Language of document : ECLI:EU:T:2013:464

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché espagnol du bitume de pénétration – Accords annuels de répartition du marché et de coordination des prix – Droits de la défense – Imputabilité du comportement infractionnel – Principe de personnalité des peines et des sanctions – Calcul du montant de l’amende – Autorité de la chose jugée »

Dans l’affaire T‑496/07,

Repsol Lubricantes y Especialidades, SA, anciennement Repsol Lubricantes YPF y Especialidades, SA, établie à Madrid (Espagne),

Repsol Petróleo, SA, établie à Madrid,

Repsol, SA, anciennement Repsol YPF, SA, établie à Madrid,

représentées par Mes L. Ortiz Blanco, J. Buendía Sierra, M. Muñoz de Juan et Á. Givaja Sanz, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2007) 4441 final de la Commission, du 3 octobre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] [affaire COMP/38.710 – Bitume (Espagne)], ainsi qu’une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes par cette décision,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2007) 4441 final, du 3 octobre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] [affaire COMP/38.710 – Bitume (Espagne)], dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 29 décembre 2009 (JO C 321, p. 15, ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a, d’une part, constaté la participation des treize sociétés destinataires de cette décision à un ensemble d’accords de répartition du marché et de coordination des prix du bitume de pénétration routier en Espagne (à l’exception des îles Canaries) et, d’autre part, infligé à dix de ces sociétés des amendes comprises entre 6 435 000 et 83 850 000 euros.

2        Ces dix sociétés ont introduit un recours contre cette décision, par requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 18 et le 20 décembre 2007 :

–        Repsol Lubricantes y Especialidades, SA, anciennement Repsol Lubricantes YPF y Especialidades, SA, Repsol Petróleo, SA et Repsol, SA, anciennement Repsol YPF, SA (ci-après, prises ensemble, « Repsol » ou les « requérantes »), dans l’affaire T‑496/07 ;

–        Productos Asfálticos (PROAS), SA, dans l’affaire T‑495/07 ;

–        Compañía Española de Petróleos (CEPSA), SA, dans l’affaire T‑497/07 ;

–        Nynäs Petroleum AB et Nynas Petróleo, SA (ci-après, prises ensemble, « Nynäs »), dans l’affaire T‑482/07 ;

–        Galp Energía España, SA, Petróleos de Portugal (Petrogal), SA et Galp Energia, SGPS, SA (ci-après, prises ensemble, « Petrogal » ou « Galp »), dans l’affaire T‑462/07.

A –  Marché en cause

3        Le produit concerné par l’infraction est le bitume de pénétration utilisé pour le revêtement des routes. Le bitume est un résidu de la distillation de types spécifiques de bruts lourds. Environ 85 % du bitume produit dans l’Union européenne est utilisé pour la construction et l’entretien de routes, sous la forme d’un adhésif servant à lier le granulat de l’asphalte. Les 15 % restants sont utilisés dans d’autres domaines de la construction, notamment les revêtements de pistes d’aéroport et de parkings, et dans des applications industrielles, telles que les couvertures de toit et les enrobages de tuyau.

4        Environ 80 % du bitume utilisé pour la construction et l’entretien des routes ne font pas l’objet d’une transformation supplémentaire : il s’agit du bitume de pénétration. Les 20 % résiduels du bitume utilisé pour la construction et l’entretien des routes sont soumis à une transformation supplémentaire, par exemple, en émulsions bitumineuses, produites par mélange du bitume de pénétration avec de l’eau au moyen d’un émulsifiant (utilisé davantage dans l’entretien que dans la construction de routes), et en bitumes modifiés, obtenus en mélangeant le bitume de pénétration avec un produit chimique, usuellement constitué de polymères, afin de les rendre plus performants (bitumes modifiés par des polymères ou BMP) (considérants 4, 9 et suivants de la décision attaquée).

5        Le considérant 15 de la décision attaquée définit le marché pertinent comme étant celui du bitume de pénétration qui n’a pas subi de transformation supplémentaire et qui est utilisé dans la construction et l’entretien des routes (ci-après le « bitume de pénétration » ou le « bitume »).

6        Cette définition du marché pertinent est confirmée en ces termes par le considérant 513 de la décision attaquée :

« [… L]a présente affaire concerne une entente entre des vendeurs du même produit dans la même zone commerciale, à savoir, le bitume de pénétration en Espagne […] »

7        La valeur du marché du bitume de pénétration espagnol est estimée à 286 400 000 euros pour l’année 2001, dernière année complète de l’infraction (considérant 67 de la décision attaquée).

B –  Entreprises en cause

8        L’Espagne compte, d’une part, trois producteurs de bitume, Repsol, CEPSA‑PROAS et le groupe BP, dont BP plc est le holding et dont BP España, SA et BP Oil España, SA sont des filiales exerçant leur activité en Espagne (ci-après, prises ensemble, « BP »), et, d’autre part, des importateurs, au nombre desquels figurent Nynäs et Petrogal (considérants 63 et 64 de la décision attaquée).

1.     Groupe Repsol

9        Repsol Productos Asfálticos, SA (RPA) est devenue Repsol Lubricantes YPF y Especialidades (ci-après « RPA/Rylesa ») le 12 décembre 2001. RPA/Rylesa a été détenue de 1991 à 2002 à raison de 99,99 % par Repsol Petróleo, elle-même filiale à 99,97 % de Repsol YPF, société faîtière du groupe Repsol. Ce groupe international de compagnies pétrolières est présent principalement en Espagne et en Amérique latine.

10      RPA/Rylesa produit et commercialise des produits de bitume. Une des activités de Repsol Petróleo est la production de bitume de pénétration et sa vente à RPA/Rylesa en vue de sa commercialisation.

11      Deux autres sociétés du groupe Repsol, Petróleos del Norte, SA (ci-après « Petronor ») et Asfalnor, SA, exercent en Espagne une activité liée au bitume de pénétration.

12      En 1991, Petronor était détenue à 56,19 % par Repsol YPF et cette participation a été portée à 85,98 % le 31 décembre 1992. Asfalnor était détenue à 60 % par Petronor en 1991 et, en avril 1992, les sociétés du groupe Repsol en détenaient 80 %, à raison de 60 % pour Petronor et de 20 % pour Repsol YPF (considérant 395 de la décision attaquée).

13      Petronor produit du bitume, qu’elle a vendu de 1990 à 1998 à Asfalnor et occasionnellement à RPA/Rylesa, en vue de sa commercialisation. Depuis 1999, Petronor vend du bitume directement à des tiers.

14      Asfalnor a commercialisé du bitume entre 1990 et 1998. Cette société a acheté du bitume à Petronor et occasionnellement à RPA/Rylesa. Depuis 1999, Asfalnor agit comme agent pour le compte de Petronor.

15      RPA/Rylesa et Petronor ont réalisé en Espagne au titre de leurs ventes de bitume de pénétration à des tiers un chiffre d’affaires de 97 500 000 euros au cours de l’exercice 2001, soit 34,04 % du marché en cause. Le chiffre d’affaires total consolidé du groupe Repsol a été de 51 355 000 000 euros en 2006, l’exercice précédant l’adoption de la décision attaquée (considérants 16 à 26 et 67 de la décision attaquée).

2.     CEPSA-PROAS

16      CEPSA est un groupe international de sociétés du secteur de l’énergie coté en Bourse et présent dans plusieurs pays. PROAS, filiale à 100 % de CEPSA depuis le 1er mars 1991, commercialise du bitume produit par CEPSA et produit et commercialise d’autres produits bitumeux (considérant 31 de la décision attaquée).

17      PROAS a réalisé en Espagne au titre de ses ventes de bitume de pénétration à des tiers un chiffre d’affaires de 90 700 000 euros au cours de l’exercice commercial 2001, soit 31,67 % du marché en cause. Le chiffre d’affaires total consolidé de CEPSA s’est élevé à 18 474 000 000 euros en 2006 (considérants 44 et 67 de la décision attaquée).

3.     BP

18      BP Oil España a réalisé en Espagne au titre de ses ventes de bitume de pénétration à des tiers un chiffre d’affaires de 43 500 000 euros au cours de l’exercice commercial 2001, soit 15,19 % du marché en cause. Le chiffre d’affaires total consolidé de BP a été de 211 776 000 000 euros en 2006 (considérants 35, 42 et 43 de la décision attaquée).

4.     Groupe Nynäs

19      Le groupe Nynäs, dont Nynäs Petroleum AB (ci-après « Nynäs Petroleum »), société suédoise, est le holding faîtier, produit et vend du bitume au niveau international. Nynas Petróleo commercialise du bitume en Espagne (considérants 46 et 53 de la décision attaquée).

20      Du 22 mai 1991 jusqu’en 1999, Nynas Petróleo était détenue à 100 % par la société holding Nynäs International BV. Celle-ci était elle-même, au cours de la même période, une filiale intégrale de Nynäs Petroleum (considérant 438 de la décision attaquée).

21      En 1999, Nynäs Petroleum a racheté à Nynäs International la totalité du capital souscrit de Nynas Petróleo, qui est restée filiale à 100 % de Nynäs Petroleum jusqu’en 2003 (considérant 439 de la décision attaquée). Le 12 juin 2003, Nynäs International a été liquidée. Après sa dissolution, son capital social a été remboursé à Nynäs Petroleum, qui est ainsi devenue son successeur économique et a endossé la responsabilité de l’infraction antérieurement commise par Nynäs International, celle-ci ayant cessé d’exister en tant qu’entité juridique distincte (considérant 440 de la décision attaquée).

22      Le groupe Nynäs n’a pas de site de production en Espagne, mais possède un dépôt de bitume à Villagarcía de Arosa, en Galice (Espagne). Nynas Petróleo a son siège à Madrid (Espagne) et son activité consiste en la vente et en la commercialisation de bitume en Espagne (considérant 53 de la décision attaquée).

23      Nynas Petróleo a réalisé en Espagne au titre de ses ventes de bitume de pénétration à des tiers un chiffre d’affaires situé entre 14 000 000 et 15 000 000 euros au cours de l’exercice commercial 2001, soit 4,89 à 5,24 % du marché en cause. Le chiffre d’affaires total consolidé du groupe Nynäs s’est élevé à 1 941 000 000 euros en 2006 (considérants 54 et 67 de la décision attaquée).

5.     Groupe Petrogal

24      De 1990 à 2003, les actifs de Galp Energía España (anciennement Petrogal Española, SA) ont été détenus à 89,29 % par Petróleos de Portugal et à 10,71% par Tagus, RE, compagnie d’assurances elle-même contrôlée à 98 % par Petróleos de Portugal. Depuis 2003, Galp Energía España est une filiale à 100 % de Petróleos de Portugal. Celle-ci est, quant à elle, une filiale détenue à 100 % par Galp Energia, SGPS depuis le 22 avril 1999 (considérants 56, 57, 59, 456, 458 de la décision attaquée).

25      Galp Energía España a pour activité la vente et la commercialisation de bitume en Espagne. Son chiffre d’affaires afférent au bitume vendu aux parties non liées en Espagne s’est élevé à 13 000 000 euros en 2001, dernière année complète de l’infraction, soit 4,54 % du marché en cause. Le chiffre d’affaires total consolidé de Galp Energia, SGPS a représenté 12 576 000 000 euros en 2006 (considérants 61 et 67 de la décision attaquée).

C –  Procédure administrative

26      Par lettre du 20 juin 2002, BP a informé la Commission de l’existence présumée d’une entente relative au marché du bitume routier et a présenté une demande visant à obtenir une immunité d’amende sur le fondement de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication de 2002 »). La demande comportait une lettre et huit annexes décrivant des activités anticoncurrentielles présumées sur le marché espagnol du bitume (considérant 79 de la décision attaquée).

27      Au cours d’une réunion qui s’est tenue le 25 juin 2002 avec les services de la Commission, BP a développé sa demande d’immunité d’amende et produit des documents à son soutien. BP a présenté des informations complémentaires les 4, 8 et 10 juillet 2002 (considérant 80 de la décision attaquée).

28      Le 19 juillet 2002, la Commission a accordé à BP une immunité d’amende conditionnelle, conformément au paragraphe 8, sous a), de la communication de 2002 (considérant 81 de la décision attaquée).

29      Sur le fondement de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), tel que modifié ultérieurement, des vérifications ont été effectuées les 1er et 2 octobre 2002. Repsol, PROAS, BP, Nynäs et Petrogal étaient concernées (considérant 82 de la décision attaquée).

30      BP a fourni, le 21 octobre 2002, des informations complémentaires relatives aux activités anticoncurrentielles présumées sur le marché en cause (considérant 83 de la décision attaquée).

31      Le 5 novembre 2003, les services de la Commission ont entendu M. A. T., responsable du département « Bitume » de BP España, en vertu de l’obligation de coopération de BP. À la suite de cet entretien, BP a fourni le 1er décembre 2003 des informations techniques sur le bitume (considérant 84 de la décision attaquée).

32      Le 6 février 2004, la Commission a envoyé aux entreprises concernées une première série de demandes de renseignements en application de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 17 ainsi qu’une demande de renseignements informelle à BP (considérant 85 de la décision attaquée).

33      Repsol a présenté la majeure partie de sa réponse le 6 avril 2004 et, le reste, le 20 avril 2004. PROAS a fourni ses réponses concernant le marché espagnol le 21 avril 2004 (considérant 86 de la décision attaquée).

34      Par télécopie du 31 mars 2004, Repsol a présenté à la Commission une demande au titre de la communication de 2002, accompagnée d’une déclaration d’entreprise (considérant 87 de la décision attaquée).

35      Le 2 avril 2004, une demande de renseignements supplémentaire concernant les documents découverts pendant la vérification effectuée à son siège a été adressée à Repsol, qui y a répondu le 22 avril 2004 (considérant 88 de la décision attaquée).

36      Par télécopie du 5 avril 2004, PROAS a présenté à la Commission une demande au titre de la communication de 2002, accompagnée d’une déclaration d’entreprise (considérant 89 de la décision attaquée).

37      Le 20 avril 2004, Repsol a déposé deux fascicules de pièces complétant sa demande au titre de la communication de 2002 (considérant 90 de la décision attaquée).

38      Le 24 octobre 2005, la Commission a envoyé aux sociétés concernées une deuxième série de demandes de renseignements en vertu de l’article 18, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérant 91 de la décision attaquée).

39      Repsol et PROAS ont répondu, respectivement, le 8 novembre et le 18 novembre 2005 suivant (considérant 92 de la décision attaquée).

40      Le 29 mars 2006, la Commission a envoyé une troisième demande de renseignements à Repsol et à PROAS ainsi qu’une demande de renseignements informelle à BP. Repsol a répondu le 5 avril 2006, BP le 6 avril 2006 et PROAS le 7 avril 2006 (considérants 93 et 94 de la décision attaquée).

41      Afin de clarifier le degré d’implication dans l’entente de BP, de Nynäs et de Petrogal, la Commission a envoyé le 26 avril 2006 à Repsol et à PROAS une quatrième demande de renseignements, à laquelle Repsol et PROAS ont répondu le 9 mai suivant (considérants 95 et 96 de la décision attaquée).

42      Le 22 mai 2006, la Commission a envoyé à Repsol, à PROAS et à Petrogal une cinquième demande de renseignements, relative à des questions de responsabilité. PROAS a répondu le 29 mai 2006. Repsol et Petrogal ont répondu le 30 mai suivant (considérants 98 et 99 de la décision attaquée).

43      Par lettres du 2 août 2006, la Commission a informé Repsol et PROAS, en vertu du paragraphe 26 de la communication de 2002, de son intention de leur appliquer, conformément au paragraphe 23, sous b), de ladite communication, une réduction du montant de toute amende éventuelle à raison de 30 à 50 % pour Repsol et de 20 à 30 % pour PROAS (considérants 100 et 101 de la décision attaquée).

44      Le 22 août 2006, la Commission a pris la décision d’ouvrir la procédure dans la présente affaire (troisième visa de la décision attaquée).

45      Du 24 au 28 août 2006, la Commission a notifié à BP, à Repsol, à CEPSA-PROAS, à Nynäs et à Petrogal la communication des griefs adoptée le 22 août précédent (considérant 102 de la décision attaquée, troisième visa de ladite décision).

46      Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2) ont remplacé, à compter du 1er septembre 2006, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5 [CA] (JO] 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »).

47      BP, Repsol, PROAS (à l’exclusion de CEPSA), Nynäs et Petrogal ont exercé leur droit d’accès aux éléments du dossier de la Commission uniquement accessibles au siège de l’institution (considérant 103 de la décision attaquée).

48      BP, Repsol, CEPSA-PROAS, Nynäs et Petrogal ont répondu par écrit dans les délais prescrits aux griefs retenus à leur égard (considérant 104 de la décision attaquée).

49      Tous les destinataires de la décision attaquée, à l’exception de Repsol Petróleo, de Repsol YPF et de CEPSA, se sont prévalus de leur droit à être entendus oralement. L’audition s’est tenue le 12 décembre 2006 (considérant 105 de la décision attaquée).

50      Le 16 février 2007, la Commission a adressé à toutes les entreprises concernées une demande de renseignements visant à obtenir la confirmation ou la correction des chiffres de ventes de bitume de pénétration précédemment fournis ainsi que des informations sur le chiffre d’affaires réalisé par chaque groupe au titre de l’exercice 2006 (considérant 106 de la décision attaquée).

D –  Décision attaquée

1.     Constatation de l’infraction

51      La décision attaquée constate que les treize sociétés qui en sont destinataires ont enfreint l’article 81 CE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans la commercialisation du bitume de pénétration sur le territoire espagnol (à l’exception des îles Canaries).

52      La Commission a identifié, dans l’infraction constatée, deux ensembles, d’une part, un partage du marché et, d’autre part, une coordination des prix consistant en des accords sur le relèvement ou la réduction des prix du bitume d’un montant équivalent et mis en œuvre simultanément (considérant 366 de la décision attaquée).

53      Les différents comportements infractionnels, ou composantes, qui ont été identifiés sont les suivants :

–        l’établissement de quotas de ventes ;

–        la répartition des volumes de produit et des clients entre tous les participants à l’entente, sur la base de ces quotas ;

–        le contrôle de la mise en œuvre du partage du marché et des clients, au moyen d’échanges d’informations sur les volumes de ventes ;

–        la création d’un mécanisme de compensation destiné à corriger les écarts survenus en ce qui concerne le partage du marché et des clients convenu ;

–        l’accord sur la modification des prix du bitume et la date d’application des nouveaux prix ;

–        la participation à des réunions régulières et à d’autres contacts afin de convenir des restrictions à la concurrence exposées ci-dessus et de les mettre en œuvre ou de les modifier en fonction des besoins (considérant 373 de la décision attaquée).

54      En premier lieu, la Commission a décrit les activités de partage du marché sur la base des déclarations que BP, Repsol et PROAS lui ont présentées dans leurs demandes au titre de la communication de 2002 et en réponse aux demandes de renseignements qu’elle leur a adressées (considérant 122 de la décision attaquée).

55      La Commission a considéré que l’existence de ces activités était confirmée par des éléments de preuve contemporains des faits incriminés, à savoir des documents obtenus au cours des vérifications et d’autres pièces contemporaines communiquées dans des demandes d’immunité d’amende ou dans des réponses à des demandes de renseignements (considérant 123 de la décision attaquée).

56      Il ressort de sa demande d’immunité d’amende que, lorsque BP a commencé à produire du bitume de pénétration en Espagne en juillet 1991, elle a constaté que Repsol et PROAS étaient impliquées dans un accord continu de partage du marché en cause et que BP devait y participer pour pénétrer sur ce marché avec quelque succès (considérant 119 de la décision attaquée).

57      D’autres fournisseurs de bitume présents sur le marché espagnol ont coordonné leurs ventes avec Repsol, PROAS et BP : Nynäs et Petrogal auraient participé à l’entente, la première, au moins à partir de 1991, la seconde, au moins à partir de 1995 (considérant 120 de la décision attaquée).

58      Selon les déclarations de Repsol et de PROAS, les parties à l’entente ont entretenu des contacts aux fins du partage du marché autour d’une table de négociation appelée « table de l’asphalte » réunissant des sociétés du groupe Repsol (RPA/Rylesa, Asfalnor et Petronor), PROAS et BP, mais également Nynäs et Petrogal, même si celles-ci n’ont participé qu’aux discussions concernant leur zone d’influence et de manière bilatérale avec Repsol ou PROAS, et non avec d’autres membres de l’entente (considérants 124 et 129 de la décision attaquée).

59      La Commission a identifié les phases suivantes du mécanisme de répartition du marché en cause mis en œuvre dans le cadre de l’entente constatée :

a)      une analyse interne du marché, effectuée vers le mois de septembre et au cours de laquelle chaque producteur aurait préparé séparément pour l’exercice commercial suivant une étude de marché estimant la consommation de bitume en Espagne ;

b)      une répartition préalable en interne du marché, accomplie vers le mois d’octobre et consistant en la préparation, par chaque producteur de bitume, d’un projet de répartition du marché à présenter lors des négociations avec ses concurrents ;

c)      un accord sur la taille du marché, c’est-à-dire sur la consommation totale de bitume à prévoir pour l’exercice commercial suivant, conclu aux alentours du mois de novembre entre Repsol, PROAS et BP ;

d)      des négociations de partage du marché prévisionnel ainsi défini, conduites en décembre-janvier ;

e)      l’accord annuel de partage du marché : de 1994 à 2000, les directeurs commerciaux compétents de Repsol et de PROAS auraient normalement tenu les discussions de clôture en décembre-janvier, afin de résoudre les problèmes de répartition du marché encore pendants ; le document contenant l’accord de partage du marché au titre d’un exercice commercial donné aurait été dénommé « PTT » ou « Petete » ;

f)      la communication des informations à Nynäs et à Petrogal et la négociation avec elles : une fois conclue la répartition du marché par les trois producteurs de bitume, Repsol ou PROAS auraient tenu une réunion avec Nynäs et une autre avec Petrogal, afin de les informer et de négocier les volumes de vente et les clients qui seraient attribués à chacune dans sa zone d’influence respective (considérant 130 de la décision attaquée).

