Language of document : ECLI:EU:C:2018:584

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

25 juillet 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire – Normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale – Directive 2011/95/UE – Article 12 – Exclusion du statut de réfugié – Personnes enregistrées auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche Orient (UNRWA) – Existence d’un “premier pays d’asile”, pour un réfugié de Palestine, dans la zone d’opération de l’UNRWA – Procédures communes pour l’octroi de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Article 46 – Droit à un recours effectif – Examen complet et ex nunc – Étendue des pouvoirs de la juridiction de première instance – Examen par le juge des besoins de protection internationale – Examen de motifs d’irrecevabilité »

Dans l’affaire C‑585/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie), par décision du 8 novembre 2016, parvenue à la Cour le 18 novembre 2016, dans la procédure

Serin Alheto

contre

Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, MM. M. Ilešič (rapporteur), L. Bay Larsen, T. von Danwitz, A. Rosas, J. Malenovský et E. Levits, présidents de chambre, MM. E. Juhász, A. Borg Barthet, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 janvier 2018,

considérant les observations présentées :

–        pour Mme Alheto, par Mes P. Zhelev, V. Nilsen, G. Voynov, G. Toshev, M. Andreeva et I. Savova, advokati,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hongrois, par MM. G. Tornyai, M. Z. Fehér et G. Koós ainsi que par Mme M. M. Tátrai, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes M. Condou-Durande et C. Georgieva-Kecsmar ainsi que par M. I. Zaloguin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9), ainsi que de l’article 35 et de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Serin Alheto au zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite (directeur adjoint de l’agence nationale pour les réfugiés, Bulgarie) (ci–après la « DAB ») au sujet du rejet par ce dernier de la demande de protection internationale introduite par Mme Alheto.

 Le cadre juridique

 Le droit international

 La convention de Genève

3        La convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], est entrée en vigueur le 22 avril 1954. Elle a été complétée et amendée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, lui-même entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après la « convention de Genève »).

4        L’article 1er, section A, de la convention de Genève, dans la définition qu’il donne du terme « réfugié », se réfère notamment au risque de persécution.

5        L’article 1er, section D, de cette convention énonce :

« Cette convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés.

Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette convention. »

 L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA)

6        La résolution no 302 (IV) de l’Assemblée générale des Nations unies, du 8 décembre 1949, relative à l’aide aux réfugiés de Palestine, a institué l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient [United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East (UNRWA)]. Celui-ci a pour tâche de servir le bien-être et le développement humain des réfugiés de Palestine.

7        La zone d’opération de l’UNRWA comprend la bande de Gaza, la Cisjordanie, la Jordanie, le Liban et la Syrie.

 Le droit de l’Union

 La directive 2011/95

8        La directive 2011/95 a été adoptée sur le fondement de l’article 78, paragraphe 2, sous a) et b), TFUE, qui énonce :

« Aux fins du [développement d’une politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement], le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures relatives à un système européen commun d’asile comportant :

a)      un statut uniforme d’asile en faveur de ressortissants de pays tiers, valable dans toute l’Union ;

b)      un statut uniforme de protection subsidiaire pour les ressortissants des pays tiers qui, sans obtenir l’asile européen, ont besoin d’une protection internationale ».

9        L’article 2 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)      “protection internationale”, le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points e) et g) ;

[...]

c)      “convention de Genève”, la convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951, modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 ;

d)      “réfugié”, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12 ;

e)      “statut de réfugié”, la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié pour tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride ;

f)      “personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire”, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ;

g)      “statut conféré par la protection subsidiaire”, la reconnaissance, par un État membre, d’un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ;

[...] »

10      Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, de ladite directive :

« Il convient de procéder à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants :

a)      tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués ;

b)      les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécutions ou d’atteintes graves ;

c)      le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave ;

d)      le fait que, depuis qu’il a quitté son pays d’origine, le demandeur a ou non exercé des activités dont le seul but ou le but principal était de créer les conditions nécessaires pour présenter une demande de protection internationale, pour déterminer si ces activités l’exposeraient à une persécution ou à une atteinte grave s’il retournait dans ce pays ;

e)      le fait qu’il est raisonnable de penser que le demandeur pourrait se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il pourrait revendiquer la citoyenneté. »

11      L’article 5, paragraphe 1, de la même directive énonce :

« Une crainte fondée d’être persécuté ou un risque réel de subir des atteintes graves peut s’appuyer sur des événements ayant eu lieu depuis le départ du demandeur du pays d’origine. »

12      L’article 7 de la directive 2011/95, intitulé « Acteurs de la protection », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a)      l’État ; ou

b)      des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci,

pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe 2 et en mesure de le faire.

2.      La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les auteurs visés au paragraphe 1, points a) et b), prennent des mesures raisonnables pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. »

13      Les articles 9 et 10 de cette directive, qui figurent au chapitre III de celle-ci, intitulé « Conditions pour être considéré comme réfugié », énoncent les éléments qui doivent être pris en compte pour évaluer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécutions.

14      L’article 12 de ladite directive, qui figure également à ce chapitre III, est intitulé « Exclusion » et dispose :

« 1.      Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride est exclu du statut de réfugié :

a)      lorsqu’il relève du champ d’application de l’article 1er, section D, de la convention de Genève, concernant la protection ou l’assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Si cette protection ou cette assistance cesse pour quelque raison que ce soit, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé conformément aux résolutions pertinentes de l’assemblée générale des Nations unies, ces personnes pourront ipso facto se prévaloir de la présente directive ;

[...] »

15      L’article 15 de la même directive figure au chapitre V de celle-ci, intitulé « Conditions de la protection subsidiaire ». Il énonce ce qui suit :

« Les atteintes graves sont :

a)      la peine de mort ou l’exécution ; ou

b)      la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou

c)      des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. »

16      L’article 17 de la directive 2011/95, qui figure également à ce chapitre V, définit les situations dans lesquelles le bénéfice de la protection subsidiaire est exclu.

17      L’article 21 de cette directive, intitulé « Protection contre le refoulement », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les États membres respectent le principe de non-refoulement en vertu de leurs obligations internationales. »

18      Le chapitre IX de ladite directive, intitulé « Dispositions finales », contient les articles 38 à 42 de celle-ci. L’article 39, paragraphe 1, premier alinéa, de cette dernière dispose :

« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 1, 2, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 16, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34 et 35 au plus tard le 21 décembre 2013. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions. »

19      Aux termes de l’article 40 de la même directive :

« La directive 2004/83/CE [du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO 2004, L 304, p. 12)], est abrogée avec effet au 21 décembre 2013 à l’égard des États membres liés par la présente directive, [...]

À l’égard des États membres liés par la présente directive, les références faites à la directive abrogée s’entendent comme faites à la présente directive, [...] »

20      L’article 41 de la directive 2011/95 dispose :

« La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Les articles 1, 2, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 16, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34 et 35 sont applicables à partir du 22 décembre 2013. »

21      Le libellé des articles 12 et 15 de la directive 2011/95 correspond à celui des articles 12 et 15 de la directive 2004/83.

 La directive 2013/32

22      La directive 2013/32 a été adoptée sur le fondement de l’article 78, paragraphe 2, sous d), TFUE, qui prévoit l’instauration de procédures communes pour l’octroi et le retrait du statut uniforme d’asile ou de protection subsidiaire.

23      Les considérants 4, 13, 16, 18 et 22 de cette directive énoncent :

« (4)      [...] [U]n régime [d’asile européen commun] devrait comporter, à court terme, des normes communes pour une procédure d’asile équitable et efficace dans les États membres et, à terme, des règles de l’Union débouchant sur une procédure d’asile commune dans l’Union.

[...]

(13)      Le rapprochement des règles relatives aux procédures d’octroi et de retrait de la protection internationale devrait contribuer à limiter les mouvements secondaires des demandeurs d’une protection internationale entre les États membres dans les cas où ces mouvements seraient dus aux différences qui existent entre les cadres juridiques des États membres, et à créer des conditions équivalentes pour l’application de la directive [2011/95] dans les États membres.

[...]

(16)      Il est essentiel que, pour toutes les demandes de protection internationale, les décisions soient prises sur la base des faits et, en première instance, par des autorités dont le personnel possède les connaissances voulues ou a reçu la formation nécessaire en ce qui concerne les questions relatives à la protection internationale.

[...]

(18)      Il est dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs d’une protection internationale que les demandes de protection internationale fassent l’objet d’une décision aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif.

[...]

