une proposition motivée visant à effectuer un choix parmi les fonctionnaires ayant accumulé un nombre de points égal au seuil (les fonctionnaires ex æquo), en tenant compte de facteurs tels que, notamment, l’ancienneté dans le grade et des facteurs liés à l’égalité des chances. »

 Faits à l’origine du litige

13      Les requérants étaient, à la date d’introduction du recours, des fonctionnaires de la Commission, de grade AD 12 ou AD 13. Certains d’entre eux ont été mis à la retraite postérieurement à l’introduction du recours.

14      La Commission a publié aux Informations administratives no 3‑2010 du 15 janvier 2010, relatives à l’exercice de promotion 2010, le seuil définitif de promotion des fonctionnaires de grade AD 13 au grade AD 14, lequel a été fixé à 30 points, ainsi que le seuil indicatif de promotion des fonctionnaires de grade AD 12 au grade AD 13, lequel a été fixé à 45 points. Le seuil définitif de promotion des fonctionnaires de grade AD 12 au grade AD 13, qui a été abaissé à 41 points, a été publié aux Informations administratives no 65‑2010 du 26 novembre 2010 (ci-après, ensemble, les « décisions de fixation des seuils de promotion 2010 »).

15      Dans les Informations administratives no 65‑2010 du 26 novembre 2010 qui clôturaient l’exercice d’évaluation et de promotion 2010 figurait à ce titre la liste des fonctionnaires promus (ci-après la « liste des fonctionnaires promus en 2010 »). Les noms de six requérants figuraient sur cette liste. Les noms des 19 autres requérants n’y figuraient pas.

16      Enfin, la Commission a publié aux Informations administratives no 76‑2010 du 16 décembre 2010, relatives à l’exercice de promotion 2011, le seuil définitif de promotion des fonctionnaires de grade AD 13 au grade AD 14, lequel a été fixé à 30 points, ainsi que le seuil indicatif de promotion des fonctionnaires de grade AD 12 au grade AD 13, lequel a été fixé à 33 points (ci-après les « décisions de fixation des seuils de promotion 2011 »).

17      Estimant, en substance, que l’AIPN n’avait ni respecté les taux fixés pour la période transitoire 2004/2011 par l’article 9 de l’annexe XIII du statut ni les DGE, les requérants ont introduit chacun une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut entre le 12 janvier et le 28 février 2011.

18      Par décisions individuelles notifiées entre le 14 avril et le 24 juin 2011, l’AIPN a rejeté les réclamations (ci-après les « décisions de rejet des réclamations »).

19      La liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2011 a été publiée aux Informations administratives no 48‑2011 du 27 octobre 2011 (ci-après la « liste des fonctionnaires promus en 2011 »).

 Procédure et conclusions des parties

20      Le 22 juillet 2011, les requérants ont introduit le présent recours.

21      Par acte séparé parvenu au greffe du Tribunal le 1er septembre 2011, la Commission a présenté, sur le fondement de l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure en vigueur à cette date, une demande tendant à ce que le Tribunal statue sur la recevabilité de la requête sans engager le débat au fond.

22      Les requérants ont répondu à cette exception d’irrecevabilité par mémoire d’observations écrites du 13 octobre 2011.

23      Le 1er décembre 2011, le juge rapporteur a demandé aux parties, par des mesures d’organisation de la procédure, de répondre à plusieurs questions (ci-après les « premières mesures d’organisation de la procédure »). Les requérants et la Commission ont répondu aux premières mesures d’organisation de la procédure dans les délais impartis. À la demande du juge rapporteur, chaque partie a ensuite formulé, les requérants le 21 février 2012 et la Commission le 5 mars suivant, des observations sur les réponses de la partie adverse aux premières mesures d’organisation de la procédure.

24      Le 4 mai 2012, le juge rapporteur a demandé à la Commission, par une deuxième série de mesures d’organisation de la procédure, de produire plusieurs documents anonymisés (ci-après les « deuxièmes mesures d’organisation de la procédure »). Les documents demandés ont été produits par la Commission et transmis aux requérants le 9 juillet 2012. La Commission ayant également produit une version non anonymisée des documents demandés, à son avis plus facilement exploitable ainsi, les requérants ont été invités à en prendre connaissance par l’intermédiaire de leurs conseils et par voie de consultation dans les locaux du greffe du Tribunal, ce que ces derniers ont fait le 2 octobre 2012.

25      Le 11 octobre 2012, au vu des réponses des parties aux premières et aux deuxièmes mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a chargé le juge rapporteur de procéder à une tentative de règlement amiable.