60      En second lieu, la Commission a constaté que les activités de coordination des prix avaient constitué un élément de support nécessaire aux activités de partage du marché en garantissant que la répartition des volumes et des clients convenue ne soit pas affectée par l’application de politiques de prix indépendantes de la part des fournisseurs (considérant 290 de la décision attaquée).

61      La Commission a décrit les accords sur les prix en se fondant sur les déclarations spontanées de BP, de Repsol et de PROAS et sur les réponses aux demandes de renseignements. La Commission a présenté ensuite une vue d’ensemble chronologique des documents contemporains en sa possession permettant de confirmer les accords sur les prix décrits dans les déclarations précitées (considérant 291 de la décision attaquée).

62      Les modifications des prix et la date de leur mise en œuvre auraient été généralement décidées entre Repsol et PROAS, qui auraient informé ensuite BP, Nynäs et Petrogal de leurs conclusions (considérant 354 de la décision attaquée).

63      La Commission a ensuite retenu que l’ensemble des accords ou pratiques concertées a eu pour objet de restreindre la concurrence en Espagne (à l’exception des îles Canaries), partie substantielle du marché intérieur (considérant 371 de la décision attaquée).

64      La Commission a rappelé que, selon la jurisprudence, la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue, dès lors qu’il apparaît avoir pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. Par conséquent, la démonstration d’effets anticoncurrentiels réels ne serait pas requise, lorsque l’objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi (considérant 375 de la décision attaquée).

65      Il en irait de même des pratiques concertées. Même si, aux termes de l’article 81 CE, la notion de pratique concertée impliquerait, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments, il y aurait lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur le marché. Il en serait d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période. Une telle pratique concertée relèverait alors de l’article 81 CE, même en l’absence d’effets anticoncurrentiels sur le marché (considérant 331 de la décision attaquée).

66      Néanmoins, en l’espèce, la Commission a estimé avoir également prouvé, sur la base des éléments présentés dans la décision attaquée, que les accords de l’entente avaient été mis en œuvre et qu’ils avaient probablement produit des effets anticoncurrentiels réels (considérant 376 de la décision attaquée).

67      Par ailleurs, la Commission a considéré comme établi que le personnel de RPA/Rylesa avait participé à l’entente (considérant 393 de la décision attaquée).

68      À la lumière de la jurisprudence sur la présomption d’exercice effectif par une société mère d’une influence déterminante sur sa filiale détenue à 100 % ou presque et compte tenu des liens de participation entre RPA/Rylesa, Repsol Petróleo et Repsol YPF, la Commission a conclu que ces trois entreprises avaient constitué, pendant toute la durée de l’entente, une seule entreprise aux fins de l’application de l’article 81 CE (considérant 396 de la décision attaquée).

69      En plus de la présomption, fondée sur la propriété, selon laquelle les sociétés mères exercent une influence déterminante sur leurs filiales détenues intégralement ou presque intégralement, la Commission s’est fondée sur des indices supplémentaires montrant, selon elle, que RPA/Rylesa, Repsol Petróleo et Repsol YPF appartenaient à une entité économique unique et avaient, par conséquent, constitué une seule entreprise. La liste de ces indices est donnée au considérant 397 de la décision attaquée, rédigé ainsi :

« […]

a)      une des activités commerciales de Repsol Petróleo consiste à produire du bitume qui est ensuite vendu à RPA/Rylesa pour sa transformation et sa commercialisation, créant ainsi des liens verticaux et des synergies au sein du groupe Repsol. En effet, comme Repsol l’a expliqué, RPA/Rylesa a communiqué de 1991 à 2002 à Repsol Petróleo sur une base mensuelle et annuelle ses besoins en bitume, que Repsol Petróleo a produit en prenant également en compte d’éventuelles exportations ;

b)      les ventes, réalisées par Asfalnor (entre 1990 et 1998), de bitume produit par Petronor et les services d’agence fournis par Asfalnor (à compter de 1999) à Petronor ont également créé des relations verticales et des synergies au sein du groupe Repsol ;

c)      les résultats financiers de RPA/Rylesa ont été consolidés avec ceux de Repsol YPF et, dans cette mesure, les bénéfices ou les pertes de RPA/Rylesa, y compris tous bénéfices résultant de l’entente, ont été reflétés dans les bénéfices ou les pertes de l’ensemble du groupe Repsol ;

d)      tant RPA/Rylesa que Repsol Petróleo et Repsol YPF comprenaient toutes le nom ‘Repsol’ dans leur nom ;

e)      RPA/Rylesa a préparé un rapport mensuel comportant les renseignements comptables nécessaires au contrôle budgétaire de ses activités et l’a soumis au chef comptable de l’administrateur unique de RPA/Rylesa. En plus d’un bilan et d’un compte de résultats, ce rapport contenait des informations sur l’évolution des ventes, les marges et les investissements ;

f)      Petronor et Asfalnor ont fait partie de l’unité du bitume de Repsol, dirigée par RPA/Rylesa, et cette société a pris toutes les décisions importantes de politique commerciale concernant les ventes de bitume (prix, conditions de ventes) réalisées par Petronor (à compter de 1999) et Asfalnor (jusqu’à 1998). »

2.     Calcul du montant des amendes

70      La Commission a rappelé que, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, elle pouvait, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes lorsque celles-ci commettent, de propos délibéré ou par négligence, une infraction aux dispositions de l’article 81 CE. Elle a indiqué également que, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, applicable au moment de l’infraction, l’amende pour chaque entreprise participant à l’entente ne pouvait dépasser 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice précédent et que l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 instaurait la même limitation (considérant 496 de la décision attaquée).

71      La Commission a considéré que chacune des deux restrictions à la concurrence constatées, à savoir les accords horizontaux de partage du marché et la coordination des prix, relevait, par sa nature même, des types d’infractions les plus graves à l’article 81 CE, lesquels sont susceptibles de justifier, selon la jurisprudence, la qualification d’infractions « très graves » uniquement au vu de leur nature, sans qu’il soit nécessaire qu’un tel comportement couvre une zone géographique particulière ou ait un impact particulier (considérant 500 de la décision attaquée).

72      La Commission a jugé impossible de mesurer l’impact réel de l’entente sur le marché, en raison, notamment, de l’insuffisance d’informations sur l’évolution probable que les prix nets du bitume en Espagne auraient suivie en l’absence d’accords. La Commission ne s’est pas estimée tenue de démontrer avec précision le véritable impact de l’entente sur le marché ni de le quantifier, mais a considéré qu’elle pouvait se limiter à des estimations de la probabilité d’un tel effet. En tout état de cause, la Commission a considéré que les accords de l’entente avaient été mis en œuvre et qu’il était probable qu’ils aient produit des effets anticoncurrentiels réels (considérant 501 de la décision attaquée).

73      Eu égard à la nature de l’infraction, la Commission a considéré que Repsol, PROAS, BP, Nynäs et Petrogal avaient commis une infraction très grave à l’article 81 CE et précisé que cette conclusion était formulée indépendamment de la question de savoir si l’entente avait eu un impact mesurable sur le marché. La Commission a ajouté qu’elle prenait en compte le fait que la collusion avait concerné uniquement le marché espagnol (considérant 509 de la décision attaquée).

a)     Détermination et adaptation du « montant de départ » des amendes

74      La Commission a fixé le « montant de départ » des amendes à infliger en prenant en compte la gravité de l’infraction, la valeur du marché en cause, estimée à 286 400 000 euros en 2001, dernière année complète de l’infraction, et le fait que l’infraction était limitée aux ventes de bitume effectuées dans un seul État membre. Compte tenu des éléments qui précèdent, la Commission a fixé le montant de départ des amendes à 40 000 000 euros (considérant 510 de la décision attaquée).

75      La Commission a ensuite classé les entreprises destinataires de la décision attaquée en différentes catégories définies en fonction de leur importance relative sur le marché en cause, aux fins de l’application du traitement différencié, de façon à tenir compte de leur capacité économique effective à causer un préjudice grave à la concurrence. À cette fin, la Commission s’est fondée sur leurs parts, exprimées en valeur des ventes, du marché du bitume de pénétration routier espagnol au titre de l’exercice 2001 (considérants 511 et 512 de la décision attaquée).

76      Repsol et PROAS, dont les parts du marché en cause s’élevaient, respectivement, à 34,04 et à 31,67 % au titre de l’exercice 2001, ont été classées dans la première catégorie, BP, avec une part de marché de 15,19 %, dans la deuxième catégorie, et Nynäs et Petrogal, dont les parts de marché se situaient entre 4,54 et 5,24 %, dans la troisième catégorie. Sur cette base, les montants de départ des amendes à infliger ont été adaptés comme suit (considérants 514 et 515 de la décision attaquée) :

–        première catégorie, pour Repsol et PROAS : 40 000 000 euros ;

–        deuxième catégorie, pour BP : 18 000 000 euros ;

–        troisième catégorie, pour Nynäs et Petrogal : 5 500 000 euros.

77      Afin de déterminer le montant des amendes à un niveau en garantissant l’effet suffisamment dissuasif, la Commission a considéré comme approprié d’appliquer au montant de l’amende à infliger à BP et à Repsol un multiplicateur de 1,8 et de 1,2, respectivement, en fonction de leur chiffre d’affaires global de 2006, dernier exercice précédant l’adoption de la décision attaquée, mais de ne pas appliquer un multiplicateur au montant de l’amende à infliger à PROAS, à Nynäs et à Petrogal (considérant 521 de la décision attaquée).

78      Les montants de départ des amendes ont donc été adaptés comme suit (considérant 522 de la décision attaquée) :

–        Repsol : 48 000 000 euros ;

–        PROAS : 40 000 000 euros ;

–        BP : 32 400 000 euros ;

–        Nynäs : 5 500 000 euros ;

–        Petrogal : 5 500 000 euros.

b)     Durée de l’infraction

79      La Commission a estimé que Repsol et PROAS devaient répondre de leur participation à l’infraction du 1er mars 1991 au 1er octobre 2002, soit une période de onze ans et sept mois.

80      La Commission a estimé que BP devait répondre de sa participation à l’infraction du 1er août 1991 au 20 juin 2002, soit une période de dix ans et dix mois.

81      La Commission a estimé que Nynas Petróleo devait répondre de sa participation à l’infraction du 1er mars 1991 au 1er octobre 2002, soit une période de onze ans et sept mois et que Nynäs Petroleum devait répondre de sa participation à l’infraction du 22 mai 1991 au 1er octobre 2002, soit une période de onze ans et quatre mois.

82      Enfin, la Commission a estimé que Galp Energía España (anciennement Petrogal Española) et Petróleos de Portugal devaient répondre de leur participation à l’infraction du 31 janvier 1995 au 1er octobre 2002, soit une période de sept ans et huit mois, et Galp Energia, SGPS, du 22 avril 1999 au 1er octobre 2002, soit une période de trois ans et cinq mois (considérant 523 de la décision attaquée).

83      La Commission a majoré le montant de départ des amendes de 10 % par année complète d’infraction et de 5 % pour toute période supplémentaire égale ou supérieure à six mois, mais inférieure à un an. Les majorations à appliquer au montant de départ des amendes se sont donc établies comme suit (considérants 524 et 525 de la décision attaquée) :´

–        Repsol : 115 % ;

–        PROAS : 115 % ;

–        BP : 105 % ;

–        Nynäs :

–        Nynas Petróleo : 115 % ;

–        Nynäs Petroleum : 110 % ;

–        Petrogal :

–        Galp Energía España et Petróleos de Portugal : 75 % ;

–        Galp Energia, SGPS : 30 %.

–        

84      Les montants des amendes à infliger à chaque entreprise ont donc été les suivants (considérant 526 de la décision attaquée) :

–        Repsol : 103 200 000 euros ;

–        PROAS : 86 000 000 euros ;

–        BP : 66 420 000 euros ;

–        Nynäs :

–        Nynas Petróleo : 11 825 000 euros ;

–        Nynäs Petroleum : 11 550 000 euros ;

–        Petrogal :

–        Galp Energía España et Petróleos de Portugal : 9 625 000 euros ;

–        Galp Energia, SGPS : 7 150 000 euros.

c)     Circonstances aggravantes

85      La Commission a exposé ce qui suit au considérant 534 de la décision attaquée :

« a)      les coordinateurs de la ‘table de l’asphalte’ étaient un salarié de Repsol et un salarié de PROAS (voir considérant 145) ;

b)      Repsol et PROAS ont organisé les réunions de l’entente et celles-ci étaient normalement présidées par un salarié de Repsol (voir considérant 145) ;

c)      lorsque les réunions de l’entente étaient tenues dans des hôtels, les factures étaient normalement payées par Repsol ou par PROAS (voir considérant 148) ;

d)      comme le rapportent BP, Repsol et PROAS, ces deux dernières entreprises ont décidé bilatéralement des modifications des prix du bitume et du moment auquel elles devaient être mises en œuvre, puis ont communiqué les décisions prises aux autres opérateurs du marché (voir considérant 302) ;

e)      à partir du début de l’entente, en ce qui concerne Nynäs, et à partir du moment où elle a rejoint l’entente en 1995, en ce qui concerne Petrogal, Repsol et PROAS ont organisé des réunions avec chacune de ces deux entreprises séparément afin de négocier leurs parts de marché dans leur zone de vente (voir considérant 130). BP était seulement présente pendant les négociations concernant sa zone d’influence, mais n’a pas participé aux négociations traitant de la position de Repsol et de PROAS (voir considérant 137) ni à celles tenues avec Nynäs et Petrogal. Ceci montre que, au lieu de réunir sur un pied d’égalité les cinq participants au cartel, les négociations de partage des marchés étaient tenues bilatéralement entre Repsol et PROAS d’un côté, et chacun des trois autres participants à l’entente de l’autre côté ;

f)      de 1994 à 2000 (c’est-à-dire, durant sept des quelque douze années de la durée de l’entente), tout problème en suspens concernant la répartition du marché procédant de l’accord annuel faisait l’objet d’un accord final entre Repsol et PROAS (voir considérant 130) ;

g)      des éléments de preuve contemporains de 1991 et 1992 rédigés par BP rapportent que ‘Repsol a négocié avec Nynäs leur entrée officielle sur le marché espagnol’, et qu’il a été attribué à Nynäs 3,74 % du marché ‘par décision expresse de Repsol et de CEPSA’ (voir considérants 201 et 206) ;

h)      Repsol et PROAS ont offert à Petrogal une attribution de part de marché dans sa zone géographique d’influence (voir considérant 125) ;

i)      pendant la période au cours de laquelle BP a suspendu sa participation aux réunions de la ‘table de l’asphalte’, soit Repsol, soit PROAS, lui ont fourni une copie de l’accord de partage des marchés (voir considérant 172) ;

j)      BP a rapporté entretenir des conversations téléphoniques de contrôle bimensuelles, soit avec Repsol, soit avec PROAS, et que l’une de ces deux entreprises a recueilli les données de BP sur les volumes de ventes (voir considérant 184) ;

k)      dans le contexte des contacts de contrôle tenus à partir de 2001, Repsol et PROAS ont déterminé des prix pour de nouveaux travaux et ont attribué de nouveaux travaux non compris dans l’accord annuel de partage des marchés (voir considérant 187) ;

l)      Repsol a produit un graphique fixant les volumes à fournir par Nynäs en 2001 qui, selon Repsol, avaient été préparés en commun par Repsol et PROAS, puis communiqués à Nynäs (voir considérant 265) ;

m)      les données estimatives des volumes du marché pour 2002 comprises dans certains graphiques préparés par PROAS ont été ultérieurement vérifiées par Repsol à la ‘table de l’asphalte’ (voir considérant 270) ;

n)      PROAS a expliqué qu’un certain document contient la consommation par province prévue par Repsol et PROAS pour 2002 et l’accord conclu par ces deux entreprises sur ces volumes de consommation (voir considérant 271). »

86      Au vu de ces éléments, la Commission a considéré que Repsol et PROAS avaient été les moteurs significatifs de l’entente, car elles avaient attribué les parts de marché aux nouveaux membres de l’entente, avaient pris des décisions concernant la taille globale du marché, s’étaient mises d’accord sur les problèmes non résolus liés au partage du marché, avaient négocié bilatéralement et séparément avec les autres participants à l’entente les volumes et les clients devant leur être attribués dans leur zone d’influence respective, avaient rassemblé des données sur les volumes de vente des autres participants, organisé et présidé les réunions de l’entente, couvert les frais de la majorité de celles-ci et étaient convenues bilatéralement des modifications de prix qu’elles avaient ensuite communiquées aux autres opérateurs du marché. (considérant 535 de la décision attaquée).

87      La Commission a conclu que le montant de l’amende à infliger à Repsol et à PROAS devait être majoré de 30 % (considérant 536 de la décision attaquée). Le montant de leur amende a donc été porté à 134 160 000 euros pour Repsol et à 111 800 000 euros pour PROAS (considérant 568 de la décision attaquée).

d)     Application de la communication de 2002

88      La Commission a rappelé avoir ouvert son enquête à la suite de la demande d’immunité d’amende de BP présentée sur le fondement de la communication de 2002. Elle a ajouté que Repsol et PROAS avaient ultérieurement présenté une demande de réduction du montant de l’amende en vertu du même texte (considérant 569 de la décision attaquée).

89      La Commission a reconnu à BP le droit à l’immunité de l’amende qui aurait normalement dû lui être infligée après avoir constaté qu’elle avait satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 11 de la communication de 2002, lesquelles sont relatives à la coopération avec la Commission, à la cessation de la participation à l’infraction et à l’absence de mesures visant à contraindre d’autres entreprises à participer à l’infraction (considérant 573 de la décision attaquée).

90      La Commission a également décidé que Repsol et PROAS avaient droit, respectivement, à une réduction de 40 % et de 25 % du montant de l’amende qui aurait dû normalement leur être infligée (considérants 580 et 588 de la décision attaquée).

3.     Dispositif de la décision attaquée

91      Le dispositif de la décision est libellé comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81, [paragraphe 1, CE] en participant, pendant les périodes indiquées, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans la commercialisation du bitume de pénétration couvrant l’ensemble du territoire espagnol (à l’exception des îles Canaries) et consistant en des accords de partage du marché et en une coordination des prix :

[…]

[RPA/Rylesa], [Repsol Petróleo] et [Repsol YPF], du 1er mars 1991 au 1er octobre 2002;

[…]

Article 2

Pour l’infraction visée à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées :

[…]

[RPA/Rylesa], [Repsol Petróleo] et [Repsol YPF] conjointement et solidairement responsables du paiement de 80 496 000 euros ;

[…]

Article 4

Les destinataires de la décision sont :

[RPA/Rylesa]

[Repsol Petróleo]

[Repsol YPF]

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

92      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2007, les requérantes ont introduit le présent recours.

93      Les requérantes concluent en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réduire le montant de l’amende infligée à un montant approprié ;

–        condamner la Commission aux dépens.

94      La Commission conclut en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        augmenter le montant de l’amende infligée à Repsol ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

A –  Sur les conclusions en annulation et en réformation de la décision attaquée

95      Les requérantes développent huit moyens au soutien de leurs conclusions en annulation et en réformation, tirés, le premier, de la violation des droits de la défense, le deuxième, de l’insuffisance de motivation de l’imputation à Repsol YPF de la responsabilité conjointe et solidaire en chaîne de la participation à l’infraction de RPA/Rylesa, le troisième, de l’application erronée de la présomption d’exercice effectif par les sociétés mères d’une influence déterminante sur le comportement concurrentiel de leurs filiales, le quatrième, d’une erreur dans l’analyse des preuves que les requérantes ont fournies dans leurs réponses à la communication des griefs au soutien de l’autonomie commerciale de RPA/Rylesa, le cinquième, de l’inaptitude des indices supplémentaires, retenus par la Commission, à conforter la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante des sociétés mères sur les filiales, le sixième, de la méconnaissance des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement dans la fixation par la Commission du montant de l’amende, le septième, d’une erreur d’appréciation des faits liée à la qualification de Repsol de meneur de l’entente avec PROAS et, le huitième, de la fixation erronée du pourcentage de réduction de l’amende dont les requérantes ont bénéficié. 

96      Les quatrième et cinquième moyens seront examinés ensemble.

1.     Sur le premier moyen, pris de la violation des droits de la défense

a)     Arguments des parties

97      Dans leur réplique, les requérantes relèvent que la Commission leur a reproché, dans son mémoire en défense, une confusion relative à l’interprétation des faits constitutifs du rôle de meneur de l’entente que la décision attaquée a attribué à Repsol.