(22)      Il est également dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs de garantir une détermination correcte des besoins de protection internationale dès la première instance. À cette fin, il y a lieu de fournir aux demandeurs, en première instance et gratuitement, des informations juridiques et procédurales, tenant compte de leur situation particulière. La fourniture de telles informations devrait notamment permettre aux demandeurs de mieux comprendre la procédure et donc de les aider à respecter les obligations qui leur incombent. [...] »

24      Aux termes de l’article 1er de la directive 2013/32 :

« La présente directive a pour objet d’établir des procédures communes d’octroi et de retrait de la protection internationale en vertu de la directive [2011/95]. »

25      L’article 2 de la directive 2013/32 dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

f)      “autorité responsable de la détermination”, tout organe quasi juridictionnel ou administratif d’un État membre, responsable de l’examen des demandes de protection internationale et compétent pour se prononcer en première instance sur ces demandes ;

[...] »

26      Selon l’article 4 de la directive 2013/32 :

« 1.      Les États membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. Les États membres veillent à ce que cette autorité dispose des moyens appropriés, y compris un personnel compétent en nombre suffisant, pour accomplir ses tâches conformément à la présente directive.

[...]

3.      Les États membres veillent à ce que le personnel de l’autorité responsable de la détermination visée au paragraphe 1 soit dûment formé. [...] Les personnes interrogeant les demandeurs en vertu de la présente directive doivent également avoir acquis une connaissance générale des problèmes qui pourraient nuire à la capacité des demandeurs d’être interrogés, par exemple des éléments selon lesquels le demandeur peut avoir été soumis à la torture dans le passé.

[...] »

27      L’article 10, paragraphe 2, de cette directive énonce :

« Lors de l’examen d’une demande de protection internationale, l’autorité responsable [...] détermine d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié et, si tel n’est pas le cas, détermine si le demandeur remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire. »

28      Aux termes de l’article 12 de ladite directive :

« 1.      En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs bénéficient des garanties suivantes :

a)      ils sont informés, dans une langue qu’ils comprennent ou dont il est raisonnable de supposer qu’ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l’article 4 de la directive [2011/95], ainsi que des conséquences d’un retrait explicite ou implicite de la demande. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d’exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l’article 13 ;

b)      ils bénéficient, en tant que de besoin, des services d’un interprète pour présenter leurs arguments aux autorités compétentes. Les États membres considèrent qu’il est nécessaire de fournir les services d’un interprète, au moins lorsque le demandeur doit être interrogé selon les modalités visées aux articles 14 à 17, et 34 et lorsqu’il n’est pas possible de garantir une communication adéquate sans ces services. [...]

[...] »

29      L’article 13, paragraphe 1, de la même directive dispose :

« Les États membres imposent aux demandeurs l’obligation de coopérer avec les autorités compétentes en vue d’établir leur identité et les autres éléments visés à l’article 4, paragraphe 2, de la directive [2011/95]. [...] »

30      L’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32 énonce :

« Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

[...]

b)      un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 35 ;

c)      un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 ;

[...] »

31      Aux termes de l’article 34, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive :

« Avant que l’autorité responsable de la détermination ne prenne une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale, les États membres autorisent le demandeur à exposer son point de vue concernant l’application des motifs visés à l’article 33 à sa situation particulière. À cette fin, ils mènent un entretien personnel sur la recevabilité de la demande. [...] »

32      L’article 35 de ladite directive dispose :

« Un pays peut être considéré comme le premier pays d’asile d’un demandeur déterminé, si le demandeur :

а)      s’est vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays et peut encore se prévaloir de cette protection ; ou

b)      jouit, à un autre titre, d’une protection suffisante dans ce pays, y compris du bénéfice du principe de non-refoulement,

à condition qu’il soit réadmis dans ce pays.

En appliquant le concept de premier pays d’asile à la situation personnelle d’un demandeur, les États membres peuvent tenir compte de l’article 38, paragraphe 1. Le demandeur est autorisé à contester l’application du concept de premier pays d’asile à sa situation personnelle. »

33      Aux termes de l’article 36, paragraphe 1, de la même directive :

« Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément à la présente directive ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne, que si :

a)      ce dernier est ressortissant dudit pays ; ou

b)      l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle,

et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95]. »

34      L’article 38 de la directive 2013/32 énonce :

« 1.      Les États membres peuvent appliquer le concept de pays tiers sûr uniquement lorsque les autorités compétentes ont acquis la certitude que dans le pays tiers concerné, le demandeur de protection internationale sera traité conformément aux principes suivants :

а)      les demandeurs n’ont à craindre ni pour leur vie ni pour leur liberté en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social particulier ou de leurs opinions politiques ;

b)      il n’existe aucun risque d’atteintes graves au sens de la directive [2011/95] ;

c)      le principe de non-refoulement est respecté conformément à la convention de Genève ;

d)      l’interdiction, prévue par le droit international, de prendre des mesures d’éloignement contraires à l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, y est respectée ; et

e)      la possibilité existe de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié et, si ce statut est accordé, de bénéficier d’une protection conformément à la convention de Genève.

2.      L’application du concept de pays tiers sûr est subordonnée aux règles fixées dans le droit national, et notamment :

a)      les règles prévoyant qu’un lien de connexion doit exister entre le demandeur et le pays tiers concerné, sur la base duquel il serait raisonnable que le demandeur se rende dans ce pays ;

[...] »

35      Aux termes de l’article 46 de la directive 2013/32 :

« 1.      Les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a)      une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

i)      les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire ;

ii)      les décisions d’irrecevabilité de la demande en application de l’article 33, paragraphe 2 ;

[...]

3.      Pour se conformer au paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive [2011/95], au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance.

[...] »

36      L’article 51, paragraphe 1, de la directive 2013/32 prévoit :

« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 1er à 30, à l’article 31, paragraphes 1, 2 et 6 à 9, et aux articles 32 à 46, aux articles 49 et 50 ainsi qu’à l’annexe I au plus tard le 20 juillet 2015. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions. »

37      Aux termes de l’article 52, premier alinéa, de cette directive :

« Les États membres appliquent les dispositions législatives, réglementaires et administratives visées à l’article 51, paragraphe 1, aux demandes de protection internationale introduites et aux procédures de retrait de la protection internationale entamées après le 20 juillet 2015 ou à une date antérieure. Les demandes introduites avant le 20 juillet 2015 ainsi que les procédures de retrait du statut de réfugié entamées avant cette date sont régies par les dispositions législatives, réglementaires et administratives adoptées en vertu de la directive 2005/85/CE [du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO 2005, L 326, p. 13)]. »

38      L’article 53, premier alinéa, de la directive 2013/32 dispose :

« La directive [2005/85] est abrogée, pour les États membres liés par la présente directive, avec effet au 21 juillet 2015, [...] »

39      L’article 54, premier alinéa, de la directive 2013/32 énonce :

« La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne. »

40      La publication visée audit article 54 ayant eu lieu le 29 juin 2013, la directive 2013/32 est entrée en vigueur le 19 juillet 2013.

41      Les articles 33, 35 et 38 ainsi que l’article 46, paragraphe 1, de la directive 2013/32 correspondent, respectivement, aux articles 25, 26 et 27 ainsi qu’à l’article 39, paragraphe 1, de la directive 2005/85. En revanche, l’article 10, paragraphe 2, l’article 34 et l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 énoncent des règles qui ne figuraient pas dans la directive 2005/85.

 Le droit bulgare

42      En Bulgarie, l’examen des demandes de protection internationale est régi par le Zakon za ubezhishteto i bezhantsite (loi sur l’asile et les réfugiés, ci-après le « ZUB »). Aux fins de la transposition en droit bulgare des directives 2011/95 et 2013/32, le ZUB a été modifié par des lois entrées en vigueur, respectivement, aux mois d’octobre 2015 et de décembre 2015.

43      Les articles 8 et 9 du ZUB reprennent en substance les critères énoncés aux articles 9, 10 et 15 de la directive 2011/95.

44      L’article 12, paragraphe 1, du ZUB dispose :

« Le statut de réfugié n’est pas accordé à un étranger :

[...]

4.      qui bénéficie de la protection ou de l’assistance d’organismes ou d’institutions des Nations unies autre que le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés ; lorsque cette protection ou cette assistance n’a pas cessé, et le sort de cette personne n’a pas été définitivement réglé, conformément à la résolution pertinente des Nations unies, cette personne peut bénéficier de plein droit du régime de la [convention de Genève] ;

[...] »

45      Le ZUB, dans sa version antérieure à la transposition en droit bulgare des directives 2011/95 et 2013/32, énonçait, à son article 12, paragraphe 1 :

« Le statut de réfugié n’est pas accordé à un étranger :

[...]

4.      qui bénéficie de la protection ou de l’assistance d’organismes ou d’institutions des Nations unies autre que le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés et cette protection ou cette assistance n’a pas cessé et la situation de cette personne n’a pas été définitivement réglée conformément à une résolution pertinente des Nations unies ;

[...] »

46      L’article 13, paragraphe 2, du ZUB prévoit :

« La procédure d’octroi d’une protection internationale n’est pas ouverte ou elle est close lorsque l’étranger :

[...]

