Language of document : ECLI:EU:T:2016:118

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

1er mars 2016 (*)

« Aides d’État – Sauvetage d’entreprises en difficulté – Aide sous la forme d’une garantie de l’État – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Difficultés sérieuses – Droits procéduraux des parties intéressées »

Dans l’affaire T‑79/14,

Secop GmbH, établie à Flensburg (Allemagne), représentée par Mes U. Schnelle et C. Aufdermauer, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Armati, MM. T. Maxian Rusche et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C(2013) 9119 final de la Commission, du 18 décembre 2013, concernant l’aide d’État SA.37640 – Aide au sauvetage en faveur d’ACC Compressors SpA – Italie,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        ACC Compressors SpA est une société active depuis 1960 dans la production et la commercialisation de compresseurs pour des réfrigérateurs à usage domestique. Elle est une filiale à 100 % de Household Compressors Holding SpA (HCH), qui n’opère qu’en tant que holding et n’a pas d’activité de production. ACC Compressors détenait initialement 100 % du capital d’ACC Austria GmbH et, par l’intermédiaire de cette dernière, 100 % du capital d’ACC Germany GmbH et d’ACC USA LLC.

2        En 2012, le groupe ACC a connu des difficultés économiques. En octobre 2012, une procédure d’insolvabilité a été ouverte à l’encontre d’ACC Germany. Le 20 décembre 2012, une procédure d’insolvabilité a été ouverte à l’encontre d’ACC Austria. ACC Compressors a été déclarée insolvable le 28 juin 2013 et placée sous administration extraordinaire le 27 août 2013. HCH a été déclarée insolvable le 12 octobre 2013.

3        Le 20 avril 2013, à la suite d’un appel d’offres lancé dans le cadre de la procédure d’insolvabilité d’ACC Austria, un contrat d’achat des actifs d’ACC Austria a été signé entre Secop Kompressoren GmbH, une filiale de la requérante, Secop GmbH, aujourd’hui dénommée Secop Austria GmbH, et les administrateurs juridiques d’ACC Austria. Ce contrat était subordonné à la condition suspensive de la déclaration de compatibilité de la transaction avec le marché intérieur par la Commission européenne.

4        Le 5 novembre 2013, la République italienne a notifié à la Commission une aide au sauvetage en faveur d’ACC Compressors.

5        La mesure notifiée consistait en une garantie de l’État de six mois pour des lignes de crédit destinées à pourvoir à des besoins de liquidités d’un montant total de 13,6 millions d’euros. Cette garantie devait permettre la poursuite des activités d’ACC Compressors en attendant la préparation d’un plan de restructuration ou de liquidation.

6        Par décision du 11 décembre 2013, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections quant à l’acquisition des actifs d’ACC Austria par la société devenue Secop Austria (ci‑après la « décision sur la concentration »), validant ainsi le contrat conclu le 20 avril 2013.

7        Le 18 décembre 2013, par sa décision C(2013) 9119 final, concernant l’aide d’État SA.37640 – Aide au sauvetage en faveur d’ACC Compressors SpA – Italie (ci‑après la « décision attaquée »), la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la mesure notifiée. En particulier, elle a considéré que la mesure notifiée constituait une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais qu’elle respectait les conditions pour être déclarée compatible avec le marché intérieur, en tant qu’aide au sauvetage pour une entreprise en difficulté.

8        L’acquisition des actifs d’ACC Austria par Secop Austria portait notamment sur des brevets jusque‑là également utilisés par ACC Compressors pour sa propre production de compresseurs. Deux litiges concernant lesdits brevets (ci‑après les « brevets litigieux ») sont en cours devant des tribunaux allemand et italien entre le groupe Secop et le groupe ACC, qui s’opposent en particulier sur la question de savoir si un accord de licence a valablement été conclu entre eux (ci‑après le « litige sur les brevets »).

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2014, la requérante a introduit le présent recours.

10      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, a posé aux parties des questions écrites. Les parties ont répondu dans le délai imparti par le Tribunal.

11      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 septembre 2015.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      Après modification de ses conclusions au stade de la duplique, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      Au soutien de sa demande en annulation, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 296 TFUE, de la violation des formes substantielles et d’un défaut de motivation, le deuxième, de la violation des traités et, le troisième, d’un détournement de pouvoir.

15      Dans le cadre de ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la requérante a indiqué, d’une part, que son premier moyen devait être compris comme étant tiré d’un défaut d’instruction, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1).

16      La requérante a indiqué, d’autre part, que son troisième moyen devait être compris comme étant tiré d’erreurs d’appréciation, en ce que la Commission n’avait pas tenu compte d’éléments essentiels de l’affaire dont elle avait eu connaissance ou dont elle aurait dû avoir connaissance. Elle a en outre précisé, lors de l’audience, qu’elle ne voyait pas d’obstacle à ce que ses premier et troisième moyens, tels que requalifiés, soient examinés conjointement.

17      C’est donc en ce sens que les moyens soulevés par la requérante seront examinés ci‑après.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des traités

18      Le deuxième moyen est subdivisé en trois branches, respectivement tirées de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, de la violation de l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE et de la violation du principe d’égalité de traitement.