98      Les requérantes objectent que cette confusion trouve son origine dans l’absence de clarté et de précision de la communication des griefs sur le prétendu rôle de meneur de Repsol. En effet, Repsol aurait déjà signalé, au point 14 de sa réponse à la communication des griefs, « que la défense face à un grief de meneur de l’infraction est très difficile, étant donné que la communication des griefs n’indique nulle part les faits ou les comportements sur lesquels la Commission semble fonder ledit grief, [celle-ci n’identifiant] pas les comportements qu’elle considère comme étant constitutifs de la circonstance aggravante ». Repsol aurait également relevé ce qui suit, au point 15 du même document :

« [S]ous réserve d’insister sur le fait que nos possibilités de réfuter les faits sur lesquels la Commission fonde son raisonnement sont limitées, nous allons répondre, dans toute la mesure du possible, et en utilisant une technique intuitive pour déterminer les éléments sur lesquels nous pensons que la Commission a basé son raisonnement. »

99      Comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Hoechst/Commission (T‑410/03, Rec. p. II‑881, points 420 à 439), les faits sur lesquels repose, dans la communication des griefs, le grief de meneur de l’entente auraient été repris dans divers points de ce document, sans qu’aucun lien ait été établi entre eux et sans que la Commission leur ait donné une quelconque qualification. Ce n’est qu’au stade de la décision que Repsol aurait été en mesure de connaître exactement les moyens sur lesquels le grief était fondé. Partant, avant l’introduction de la requête, Repsol n’aurait pas été en mesure d’adopter une défense utile. Le manque de clarté dans l’interprétation des faits constitutifs du grief de meneur de l’entente, que la Commission imputerait erronément aux requérantes dans son mémoire en défense, montrerait que, pendant la phase administrative de la procédure, les droits de la défense de Repsol avaient été violés d’une manière semblable à celle que le Tribunal a décrite dans l’arrêt Hoeschst/Commission, précité.

100    La Commission objecte que cet argument, qui n’a pas été développé dans la requête, est nouveau et doit donc être déclaré irrecevable par le Tribunal sans qu’il soit possible de le relever d’office.

b)     Appréciation du Tribunal

101    Le présent moyen est tiré de la présence, dans le mémoire en défense, d’un reproche prétendument infondé que la Commission aurait adressé aux requérantes. Un tel moyen, qui ne porte pas sur la légalité de la décision attaquée, mais sur la justesse ou non des arguments en défense de la Commission, doit être écarté comme inopérant.

102    À supposer même que les requérantes entendent également invoquer une méconnaissance des droits de la défense tirée du caractère insuffisamment précis de la communication des griefs qui leur avait été adressée avant l’adoption de la décision attaquée, il convient de constater que le présent moyen est développé pour la première fois au stade de la réplique. Or, il ressort de l’argumentation développée au soutien de ce moyen par les requérantes que leur contestation porte sur des éléments de la communication des griefs dont il est constant qu’elles avaient connaissance dès le stade de la procédure administrative. Le présent moyen ne se fonde donc pas sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés pendant la procédure devant le Tribunal, de sorte qu’il doit être considéré comme irrecevable, en application des dispositions de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal.

103    En tout état de cause, toujours s’agissant du moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, les requérantes se bornent à affirmer, sans assortir cette allégation de la moindre précision susceptible d’en établir la réalité, par exemple en se référant à des passages précis et référencés de la communication des griefs, que ce n’est qu’après réception de la décision attaquée qu’elles ont été en mesure de connaître exactement le reproche qu’il leur était fait quant à leur rôle de meneur de l’entente.

104    Dans ces conditions, le moyen ne saurait prospérer et ne peut qu’être écarté.

2.     Sur le deuxième moyen, pris de la motivation insuffisante de l’imputation à Repsol YPF de la responsabilité conjointe et solidaire en chaîne de la participation à l’infraction de RPA/Rylesa

a)     Arguments des parties

105    Les requérantes estiment que la Commission n’a pas suffisamment exposé les motifs pour lesquels elle a conclu à la responsabilité conjointe et solidaire de l’infraction imputée à Repsol YPF. Comme il n’existe aucun lien organisationnel ni économique entre RPA/Rylesa et Repsol YPF au-delà de celui qui a été créé par la loi espagnole aux fins de l’établissement de résultats financiers consolidés, la responsabilité en chaîne de Repsol YPF retenue par la décision attaquée n’aurait pas été dûment motivée.

106    La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.

b)     Appréciation du Tribunal

107    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte attaqué et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, non encore publié au Recueil, point 147, et la jurisprudence citée).

108    En particulier, l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle juridictionnel, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 148, et la jurisprudence citée).

109    L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 150, et la jurisprudence citée).

110    Lorsqu’une décision d’application des règles de concurrence de l’Union concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit, en principe, contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 152, et la jurisprudence citée).

111    En l’espèce, il convient de préciser à titre liminaire que l’argumentation des requérantes porte uniquement sur l’imputation à Repsol YPF de l’infraction commise par RPA/Rylesa.

112    À cet égard, dans la décision attaquée, la Commission a tout d’abord rappelé, au considérant 387, que, selon la jurisprudence, le droit de la concurrence de l’Union reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et, par conséquent, une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché. Toujours selon la Commission, si une filiale ne détermine pas son propre comportement sur le marché de manière indépendante, la société mère forme une seule entité économique avec la filiale et peut, ainsi, être tenue pour responsable de l’infraction commise par sa filiale en raison du fait que ces deux sociétés constituent une entreprise.

113    Au considérant 388 de la décision attaquée, la Commission a ensuite exposé que, selon la jurisprudence, premièrement, les sociétés mères peuvent être tenues pour responsables des infractions à l’article 81 CE commises par leurs filiales, lorsque celles-ci ne sont pas capables de déterminer de façon autonome leur comportement sur le marché, deuxièmement, il peut être présumé que la filiale suit la politique établie par la société mère et, ainsi, ne profite pas d’une telle position autonome, lorsqu’une société mère possède, de manière directe ou indirecte, la totalité (ou presque la totalité) des parts d’une filiale à l’époque où cette dernière commet une infraction et, enfin, troisièmement, la Commission peut présumer qu’une filiale détenue à 100 % applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par sa société mère, sans devoir vérifier si celle-ci a effectivement exercé ce pouvoir, à charge pour elle de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve suffisants.

114    La Commission a relevé ensuite, au considérant 393 de la décision attaquée, que RPA/Rylesa avait participé à l’infraction pendant toute la durée de celle-ci, puis, au considérant 394 de ladite décision, que, pendant toute cette période, RPA/Rylesa était une filiale détenue presque en totalité (à raison de 99,99 %) par Repsol Petróleo et que celle-ci était elle-même, au cours de la même période, une filiale détenue presque en totalité (à raison de 99,97 %) par Repsol YPF, société mère faîtière du groupe Repsol.

115    La Commission a donc estimé, au considérant 396 de la décision attaquée, à la lumière, d’une part, de la jurisprudence qu’elle avait précédemment exposée et, d’autre part, des liens d’actionnariat entre les trois sociétés, que RPA/Rylesa et Repsol Petróleo avaient suivi la politique établie par leur société mère respective sans disposer d’une position autonome sur le marché et qu’elles avaient donc constitué avec Repsol YPF une entreprise au sens de l’article 81 CE.

116    La Commission a encore souligné au considérant 409 de la décision attaquée qu’il importait peu que RPA/Rylesa fût une filiale « indirecte » de Repsol YPF, étant donné que le contrôle indirect est suffisant pour l’application de la présomption jurisprudentielle d’exercice d’une influence déterminante.

117    Enfin, la Commission a conclu au considérant 415 de la décision attaquée que RPA/Rylesa, Repsol Petróleo et Repsol YPF étaient conjointement et solidairement responsables au titre de l’infraction à laquelle elle estimait que RPA/Rylesa avait participé.

118    En conséquence, la Commission a ainsi fondé la responsabilité conjointe et solidaire de Repsol YPF pour la participation de RPA/Rylesa à l’infraction sur l’application à Repsol YPF de la présomption de l’exercice d’une influence déterminante déduite des liens de participation quasi intégraux existant entre RPA/Rylesa et Repsol Petróleo, d’une part, et Repsol Petróleo et Repsol YPF, d’autre part.

119    Il convient également d’ajouter que la Commission a indiqué que, en plus de l’application de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante des sociétés mères sur leur filiale intégrale, elle avait relevé un certain nombre d’indices supplémentaires venant conforter le fait que RPA/Rylesa, Repsol Petróleo et Repsol YPF formaient une unité économique (considérants 397 et 415 de la décision attaquée).

120    Il s’ensuit que le raisonnement de la Commission, tel qu’il apparaît dans la décision attaquée, comporte un exposé suffisamment circonstancié des raisons justifiant l’imputation à Repsol YPF de la responsabilité conjointe et solidaire de la participation de RPA/Rylesa à l’infraction.

121    Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

3.     Sur le troisième moyen, pris de l’application erronée de la présomption d’exercice effectif par les sociétés mères d’une influence déterminante sur le comportement concurrentiel de leurs filiales

a)     Arguments des parties

122    Les requérantes font grief à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation des faits et une erreur de droit en rendant, d’une part, Repsol Petróleo, en sa qualité de société mère détenant 99,99 % du capital de RPA/Rylesa et, d’autre part, Repsol YPF, en sa qualité de société mère détenant 99,97 % du capital de Repsol Petróleo, conjointement et solidairement responsables de la participation de RPA/Rylesa à l’infraction constatée par la décision attaquée.

123    Pour imputer la participation à l’infraction de RPA/Rylesa à sa société mère, Repsol Petróleo, la Commission se serait fondée sur la présomption selon laquelle, en raison de leur lien de participation, RPA/Rylesa a suivi la politique définie par Repsol Petróleo, sans jouir d’une position autonome sur le marché. La décision tirerait la même conclusion à l’égard de Repsol YPF, du fait de sa relation de participation avec Repsol Petróleo. La responsabilité retenue par la Commission serait donc une responsabilité en chaîne fondée sur une présomption découlant de la participation de chaque société mère dans le capital de sa filiale.

124    Si, selon la jurisprudence, il peut être présumé qu’une société mère exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale, lorsqu’elle en possède, de manière directe ou indirecte, la totalité ou la quasi-totalité des actions, l’imputation à la société mère du comportement de la filiale serait toutefois soumise à deux conditions cumulatives. D’une part, la société mère devrait pouvoir, au moment de l’infraction, exercer une influence déterminante sur le comportement commercial de la filiale. D’autre part, cette influence devrait avoir été effectivement exercée.

125    La société mère à laquelle est imputé le comportement de sa filiale pourrait établir qu’elle n’a pas exercé une influence déterminante sur cette filiale pendant la durée de l’infraction, sans devoir se limiter, comme le soutient la Commission, à démontrer qu’elle n’est pas en mesure d’exercer une telle influence pour des raisons légales, réglementaires, de manière transitoire ou du fait de la structure de l’actionnariat. En l’absence d’un élément supplémentaire à la détention du capital de la filiale, il ne serait pas possible d’infliger à la société mère une amende en raison du comportement de sa filiale.

126    Dans le domaine du « droit pénal administratif » en cause en l’espèce, la Commission devrait interpréter restrictivement la présomption d’exercice d’une influence déterminante, afin de respecter le principe selon lequel une personne morale ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont spécifiquement reprochés. Une interprétation restrictive s’imposerait d’autant plus qu’il y a lieu de respecter la présomption d’innocence consacrée par l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

127    Par conséquent, on ne saurait imputer une responsabilité à une personne déterminée en l’absence de preuves à charge établissant de manière incontestable sa culpabilité ni se fonder sur des présomptions qui, comme dans la décision attaquée, ne sont pas étayées par d’autres éléments à charge solides et qui méconnaissent donc les limites raisonnables encadrant la preuve par présomption dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

128    Comme l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 subordonne le prononcé d’amendes à l’existence d’une faute ou d’une négligence, la responsabilité des personnes morales devrait être individuelle, exclusive de tout type de responsabilité objective ou du fait d’un risque. Or, le raisonnement de la Commission et l’application de la présomption société mère/filiale aboutiraient à consacrer la responsabilité objective des groupes d’entreprises.

129    La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.

b)     Appréciation du Tribunal

130    Il convient de rappeler tout d’abord qu’une infraction au droit de la concurrence de l’Union doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes (arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 57).

131    Cependant, le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. La Cour a précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si cette unité économique est constituée de plusieurs personnes juridiques (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, points 54 et 55).

132    Compte tenu de la jurisprudence mentionnée au point précédent, le comportement infractionnel d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58).

133    En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, au sens où cette notion a été définie ci-dessus. Le fait que la société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet alors à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 59).

134    Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de l’Union en matière de concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 56).

135    Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 57).

136    De plus, dans l’hypothèse où une société détient la totalité du capital d’une société interposée, qui possède à son tour la totalité du capital d’une filiale de son groupe, auteur d’une infraction aux règles de concurrence de l’Union, il existe également une présomption réfragable selon laquelle la première société exerce une influence déterminante sur le comportement de la société interposée et indirectement, par le biais de cette dernière, sur le comportement de la filiale (arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, Rec. p. I‑1, points 86 à 89).

137    En l’espèce, la Commission a constaté aux considérants 21 et 394 de la décision attaquée, sans contestation sur ce point, que Repsol Petróleo a détenu 99,99 % du capital de RPA/Rylesa au cours de la période pertinente, qui s’étend du 1er mars 1991 au 1er octobre 2002.

138    Repsol Petróleo détenant la quasi-totalité du capital de RPA/Rylesa, elle se trouvait, en principe, dans une situation analogue à celle d’un propriétaire exclusif, en ce qui concerne son pouvoir d’exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale (arrêt de la Cour du 3 mai 2012, Legris Industries/Commission, C‑289/11 P, non publié au Recueil, point 48, et arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T‑217/06, Rec p. II‑2593, point 53).

139    En l’absence d’éléments apportés par les requérantes permettant de mettre en cause en l’espèce l’application du régime probatoire valant pour le propriétaire exclusif, la Commission était en droit de présumer que Repsol Petróleo exerçait une influence déterminante sur le comportement de RPA/Rylesa.

140    Il est également constant que, pendant la période pertinente, Repsol YPF a détenu 99,97 % du capital de Repsol Petróleo, soit la quasi-totalité de celui-ci, ainsi qu’il ressort des considérants 21 et 394 précités.

141    En l’absence d’éléments apportés par les requérantes permettant de mettre en cause en l’espèce l’application du régime probatoire valant pour le propriétaire exclusif, la Commission était en droit de présumer que Repsol YPF exerçait une influence déterminante sur le comportement de Repsol Petróleo.

142    Les liens d’actionnariat des trois sociétés permettaient donc, à eux seuls, à la Commission de présumer, ainsi qu’elle l’a fait au considérant 396 de la décision attaquée, que chacune des deux sociétés mères avait exercé pendant toute la période de l’infraction une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale et que, en conséquence, Repsol YPF avait exercé pendant toute la période de l’infraction une influence déterminante sur la politique commerciale de RPA/Rylesa.

143    Il convient ici de rappeler, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, que la mise en œuvre de la présomption mentionnée au point précédent n’est pas subordonnée à la production d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la société mère (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 62, et Elf Aquitaine/Commission, précité, points 80 et 96).

144    La Commission n’a donc pas fait une application erronée de la présomption d’exercice effectif par une société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale intégrale.

145    En conséquence, le présent moyen doit être écarté, la question de savoir si les requérantes sont parvenues ou non à renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante sur le comportement de RPA/Rylesa étant examinée dans le cadre de la réponse au quatrième moyen.

146    Par ailleurs, en premier lieu, il convient d’ajouter que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le principe de responsabilité personnelle ou d’individualité des peines et des sanctions n’impose nullement une interprétation restrictive de la présomption d’exercice effectif par une société mère d’une influence déterminante sur sa filiale intégrale.

147    En effet, en vertu du principe d’individualité des peines et des sanctions, une personne physique ou morale ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de la concurrence (arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, Rec. p. II‑2149, point 178).

148    Toutefois, comme il ressort de la jurisprudence exposée au point 131 ci-dessus, ce principe doit se concilier avec la notion d’entreprise au sens de l’article 81 CE. Ainsi, lorsque l’entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine /Commission, précité, point 179).

149    Or, ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère. Dès lors, la société mère est personnellement condamnée pour une infraction qu’elle est censée avoir commise elle-même en raison des liens économiques et juridiques qui l’unissaient à sa filiale et qui lui permettaient de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché (arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 180).

150    En tout état de cause, la Cour a jugé que la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante vise justement à ménager un équilibre entre l’importance, d’une part, de l’objectif consistant à réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence, en particulier à l’article 81 CE, et d’en prévenir le renouvellement et, d’autre part, des exigences de certains principes généraux du droit de l’Union tels que, notamment, le principe de personnalité des peines. La Cour a estimé que c’est notamment pour cette raison que la présomption est réfragable (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 59).

151    Par suite, une telle présomption réfragable, qui ne porte pas atteinte aux principes de personnalité des peines ou de responsabilité personnelle, n’a pas à être appliquée de manière restrictive.

152    En second lieu, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la responsabilité de la société mère, lorsqu’elle est engagée du fait de la détention par celle-ci de la totalité du capital de sa filiale, n’est pas une responsabilité sans faute. En effet, même si la société mère ne participe pas directement à l’infraction, elle est présumée exercer une influence déterminante sur la filiale qui participe à l’infraction, dans le cas où elle détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de cette filiale (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 77).

153    Dans ces conditions, l’ensemble du présent moyen doit être écarté.

4.     Sur le quatrième moyen, pris d’une erreur de fait et de droit entachant l’examen des éléments de preuve produits par les requérantes dans leurs réponses à la communication des griefs au soutien de l’autonomie commerciale de RPA/Rylesa, et sur le cinquième moyen, pris de l’inaptitude des indices supplémentaires aux relations de participation des trois sociétés à conforter la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante

154    Il convient de rappeler que la possession par une société mère de la totalité du capital d’une filiale permet à la Commission de présumer que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 57, et la jurisprudence citée).

155    Par ailleurs, ainsi qu’il a été dit plus haut dans le cadre de l’examen du troisième moyen, la présomption d’exercice d’une influence déterminante s’applique à une société mère, que celle-ci détienne directement ou indirectement la totalité ou la quasi-totalité du capital de la filiale ayant participé à l’infraction.

156    Lorsque la présomption d’exercice d’une influence déterminante s’applique, il incombe à la société mère contestant devant le juge de l’Union une décision de la Commission retenant sa responsabilité pour un comportement relevant de sa filiale de renverser cette présomption, en apportant des éléments de preuve suffisant à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 57, et la jurisprudence citée).

157    Afin d’établir que sa filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, la société mère doit se fonder sur l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques l’unissant à cette filiale (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 58, et la jurisprudence citée).

158    Elle ne saurait se limiter à avancer de simples affirmations non étayées. En effet, d’une part, la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante repose sur le constat selon lequel, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, une société détenant la totalité du capital d’une filiale peut, au vu de cette seule part de capital, exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, l’absence d’exercice effectif de ce pouvoir d’influence peut normalement le plus utilement être recherchée dans la sphère des entités à l’encontre desquelles la présomption opère (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, points 60 et 61).

159    C’est à l’aune des considérations qui viennent d’être énoncées qu’il convient d’examiner si les requérantes apportent des éléments de preuve suffisants pour renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante de Repsol YPF et de Repsol Petróleo sur RPA/Rylesa.

160    À cet égard, dans le cadre de leur quatrième moyen, qui vise, en substance, à renverser cette présomption, les requérantes développent quatre griefs, le premier, tiré de l’absence d’identité des personnels dirigeants des sociétés requérantes, le deuxième, tiré de l’autonomie de fonctionnement de l’unité du bitume au sein du groupe Repsol, le troisième, tiré du caractère marginal de l’activité liée au bitume par rapport à l’ensemble des activités du groupe Repsol et, le quatrième, tiré de la communication de rapports périodiques de RPA/Rylesa à sa société mère.

161    Par ailleurs, dans le cadre du cinquième moyen, les requérantes contestent la validité des six indices supplémentaires retenus par la Commission dans la décision attaquée pour corroborer la présomption d’exercice d’une influence déterminante de Repsol Petróleo et de Repsol YPF sur RPA/Rylesa.

162    La Commission soutient que les quatrième et cinquième moyens doivent être écartés.

163    Il y a lieu d’examiner tout d’abord les quatre griefs développés par les requérantes dans le cadre du quatrième moyen.

a)     Sur l’absence d’identité des personnels dirigeants des sociétés requérantes

 Arguments des parties

164    Les requérantes soutiennent avoir indiqué au cours de la procédure administrative que les membres du conseil d’administration de RPA/Rylesa n’étaient pas les mêmes que ceux du conseil d’administration de Repsol Petróleo et de Repsol YPF et qu’il n’y avait jamais eu de membres en commun dans la composition de la direction de RPA/Rylesa et de ses entreprises mères.

165    En fait, pour imputer à la société mère les infractions commises par la filiale, la Commission et la jurisprudence se seraient fondées à de nombreuses reprises sur des liens personnels ou sur le fait que des directeurs de la filiale étaient les mêmes que ceux de la société mère. La Commission ne pourrait donc pas considérer que la présence des mêmes membres dans les conseils d’administration prouve l’existence d’une influence déterminante et nier que l’absence de mêmes membres constitue au moins un indice du contraire.

 Appréciation du tribunal

166    Il a été jugé que, bien que le fait qu’il y ait des dirigeants dans une société mère et sa filiale soit un indice de l’exercice d’une influence déterminante de la première sur la seconde, son absence ne saurait constituer un indice suffisant de l’autonomie de la filiale (arrêt du Tribunal du 14 juillet 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, T‑190/06, non encore publié au Recueil, point 65).