2.      dispose d’un statut de réfugié accordé dans un État tiers ou d’une autre protection effective comprenant le respect du principe de non-refoulement et dont il jouit encore, à condition qu’il soit admis dans cet État ;

3.      vient d’un État tiers sûr, à condition qu’il soit admis dans cet État ».

47      Le ZUB, dans sa version antérieure à la transposition en droit bulgare des directives 2011/95 et 2013/32, disposait, à son article 13, paragraphe 2 :

« La procédure d’octroi du statut de réfugié ou du statut humanitaire n’est pas ouverte ou elle est suspendue lorsque le réfugié a :

[...]

2.      un statut de réfugié accordé dans un État tiers sûr, à condition qu’il soit admis dans cet État ».

48      Aux termes de l’article 75, paragraphe 2, du ZUB :

« [...] Lors de l’examen de la demande de protection internationale, sont évalués tous les faits [...] relatifs à la situation personnelle du demandeur [...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

49      Il ressort du dossier déposé devant la Cour que Mme Alheto, née le 29 novembre 1972 à Gaza, est titulaire d’un passeport délivré par l’Autorité palestinienne et est enregistrée auprès de l’UNRWA.

50      Le 15 juillet 2014, Mme Alheto a quitté la bande de Gaza par des tunnels clandestins reliant ce territoire à l’Égypte. À partir de ce pays, elle s’est rendue en Jordanie en bateau.

51      Le 7 août 2014, le service consulaire de la République de Bulgarie en Jordanie a délivré à Mme Alheto un visa de tourisme pour un voyage en Bulgarie, dont la validité expirait le 1er septembre 2014.

52      Le 10 août 2014, Mme Alheto est entrée en Bulgarie par un vol Amman-Varna. Le 28 août 2014, la durée de validité dudit visa a été prolongée jusqu’au 17 novembre 2014.

53      Le 11 novembre 2014, Mme Alheto a déposé auprès de la DAB une demande de protection internationale, qu’elle a réitérée le 25 novembre 2014. À l’appui de cette demande, elle faisait valoir qu’un retour dans la bande de Gaza l’exposerait à une menace grave contre sa vie, puisqu’elle risquerait d’y subir des tortures et des persécutions.

54      Cette menace serait liée au fait qu’elle exerce une activité sociale visant à informer les femmes sur leurs droits et que cette activité ne serait pas acceptée par le Hamas, organisation qui contrôle la bande de Gaza.

55      Par ailleurs, eu égard à l’existence de conflits armés entre le Hamas et Israël, il existerait une situation de violence aveugle dans la bande de Gaza.

56      Entre les mois de décembre 2014 et de mars 2015, la DAB a mené plusieurs entretiens personnels avec Mme Alheto.

57      Le 12 mai 2015, le directeur adjoint de la DAB a rejeté la demande de protection internationale introduite par Mme Alheto, sur le fondement de l’article 75 du ZUB, lu conjointement avec les articles 8 et 9 de celui-ci (ci-après la « décision attaquée »), au motif que les affirmations de Mme Alheto manquaient de crédibilité.

58      Le directeur adjoint de la DAB a notamment expliqué que, s’il était justifié d’éprouver des doutes quant au respect des droits fondamentaux dans la bande de Gaza, la seule circonstance que Mme Alheto est une femme qui s’engage à informer d’autres femmes résidant dans la bande de Gaza sur leurs droits n’est pas suffisante pour constater l’existence d’un risque réel de persécution au sens de l’article 8 du ZUB ou d’atteinte grave au sens de l’article 9 de celui-ci. À cet égard, un rapport international établi au cours de l’année 2014 mettrait en évidence que, dans la bande de Gaza, des femmes policiers participent à des activités importantes telles que la lutte contre la drogue, les poursuites criminelles et la surveillance de la liberté de mouvement. Dans ces conditions, il serait difficilement concevable que l’activité de Mme Alheto l’expose à des menaces graves et individuelles.

59      Le directeur adjoint de la DAB a ajouté que Mme Alheto n’avait pas non plus été contrainte de demander une protection internationale en raison d’une situation de violence aveugle causée par un conflit armé.

60      Mme Alheto a introduit un recours devant l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie) aux fins de l’annulation de la décision attaquée. Elle a expliqué que certains éléments invoqués lors des entretiens individuels n’avaient pas été examinés, en violation de l’article 75 du ZUB, et que les éléments qui avaient été examinés avaient fait l’objet, quant à eux, d’une appréciation erronée, en méconnaissance des articles 8 et 9 du ZUB.

61      Cette juridiction considère que la DAB aurait, en principe, dû examiner la demande de protection internationale introduite par Mme Alheto sur le fondement de l’article 12, paragraphe 1, point 4, du ZUB et non sur le fondement des articles 8 et 9 de celui-ci. La décision attaquée ne serait, dès lors, conforme ni au ZUB ni aux règles correspondantes de la directive 2011/95, notamment à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de celle-ci.

62      Toutefois, ladite juridiction fait observer que l’article 12, paragraphe 1, point 4, du ZUB ne transpose pas de manière correcte l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, ce qui rendrait complexe le traitement de la demande de protection internationale en cause au principal.

63      En outre, eu égard à l’obligation d’assurer un recours effectif, et en particulier à l’exigence d’un examen complet et ex nunc, énoncée à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, il y aurait lieu de déterminer, compte tenu notamment des articles 18, 19 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), la portée de la compétence juridictionnelle prévue par le législateur de l’Union. Il importerait notamment de savoir si, dans le cadre d’un tel examen complet et ex nunc, le juge peut incorporer dans son appréciation des éléments, y compris des motifs d’irrecevabilité, qui n’ont pu être pris en compte lors de l’adoption de la décision rejetant la demande de protection internationale.

64      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi souhaite, en particulier, savoir si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une personne enregistrée auprès de l’UNRWA qui a fui la bande de Gaza et a séjourné en Jordanie avant de voyager vers l’Union doit être considérée comme étant suffisamment protégée en Jordanie, de sorte que sa demande de protection internationale introduite dans l’Union doit être déclarée irrecevable.

65      Enfin, la question se poserait de savoir si, après l’annulation d’une décision rejetant une demande de protection internationale, le juge peut, voire doit, adopter lui-même une décision sur cette demande.

66      Dans ces conditions, l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Découle-t-il de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, interprété conjointement avec l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32 et l’article 78, paragraphe 2, sous a), TFUE, qu’il :

a)      permet que la demande de protection internationale d’une personne apatride, d’origine palestinienne, enregistrée auprès de l’[UNRWA] en tant que réfugié, qui résidait de manière permanente dans la zone d’opération de cet organisme (bande de Gaza) avant de déposer ladite demande, soit examinée en tant que demande au titre de l’article 1er, section A, de la [convention de Genève], au lieu d’être examinée en tant que demande de protection internationale au titre de l’article 1er, section D, [second alinéa], de ladite convention, à condition que la compétence pour examiner la demande soit assumée pour des motifs autres que la bienveillance ou des considérations humanitaires et que l’examen de la demande relève du champ d’application de la directive 2011/95 ;

b)      permet qu’une telle demande ne soit pas examinée au regard des exigences de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 et que, par conséquent, l’interprétation donnée par la Cour à cette disposition ne soit pas appliquée ?

2)      Convient-il d’interpréter l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, lu conjointement avec l’article 5 de ladite directive, en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal, l’article 12, paragraphe 1, point 4, du ZUB, qui ne prévoit pas expressément de clause d’inclusion pour les réfugiés palestiniens dans la version applicable et qui ne prévoit pas la condition requérant que l’assistance ait cessé, pour quelque raison que ce soit, et en ce sens que l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 est une disposition inconditionnelle et suffisamment précise qui produit par conséquent un effet direct et doit être appliquée même si elle n’est pas invoquée expressément par la personne ayant déposé une demande de protection internationale, lorsque la demande doit être examinée comme une demande au titre de l’article 1er, section D, seconde phrase, de la convention de Genève ?

3)      Découle-t-il de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, interprété conjointement avec l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, que, dans le cadre d’une procédure de recours juridictionnel contre une décision de refus d’accorder une protection internationale, prise conformément aux dispositions de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32, et compte tenu des faits de l’affaire au principal, il permet à la juridiction de première instance d’examiner une demande de protection internationale en tant que demande au titre de l’article 1er, section D, seconde phrase, de la convention de Genève et de porter une appréciation conformément à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, lorsque cette demande de protection internationale a été déposée par une personne apatride, d’origine palestinienne, enregistrée auprès de l’UNRWA en tant que réfugié, qui résidait de manière permanente dans la zone d’opération de l’UNRWA (bande de Gaza) avant de déposer ladite demande, et qu’elle n’a pas été examinée au regard de ces dispositions dans la décision de refus d’accorder une protection internationale ?

