Language of document : ECLI:EU:C:2008:413

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 juillet 2008 (*)

«Marché intérieur de l’électricité ­– Réglementation nationale permettant la perception d’un supplément sur le prix du transport de l’électricité au profit d’une société désignée par la loi tenue du paiement des coûts échoués – Taxes d’effet équivalant à des droits de douane – Impositions intérieures discriminatoires – Aides accordées par les États membres»

Dans l’affaire C‑206/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Rechtbank Groningen (Pays-Bas), par décision du 19 avril 2006, parvenue à la Cour le 2 mai 2006, dans la procédure

 Essent Netwerk Noord BV,

à laquelle s’est jointe

 Nederlands Elektriciteit Administratiekantoor BV

contre

 Aluminium Delfzijl BV,

et dans l’action en garantie

 Aluminium Delfzijl BV

contre

 Staat der Nederlanden

et dans l’action en garantie

 Essent Netwerk Noord BV

contre

 Nederlands Elektriciteit Administratiekantoor BV,


 Saranne BV,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. U. Lõhmus, J. N. Cunha Rodrigues, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mai 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Essent Netwerk BV, ayant cause à titre universel depuis le 1er janvier 2005 de Essent Netwerk Noord BV, par Mes P. E. Mazel et M. E. Hamminga, advocaten,

–        pour Aluminium Delfzijl BV, par Mes A. J. van den Berg et M.Van Leeuwen, advocaten,

–        pour Nederlands Elektriciteit Administratiekantoor BV, par Mes J. K. de Pree et Y. de Vries, advocaten,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster, ainsi que par MM. P. P. J. van Ginneken et D. J. M. de Grave, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et H. van Vliet, en qualité d’agents.

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 janvier 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 25 CE, 87, paragraphe 1, CE et 90 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Essent Netwerk Noord BV (ci-après «Essent Netwerk»), gestionnaire de réseau d’électricité, à Aluminium Delfzijl BV (ci-après «Aldel»), acheteur d’électricité et de services de transport, au sujet d’un supplément tarifaire facturé pour le transport d’électricité durant la période allant du 1er août 2000 jusqu’au 31 décembre 2000.

3        Dans le cadre d’une intervention et d’actions en garantie, le litige met également en présence Nederlands Elektriciteit Administratiekantoor BV, anciennement Samenwerkende ElektriciteitsProduktiebedrijven NV (ci-après «SEP»), société désignée par la loi, l’État néerlandais et la société Saranne BV, filiale de SEP et gestionnaire du réseau à haute tension.

 Le cadre juridique

 Le droit communautaire

4        La directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (JO 1997, L 27, p. 20, ci-après la «directive»), établit des règles communes concernant la production, le transport et la distribution d’électricité.

5        Ses chapitres IV, VI et VII traitent respectivement de l’exploitation du réseau de transport, de la comptabilité des entreprises du secteur de l’électricité et de l’organisation de l’accès au réseau.

6        L’article 24, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

«1.       Les États membres où des engagements ou des garanties d’exploitation, accordés avant l’entrée en vigueur de la présente directive, risquent de ne pas pouvoir être honorés en raison des dispositions de la présente directive pourront demander à bénéficier d’un régime transitoire; celui‑ci pourra leur être accordé par la Commission, en tenant compte, entre autres, de la taille et du niveau d’interconnexion du réseau concerné, ainsi que de la structure de son industrie de l’électricité. La Commission informe les États membres de ces demandes avant de prendre une décision, dans le respect de la confidentialité. Cette décision est publiée au Journal officiel des Communautés européennes.

2.       Le régime transitoire est limité dans le temps et il est lié à l’expiration des engagements ou des garanties mentionnés au paragraphe 1. Le régime transitoire peut comporter des dérogations aux chapitres IV, VI et VII de la présente directive. Les demandes de régime transitoire doivent être notifiées à la Commission au plus tard un an après l’entrée en vigueur de la présente directive.»

 La réglementation nationale

7        Avant la libéralisation du secteur de l’électricité aux Pays-Bas, quatre entreprises régionales produisaient de l’électricité.

8        En vertu de l’article 2 de la loi portant réglementation de la production, de l’importation, du transport et de la vente d’électricité (Elektriciteitswet), du 16 novembre 1989 (Staatsblad 1989, n° 535, ci-après l’«EW 1989»), ces sociétés productrices étaient chargées, conjointement avec une société désignée (SEP, leur filiale commune), de veiller au fonctionnement fiable et efficace de la distribution publique d’électricité à des coûts aussi bas que possible et justifiés à l’égard de la collectivité. Pour s’acquitter de cette tâche, SEP et ses actionnaires avaient conclu un accord de coopération en 1986. L’EW 1989 a donné une base légale à cet accord pour la période commençant à courir à partir de 1990.

9        Toute l’électricité produite et importée était gérée par SEP. Les coûts étaient mis en commun par l’intermédiaire de SEP et payés par celle-ci aux quatre entreprises productrices. Les coûts totaux de SEP permettaient de déterminer le prix de l’électricité facturé au secteur de la distribution, compte tenu d’un maximum fixé par le ministre des Affaires économiques.