26      Le 18 octobre 2012, par une troisième série de mesures d’organisation de la procédure (ci-après les « troisièmes mesures d’organisation de la procédure »), le juge rapporteur a demandé aux parties, et principalement aux requérants, de préciser si les taux multiplicateurs prétendument applicables aux grades AD 12 et AD 13 avaient été respectés, au vu des documents produits par la Commission en réponse aux deuxièmes mesures d’organisation de la procédure, ainsi que le nom des requérants qui, compte tenu du nombre de points de promotion accumulés, auraient pu parvenir aux seuils de promotion ainsi calculés. Les parties ont déféré aux troisièmes mesures d’organisation de la procédure dans les délais impartis. Ensuite, les requérants et la Commission ont formulé, respectivement le 7 décembre 2012 et le 5 décembre 2012, des observations sur les réponses de l’autre partie aux troisièmes mesures d’organisation de la procédure.

27      Le 25 octobre 2013, le Tribunal de l’Union européenne a rendu l’arrêt Commission/Moschonaki (T‑476/11 P, EU:T:2013:557).

28      Le 5 novembre 2013, le Tribunal a rendu l’arrêt Schönberger/Cour des comptes (F‑14/12, EU:F:2013:167, ci-après l’« arrêt Schönberger I »).

29      Le 13 février 2014, le juge rapporteur a demandé aux parties, par une quatrième série de mesures d’organisation de la procédure, premièrement, de préciser, pour chaque requérant, si elles estimaient que la règle de la concordance, telle qu’exprimée dans l’arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki (T‑476/11 P, EU:T:2013:557), avait été respectée en l’espèce et, deuxièmement, de prendre position sur l’incidence de l’arrêt Schönberger I, alors sous pourvoi, dans la présente affaire (ci-après les « quatrièmes mesures d’organisation de la procédure »). Les parties ont déféré à ces nouvelles mesures d’organisation de la procédure dans les délais impartis.

30      Le 25 mars 2014, le Tribunal a informé les parties du fait que, au vu notamment de leurs réponses aux quatrièmes mesures d’organisation de la procédure, il y avait lieu de constater l’échec de la tentative de règlement amiable.

31      Le 16 octobre 2014, statuant sur le pourvoi formé contre l’arrêt Schönberger I, le Tribunal de l’Union européenne a rendu l’arrêt Schönberger/Cour des comptes (T‑26/14 P, EU:T:2014:887, ci-après l’« arrêt Schönberger II »), par lequel il a annulé l’arrêt Schönberger I et renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

32      Le 11 mars 2015, le Tribunal a décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

33      Le 8 mai 2015, la Commission a déposé son mémoire en défense.

34      En application de l’article 15, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, la première chambre du Tribunal, à laquelle l’affaire avait été attribuée, a décidé à l’unanimité, les parties entendues, que l’affaire serait jugée par le juge rapporteur statuant en tant que juge unique. Les parties en ont été informées par lettres du greffe du 27 mai 2015.

35      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions de fixation des seuils de promotion 2010 et 2011 ;

–        annuler la liste des fonctionnaires promus en 2010 aux grades AD 13 et AD 14, en tant que cette liste a été fixée sur la base de seuils de promotion illégaux, ainsi que la décision implicite de la Commission de refuser de promouvoir un nombre plus important de fonctionnaires aux grades AD 13 ou AD 14 ;

–        en tant que de besoin, annuler les décisions de rejet des réclamations ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

 En ce qui concerne le premier chef de conclusions

37      Par le premier chef de conclusions, les requérants demandent l’annulation des décisions de fixation des seuils de promotion 2010 et 2011.

38      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci. Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au cours d’une procédure interne, telle que, comme dans la présente affaire, la procédure en matière de promotion prévue par les DGE, ne constituent des actes attaquables que les mesures fixant définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure. En revanche, les mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale ne font pas grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut et ne peuvent être contestées que de façon incidente lors d’un recours contre les actes annulables (arrêt du 5 mars 2003, Staelen/Parlement, T‑24/01, EU:T:2003:52, point 32, et la jurisprudence citée).

39      En l’espèce, la fixation des seuils de promotion, qu’il s’agisse des seuils indicatifs ou des seuils définitifs, ne constitue qu’une des étapes successives de la procédure de promotion prévue par les DGE, qui s’achève par la publication de la liste des fonctionnaires promus à l’occasion de l’exercice de promotion. Or, ce n’est qu’au moment de la publication de cette liste que la position juridique des fonctionnaires promouvables est susceptible d’être affectée (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2003, Tsarnavas/Commission, T‑188/01 à T‑190/01, EU:T:2003:77, point 73, et la jurisprudence citée).

40      Force est donc de constater, comme le soutient la Commission, que les décisions de fixation des seuils de promotion constituent des actes préparatoires de la décision de l’AIPN établissant la liste des fonctionnaires promus (ordonnance du 13 décembre 2006, Aimi e.a./Commission, F‑47/06, EU:F:2006:134, point 64 ; voir également par analogie, en matière de concours, arrêt du 5 mars 2003, Staelen/Parlement, T‑24/01, EU:T:2003:52, point 33).

41      Selon la jurisprudence, de tels actes préparatoires ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en annulation autonome, mais leur légalité peut toujours être contestée dans le cadre du recours dirigé contre la décision définitive (arrêt du 3 mai 2007, Crespinet/Commission, T‑261/04, EU:T:2007:122, point 42, et la jurisprudence citée).

