Language of document : ECLI:EU:C:2008:224

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 avril 2008 (*)

«Aides d’État – Régime d’aides autorisé pour une période déterminée – Notification du régime d’aides modifié pour une nouvelle période – Mesures de transition entre les deux régimes successifs – Décision de la Commission de ne pas s’y opposer – Éléments d’information dont la Commission pouvait disposer –Validité de la décision de la Commission – Égalité de traitement – Motivation»

Dans l’affaire C‑390/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale ordinario di Roma (Italie), par décision du 14 juin 2006, parvenue à la Cour le 19 septembre 2006, dans la procédure

Nuova Agricast Srl

contre

Ministero delle Attività Produttive,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts, G. Arestis et U. Lõhmus, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, M. Ilešič (rapporteur), J. Malenovský, J. Klučka, E. Levits et Mme C. Toader, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. H. von Holstein, greffier-adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 septembre 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Nuova Agricast Srl, par Me M. A. Calabrese, avvocato,

–        pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. V. Russo, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mme E. Righini et M. V. Di Bucci, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 novembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de la décision de la Commission, du 12 juillet 2000, de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’un régime d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie jusqu’au 31 décembre 2006 (aide d’État n° N 715/99 – Italie) (ci-après la «décision litigieuse»), dont une communication succincte a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 278, p. 26).

2        Elle a été présentée dans le cadre d’un recours introduit par Nuova Agricast Srl (ci-après «Nuova Agricast»), une entreprise établie dans la région des Pouilles, en Italie, à l’encontre du Ministero delle Attività Produttive (ministère des Activités productives) et tendant à obtenir la réparation du préjudice, consistant dans la non-perception d’une aide d’État, que cette entreprise aurait subi en raison du comportement fautif adopté par les autorités italiennes lors des discussions menées avec la Commission des Communautés européennes préalablement à l’adoption de la décision litigieuse.

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) n° 659/1999

3        Ainsi qu’il ressort de son deuxième considérant, le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), codifie et étaye la pratique en matière d’examen des aides d’État établie par la Commission en conformité avec la jurisprudence de la Cour.

4        Aux termes de l’article 1er, sous c), de ce règlement, on entend par «aide nouvelle» «toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante».

5        L’article 2 du règlement n° 659/1999 dispose:

«1.      Sauf indication contraire dans tout règlement pris en application de l’article [89] du traité ou de toute autre disposition pertinente de ce dernier, tout projet d’octroi d’une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l’État membre concerné. La Commission informe aussitôt l’État membre concerné de la réception d’une notification.

2.      Dans sa notification, l’État membre concerné fournit tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de prendre une décision conformément aux articles 4 et 7 (‘notification complète’).»

6        L’article 4 du règlement n° 659/1999 prévoit, à ses paragraphes 2 à 4:

«2.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [87], paragraphe 1, du traité, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée ‘décision de ne pas soulever d’objections’). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [88], paragraphe 2, du traité (ci-après dénommée ‘décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen’).»

7        L’article 5 du règlement n° 659/1999 précise, à son paragraphe 1, que, «[s]i la Commission considère que les informations fournies par l’État membre concerné au sujet d’une mesure notifiée conformément à l’article 2 sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin».

 Les régimes d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie autorisés jusqu’au 31 décembre 1999

8        Par le décret-loi n° 415, relatif au refinancement de la loi n° 64 du 1er mars 1986, portant règlement organique de l’intervention extraordinaire dans le Mezzogiorno (Rifinanziamento della legge 1° marzo 1986, n. 64, recante disciplina organica dell’intervento straordinario nel Mezzogiorno), du 22 octobre 1992 (GURI n° 249, du 22 octobre 1992, p. 3), converti en loi, après modification, par la loi n° 488, du 19 décembre 1992 (GURI n° 299, du 21 décembre 1992, p. 3, et rectificatif, GURI n° 301, du 23 décembre 1992, p. 40), elle-même modifiée par le décret législatif n° 96, du 3 avril 1993 (GURI n° 79, du 5 avril 1993, p. 5, ci-après la «loi n° 488/1992»), le législateur italien a prévu des mesures financières destinées à inciter les entreprises à développer certaines activités productives dans les régions défavorisées du pays.

9        Les 1er mars 1995 et 21 mai 1997, la Commission a adopté deux décisions de ne pas soulever d’objections, d’abord jusqu’au 31 décembre 1996, puis jusqu’au 31 décembre 1999, à l’encontre de régimes d’aides successifs fondés sur la loi n° 488/1992 et sur diverses dispositions d’application de celle-ci (aides d’État nos N 40/95 et N 27/A/97). Ces décisions ont fait l’objet de communications succinctes publiées au Journal officiel des Communautés européennes en date du 18 juillet 1995 en ce qui concerne la décision du 1er mars 1995 (JO 1995, C 184, p. 4) et du 8 août 1997 en ce qui concerne la décision du 21 mai 1997 (JO 1997, C 242, p. 4, ci-après la «décision de 1997»).