19      Il convient, tout d’abord, d’examiner conjointement la première et la deuxième branche. En effet, ces deux branches ont en substance pour objet de contester sur le fond la décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen.

 Sur les première et deuxième branches du deuxième moyen, tirées de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et de l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE

20      La requérante fait valoir, en substance, que c’est à tort que la Commission a considéré que l’aide litigieuse était compatible avec le marché intérieur et qu’elle s’est abstenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

21      La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Rappel de la jurisprudence pertinente

22      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Commission est obligée d’ouvrir la procédure formelle d’examen notamment si, à la lumière des renseignements obtenus au cours de la procédure préliminaire d’examen, elle reste confrontée à des difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure considérée. Cette obligation résulte directement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence, et est confirmée par les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, lorsque la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure en cause suscite des doutes quant à sa compatibilité (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec, EU:T:2008:29, point 328).

23      En effet, selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire de l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à une mesure étatique que si elle est à même d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette mesure soit ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le marché intérieur. En revanche, si ce premier examen conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou s’il ne lui permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée avec le marché intérieur, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêts du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec, EU:C:1993:239, point 33 ; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 39, et BUPA e.a./Commission, point 22 supra, EU:T:2008:29, point 329).

24      Ainsi, il appartient à la Commission de déterminer, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire, si les difficultés rencontrées dans l’examen de la compatibilité de l’aide nécessitent l’ouverture de cette procédure (arrêt du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec, EU:C:1993:197, point 30). Cette appréciation doit respecter trois exigences.

25      Premièrement, l’article 108 TFUE circonscrit le pouvoir de la Commission de se prononcer sur la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur au terme de la procédure préliminaire d’examen aux seules mesures ne soulevant pas de difficultés sérieuses, de telle sorte que ce critère revêt un caractère exclusif. Ainsi, la Commission ne saurait refuser d’ouvrir la procédure formelle d’examen en se prévalant d’autres circonstances, telles que l’intérêt de tiers, des considérations d’économie de procédure ou tout autre motif de convenance administrative (arrêt du 15 mars 2001, Prayon‑Rupel/Commission, T‑73/98, Rec, EU:T:2001:94, point 44).

26      Deuxièmement, lorsqu’elle se heurte à des difficultés sérieuses, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle et ne dispose, à cet égard, d’aucun pouvoir discrétionnaire. Si son pouvoir est lié quant à la décision d’engager cette procédure, la Commission jouit néanmoins d’une certaine marge d’appréciation dans la recherche et l’examen des circonstances de l’espèce afin de déterminer si celles‑ci soulèvent des difficultés sérieuses. Conformément à la finalité de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et au devoir de bonne administration qui lui incombe, la Commission peut, notamment, engager un dialogue avec l’État notifiant ou des tiers afin de surmonter, au cours de la procédure préliminaire, des difficultés éventuellement rencontrées (arrêt Prayon‑Rupel/Commission, point 25 supra, EU:T:2001:94, point 45).

27      Troisièmement, la notion de « difficultés sérieuses » revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de la décision attaquée que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché intérieur (voir arrêt Prayon‑Rupel/Commission, point 25 supra, EU:T:2001:94, point 47 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que l’aide litigieuse était compatible avec le marché intérieur en ce qu’elle était conforme à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et aux lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci‑après les « lignes directrices »).

29      Il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 107, paragraphe 3, TFUE accorde à la Commission un large pouvoir d’appréciation en vue d’admettre des aides par dérogation à l’interdiction générale du paragraphe 1 de cet article, dans la mesure où l’appréciation, dans ces cas, de la compatibilité ou de l’incompatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur soulève des problèmes impliquant la prise en considération et l’appréciation de faits et de circonstances économiques complexes. Le contrôle exercé par le juge de l’Union européenne doit donc, à cet égard, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’à la vérification de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de l’absence de détournement de pouvoir. Il n’appartient donc pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission. La Commission peut s’imposer des orientations pour l’exercice de ses pouvoirs d’appréciation par le biais de l’adoption d’actes tels que les lignes directrices, dans la mesure où de tels actes contiennent des règles indicatives sur l’orientation à suivre par cette institution et où ils ne s’écartent pas des normes du traité. Dans ce contexte, il appartient au juge de l’Union de vérifier si les exigences que la Commission s’est elle‑même imposées ont été respectées (arrêt du 30 janvier 2002, Keller et Keller Meccanica/Commission, T‑35/99, Rec, EU:T:2002:19, point 77 ; voir également, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission, T‑27/02, Rec, EU:T:2004:348, point 79 et jurisprudence citée).

–       Sur la prétendue qualité d’entreprise nouvelle d’ACC Compressors

30      En premier lieu, la requérante soutient que, à la suite de la vente des actifs d’ACC Austria, les brevets litigieux ne seraient plus utilisables par ACC Compressors, qui devrait, dès lors, être considérée comme une entreprise née de la liquidation d’une entreprise préexistante et, partant, comme une entreprise nouvellement créée, au sens du point 12 des lignes directrices. En effet, à défaut de pouvoir utiliser les brevets litigieux, ACC Compressors ne disposerait pas de structures suffisamment développées pour être éligible à une aide au sauvetage et, en particulier, ne serait pas assimilable à l’entreprise du même nom qui fabriquait des compresseurs depuis 1960.