42      Il s’ensuit que le premier chef de conclusions visant l’annulation des décisions de fixation des seuils de promotion 2010 et 2011 est irrecevable (voir arrêt du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, EU:T:2000:60, point 28).

43      Dès lors que la légalité d’un acte préparatoire peut être contestée dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision définitive, le Tribunal examinera les arguments des requérants tendant à démontrer l’illégalité des décisions de fixation des seuils de promotion 2010 dans le cadre de l’examen du bien-fondé du deuxième chef de conclusions visant à l’annulation de la liste des fonctionnaires promus en 2010 (arrêt du 5 mai 2007, Crespinet/Commission, T‑261/04, EU:T:2007:122, point 44).

44      Quant aux décisions de fixation des seuils de promotion 2011, dont la légalité pourrait être examinée dans le cadre de conclusions visant l’annulation de la liste des fonctionnaires promus en 2011, il y a lieu de constater que, dans la requête, les requérants ne demandent pas l’annulation de cette liste, qui n’avait pas encore été publiée au moment de l’introduction du recours (voir point 19 du présent arrêt). Cependant, dans leur réponse aux premières mesures d’organisation de la procédure, les requérants ont indiqué qu’ils souhaitaient étendre l’objet du recours afin de viser également la liste des fonctionnaires promus en 2011. Cependant, les requérants n’ont pas introduit de réclamation préalable conformément à l’article 90 du statut contre cette liste et, en tout état de cause, l’objet du litige ne saurait être étendu en cours d’instance.

45      Ainsi, le présent recours ne portant pas sur la liste des fonctionnaires promus en 2011, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments tendant à démontrer l’illégalité de la décision de fixation des seuils de promotion 2011.

 En ce qui concerne le troisième chef de conclusions

46      Par le troisième chef de conclusions, les requérants demandent, en tant que de besoin, l’annulation des décisions de rejet des réclamations.

47      Or, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8).

48      En l’espèce, les décisions de rejet des réclamations confirment les décisions de fixation des seuils de promotion 2010 ainsi que la liste des fonctionnaires promus en 2010, tout en révélant les motifs venant au support desdites décisions. Or, en pareille hypothèse, c’est bien la légalité de l’acte initial faisant grief qui doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision rejetant la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec cet acte (arrêt du 18 avril 2012, Buxton/Parlement, F‑50/11, EU:F:2012:51, point 21, et la jurisprudence citée). Le troisième chef de conclusions se confond donc avec le deuxième.

 Sur le deuxième chef de conclusions

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions

–       Arguments des parties

49      Les requérants indiquent qu’ils ne demandent pas l’annulation des décisions de promotion que reflète la liste des fonctionnaires promus en 2010. Ils contestent leur non-promotion au titre de l’exercice de promotion 2010 ainsi que la décision implicite de la Commission de refuser de promouvoir un nombre plus important de fonctionnaires.

50      Les requérants soutiennent que, pour les fonctionnaires rémunérés sur les crédits de la partie « fonctionnement » du budget général, si les seuils de promotion avaient été calculés conformément aux dispositions transitoires de l’article 9 de l’annexe XIII du statut et aux DGE, le seuil de promotion au grade AD 13 aurait été de 38 ou 39 points au lieu de 41 points et le seuil de promotion au grade AD 14 aurait été de 20 points au lieu de 30 points. Cinq requérants, à savoir M. Antoulas, Mme Bruni, M. Kairis, Mme Nicolaidou-Kallergis et M. Xanthopoulos, auraient atteint ou dépassé le seuil de promotion les concernant s’il avait été calculé correctement, ce qui justifie leur intérêt à agir contre la décision de non-promotion les concernant chacun.

51      S’agissant des six requérants qui ont été promus au grade AD 13 au titre de l’exercice de promotion 2010, à savoir MM. Bisopoulos, Frauerwieser, Garcia Dominguez, Michael, Pipilis et Plumaris, ceux-ci ne seraient pas dépourvus d’intérêt à agir. En effet, ils auraient pu reporter pour l’exercice de promotion 2011 un solde plus élevé de points de promotion si le seuil de promotion avait été plus bas au titre de l’exercice de promotion 2010. En outre, la promotion d’un moins grand nombre de fonctionnaires au grade AD 14 au titre de l’exercice de promotion 2010 aurait eu pour conséquence que, lors de l’exercice de promotion 2011, les mérites de ces six fonctionnaires auraient été comparés avec ceux de fonctionnaires qui auraient dû être promus plus tôt et qui auraient accumulé plus de points de mérite. Autrement dit, le non-respect par la Commission des dispositions statutaires et des DGE entraînerait, pour ces six requérants, une modification de la population de référence qui serait défavorable pour l’évolution de leur carrière. Par ailleurs, l’arrêt du 24 avril 2009, Sanchez Ferriz e.a./Commission (T‑492/07 P, EU:T:2009:116, ci-après l’« arrêt Sanchez Ferriz e.a. »), aurait été rendu dans un cadre réglementaire différent de celui applicable dans la présente affaire.