10      Les modalités du régime d’aides autorisé par la décision de 1997 (ci-après le «régime d’aides 1997-1999») ont été instituées, premièrement, par la délibération du Comitato interministeriale per la programmazione economica (Comité interministériel pour la programmation économique) portant directives pour l’octroi de subventions au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la loi n° 488/1992 (direttive per la concessione di agevolazioni ai sensi dell’art. 1, comma 2, del decreto-legge 22 ottobre 1992, n. 415, convertito nella legge 19 dicembre 1992, n. 488, in tema di disciplina organica dell’intervento straordinario nel Mezzogiorno), du 27 avril 1995 (GURI n° 142, du 20 juin 1995, p. 17), telle que modifiée par la délibération dudit Comité du 18 décembre 1996 (GURI n° 70, du 25 mars 1997, p. 35), deuxièmement, par le décret n° 527 du Ministero dell’Industria, del Commercio e dell’Artigianato (ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, ci-après le «MICA»), arrêtant le règlement portant les modalités et les procédures d’octroi et d’affectation des subventions en faveur des activités productives dans les régions défavorisées du pays (regolamento recante le modalità e le procedure per la concessione ed erogazione delle agevolazioni in favore delle attività produttive nelle aree depresse del Paese), du 20 octobre 1995 (GURI n° 292, du 15 décembre 1995, p. 3), tel que modifié par le décret n° 319 dudit ministère, du 31 juillet 1997 (GURI n° 221, du 22 septembre 1997, p. 31), ainsi que, troisièmement, par la circulaire n° 234363 du MICA, du 20 novembre 1997 (supplément ordinaire à la GURI n° 291, du 15 décembre 1997).

11      Ces modalités prévoyaient notamment que: 

–        les ressources financières de chaque année étaient divisées en deux parts égales attribuées chacune dans le cadre d’un avis de présentation des demandes; cependant, en fonction des disponibilités financières de l’année à laquelle se rapportaient les ressources, les modalités de répartition de celles-ci pouvaient être modifiées par décret, en particulier en allouant ces ressources dans le cadre d’un seul avis;

–        les demandes présentées au titre d’un avis étaient instruites par des banques concessionnaires, qui leur accordaient un certain nombre de points en fonction de critères réglementaires, dénommés «indicatori» (ci-après les «indicateurs»);

–        sur la base des résultats des instructions des banques, le MICA établissait des tableaux de classement régionaux, dans lesquels les demandes étaient inscrites par ordre décroissant en fonction du nombre de points accordés, et prenait un décret d’attribution des subventions en faveur des demandes inscrites à partir de la première et jusqu’à épuisement des fonds affectés à l’avis concerné;

–        les dépenses éligibles étaient celles qui avaient été exposées à partir du jour suivant la date de clôture de l’avis précédant celui au titre duquel la demande d’aide était présentée, à l’exception des dépenses pour les études d’ingénieurs et autres études ainsi que pour l’acquisition et l’aménagement du terrain de l’entreprise, qui étaient éligibles à partir du douzième mois précédant la date de présentation de la demande;

–        les entreprises dont la demande d’aide avait été inscrite à un tableau régional, mais qui n’avaient pu obtenir de subventions parce que les ressources affectées à l’avis concerné étaient inférieures au montant global des aides demandées, pouvaient soit représenter le même projet une seule fois, au titre de l’avis utile suivant immédiatement celui au titre duquel leur demande avait d’abord été présentée, sans modifier les éléments pris en compte par les indicateurs (mécanisme dit d’«inscription automatique» de la demande), soit renoncer à cette inscription automatique et présenter à nouveau le même projet, au titre du premier avis utile suivant celui pour lequel elles avaient renoncé à ladite inscription automatique, en modifiant tout ou partie des éléments pris en compte par les indicateurs afin de rendre la demande d’aide plus compétitive, sans toutefois que cette modification pût porter sur les éléments essentiels du projet (mécanisme dit de «reformulation» de la demande); dans l’un et l’autre cas, étaient maintenues valides, aux fins de l’éligibilité des dépenses, les conditions applicables aux demandes originelles.

 Les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale

12      La Commission a publié, en 1998, des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9, ci-après les «lignes directrices»), dont le point 4.2, troisième alinéa, précise que «les régimes d’aides doivent prévoir que la demande de l’aide doit être introduite avant le début d’exécution des projets».