31      Le point 12 des lignes directrices est ainsi rédigé :

« Aux fins des présentes lignes directrices, une entreprise nouvellement créée ne peut bénéficier d’aides au sauvetage ou à la restructuration, même si sa position financière initiale est précaire. Tel est notamment le cas lorsqu’une nouvelle entreprise naît de la liquidation d’une entreprise préexistante ou de la reprise de ses seuls actifs. Une entreprise est en principe considérée comme nouvellement créée pendant les premières trois années qui suivent son entrée en activité dans le domaine concerné. Ce n’est qu’au terme de cette période qu’elle pourra bénéficier d’aides au sauvetage ou à la restructuration […] »

32      De toute évidence, le but poursuivi par le point 12 des lignes directrices est d’éviter que ne soient créées des entreprises non viables ou des activités déficitaires qui, dès leur création, seraient dépendantes de l’aide publique. À cette fin, la précision apportée à la deuxième phrase dudit point vise notamment le cas de la cession des actifs d’une personne morale préexistante à une autre personne morale, nouvellement créée ou préexistante. Ainsi, c’est l’entité économique dans laquelle les actifs acquis ont été nouvellement intégrés qui pourrait, le cas échéant, se voir qualifiée d’entreprise nouvelle. S’agissant de la personne morale qui cède des actifs, le but d’une telle opération pourrait être précisément le sauvetage de celle‑ci.

33      La requérante soutient, toutefois, que la mention « notamment », figurant au point 12 des lignes directrices, indique que la qualification d’une entreprise de « nouvelle » peut résulter non seulement de la reprise – par le bénéficiaire de l’aide – des actifs d’une autre société, mais également du transfert d’actifs du bénéficiaire à une autre société, tel que, en l’espèce, le transfert des actifs d’ACC Austria, filiale d’ACC Compressors, à Secop Austria.

34      Pour les raisons exposées ci‑après, il convient de rejeter une telle interprétation en l’espèce.

35      Premièrement, ACC Compressors et ACC Austria faisaient initialement partie d’une seule et même entreprise, en ce que ces deux sociétés produisaient les mêmes produits, sur deux sites différents, mais sous une même direction économique. Lors de la cession des actifs productifs d’ACC Austria, devenue effective le 11 décembre 2013, date de l’adoption de la décision sur la concentration (voir points 3 et 6 ci‑dessus), le volume des activités de cette entreprise a certes été réduit, puisque les activités correspondant au site de production situé en Autriche n’en faisaient plus partie. Ainsi, l’entreprise à laquelle l’aide litigieuse, approuvée le 18 décembre 2013, a été accordée ne comprenait plus que les actifs productifs d’ACC Compressors. Néanmoins, cette dernière dirigeait l’entreprise en cause, tant avant qu’après ladite cession, et, comme la requérante l’a admis au point 46 de la requête, elle poursuivait, après la date d’adoption de la décision attaquée, quoique de manière réduite, la production et la commercialisation de compresseurs, qui constituaient l’activité traditionnelle de cette entreprise. Dès lors, contrairement aux allégations de la requérante, il s’agissait de la même entreprise que celle ayant fabriqué des compresseurs depuis 1960.

36      Deuxièmement, l’interprétation proposée par la requérante est contraire à l’objectif du point 12 des lignes directrices, tel qu’exposé au point 32 ci‑dessus. En effet, dans l’hypothèse d’une cession d’actifs, ce n’est pas l’entité constituée par les activités économiques conservées par la société cédante qui est pertinente, aux fins de la qualification d’« entreprise nouvellement créée », mais l’entité constituée par les activités économiques de la société cessionnaire, dans laquelle les actifs cédés ont été intégrés. Il est d’ailleurs normal et raisonnable pour une entreprise en difficulté de céder certains actifs et de focaliser son activité sur son cœur de métier, que ce soit sous un aspect géographique ou sectoriel, en vue d’améliorer les chances d’un redressement économique. Le point 39 des lignes directrices prévoit ainsi expressément la cessation d’actifs en tant que mesure de prévention des distorsions excessives de la concurrence, dans le cadre de l’examen d’un plan de restructuration en vue de l’octroi d’aides à la restructuration. Il serait contraire à la finalité générale des lignes directrices qu’une telle vente d’actifs conduise systématiquement à exclure l’entreprise cédante du bénéfice d’aides au sauvetage.

37      Le fait qu’un différend juridique sur les brevets litigieux soit en cours entre ACC Compressors et Secop Austria n’est pas susceptible de conduire à une appréciation différente.

38      En effet, lors de l’adoption de la décision attaquée, la Commission ne pouvait tenir compte que de la situation factuelle et juridique d’ACC Compressors telle qu’elle se présentait à la date de ladite adoption ; tout au plus devait‑elle prendre en considération l’évolution prévisible de cette situation, à l’horizon de la période pour laquelle l’aide au sauvetage était accordée, à savoir six mois (voir point 5 ci‑dessus). Or, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, à la date de l’adoption de la décision attaquée, ACC Compressors utilisait encore les brevets litigieux pour fabriquer des compresseurs, ce dont elle était obligée de tenir compte, et rien n’indiquait que cette situation aurait pu changer dans les six mois suivants.