52      Enfin, les requérants qui n’auraient pas atteint le seuil de promotion calculé en appliquant les taux figurant à l’article 9 de l’annexe XIII du statut auraient également un intérêt à agir. En premier lieu, ils se retrouveraient en concurrence, lors de l’exercice de promotion 2011, avec des fonctionnaires qui auraient dû être promus en 2010, ce qui modifierait la population de référence à leur désavantage. En second lieu, leur hiérarchie serait d’autant moins encline à leur accorder des points de promotion que leur nombre total de points de promotion serait loin du seuil de promotion.

53      Pour sa part, la Commission fait valoir, premièrement, que le deuxième chef de conclusions serait manifestement irrecevable, les requérants n’ayant aucun intérêt à demander l’annulation de la liste des fonctionnaires promus en 2010. Il s’agirait d’un recours formé uniquement dans l’intérêt de la loi au sens des arrêts Sanchez Ferriz e.a. et Schönberger II. En effet, les requérants n’établiraient pas que, compte tenu de leur situation personnelle respective, des seuils de promotion différents leur auraient permis de bénéficier d’une promotion.

54      Deuxièmement, dans ses réponses aux premières et quatrièmes mesures d’organisation de la procédure, la Commission soutient que la règle de la concordance entre la réclamation et la requête n’aurait pas été respectée, les requérants n’ayant pas visé dans leurs réclamations les Informations administratives no 3‑2010.

55      Troisièmement, dans son mémoire en défense, la Commission se demande si tous les requérants conservent un intérêt au recours, certains ayant été mis à la retraite, d’autres ayant été promus et le recours ne comportant pas de conclusions indemnitaires.

–       Appréciation du Tribunal

56      Au sujet de l’argument des requérants selon lequel, si l’AIPN avait appliqué correctement les dispositions transitoires de l’article 9 de l’annexe XIII du statut et les DGE, les seuils de promotion vers les grades AD 13 et AD 14 pour l’exercice de promotion 2010 auraient été plus bas que ceux qui ont été effectivement retenus, il convient en premier lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un fonctionnaire n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et ne peut faire valoir, à l’appui d’un recours en annulation, que des griefs qui lui sont personnels (arrêts Sanchez Ferriz e.a., point 26, et la jurisprudence citée, et Schönberger II, point 39).

57      Or, il a déjà été jugé que, pour établir son intérêt à obtenir l’annulation de la décision de ne pas le promouvoir, au motif que le taux de l’article 9 de l’annexe XIII du statut prétendument applicable n’a pas été respecté, il appartient au fonctionnaire concerné de démontrer que, compte tenu de sa situation personnelle et, en particulier, du nombre total de points de promotion qu’il avait accumulés, il n’était pas exclu qu’il aurait pu parvenir au seuil de promotion, si le taux susmentionné avait été appliqué (arrêts Sanchez Ferriz e.a., point 26, et Schönberger II, point 39).

58      En l’espèce, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 2, des DGE, les seuils de promotion sont fixés conformément à l’article 2 de l’annexe II des DGE. Cette dernière disposition prévoit, pour les grades de fin de carrière, que « le nombre de promotions demandées à l’autorité budgétaire est égal au nombre de fonctionnaires en position d’activité dans le grade au 31 décembre de l’année précédant l’exercice de promotion multiplié par les taux fixés aux articles 9 et 10 de l’annexe XIII du statut [et que l]e seuil correspond alors au nombre total de points accumulés par le dernier fonctionnaire pour lequel une promotion au grade supérieur est possible ».

59      Au vu de la requête, des documents produits par la Commission en réponse aux deuxièmes mesures d’organisation de la procédure, des réponses des requérants aux troisièmes mesures d’organisation de la procédure ainsi que des réponses des parties lors de l’audience aux questions figurant dans le rapport préparatoire d’audience, il y a lieu de constater, premièrement, que, au 31 décembre de l’année précédant l’exercice de promotion 2010, la Commission comptait 2 518 fonctionnaires en position d’activité dans le grade AD 12 rémunérés sur les crédits de la partie « fonctionnement » du budget général ; que le taux fixé par l’article 9 de l’annexe XIII du statut était de 20 % en 2010 et que le 504e fonctionnaire sur la liste des fonctionnaires en position d’activité classés par ordre décroissant du nombre total de points de promotion avait accumulé 40 points de promotion. Le seuil de promotion au grade AD 13 ainsi calculé aurait été de 40 points au lieu de 41.

60      Deuxièmement, il y a lieu de constater que, au 31 décembre de l’année précédant l’exercice de promotion 2010, la Commission comptait 700 fonctionnaires en position d’activité dans le grade AD 13 rémunérés sur les crédits de la partie « fonctionnement » du budget général ; que le taux fixé par l’article 9 de l’annexe XIII du statut était de 20 % et que, par conséquent, le seuil de promotion au grade AD 14 ainsi calculé aurait été de 20 points, au lieu de 30, ce seuil correspondant au nombre de points de promotion accumulés par le 140e fonctionnaire sur la liste des fonctionnaires en position d’activité classés par ordre décroissant du nombre total de points de promotion.