13      Aux termes du point 6.1, premier alinéa, des lignes directrices, «[e]xception faite des dispositions transitoires établies aux points 6.2 et 6.3, la Commission appréciera la compatibilité des aides à finalité régionale avec le marché commun sur la base des présentes lignes directrices dès leur adoption».

 La décision litigieuse et le régime d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie autorisé du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2006

14      Le 18 novembre 1999, en application de l’article 88, paragraphe 3, CE, les autorités italiennes ont notifié à la Commission, qui l’a enregistré sous le numéro N 715/99, un projet de régime d’aides applicable à compter du 1er janvier 2000 et fondé sur la loi n° 488/1992.

15      À la suite de plusieurs courriers et d’une réunion entre des représentants du gouvernement italien et de la Commission, ce projet de régime d’aides a été modifié par les autorités italiennes.

16      Par la décision litigieuse, adoptée le 12 juillet 2000 et notifiée à la République italienne par lettre SG(2000) D/105754 du 2 août 2000, la Commission a décidé de ne pas s’opposer à ce régime d’aides jusqu’au 31 décembre 2006 (ci-après le «régime d’aides 2000-2006»).

17      La décision litigieuse comporte une disposition visant spécifiquement à approuver les mesures dudit régime d’aides qui assurent une transition avec le régime d’aides 1997-1999 (ci-après la «disposition transitoire»). Cette disposition est ainsi libellée:

«Seulement à l’occasion de la première application du régime en cause, c’est-à-dire lors du premier avis qui sera organisé au titre de ce régime, et sous réserve, en tout état de cause, que les demandes d’aide aient été introduites avant le début d’exécution des projets d’investissements, les demandes introduites au titre du dernier avis organisé sous le [régime d’aides 1997-1999] qui ont été considérées comme éligibles à l’aide, mais pour lesquelles aucune aide n’a été octroyée à cause de la limitation des ressources budgétaires allouées à cet avis, seront admises à titre exceptionnel.»

18      À la suite de cette décision, le MICA a adopté le décret portant les mesures maximales consenties quant aux subventions en faveur des activités productives dans les régions défavorisées du pays visées par la loi n° 488/1992 pour les régions de Basilicate, de Calabre, de Campanie, des Pouilles, de Sardaigne et de Sicile (misure massime consentite relative alle agevolazioni in favore delle attività produttive nelle aree depresse del Paese di cui alla legge n. 488/1992 per le regioni Basilicata, Calabria, Campania, Puglia, Sardegna e Sicilia), du 14 juillet 2000 (GURI n° 166, du 18 juillet 2000, p. 9), et la circulaire n° 9003, du 14 juillet 2000 (supplément ordinaire à la GURI n° 175, du 28 juillet 2000), aux fins de préciser les modalités d’exécution du régime d’aides 2000-2006.

19      L’article unique, paragraphe 2, premier alinéa, de ce décret prévoit que les aides peuvent être accordées «sur la base [...] des dépenses considérées comme éligibles dans le cadre des programmes relatifs au dernier avis utile, qui ont fait l’objet d’une appréciation favorable, mais qui n’ont pas été subventionnées en raison de l’insuffisance des fonds».

 Le litige au principal et la question préjudicielle

20      Dans le cadre du régime d’aides 1997-1999, le MICA a publié, le 1er décembre 1997, le troisième avis de présentation des demandes d’aides, secteur industrie, correspondant au premier semestre 1998 (ci-après le «troisième avis»).

21      Les entreprises intéressées avaient jusqu’au 16 mars 1998 pour présenter leurs demandes d’aide. Elles pouvaient demander le financement des dépenses exposées à compter du jour suivant la clôture du délai d’introduction des demandes présentées au titre de l’avis précédent (deuxième avis), soit le 1er janvier 1997.

22      Le 9 février 1998, Nuova Agricast a introduit une demande d’aide au titre du troisième avis. Cette demande, jugée éligible, a été inscrite au tableau de classement des demandes pour la région des Pouilles par décret du MICA du 14 août 1998. Néanmoins, compte tenu du rang de classement de ladite demande, Nuova Agricast n’a pas obtenu l’aide sollicitée, faute de fonds suffisants.

23      Dans l’intervalle, le quatrième avis de présentation des demandes d’aides, secteur industrie, correspondant au second semestre 1998 (ci-après le «quatrième avis»), avait été publié.

24      Le 16 septembre 1998, Nuova Agricast a renoncé à l’inscription automatique de sa demande au tableau afférent au quatrième avis, afin de pouvoir présenter à nouveau une demande reformulée au titre du premier avis utile suivant cet avis.