39      En outre, il y a lieu de relever que l’existence du litige sur les brevets n’était pas pertinente aux fins de l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide litigieuse. Il est vrai que, si jamais Secop Austria avait dû obtenir gain de cause dans le litige sur les brevets, il aurait été possible qu’ACC Compressors ne puisse plus utiliser les brevets litigieux et doive, en conséquence, cesser la production d’une importante gamme de compresseurs, dite « Kappa ». Néanmoins, cela dépendait également de la question de savoir si, à la suite d’une éventuelle défaite devant les tribunaux, ACC Compressors pouvait obtenir une licence d’exploitation desdits brevets. De plus, il ne pouvait être exclu d’emblée qu’elle puisse compenser l’éventuel arrêt de son activité dans la production de compresseurs « Kappa » par le développement d’autres gammes ou activités. En tout état de cause, il y a lieu de considérer qu’il n’appartenait pas à la Commission d’anticiper l’issue du litige sur les brevets, pendant devant les juridictions nationales à la date de l’adoption de la décision attaquée, en substituant son appréciation à celle des juridictions compétentes, saisies dudit litige.

40      Enfin, il convient de rejeter l’argument de la requérante, avancé lors de l’audience, selon lequel la Commission aurait dû tenir compte du fait que, dans le cadre de la procédure en matière de concentration, ACC Compressors avait elle‑même indiqué que, dans l’hypothèse de l’acquisition par Secop Austria des actifs d’ACC Austria, elle ne pourrait pas continuer sa fabrication de compresseurs puisqu’elle ne pourrait alors plus utiliser les brevets litigieux.

41      En effet, dans la décision sur la concentration, la Commission a examiné les allégations d’ACC Compressors et a constaté que, eu égard notamment au litige sur les brevets existant entre les deux parties, il n’était pas exclu qu’un accord soit conclu entre elles sur une licence. La Commission avait donc déjà constaté, dans le cadre de la procédure en matière de concentration, que les allégations d’ACC Compressors relatives à l’impossibilité pour elle de continuer la production de compresseurs en l’absence d’une licence sur les brevets litigieux étaient hypothétiques.

42      Dans ces conditions, lesdites allégations ne constituaient pas des informations déterminantes pour l’appréciation de la relation concurrentielle entre ACC Compressors et Secop, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas en avoir tenu compte dans le cadre de la procédure en matière d’aides d’État.

–       Sur le fait que l’aide litigieuse ne fait prétendument que « reporter l’inévitable »

43      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’aide litigieuse n’aurait pas dû être accordée en ce qu’elle ne faisait que « reporter l’inévitable », au sens du point 72 des lignes directrices.

44      Le point 72 des lignes directrices est libellé comme suit :

« Une aide au sauvetage est une opération exceptionnelle visant principalement à maintenir une entreprise en activité pendant une période limitée, au cours de laquelle son avenir peut être évalué. Il ne doit pas être possible d’autoriser l’octroi répété d’aides au sauvetage qui se borneraient à maintenir le statu quo, à reporter l’inévitable et à déplacer entre‑temps les problèmes économiques et sociaux sur d’autres producteurs plus performants ou sur d’autres États membres. Une aide au sauvetage ne doit par conséquent être accordée qu’une seule fois (critère de non‑récurrence) […] »

45      Dans l’économie de l’ensemble du point 72 des lignes directrices, le fait qu’une aide au sauvetage ne doit pas simplement servir à maintenir le statu quo et à reporter l’inévitable est donc mentionné, à titre illustratif, pour justifier le principe de non‑récurrence, consacré au même point 72. Ainsi, dans la logique de ce point, le fait qu’une seconde aide au sauvetage soit demandée – dans une période de dix ans après l’octroi d’une première aide au sauvetage – est susceptible de démontrer que la première aide n’a fait que maintenir le statu quo et reporter l’inévitable. En l’occurrence, il suffit d’observer, d’une part, que, selon les constatations faites au point 38 de la décision attaquée, non contestées par la requérante, l’aide litigieuse est la première aide au sauvetage accordée à ACC Compressors et, d’autre part, que la requérante s’est bornée à affirmer que l’aide litigieuse ne faisait que « reporter l’inévitable », sans étayer cette affirmation. Enfin, dans la mesure où la requérante fonderait son allégation sur le litige sur les brevets, il a été constaté ci‑dessus que ce dernier n’était pas pertinent aux fins de l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide litigieuse.

46      Par conséquent, il convient de rejeter cet argument de la requérante.

–       Sur la prise en compte des aides antérieures prétendument perçues

47      En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte de l’effet cumulé de l’aide litigieuse avec les prestations prétendument versées antérieurement par le biais de la Cassa Integrazione. Selon elle, la Cassa Integrazione est une caisse d’allocations de chômage partiel dont les prestations sont considérées, par la Commission, comme étant des aides d’État.