61      Partant, il y a lieu de constater que M. Xanthopoulos, fonctionnaire de grade AD 12 qui avait accumulé 40 points de promotion, Mme Nicolaidou-Kallergis, M. Antoulas et Mme Bruni, fonctionnaires de grade AD 13 qui avaient accumulés respectivement 24, 20 et 20 points de promotion (ci-après, ensemble, les « quatre requérants »), ont démontré, au sens des arrêts Sanchez Ferriz e.a. et Schönberger II, qu’il n’est pas exclu qu’ils auraient pu parvenir au seuil de promotion les concernant chacun si les taux de l’article 9 de l’annexe XIII avaient été appliqués.

62      Quant aux six requérants qui ont été promus au titre de l’exercice de promotion 2010, il est vrai que, si le seuil de promotion les concernant avait été plus bas, ils auraient pu reporter un solde de points de promotion plus élevé dans le cadre de l’exercice de promotion 2011 en application de l’article 9 des DGE. Il est également vrai, s’agissant des requérants qui n’ont pas été promus, qu’ils auraient pu se trouver, dans le cadre des exercices de promotion ultérieurs, en concurrence avec un certain nombre de fonctionnaires qui, le cas échéant, auraient déjà pu être promus au titre de l’exercice de promotion 2010 si un seuil de promotion plus bas avait été appliqué.

63      Il convient toutefois de rappeler que chaque exercice de promotion est nécessairement indépendant des exercices de promotion qui le précèdent ou qui le suivent, puisque les fonctionnaires dont les mérites doivent être comparés et les critères définis pour procéder à cette comparaison sont propres à chaque exercice de promotion. Dès lors, la seule circonstance que le défaut de promotion aux grades concernés d’un nombre plus important de fonctionnaires, au titre de l’exercice de promotion 2010, soit susceptible d’exercer une incidence sur la position des requérants sur les listes de mérite aux grades concernés lors d’exercices de promotion ultérieurs et, partant, de retarder leur promotion n’affecte pas de manière directe et immédiate leur situation juridique (arrêt Sanchez Ferriz e.a., point 39, et la jurisprudence citée).

64      Dès lors, le deuxième chef de conclusions est irrecevable, en tant qu’il vise la décision implicite de la Commission de refuser de promouvoir un nombre plus important de fonctionnaires aux grades AD 13 et AD 14.

65      En deuxième lieu, force est de constater, contrairement à ce que soutient la Commission, que les quatre requérants ont contesté dans leurs réclamations les seuils de promotion appliqués dans le cadre de l’exercice de promotion 2010 et ont donc respecté à cet égard la règle de la concordance entre la requête et la réclamation. En effet, bien qu’ils n’aient pas expressément visé les Informations administratives no 3‑2010, ils ont fait référence notamment aux Informations administratives no 65‑2010 et aux DGE et ont soutenu que l’AIPN avait appliqué un taux inférieur à celui prévu, pour la période 2004/2011, par les dispositions transitoires de l’article 9 de l’annexe XIII du statut en fixant les seuils de promotion vers les grades AD 13 et AD 14 à un niveau trop élevé chacun.

66      En troisième et dernier lieu, contrairement à ce que semble soutenir la Commission, le fait que M. Xanthopoulos ait été promu au grade AD 13 au 1er janvier 2012 et le fait que M. Antoulas et Mmes Bruni et Nicolaidou-Kallergis aient été mis à la retraite après l’introduction du recours ne sont pas de nature à les priver d’intérêt à agir (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T‑112/96 et T‑115/96, EU:T:1999:134), l’exécution d’un éventuel arrêt d’annulation pouvant entraîner pour eux des bénéfices d’ordre pécuniaire.

67      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième chef de conclusions est recevable pour autant qu’il est présenté par les quatre requérants et qu’il tend à l’annulation de la liste des fonctionnaires promus en 2010 aux grades AD 13 et AD 14 en tant qu’ils n’y figurent pas (ci-après les « décisions de ne pas promouvoir les quatre requérants au titre de l’exercice de promotion 2010 »). En raison des constatations qui précèdent, le deuxième chef de conclusions est en revanche irrecevable pour les 21 autres requérants.

 Sur le bien-fondé du deuxième chef de conclusions

68      Au soutien de leurs conclusions tendant à l’annulation des décisions de ne pas les promouvoir au titre de l’exercice de promotion 2010, les quatre requérants soulèvent trois moyens, tirés :

–        le premier, de la violation de l’article 6 du statut et de l’article 9 de l’annexe XIII du statut, ainsi que de l’article 2 de l’annexe II des DGE, des principes de l’équivalence de la carrière, de la sécurité juridique et de la confiance légitime ;

–        le deuxième, de l’irrégularité de la procédure et de la violation de l’article 10 des DGE et de l’article 2, paragraphes 2 et 3, de l’annexe II des DGE ;

–        le troisième, de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

69      Le Tribunal commencera par examiner le premier moyen, tiré de la violation de l’article 6 du statut et de l’article 9 de l’annexe XIII du statut, ainsi que de l’article 2 de l’annexe II des DGE, des principes de l’équivalence de la carrière, de la sécurité juridique et de la confiance légitime.