25      Toutefois, aucun avis utile n’a été publié par les autorités italiennes avant le 31 décembre 1999, date d’expiration du régime d’aides 1997-1999.

26      Le 14 juillet 2000, soit postérieurement à l’entrée en vigueur du régime d’aides 2000-2006, les autorités italiennes ont publié le huitième avis de présentation des demandes d’aides, secteur industrie (ci-après le «huitième avis»).

27      Compte tenu des conditions en vigueur dans le cadre du régime d’aides 2000-2006, la demande reformulée de Nuova Agricast – qui ne pouvait pas bénéficier de la disposition transitoire figurant dans la décision litigieuse – a été jugée irrecevable et n’a pas été inscrite au tableau afférent au huitième avis.

28      Nuova Agricast, conjointement avec d’autres entreprises italiennes dans la même situation, a alors introduit un premier recours devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes afin d’obtenir l’annulation de la décision litigieuse. Par ordonnance du 15 juin 2005, Nuova Agricast e.a./Commission (T‑98/04, non publiée au Recueil), le Tribunal a rejeté ce recours comme irrecevable, au motif qu’il avait été introduit après l’expiration du délai de deux mois prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE.

29      Le 21 septembre 2005, Nuova Agricast a introduit un second recours devant le Tribunal, enregistré sous le numéro T‑362/05, afin d’obtenir la condamnation de la Commission à réparer le préjudice qu’elle prétend avoir subi par suite de l’adoption de la décision litigieuse. Cette procédure est actuellement pendante.

30      Par ailleurs, Nuova Agricast a introduit un recours devant le Tribunale ordinario di Roma (tribunal ordinaire de Rome) aux fins de voir condamner le Ministero delle Attività Produttive, qui a repris les attributions du MICA, à réparer le préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de la non-perception de l’aide sollicitée.

31      Dans le cadre de cette procédure, Nuova Agricast a notamment soutenu que, lors des discussions avec la Commission en vue d’obtenir le renouvellement du régime d’aides après le 31 décembre 1999, l’État italien n’avait pas correctement sauvegardé les droits acquis des entreprises qui, comme elle, avaient renoncé à l’inscription automatique au tableau afférent au quatrième avis – qui s’est avéré le dernier avis dans le secteur de l’industrie avant l’expiration du régime d’aides 1997-1999 – en vue de présenter une demande reformulée au titre du premier avis utile suivant cet avis. En effet, l’État italien aurait induit la Commission en erreur en négligeant de l’informer que ces entreprises étaient elles aussi titulaires de droits acquis et aurait ainsi porté atteinte à la confiance légitime qu’avaient lesdites entreprises dans la possibilité de pouvoir présenter une demande reformulée.

32      La juridiction de renvoi considère que Nuova Agricast avait un «intérêt juridique pertinent» à voir sa demande reformulée inscrite au tableau afférent au premier avis utile suivant celui pour lequel elle a renoncé à l’inscription automatique de sa demande originelle.

33      Partant, la confiance légitime de Nuova Agricast aurait été définitivement trompée par la décision litigieuse, car celle-ci aurait modifié le régime d’aides 2000-2006 par rapport au régime d’aides 1997-1999, en prévoyant l’éligibilité des seules dépenses d’exécution des projets subventionnés exposées après la présentation de la demande d’aide (principe de la nécessité de l’aide), tout en acceptant, à titre transitoire et exceptionnel, une dérogation à ce principe uniquement en faveur des demandes non satisfaites dans le cadre du dernier avis publié sous l’empire du régime d’aides 1997-1999.

34      La juridiction de renvoi expose que, aux fins de statuer sur la demande de réparation présentée par Nuova Agricast, il lui appartient de vérifier s’il existe un lien de cause à effet entre les fautes reprochées à l’État italien et le préjudice allégué.

35      Dans la mesure où la décision litigieuse – qui constitue, selon la juridiction de renvoi, le fait générateur du préjudice («eventum damni») – vient s’insérer entre le comportement matériel reproché à l’État italien, consistant à n’avoir pas ou pas exactement informé la Commission, et la réalisation du préjudice allégué par Nuova Agricast, la juridiction de renvoi estime que, afin d’établir le lien de causalité entre ce comportement et ce préjudice, elle doit déterminer si ledit préjudice aurait été évité dans l’hypothèse où l’État italien aurait adopté un autre comportement et, pour cela, déterminer si la Commission aurait adopté une disposition transitoire différente dans l’hypothèse où elle aurait été «exactement et complètement informée des situations juridiques des entreprises intéressées à obtenir des subventions au titre de la loi n° 488/1992».