48      Le point 23 des lignes directrices est libellé comme suit :

« Lorsqu’une aide illégale, au sujet de laquelle la Commission a adopté une décision négative comportant un ordre de récupération, a été accordée antérieurement à l’entreprise en difficulté, et que la récupération n’a pas eu lieu conformément à l’article 14 du [règlement no 659/1999], l’examen de toute aide au sauvetage ou à la restructuration devra prendre en compte, premièrement, l’effet cumulé de l’aide antérieure et de la nouvelle aide, deuxièmement, le fait que l’aide antérieure n’a pas été remboursée. »

49      Il convient donc de relever que le point 23 des lignes directrices ne prévoit expressément une prise en compte de l’effet cumulé d’aides antérieures avec une nouvelle aide au sauvetage ou à la restructuration que pour les seules aides illégales, faisant l’objet d’une décision négative comportant un ordre de récupération qui n’a pas encore été mis en œuvre par l’État membre concerné. Au titre de cette disposition, la Commission a d’ailleurs demandé aux autorités italiennes une déclaration selon laquelle ACC Compressors n’avait pas reçu de telles aides non récupérées (décision attaquée, point 40).

50      Or, il est constant que les prestations prétendument versées par le biais de la Cassa Integrazione, dont la Commission affirme qu’elle n’en avait pas connaissance, n’ont pas fait l’objet d’une décision négative de cette dernière. Le libellé des lignes directrices et, en particulier, de leur point 23 n’obligeait donc pas la Commission à tenir compte de ces prétendues aides.

51      Quant à la question de savoir si une telle prise en compte s’imposait en l’absence de toute obligation en ce sens mentionnée expressément dans les lignes directrices, il convient de relever que les particularités des aides au sauvetage s’opposent à la prise en compte de l’effet cumulé des aides antérieures non visées par le point 23 des lignes directrices. En effet, le point 15 des lignes directrices définit comme suit les aides au sauvetage :

« Les aides au sauvetage sont, de par leur nature, une assistance de caractère temporaire et réversible. Elles ont pour principal objectif de permettre le maintien à flot de l’entreprise en difficulté pendant le temps nécessaire à l’élaboration d’un plan de restructuration ou de liquidation. Le principe général est que les aides au sauvetage doivent permettre de soutenir temporairement une société confrontée à une détérioration importante de sa situation financière, qui se traduit par une crise de trésorerie grave ou une insolvabilité technique. Ce soutien temporaire doit donner le temps nécessaire pour analyser les circonstances qui ont donné lieu aux difficultés et pour élaborer un plan permettant d’y remédier. En outre, l’aide au sauvetage doit être limitée au minimum nécessaire. En d’autres termes, une aide au sauvetage donne à l’entreprise en difficulté un répit de courte durée, d’au maximum six mois. L’aide doit consister en un soutien financier réversible sous la forme de garanties de prêts ou de prêts, avec un taux d’intérêt au moins comparable à ceux observés pour les prêts consentis à des entreprises saines, et en particulier aux taux de référence adoptés par la Commission. Des mesures structurelles ne nécessitant pas une intervention immédiate, comme la participation irrémédiable et automatique de l’État dans les fonds propres de l’entreprise, ne peuvent être financées par une aide au sauvetage. »

52      Il découle de cette définition que, tant par la limitation des mesures éligibles (garanties de prêts ou prêts) que par leur caractère temporaire et réversible (fin de garantie et remboursement de prêt au bout de six mois au maximum, sous réserve de soumission, après ce délai, d’un plan de restructuration ou de liquidation) et par leur limitation aux seules mesures nécessaires à la survie temporaire de l’entreprise en cause, les aides au sauvetage, telle l’aide litigieuse, ont des effets très limités sur le marché intérieur, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre. Ce sont ces effets limités, conjointement avec le caractère urgent des aides au sauvetage, qui justifient que la Commission les examine normalement selon une procédure simplifiée, conformément au point 30 des lignes directrices, en s’efforçant d’arrêter une décision dans un délai d’un mois, si les aides satisfont à certains critères. Or, la prise en compte de l’effet cumulé de toute éventuelle aide antérieure prétendument illégale rendrait impossible le respect de ce délai et ne serait donc pas compatible avec le caractère urgent de cet examen et les incidences limitées de ces aides sur la concurrence.

53      De plus, une prise en compte des aides antérieures autres que celles définies au point 23 des lignes directrices – qui font déjà l’objet d’une décision négative finale de la Commission – obligerait la Commission à effectuer, à titre incident, un examen desdites aides antérieures, dont la qualification d’aides et d’aides illégales peut être litigieuse entre elle et l’État membre concerné et qui doivent, le cas échéant, faire l’objet d’une procédure et d’une décision distinctes. Cela pourrait aboutir, in fine, soit à refuser une aide au sauvetage, sur le fondement d’un examen superficiel des aides antérieures, alors que ces dernières pourraient ultérieurement se révéler légales ou ne pas constituer une aide, soit à retarder indûment la décision sur l’aide au sauvetage. Dès lors, une telle manière de procéder apparaît également comme incompatible avec les exigences découlant du principe de sécurité juridique.

54      Pour ces raisons, il convient de considérer que la Commission ne saurait être tenue de prendre en compte l’effet cumulé de prétendues aides antérieures avec une aide au sauvetage, au‑delà des cas de figure visés au point 23 des lignes directrices.