4)      Découle-t-il des dispositions de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, relatives au droit à un recours effectif dans le contexte de l’exigence d’“[...] un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique”, interprétées conjointement avec les articles 33, 34 et 35, [second alinéa], de ladite directive et l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2011/95, lus conjointement avec les articles 18, 19 et 47 de la [Charte], qu’elles permettent ce qui suit dans le cadre d’une procédure de recours juridictionnel contre une décision de refus d’accorder une protection internationale prise conformément à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32 :

a)      que la juridiction de première instance se prononce pour la première fois sur la recevabilité de la demande de protection internationale et sur la question du renvoi de la personne apatride dans le pays où elle résidait avant le dépôt de la demande de protection internationale, après avoir obligé l’autorité compétente à présenter les preuves nécessaires à cet effet et avoir permis à la personne d’exprimer un avis sur les questions concernant la recevabilité de la demande, ou

b)      que, en raison d’une violation de formes substantielles, la juridiction de première instance doit annuler la décision et obliger l’autorité compétente à se prononcer à nouveau sur la demande de protection internationale en respectant les instructions relatives à l’interprétation et l’application de la loi, notamment en réalisant un entretien sur la recevabilité, prévu à l’article 34 de la directive 2013/32 et en se prononçant sur la question de savoir s’il est possible que la personne apatride soit renvoyée dans le pays où elle résidait avant le dépôt de la demande de protection internationale ;

c)      que la juridiction de première instance porte une appréciation sur le caractère d’État sûr du pays où la personne résidait, au moment de la phase orale de la procédure, ou au moment où est rendue la décision, lorsque sont survenus des changements importants conditionnant une décision favorable à la personne ?

5)      L’assistance fournie par l’UNRWA doit-elle être considérée comme une autre protection au sens de l’article 35, premier alinéa, sous b), de la directive 2013/32 dans le pays concerné de la zone d’opération de l’organisme si cet État respecte le principe de non-refoulement au sens de la convention de Genève à l’égard des personnes bénéficiant de l’assistance de l’organisme ?

6)      Découle-t-il de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 que le droit à un recours effectif dans le contexte prévu, à savoir, “le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive [2011/95]”, interprété conjointement avec l’article 47 de la Charte, implique que, en cas de recours juridictionnel contre une décision examinant au fond la demande de protection internationale et refusant d’accorder une telle protection, la juridiction de première instance doit rendre une décision :

a)      ayant force de chose jugée non seulement concernant la question de la légalité du refus d’accorder une protection mais aussi concernant la question des besoins de protection internationale de la personne qui a déposé la demande de protection internationale conformément à la directive 2011/95, également lorsque, conformément au droit national de l’État membre concerné, une protection internationale est accordée seulement par décision d’une autorité administrative ;

b)      portant sur la nécessité d’accorder une protection internationale en procédant à un examen adéquat de la demande, quelles que soient les violations de formes substantielles commises par l’autorité compétente lors de l’examen de cette demande ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Considérations liminaires

67      Dès lors que l’applicabilité temporelle des dispositions de la directive 2013/32 sur lesquelles portent les troisième à sixième questions n’est pas claire et a fait l’objet d’un débat devant la Cour, il convient, à titre liminaire, d’apporter des précisions à ce sujet.

68      Il est constant que cette directive a remplacé la directive 2005/85 avec effet au 21 juillet 2015, soit postérieurement à la date d’introduction de la demande de protection internationale en cause au principal.

69      Dans ce contexte, il y a lieu de relever, d’une part, que l’article 52, premier alinéa, seconde phrase, de la directive 2013/32 énonce que les demandes de protection internationale introduites avant le 20 juillet 2015 sont régies par les dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/85.

70      D’autre part, l’article 52, premier alinéa, première phrase, de la directive 2013/32 permet l’application aux demandes introduites avant le 20 juillet 2015 des dispositions nationales mettant en œuvre les règles introduites par cette directive. En effet, aux termes de cette phrase, les États membres appliquent lesdites dispositions « aux demandes de protection internationale introduites [...] après le 20 juillet 2015 ou à une date antérieure ».

71      Il résulte de l’examen des travaux préparatoires de la directive 2013/32, en particulier d’une comparaison de la position (UE) no 7/2013 du Conseil en première lecture en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, arrêtée le 6 juin 2013 (JO 2013, C 179 E, p. 27), avec la proposition de la Commission de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres [COM(2009) 554 final], que les termes « ou à une date antérieure » ont été ajoutés au cours du processus législatif.

72      Par conséquent, nonobstant la tension existant entre la première et la seconde phrases de l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32, il ressort desdits travaux préparatoires que le législateur de l’Union a entendu permettre aux États membres qui le souhaitaient d’appliquer leurs dispositions mettant en œuvre cette directive, avec effet immédiat, aux demandes de protection internationale introduites avant le 20 juillet 2015.

73      Il reste que, si l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32 a autorisé les États membres à faire une application desdites dispositions aux demandes de protection internationale introduites avant le 20 juillet 2015, il ne les y a pas contraints. Cette disposition offrant, par l’emploi des termes « entamées après le 20 juillet 2015 ou à une date antérieure », diverses possibilités d’application temporelle, il importe, afin que les principes de sécurité juridique et d’égalité devant la loi soient respectés dans la mise en œuvre du droit de l’Union et que les demandeurs de protection internationale soient ainsi protégés contre l’arbitraire et disposent d’un droit à un recours effectif dans le cadre des procédures d’octroi ou de retrait de la protection internationale, que chaque État membre lié par cette directive traite, notamment au niveau de l’application temporelle de la règle d’examen complet et ex nunc, d’une manière prévisible et uniforme l’ensemble des demandes de protection internationale qui sont introduites au cours d’une même période sur son territoire.

74      En réponse à une demande d’éclaircissement à ce sujet, la juridiction de renvoi a souligné que l’exigence d’un examen complet et ex nunc, énoncée à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, qui devait, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de cette directive, être mise en œuvre au plus tard le 20 juillet 2015, existe en Bulgarie depuis le 1er mars 2007, si bien que le législateur bulgare n’aurait pas estimé nécessaire de prendre, lors de la transposition de ladite directive, des mesures de mise en œuvre dudit article 46, paragraphe 3.

75      À cet égard, ladite juridiction a cité plusieurs dispositions nationales en matière de recours administratifs et a fourni des informations sur la portée de ces dispositions, dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude.

76      À la lumière de ces éléments de réponse, il apparaît que les troisième, quatrième et sixième questions, qui portent sur l’interprétation de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, sont pertinentes aux fins de la solution du litige au principal.

77      En effet, peuvent être considérées comme relevant du champ d’application d’une directive non seulement les dispositions nationales dont l’objectif exprès est de transposer cette directive, mais également, à compter de la date d’entrée en vigueur de ladite directive, les dispositions nationales préexistantes, susceptibles d’assurer la transposition de celle-ci en droit interne (voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2006, Cordero Alonso, C‑81/05, EU:C:2006:529, point 29, ainsi que du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, point 35).

78      En l’occurrence, s’il est vrai que la loi de transposition de la directive 2013/32 en droit bulgare n’est entrée en vigueur qu’au mois de décembre 2015, soit postérieurement à l’introduction, par Mme Alheto, de sa demande de protection internationale dans l’Union et à l’adoption de la décision attaquée, il ressort toutefois de la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissement que le droit bulgare comporte, depuis l’année 2007, des dispositions prévoyant une exigence d’examen complet et ex nunc applicables aux demandes de protection internationale.

79      Il ressort de cette même réponse que, selon la juridiction de renvoi, ces dispositions ont été considérées par les autorités nationales comme étant susceptibles d’assurer la transposition de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 en droit interne.

80      Dans ces conditions, et étant donné le fait que la directive 2013/32 était déjà en vigueur au moment de l’introduction de la demande de protection internationale en cause au principal et de l’adoption de la décision attaquée, l’interprétation de l’article 46, paragraphe 3, de cette directive qui est sollicitée par la juridiction de renvoi dans le cadre de ses troisième, quatrième et sixième questions doit être considérée comme étant nécessaire à cette dernière afin de lui permettre de statuer dans l’affaire au principal (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, points 37 et 40).

81      S’agissant de la cinquième question, qui porte sur l’interprétation de l’article 35, premier alinéa, sous b), de la directive 2013/32, lequel, conjointement avec l’article 33, paragraphe 2, sous b), de cette directive, autorise les États membres à déclarer une demande de protection internationale irrecevable lorsque le demandeur est suffisamment protégé dans un pays tiers, il ressort de la décision de renvoi que ce motif d’irrecevabilité n’était pas encore transposé en droit bulgare à la date d’adoption de la décision attaquée. Partant toutefois de la prémisse selon laquelle la disposition nationale ayant entretemps transposé ledit motif d’irrecevabilité est néanmoins applicable ratione temporis au litige au principal, prémisse dont il appartient à la seule juridiction de renvoi de vérifier le bien-fondé, cette juridiction se demande pertinemment si elle peut, dans le cadre d’un examen complet et ex nunc tel que prévu à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, apprécier la recevabilité de la demande de protection internationale en cause au principal au regard d’un tel motif d’irrecevabilité et, dans l’affirmative, quelle portée doit recevoir ce motif d’irrecevabilité.