10      À l’époque du marché fermé de l’énergie, SEP ou SEP et les entreprises productrices avaient, dans le cadre de l’accord de coopération, réalisé certains investissements, pour partie à l’instigation des pouvoirs publics, motivés par des considérations de sécurité d’approvisionnement et de fourniture, ainsi que d’utilisation durable des sources d’énergie. Les investissements en cause portaient notamment sur i) les contrats de longue durée d’importation d’électricité et de gaz que SEP avait conclus avec des producteurs d’électricité et de gaz étrangers, ii) les conventions conclues, semble-t-il, par les entreprises productrices dans le cadre de projets de chauffage urbain, et iii) la construction d’une installation expérimentale et écologique de gazéification du charbon, dénommée «Demkolec». On s’attendait à ce que les coûts liés à ces projets ne puissent être récupérés après la libéralisation. Il s’agissait des coûts non conformes au marché, ou «coûts échoués» («stranded costs»), selon la terminologie utilisée par la Commission.

11      Le 21 janvier 1997, SEP, les quatre entreprises productrices et les 23 entreprises de distribution ont conclu un accord (ci-après le «protocole d’accord») qui portait sur la fourniture d’électricité aux entreprises de distribution pour les années 1997-2000.

12      Ce protocole d’accord prévoyait notamment que les entreprises de distribution verseraient chaque année conjointement, et ce jusqu’en 2000, un montant de 400 millions de NLG à SEP (soit un total de 1,6 milliard de NLG), destiné à couvrir les coûts non conformes au marché.

13      La cession de ce montant par les entreprises de distribution a été financée par une augmentation des tarifs de l’électricité des petits, moyens et grands consommateurs ordinaires. Les grands consommateurs spéciaux n’ont contribué qu’en partie ou pas du tout aux coûts non conformes au marché en raison de l’article 32 de l’EW 1989, qui prévoyait la possibilité de conclure des accords avec eux.

14      La directive a été transposée aux Pays-Bas par la loi portant réglementation de la production, du transport et de la livraison d’électricité (Elektriciteitswet), du 2 juillet 1998 (Staatsblad 1998, n° 427, ci-après l’«EW 1998»), qui a abrogé l’EW 1989, avec effet au 1er juillet 1999. Conformément à cette loi, les activités de gestion du réseau de distribution et celles de distribution de l’électricité ont été dissociées.

15      Le protocole d’accord a obtenu un ancrage légal par le nouvel article 97, paragraphe 2, de l’EW 1998 (ajouté par la loi du 1er juillet 1999, Staatsblad 1999, n° 260), qui a imposé le respect de ce protocole jusqu’au 1er janvier 2001.

16      Conformément à la loi, une commission de trois experts présidée par M. Herkströter (ci-après la «commission Herkströter») a été chargée de donner un avis sur la nécessité de mesures compensatoires pour les coûts non conformes au marché. Cette commission a, le 18 novembre 1999, transmis son avis au ministre des Affaires économiques. Elle concluait que le gouvernement ne devrait accorder des compensations que pour les coûts non conformes au marché qu’il avait lui-même provoqués, c’est-à-dire les projets de chauffage urbain et l’installation Demkolec. Les autres coûts non conformes au marché et, notamment, ceux relatifs aux contrats d’importation, devraient être supportés par les entreprises productrices, selon une clé de répartition proposée par la commission Herkströter.

17      Le 21 décembre 2000 a été adoptée la loi transitoire sur le secteur de la production d’électricité (Overgangswet Elektriciteitsproductiesector, Staatsblad 2000, n° 607, ci-après l’«OEPS»), qui réglait, notamment, la question des coûts non conformes au marché.

18      Tant l’exposé des motifs de cette loi que son premier considérant font allusion à la caducité du protocole d’accord en raison de la libéralisation de la production d’électricité. Il résulte, à cet égard, des explications présentées devant la Cour que, si le protocole d’accord n’expirait que le 1er janvier 2001, son exécution telle que prévue initialement n’était plus possible, notamment pour l’année 2000, en raison des nouvelles règles applicables aux grands consommateurs spéciaux.

19      L’article 9 de l’OEPS, entré en vigueur à compter du 29 décembre 2000 et qui s’applique avec effet rétroactif au 1er août 2000, ainsi que le prévoit l’article 25 de ladite loi, établit un mécanisme de financement des coûts non conformes au marché de l’année 2000. Il est libellé comme suit:

«1.       Outre ce qu’il doit au gestionnaire de réseau du territoire où il est établi en vertu de l’accord, tout client, autre qu’un client protégé, est redevable envers ce gestionnaire de réseau d’un montant de 0,0117 NLG par kilowattheure, calculé sur la quantité totale d’électricité que ce gestionnaire de réseau a transportée vers son raccordement durant la période allant du 1er août 2000 jusqu’au 31 décembre 2000.