55      Par conséquent, il convient de rejeter comme non fondé cet argument de la requérante.

–       Sur la prise en compte de la pratique de vente à perte prétendument pratiquée par ACC Compressors

56      En quatrième lieu, la requérante considère que la Commission aurait dû tenir compte du risque que l’aide litigieuse puisse permettre à ACC Compressors de poursuivre la politique de vente à perte qu’elle aurait pratiquée depuis 2013.

57      Il suffit de constater, à cet égard, que la requérante se borne à alléguer une prétendue politique de vente à perte d’ACC Compressors, sans produire aucun élément d’explication ou de preuve susceptible d’étayer cette allégation. Dans ces circonstances, il convient de rejeter cet argument de la requérante.

–       Sur les calculs présentés par la Commission

58      En cinquième lieu, la requérante a fait valoir, dans la requête, que les calculs présentés par la Commission dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide litigieuse étaient inexacts et incompréhensibles pour elle, faute d’accès au dossier.

59      Étant donné que, dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, la requérante a renoncé à ce grief, compte tenu des explications fournies par la Commission dans le mémoire en défense, il n’y a plus lieu de statuer à cet égard.

60      Tous les griefs soulevés sous les première et deuxième branches du deuxième moyen devant être rejetés, il convient de rejeter lesdites branches dans leur ensemble.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

61      La requérante relève qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter son point de vue dans le cadre de la procédure en matière d’aides d’État, entamée au bénéfice d’ACC Compressors, pour s’opposer à l’octroi de l’aide litigieuse à cette dernière, le cas échéant, dans le cadre de la procédure formelle d’examen. En revanche, ACC Compressors aurait eu l’occasion, dans le cadre de la procédure en matière de concentration, de s’opposer au rachat des actifs d’ACC Austria par Secop Austria. Selon elle, il s’agit d’une violation du principe d’égalité de traitement, puisque le rapport de concurrence entre le groupe ACC et le groupe Secop devait être examiné dans les deux procédures.

62      Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, Rec, EU:C:2008:728, point 23 et jurisprudence citée).

63      À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que, aussi bien dans le cadre de la procédure en matière d’aides d’État que dans le cadre de celle en matière de concentration, les concurrents des entreprises concernées n’ont aucun droit à être d’office associés à la procédure, et ce, en particulier, dans le cadre de la première phase de la procédure, lors de laquelle la Commission procède à une appréciation préliminaire soit de l’aide en cause, soit de la concentration notifiée.

64      En effet, premièrement, en matière d’aides d’État, selon une jurisprudence constante, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de cette dernière phase, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité FUE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts Cook/Commission, point 24 supra, EU:C:1993:197, point 22 ; Commission/Sytraval et Brink’s France, point 23 supra, EU:C:1998:154, point 38, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec, EU:C:2005:761, point 34). Il en découle que les parties intéressées, autres que l’État membre concerné, y compris les concurrents du bénéficiaire de l’aide, tels que la requérante en l’espèce, n’ont aucun droit à être associées à la procédure dans la phase préliminaire d’examen.

65      Deuxièmement, en matière de concentration, l’article 18, paragraphe 4, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1, ci‑après le « règlement sur les concentrations »), précisé par l’article 11, sous c), du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO L 133, p. 1), prévoit que la Commission peut entendre – d’office – des personnes physiques ou morales autres que les notifiants et les autres parties au projet de concentration, mais qu’elle n’y est obligée que sous la double condition que lesdites personnes disposent d’un intérêt suffisant et qu’elles en fassent la demande (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T‑290/94, Rec, EU:T:1997:186, points 108 et 109).

66      En deuxième lieu, en revanche, il convient de relever que la position d’ACC Compressors dans le cadre de la procédure en matière de concentration n’était pas seulement celle d’une entreprise concurrente de Secop Austria en tant qu’entreprise notifiant la concentration, mais était également celle d’une « autre partie intéressée », au sens de l’article 11, sous b), du règlement no 802/2004, en ce que, en tant que société mère d’ACC Austria dont la totalité des actifs devaient être vendus, elle devait être assimilée au vendeur desdits actifs et avait donc la qualité de partie au projet de concentration. Or, à la différence des concurrents, conformément à l’article 18, paragraphe 1, in fine, du règlement sur les concentrations, les parties intéressées ont le droit de faire connaître leur point de vue à tous les stades de la procédure, à l’inclusion de la phase préliminaire (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1994, Air France/Commission, T‑3/93, Rec, EU:T:1994:36, point 81, et du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00, Rec, EU:T:2002:278, points 93 et 94).

67      Dès lors, force est de constater que la situation de la requérante, dans le cadre de la procédure en matière d’aides d’État ayant conduit à la décision attaquée, est différente de celle d’ACC Compressors dans le cadre de la procédure en matière de concentration ayant conduit à la décision sur la concentration, en ce qu’ACC Compressors disposait d’un droit à être entendue avant l’adoption de cette dernière décision. Par conséquent, le fait que la Commission se soit abstenue, avant l’adoption de la décision attaquée, de donner à la requérante l’occasion de faire valoir son point de vue ne constitue pas une violation du principe d’égalité de traitement.