 Sur la première question

82      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32, doit être interprété en ce sens que le traitement d’une demande de protection internationale introduite par une personne enregistrée auprès de l’UNRWA nécessite un examen de la question de savoir si cette personne bénéficie d’une protection ou d’une assistance effective de la part de cet organisme.

83      Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, cette question est posée en raison du fait que le directeur adjoint de la DAB n’a pas spécifiquement examiné, dans la décision attaquée, le point de savoir si la protection ou l’assistance dont la requérante au principal bénéficiait de la part de l’UNRWA dans la zone d’opération de cet organisme avait cessé, alors que cette circonstance, si elle avait été établie, aurait été susceptible de la faire bénéficier, en Bulgarie, du statut de réfugié conformément à l’article 1er, section D, de la convention de Genève et à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95.

84      À cet égard, il convient de relever, ainsi qu’il a été rappelé aux points 6 et 7 du présent arrêt, que l’UNRWA est un organisme des Nations unies qui a été institué pour protéger et assister, dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie, les Palestiniens en leur qualité de « réfugiés de Palestine ». Il s’ensuit qu’une personne, telle que la requérante au principal, qui est enregistrée auprès de l’UNRWA, a vocation à bénéficier d’une protection et d’une assistance de cet organisme dans le but de servir son bien-être en tant que réfugiée.

85      En raison de ce statut spécifique de réfugié institué sur lesdits territoires du Proche-Orient pour les Palestiniens, les personnes enregistrées auprès de l’UNRWA sont, en principe, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2011/95, qui correspond à l’article 1er, section D, premier alinéa, de la convention de Genève, exclues du statut de réfugié dans l’Union. Cela étant, il découle de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95, qui correspond à l’article 1er, section D, second alinéa, de la convention de Genève, que, lorsque le demandeur d’une protection internationale dans l’Union ne bénéficie plus de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA, cette exclusion cesse de s’appliquer.

86      Ainsi que la Cour l’a précisé, l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95 s’applique lorsqu’il s’avère, sur le fondement d’une évaluation individuelle de tous les éléments pertinents, que le Palestinien concerné se trouve dans un état personnel d’insécurité grave et que l’UNRWA, dont l’assistance a été réclamée par l’intéressé, est dans l’impossibilité d’assurer à celui-ci des conditions de vie conformes à sa mission, ce Palestinien se voyant ainsi, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, contraint de quitter la zone d’opération de l’UNRWA. Dans ce cas, ledit Palestinien peut, à moins qu’il relève de l’une ou l’autre des causes d’exclusion énoncées à l’article 12, paragraphe 1, sous b), à l’article 12, paragraphe 2, et à l’article 12, paragraphe 3, de cette directive, se prévaloir ipso facto de celle-ci sans devoir nécessairement démontrer qu’il craint avec raison d’être persécuté, au sens de l’article 2, sous d), de la même directive, jusqu’au moment où il est en mesure de retourner vers le territoire où il avait sa résidence habituelle (arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a., C‑364/11, EU:C:2012:826, points 49 à 51, 58 à 65, 75 à 77 et 81).

87      Il résulte des éléments rappelés ci-dessus que l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 énonce, d’une part, une cause d’exclusion du statut de réfugié et, d’autre part, une cause de cessation de l’application de ladite cause d’exclusion, tant l’une que l’autre pouvant être décisive pour apprécier si le Palestinien concerné peut accéder au statut de réfugié dans l’Union. Comme l’a relevé en substance M. l’avocat général aux points 43 à 45 de ses conclusions, les règles énoncées à cette disposition, telles qu’interprétées par la Cour, constituent ainsi une lex specialis. Les dispositions nationales de transposition de ce régime doivent être appliquées à la demande de protection internationale introduite par une personne enregistrée auprès de l’UNRWA, pourvu que cette demande n’ait pas été préalablement écartée sur le fondement d’une autre cause d’exclusion ou d’un motif d’irrecevabilité.

88      Cette conclusion est corroborée par la finalité de la directive 2011/95. En effet, celle-ci ayant été adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 78, paragraphe 2, sous a), TFUE et visant donc, conformément à cette disposition, à instaurer un régime uniforme d’asile, il importe que l’ensemble des autorités qui sont compétentes dans l’Union pour traiter les demandes de protection internationale appliquent, lorsque le demandeur est une personne enregistrée auprès de l’UNRWA, les dispositions transposant les règles énoncées à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de cette directive.

89      L’application desdites dispositions s’impose également lorsque, comme en l’occurrence, la demande de protection internationale comporte, outre une demande d’octroi du statut de réfugié, une demande d’octroi de la protection subsidiaire. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32, lors de l’examen d’une demande de protection internationale, l’autorité compétente doit déterminer d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié. Par conséquent, le fait que les règles énoncées à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 ne s’appliquent pas au volet de la demande relatif à l’octroi d’une protection subsidiaire n’exempte pas l’autorité compétente de son obligation d’appliquer d’abord les dispositions transposant lesdites règles, afin de vérifier si le statut de réfugié doit être octroyé.

90      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32, doit être interprété en ce sens que le traitement d’une demande de protection internationale introduite par une personne enregistrée auprès de l’UNRWA nécessite un examen de la question de savoir si cette personne bénéficie d’une protection ou d’une assistance effective de la part de cet organisme, pourvu que cette demande n’ait pas été préalablement écartée sur le fondement d’un motif d’irrecevabilité ou sur le fondement d’une cause d’exclusion autre que celle énoncée à l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2011/95.

 Sur la deuxième question

91      Par le premier volet de sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui ne prévoit pas ou qui transpose incorrectement la cause de cessation de l’application de la cause d’exclusion du statut de réfugié figurant à cette disposition.

92      Ainsi qu’il a été exposé aux points 85 à 87 du présent arrêt, l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 comporte, d’une part, une cause d’exclusion, selon laquelle tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride bénéficiant d’une protection ou d’une assistance d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés est exclu du statut de réfugié dans l’Union, et, d’autre part, une cause de cessation de l’application de cette cause d’exclusion, selon laquelle, lorsque ladite protection ou assistance cesse sans que le sort de ce ressortissant ou de cet apatride ait été définitivement réglé conformément aux résolutions pertinentes des Nations unies, ledit ressortissant ou apatride peut ipso facto se prévaloir de cette directive aux fins de l’octroi du statut de réfugié dans l’Union.

93      Comme il a été relevé au point 21 du présent arrêt, le libellé de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 correspond à celui de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83.

94      Il s’ensuit que l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83 et l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 s’opposent à une réglementation nationale qui ne transpose pas tant cette cause d’exclusion que cette cause de cessation de l’application de celle-ci.

95      Or, en l’occurrence, l’article 12, paragraphe 1, point 4, du ZUB, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi nationale transposant la directive 2011/95, ne prévoyait pas une telle cause de cessation de l’application de la clause d’exclusion. L’article 12, paragraphe 1, point 4, du ZUB, dans sa version postérieure à l’entrée en vigueur de cette loi, a, quant à lui, transposé l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95, mais emploie, à tort, l’expression « n’a pas cessé » au lieu de l’expression « a cessé ». La juridiction de renvoi estime que, dans de telles circonstances, il est difficile, voire impossible, d’interpréter ces dispositions nationales de manière conforme à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95.

96      Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi des possibilités prévues par le droit bulgare d’interpréter lesdites dispositions nationales d’une manière qui soit conforme à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83 ou à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, force est de constater que ces dernières dispositions s’opposent à de telles dispositions nationales, dès lors que celles-ci comportent une transposition incorrecte de ces directives.

97      Par le second volet de sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 et l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95 sont d’effet direct et peuvent être appliqués même si le demandeur de la protection internationale ne s’y est pas expressément référé.

98      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État, soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, point 33 ; du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale, C‑176/12, EU:C:2014:2, point 31, et du 7 juillet 2016, Ambisig, C‑46/15, EU:C:2016:530, point 16).

99      L’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 et l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95 satisfont à ces critères, puisqu’ils énoncent une règle dont le contenu est inconditionnel et suffisamment précis pour pouvoir être invoqué par un justiciable et appliqué par le juge. Ces dispositions prévoient d’ailleurs que, dans la situation qu’elles visent, le demandeur concerné peut « ipso facto » se prévaloir de la directive.