36      Selon la juridiction de renvoi, la preuve du caractère certain d’un résultat différent qui eût été favorable à Nuova Agricast suppose que soit établie l’invalidité de la disposition transitoire contenue dans la décision litigieuse en tant que cette disposition s’écarte des règles et des principes de l’ordre juridique communautaire.

37      La juridiction de renvoi se demande, en premier lieu, si la disposition transitoire, en tant qu’elle ne bénéficie pas aux entreprises dans la situation de Nuova Agricast, ne doit pas être jugée invalide comme violant le principe d’égalité de traitement.

38      Cette juridiction considère en effet que, à l’expiration de l’autorisation du régime d’aides 1997-1999, il existait trois catégories d’entreprises:

–        les entreprises, telle Nuova Agricast, dont la demande d’aide avait été inscrite au tableau afférent au troisième avis, qui n’avaient pas obtenu l’aide demandée au titre de cet avis en raison de l’insuffisance des fonds disponibles et qui avaient alors renoncé à l’inscription automatique au tableau afférent au quatrième avis en vue de présenter une demande reformulée au titre du premier avis utile suivant cet avis (ci-après les «entreprises de la première catégorie»);

–        les entreprises dont la demande avait été inscrite au tableau afférent au quatrième avis, qui n’avaient pas obtenu l’aide demandée en raison de l’insuffisance des fonds disponibles (ci-après les «entreprises de la deuxième catégorie»);

–        les entreprises qui n’avaient pas encore présenté de demande d’aide, bien que leur projet d’investissement fût déjà en cours (ci-après les «entreprises de la troisième catégorie»).

39      Or, elle estime, d’une part, que les entreprises de la première catégorie et celles de la troisième catégorie, qui ont été pareillement exclues du bénéfice de la disposition transitoire, n’étaient pas dans la même situation et n’auraient donc pas dû être traitées de la même façon. Elle considère, d’autre part, que les entreprises de la première catégorie et celles de la deuxième catégorie étaient placées dans des situations juridiques similaires, de sorte que les premières auraient dû bénéficier de la disposition transitoire à l’instar des secondes.

40      La juridiction de renvoi se demande, en second lieu, si la disposition transitoire ne doit pas être jugée invalide comme violant l’obligation de motivation des actes des institutions communautaires énoncée à l’article 253 CE.

41      Dès lors, le Tribunale ordinario di Roma a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«[L]a décision [litigieuse est-elle valide] en ce qui concerne uniquement la disposition transitoire, qui prévoit une dérogation à titre exceptionnel au principe de la ‘nécessité de l’aide’ – à l’occasion de la première application du régime en question – en faveur des seules demandes ‘introduites au titre du dernier avis organisé sous le précédent régime approuvé par la Commission jusqu’au 31 décembre 1999, qui ont été considérées comme éligibles à l’aide, mais pour lesquelles aucune aide n’a été octroyée à cause de la limitation des ressources budgétaires allouées à cet avis’ […], ce qui a eu pour conséquence – en violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motiver prévue à l’article 253 CE – qu’ont été écartées, de manière injustifiée, des demandes auxquelles il n’avait pas été satisfait en raison d’une insuffisance des fonds disponibles et qui étaient en attente d’être inscrites automatiquement dans l’avis immédiatement suivant ou d’être reformulées dans le premier avis ‘utile’ ouvert en application du nouveau régime[?]»

 Sur la question préjudicielle

 Observation liminaire

42      Il convient de relever d’emblée que, par sa question, la juridiction de renvoi a uniquement considéré comme nécessaire de demander à la Cour un contrôle de validité de la décision litigieuse au regard du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation.

43      Selon une jurisprudence constante, la procédure établie à l’article 234 CE est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, de sorte qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (voir arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59; du 11 janvier 2007, ITC, C‑208/05, Rec. p. I‑181, point 48, ainsi que du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C‑305/05, Rec. p. I‑5305, point 18).

44      Dans ces conditions, même si Nuova Agricast a, dans la procédure au principal, soulevé d’autres motifs d’invalidité de la décision litigieuse, il n’y a pas lieu d’étendre l’examen de la validité de celle-ci au regard de ces autres motifs d’invalidité, non visés par la juridiction de renvoi (voir, par analogie, arrêt Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., précité, points 17 à 19).

 Sur la recevabilité

45      La Commission fait valoir que le lien dont fait état la juridiction de renvoi entre l’éventuelle responsabilité de l’État italien et la validité de la décision litigieuse n’est pas établi, de sorte que la question préjudicielle n’a pas de rapport avec le litige au principal.