167    Par suite, le présent grief doit être écarté.

b)     Sur l’autonomie du fonctionnement de l’unité du bitume au sein du groupe Repsol

 Arguments des parties

168    Les requérantes rappellent avoir expliqué au cours de la procédure administrative le fonctionnement de l’unité du bitume chargée au sein du groupe Repsol de définir en toute indépendance la stratégie et la politique commerciale sur le marché en cause. Les requérantes auraient démontré que cette tâche était confiée à RPA/Rylesa, qui a adopté toutes les décisions à cet égard.

169    La Commission aurait disposé de nombreuses preuves démontrant que RPA/Rylesa était exclusivement dirigée par ses propres dirigeants, conformément à leurs pouvoirs statutaires. La Commission aurait reçu des explications précises sur les modalités des rapports de l’administrateur unique de RPA/Rylesa avec Repsol Petróleo, sur ses attributions formelles et sur leurs modalités d’exercice concrètes. L’intéressé aurait disposé des pouvoirs les plus larges pour gérer, diriger et administrer les affaires et les intérêts de RPA/Rylesa, à l’exclusion des compétences spécialement réservées à l’assemblée générale des actionnaires. Il ressortirait de tous les documents commerciaux produits par RPA/Rylesa que celle-ci était représentée par son administrateur ou par ses directeurs.

170    Tous les pouvoirs ayant trait à l’« activité commerciale courante » ou à « la négociation et à la signature des contrats », dont la Commission admet l’exercice exclusif par RPA/Rylesa, établiraient clairement que le type d’activité commerciale exercé par les directeurs de RPA/Rylesa ne peut nullement être considéré comme l’application pour l’essentiel de prétendues directives, que Repsol Petróleo et Repsol YPF ne lui ont, en réalité, jamais adressées.

171    La Commission aurait également reçu une copie des actes de l’administrateur unique déléguant, pendant la période de l’infraction, les pouvoirs de gestion commerciale les plus larges à des tiers, dénommés « directeurs » ou « administrateurs ». La Commission ne saurait valablement soutenir que l’attribution de pouvoirs de direction de la filiale à des personnes n’appartenant pas à la direction de la société mère est une caractéristique universelle de toute entreprise dûment gérée. La délégation de pouvoirs à des tiers et leur exercice sans ingérence de la société mère constitueraient une preuve du comportement autonome de RPA/Rylesa sur le marché.

172    Les requérantes auraient également établi que l’autonomie de fonctionnement de RPA/Rylesa était reconnue sur le marché, que les commandes des clients étaient traitées directement par RPA/Rylesa et non auprès de l’une de ses sociétés mères et que RPA/Rylesa assurait, à l’exclusion de ses sociétés mères, toutes les relations commerciales dans le secteur.

173    Au cours de sa vérification surprise au siège de RPA/Rylesa, la Commission n’aurait trouvé aucun document permettant de soupçonner une intervention dans la gestion de RPA/Rylesa de la part de Repsol Petróleo et encore moins de la part de Repsol YPF.

174    Contrairement à ce que soutient la Commission au considérant 408 de la décision attaquée, le pouvoir ultime de la société mère de destituer l’administrateur unique de la filiale ne serait pas un indice de l’exercice d’une influence déterminante, ni de l’application, pour l’essentiel, par cet administrateur des instructions données par la société mère. Les dirigeants de toute filiale ne pourraient être nommés que par la société mère en sa qualité d’actionnaire majoritaire. Dès lors, le pouvoir de la société mère de destituer l’administrateur ne révélerait pas l’exercice d’une influence déterminante dans un cas déterminé, mais serait une caractéristique commune de toute relation société mère/filiale.

175    Les requérantes font valoir que, contrairement à ce qu’affirme la décision attaquée, elles ne se sont pas limitées à une « déclaration générale » selon laquelle la « société mère n’était pas directement impliquée, voire ne connaissait pas l’existence de l’entente ». Elles reprochent au contraire à la Commission de s’être fondée sur des circonstances communes à toutes les sociétés mères, au lieu d’analyser la relation spécifique de RPA/Rylesa avec Repsol Petróleo définie dans les statuts de RPA/Rylesa, les procurations produites par les requérantes et les autres documents mentionnés. Une telle analyse générale serait susceptible de s’appliquer à n’importe quel groupe d’entreprises et mettrait toute filiale dans l’impossibilité de démontrer l’autonomie de son comportement sur le marché.

176    Les requérantes ajoutent que la présomption d’exercice d’une influence déterminante serait tout simplement illogique à tout point de vue dans le cas de Repsol YPF. Celle-ci ne nommerait pas l’administrateur unique de RPA/Rylesa, ni, a fortiori, les personnes auxquelles l’intéressé a délégué ses compétences pendant la période de l’infraction et dont elle ne connaissait même pas l’existence.

177    Il n’existerait aucun lien organisationnel ou économique entre Repsol YPF et RPA/Rylesa au-delà de celui établi par la loi espagnole aux fins de l’établissement de résultats financiers consolidés. Repsol YPF serait l’entreprise faîtière de l’un des dix plus grands groupes pétroliers privés au monde, dont l’activité s’étend à trois continents et qui comprend plus de 300 filiales contrôlées directement ou, comme dans le cas de RPA/Rylesa, indirectement. Le groupe serait présent dans l’exploration et la production de pétrole et de gaz naturel, le raffinage et le marketing, les activités pétrochimiques ainsi que le gaz et l’électricité. La production et la commercialisation de bitume ne seraient que l’une de ses multiples activités dans le secteur du raffinage et du marketing.

178    Il serait donc absurde de considérer que Repsol YPF a participé à la gestion commerciale de RPA/Rylesa pendant la période de l’infraction. Par ailleurs, comme il ressort clairement des documents produits devant la Commission pendant la procédure administrative, cette gestion aurait été indépendante et, étant donné sa faible importance économique par rapport à l’ensemble des activités commerciales du groupe Repsol, RPA/Rylesa n’aurait pas pu être contrôlée par Repsol YPF.

 Appréciation du tribunal

179    Selon la jurisprudence, l’application d’un modèle d’organisation fondé sur une philosophie de délégation maximale aux filiales ne constitue pas un élément de preuve susceptible de démontrer l’autonomie de ces dernières. Au contraire, l’introduction et l’application d’une telle stratégie ou de toute autre stratégie de management attestent plutôt l’existence d’un pouvoir de contrôle effectif de la société mère sur ses filiales. En tout état de cause, la délégation de l’autorité à la direction des filiales à 100 % est une pratique fréquemment utilisée et de ce fait ne prouve pas l’autonomie réelle des filiales (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Legris Industries/Commission, T‑376/06, non publié au Recueil, point 53).

180    De plus, la présomption d’exercice d’une influence déterminante ne saurait être renversée par la seule démonstration que c’est la filiale qui gère les aspects de sa politique commerciale sans recevoir de directives à cet égard (arrêt Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, points 57 et 64).

181    L’absence d’ordre ou d’instruction de la société mère à la filiale en ce qui concerne sa politique d’achat ou les réunions avec les autres membres de l’entente n’est pas non plus de nature à démontrer l’autonomie du comportement de la filiale sur le marché en cause (arrêt du Tribunal du 12 octobre 2011, Alliance One International/Commission, T‑41/05, non encore publié au Recueil, point 160).

182    Dans un groupe de sociétés, la division des tâches constitue un phénomène normal qui ne suffit pas à renverser la présomption en cause (arrêt Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, point 71).

183    Au regard de la jurisprudence citée dans les points qui précèdent, l’argumentation développée par les requérantes doit être écartée.

184    De plus, l’existence d’une large délégation de compétence accordée à l’administrateur unique de RPA/Rylesa ne permet pas de renverser la présomption en cause, car elle ne permet pas d’établir l’indépendance de cet administrateur à l’égard de Repsol Petróleo, laquelle, par le simple fait qu’elle dispose d’un pouvoir de révocation de l’administrateur, ce qui n’est pas contesté, est susceptible d’exercer une influence déterminante sur lui. À cet égard, les requérantes n’établissent pas, ni même n’allèguent, par exemple, que des mesures auraient été prises afin de garantir l’indépendance de l’administrateur unique de RPA/Rylesa à l’égard de Repsol Petróleo et donc, par voie de conséquence, de Repsol YPF.

185    De même, l’existence de délégations de compétence accordées par l’administrateur unique de RPA/Rylesa au bénéfice de directeurs de cette société ne permet pas d’établir l’indépendance de ces derniers à l’égard dudit administrateur et donc de Repsol Petróleo et de Repsol YPF.

186    Enfin, quant à la prétendue reconnaissance par le marché de l’autonomie de fonctionnement de RPA/Rylesa, il y a lieu de rappeler que la perception par des tiers de l’image d’une société ne saurait suffire en elle-même à démontrer qu’une filiale est autonome vis-à-vis de sa ou de ses sociétés mères (arrêt Total et Elf Aquitaine/Commission, précité, point 78).

187    Il résulte de ce qui précède que l’argumentation des requérantes relative à l’autonomie de RPA/Rylesa à l’égard de Repsol Petróleo et de Repsol YPF, en tant qu’elle est présentée dans le cadre du présent grief, doit être écartée.

188    Par ailleurs, les requérantes ne sauraient utilement invoquer l’argument selon lequel la Commission n’aurait trouvé au cours de sa vérification surprise au siège de RPA/Rylesa aucun document permettant de soupçonner une intervention dans la gestion de RPA/Rylesa émanant de Repsol Petróleo ou de Repsol YPF.

189    En effet, dès lors que s’applique la présomption relative à l’exercice effectif par les sociétés mères d’une influence déterminante sur le comportement de leur filiale, il n’incombe pas à la Commission d’apporter la preuve concrète de l’existence d’une telle influence.

190    De même, du fait que l’existence d’une influence de Repsol YPF sur RPA/Rylesa est présumée, les requérantes ne peuvent se borner à invoquer le fait qu’il serait absurde, eu égard aux caractéristiques du groupe Repsol et, notamment, à sa taille, de considérer que Repsol YPF a participé à la gestion commerciale de RPA/Rylesa.

191    Enfin, les requérantes se prévalent d’éléments tendant, selon elles, à démontrer que l’unité du bitume constituée au sein du groupe, laquelle comprenait RPA/Rylesa et Asfalnor, était dirigée par RPA/Rylesa sans aucune intervention de la part de Repsol Petróleo ou de Repsol YPF.

192    En réalité, si les éléments invoqués – notamment une correspondance dans laquelle Repsol Petróleo donne une procuration aux représentants de RPA/Rylesa pour exercer les droits de vote liés à sa participation au capital lors des assemblées générales d’actionnaires d’Asfalnor ou encore le schéma d’organisation du personnel apparaissant sur l’intranet du groupe Repsol, lequel fait apparaître les vendeurs d’Asfalnor comme étant sous l’autorité du sous-directeur des asphaltes et de la production de RPA/Rylesa – attestent de l’existence d’un contrôle de RPA/Rylesa sur l’activité d’Asfalnor, ils ne permettent pas pour autant d’établir une absence de contrôle des sociétés mères sur RPA/Rylesa.

193    À cet égard, il convient d’ajouter que le fait que RPA/Rylesa ait pu exercer un contrôle sur Asfalnor, qui est également une filiale de Repsol YPF, alors qu’elle ne dispose d’aucune participation dans le capital d’Asfalnor, tend plutôt à démontrer l’insertion de ces deux sociétés dans une unité économique plus large, contrôlée par Repsol YPF, ce qui conforte la responsabilité de cette dernière.

194    Au final, il convient donc d’écarter le présent grief.

c)     Sur le caractère marginal de l’activité liée au bitume par rapport à l’ensemble des activités du groupe Repsol

 Arguments des parties

195    Les requérantes soulignent que l’importance du bitume est absolument marginale par rapport à l’ensemble des activités commerciales de Repsol. Au cours de la période infractionnelle, les ventes de ce produit n’auraient représenté que 1,68 % du chiffre d’affaires de Repsol Petróleo et 0,36 % du chiffre d’affaires global de Repsol YPF.

 Appréciation du tribunal

196    Il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, l’importance mineure que représente l’activité de la filiale auteur de l’infraction dans la politique industrielle du groupe auquel elle appartient ne saurait prouver que la société mère a laissé cette filiale définir son comportement sur le marché de façon autonome.

197    En effet, bien que la part de l’activité en cause soit limitée par rapport à l’ensemble des activités du groupe, l’existence même de cette activité au sein d’un groupe témoigne de l’intérêt qu’elle présente pour la société mère.

198    Par suite, le présent grief doit être écarté.

d)     Sur la communication de rapports périodiques de RPA/Rylesa à sa société mère

 Arguments des parties

199    Au soutien de leur thèse selon laquelle elles ont démontré avoir renversé la présomption d’exercice d’une influence déterminante, les requérantes soulignent qu’elles ont expliqué à la Commission que les rapports mensuels et annuels de RPA/Rylesa informant Repsol Petróleo des résultats comptables et financiers de son activité, dont une copie a été communiquée à la Commission, avaient un caractère purement comptable et ne permettaient pas de déduire que Repsol Petróleo exerçait une influence déterminante sur l’activité commerciale de RPA/Rylesa. Ces rapports auraient seulement permis à Repsol Petróleo de connaître les principaux indicateurs financiers de l’activité de RPA/Rylesa.

200    Le contenu des rapports n’aurait jamais permis à Repsol Petróleo de connaître la stratégie commerciale de RPA/Rylesa sur le marché et prouverait encore moins que la première donnait des instructions à la seconde. Les rapports en question constitueraient donc une preuve à décharge de la responsabilité de Repsol Petróleo ainsi qu’une preuve objective de l’autonomie commerciale de RPA/Rylesa. Ils montreraient que le contrôle exercé par Repsol Petróleo sur RPA/Rylesa était manifestement insuffisant pour permettre de retenir l’exercice par Repsol Petróleo d’une influence déterminante sur le comportement commercial de RPA/Rylesa.

 Appréciation du tribunal

201    Dès lors que s’applique la présomption relative à l’exercice effectif par les sociétés mères d’une influence déterminante sur le comportement de leur filiale, il n’appartient pas à la Commission d’établir l’exercice effectif d’un contrôle de Repsol Petróleo et de Repsol YPF sur le comportement de RPA/Rylesa, mais aux requérantes d’établir l’autonomie de comportement de RPA/Rylesa.

202    Par suite, il importe peu que les rapports dont se prévalent les requérantes n’aient pu, comme celles-ci le soutiennent, permettre aux sociétés mères de contrôler l’activité commerciale de RPA/Rylesa.

203    En effet, même à la supposer avérée, cette allégation n’exclurait nullement l’existence d’un contrôle des sociétés mères s’exerçant par d’autres voies.

204    À cet égard, il convient de rappeler que le fait qu’une société mère n’a jamais mis en place de mécanisme de contrôle des activités de sa filiale dans le domaine concerné par l’infraction ne saurait suffire à établir que cette dernière a agi de manière autonome sur le marché en cause (arrêt Alliance One International/Commission, précité, point 160).

205    Au demeurant, la transmission, à intervalles réguliers, d’un document dont il a été confirmé à l’audience par les requérantes qu’il contenait des informations sur l’évolution des ventes, les marges commerciales et les investissements démontre, pour le moins, l’existence d’un suivi de l’activité de sa filiale par Repsol Petróleo.

206    Le présent grief doit donc être écarté.

207    En conséquence, aucun des éléments développés par les requérantes dans le cadre du présent moyen n’est de nature à lui seul à démontrer l’autonomie du comportement de RPA/Rylesa à l’égard de Repsol Petróleo et de Repsol YPF. De même, pris dans leur ensemble, ces éléments ne permettent pas de renverser la présomption d’exercice effectif par Repsol YPF et Repsol Petróleo d’une influence déterminante sur le comportement de RPA/Rylesa.

208    À titre surabondant, il convient de relever que certains des indices supplémentaires sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée révèlent l’existence de liens significatifs entre les requérantes, lesquels viennent conforter le fait que ces dernières constituent une seule unité économique.

209    Tout d’abord, au considérant 397, sous a), de la décision attaquée, il est précisé qu’une des activités commerciales de Repsol Petróleo consiste à produire du bitume qu’elle vend ensuite à RPA/Rylesa aux fins de sa transformation et de sa commercialisation. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la double qualité de Repsol Petróleo, qui est à la fois le propriétaire et le fournisseur de RPA/Rylesa, est de nature à créer des relations verticales et des synergies entre ces deux sociétés, lesquelles confortent l’existence d’une entité économique unique.

210    Ensuite, c’est à juste titre que la Commission, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, indique au considérant 397, sous d), de la décision attaquée que l’usage du terme « Repsol » utilisé dans la dénomination de RPA/Rylesa ne peut être qualifié d’anodin. En effet, cet usage permet à cette filiale d’utiliser la « marque Repsol » et sa valeur commerciale pour promouvoir ses activités, de sorte que le comportement de RPA/Rylesa est susceptible d’affecter la réputation du groupe Repsol dans son ensemble. Il n’est dès lors pas déraisonnable de penser qu’une société mère, telle que Repsol YPF, dans la mesure où elle permet à une filiale et à une filiale de cette filiale d’utiliser sur le marché le même nom qu’elle, contrôle les activités de ces sociétés et leurs conséquences potentielles sur sa réputation auprès des consommateurs.

211    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent, les requérantes n’ayant pas été en mesure de démontrer l’autonomie du comportement de RPA/Rylesa sur le marché en cause, que la présomption d’exercice par Repsol Petróleo et Repsol YPF d’une influence déterminante sur le comportement concurrentiel de RPA/Rylesa ne peut être considérée comme renversée.

212    S’agissant des autres indices supplémentaires sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas été examinés aux points 208 à 210 ci-dessus, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, l’application de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère sur sa filiale intégrale n’est pas subordonnée à la production d’indices supplémentaires établissant cette influence (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, précité, points 80 et 96, et arrêt Arkema France e.a./Commission, précité, point 49).

213    La Commission n’est donc pas tenue, lorsque la présomption de l’exercice effectif par une société mère d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale intégrale n’a pas été renversée, d’apporter des indices supplémentaires pour établir cette influence aux fins de retenir la responsabilité de la société mère au titre du comportement de sa filiale.

214    Or, ainsi qu’il vient d’être énoncé, les requérantes ne sont pas parvenues en l’espèce à renverser la présomption en cause.

215    Dans ces conditions, l’inaptitude à conforter la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante qui pourrait affecter certains des indices supplémentaires sur les liens d’actionnariat des trois sociétés que la Commission a retenus à seule fin de conforter cette présomption est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

216    Il résulte de tout ce qui précède que les quatrième et cinquième moyens doivent être écartés.

5.     Sur le sixième moyen, pris de la fixation du montant de l’amende en méconnaissance des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

a)     Arguments des parties

217    Les requérantes estiment que le montant de l’amende infligée devrait être réduit dans la mesure où la Commission a dépassé les limites de son pouvoir discrétionnaire et enfreint le principe de proportionnalité en fixant un montant de base de l’amende arbitraire, excessif et disproportionné. Ce montant serait sans rapport avec l’étendue géographique de l’infraction et avec la taille du marché concerné et méconnaîtrait l’impact concret de l’infraction.

218    Au considérant 509 de la décision attaquée, la Commission aurait affirmé que les accords examinés avaient constitué, au vu de leur nature, une infraction « très grave », que cette conclusion avait été formulée indépendamment de la question de savoir si l’entente avait eu un effet mesurable sur le marché et avait pris en compte le fait que la collusion concernait uniquement le marché espagnol.

219    À supposer même qu’elle soit en droit de qualifier ainsi une infraction sur le seul fondement de sa nature, la Commission ne pourrait en aucun cas, lorsqu’elle a considéré l’infraction comme « très grave » et fixé à 20 000 000 euros le montant de départ indicatif de l’amende, négliger les autres éléments d’analyse indispensables, ni, a fortiori, doubler ce montant sans préciser les motifs qui l’ont amenée à le faire.

220    En premier lieu, s’agissant du paramètre relatif à l’étendue géographique de l’infraction en cause, la Commission aurait considéré dans le passé que le caractère « national » des comportements examinés emportait leur qualification d’infractions « graves » et non d’infractions « très graves ». Dans de tel cas, la Commission n’aurait jamais fixé de montants généraux de départ des amendes supérieurs au montant retenu dans la présente affaire.

221    À cet égard, les requérantes reprochent à la Commission de confondre les montants de départ spécifiques et généraux des amendes et soulignent qu’elles se réfèrent aux seconds et non aux premiers, lesquels sont déterminés en fonction de critères subjectifs autres que celui de la gravité de l’infraction. Tous les montants de départ spécifiques cités par la Commission seraient eux-mêmes inférieurs à celui de l’espèce, alors que les affaires dans lesquelles ils ont été fixés se rapportaient à des ententes couvrant l’ensemble de l’Espace économique européen (EEE).

222    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que le marché sectoriel en cause présente une faible valeur économique et rappellent à ce propos qu’un montant de départ spécifique de l’amende de 25 000 000 euros, tenant compte de l’importance relative de chaque entreprise, a été jugé proportionné dans le cas d’une infraction très grave de portée nationale, alors que la valeur des ventes du produit concerné était de 1 200 000 000 euros (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 191).

223    Dans sa décision 2003/674/CE, du 2 juillet 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire C.37.519 – Méthionine) (JO 2003, L 255, p. 1), la Commission aurait établi un montant de départ spécifique maximal de 35 000 000 euros en présence d’une valeur du marché du produit concerné de 260 000 000 euros, tout à fait semblable à celle du marché du bitume de pénétration en Espagne en 2001, alors qu’il s’agissait d’une infraction « très grave » consistant en des pratiques de partage des marchés et de fixation de prix couvrant l’ensemble de l’EEE.