100    En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que Mme Alheto fait valoir, à l’appui de sa demande de protection internationale, que, nonobstant son enregistrement auprès de l’UNRWA, seul l’octroi du statut de réfugié dans l’Union serait de nature à la protéger d’une manière effective contre les menaces auxquelles elle est exposée. Il s’ensuit que, même si la requérante au principal ne s’est expressément référée ni à l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 ni à l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95, rien n’empêche la juridiction de renvoi de statuer sur la conformité de la réglementation nationale avec l’une ou l’autre de ces dispositions.

101    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 et l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95 doivent être interprétés en ce sens :

–        qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui ne prévoit pas ou qui transpose incorrectement la cause de cessation de l’application de la cause d’exclusion du statut de réfugié qu’ils contiennent ;

–        qu’ils sont d’effet direct, et

–        qu’ils peuvent être appliqués même si le demandeur de la protection internationale ne s’y est pas expressément référé.

 Sur la troisième question

102    Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que la juridiction d’un État membre saisie en première instance d’un recours contre une décision relative à une demande de protection internationale peut tenir compte d’éléments de fait ou de droit, tels que l’applicabilité de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 à la situation du demandeur, qui n’ont pas été examinés par l’organe ayant pris cette décision.

103    À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que la directive 2013/32 opère une distinction entre l’« autorité responsable de la détermination », qu’elle définit à son article 2, sous f), comme étant « tout organe quasi juridictionnel ou administratif d’un État membre, responsable de l’examen des demandes de protection internationale et compétent pour se prononcer en première instance sur ces demandes », d’une part, et la « juridiction », visée à son article 46, d’autre part. La procédure devant l’autorité responsable de la détermination est régie par les dispositions du chapitre III de cette directive, intitulé « Procédures en première instance », tandis que la procédure devant la juridiction obéit aux règles énoncées au chapitre V de ladite directive, intitulé « Procédures de recours » et constitué de cet article 46.

104    Dès lors que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 concerne, selon son libellé, « au moins [les] procédures de recours devant une juridiction de première instance », l’interprétation de cette disposition fournie ci-après vaut, à tout le moins, pour toute juridiction qui est saisie du premier recours contre une décision par laquelle l’autorité responsable de la détermination a statué en premier lieu sur une telle demande. Ainsi qu’il ressort de l’article 2, sous f), de cette directive, il en va également ainsi lorsque cette autorité a un caractère quasi juridictionnel.

105    Il y a lieu de rappeler, ensuite, que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 précise la portée du droit au recours effectif dont les demandeurs de protection internationale doivent, ainsi que le prévoit l’article 46, paragraphe 1, de cette directive, disposer contre les décisions concernant leur demande.

106    Ainsi, l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 énonce que, pour se conformer à l’article 46, paragraphe 1, de celle-ci, les États membres liés par cette directive doivent veiller à ce que la juridiction auprès de laquelle est contestée la décision relative à la demande de protection internationale procède à « un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive [2011/95] ».

107    En l’absence de renvoi aux droits des États membres, et eu égard à la finalité de la directive 2013/32, exposée à son considérant 4, il importe que ces termes soient interprétés et appliqués de manière uniforme. Ainsi que le souligne, par ailleurs, le considérant 13 de cette directive, le rapprochement des règles procédurales opéré par celle-ci a pour objectif de créer des conditions équivalentes pour l’application de la directive 2011/95 et de limiter ainsi les mouvements des demandeurs de protection internationale entre les États membres.

108    Selon une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu de déterminer la portée desdits termes conformément au sens habituel de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir, notamment, arrêts du 30 janvier 2014, Diakité, C‑285/12, EU:C:2014:39, point 27 ; du 11 juin 2015, Zh. et O., C‑554/13, EU:C:2015:377, point 29, ainsi que du 26 juillet 2017, Jafari, C‑646/16, EU:C:2017:586, point 73).

109    À cet égard, outre le fait qu’elle poursuit l’objectif général d’instaurer des normes de procédure communes, la directive 2013/32 vise en particulier, ainsi qu’il résulte notamment de son considérant 18, à ce que les demandes de protection internationale fassent l’objet d’un traitement « aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif ».

110    Dans cette optique, en ce qui concerne les termes « veillent à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique », il y a lieu, sous peine de les priver de leur signification habituelle, de les interpréter en ce sens que les États membres sont tenus, en vertu de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, d’aménager leur droit national de manière à ce que le traitement des recours visés comporte un examen, par le juge, de l’ensemble des éléments de fait et de droit qui lui permettent de procéder à une appréciation actualisée du cas d’espèce.

111    À cet égard, l’expression « ex nunc » met en exergue l’obligation du juge de procéder à une appréciation qui tienne compte, le cas échéant, des nouveaux éléments apparus après l’adoption de la décision faisant l’objet du recours.

112    Une telle appréciation permet, en effet, de traiter la demande de protection internationale de manière exhaustive sans qu’il soit besoin de renvoyer le dossier à l’autorité responsable de la détermination. Le pouvoir dont dispose ainsi le juge de prendre en considération des nouveaux éléments sur lesquels cette autorité ne s’est pas prononcée s’inscrit dans la finalité de la directive 2013/32, telle que rappelée au point 109 du présent arrêt.

113    De son côté, l’adjectif « complet » figurant à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 confirme que le juge est tenu d’examiner tant les éléments dont l’autorité responsable de la détermination a tenu ou aurait pu tenir compte que de ceux qui sont survenus après l’adoption de la décision par cette autorité.

114    Au demeurant, dès lors que cette disposition doit être interprétée en conformité avec l’article 47 de la Charte, l’exigence d’un examen complet et ex nunc implique que la juridiction saisie du recours procède à l’audition du demandeur, à moins qu’elle estime pouvoir effectuer l’examen sur la base des seules données du dossier, en ce compris, le cas échéant, le rapport ou la transcription dont a fait l’objet l’entretien personnel devant ladite autorité (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Sacko, C‑348/16, EU:C:2017:591, points 31 et 44). En cas d’éléments nouveaux survenus après l’adoption de la décision faisant l’objet d’un recours, la juridiction est tenue, ainsi qu’il découle de l’article 47 de la Charte, d’offrir au demandeur la possibilité de s’exprimer lorsque ces éléments sont susceptibles de l’affecter défavorablement.

115    Quant aux termes « le cas échéant », figurant dans le membre de phrase « y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive [2011/95] », ils mettent en évidence, ainsi que l’a exposé la Commission lors de l’audience, le fait que l’examen complet et ex nunc incombant au juge ne doit pas nécessairement porter sur l’examen au fond des besoins de protection internationale et qu’il peut donc concerner la recevabilité de la demande de protection internationale, lorsque le droit national le permet en application de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32.

116    Il importe, enfin, de souligner qu’il ressort des considérants 16 et 22, de l’article 4 ainsi que de l’économie générale de la directive 2013/32 que l’examen de la demande de protection internationale par un organe administratif ou quasi juridictionnel pourvu de moyens spécifiques et d’un personnel spécialisé en la matière est une phase essentielle des procédures communes instaurées par cette directive. Partant, le droit que l’article 46, paragraphe 3, de cette directive reconnaît au demandeur d’obtenir un examen complet et ex nunc devant une juridiction ne saurait atténuer l’obligation pour ce demandeur de coopérer avec cet organe, telle que régie par les articles 12 et 13 de ladite directive.

117    Il s’ensuit que, en l’occurrence, l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 constitue un point d’ordre juridique pertinent qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner en sa qualité de juridiction de première instance, en incluant, dans son appréciation sur l’applicabilité de cette disposition à la situation de la requérante au principal, les éventuels éléments survenus après l’adoption de la décision attaquée.

118    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que la juridiction d’un État membre saisie en première instance d’un recours contre une décision relative à une demande de protection internationale est tenue d’examiner tant les éléments de fait et de droit, tels que l’applicabilité de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 à la situation du demandeur, dont l’organe ayant pris cette décision a tenu ou aurait pu tenir compte, que ceux qui sont survenus après l’adoption de ladite décision.

 Sur la quatrième question

119    Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec les articles 18, 19 et 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que l’exigence d’un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique porte également sur les motifs d’irrecevabilité de la demande de protection internationale visés à l’article 33, paragraphe 2, de cette directive et, dans l’affirmative, si, en cas d’examen d’un tel motif d’irrecevabilité par le juge alors même que ce motif n’avait pas été examiné par l’autorité responsable de la détermination, le dossier doit être renvoyé à cette autorité afin que celle-ci procède à l’entretien sur la recevabilité prévu à l’article 34 de ladite directive.

120    Ainsi qu’il a été relevé au point 115 du présent arrêt, l’examen complet et ex nunc du recours peut porter sur la recevabilité de la demande de protection internationale, lorsque le droit national le permet. Conformément à l’objectif de la directive 2013/32 d’instaurer un régime dans lequel, à tout le moins, la juridiction saisie en première instance d’un recours contre la décision de l’autorité responsable de la détermination effectue un examen complet et actualisé, cette juridiction peut notamment être amenée à constater que le demandeur bénéficie d’une protection suffisante dans un pays tiers, de telle sorte qu’il devient inutile d’examiner le besoin d’une protection dans l’Union, la demande étant alors, pour ce motif, « irrecevable ».