68      Il convient, par conséquent, de rejeter la troisième branche du deuxième moyen et, par conséquent, ce moyen dans son ensemble.

 Sur les premier et troisième moyens tels que requalifiés, tirés d’un défaut d’instruction et d’erreurs d’appréciation

69      La requérante reproche à la Commission, à cet égard, de ne pas avoir tenu compte des informations contenues dans la décision sur la concentration (voir point 6 ci‑dessus), pourtant pertinentes et essentielles aux fins de l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide litigieuse, et de s’être contentée à cet égard des informations fournies par les autorités italiennes et par ACC Compressors en tant que bénéficiaire. En particulier, la Commission aurait dû prendre en considération le fait qu’ACC Compressors avait indiqué, dans le cadre de la procédure en matière de concentration, que, à défaut d’obtenir des licences sur les brevets litigieux, elle ne serait plus en mesure de poursuivre ses activités sur le marché des compresseurs frigorifiques destinés à des appareils domestiques (voir point 40 ci‑dessus).

70      La Commission conteste les arguments de la requérante.

71      Il convient de relever, à titre liminaire, que la Commission ne conteste pas les faits allégués par la requérante dans le cadre du premier moyen, à savoir qu’elle n’a pas tenu compte, dans la présente affaire en matière d’aides d’État, des informations qu’elle avait recueillies dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision sur la concentration. Les parties ne s’opposent donc que sur deux questions, à savoir, d’une part, celle de savoir si la Commission avait le droit (et même l’obligation) de tenir compte desdites informations et, d’autre part, celle de savoir si lesdites informations étaient pertinentes aux fins de l’appréciation de la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché intérieur.

 Sur la portée de l’obligation d’instruction de la Commission dans le cadre de la phase préliminaire d’examen

72      Puisque le premier moyen, tel que requalifié, est tiré d’un défaut d’instruction, il convient tout d’abord de circonscrire la portée de l’obligation d’instruction de la Commission dans le cadre de la phase préliminaire d’examen.

73      Ainsi que cela a été rappelé au point 64 ci‑dessus, la phase préliminaire d’examen des aides, instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale avec le traité des projets d’aides qui lui sont notifiés.

74      Il découle également de la jurisprudence que, en vue d’obtenir l’approbation, en dérogation aux règles du traité, d’aides nouvelles ou modifiées, il appartient à l’État membre concerné, en vertu de son devoir de coopération envers la Commission résultant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sont réunies (arrêts du 28 avril 1993, Italie/Commission, C‑364/90, Rec, EU:C:1993:157, point 20 ; du 6 avril 2006, Schmitz‑Gotha Fahrzeugwerke/Commission, T‑17/03, Rec, EU:T:2006:109, point 48, et du 12 septembre 2007, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T‑68/03, Rec, EU:T:2007:253, point 36).

75      Les obligations procédurales susmentionnées sont par ailleurs reprises et concrétisées, s’agissant de la procédure préliminaire, par l’article 2, paragraphe 2, et l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement no 659/1999.

76      Il en résulte que, dans le cadre de la procédure préliminaire d’examen, la Commission peut en principe s’en tenir aux éléments fournis par l’État membre en question – le cas échéant, à la suite d’une demande complémentaire de la Commission (arrêt du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec, EU:T:2005:219, points 40 et 41) – et qu’elle n’est pas tenue de procéder de sa propre initiative à l’instruction de toutes les circonstances si les informations fournies par l’État membre notifiant lui permettent d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que la mesure en cause soit ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le marché intérieur (voir la jurisprudence citée au point 23 ci‑dessus).

77      Par ailleurs, s’il devait s’avérer, par la suite, que les informations fournies par l’État membre concerné étaient incomplètes ou erronées sur des points essentiels, au point de remettre en cause l’appréciation de la Commission s’agissant de la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide telle qu’elle a été effectivement mise en œuvre, il s’agirait alors d’une aide nouvelle non notifiée et, partant, illégale au sens de l’article 1er, sous f), du règlement no 659/1999, ce qui justifierait l’ouverture d’une nouvelle procédure par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, Rec, EU:T:2011:493, points 177 à 180).

78      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 37 et 39 ci‑dessus, la circonstance qu’un différend juridique sur les brevets litigieux soit en cours entre ACC Compressors et Secop Austria n’était pas susceptible d’avoir une incidence sur le résultat de l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide litigieuse. Par conséquent, il n’existait aucune obligation pour la Commission de prendre en compte les affirmations faites par ACC Compressors à cet égard dans le cadre de la procédure en matière de concentration.

 Sur l’interdiction pour la Commission d’utiliser à d’autres fins les informations recueillies dans une procédure en matière de concentration

79      De plus, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, les informations recueillies en application dudit règlement ne peuvent être utilisées que dans le but poursuivi par la demande de renseignements, le contrôle ou l’audition.

80      Cette disposition interdisait en principe à la Commission d’utiliser, dans le cadre de la procédure en matière d’aides d’État, les informations qui lui avaient été transmises dans le cadre de la procédure en matière de concentration.