224    Les requérantes considèrent de surcroît que le montant de base retenu en l’espèce devrait être réduit, au motif qu’il représente une forte proportion, soit 41 %, du chiffre d’affaires réalisé par Repsol sur le marché sectoriel en cause, bien que l’infraction soit circonscrite à un marché infra-étatique de faible valeur et sur lequel le groupe Repsol réalise moins de 0,36 % de sa facturation.

225    Les affaires que la Commission cite dans le but de démontrer que le montant de départ de l’amende retenu dépassait le volume des ventes sur le marché en cause se rapporteraient à des infractions couvrant l’ensemble de l’EEE. De surcroît, les montants mentionnés par la Commission seraient des montants spécifiques, alors que les requérantes fondent leurs allégations sur un montant de départ général fixé en l’espèce à 40 000 000 euros.

226    La pratique consistant à fixer le montant de départ de l’amende au regard principalement de la nature de l’infraction et à ignorer, sans l’admettre, des données essentielles, telles que l’étendue géographique et la taille du marché en cause, serait potentiellement contradictoire avec l’application des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

227    En troisième lieu, les requérantes estiment que la Commission doit prendre en compte l’impact concret de l’infraction sur le marché lorsqu’il est mesurable. Indépendamment du fait qu’elle n’est pas tenue de quantifier exactement les effets de l’entente, la Commission aurait néanmoins l’obligation de pondérer les facteurs susceptibles de nuancer les effets de l’infraction sur la base des informations dont elle dispose.

228    La jurisprudence ne saurait être interprétée en ce sens que seuls peuvent être pris en considération les effets identifiables avec une précision absolue, ce qui est très rarement le cas, mais plutôt en ce sens qu’il faut prendre en compte les éléments en possession de la Commission susceptibles de contribuer à la détermination de l’ampleur desdits effets. En conséquence, dès lors que la Commission considère que l’entente a eu des effets limités, cette conclusion devrait se refléter dans le calcul du montant de l’amende.

229    La Commission ne pourrait pas se contenter d’affirmer que, une fois mis en œuvre, il est « probable » que les accords produisent leurs effets. La Commission aurait elle-même reconnu que les critères de la mise en œuvre et de l’impact concret d’une entente sur le marché concerné ne sauraient être confondus et qu’il lui incombe d’apporter des preuves à ce sujet. La Commission aurait aussi admis que la mise en œuvre d’une entente est une condition préalable et nécessaire à la démonstration de son impact concret, sans pour autant être une condition suffisante à cette démonstration. Dans son arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission (T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 232), le Tribunal aurait jugé que les références à l’objet d’un accord sont uniquement des indications tendant à démontrer que l’infraction était susceptible d’engendrer des effets anticoncurrentiels significatifs et non que tel ait réellement été le cas.

230    Pour des raisons évidentes, il ne serait pas acceptable que la Commission puisse imposer une sanction supérieure à 80 000 000 euros sans être obligée de prendre en considération les éléments pertinents produits en l’espèce par les requérantes, à savoir :

–        les défauts d’exécution constants de l’accord de la part de toutes les entreprises impliquées ;

–        les déficiences constatées dans l’application des systèmes de contrôle ;

–        l’inapplication des mécanismes de sanction ;

–        l’existence d’importations pendant toute la durée de l’accord, une période pendant laquelle plusieurs concurrents sont entrés sur le marché espagnol, et l’absence de stratégie d’exclusion de l’entente à l’égard des importateurs ;

–        les fluctuations de prix correspondant uniquement aux variations de prix des matières premières, l’évolution des prix du bitume de pénétration étant parallèle à celle du fuel lourd, son produit de référence ;

–        le maintien des prix du bitume de pénétration en Espagne sur la base de ceux en vigueur dans d’autres États membres.

231    Les requérantes demandent donc au Tribunal de prendre en considération, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, tous ces éléments complémentaires pour constater le caractère disproportionné du montant de l’amende, substituer sa propre appréciation à celle de la Commission et, par conséquent, réduire le montant de départ de l’amende fixé à 40 000 000 euros.

232    La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.

b)     Appréciation du Tribunal

233    L’argumentation des requérantes les conduit en substance à contester, d’une part, la qualification de l’infraction retenue par la Commission et, d’autre part, le montant de l’amende qu’elle leur a appliqué. Il convient d’examiner successivement ces deux aspects.

 Sur la qualification de l’infraction

234    Au considérant 500 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que chacun des deux groupes de comportements anticoncurrentiels constatés, les accords horizontaux de partage du marché et la coordination des prix, relevait, de par sa nature même, des types d’infractions les plus graves à l’article 81 CE et que la jurisprudence avait confirmé que ce type de restrictions pouvait justifier la classification d’infractions « très graves » uniquement au vu de leur nature, sans qu’il soit nécessaire, pour de tels comportements, d’avoir un impact particulier.

235    La Commission a réaffirmé au considérant 509 de la décision attaquée que, étant donné la nature des comportements infractionnels constatés, les entreprises destinataires de la décision attaquée avaient commis une infraction très grave à l’article 81 CE et précisé que cette conclusion était formulée indépendamment de la question de savoir si l’entente avait eu un impact mesurable sur le marché.

236    À cet égard, il résulte de la description indicative des infractions très graves qui figure au point 1 A des lignes directrices de 1998, dont la Commission a fait application dans la décision attaquée, que des accords ou pratiques concertées visant, comme en l’espèce, à la répartition des marchés et à la fixation des prix peuvent emporter une telle qualification sur le seul fondement de leur nature propre, sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par une étendue géographique particulière ou par l’impact de l’infraction sur le marché (arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, points 75 et 81).

237    Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description indicative que le point 1 A des lignes directrices de 1998 donne des infractions ayant vocation à être considérées comme graves mentionne qu’il s’agira d’infractions du même type que celles définies comme peu graves, « mais dont l’application est plus rigoureuse, dont l’impact sur le marché est plus large et qui peuvent produire leurs effets sur des zones étendues du marché commun », celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune autre exigence que la nature propre de l’infraction en cause (arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 103, et arrêt Groupe Danone/Commission, précité, point 150).

238    Il s’ensuit que les accords de répartition du marché et les activités de coordination des prix auxquels ont participé les requérantes ont pu être qualifiés à bon droit par la Commission d’infraction très grave à l’article 81, paragraphe 1, CE sur le seul fondement de leur nature propre.

 Sur le montant de l’amende appliqué aux requérantes

239    Il convient de rappeler que la Commission a d’abord déterminé un montant de départ de l’amende qu’elle a fixé à 40 000 000 euros, compte tenu à la fois du fait qu’elle qualifiait les infractions retenues de « très graves », de l’étendue géographique du marché concerné et de sa valeur (voir point 74 ci-dessus).

240    Sur la base de ce montant de départ, la Commission a appliqué un traitement différencié à chacun des participants à l’entente en prenant en compte la part qu’occupait chacun d’eux dans le marché du bitume de pénétration pour l’Espagne en 2001, c’est-à-dire durant la dernière année complète de l’infraction (considérants 511 à 515 de la décision attaquée).

241    Ainsi, la Commission a procédé au classement en trois catégories des participants à l’entente, estimant, notamment, que le montant de départ pour le calcul de l’amende, fixé à 40 000 000 euros, devait s’appliquer pleinement à Repsol et à PROAS, dont les parts de marché étaient estimées entre 31,67 et 34,04 % (considérants 514 à 515 de la décision attaquée).

242    C’est donc sur la base d’un montant de 40 000 000 euros, équivalant au montant de départ, que la Commission s’est ensuite fondée pour calculer le montant de l’amende due par Repsol.

243    La Commission a ainsi appliqué à ce montant un coefficient multiplicateur sur la base du chiffre d’affaires global de Repsol en 2006. Elle a ensuite augmenté le montant de l’amende pour tenir compte de la durée de la participation de Repsol à l’infraction et de son rôle de meneur. Pour finir, elle a réduit le montant de l’amende sur le fondement de la communication de 2002, parvenant alors à un montant final de 80 496 000 euros.

244    S’agissant du grief relatif à la méconnaissance du principe de proportionnalité, il convient tout d’abord d’examiner la critique que les requérantes portent spécifiquement sur le montant de départ de l’amende.

245    À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de constater que l’infraction en cause a été qualifiée de « très grave » par la Commission et, ainsi qu’il ressort du point 238 ci-dessus, que les requérantes n’ont pas établi que cette qualification était erronée.

246    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’étendue géographique de l’infraction, il n’est pas contesté que l’infraction en cause se rapporte au bitume de pénétration vendu en Espagne (à l’exception des îles Canaries).

247    Sur ce point, les requérantes n’établissent pas qu’un tel marché ne serait pas de dimension nationale, mais, comme elles le soutiennent, de dimension « infra-étatique ».

248    Or, il ressort de la jurisprudence qu’un marché géographique de dimension nationale correspond à une partie substantielle du marché commun (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 28 ; arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 176, et Groupe Danone/Commission, précité, point 150).

249    En troisième lieu, il est constant que la valeur totale du marché espagnol du bitume de pénétration a représenté 286 400 000 euros en 2001, dernière année complète de l’infraction en cause. Il est également constant que les ventes de Repsol concernant le bitume espagnol étaient en 2001 de 97 500 000 euros, soit 34,04 % du marché concerné.

250    Au regard de ce pourcentage et de ces deux montants, ainsi que de la gravité de l’infraction et de l’étendue du marché géographique concerné, le montant de 40 000 000 euros appliqué à Repsol pour servir de base au calcul du montant de l’amende n’apparaît pas disproportionné.

251    Il convient de préciser que, eu égard aux éléments qu’elle a pris en compte, la Commission a pu valablement retenir un tel montant sans devoir prendre en compte l’impact concret de l’entente.

252    Ainsi, à supposer même établie l’absence d’impact concret de l’entente, celle-ci ne saurait conduire le Tribunal à conclure à une méconnaissance du principe de proportionnalité.

253    S’agissant toujours du caractère proportionné du montant de 40 000 000 euros appliqué à Repsol pour servir de base au calcul de l’amende, il convient de relever qu’aucune disposition des lignes directrices de 1998 ne prévoit que le montant servant de base au calcul de l’amende devrait être réduit au motif qu’il représenterait une forte proportion du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise ayant participé à l’infraction. En tout état de cause, le seul fait que ce montant représente 41 % du chiffre d’affaires que Repsol réalisait sur le marché du bitume ne permet pas de conclure à son caractère disproportionné.

254    Par ailleurs, il convient également de relever que l’analyse de la « capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs » – analyse que la Commission se doit d’effectuer, conformément au point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices, en tant qu’élément « nécessaire » de l’évaluation de la gravité d’une infraction –, implique une appréciation de l’importance réelle des entreprises concernées sur le marché affecté, c’est-à-dire de leur influence sur celui-ci. Dans ce contexte, les parts de marché, en volume ou en valeur, détenues par les entreprises en cause sur le marché concerné sont un élément d’appréciation pertinent, en ce qu’elles permettent de déterminer l’importance relative de chacune d’entre elles sur ce marché (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, point 58, et la jurisprudence citée).

255    À cet égard, il a été jugé que, même en l’absence de preuve d’une incidence concrète de l’infraction sur le marché, la Commission est en droit de procéder à un traitement différencié, en fonction des parts détenues sur le marché concerné. En effet, la part de marché de chacune des entreprises concernées sur le marché ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la responsabilité de chacune en ce qui concerne la nocivité potentielle de ladite pratique pour le jeu normal de la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, Rec. p. II‑1167, points 61 et 62, et la jurisprudence citée).

256    Ainsi, à supposer même établie l’absence d’impact concret de l’entente, la Commission pouvait à bon droit prendre en compte les ventes de Repsol concernant le bitume espagnol en 2001 pour retenir un montant de 40 000 000 euros aux fins de servir de base au calcul de l’amende de Repsol.

257    Enfin, dès lors que la Commission s’est expressément référée, au considérant 514 de la décision attaquée, à la part du marché en cause détenue par les requérantes et, aux considérants 509 et 510 de ladite décision, à la nature très grave de l’infraction constatée ainsi qu’à la valeur du marché en cause et à son étendue géographique, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission n’a pas précisé les motifs qui l’ont amenée à retenir un montant de 40 000 000 euros pour servir de base au calcul de l’amende de Repsol.

258    Il résulte de ce qui précède qu’aucune erreur ne peut être relevée quant à la détermination par la Commission du montant de 40 000 000 euros ayant servi de base au calcul de l’amende infligée à Repsol.

259    En ce qui concerne le montant final de l’amende, les requérantes n’établissent pas l’existence d’une erreur entachant les éléments pris en compte par la Commission pour moduler le montant de départ de l’amende qui leur a été infligée et parvenir à son montant final, que ce soit lorsque la Commission a appliqué un coefficient multiplicateur de 1,2 fondé sur le chiffre d’affaire global du groupe Repsol, lorsqu’elle a augmenté le montant de l’amende compte tenu du fait que Repsol avait participé à l’infraction pendant une période de onze ans et sept mois, lorsqu’elle a majoré ensuite de 30 % ce montant en raison du rôle de meneur de l’infraction de Repsol (voir, sur ce dernier point, l’examen du septième moyen) ou lorsque, pour finir, elle a réduit le montant de l’amende sur le fondement de la communication de 2002 (voir, sur ce dernier point, l’examen du huitième moyen).

260    Au regard de l’ensemble des éléments pris en compte par la Commission, le montant final de l’amende appliqué aux requérantes, soit 80 496 000 euros, n’apparaît pas disproportionné.

261    Il convient de préciser que, eu égard aux éléments qu’elle avait pris en compte, la Commission a pu valablement retenir un tel montant sans avoir été tenue de prendre en compte l’impact concret de l’entente.

262    Ainsi, à supposer même établie l’absence d’impact concret de l’entente sur le marché en cause, celle-ci ne saurait conduire le Tribunal à conclure à une méconnaissance du principe de proportionnalité.

263    Par suite, sont dépourvues de pertinence les éléments dont se prévalent les requérantes dans le but de démontrer les effets limités de l’entente.

264    À supposer même qu’en se prévalant de certains de ces éléments, les requérantes aient entendu invoquer l’existence d’une circonstance atténuante au titre de la non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles prévue par les dispositions du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices de 1998, cet argument devrait être écarté.

265    En effet, il convient de rappeler que la Commission n’est tenue de reconnaître l’existence d’une circonstance atténuante du fait de l’absence de mise en œuvre d’une entente que si l’entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu’elle s’est clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, et qu’elle n’a pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause. Il serait effectivement trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende si elles pouvaient profiter d’une entente illicite et bénéficier ensuite d’une réduction du montant de l’amende au motif qu’elles n’avaient joué qu’un rôle limité dans la mise en œuvre de l’infraction, alors que leur attitude a incité d’autres entreprises à se comporter d’une manière plus nuisible à la concurrence (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 277, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 491).

266    En l’espèce, à supposer même qu’elle soit établie, la circonstance que les accords de répartition du marché, le système de surveillance ou le mécanisme de compensation n’aient pas toujours été appliqués ne peut s’analyser en une opposition des requérantes à la mise en œuvre de l’entente au sens de la jurisprudence citée au point précédent.

267    S’agissant, enfin, du grief relatif à la méconnaissance du principe d’égalité de traitement, il a été jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique applicable aux amendes en matière de droit de la concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires n’ont qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (voir arrêt de la Cour du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, non encore publié au Recueil, point 104, et la jurisprudence citée).

268    Ainsi, le fait que la Commission a imposé, dans le passé, des amendes se situant à un niveau déterminé pour certaines catégories d’infractions ne saurait l’empêcher de les fixer à un niveau plus élevé, si un relèvement des sanctions est jugé nécessaire afin d’assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence de l’Union, celle-ci restant uniquement définie par le règlement n° 1/2003 (voir arrêt Tomra Systems e.a./Commission, précité, point 105, et la jurisprudence citée).

269    La Cour a, en effet, souligné que la mise en œuvre de ladite politique exige que la Commission puisse adapter le niveau des amendes en fonction des impératifs de la politique en la matière (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 109).

270    Par suite, les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir de décisions antérieures adoptées par la Commission en matière de concurrence pour invoquer l’existence d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement, que leur grief vise à contester le montant de l’amende qui leur a été infligée ou la qualification de la gravité de l’infraction retenue à leur égard.

271    En conséquence, aucune erreur n’ayant été commise par la Commission, le présent moyen doit être écarté.

6.     Sur le septième moyen, pris d’une erreur d’appréciation des faits à l’origine de l’attribution à Repsol et à PROAS de la qualification de meneur de l’entente

a)     Arguments des parties

272    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation des faits au considérant 536 de la décision attaquée en retenant à l’égard de Repsol et de PROAS la circonstance aggravante de leur qualité de meneurs de l’entente.

273    Les termes utilisés par la décision attaquée, « consensus », « accord », « discussion » ou « défense », montreraient que les décisions étaient prises avec l’accord de tous les participants, c’est-à-dire qu’elles étaient négociées entre tous les opérateurs, sans jamais être imposées ni induites par l’un ou plusieurs d’entre eux.

274    En ce qui concerne les réunions bilatérales, les requérantes s’interrogent sur les raisons ayant amené la Commission à qualifier Repsol et PROAS de meneurs de l’entente pour la seule raison qu’elles avaient vendu sur tout le territoire géographique en cause et que, pour ce motif, elles avaient eu accès aux informations relatives à tout ce territoire et participé à toutes les réunions concernant leur territoire.

275    Certes, comme la décision attaquée l’expose correctement, un accord final intervenait entre deux salariés de Repsol et de PROAS sur les questions de répartition du marché non encore résolues et, au terme de la répartition du marché par les trois producteurs de bitume, Repsol ou PROAS tenaient une réunion avec Nynäs et une autre avec Petrogal pour les informer et négocier les volumes de vente et les clients qui leur seraient attribués à chacune dans leurs zones d’influence respectives.

276    Toutefois, ces circonstances ne suffiraient pas à considérer que Repsol et PROAS ont exercé le rôle de « responsables » de la gestion de l’entente. Elles démontreraient précisément l’absence de rôle de meneur, dès lors que le rôle des trois opérateurs principaux, Repsol, PROAS et BP, était similaire et n’a jamais été un rôle de meneur à l’égard de Nynäs et de Petrogal.

277    Les problèmes résiduels de répartition du marché, qui faisaient l’objet d’un accord final au cours d’un déjeuner entre un salarié de Repsol et un salarié de PROAS [considérant 130, sous e), de la décision attaquée], n’auraient pas présenté d’intérêt pour BP, Nynäs ou Petrogal, dont les zones d’influence n’étaient pas concernées. Les conversations auraient été bilatérales ou trilatérales ou auraient regroupé tous les participants à l’entente selon que les recoupements se produisaient entre les seules zones d’influence de Repsol et de PROAS, ou entre celles-ci et chaque zone des autres entreprises. Repsol et PROAS étant les seuls acteurs d’importance nationale, les zones d’influence des trois autres opérateurs ne se seraient jamais recoupées.

278    La constatation exposée au considérant 534, sous b), de la décision attaquée selon laquelle un salarié de Repsol et un salarié de PROAS « présidaient » régulièrement les réunions n’aurait pas d’incidence sur le fonctionnement de l’entente, l’important étant l’ordre du jour et l’adoption constante des décisions par consensus. En outre, la présidence habituelle des réunions par les requérantes n’impliquerait pas qu’il n’y ait pas eu d’autres personnes assumant cette charge.

279    L’affirmation selon laquelle Repsol a attribué une part de marché à Nynäs et à Petrogal, au moment de leur entrée sur le marché espagnol, reposerait uniquement sur la réponse de BP à une demande de renseignements et sur une note interne de BP visée au considérant 201 de la décision attaquée. La Commission ne pourrait, sans vérification préalable, fonder l’existence d’un rôle de meneur sur des affirmations générales d’un tiers impliqué, non étayées par le moindre élément de preuve, à plus forte raison lorsque les deux parties directement concernées, Repsol et, ainsi qu’il ressort du considérant 202 de la décision attaquée, Nynäs, contestent l’attribution d’un quelconque quota à l’entrée sur le marché.

280    En fait, la note interne de BP reconnaîtrait que Nynäs était déjà entrée sur le marché en 1988, de sorte que la détermination ultérieure de parts de marché à l’entrée est contraire à la logique de marché la plus élémentaire. La Commission ne pourrait davantage se fonder sur la citation, au considérant 125 de la décision attaquée, d’une réponse de BP à une demande de renseignements selon laquelle Repsol et PROAS auraient offert à Petrogal une part de marché dans sa zone d’influence.

281    La gestion de la coordination des prix évoquée au considérant 534, sous d) et k), de la décision attaquée n’aurait pas été uniquement le fait de Repsol et de PROAS, puisque tous les opérateurs y ont participé. Ces hausses de prix n’auraient pas été décidées uniquement au cours des réunions bilatérales entre Repsol et PROAS, car BP participait parfois également à ce type de réunions et d’accords.

282    La Commission aurait confondu leadership du marché et rôle de meneur de l’entente. La négociation obligée des prix avec Repsol et PROAS aurait été due à leur part de marché et non à un rôle de meneur de l’entente. Étant donné leur part de marché, l’entente devait fonctionner avec leur accord. Cette circonstance résulterait d’un fait objectif tenant à la structure du marché et non d’un fait subjectif tenant à un degré supérieur d’implication dans l’entente. La qualité de leader du marché, déjà reflétée dans le poids spécifique dans l’entente attribué à Repsol aux fins du calcul du montant de base de l’amende, ne pourrait pas entraîner automatiquement celle de meneur de toute l’entente à laquelle il participe. La Commission n’aurait pas démontré comment Repsol a utilisé sa puissance sur le marché pour imposer sans négociation des prix aux autres membres de l’entente.

