Language of document : ECLI:EU:C:2017:794

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

11 octobre 2017 (*)

« Procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑441/17,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 20 juillet 2017,

Commission européenne, représentée par M. C. Hermes ainsi que par Mmes K. Herrmann et E. Kružíková, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le juge rapporteur, M. E. Regan, et l’avocat général, M. Y. Bot, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de faire constater que la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent :

–        en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 158, p. 193) (ci-après la « directive “habitats” »), en approuvant, par la décision du ministre de l’Environnement de la République de Pologne du 25 mars 2016 (ci–après la « décision du 25 mars 2016 »), une modification du plan de gestion forestière concernant le district forestier de Białowieża (Pologne) et en mettant en œuvre, par l’article 1er, points 2 et 3, de la décision no 51 du directeur général de l’Office des forêts, du 17 février 2017 (ci-après la « décision no 51 »), les opérations de gestion forestière prévues dans cette modification sans s’être assurée que cela ne porterait pas atteinte à l’intégrité du site PLC200004 Puszcza Białowieska (Pologne) (ci-après le « site Natura 2000 Puszcza Białowieska ») ;

–        en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats » ainsi que de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2009, L 20, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17 (ci-après la « directive “oiseaux” »), en omettant d’établir les mesures de conservation nécessaires qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II de la directive « habitats », ainsi que des oiseaux de l’annexe I de la directive « oiseaux » et des espèces migratrices non visées à ladite annexe dont la venue est régulière, pour lesquels le site d’importance communautaire et la zone de protection spéciale des oiseaux du site Natura 2000 Puszcza Białowieska ont été désignés ;

–        en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous a) et d), de la directive « habitats », en omettant d’assurer une protection stricte des coléoptères saproxyliques [le cucujus vermillon (Cucujus cinnaberinus), le bupreste splendide (Buprestis splendens), le phryganophile à cou roux (Phryganophilus ruficollis) et le Pytho kolwensis] mentionnés à l’annexe IV, sous a), de ladite directive, à savoir en ne veillant pas à ce qu’il soit effectivement interdit de les tuer intentionnellement ou de les perturber et de détériorer ou de détruire leurs sites de reproduction dans le district forestier de Białowieża, et

–        en vertu de l’article 5, sous b) et d), de la directive « oiseaux », en omettant d’assurer la protection d’espèces d’oiseaux visées à l’article 1er de cette directive, notamment le pic à dos blanc (Dendrocopos leucotos), le pic tridactyle (Picoides tridactylus), la chevêchette (Glaucidium passerinum) et la chouette de Tengmalm (Aegolius funereus), à savoir en omettant de veiller à ce que ces espèces ne soient pas tuées ou perturbées durant la période de reproduction et de dépendance et à ce que leurs nids et leurs œufs ne soient pas intentionnellement détruits, endommagés ou enlevés dans le district forestier de Białowieża.

2        Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 20 juillet 2017, la Commission a également introduit une demande en référé en vue de l’octroi de mesures provisoires au titre de l’article 279 TFUE et de l’article 160, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, visant à ordonner à la République de Pologne que celle-ci, dans l’attente de l’arrêt de la Cour statuant sur le fond, cesse, sauf en cas de menace pour la sécurité publique, les opérations de gestion forestière active dans des habitats 91D 0 – tourbières boisées –, et 91E0 – forêts alluviales à saules, peupliers, aulnes et frênes –, et dans les peuplements forestiers centenaires de l’habitat 9170 – chênaies-charmaies subcontinentales, ainsi que dans les habitats du pic à dos blanc, du pic tridactyle, de la chevêchette, de la chouette de Tengmalm, de la bondrée apivore, du gobemouche nain, du gobemouche à collier et du pigeon colombin et dans les habitats des coléoptères saproxyliques cités au point 1, troisième tiret, de la présente ordonnance, et cesse l’enlèvement d’épicéas centenaires morts et l’abattage d’arbres dans le cadre de l’augmentation du volume de bois exploitable sur le site Natura 2000 Puszcza Białowieska, lesquelles opérations découlent de la décision du 25 mars 2016 et de la décision no 51.

3        Par sa demande en référé, la Commission sollicitait également, en vertu de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure, l’octroi des mesures provisoires susmentionnées avant même que la partie défenderesse ait présenté ses observations en raison du risque de préjudice grave et irréparable pour les habitats et l’intégrité du site Natura 2000 Puszcza Białowieska.

4        Par ordonnance du vice-président de la Cour du 27 juillet 2017, Commission/Pologne (C‑441/17 R, non publiée, EU:C:2017:622), il a été ordonné à la République de Pologne, en vertu dudit article 160, paragraphe 7, de suspendre, sauf en cas de menace pour la sécurité publique, l’exécution des opérations de gestion forestière en cause, jusqu’au prononcé de l’ordonnance qui mettra fin à la procédure de référé.

5        Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 7 août 2017, la Commission a demandé à ce que la présente affaire soit traitée en priorité, conformément à l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure.

6        Par décision du 9 août 2017, le président de la Cour a fait droit à cette demande.

7        Conformément à l’article 133, paragraphe 3, du règlement de procédure, le président de la Cour peut également d’office, à titre exceptionnel, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, les parties, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre une affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 133, paragraphe 1, du règlement de procédure, dérogeant aux dispositions de ce règlement.