–       Arguments des parties

70      Selon les quatre requérants, la Commission ne contesterait pas que les taux prévus par les dispositions transitoires de l’article 9 de l’annexe XIII du statut n’ont pas été respectés lors de l’exercice de promotion 2010 à l’issue duquel seulement 9,4 % des fonctionnaires de grade AD 13 auraient été promus au grade AD 14 et seulement 19 % des fonctionnaires de grade AD 12 auraient été promus au grade AD 13, au lieu des 20 % pour chaque grade comme prévu par cette disposition.

71      Le nouveau statut ne prévoirait que deux régimes de promotion pour les fonctionnaires en fin de carrière, à savoir un régime normal, prévu à l’annexe I, section B, du statut, et un régime dérogatoire, figurant à l’article 9 de l’annexe XIII du statut. Cette dernière disposition prévoirait des taux inférieurs et donc plus restrictifs et moins avantageux que ceux du régime normal de l’annexe I, section B, du statut. Or, les promotions aux grades AD 13 et AD 14 auraient été le résultat, dans le cadre de l’exercice de promotion 2010, de l’application d’un autre régime de promotion, « non statutaire », différent des deux régimes précités, qui seraient pourtant les seuls prévus par le statut.

72      Ainsi, de l’avis des quatre requérants, l’argument de la Commission selon lequel l’article 9 de l’annexe XIII du statut ne fixerait pas des taux de promotion, mais des prévisions de nature budgétaire ne conférant aucun droit individuel aux fonctionnaires, ne serait pas fondé. L’article 6, paragraphe 2, du statut imposerait à l’AIPN de garantir l’équivalence entre la progression de la carrière moyenne avant et après la réforme statutaire de 2004. Cette équivalence serait mise en œuvre par le biais des taux prévus par l’annexe I, section B, du statut et par l’article 9 de l’annexe XIII du statut. Les fonctionnaires seraient les bénéficiaires du principe de l’équivalence. Le fait que l’article 6 du statut emporte une obligation pour l’autorité budgétaire ne signifierait pas que cette obligation ne créerait pas de droits subjectifs en faveur des fonctionnaires.

73      Toujours selon les quatre requérants, les droits que les fonctionnaires tirent directement du statut seraient, en tout état de cause, confirmés par les DGE, en particulier par l’article 2 de l’annexe II des DGE, et la Commission serait liée par les dispositions des DGE qu’elle a elle-même adoptées.

74      En outre, le principe de la promotion sur la base du mérite, prévu par l’article 45 du statut, serait préservé puisque seuls seraient promus et occuperaient les postes ouverts à la promotion les fonctionnaires ayant le plus grand nombre de points de promotion, c’est-à-dire les plus méritants. En substance, compte tenu du système de promotion prévu par les DGE, les points de promotion ne peuvent refléter que les mérites des fonctionnaires.

75      Enfin, les quatre requérants font valoir que la Commission aurait enfreint les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime en ne respectant pas la méthode prévue par le nouveau statut pour garantir le principe de l’équivalence des carrières et en ne demandant pas à l’autorité budgétaire le nombre correspondant de postes ouverts à la promotion.

76      Pour sa part, la Commission ne conteste pas que, pour l’exercice de promotion 2010, les taux des fonctionnaires promus aux grades AD 13 et AD 14 aient été inférieurs aux taux prévus pour la période 2004/2011 par les dispositions transitoires de l’article 9 de l’annexe XIII du statut.

77      La Commission soutient cependant que, comme l’indique l’intitulé de l’annexe I, section B, du statut, les taux prévus par cette disposition, à laquelle renvoie l’article 6 du statut, ainsi que les dispositions transitoires de l’article 9 de l’annexe XIII du statut ne seraient pas des « taux de promotion », mais des « [t]aux multiplicateurs de référence destinés à l’équivalence des carrières moyennes ». Ces taux ne lieraient pas les AIPN de chaque institution, mais uniquement l’autorité budgétaire dans l’adoption du tableau des effectifs à chaque exercice budgétaire. Autrement dit, il incomberait à cette autorité, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du statut, de mettre à disposition de l’AIPN un certain nombre de possibilités de promotion. En revanche, cette disposition ne garantirait pas l’utilisation de ces possibilités de promotion par les AIPN de chaque institution, la promotion dépendant uniquement du mérite démontré par les intéressés.