46      En effet, d’une part, il serait possible que l’État italien ait violé le principe d’égalité de traitement à l’occasion de la notification du régime d’aides 2000-2006 sans qu’un vice quelconque puisse être constaté dans la décision litigieuse, par laquelle la Commission s’est prononcée sur le régime proposé par l’État membre notifiant. D’autre part, il n’y aurait aucun lien entre la responsabilité de l’État italien et une éventuelle invalidité de la décision pour un vice purement formel tel qu’un défaut de motivation.

47      À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué au point 35 du présent arrêt, la juridiction de renvoi considère que la décision litigieuse est le fait générateur du préjudice et s’insère entre le comportement matériel reproché à l’État italien par Nuova Agricast et la réalisation du préjudice allégué par cette dernière. Par conséquent, si la décision litigieuse était déclarée invalide en raison de la violation du principe d’égalité de traitement ou en raison d’un défaut de motivation, ce constat serait susceptible d’avoir des répercussions sur l’appréciation de la juridiction de renvoi lorsqu’elle statuera sur la demande d’indemnité introduite par Nuova Agricast.

48      Dès lors, la question préjudicielle est recevable dans son intégralité.

 Sur la validité de la décision litigieuse au regard du principe d’égalité de traitement

49      Premièrement, la Commission fait valoir que la décision litigieuse n’est pas susceptible de violer le principe d’égalité de traitement, car la disposition transitoire y figurant résulterait d’un choix librement effectué par les autorités italiennes.

50      À cet égard, il résulte de l’économie générale du traité que la procédure prévue à l’article 88 CE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité (voir, notamment, arrêts du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C‑204/97, Rec. p. I-3175, point 41, et du 12 décembre 2002, France/Commission, C-456/00, Rec. p. I‑11949, point 30). Dès lors, une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole d’autres dispositions du traité ne peut être déclarée compatible avec le marché commun par la Commission (voir arrêt du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑113/00, Rec. p. I‑7601, point 78 et jurisprudence citée).

51      De même, une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole les principes généraux du droit communautaire, tel le principe d’égalité de traitement, ne saurait être déclarée compatible avec le marché commun par la Commission.

52      Dès lors, l’argument de la Commission résumé au point 49 du présent arrêt doit être écarté.

53      Deuxièmement, la Commission allègue que les autorités italiennes ne lui avaient pas signalé le cas particulier des entreprises de la première catégorie, de sorte qu’on ne saurait lui faire grief de ne pas avoir pris en compte la situation spécifique de ces entreprises ni, partant, invoquer un vice quelconque de la décision litigieuse fondé sur ce motif.

54      À cet égard, il est de jurisprudence constante que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir, notamment, arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16; du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 168, et du 14 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑276/02, Rec. p. I‑8091, point 31).

55      Même si cette jurisprudence n’a, jusqu’à présent, été appliquée que dans l’hypothèse d’un recours dirigé contre une décision prise par la Commission à l’issue de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, elle est a fortiori pertinente lorsque est en cause la validité d’une décision de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’une aide ou d’un régime d’aides, telle la décision litigieuse.

56      En effet, s’agissant plus particulièrement de cette dernière catégorie de décisions, ladite jurisprudence apparaît justifiée au regard de l’économie de la procédure de contrôle des aides étatiques instituée par le traité.

57      Dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 88, paragraphe 3, CE et régie par les articles 4 et 5 du règlement n° 659/1999, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE et régie par les articles 6 et 7 dudit règlement, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire (arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 22; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 16; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 38, ainsi que du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, point 20).

58      La Commission peut s’en tenir à la phase préliminaire prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE pour prendre une décision favorable à une aide si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que le projet concerné est compatible avec le traité.

59      C’est uniquement si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, que la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (voir en ce sens, notamment, arrêts du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451, point 13; Cook/Commission, précité, point 29; Matra/Commission, précité, point 33; Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 39, ainsi que Portugal/Commission, précité, point 33).

60      Or, si la validité d’une décision de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’une aide ou d’un régime d’aides devait être appréciée en fonction d’éléments dont la Commission ne pouvait pas disposer à l’issue de la phase préliminaire, cette dernière serait incitée à ouvrir systématiquement la procédure d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE et à mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations, de façon à éviter que des éléments dont elle ne pouvait disposer entraînent l’annulation de sa décision d’autorisation de l’aide ou du régime d’aides concerné. Comme l’a souligné M. l’avocat général au point 71 de ses conclusions, il serait ainsi porté atteinte à la division du contrôle des aides étatiques en deux phases distinctes dont la seconde n’est pas toujours requise, division voulue par les auteurs du traité et confirmée par le législateur communautaire dans le règlement n° 659/1999.