8        Interrogées, conformément à l’article 133, paragraphe 3, dudit règlement, par le président de la Cour, la Commission et la République de Pologne ont indiqué qu’elles étaient favorables à ce que la présente affaire soit soumise d’office à la procédure accélérée.

9        À cet égard, il y a lieu de relever que, selon les éléments soumis à la Cour, la décision du 25 mars 2016 a approuvé, au motif pris de la propagation du bostryche typographe (Ips typographus), une annexe au plan de gestion forestière de 2012 permettant de tripler l’exploitation du bois dans le district forestier de Białowieża, à savoir de passer de 63 471 m3 à 188 000 m3 entre l’année 2012 et l’année 2021, ainsi que d’effectuer des opérations de gestion forestière active, telles que les coupes sanitaires, le reboisement et les coupes de rajeunissement, dans des zones dans lesquelles toute intervention était jusque-là exclue. Par la suite, en application de la décision no 51, il a été procédé à l’enlèvement d’arbres secs et d’arbres colonisés par le bostryche typographe sur environ 34 000 des 63 147 hectares sur lesquels le site Natura 2000 Puszcza Białowieska s’étend.

10      Selon la Commission, l’intensification des opérations d’abattage d’arbres, principalement des épicéas, colonisés par le bostryche typographe (bois scolyté), d’enlèvement d’arbres moribonds ou de chandelles et de peuplements forestiers centenaires ainsi que de reboisement sur le site Natura 2000 Puszcza Białowieska, mis en œuvre sur le fondement de la décision du 25 mars 2016, est contraire aux directives « habitats » et « oiseaux ». En substance, cette institution estime que ces opérations de gestion forestière coïncident avec les dangers potentiels pour les habitats naturels et les espèces animales mentionnés aux points 1 et 2 de la présente ordonnance, entravent, voire privent d’effet, les mesures de conservation de ces habitats et contribuent à leur dégradation et à leur destruction.

11      Pour sa part, la République de Pologne fait valoir que l’interruption des opérations en cause au sein des peuplements forestiers colonisés par le bostryche typographe est susceptible d’entraîner des effets négatifs considérables pour les habitats naturels et les habitats d’espèces animales pour la conservation desquels le site Natura 2000 Puszcza Białowieska a été désigné. La propagation incontrôlée de ce coléoptère pourrait donner lieu à un bouleversement profond de l’écosystème de la forêt de Białowieża et, partant, engendrer un dommage environnemental susceptible de représenter une menace directe pour la vie et la santé humaines.

12      Le différend qui oppose la Commission à la République de Pologne fait ainsi ressortir l’existence de risques imminents et potentiellement graves pour l’environnement (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 29 septembre 2016, North East Pylon Pressure Campaign et Sheehy, C‑470/16, non publiée, EU:C:2016:736, point 11).

13      En effet, d’une part, la prolongation de la suspension, telle que prévue par l’ordonnance du vice-président de la Cour du 27 juillet 2017, Commission/Pologne (C‑441/17 R, non publiée, EU:C:2017:622), des opérations de gestion forestière en cause pourrait contribuer, selon la République de Pologne, à la propagation du bostryche typographe, tandis que, d’autre part, la mise en œuvre de ces opérations est susceptible d’entraîner, selon la Commission, des conséquences irréversibles sur des habitats naturels visés à l’annexe I de la directive « habitats », sur des espèces animales mentionnées à l’annexe II et à l’annexe IV, sous a), de cette directive ainsi que sur des espèces d’oiseaux figurant à l’annexe I de la directive « oiseaux » et, en conséquence, de porter gravement atteinte à la biodiversité sur le site Natura 2000 Puszcza Białowieska.

14      Dans ces conditions, une réponse de la Cour dans de brefs délais quant à la conformité au droit de l’Union des opérations de gestion forestière en cause est susceptible d’atténuer les risques pouvant résulter de la prolongation de la suspension de leur exécution et d’obvier aux conséquences irrémédiables que leur mise en œuvre serait susceptible d’entraîner (voir, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 13 avril 2016, Pesce e.a., C‑78/16 et C‑79/16, non publiée, EU:C:2016:251, point 10).

15      À cet égard, s’il est vrai que la Cour reste saisie d’une demande en référé en vue de l’octroi de mesures provisoires au titre de l’article 279 TFUE ainsi que de l’article 160, paragraphe 2, du règlement de procédure, il n’en reste pas moins que l’objet et les conditions de mise en œuvre d’une telle demande et ceux de la procédure accélérée prévue à l’article 133 de ce règlement ne sont pas identiques (ordonnance du président de la Cour du 7 avril 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, non publiée, EU:C:2016:232, point 18).

16      Or, en l’espèce, il apparaît, sans préjudice de l’ordonnance qui mettra fin à la procédure de référé, que l’application de ladite procédure accélérée est justifiée par la nature de la présente affaire, pour les motifs énoncés aux points 12 à 14 de la présente ordonnance.

17      En conséquence, il convient de soumettre l’affaire C‑441/17 à la procédure accélérée.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

1)      L’affaire C441/17 est soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 133 du règlement de procédure de la Cour.

2)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.