78      En effet, selon la Commission, l’article 6 du statut et les taux prévus à l’annexe I, section B, du statut ainsi qu’à l’article 9 de l’annexe XIII du statut ne créeraient pas de droit statutaire subjectif au profit des fonctionnaires. Ces dispositions ne seraient qu’un outil de prévision budgétaire, encadrant la marge de manœuvre de l’autorité budgétaire, seule visée par l’article 6 du statut. Elles auraient, en définitive, uniquement pour objectif de guider l’autorité budgétaire dans l’adoption annuelle du tableau des effectifs visé à l’article 6, paragraphe 1, du statut.

79      En outre, la Commission fait valoir que les fonctionnaires n’ont aucun droit à la promotion, qui dépend exclusivement du mérite. Seul l’avancement d’échelon à l’intérieur d’un grade serait automatique. Le législateur, même pour la phase de transition liée à l’adoption du nouveau statut, aurait donc maintenu la primauté du principe de la promotion fondée sur le mérite, comme l’indiquent le libellé de l’article 6, paragraphe 2, du statut, le considérant 10 du règlement no 723/2004 et les documents annexés au mémoire en défense décrivant la réforme statutaire de 2004. Dans le contexte de la réforme statutaire de 2004, qui visait à renforcer le lien entre promotion et mérite, il serait impossible que le législateur ait voulu créer un taux de promotion garanti.

80      Toujours selon la Commission, l’annexe II des DGE n’imposerait pas non plus à l’AIPN de fixer des seuils de promotion à un niveau précis dans le seul but de favoriser les fonctionnaires ayant une plus grande ancienneté dans le grade. Cette annexe ferait, en revanche, apparaître clairement la vocation budgétaire des taux multiplicateurs de référence. En outre, son article 1er, paragraphe 2, indiquerait expressément que la fixation des seuils de promotion ne permet pas d’écarter le mérite, qui demeurerait le principe de base du système de promotion.

–       Appréciation du Tribunal

81      Afin de déterminer si et dans quelle mesure la Commission était tenue de respecter les taux multiplicateurs prévus par l’article 9 de l’annexe XIII du statut dans le cadre de l’exercice de promotion 2010, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, qu’aux termes de l’article 8, paragraphe 2, des DGE les seuils de promotion sont fixés conformément à l’article 2 de l’annexe II des DGE.

82      Or, l’article 2, paragraphe 3, quatrième tiret, de l’annexe II des DGE prévoit spécifiquement pour les grades de fin de carrière que « le nombre de [postes en] promotion demandé[s] à l’autorité budgétaire est égal au nombre de fonctionnaires en position d’activité dans le grade au 31 décembre de l’année précédant l’exercice de promotion multiplié par les taux fixés aux articles 9 et 10 de l’annexe XIII du statut [et que l]e seuil [de promotion] correspond alors au nombre total de points accumulés par le dernier fonctionnaire pour lequel une promotion au grade supérieur est possible ».

83      En réponse à une question figurant dans le rapport préparatoire d’audience, les parties ont précisé à l’audience que le mode de calcul du seuil de promotion était effectivement prévu à l’article 2, paragraphe 3, quatrième tiret, de l’annexe II des DGE et que ce mode de calcul consistait précisément à appliquer les taux de l’article 9 de l’annexe XIII du statut à la liste des fonctionnaires en position d’activité dans le grade au 31 décembre de l’année précédant l’exercice de promotion, classés par ordre décroissant du nombre total de points de promotion.

84      Partant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si les taux prévus par l’article 9 de l’annexe XIII du statut constituent des taux de promotion ou sont des taux prévisionnels à l’intention de l’autorité budgétaire, force est de constater que l’article 2, paragraphe 3, quatrième tiret, de l’annexe II des DGE impose à la Commission d’appliquer ces taux pour déterminer le seuil de promotion.

85      En outre, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 3, des DGE, « [s]ont promus tous les fonctionnaires ayant accumulé un nombre de points de promotion égal ou supérieur au seuil de promotion pertinent ».

86      Or, au sujet de l’article 8, paragraphe 3, des DGE et en réponse à une question du Tribunal figurant dans le rapport préparatoire d’audience, la Commission a reconnu que, dès lors que le seuil de promotion est atteint, les fonctionnaires concernés sont promus et ceci en conformité avec le principe du mérite prévu par l’article 45 du statut, le nombre total de points de promotion de chaque fonctionnaire n’étant alors que la quantification des mérites cumulés.

87      La Commission fait néanmoins valoir que, pour les promotions au grade AD 13 dans le cadre de l’exercice de promotion 2010, elle a retenu un seuil de promotion de 41 points, qui était très proche de celui de 40 points qui découlait de l’application de l’article 2, paragraphe 3, quatrième tiret, de l’annexe II des DGE, afin d’éviter de devoir départager 40 fonctionnaires ex æquo, une telle marge d’appréciation découlant, selon elle, de l’article 45 du statut.