61      À cet égard, dans l’affaire au principal, la décision litigieuse vise, dans sa partie intitulée «Base juridique», les dispositions d’application de la loi n° 488/1992 qui ont précisé les modalités du régime d’aides 1997-1999, résumées aux points 10 et 11 du présent arrêt, y compris le choix entre l’inscription automatique de la demande initiale ou la présentation d’une demande reformulée offert aux entreprises n’ayant pas bénéficié d’une aide en raison de l’insuffisance des ressources affectées à un avis donné.

62      Par conséquent, même si les autorités italiennes n’ont pas pris l’initiative d’informer spécifiquement et complètement les services de la Commission des situations juridiques respectives des entreprises intéressées à obtenir des subventions au titre de la loi n° 488/1992, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la Commission devait connaître l’existence tant des entreprises de la première catégorie que de celles de la deuxième catégorie.

63      Eu égard à la constatation qui précède, la demande de Nuova Agricast d’inviter la Commission à produire certains courriers échangés lors de ses discussions avec les autorités italiennes préalablement à l’adoption de la décision litigieuse, afin de vérifier si lesdites autorités avaient ou non signalé aux services de la Commission l’existence des entreprises de la première catégorie, apparaît sans objet.

64      Dans ces conditions, il convient, troisièmement, d’apprécier si, en ne soulevant pas d’objections à l’encontre d’un régime d’aides dans lequel seules les entreprises de la deuxième catégorie pouvaient bénéficier de la disposition transitoire, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement.

65      Il doit être souligné, à cet égard, que seules ont pu bénéficier de la disposition transitoire celles des entreprises de la deuxième catégorie qui n’avaient pas commencé à exécuter leur projet d’investissement avant l’introduction de leur demande d’aide au titre du quatrième avis.

66      Le respect du principe d’égalité de traitement requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêt du 26 octobre 2006, Koninklijke Coöperatie Cosun, C‑248/04, Rec. p. I‑10211, point 72 et jurisprudence citée).

67      Force est toutefois de constater que, dans l’affaire au principal, les entreprises de la première catégorie et celles de la deuxième catégorie n’étaient pas dans une situation comparable au regard de l’exigence de nécessité des aides d’État, exprimée notamment au point 4.2, troisième alinéa, des lignes directrices.

68      Ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission (730/79, Rec. p. 2671, point 17), une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre les buts prévus à l’article 87, paragraphe 3, CE ne saurait être considérée comme compatible avec le marché commun (voir également, en ce sens, arrêts du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901, point 18, et du 5 octobre 1994, Allemagne/Commission, C‑400/92, Rec. p. I‑4701, points 12, 20 et 21).

69      La constatation du défaut de nécessité d’une aide peut notamment découler du fait que le projet aidé a déjà été entamé, voire achevé, par l’entreprise intéressée avant que la demande d’aide ne soit transmise aux autorités compétentes, ce qui exclut que l’aide concernée puisse jouer un rôle incitatif.

70      Sous l’empire du régime d’aides 1997-1999, les entreprises de la deuxième catégorie avaient un droit absolu à voir leur demande automatiquement inscrite, sans aucune modification, au tableau afférent à l’avis utile suivant immédiatement celui au titre duquel elle avait d’abord été présentée, sans qu’aucune démarche ne soit exigée d’elles.

71      En revanche, les entreprises de la première catégorie devaient présenter une demande au titre du premier avis utile suivant celui pour lequel elles avaient renoncé à l’inscription automatique de leur demande originelle. Il s’agissait en outre d’une demande reformulée.

72      Certes, ainsi que le fait valoir Nuova Agricast, la demande initiale et la demande reformulée tendaient toutes deux à obtenir le financement du même projet et la reformulation ne pouvait pas porter sur les éléments essentiels dudit projet, mais uniquement sur les éléments pris en compte par les indicateurs, lesquels servaient à établir le rang de classement de la demande dans le tableau afférent à l’avis au titre duquel elle était présentée.

73      Toutefois, les indicateurs étaient eux-mêmes représentatifs d’éléments significatifs de la demande. En effet, ils étaient notamment relatifs à la part des fonds propres investis par l’entreprise concernée dans le projet par rapport à l’investissement total, au nombre d’emplois créés par le projet par rapport à l’investissement total ainsi qu’au rapport entre le montant de la subvention demandée et la subvention maximale pouvant être octroyée.

74      Au demeurant, le seul fait que la modification des éléments pris en compte par les indicateurs augmente l’éventualité de l’octroi effectif de l’aide demandée suffit à démontrer que la reformulation aboutissait en réalité à présenter une demande différente de la demande initiale.