283    Leur qualité de leaders du marché ne pourrait justifier à elle seule l’imposition à Repsol et à PROAS d’une amende supérieure au titre de la circonstance aggravante relative au rôle de meneur de l’entente, ainsi qu’il ressort de la pratique de la Commission et de la jurisprudence. Outre le fait qu’elle a commis une erreur d’appréciation, la Commission se serait écartée de sa pratique décisionnelle, sans aucune motivation.

284    Le rôle joué par Repsol et par PROAS aurait été atténué par le fait que les prix étaient fondés sur une formule mathématique intégrant l’augmentation du prix des matières premières et, comme l’élément fondamental était les quotas négociés, ces prix auraient été purement indicatifs et n’auraient généralement pas été suivis par les opérateurs.

285    Les requérantes contestent la répartition tripartite des rôles dans l’entente effectuée par la Commission entre deux entreprises qualifiées de meneurs de l’entente, Repsol et PROAS, une entreprise dont le comportement n’a pas été qualifié, BP, et deux autres entreprises, Petrogal et Nynäs, dont la participation a été moins régulière ou moins active, selon le considérant 567 de la décision attaquée. Il conviendrait de distinguer uniquement deux groupes d’entreprises. Ainsi qu’il ressort des considérants 126 et 138 de la décision attaquée, le premier groupe comprendrait Repsol, PROAS et BP, dont la participation aux réunions de l’entente a été permanente et plus active, et, le deuxième, Petrogal et Nynäs, dont la participation à ces réunions a été moins fréquente. En effet, la plus ou moins grande assiduité des membres de l’entente dépendrait exclusivement de leur zone géographique et non d’une plus ou moins grande volonté d’intervention.

286    Il ne faudrait donc pas distinguer entre entreprises meneurs de l’entente et entreprises suivistes, pour la simple raison que les entreprises les plus petites ont manifestement joué un rôle à leur mesure. En effet, la signification juridique et économique de la circonstance aggravante du rôle de meneur de l’entente consisterait à augmenter le montant de l’amende infligée aux entreprises qui ont eu un comportement différent et plus grave que celui d’autres participants à l’entente. Par conséquent, si la majorité des membres d’une entente se sont comportés de la même manière, il ne conviendrait pas d’aggraver leur responsabilité, mais plutôt de réduire la responsabilité de la minorité, conformément à la logique suivie jusqu’à présent par la Commission.

287    La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.

b)     Appréciation du tribunal

288    Lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d’examiner la gravité relative de la participation de chacune d’entre elles (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 92), ce qui implique, en particulier, d’établir leurs rôles respectifs dans l’infraction pendant la durée de leur participation à celle-ci (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 150).

289    Il en résulte, notamment, que le rôle de « chef de file » joué par une ou plusieurs entreprises dans le cadre d’une entente doit être pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende, dans la mesure où les entreprises ayant joué un tel rôle doivent, de ce fait, porter une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises (arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 281).

290    Conformément à ces principes, le point 2 des lignes directrices de 1998 établit, sous le titre « Circonstances aggravantes », une liste non exhaustive de circonstances pouvant conduire à une augmentation du montant de l’amende et comprenant, au troisième tiret, le rôle de « meneur » de l’infraction (arrêt BASF/Commission, précité, point 282).

291    À cet égard, il convient de relever que le fait pour une entreprise d’exercer des pressions, voire de dicter le comportement des autres membres de l’entente, n’est pas une condition nécessaire pour que cette entreprise puisse être qualifiée de meneur de l’entente. Il suffit, en effet, que l’entreprise ait représenté une force motrice significative pour l’entente, ce qui peut être inféré notamment du fait qu’elle s’est chargée d’élaborer et de suggérer la conduite à tenir par les membres de l’entente, alors même qu’elle n’était pas nécessairement en mesure de la leur imposer (arrêt BASF/Commission, précité, point 282).

292    Ainsi, une entreprise peut être qualifiée de meneur de l’entente si elle a porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci (arrêt du Tribunal du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T‑29/05, Rec. p. II‑4077, point 332).

293    La qualification de meneur de l’entente a notamment été retenue lorsqu’il a été établi que l’entreprise en cause avait joué un rôle central dans le fonctionnement concret de l’entente, par exemple en organisant de nombreuses réunions, en collectant et en distribuant les informations au sein de l’entente, en se chargeant de représenter certains membres dans le cadre de l’entente ou en formulant le plus souvent des propositions relatives au fonctionnement de l’entente (voir, en ce sens, arrêt BASF/Commission, précité, point 404).

294    Enfin, deux entreprises, voire un plus grand nombre, peuvent se voir simultanément attribuer la qualité de meneur (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal BASF/Commission, précité, points 439 et 440, et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 561).

295    En l’espèce, les divers éléments de conviction sur lesquels la Commission s’est fondée pour qualifier Repsol, conjointement à PROAS, de meneur de l’entente sont décrits au considérant 534 de la décision attaquée puis font l’objet, au considérant 535 de ladite décision, d’un résumé, duquel il ressort, notamment, ce qui suit :

« Compte tenu de ce qui précède, la Commission conclut que tant Repsol que PROAS ont été des moteurs importants du cartel, étant donné qu’elles […] ont négocié bilatéralement et séparément avec les autres participants de l’entente les volumes et les clients devant leur être attribués dans leurs zones d’influence respectives, sont convenues bilatéralement des variations de prix et de leur période de mise en œuvre et ont ensuite communiqué aux autres opérateurs du marché les accords convenus. »

296    Or, il n’est pas contesté par les requérantes que Repsol et PROAS ont été les seules entreprises à participer à chacune des six phases décrites au considérant 130 de la décision attaquée, lesquelles conduisaient à l’adoption des accords annuels de répartition du marché et de partage de la clientèle, BP n’étant présente, au plus, qu’au cours des quatre premières phases, Petrogal et Nynäs ne l’étant qu’au cours de la dernière.

297    En tout état de cause, les requérantes ne produisent aucun élément établissant l’existence de contacts directs entre BP, Petrogal et Nynäs dans le cadre de l’adoption des accords annuels de répartition du marché et de partage de la clientèle.

298    Ainsi, les négociations de répartition du marché et de partage de la clientèle n’avaient pas lieu entre les cinq participants à l’entente, mais entre Repsol et PROAS d’un côté, et chacun des trois autres participants à l’entente de l’autre, lesquels au surplus n’intervenaient que pour leurs zones d’influence respectives.

299    Par suite, non seulement Repsol et PROAS ont joué un rôle central dans le fonctionnement concret de l’entente, mais leur participation était indispensable à celle-ci, puisque l’adoption des accords annuels de répartition du marché et de partage de la clientèle se réalisait sans que BP, Petrogal et Nynäs négocient directement entre elles.

300    Par ailleurs, s’agissant de la coordination des prix, il n’est pas contesté que c’était au cours de réunions tenues entre Repsol, PROAS et, dans une moindre mesure, BP que se décidaient les variations de prix, lesquelles étaient ensuite communiquées à Petrogal, à Nynäs et, le cas échéant, à BP, au cours de réunions bilatérales ou par téléphone, chacune de ces trois dernières entreprises prenant occasionnellement l’initiative de demander des modifications de prix (considérants 296 et 359 de la décision attaquée).

301    Par suite, là encore, la participation de Repsol et de PROAS a été indispensable pour assurer, pendant toute la durée de l’infraction, la mise en œuvre coordonnée des modifications de prix par les différents membres de l’entente.

302    Au regard des seuls éléments qui viennent d’être examinés, il y a lieu de conclure que la Commission a pu qualifier à bon droit Repsol de force motrice significative pour l’entente et, sans commettre d’erreur, majorer de 30 % le montant de l’amende qu’elle lui infligeait.

303    Ainsi, à supposer même que les autres éléments, non examinés ci-dessus, sur lesquels la Commission a également fondé la majoration de l’amende ne soient pas établis, celle-ci demeurerait justifiée.

304    La conclusion qui précède n’est nullement mise en cause au regard des arguments des requérantes, lesquels sont repris en substance ci-après.

305    Ainsi, en premier lieu, il n’est pas contesté que BP n’a pas participé aux réunions de concertation sur le partage du marché entre 1998 et 2000 et qu’elle n’a pris part aux discussions relatives à la répartition du marché que pour les négociations relatives à sa zone d’influence, ce qui conforte le rôle sensiblement plus limité joué par BP au sein de l’entente et justifie que cette entreprise n’ait pas été qualifiée de meneur par la Commission.

306    En deuxième lieu, ce n’est pas au regard de la place importante qu’elles occupaient objectivement sur le marché du bitume espagnol que l’amende de Repsol et de PROAS a été majorée, mais au regard du comportement qu’elles ont adopté, en particulier le fait qu’elles ont assuré la coordination de l’entente. La circonstance, à la supposer établie, que le comportement de Repsol ait été rendu possible par la place que celle-ci occupait sur le marché en cause est sans incidence sur le fait que ce comportement a pu, à bon droit, être considéré par la Commission comme attestant de l’existence d’un rôle de meneur de l’entente.

307    En troisième lieu, la qualification de meneur de l’entente attribuée à Repsol ne peut être remise en cause au motif tiré de l’intérêt réduit que d’autres membres de l’entente ont pu avoir à participer à certaines réunions de l’entente en raison de la plus faible portée géographique de leurs zones d’influence respectives. En effet, cette absence d’intérêt de certains membres de l’entente, entraînant une participation plus limitée à celle-ci de leur part, n’imposait pas pour autant aux requérantes d’assurer un rôle de coordination entre les différents membres de l’entente sans lequel aucun accord global de répartition du marché et de partage de la clientèle n’aurait pu aboutir.

308    En quatrième lieu, à supposer même qu’elle soit établie, l’adoption des décisions d’un commun accord au sein du cartel n’est pas, au regard de la jurisprudence citée au point 292 ci-dessus, de nature à faire obstacle à ce que Repsol et PROAS soit qualifiées de meneur de l’entente eu égard au rôle spécifique qu’elles jouaient dans cette entente (voir, en ce sens, arrêt BASF/Commission, précité, point 348).

309    En cinquième lieu, les allégations des requérantes relatives au non-respect des accords de répartition du marché et au caractère seulement indicatif des décisions de modification des prix ne sauraient être accueillies, car, comme l’affirme à juste titre la Commission, le rôle de meneur de l’entente ne présuppose pas le succès de celle-ci.

310    Enfin, en sixième lieu, les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.

311    En effet, il a été jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique applicable aux amendes en matière de droit de la concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires n’ont qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (voir, en ce sens, arrêt Tomra Systems e.a./Commission, précité, point 104, et la jurisprudence citée).

312    En conséquence, aucune erreur n’ayant été commise par la Commission, le présent moyen doit être écarté.

7.     Sur le huitième moyen, pris de la fixation erronée du pourcentage de réduction du montant de l’amende

313    Par le présent moyen, les requérantes contestent, en substance, l’application qu’a faite la Commission de la communication de 2002 lorsqu’elle a adopté la décision attaquée.

314    Les requérantes se prévalent, au soutien de leur moyen, de quatre griefs, respectivement tirés de l’erreur d’appréciation, de la violation des principes de confiance légitime, de proportionnalité et d’égalité de traitement, griefs qu’il convient d’examiner séparément.

 Sur le premier grief, pris de l’erreur d’appréciation

–       Arguments des parties

315    Les requérantes font observer que, après avoir appris, grâce aux informations fournies par Repsol, que la demande d’immunité d’amende de BP ne couvrait pas les années 1998-2002 de la période de l’infraction, la Commission a averti BP du retrait éventuel de son immunité conditionnelle en cas de non-respect du paragraphe 11, sous a), de la communication de 2002. Selon cette disposition, le demandeur d’immunité doit apporter à la Commission une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure administrative et lui fournir tout élément de preuve qui viendrait en sa possession ou dont elle dispose au sujet de l’infraction suspectée.

316    Ayant constaté avoir été la première entreprise à présenter une demande d’application de la communication de 2002 contenant des données permettant de définir la durée exacte de l’entente, Repsol aurait sollicité l’immunité d’amende au titre des années 1998-2002 de la période de l’infraction, soit en vertu des paragraphes 8 à 11 de la communication de 2002, soit en application de son paragraphe 23, sous b), troisième alinéa.

317    Selon cette dernière disposition, si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission ayant une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis.

318    La Commission aurait toutefois consenti en définitive à BP une immunité au titre de toute la durée de l’entente et rejeté la demande d’immunité de Repsol. L’immunité accordée à BP couvrirait donc une période pour laquelle elle n’aurait même pas été sollicitée par son bénéficiaire, ce qui équivaudrait à l’octroi d’office à BP d’une immunité en dehors des prévisions de la communication de 2002.

319    La Commission n’exposerait pas les « circonstances particulières » lui permettant de conclure, au considérant 572 de la décision attaquée, contrairement à ce que démontrent les faits, que la coopération de BP a été conforme aux exigences du paragraphe 11, sous a), de la communication de 2002.

320    En outre, les requérantes font observer que, selon le considérant 590 de la décision attaquée, le fait que BP ait seulement fourni après le dépôt de sa demande d’immunité les preuves de sa participation à l’entente au titre de la période 1998-2002 ne conduit pas la Commission à conclure que BP n’a pas montré un « véritable esprit de coopération ». Cependant, le paragraphe 11, sous a), de la communication de 2002 n’exigerait pas un « esprit de coopération », mais une coopération effective susceptible d’être considérée comme « totale, permanente et rapide ».

321    Les requérantes ajoutent que la Commission est tenue à une obligation de motivation spécifique lorsque la décision finale s’écarte, comme en l’espèce, d’une manière significative de la communication des griefs.

322    La décision attaquée rejetterait également la demande de Repsol tendant à l’application du paragraphe 23, sous b), troisième alinéa, de la communication de 2002, au motif que, comme l’expose le considérant 592 de la décision attaquée, la Commission disposait déjà d’informations montrant que l’entente était en place de 1998 à 2002. Toutefois, les informations qui ont permis à la Commission d’interpréter les documents auxquels elle se réfère et de connaître les faits survenus de 1998 à 2002 auraient été produites par Repsol.

323    Indépendamment de l’application du paragraphe 23, sous b), troisième alinéa, de la communication de 2002, les faits survenus de 1998 à 2002 relatés par Repsol démontreraient l’exceptionnelle valeur ajoutée de sa coopération, dont la Commission n’aurait toutefois pas tenu compte pour fixer le pourcentage de réduction du montant de l’amende, en méconnaissance de l’esprit de la communication de 2002.

324    La Commission soutient que le présent grief doit être écarté.

–       Appréciation du tribunal

325    En premier lieu, la critique des requérantes dirigée contre le refus de la Commission d’admettre Repsol au bénéfice de l’immunité d’amende en vertu des paragraphes 8 à 11 de la communication de 2002 se fonde sur le fait que la Commission aurait dû refuser d’accorder l’immunité à BP et, en conséquence, aurait dû accorder l’immunité à Repsol.

326    À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que BP a présenté le 20 juin 2002 une demande d’immunité d’amende sur le fondement du paragraphe 8, sous a), de la communication de 2002 et que, le 19 juillet 2002, la Commission lui a accordé, sur ce même fondement, une immunité d’amende conditionnelle, telle que prévu au paragraphe 15 de la communication de 2002.

327    À la suite de la demande d’immunité de BP en date du 20 juin 2002 et d’une réunion tenue le 25 juin 2002 entre BP et les services de la Commission, cette dernière a pu effectuer des vérifications les 1er et 2 octobre 2002 dans les locaux des entreprises concernées.

328    Or, ce n’est que postérieurement à cette date que Repsol et PROAS ont déposé une demande au titre de la communication de 2002, respectivement le 31 mars et le 4 avril 2004.

329    Il résulte de la présentation chronologique des faits qui précède que BP est la première entreprise à avoir fourni des éléments de preuve ayant été jugés par la Commission de nature à lui permettre d’adopter une décision ordonnant des vérifications concernant une entente présumée. À ce titre, elle remplit la condition prévue au paragraphe 8, sous a), de la communication de 2002.

330    Or, aucun argument des requérantes ne permet de mettre en cause cette présentation chronologique des faits.

331    En particulier, les requérantes n’établissent pas que la Commission aurait déjà disposé, au moment de la communication par BP des éléments de preuve lui ayant permis d’obtenir l’immunité conditionnelle, d’éléments de preuve suffisants pour adopter une décision ordonnant des vérifications, circonstance qui, en vertu du paragraphe 9 de la communication de 2002, fait obstacle à l’octroi de l’immunité.

332    Par ailleurs, malgré, d’une part, la distinction que semblent faire les requérantes entre les différentes périodes au cours desquelles l’entente s’est déroulée et, d’autre part, l’affirmation selon laquelle les requérantes auraient été les premières à fournir des éléments relatifs à la période postérieure à 1998, il n’est pas contesté que, quelle que soit la période prise en compte, il n’existait qu’une seule et même entente.

333    En conséquence, le paragraphe 8, sous a), de la communication de 2002, lequel renvoie à « une » entente présumée, ne pouvait être appliqué à Repsol, puisqu’il avait déjà été appliqué à BP au titre de l’entente en cause.

334    Il est, en effet, inhérent à la logique de l’immunité d’amendes que seul un des membres d’une entente puisse en bénéficier, étant donné que l’effet recherché est de créer un climat d’incertitude au sein des ententes en encourageant leur dénonciation auprès de la Commission. Or, cette incertitude résulte précisément du fait que les participants à l’entente savent que seul l’un d’entre eux pourra bénéficier d’une immunité d’amende en dénonçant les autres participants à l’infraction, les exposant ainsi au risque de se voir infliger des amendes plus sévères (arrêt KME Germany e.a./Commission, précité, point 130).

335    En conséquence, Repsol, dont la demande au titre de la communication de 2002 a été déposée le 31 mars 2004, n’est pas fondée à soutenir qu’elle serait susceptible de remplir les conditions posées par le paragraphe 8, sous a), de cette communication et n’a donc, en toute hypothèse – c’est-à-dire y compris dans le cas où, à la suite d’une violation par BP des conditions posées par le paragraphe 11, sous a), de la communication de 2002, le bénéfice de l’immunité devrait finalement être refusé à celle-ci – , vocation qu’au bénéfice d’une réduction du montant de l’amende sur le fondement du paragraphe 20 de la communication de 2002.

336    S’agissant de l’argument tiré de la méconnaissance par la Commission de son obligation de motivation lorsqu’elle a considéré dans la décision attaquée que la coopération de BP avait été conforme aux exigences du paragraphe 11, sous a), de la coopération de 2002, les requérantes ne sont pas recevables à l’invoquer. En effet, Repsol, ainsi qu’il vient d’être dit, ne peut remplir les conditions posées par le paragraphe 8, sous a), de cette communication et n’a donc, en toute hypothèse, vocation qu’au bénéfice d’une réduction du montant de l’amende sur le fondement du paragraphe 20 de la communication de 2002. Ainsi, une absence de motivation renforcée de la part de la Commission quant aux raisons ayant justifié au final l’octroi de l’immunité à BP resterait sans conséquence pour Repsol. Or, selon la jurisprudence, un moyen d’annulation est irrecevable, au motif d’une absence d’intérêt à agir, lorsque, même à supposer qu’il soit bien fondé, l’annulation de l’acte attaqué sur la base dudit moyen ne serait pas de nature à donner satisfaction au requérant (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 mars 1973, Marcato/Commission, 37/72, Rec. p. 361, points 2 à 8, et conclusions de l’avocat général M. Mayras sous cet arrêt, Rec. p. 371, 374 ; ordonnance du Tribunal du 2 juillet 2009, Evropaïki Dynamiki/BCE, T‑279/06, non publiée au Recueil, point 99).

337    Au demeurant, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il n’incombe pas à la Commission d’expliquer les différences éventuelles que présente une décision finale par rapport aux appréciations provisoires contenues dans une communication des griefs (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 65, et la jurisprudence citée).

338    Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que le refus de la Commission d’admettre Repsol au bénéfice de l’immunité d’amende en vertu des paragraphes 8 à 11 de la communication de 2002 était erroné.

339    En deuxième lieu, les requérantes ne sont pas fondées à critiquer le refus de la Commission d’appliquer à Repsol le paragraphe 23, sous b), troisième alinéa, de la communication de 2002, lequel prévoit que, si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui a fourni ces éléments de preuve.

340    En effet, leur contestation est fondée sur le postulat selon lequel Repsol aurait fourni les informations qui ont permis à la Commission de connaître les faits constitutifs de l’entente survenus au cours de la période allant de 1998 à 2002. Au point 181 de la requête, les requérantes soutiennent ainsi que Repsol a été la première entreprise à apporter des éléments de preuve et une déclaration au titre de la communication de 2002 précisant que l’entente avait continué pendant cette période au cours de laquelle la participation de BP, contrairement à ce que celle-ci avait prétendu, s’était poursuivie.

341    Or, comme elle le relève au considérant 592 de la décision attaquée, la Commission avait déjà en sa possession, avant même de recevoir, le 31 mars 2004, la déclaration de Repsol jointe à sa demande au titre de la communication de 2002, des informations pertinentes contenues dans des documents contemporains recueillis au cours des vérifications des 1er et 2 octobre 2002.