121    En ce qui concerne les conditions cumulatives auxquelles l’application d’un tel motif d’irrecevabilité est subordonnée, telles que celles visées, s’agissant du motif relatif au premier pays d’asile, à l’article 35 de ladite directive ou, s’agissant du motif relatif au pays tiers sûr, à l’article 38 de la même directive, ladite juridiction doit examiner rigoureusement si chacune de ces conditions est remplie en invitant, le cas échéant, l’autorité responsable de la détermination à produire toute documentation et tout élément de fait susceptibles d’être pertinents.

122    En l’occurrence, il ressort du libellé de la quatrième question et des explications dont celle-ci est assortie que la juridiction de renvoi envisage, le cas échéant, l’application du concept de « premier pays d’asile », défini à l’article 35 de la directive 2013/32, ou du concept de « pays tiers sûr », défini à l’article 38 de cette directive, auquel se réfère l’article 35, second alinéa, de celle-ci, ou encore du concept de « pays d’origine sûr », défini à l’article 36, paragraphe 1, de la même directive, ce dernier concept étant visé à cette quatrième question, sous c).

123    S’agissant du concept de « pays d’origine sûr », il convient de relever que ce concept ne figure pas, comme tel, parmi les motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 33 de la directive 2013/32. Par conséquent, il n’y a pas lieu de l’examiner davantage dans le cadre du présent renvoi préjudiciel.

124    En revanche, dans la mesure où la juridiction de renvoi envisage d’appliquer le concept de « premier pays d’asile » ou celui de « pays tiers sûr », elle doit procéder à l’examen visé au point 121 du présent arrêt et s’assurer, avant de statuer, que le demandeur a eu l’occasion d’exposer en personne son point de vue sur l’applicabilité du motif d’irrecevabilité à sa situation particulière.

125    Alors que le droit du demandeur d’être entendu sur la recevabilité de sa demande avant que toute décision à ce sujet soit prise est garanti, dans le cadre de la procédure devant l’autorité responsable de la détermination, par l’entretien personnel prévu à l’article 34 de la directive 2013/32, ce droit découle, pendant la procédure de recours visée à l’article 46 de cette directive, de l’article 47 de la Charte et s’exerce alors, si nécessaire, au moyen d’une audition du demandeur (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Sacko, C‑348/16, EU:C:2017:591, points 37 à 44).

126    Il y a lieu de considérer, à cet égard, que, dans le cas où le motif d’irrecevabilité examiné par la juridiction saisie du recours a également été examiné par l’autorité responsable de la détermination avant l’adoption de la décision contestée dans le cadre de ce recours, cette juridiction peut se fonder sur le rapport de l’entretien personnel mené par ladite autorité, sans procéder à une audition du demandeur, à moins qu’elle estime celle-ci nécessaire.

127    Si, en revanche, l’autorité responsable de la détermination n’a pas examiné ce motif d’irrecevabilité et n’a, en conséquence, pas mené l’entretien personnel visé à l’article 34 de la directive 2013/32, il incombe à la juridiction, dans le cas où celle-ci estime qu’un tel motif aurait dû être examiné par cette autorité ou doit actuellement l’être en raison de la survenance d’éléments nouveaux, de procéder à une telle audition.

128    À l’instar de ce qui est prévu à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de la directive 2013/32 pour les entretiens personnels menés par l’autorité responsable de la détermination, le demandeur doit en tant que de besoin bénéficier, lors de son audition par le juge, des services d’un interprète pour présenter ses arguments.

129    En ce qui concerne, enfin, le point, soulevé par la juridiction de renvoi, de savoir si l’exigence d’un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique doit être interprétée à la lumière des articles 18 et 19 de la Charte, il suffit de faire observer que, si les droits fondamentaux garantis par ces dispositions, qui portent, respectivement, sur le droit d’asile et sur la protection en cas d’éloignement, d’expulsion et d’extradition, doivent être respectés lors de la mise en œuvre d’une telle exigence, ils n’apportent pas, dans le cadre de la réponse à apporter à la présente question préjudicielle, d’enseignement spécifique supplémentaire quant à la portée de ladite exigence.

130    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que l’exigence d’un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique peut également porter sur les motifs d’irrecevabilité de la demande de protection internationale visés à l’article 33, paragraphe 2, de cette directive, lorsque le droit national le permet, et que, dans le cas où la juridiction saisie du recours envisage d’examiner un motif d’irrecevabilité qui n’a pas été examiné par l’autorité responsable de la détermination, elle doit procéder à l’audition du demandeur afin de permettre à celui-ci d’exposer en personne, dans une langue qu’il maîtrise, son point de vue concernant l’applicabilité dudit motif à sa situation particulière.

 Sur la cinquième question

131    Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 35, premier alinéa, sous b), de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’une personne enregistrée auprès de l’UNRWA doit, si elle bénéficie d’une protection ou d’une assistance effective de cet organisme dans un pays tiers ne correspondant pas au territoire dans lequel elle réside habituellement mais faisant partie de la zone d’opération dudit organisme, être considérée comme jouissant d’une protection suffisante dans ce pays tiers, au sens de cette disposition.

132    Il ressort de la décision de renvoi que cette question est posée en raison du fait que Mme Alheto a, pendant le conflit armé qui a opposé, durant les mois de juillet et d’août 2014, l’État d’Israël au Hamas, quitté la bande de Gaza pour se mettre en sécurité en Jordanie, pays où elle a séjourné et à partir duquel elle s’est rendue en Bulgarie.

133    La Jordanie fait partie de la zone d’opération de l’UNRWA. Par conséquent, et sans qu’il appartienne à la Cour d’examiner la nature du mandat incombant à cet organisme ni les capacités de celui-ci à le remplir, il ne saurait être exclu que ledit organisme soit en mesure, en Jordanie, d’offrir à une personne enregistrée auprès de lui des conditions de vie conformes à sa mission après que cette personne a fui la bande de Gaza.

134    Ainsi, dans l’hypothèse où une personne ayant quitté la zone d’opération de l’UNRWA et introduit une demande de protection internationale dans l’Union bénéficie dans ladite zone d’une protection ou d’une assistance effective de l’UNRWA, lui permettant d’y séjourner en sécurité, dans des conditions de vie dignes et sans être exposée au risque d’être refoulée vers le territoire de sa résidence habituelle aussi longtemps qu’elle n’est pas en mesure d’y retourner en sécurité, cette personne ne saurait être regardée par l’autorité compétente pour statuer sur cette demande comme ayant été contrainte, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, de quitter la zone d’opération de l’UNRWA. Ladite personne doit, dans ce cas, être exclue du statut de réfugié dans l’Union, conformément à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, tel qu’interprété par la jurisprudence rappelée au point 86 du présent arrêt.

135    En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, sur le fondement d’une évaluation individuelle de tous les éléments pertinents, si le cas de Mme Alheto relève de cette hypothèse.

136    Dans l’affirmative, cette situation serait en outre, sous réserve des considérations qui suivent, susceptible de conduire au rejet de la demande de protection internationale en tant qu’elle vise l’octroi d’une protection subsidiaire.

137    En effet, l’article 33, paragraphe 2, sous b), de la directive 2013/32 permet aux États membres de considérer une demande de protection internationale comme étant, dans son intégralité, irrecevable lorsqu’un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme étant le premier pays d’asile du demandeur, au sens de l’article 35 de cette directive.

138    À cet égard, selon les termes mêmes de l’article 35, premier alinéa, sous a) et b), de la directive 2013/32, un pays peut être considéré comme étant le premier pays d’asile d’un demandeur déterminé si, respectivement, celui-ci s’est vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays et peut encore se prévaloir de cette protection, ou s’il jouit, à un autre titre, d’une protection suffisante dans ce pays, y compris du bénéfice du principe de non-refoulement, à condition qu’il soit réadmis dans ce pays.

139    Les personnes enregistrées auprès de l’UNRWA ont, ainsi qu’il a été rappelé au point 6 du présent arrêt, le statut de « réfugié de Palestine dans le Proche-Orient ». Par conséquent, elles ne bénéficient pas d’un statut de réfugié spécifiquement lié au Royaume hachémite de Jordanie et ne sauraient donc relever, par le seul fait de cet enregistrement et de la protection ou de l’assistance qui leur est accordée par cet organisme, de l’article 35, premier alinéa, sous a), de la directive 2013/32.