75      De plus, dans la mesure où la reformulation visait, en modifiant les éléments pris en compte par les indicateurs, à améliorer le classement de la demande reformulée afin que celle-ci figure à un rang utile lors de l’attribution des fonds affectés à l’avis concerné par ordre décroissant, étendre le bénéfice de la disposition transitoire aux entreprises de la première catégorie aurait eu pour effet que les projets de ces entreprises auraient eu de meilleures chances d’obtenir l’aide demandée que ceux d’entreprises concourant pour la première fois, pour lesquels la nécessité de l’aide n’était pas sujette à caution.

76      En revanche, un tel effet n’était pas susceptible de se produire avec l’inscription automatique, dans le tableau afférent au huitième avis, des demandes déjà introduites au titre du quatrième avis par les entreprises de la deuxième catégorie, puisque, en l’absence de toute possibilité de modification de ces demandes, les indicateurs demeuraient inchangés.

77      À la lumière de ces considérations, il y a lieu de constater que les entreprises de la première catégorie et celles de la deuxième catégorie ne se trouvaient pas dans une situation comparable.

78      Dès lors, il n’apparaît pas que, en autorisant le régime d’aides 2000-2006, y compris la disposition transitoire, la Commission ait violé le principe d’égalité de traitement.

 Sur la validité de la décision litigieuse au regard de l’obligation de motivation

79      Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 253 doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, notamment, arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 63; du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, Rec. p. I‑1875, point 73, ainsi que du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, Rec. p. I‑1233, point 80).

80      Ainsi que le souligne la juridiction de renvoi, la décision litigieuse ne laisse apparaître aucun critère de distinction entre les diverses catégories d’entreprises ayant introduit une demande d’aide sous l’empire du régime d’aides 1997-1999 et se prévalant d’un intérêt juridique à voir leur demande inscrite au tableau afférent à un avis suivant.

81      Toutefois, l’obligation de motivation se limite, en principe, aux raisons pour lesquelles une catégorie donnée d’opérateurs bénéficie d’une mesure donnée, mais n’implique pas de justifier l’exclusion de tous les autres opérateurs ne se trouvant pas dans une situation comparable. En effet, le nombre de catégories exclues du bénéfice d’une mesure étant potentiellement illimité, il ne saurait être exigé des institutions communautaires qu’elles fournissent une motivation spécifique pour chacune d’entre elles.

82      En revanche, lorsque les bénéficiaires de l’acte, d’une part, et d’autres opérateurs exclus, d’autre part, se trouvent placés dans une situation comparable, l’institution communautaire, auteur de l’acte, est tenue d’exposer, dans le cadre d’une motivation spécifique, en quoi la différence de traitement ainsi instaurée est objectivement justifiée.

83      S’agissant de la disposition transitoire, le raisonnement à l’issue duquel la Commission a autorisé un régime transitoire en faveur des entreprises de la deuxième catégorie ressort à suffisance de droit du contexte de la décision litigieuse ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.

84      En effet, la disposition transitoire se réfère implicitement à la possibilité, reconnue à des entreprises dans le cadre du régime d’aides 1997-1999, d’obtenir l’inscription automatique de leur demande d’aide dans le tableau afférent à l’avis utile suivant immédiatement celui au titre duquel elle a été d’abord présentée. Or, la réglementation nationale prévoyant cette possibilité, outre qu’elle est expressément visée dans la partie de la décision litigieuse intitulée «Base juridique», était connue de tous les intéressés.

85      Ainsi, dans le contexte dans lequel s’est inscrite la décision litigieuse, le libellé de la disposition transitoire suffit à comprendre que l’État italien entendait assurer, en faveur des entreprises ayant concouru au titre du dernier avis publié sous l’empire du régime d’aides 1997-1999, une transition entre ce régime d’aides et le régime d’aides 2000-2006, et que la Commission a jugé cette mesure compatible avec le marché commun.

86      En revanche, comme il a été relevé aux points 67 à 77 du présent arrêt, les entreprises de la première catégorie et celles de la deuxième catégorie n’étaient pas placées dans une situation comparable. Aussi, bien qu’elle n’ait pas indiqué les raisons pour lesquelles le bénéfice de la disposition transitoire n’a pas été étendu aux entreprises de la première catégorie, la Commission n’a pas manqué à son obligation de motivation.

87      Il y a donc lieu de répondre que l’examen de la question posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision litigieuse.

 Sur les dépens

88      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

L’examen de la question posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision de la Commission, du 12 juillet 2000, de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’un régime d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie jusqu’au 31 décembre 2006 (aide d’État n° N 715/99 – Italie).

Signatures


* Langue de procédure: l'italien.