342    De fait, le considérant 592 de la décision attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par les requérantes, renvoie à 38 autres considérants de la décision attaquée évoquant des documents prélevés auprès de Repsol, de PROAS, de BP, de Nynäs et de Petrogal au cours des vérifications des 1er et 2 octobre 2002 et relatant des faits, survenus de 1998 à 2002, que la Commission a retenus dans la décision attaquée en tant qu’éléments constitutifs de l’entente.

343    C’est donc à tort que les requérantes prétendent que c’est Repsol qui a produit dans sa demande au titre de la communication de 2002 les informations ayant permis à la Commission de savoir que l’entente s’était poursuivie de 1998 à 2002.

344    Ainsi, les requérantes ne sont pas fondées à demander, sur le fondement du paragraphe 23, sous b), troisième alinéa, de la communication de 2002, qu’il ne soit pas tenu compte, pour fixer le montant de l’amende, des faits relatifs à l’entente survenus de 1998 à 2002.

345    En troisième lieu, la Commission ayant déjà disposé des informations relatives aux faits survenus de 1998 à 2002 à la date de la demande de Repsol au titre de la communication de 2002, il n’apparaît pas que les faits relatés par Repsol se rapportant à cette période puissent, en l’absence de toute preuve contraire de sa part, être considérés comme conférant une valeur ajoutée exceptionnelle à sa coopération.

346    Par ailleurs, les requérantes n’établissent pas que Repsol aurait produit dans sa demande au titre de la communication de 2002 des informations ayant permis à la Commission d’interpréter les documents auxquels elle se réfère au considérant 592 de la décision attaquée.

347    Enfin, il n’est pas établi que Repsol aurait apporté des éléments relatifs à la participation de BP à l’entente entre 1998 et 2002 que la Commission ignorait, alors même que certains des éléments de preuve auxquels renvoie le considérant 592 de la décision attaquée permettent d’attester de la participation de BP à l’entente au cours de cette période.

348    C’est donc à tort que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir méconnu l’esprit de la communication de 2002 en ne prenant pas en compte, ou pas suffisamment en compte, la prétendue valeur ajoutée exceptionnelle de la coopération de Repsol.

349    En conséquence, il convient d’écarter le présent grief.

 Sur le deuxième grief, pris de la violation du principe de confiance légitime procédant de la méconnaissance de l’étendue et de la continuité de la coopération de Repsol

–       Arguments des parties

350    Les requérantes précisent que, selon le paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication de 2002, pour définir le niveau de réduction du montant de l’amende, la Commission prend en compte la date de la communication des éléments de preuve de l’infraction, leur degré de valeur ajoutée et peut également prendre en considération l’étendue et la continuité de la coopération de l’entreprise.

351    Dans sa lettre à Repsol du 2 avril 2004, acte administratif contraignant, la Commission aurait précisé qu’elle tiendrait compte aussi bien des deux premiers paramètres que de l’étendue et de la continuité de la coopération de Repsol. Dans la décision attaquée, la Commission n’aurait toutefois examiné que les deux premiers paramètres, à l’exclusion du troisième, comme la Commission le reconnaîtrait au considérant 579 de la décision attaquée. En ignorant ainsi le troisième paramètre qu’elle s’était engagé à prendre en considération, la Commission aurait méconnu le principe de confiance légitime.

352    Selon les requérantes, la Commission aurait examiné en premier lieu, au considérant 575 de la décision attaquée, la troisième condition de réduction du montant de l’amende définie par le paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, deuxième phrase, de la communication de 2002, à savoir l’étendue et la continuité de la coopération dont Repsol avait fait preuve à partir de la date de sa contribution à l’établissement de l’infraction par la Commission.

353    En inversant ainsi l’ordre des trois conditions de réduction du montant de l’amende établies par le paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, la décision attaquée aurait elle-même admis que cette troisième condition était remplie, même si elle n’en a pas tenu compte en fixant le pourcentage de réduction consenti.

354    Non seulement l’étendue et la continuité de la coopération de Repsol auraient été explicitement reconnues aux considérants 575 et 576 de la décision attaquée, mais elles ressortiraient également aussi bien des très nombreuses références de la communication des griefs et de la décision attaquée aux informations fournies par Repsol que de la contribution qu’elle a apportée lors de l’audition et à l’occasion des demandes de renseignements ultérieures.

355    Repsol aurait coopéré de manière exemplaire avec la Commission depuis le dépôt de sa demande au titre de la communication de 2002 jusqu’à l’adoption de la décision attaquée. Repsol aurait apporté un grand nombre de preuves de l’existence et du fonctionnement de l’entente, répondu amplement à toutes les demandes de renseignements et fait preuve d’une collaboration parfaite lors de l’audition.

356    L’affirmation de la Commission selon laquelle l’étendue de la coopération ne peut être un élément totalement différent du degré de sa valeur ajoutée ne résulterait ni de la communication de 2002 ni de la lettre de la Commission à Repsol du 2 avril 2004, lesquelles énumèrent toutes les deux les trois conditions comme étant cumulatives et n’établissent aucun rapport de dépendance entre elles. Tandis que la troisième condition porte sur le caractère étendu et continu de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution, la condition relative à la valeur ajoutée ferait référence au contenu des éléments de preuve apportés dans la déclaration susmentionnée.

357    En contradiction flagrante avec le considérant 579 de la décision attaquée, la Commission soutiendrait avoir pris en compte la condition relative à la coopération, étant donné que, selon le considérant 580 de ladite décision, « [c]ompte tenu de ce qui précède, la Commission considère que Repsol a droit à une réduction de 40 % de l’amende ». L’affirmation émise par la Commission au point 93 du mémoire en défense et selon laquelle « ce qui précède » inclut l’examen de la condition de coopération ne serait ni appropriée ni dûment motivée.

358    La Commission soutient que le présent grief doit être écarté.

–       Appréciation du Tribunal

359    Selon une jurisprudence bien établie, le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à toute personne physique ou morale se trouvant dans une situation dont il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez elle des espérances fondées (arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, Rec.p. I‑6911, point 70, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 74).

360    Comme le relève son paragraphe 29, la communication de 2002 a créé des attentes légitimes sur lesquelles se fondent les entreprises souhaitant informer la Commission de l’existence d’une entente. Eu égard à la confiance légitime que les entreprises souhaitant collaborer avec la Commission peuvent tirer de cette communication, la Commission est tenue de s’y conformer lorsqu’elle apprécie la coopération d’une entreprise aux fins de la détermination du montant de l’amende à lui infliger (voir, par analogie, arrêt Daiichi Pharmaceutical/Commission, précité, point 147, et la jurisprudence citée).

361    En l’espèce, les requérantes reprochent à la Commission de n’avoir pas pris en compte l’étendue et la continuité de leur coopération lorsqu’elle a déterminé, dans la décision attaquée, le pourcentage de réduction du montant de l’amende qui leur a été consenti, alors même qu’elle se serait engagée à le faire dans un courrier du 2 avril 2004 adressé à Repsol.

362    En revanche, les requérantes affirment elles-mêmes que la Commission a admis expressément l’étendue et la continuité de la coopération de Repsol aux considérants 575 et 576 de la décision attaquée.

363    Il est vrai que, dans la section de la décision attaquée faisant application à Repsol des critères de réduction du montant de l’amende définis au paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication de 2002, la Commission a précisé que, postérieurement au dépôt de sa demande au titre de ce texte intervenu le 31 mars 2004, Repsol avait fourni des informations supplémentaires et des preuves contemporaines des faits litigieux (considérant 574 de la décision attaquée) et que les réponses qu’elle avait apportées aux demandes de renseignements de la Commission étaient allées au-delà de son obligation de réponse (considérant 575 de la décision attaquée).

364    De plus, la Commission a également indiqué que « [l]a quantité et la qualité d’ensemble des preuves fournies par Repsol dans sa demande de clémence et en réponse aux demandes de renseignements [avaie]nt, par leur nature et leur niveau de détail, renforcé la capacité de la Commission à prouver l’infraction » (considérant 576 de la décision attaquée).

365    Au regard des considérations qui précèdent, il est établi que la Commission a reconnu de façon explicite l’étendue et la continuité de la coopération de Repsol.

366    Cependant, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’étendue et la continuité de la coopération de Repsol ont été dûment prises en considération dans la décision attaquée aux fins de la fixation du montant de la réduction de l’amende consentie à Repsol.

367    En effet, comme il ressort du considérant 580 de la décision attaquée, la Commission a déterminé le pourcentage de réduction du montant de l’amende « compte tenu de ce qui précède ». Par ce membre de phrase, la Commission a entendu renvoyer à l’ensemble des constatations exposées aux considérants 574 à 579 de la décision attaquée faisant application à Repsol des critères de réduction du montant de l’amende définis au paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication de 2002, parmi lesquels sont compris, notamment, les considérants 574 à 576 de la décision attaquée auxquels il a été fait référence précédemment.

368    Comme la Commission a reconnu, dans les considérants 574 à 576 de la décision attaquée, l’étendue et la continuité de la coopération de Repsol, elle ne peut se voir reprocher d’avoir omis de prendre en considération ce paramètre aux fins de la fixation à 40 % du taux de réduction du montant de l’amende.

369    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas ignoré l’étendue et la continuité de la coopération de Repsol lorsqu’elle a déterminé, dans la décision attaquée, le pourcentage de réduction du montant de l’amende qui a été consenti à celle-ci.

370    Il s’ensuit que le présent grief manque en fait et doit donc être écarté.

 Sur le troisième grief, pris de la violation du principe de proportionnalité découlant de la surévaluation de la date de la coopération de Repsol par rapport au degré de sa valeur ajoutée

–       Arguments des parties

371    Selon les requérantes, la Commission aurait contrevenu au principe de proportionnalité en accordant une valeur excessive au critère de la date de la demande de Repsol au titre de la communication de 2002 et sous-évalué les critères relatifs, d’une part, à la valeur ajoutée des informations communiquées par Repsol et, d’autre part, à l’étendue et à la continuité de sa coopération. Une pondération équilibrée du « paramètre temps » aurait dû se traduire par une réduction supérieure du montant de l’amende infligée à Repsol à concurrence d’un pourcentage maximal de 50 %.

372    À cet égard, en premier lieu, les requérantes estiment que, comme la Commission le reconnaît au considérant 576 de la décision attaquée, Repsol a apporté des éléments de preuve à haute valeur ajoutée. Bien que la Commission ait obtenu au cours des vérifications des documents établissant la continuation de l’infraction de 1998 à 2002, Repsol aurait été la première à prouver la durée véritable de l’entente, comme le reconnaîtrait la Commission au point 82 du mémoire en défense. Celle-ci préciserait que Repsol avait fourni des informations importantes au sujet de cette période et cette circonstance serait inconciliable avec l’affirmation selon laquelle la demande de clémence de Repsol ne dépasse pas le « simple seuil de la valeur ajoutée significative ».

373    La demande de Repsol au titre de la communication de 2002 aurait été parfaite, ainsi que l’a confirmé la décision attaquée en ses considérants 575 et 576, lesquels relèvent expressément le caractère contemporain des preuves de l’infraction qu’elle comporte, sa qualité et son niveau de détail.

374    Le fait que PROAS ait apporté des preuves et des informations n’enlèverait aucune valeur ajoutée à la déclaration de Repsol. Le considérant 582 de la décision attaquée aurait précisé à cet égard que les informations fournies par PROAS étaient moins détaillées que celles produites par Repsol. Enfin, la qualité conférée à PROAS de troisième entreprise à solliciter l’application de la communication de 2002 et son droit à une réduction du montant de l’amende ne sauraient affecter celui de Repsol. Les critiques dirigées par Nynäs et par Petrogal contre la décision attaquée dépendraient de facteurs étrangers à la valeur ajoutée des documents fournis par Repsol.

375    En deuxième lieu, les requérantes font valoir, que la demande de Repsol au titre de la communication de 2002 n’a pas été tardive au point de justifier une diminution du taux de réduction de son amende de 50 à 40 %. Le délai d’introduction d’une telle demande serait très long et se serait achevé, en principe, le 28 août 2006, date de la réception par Repsol de la communication des griefs. La date du dépôt de la demande de Repsol, le 31 mars 2004, ne permettrait donc pas de conclure que le critère temporel n’avait pas du tout été respecté, comme le laisse entendre la Commission.

376    Que ce soit dans la communication de 2002 ou dans son courrier du 2 avril 2004 adressé à Repsol, la Commission ne hiérarchiserait pas les critères à prendre en considération ni ne préciserait que l’un serait plus pertinent que l’autre. Le fait que la condition relative au facteur temps ait été intégrée dans la communication de 2002 ne signifierait pas qu’il s’agit du critère le plus important.

377    Une interprétation littérale de la communication de 2002 suggérerait que la Commission doit consentir la même valeur aux trois conditions exigées. Cependant, s’il existait une hiérarchie, le critère le plus pertinent devrait être la valeur ajoutée de l’information fournie, puis l’étendue et la continuité de la coopération et, enfin, la date de la présentation de la demande au titre de la communication de 2002.

378    À supposer même que les trois critères aient une valeur similaire, prémisse la moins favorable à Repsol, le respect de l’un d’entre eux emporterait majoration de la réduction du montant de l’amende à raison, par exemple, d’un tiers, dans le cadre de la fourchette de 30 à 50 %. En appliquant une simple formule mathématique, le respect de l’un, de deux ou des trois critères entraînerait une réduction du montant de l’amende à raison de 36,66 %, de 43,33 % et de 50 %, respectivement. Si, comme dans le cas de Repsol, deux critères sont respectés totalement et, le troisième, partiellement, le pourcentage de réduction du montant de l’amende devrait s’élever à quelque 46,66 %.

379    L’étendue et la valeur ajoutée des informations communiquées par Repsol et le soutien constant qu’elle a apporté à la Commission au cours de la phase d’instruction justifieraient donc certainement une réduction du montant de l’amende à raison d’un pourcentage de 50 % et, en toute hypothèse, supérieur à 40 %, dès lors que Repsol a introduit sa demande d’application de la communication de 2002 deux ans avant la réception de la communication des griefs.

380    La Commission soutient que le présent grief doit être écarté.

–       Appréciation du Tribunal

381    Il résulte des dispositions du paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication de 2002 que la date de la contribution d’une entreprise à l’établissement de l’infraction est, au même titre que le degré de valeur ajoutée des éléments que cette entreprise apporte, un des paramètres que la Commission est tenue de prendre en compte pour déterminer le niveau exact, au sein d’une des fourchettes prévues au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de ladite communication, de la réduction du montant d’amende dont bénéficiera cette entreprise. De plus, la Commission a la possibilité de prendre en compte également l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution.

382    En ce qui concerne l’importance relative du paramètre relatif à la date de la contribution d’une entreprise à l’établissement de l’infraction par rapport aux deux autres paramètres prévus au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication de 2002, il convient tout d’abord de relever que la date à laquelle des éléments de preuve de l’infraction présumée sont remis à la Commission influe sur la reconnaissance d’une valeur ajoutée significative qui peut être consentie à ces éléments, dans la mesure où une telle reconnaissance dépend des éléments de preuve figurant déjà au dossier de la Commission à la date de leur dépôt (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, non encore publié au Recueil, point 239).

383    Par ailleurs, l’ordre chronologique et la rapidité de la coopération offerte par les membres d’un cartel constituent des éléments fondamentaux du système mis en place par la communication de 2002, système dans lequel les entreprises les plus promptes à fournir leur coopération sont censées bénéficier de réductions plus importantes du montant des amendes auxquelles elles seraient autrement assujetties que celles accordées aux entreprises moins promptes à coopérer (arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission, T‑39/06, non encore publié au Recueil, points 379 et 380).

384    Ainsi, la date de la contribution d’une entreprise est prise en considération non seulement en vue de la fixation du niveau de réduction exact au sein d’une des fourchettes prévues au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication de 2002, mais également aux fins du classement des entreprises dans l’une de ces fourchettes.

385    Compte tenu de ce qui précède, la date de la contribution d’une entreprise à l’établissement de l’infraction apparaît comme étant un paramètre particulièrement important pour déterminer le niveau exact de la réduction du montant de l’amende au sein d’une des fourchettes prévues au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication de 2002.

386    À cet égard, il a été jugé que la Commission n’excède pas sa marge d’appréciation en accordant à une entreprise une réduction du montant de l’amende égale au pourcentage correspondant à la moitié de sa tranche de réduction, lorsque les éléments de preuve produits, indépendamment de leur qualité et de leur utilité, n’ont été communiqués à la Commission qu’à un moment où celle-ci avait déjà reçu une demande au titre de ce même texte lui permettant de constater une infraction et effectué une série d’inspections (arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, General Technic-Otis e.a./Commission, T‑141/07, T‑142/07, T‑145/07 et T‑146/07, non encore publié au Recueil, points 273 et 274).

387    La Commission peut également fonder son appréciation du montant de la réduction de l’amende sur le fait que la coopération de l’entreprise a commencé après réception par celle-ci d’une demande de renseignements (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 283, et la jurisprudence citée).

388    En l’espèce, il est constant que Repsol a introduit sa demande au titre de la communication de 2002 le 31 mars 2004, soit un an et demi après les vérifications effectuées les 1er et 2 octobre 2002 au siège des entreprises concernées, sur la base des éléments de preuve que BP avait produits.

389    Repsol ayant présenté pour la première fois le 31 mars 2004 des éléments de preuve de l’infraction, alors que la Commission avait déjà reçu une demande au titre de la communication de 2002 lui permettant d’adopter une décision ordonnant des vérifications et effectué des vérifications remontant à un plus d’un an et demi, il y a lieu de constater que sa collaboration n’a pas été maximale.

390    Cette conclusion est confirmée par le fait que Repsol a introduit sa demande au titre de la communication de 2002 près de deux mois après l’envoi par la Commission de la première série de demandes de renseignements intervenu le 6 février 2004.

391    Quant à la qualité et au degré de la valeur ajoutée de la contribution de Repsol à l’établissement par la Commission de la preuve de l’infraction, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été constaté aux points 341 à 343 ci-dessus, que la Commission disposait, avant même de recevoir la demande de Repsol au titre de la communication de 2002, d’éléments indiquant que l’entente s’était poursuivie au cours des années 1998 à 2002.

392    Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ce n’est pas Repsol qui a permis, par sa demande au titre de la communication de 2002, d’établir la véritable durée de l’entente.

393    Au regard de ce qui précède, malgré l’étendue et la continuité de la coopération de Repsol (voir point 365 ci-dessus), ainsi que la valeur ajoutée des éléments qu’elle a présentés, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation, notamment dans la pondération qu’elle a appliquée des paramètres prévus au paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication de 2002, en accordant une réduction du montant de l’amende de 40 % à Repsol au titre de sa coopération aux fins de l’établissement de l’entente.

394    De même, la Commission n’a pas méconnu le principe de proportionnalité.

395    Les conclusions qui précèdent ne sont pas remises en cause par l’argument des requérantes selon lequel il conviendrait de majorer la réduction du montant de l’amende compte tenu du fait que Repsol aurait introduit sa demande de réduction du montant de l’amende assortie de sa contribution à l’établissement de l’infraction deux ans avant la réception de la communication des griefs.

396    En effet, ainsi qu’il résulte du point 383 ci-dessus, la communication de 2002 entend favoriser les entreprises les plus promptes à apporter leur coopération.

397    Dans cette perspective, si le paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication de 2002 prévoit que la date de la contribution d’une entreprise à l’établissement de l’infraction est un des paramètres que la Commission prend en compte pour déterminer le niveau de la réduction du montant de l’amende dont bénéficiera cette entreprise, c’est parce que cette date permet d’évaluer la promptitude avec laquelle l’entreprise en cause a apporté sa coopération.

398    Or, le fait que Repsol ait introduit sa contribution à l’établissement de l’infraction deux ans avant la réception de la communication des griefs est dénué de toute pertinence pour évaluer sa promptitude à apporter sa coopération.

399    En conséquence, le présent grief doit donc être écarté.

 Sur le quatrième grief, pris de la violation du principe d’égalité de traitement

–       Arguments des parties

400    Les requérantes soutiennent que la Commission a accordé la même valeur à la coopération de Repsol et à celle de PROAS et a fixé des réductions du montant des amendes égales à un pourcentage correspondant à la moitié de la fourchette applicable à chacune d’elles, soit, respectivement, 40 % (entre 30 et 50 %) et 25 % (entre 20 et 30 %). La coopération de Repsol aurait été toutefois qualitativement et quantitativement supérieure à celle de PROAS, ce qui aurait dû se traduire par l’octroi du plus haut pourcentage du niveau de réduction applicable.

401    Repsol aurait produit tout au long de la procédure administrative des éléments de preuve se rapportant directement aux faits. Elle aurait été la première à présenter des preuves apportant une valeur ajoutée sur les activités de l’entente au cours de la période 1998-2002 et elle aurait clarifié le rôle de BP dans l’entente au cours de cette même période.

402    Par ailleurs, la coopération de Repsol aurait été constante et encore plus pertinente par la suite. La communication des griefs aurait été rédigée sur la base des données fiables communiquées par Repsol et aurait suivi scrupuleusement ses explications du déroulement des faits. De plus, Repsol aurait apporté pendant l’audition une coopération décisive à la clarification des faits. La différence des degrés de coopération de Repsol et de PROAS ressortirait à l’évidence des considérants 575 et 576 de la décision attaquée elle-même. Comme la Commission le reconnaît au considérant 582 de ladite décision, l’information communiquée par PROAS aurait été moins détaillée que celle fournie par Repsol.

403    S’il existe des différences de qualité entre la coopération de Repsol et celle de PROAS, comme la Commission le reconnaît au point 110 de son mémoire en défense et au considérant 582 de la décision attaquée, l’octroi aux deux entreprises d’une réduction d’amende égale à un pourcentage correspondant à la moitié de leur fourchette respective de réduction de l’amende méconnaîtrait le principe d’égalité de traitement.