140    En revanche, un Palestinien enregistré auprès de l’UNRWA qui a quitté son lieu de résidence habituelle dans la bande de Gaza pour la Jordanie, avant de se rendre dans un État membre et d’y introduire une demande de protection internationale, doit être considéré comme jouissant, à un autre titre, d’une protection suffisante dans ce pays tiers, y compris du bénéfice du principe de non-refoulement, au sens de l’article 35, premier alinéa, sous b), de la directive 2013/32, pourvu, premièrement, qu’il ait la garantie de pouvoir y être réadmis, deuxièmement, qu’il y bénéficie d’une protection ou d’une assistance effective de l’UNRWA, qui est reconnue, voire encadrée, par ledit pays tiers, et, troisièmement, que les autorités compétentes de l’État membre dans lequel la demande de protection internationale a été introduite aient acquis la certitude qu’il pourra séjourner dans ce même pays tiers en sécurité et dans des conditions de vie dignes aussi longtemps que les risques encourus dans la bande de Gaza le rendent nécessaire.

141    En effet, dans ce cas de figure, le Royaume hachémite de Jordanie, en sa qualité d’État indépendant dont le territoire est distinct de celui de la résidence habituelle de l’intéressé, constituerait, par son engagement à réadmettre l’intéressé, par sa reconnaissance de la protection ou de l’assistance effective fournie par l’UNRWA sur son territoire et par son adhésion au principe de non-refoulement, un État acteur de la protection, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, et répondrait à l’ensemble des conditions requises à l’article 35, premier alinéa, sous b), de la directive 2013/32 pour relever du concept de « premier pays d’asile », visé à cette disposition.

142    Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, le cas échéant après avoir enjoint à la DAB de produire toute documentation et tout élément de fait pertinents, si l’ensemble des conditions décrites au point 140 du présent arrêt sont satisfaites en l’occurrence.

143    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la cinquième question que l’article 35, premier alinéa, sous b), de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’une personne enregistrée auprès de l’UNRWA doit, si elle bénéficie d’une protection ou d’une assistance effective de cet organisme dans un pays tiers ne correspondant pas au territoire dans lequel elle réside habituellement mais faisant partie de la zone d’opération dudit organisme, être considérée comme jouissant d’une protection suffisante dans ce pays tiers, au sens de cette disposition, lorsque celui-ci :

–      s’engage à réadmettre l’intéressé après que celui-ci a quitté son territoire pour demander une protection internationale dans l’Union, et

–      reconnaît ladite protection ou assistance de l’UNRWA et adhère au principe de non-refoulement, permettant ainsi à l’intéressé de séjourner sur son territoire en sécurité, dans des conditions de vie dignes et aussi longtemps que les risques encourus dans le territoire de la résidence habituelle le rendent nécessaire.

 Sur la sixième question

144    Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie en première instance d’un recours contre une décision portant sur une demande de protection internationale doit, dans le cas où elle annule cette décision, se prononcer elle-même sur cette demande de protection internationale en accueillant ou en rejetant celle-ci.

145    À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 porte uniquement sur l’« examen » du recours et ne concerne donc pas la suite d’une éventuelle annulation de la décision faisant l’objet de ce recours.

146    Ainsi, en adoptant la directive 2013/32, le législateur de l’Union n’a pas entendu introduire une quelconque règle commune selon laquelle l’organe quasi juridictionnel ou administratif visé à l’article 2, sous f), de cette directive devrait perdre sa compétence après l’annulation de sa décision initiale relative à une demande de protection internationale. Il demeure donc loisible aux États membres de prévoir que le dossier doit, à la suite d’une telle annulation, être renvoyé à cet organe afin que celui-ci prenne une nouvelle décision.

147    Cela étant, l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 serait privé de tout effet utile s’il était admis que, après le prononcé d’un jugement par lequel la juridiction de première instance a procédé, conformément à cette disposition, à une appréciation complète et ex nunc des besoins de protection internationale du demandeur en vertu de la directive 2011/95, ledit organe puisse prendre une décision allant à l’encontre de cette appréciation ou puisse laisser écouler un laps de temps considérable, susceptible d’accroître le risque que des éléments nécessitant une nouvelle appréciation actualisée surviennent.

148    Par conséquent, même si la directive 2013/32 n’a pas pour objet d’instaurer une norme commune en ce qui concerne la compétence pour adopter une nouvelle décision relative à une demande de protection internationale après l’annulation de la décision initiale, il ressort néanmoins de son objectif consistant à assurer un traitement aussi rapide que possible des demandes de cette nature, de l’obligation de garantir un effet utile à son article 46, paragraphe 3, de même que de la nécessité, découlant de l’article 47 de la Charte, d’assurer l’effectivité du recours, que chaque État membre lié par ladite directive doit aménager son droit national de manière à ce que, à la suite d’une annulation de la décision initiale et en cas de renvoi du dossier à l’organe quasi juridictionnel ou administratif visé à l’article 2, sous f), de cette directive, une nouvelle décision soit adoptée dans un bref délai et soit conforme à l’appréciation contenue dans le jugement ayant prononcé l’annulation.

149    Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre à la sixième question que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il n’instaure pas de normes de procédure communes en ce qui concerne la compétence pour l’adoption d’une nouvelle décision relative à une demande de protection internationale après l’annulation, par la juridiction saisie du recours, de la décision initiale prise sur cette demande. Toutefois, la nécessité d’assurer un effet utile à l’article 46, paragraphe 3, de cette directive et de garantir un recours effectif conformément à l’article 47 de la Charte exige que, en cas de renvoi du dossier à l’organe quasi juridictionnel ou administratif visé à l’article 2, sous f), de ladite directive, une nouvelle décision soit adoptée dans un bref délai et soit conforme à l’appréciation contenue dans le jugement ayant prononcé l’annulation.

 Sur les dépens

150    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)      L’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, doit être interprété en ce sens que le traitement d’une demande de protection internationale introduite par une personne enregistrée auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) nécessite un examen de la question de savoir si cette personne bénéficie d’une protection ou d’une assistance effective de la part de cet organisme, pourvu que cette demande n’ait pas été préalablement écartée sur le fondement d’un motif d’irrecevabilité ou sur le fondement d’une cause d’exclusion autre que celle énoncée à l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2011/95.

2)      L’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, et l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95 doivent être interprétés en ce sens :

–        qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui ne prévoit pas ou qui transpose incorrectement la cause de cessation de l’application de la cause d’exclusion du statut de réfugié qu’ils contiennent ;

–        qu’ils sont d’effet direct, et

–        qu’ils peuvent être appliqués même si le demandeur de la protection internationale ne s’y est pas expressément référé.

3)      L’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que la juridiction d’un État membre saisie en première instance d’un recours contre une décision relative à une demande de protection internationale, est tenue d’examiner tant les éléments de fait et de droit, tels que l’applicabilité de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 à la situation du demandeur, dont l’organe ayant pris cette décision a tenu ou aurait pu tenir compte, que ceux qui sont survenus après l’adoption de ladite décision.

4)      L’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens que l’exigence d’un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique peut également porter sur les motifs d’irrecevabilité de la demande de protection internationale visés à l’article 33, paragraphe 2, de cette directive, lorsque le droit national le permet, et que, dans le cas où la juridiction saisie du recours envisage d’examiner un motif d’irrecevabilité qui n’a pas été examiné par l’autorité responsable de la détermination, elle doit procéder à une audition du demandeur afin de permettre à celui-ci d’exposer en personne, dans une langue qu’il maîtrise, son point de vue concernant l’applicabilité dudit motif à sa situation particulière.

5)      L’article 35, premier alinéa, sous b), de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’une personne enregistrée auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) doit, si elle bénéficie d’une protection ou d’une assistance effective de cet organisme dans un pays tiers ne correspondant pas au territoire dans lequel elle réside habituellement mais faisant partie de la zone d’opération dudit organisme, être considérée comme jouissant d’une protection suffisante dans ce pays tiers, au sens de cette disposition, lorsque celui-ci :

–        s’engage à réadmettre l’intéressé après que celui-ci a quitté son territoire pour demander une protection internationale dans l’Union européenne, et

–        reconnaît ladite protection ou assistance de l’UNRWA et adhère au principe de non-refoulement, permettant ainsi à l’intéressé de séjourner sur son territoire en sécurité, dans des conditions de vie dignes et aussi longtemps que les risques encourus dans le territoire de la résidence habituelle le rendent nécessaire.

6)      L’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lu conjointement avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu’il n’instaure pas de normes de procédure communes en ce qui concerne la compétence pour l’adoption d’une nouvelle décision relative à une demande de protection internationale après l’annulation, par la juridiction saisie du recours, de la décision initiale prise sur cette demande. Toutefois, la nécessité d’assurer un effet utile à l’article 46, paragraphe 3, de cette directive et de garantir un recours effectif conformément à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige que, en cas de renvoi du dossier à l’organe quasi juridictionnel ou administratif visé à l’article 2, sous f), de ladite directive, une nouvelle décision soit adoptée dans un bref délai et soit conforme à l’appréciation contenue dans le jugement ayant prononcé l’annulation.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.