88      Un tel argument ne saurait toutefois être retenu.

89      Il résulte en effet des articles 4, 8 et 9 des DGE que les points de promotion reflètent les mérites de chaque fonctionnaire et que la comparaison des mérites au titre de l’article 45 du statut s’effectue par le classement des fonctionnaires selon le nombre de points de promotion qu’ils ont accumulés. En outre, la situation des fonctionnaires ex æquo est expressément régie par l’article 2, paragraphe 3, cinquième tiret, de l’annexe II des DGE, aux termes duquel « lorsque le nombre de fonctionnaires dont le nombre de points de promotion accumulés est égal ou supérieur au seuil de promotion pertinent dépasse le nombre de fonctionnaires pouvant effectivement être promus à l’issue de l’exercice de promotion en fonction de la disponibilité de[s] postes prévus dans le tableau des effectifs annuel, le comité paritaire d’évaluation et de promotion adopte une proposition motivée visant à effectuer un choix parmi les fonctionnaires ayant accumulé un nombre de points égal au seuil (les fonctionnaires ex æquo), en tenant compte de facteurs tels que, notamment, l’ancienneté dans le grade et des facteurs liés à l’égalité des chances ».

90      L’article 2, paragraphe 3, cinquième tiret, de l’annexe II des DGE ne prévoit donc pas la possibilité pour l’AIPN de modifier le seuil de promotion, tel qu’il découle de l’article 2, paragraphe 3, quatrième tiret, de l’annexe II des DGE, pour départager les fonctionnaires ex æquo.

91      Quant aux promotions au grade AD 14, la Commission soutient que, le grade AD 13 ayant été créé seulement lors de la réforme statutaire de 2004, près de 85 % des fonctionnaires de grade AD 13 n’avaient que trois ans d’ancienneté ou moins lors de l’exercice de promotion 2010. Si l’AIPN avait fixé le seuil de promotion conformément à l’article 2 de l’annexe II des DGE, un nombre extrêmement élevé de fonctionnaires de grade AD 13 auraient été promus au titre de l’exercice de promotion 2010 alors qu’ils n’avaient que très peu d’ancienneté dans ce grade, ce qui aurait été contraire aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe II des DGE.

92      Cet argument n’est pas davantage fondé.

93      En effet, le plan de convergence établi par l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe II des DGE ne vise pas les grades de fin de carrière et ne prévoit notamment aucune durée de permanence moyenne dans le grade AD 13. Il ne permet donc pas de justifier que l’AIPN ait dérogé, pour l’exercice de promotion 2010, à l’article 2, paragraphe 3, de l’annexe II des DGE qui prévoit spécifiquement le mode de calcul du seuil de promotion pour les grades de fin de carrière.

94      En outre, comme rappelé au point 89 du présent arrêt, dans le système de promotion prévu par les DGE, le principe de l’avancement au mérite est garanti par le fait que le nombre de points de promotion accumulés par chaque fonctionnaire, y compris de grade AD 13, quantifie ses mérites et que la comparaison des mérites au titre de l’article 45 du statut s’effectue par le classement des fonctionnaires selon le nombre de points de promotion accumulés. Dans un tel système, rien ne justifie, pour préserver le principe de l’avancement sur la base du mérite, d’imposer une condition supplémentaire pour être promu tenant à une durée minimale de présence dans le grade AD 13.

95      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la Commission, aucune disposition du statut ou des DGE ne permettait à l’AIPN de fixer le seuil de promotion aux grades AD 13 et AD 14 au titre de l’exercice de promotion 2010 à un autre niveau que celui résultant de l’application de l’article 2 de l’annexe II des DGE.

96      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen, pris en sa branche tirée de la violation de l’article 2 de l’annexe II des DGE, et d’annuler pour ce motif les décisions de ne pas promouvoir les quatre requérants au titre de l’exercice de promotion 2010, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres branches du premier moyen ni sur les deuxième et troisième moyens soulevés à l’appui du deuxième chef de conclusions.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 103, paragraphe 1, du même règlement, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

98      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt qu’il y a lieu de partager les dépens comme suit. La Commission supporte quatre vingt-cinquièmes de ses propres dépens et est condamnée à supporter quatre vingt-cinquièmes des dépens des requérants. Les vingt et un requérants, autres que les quatre requérants, supportent vingt et un vingt-cinquièmes des dépens des requérants et sont condamnés à supporter vingt et un vingt-cinquièmes des dépens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la Commission européenne du 26 novembre 2010 de ne pas promouvoir M. Antoulas, Mme Bruni, Mme Nicolaidou-Kallergis et M. Xanthopoulos sont annulées.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne supporte quatre vingt-cinquièmes de ses propres dépens et est condamnée à supporter quatre vingt-cinquièmes des dépens exposés par les requérants.

4)      Les requérants autres que M. Antoulas, Mme Bruni, Mme Nicolaidou-Kallergis et M. Xanthopoulos supportent vingt et un vingt-cinquièmes de leurs propres dépens et sont condamnés à supporter vingt et un vingt-cinquièmes des dépens exposés par la Commission européenne.

Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 septembre 2015.

Le greffier

 

      Le juge

W. Hakenberg

 

      E. Perillo

ANNEXE

Compte tenu du nombre de requérants dans la présente affaire, leurs noms ne sont pas repris dans la présente annexe.


* Langue de procédure : le français.