404    La réduction du montant de l’amende de Repsol et de PROAS à raison de 40 % et de 25 %, respectivement, serait uniquement fondée sur la date du dépôt de leurs demandes respectives en réduction du montant de l’amende et ne prendrait absolument pas en compte la valeur ajoutée particulière de la coopération de Repsol.

405    La Commission soutient que le présent grief doit être écarté.

–       Appréciation du tribunal

406    Selon une jurisprudence constante, lorsqu’elle apprécie la coopération fournie par les membres d’une entente lors de la procédure administrative, la Commission ne saurait méconnaître le principe d’égalité de traitement (voir arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, non encore publié au Recueil, point 313, et la jurisprudence citée).

407    Or, le principe d’égalité de traitement requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld, C‑303/05, Rec. p. I‑3633, point 56, et la jurisprudence citée).

408    En l’espèce, les requérantes fondent leur grief sur le fait que la Commission a fixé une réduction du montant de l’amende à infliger à Repsol et à PROAS égale à un pourcentage correspondant à la moitié de leur fourchette respective de réduction de l’amende et qu’elle leur aurait ainsi appliqué un traitement égal alors qu’il existerait des différences significatives entre la qualité de la contribution de Repsol et celle de PROAS.

409    Il convient de relever que les requérantes n’établissent pas l’existence d’une différence significative entre la situation de Repsol et celle de PROAS au regard des critères, prévus au paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication de 2002, lesquels permettent de définir le niveau de réduction à l’intérieur des fourchettes de réduction. Les critères en cause sont les suivants : en premier lieu, la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au paragraphe 21 ont été communiqués ; en deuxième lieu, le degré de valeur ajoutée qu’ils ont représenté ; en troisième lieu, l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution.

410    S’agissant du premier critère, les requérantes ne développent aucune argumentation spécifique.

411    S’agissant du deuxième critère, les requérantes n’établissent pas que Repsol ait fourni à la Commission des éléments de fait précédemment ignorés par elle s’agissant des activités de l’entente qui se sont déroulées au cours des années 1998 à 2002. Comme il a été constaté aux points 341 à 343 ci-dessus, avant même de recevoir la demande de Repsol au titre de la communication de 2002, la Commission disposait déjà d’informations montrant que l’entente se poursuivait encore au cours de cette période.

412    Ensuite, il n’est pas établi, alors même que certains des éléments de preuve auxquels renvoie le considérant 592 de la décision attaquée permettent d’attester de la participation de BP à l’entente entre 1998 et 2002, que Repsol ait apporté des éléments relatifs à la participation de BP à l’entente au cours de cette période que la Commission ignorait (voir point 347 ci-dessus).

413    Ainsi, il n’est pas établi que la valeur ajoutée des éléments de preuve apportés par Repsol ait été exceptionnelle.

414    S’agissant du troisième des critères prévus au paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa, de la communication de 2002, les requérantes se bornent à alléguer, sans l’établir, que le niveau de la coopération de Repsol aurait été supérieur à celui de PROAS.

415    Les seuls éléments étayés qui sont produits à cet égard sont des extraits de la décision attaquée.

416    Or, il ne ressort pas de ceux-ci que la coopération de Repsol ait été supérieure à celle de PROAS dans une mesure telle que la Commission aurait dû être regardée comme ayant méconnu le principe d’égalité de traitement en accordant à ces deux entreprises une réduction de l’amende égale à un pourcentage correspondant à la moitié de leur fourchette respective de réduction du montant de l’amende.

417    En particulier, la circonstance selon laquelle la déclaration d’entreprise soumise par PROAS et jointe à sa demande au titre de la communication de 2002 a été moins détaillée que celle fournie par Repsol (considérant 582 de la décision attaquée) n’est pas de nature, à elle seule, à démontrer le plus haut degré de valeur ajoutée des éléments de preuve apportés par Repsol.

418    Au demeurant, les requérantes n’ont pas contesté que, comme le relève la Commission au considérant 575 de la décision attaquée, les documents soumis par Repsol n’avaient pas couvert tous les détails de l’infraction. De plus, comme il résulte du considérant 584 de la décision attaquée, non contesté par les requérantes, PROAS a contribué de manière significative à renforcer la capacité de la Commission à prouver l’infraction en raison du niveau de détail des preuves qu’elle avait fournies dans sa demande au titre de la communication de 2002 et en réponse aux demandes de renseignements.

419    En conséquence, il n’apparaît pas que la situation de Repsol ait été différente de celle de PROAS dans une mesure telle que la Commission aurait dû être regardée comme ayant méconnu le principe d’égalité de traitement en accordant à ces deux entreprises une réduction du montant de l’amende égale à un pourcentage correspondant à la moitié de leur fourchette respective de réduction de l’amende.

420    Dans ces conditions, le grief tiré de la violation du principe d’égalité de traitement doit être écarté.

421    Par ailleurs, ainsi qu’il résulte des points 417 et 418 ci-dessus, la Commission a apprécié le degré de valeur ajoutée intrinsèque de la coopération de Repsol et de celle de PROAS. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la réduction du montant de l’amende à raison de 40 % pour Repsol et de 25 %, pour PROAS repose uniquement sur la date du dépôt de leur demande respective au titre de la communication de 2002.

422    Il résulte de ce qui précède que la Commission ne peut être considérée comme ayant commis une erreur d’appréciation et méconnu les principes de confiance légitime, de proportionnalité et d’égalité de traitement en fixant à 40 % le pourcentage de réduction de l’amende accordée à Repsol en application de la communication de 2002.

423    En conséquence, le présent moyen doit être écarté.

424    Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des moyens invoqués par la requérante doivent être écartés et que, par suite, ses conclusions aux fins d’annulation doivent être rejetées.

425    De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard des arguments et moyens soulevés par la requérante, que la Commission a commis une erreur justifiant une modification du montant de l’amende qui lui a été appliquée.

426    Il convient donc, eu égard à ce qui précède et à l’ensemble des circonstances de l’espèce, de rejeter les conclusions aux fins de réformation présentées par la requérante.

427    Il y a donc lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

B –  Sur les demandes de la Commission visant à une majoration du montant de l’amende

428    La Commission indique, dans son mémoire en défense, que le Tribunal pourrait augmenter le montant de l’amende infligée à Repsol pour deux motifs : d’une part, la contestation par les requérantes de faits relatifs à l’attribution par Repsol d’une part de marché à Nynäs et à Petrogal, ce qui affecterait, selon la Commission, la valeur de la coopération que Repsol a apportée au cours de la procédure administrative et, d’autre part, l’absence de valeur ajoutée des éléments fournis par Repsol dans le cadre de sa demande de clémence au titre de la communication de 2002 qui découlerait, selon la Commission, de l’annulation éventuelle par le Tribunal de la décision attaquée dans le cadre des affaires introduites par Galp (affaire T‑462/07) et Nynäs (affaire T‑482/07).

1.     Sur l’incidence de la contestation, par les requérantes, de l’attribution par Repsol d’une part de marché à Nynäs et à Petrogal sur la réduction du montant de l’amende dont Repsol a bénéficié

a)     Arguments des parties

429    La Commission signale, dans le cadre de sa réponse au huitième moyen, que les requérantes contestent un aspect important de la décision attaquée, à savoir les conditions dans lesquelles Nynäs et Petrogal sont entrées sur le marché espagnol, ce qui ne semblerait guère conciliable avec leurs arguments relatifs à la coopération de Repsol.

430    En effet, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir retenu, au soutien de la qualification de meneur de l’entente attribuée à Repsol, que celle-ci avait accordé une part de marché à Nynäs et à Petrogal. Selon les requérantes, cette constatation reposerait sur des affirmations générales qui émanent de parties impliquées dans l’entente et qui ne sont pas établies par des preuves concrètes.

431    Selon la Commission, la question de savoir si Repsol a ou non négocié seule avec Nynäs, ainsi que la question de savoir si les parts de marché de Nynäs et de Petrogal étaient imposées ou attribuées, constitue un élément de fait. Les requérantes remettraient ainsi en question, au stade du recours en justice, certains faits énoncés dans la décision attaquée, ce qui devrait avoir des conséquences sur la réduction du montant de l’amende.

432    Les requérantes concluent au rejet des présentes conclusions.

b)     Appréciation du Tribunal

433    Il convient de rappeler qu’il ressort de la décision attaquée que Repsol a « attribué » à Nynäs une part du marché en cause de 3,74 % (considérant 201 de la décision attaquée), que le marché comportait un quota de 3,74 % pour Nynäs « par décision expresse de Repsol et de CEPSA » (considérant 206 de la décision attaquée) et, enfin, que « Repsol et PROAS ont offert à Petrogal une part de marché dans la zone d’influence géographique de Petrogal » (considérant 125 de la décision attaquée).

434    Or, les requérantes soutiennent que le processus d’attribution des quotas a été le même dans toutes les réunions et a consisté en une « négociation » entre Repsol et PROAS, d’une part, et Nynäs ou Petrogal, d’autre part, une telle argumentation étant de nature, selon elles, à atténuer le rôle de meneur attribué à Repsol dans la décision attaquée.

435    Dans ses écritures, la Commission semble déduire de la critique des requérantes dirigée contre les considérants de la décision attaquée susmentionnés une remise en cause de la valeur de la coopération apportée par Repsol dans le cadre de sa demande au titre de la communication de 2002, ce qui justifierait une majoration du montant de l’amende à son égard.

436    Toutefois, aucune demande de majoration ne figure dans le dispositif des mémoires de la Commission et les formules employées par celle-ci, telles que « ne semblent guère conciliables avec [les] arguments relatifs à [la] coopération [de Repsol] » (point 90, in fine, du mémoire en défense) ou « ce qui devrait avoir des conséquences pour la réduction de l’amende » (point 41 de la duplique) ne permettent pas de considérer qu’il s’agit d’une véritable demande de la Commission.

437    En tout état de cause, l’argumentation de la Commission ne saurait être retenue.

438    En effet, il est constant que les faits contestés sont extraits d’une note interne à BP, d’un mémorandum interne à BP et d’une réponse de BP à une demande de renseignements. Ces faits ne sont donc pas fondés sur des éléments de preuve que les requérantes auraient fournis. Ainsi, à supposer même que les requérantes parviennent à établir que les faits en cause ne sont pas établis, une telle constatation resterait sans conséquence sur la qualité de leur coopération dans le cadre de la communication de 2002 et donc sur le niveau de la réduction du montant de l’amende qui leur a été accordée.

439    Il est, par ailleurs, indifférent que la critique des requérantes ait été émise dès la phase de la procédure administrative devant la Commission, comme le soutiennent les intéressées, ou seulement au stade juridictionnel, comme l’affirme la Commission. Aucune disposition du droit de l’Union n’oblige le destinataire de la communication des griefs à contester ses différents éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire ultérieurement au stade de la procédure juridictionnelle (arrêt de la Cour du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, Rec. p. I‑6371, point 89).

440    Il résulte de ce qui précède, en tout état de cause, que la contestation par les requérantes des éléments factuels présentés aux considérants 201, 206 et 125 de la décision attaquée n’est pas, contrairement à ce que soutient la Commission, de nature à remettre en cause la valeur de la coopération de Repsol au cours de la procédure administrative ni, par conséquent, à produire des conséquences sur la réduction du montant de l’amende consentie à Repsol par la décision attaquée.

2.     Sur la majoration de l’amende, dans l’hypothèse d’une remise en cause de la valeur ajoutée de la coopération de PROAS dans les affaires T-462/07 et T‑482/07

a)     Arguments des parties

441    La Commission note que, dans deux des affaires connexes à la présente affaire, l’affaire T‑462/07, introduite par Galp, et l’affaire T‑482/07, introduite par Nynäs, Galp et Nynäs soutiennent que l’infraction n’a pas été prouvée à suffisance de droit à leur égard et reprochent à la Commission de s’être indûment fondée sur les déclarations émises par Repsol et CEPSA-PROAS dans leur demande au titre de la communication de 2002.

442    En cas d’annulation, même partielle, de la décision attaquée à l’égard de Galp et de Nynäs, au motif que les informations fournies par Repsol n’auraient pas une valeur probante suffisante, le Tribunal devrait, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, réexaminer l’étendue de la coopération de Repsol, auquel cas la réduction du montant de l’amende qui lui a été accordée devrait se limiter à 30 % du montant de base de l’amende à infliger, soit 10 % de moins que la réduction octroyée par la Commission. Ne saurait même être écartée, selon la Commission, l’éventualité de l’exclusion par le Tribunal de toute réduction du montant de l’amende au bénéfice de Repsol dans l’hypothèse où sa coopération n’aurait même pas atteint le seuil de la « valeur ajoutée significative », au sens de la communication de 2002. En effet, la réduction du montant de l’amende ne serait plus justifiée, puisque des preuves sans utilité ne pourraient servir à réduire le montant de l’amende.

443    Les requérantes concluent au rejet des présentes conclusions.

b)     Appréciation du Tribunal

444    La Commission soutient que le constat, dans le cadre des affaires dans lesquelles Petrogal et Nynäs sont parties requérantes, de l’absence de valeur probante des éléments fournis par Repsol en application de la communication de 2002, s’il conduisait à une annulation de la décision attaquée à l’égard de Petrogal et de Nynäs ou à une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, devrait nécessairement conduire le juge, dans la présente instance, à diminuer la réduction du montant de l’amende dont Repsol a bénéficié au titre de ladite communication.

445    À cet égard, il convient de rappeler que les arrêts d’annulation des juridictions de l’Union jouissent de l’autorité absolue de la chose jugée (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec. p. I‑3679, point 36).

446    Ainsi, une annulation fait disparaître rétroactivement l’acte en cause à l’égard de tous les justiciables, un arrêt d’annulation ayant un effet erga omnes [arrêt de la Cour du 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C‑442/03 P et C‑471/03 P, Rec. p. I‑4845, point 43].

447    Cependant, une décision adoptée en matière de concurrence à l’égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, doit s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende. Elle ne peut être annulée qu’en ce qui concerne les destinataires ayant obtenu gain de cause dans leurs recours devant le juge de l’Union et elle demeure contraignante à l’égard des destinataires n’ayant pas introduit de recours en annulation (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 99 et 100).

448    Il convient de relever que la Cour a néanmoins jugé que l’annulation partielle, dans une instance, d’une décision retenant la responsabilité d’une société permet au juge, dans une autre instance, d’annuler dans la même mesure la décision retenant la responsabilité de sa société mère, lorsque la responsabilité de cette dernière est entièrement dérivée de celle de sa filiale (arrêt de la Cour du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins, C‑286/11 P, non encore publié au Recueil, points 14 et 39).

449    En l’espèce, la responsabilité de Repsol n’est pas dérivée de celle de Petrogal ou de Nynäs.

450    Dès lors, l’annulation des décisions adressées à ces deux dernières entreprises reste sans incidence sur la décision adressée à Repsol et ne saurait donc imposer au juge, contrairement à ce que soutient la Commission, de majorer le montant de l’amende infligée à Repsol. Il en va a fortiori de même des conséquences d’une simple réduction du montant de l’amende infligée à Petrogal ou à Nynäs.

451    Certes, l’autorité absolue des arrêts d’annulations des juridictions de l’Union s’attache tant au dispositif de l’arrêt qu’aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (arrêt Italie/Commission, précité, point 36).

452    Cependant, la prise en considération des motifs qui font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée par le juge de l’Union n’a pour objet que de déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363, point 55).

453    Par suite, si le dispositif d’un arrêt d’annulation est sans incidence sur la situation d’une personne, les motifs qui en constituent le support ne sauraient en avoir.

454    Ainsi, l’annulation des décisions adressées à Petrogal ou à Nynäs ou une réduction du montant de leur amende ne saurait imposer au juge de majorer l’amende infligée à Repsol, y compris dans le cas où cette annulation ou cette réduction aurait pour motif une absence de valeur probante des éléments fournis par cette entreprise en application de la communication de 2002.

455    En tout état de cause, l’autorité d’un simple motif d’un arrêt d’annulation ne peut s’appliquer aux personnes qui n’étaient pas parties au procès et à l’égard desquelles l’arrêt ne peut dès lors avoir décidé quoi que ce soit (arrêt Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., précité, point 55).

456    Dès lors, à supposer même que l’absence de valeur probante des éléments fournis par Repsol en application de la communication de 2002 soit établie dans le cadre des affaires où Petrogal et Nynäs sont parties requérantes, un tel constat n’imposerait pas au Tribunal, dans la présente instance, de majorer le montant de l’amende infligée à Repsol en diminuant la réduction du montant d’amende dont elle a bénéficié au titre de ladite communication.

457    En conséquence, les conclusions de la Commission doivent être rejetées.

458    À supposer même que le Tribunal, bien qu’il n’y soit pas tenu, puisse, sans méconnaître le principe du contradictoire, prendre en compte, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, les motifs et le dispositif des arrêts, prononcés ce jour, Galp Energía España e.a./Commission (T‑462/07, non publié au Recueil), ainsi que Nynäs Petroleum et Nynas Petróleo/Commission (T‑482/07, non publié au Recueil), une telle prise en compte resterait en l’espèce sans incidence sur le montant de l’amende infligée à la requérante.

459    En effet, d’une part, l’annulation partielle par le Tribunal, dans l’arrêt Galp Energía España e.a./Commission, précité, de la décision attaquée et la réduction du montant de l’amende infligée à Galp et, d’autre part, la réduction du montant de l’amende infligée à Nynäs, dans l’arrêt Nynäs Petroleum et Nynas Petróleo/Commission, précité, ne reposent nullement sur le constat d’une absence de valeur ajoutée des éléments fournis par Repsol au titre de la communication de 2002.

460    Il résulte de tout ce qui précède et eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce que l’ensemble des conclusions présentées par la Commission doit être rejeté.

 Sur les dépens

461    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

462    Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Les conclusions de la Commission européenne tendant à une majoration du montant de l’amende sont rejetées.

3)      Repsol Lubricantes y Especialidades, SA, Repsol Petróleo, SA et Repsol, SA, sont condamnées aux dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

A –  Marché en cause

B –  Entreprises en cause

1.  Groupe Repsol

2.  CEPSA-PROAS

3.  BP

4.  Groupe Nynäs

5.  Groupe Petrogal

C –  Procédure administrative

D –  Décision attaquée

1.  Constatation de l’infraction

2.  Calcul du montant des amendes

a)  Détermination et adaptation du « montant de départ » des amendes

b)  Durée de l’infraction

c)  Circonstances aggravantes

d)  Application de la communication de 2002

3.  Dispositif de la décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur les conclusions en annulation et en réformation de la décision attaquée

1.  Sur le premier moyen, pris de la violation des droits de la défense

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur le deuxième moyen, pris de la motivation insuffisante de l’imputation à Repsol YPF de la responsabilité conjointe et solidaire en chaîne de la participation à l’infraction de RPA/Rylesa

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur le troisième moyen, pris de l’application erronée de la présomption d’exercice effectif par les sociétés mères d’une influence déterminante sur le comportement concurrentiel de leurs filiales

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

4.  Sur le quatrième moyen, pris d’une erreur de fait et de droit entachant l’examen des éléments de preuve produits par les requérantes dans leurs réponses à la communication des griefs au soutien de l’autonomie commerciale de RPA/Rylesa, et sur le cinquième moyen, pris de l’inaptitude des indices supplémentaires aux relations de participation des trois sociétés à conforter la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante

a)  Sur l’absence d’identité des personnels dirigeants des sociétés requérantes

Arguments des parties

Appréciation du tribunal

b)  Sur l’autonomie du fonctionnement de l’unité du bitume au sein du groupe Repsol

Arguments des parties

Appréciation du tribunal

c)  Sur le caractère marginal de l’activité liée au bitume par rapport à l’ensemble des activités du groupe Repsol

Arguments des parties

Appréciation du tribunal

d)  Sur la communication de rapports périodiques de RPA/Rylesa à sa société mère

Arguments des parties

Appréciation du tribunal

5.  Sur le sixième moyen, pris de la fixation du montant de l’amende en méconnaissance des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur la qualification de l’infraction

Sur le montant de l’amende appliqué aux requérantes

6.  Sur le septième moyen, pris d’une erreur d’appréciation des faits à l’origine de l’attribution à Repsol et à PROAS de la qualification de meneur de l’entente

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du tribunal

7.  Sur le huitième moyen, pris de la fixation erronée du pourcentage de réduction du montant de l’amende

Sur le premier grief, pris de l’erreur d’appréciation

–  Arguments des parties

–  Appréciation du tribunal

Sur le deuxième grief, pris de la violation du principe de confiance légitime procédant de la méconnaissance de l’étendue et de la continuité de la coopération de Repsol

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le troisième grief, pris de la violation du principe de proportionnalité découlant de la surévaluation de la date de la coopération de Repsol par rapport au degré de sa valeur ajoutée

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième grief, pris de la violation du principe d’égalité de traitement

–  Arguments des parties

–  Appréciation du tribunal

B –  Sur les demandes de la Commission visant à une majoration du montant de l’amende

1.  Sur l’incidence de la contestation, par les requérantes, de l’attribution par Repsol d’une part de marché à Nynäs et à Petrogal sur la réduction du montant de l’amende dont Repsol a bénéficié

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la majoration de l’amende, dans l’hypothèse d’une remise en cause de la valeur ajoutée de la coopération de PROAS dans les affaires T-462/07 et T‑482/07

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.