81      La requérante fait toutefois valoir que la jurisprudence de la Cour a réduit le champ d’application de l’article 17 du règlement sur les concentrations dans la mesure où, lorsque la Commission a incidemment connaissance de certaines informations au cours d’une procédure en matière de droit de la concurrence, et dans le cas où ces informations indiquent l’existence d’une violation commise contre d’autres règles de concurrence, elle peut alors ouvrir une seconde procédure afin de vérifier l’exactitude desdites informations ou de les compléter, notamment en requérant les mêmes documents et en les utilisant à des fins de preuve.

82      Il convient de relever, à cet égard, que, quand bien même les informations recueillies en application du règlement sur les concentrations ne peuvent être directement utilisées comme moyens de preuve dans une procédure non régie par ce règlement, elles constituent toutefois des indices qui peuvent, le cas échéant, être pris en compte pour justifier l’ouverture d’une procédure sur le fondement d’une autre base légale (voir, par analogie, pour l’hypothèse de l’utilisation par une autorité de concurrence nationale d’informations recueillies dans le cadre d’une procédure en matière d’ententes au niveau de l’Union, arrêts du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec, EU:C:1989:379, points 18 à 20, et du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a., C‑67/91, Rec, EU:C:1992:330, points 39 et 55).

83      En l’espèce, la requérante ne reproche pas à la Commission de s’être abstenue d’ouvrir une procédure en matière d’aides d’État sur le fondement des informations recueillies dans le cadre de la procédure en matière de concentration, mais lui reproche de ne pas avoir tenu compte de ces dernières dans le cadre de la procédure en matière d’aides déjà en cours. Dès lors, il convient de considérer que, en application de la jurisprudence citée au point 82 ci‑dessus, la Commission avait à tout le moins le droit, dans le cadre de la procédure en matière d’aides d’État, de demander la production d’informations ou de documents dont elle avait eu connaissance dans le cadre de la procédure en matière de concentration, si ces informations ou documents étaient pertinents aux fins de l’examen de l’aide en cause.

84      La requérante soutient, en outre, en se fondant sur divers arrêts des juridictions de l’Union, qu’il peut être dérogé à l’interdiction prévue à l’article 17, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations s’il existe des liens de connexité entre différentes procédures engagées devant la Commission. En l’espèce, ce seraient la restructuration du groupe HCH et la vente des actifs de l’ancienne société ACC Austria, ainsi que les conséquences qui s’en sont suivies pour ACC Compressors, qui constitueraient de tels liens de connexité entre la procédure en matière de concentration et celle en matière d’aides d’État.

85      À ce titre, il ressort de la jurisprudence que la Commission doit, par principe, éviter les incohérences pouvant survenir dans la mise en œuvre des différentes dispositions du droit de l’Union. Cette obligation pour la Commission de respecter la cohérence entre les dispositions du traité relatives aux aides d’État et d’autres dispositions du traité s’impose tout particulièrement dans l’hypothèse où ces autres dispositions visent également l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché intérieur (voir arrêt du 31 janvier 2001, RJB Mining/Commission, T‑156/98, Rec, EU:T:2001:29, point 112 et jurisprudence citée).

86      Il en résulte, notamment, que, en adoptant une décision sur la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, la Commission ne saurait ignorer le risque d’une atteinte à la concurrence dans le marché intérieur de la part d’opérateurs économiques particuliers (arrêt RJB Mining/Commission, point 85 supra, EU:T:2001:29, point 113). Par analogie, il doit être considéré que, en adoptant une décision sur la compatibilité d’une aide d’État, la Commission doit tenir compte des conséquences d’une concentration qu’elle est en train d’apprécier dans le cadre d’une autre procédure, dans la mesure où les conditions de cette concentration sont de nature à influencer l’appréciation de l’affectation de la concurrence susceptible d’être induite par l’aide en cause. Le cas échéant, la Commission pourrait alors être tenue d’adresser une question à l’État membre concerné, afin d’introduire les informations en question dans la procédure en matière d’aides d’État.

87      Or, étant donné que le litige sur les brevets n’était pas pertinent aux fins de l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide litigieuse (voir points 37 et 39 ci‑dessus), une telle obligation n’existait pas en l’espèce.

88      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter les premier et troisième moyens, tels que requalifiés.

89      Tous les moyens de la requérante devant être rejetés, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Secop GmbH est condamnée aux dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er mars 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des traités

Sur les première et deuxième branches du deuxième moyen, tirées de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et de l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE

– Rappel de la jurisprudence pertinente

– Sur la prétendue qualité d’entreprise nouvelle d’ACC Compressors

– Sur le fait que l’aide litigieuse ne fait prétendument que « reporter l’inévitable »

– Sur la prise en compte des aides antérieures prétendument perçues

– Sur la prise en compte de la pratique de vente à perte prétendument pratiquée par ACC Compressors

– Sur les calculs présentés par la Commission

Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

Sur les premier et troisième moyens tels que requalifiés, tirés d’un défaut d’instruction et d’erreurs d’appréciation

Sur la portée de l’obligation d’instruction de la Commission dans le cadre de la phase préliminaire d’examen

Sur l’interdiction pour la Commission d’utiliser à d’autres fins les informations recueillies dans une procédure en matière de concentration

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.