2.       Outre ce qu’il doit au titulaire d’autorisation du territoire où il est établi en vertu de l’accord, tout client protégé est redevable envers ce titulaire d’autorisation d’un montant de 0,0117 NLG par kilowattheure, calculé sur la quantité totale d’électricité que ce titulaire d’autorisation lui a fournie durant la période allant du 1er août 2000 jusqu’au 31 décembre 2000.

3.       Si un client a déjà payé une avance à un gestionnaire de réseau ou à un titulaire d’autorisation pour l’année 2000 ou une partie de cette année pour s’acquitter du montant visé au paragraphe 1 ou 2, ce gestionnaire de réseau ou ce titulaire d’autorisation déduit cette avance dans le décompte final pour l’année 2000 du montant total qui lui est dû.

4.       Le produit des montants dont les clients sont redevables en vertu du paragraphe 1 ou 2 est cédé, selon le cas, par les gestionnaires de réseau ou les titulaires d’autorisation avant le 1er juillet 2001 à la société désignée.

5.       La société désignée informe notre ministre du montant du produit visé au paragraphe 4 et elle y joint une déclaration d’un comptable au sens de l’article 393, paragraphe 1, du livre 2 du code civil à propos de la fidélité de l’information. Si le produit total excède 400 millions de NLG, la société désignée cède le surplus à notre ministre qui l’affecte au financement des coûts visés à l’article 7.»

20      Le 1er janvier 2001 expirait le protocole d’accord. Conformément à l’article 2, paragraphe 1, de l’OEPS, les quatre entreprises productrices sont devenues conjointement responsables des coûts non conformes au marché énumérés à l’article 2, paragraphe 2, de l’OEPS.

21      Les articles 6 à 8 de l’OEPS visaient à faire financer par l’État le paiement des coûts non conformes au marché relatifs aux projets de chauffage urbain et à l’installation Demkolec pour la période postérieure au 1er janvier 2001. Ils étaient rédigés comme suit:

«Article 6

1.      Notre ministre fixe chaque année, pendant une période maximum de 10 ans, un supplément dont sont redevables tous les clients à l’exception des gestionnaires de réseau.

2.      Le supplément est établi pour la première fois dans un délai de quatre semaines à compter de la date d’entrée en vigueur du présent article. Le supplément applicable aux neuf années restantes est fixé avant le 1er octobre de l’année précédant celle concernée par le nouveau tarif.

3.      Le supplément exprime un pourcentage du montant total dont est redevable un client pour le transport de l’électricité jusqu’à son lieu de raccordement et pour la prestation des services fournis par le système.

4.      Le supplément ne peut pas être supérieur à 10 % du montant visé au paragraphe 3 ci-dessus.

5.      Notre ministre fixe ce supplément en conformité avec les dispositions adoptées par arrêté ministériel qui prévoit, en tout cas, qu’aucune subvention n’est octroyée pour financer les coûts pour lesquels un montant a été alloué sous la forme d’un subside ou d’une règle de nature fiscale. Si cela s’avère nécessaire pour se conformer à l’interprétation suggérée par la Commission [...], notre ministre peut modifier le fondement visé au troisième paragraphe, en vertu duquel le supplément en cause est dû.

Article 7

Le produit du supplément sert à subventionner:

a.      les coûts engendrés par les accords relatifs au chauffage urbain conclus entre les entreprises de production et les fournisseurs avant la date d’abrogation de l’[EW] 1989, pour autant que les projets concernés par lesdits accords aient déjà été entrepris avant cette date.

b.      les coûts liés à la cession et au transfert des actions de la société n.v. Demkolec ou de l’installation expérimentale de gazéification du charbon de Demkolec, et

c.      les coûts liés à l’encaissement de ce supplément par les gestionnaires de réseau.

Article 8

1.      Conformément aux dispositions à prendre par notre ministre, la subvention visée à l’article 7 ci-dessus est octroyée aux personnes suivantes:

a.      les personnes morales qui prennent en charge les coûts visés à l’article 7, sous a, coûts pour lesquels chaque personne morale perçoit chaque année ce montant qui est conforme aux coûts encourus l’année en cause, lesquels coûts sont calculés en ayant recours à la méthode des risques liés au prix du combustible, qui tient compte de la production de chaleur par projet.

b.      les personnes qui prennent en charge les coûts visés à l’article 7, sous b.

2.      Notre ministre n’octroie la subvention aux personnes morales visées au paragraphe 1, sous a, qu’après avoir marqué d’accord sur le relevé des coûts qui lui a été fourni, coûts visés à l’article 7, sous a, qui sont, pour l’année en cause, à leur charge; à cet effet, les personnes morales concernées déclarent la quantité totale de chaleur produite, exprimée en total annuel.

3.      Notre ministre n’octroie la subvention aux personnes morales visées au paragraphe 1, sous b, qu’après la cession ou le transfert par les personnes morales concernées des actions de la société n.v. Demkolec ou de l’installation expérimentale de gazéification du charbon de Demkolec, et qu’après avoir procédé avec elles à une estimation des coûts que celles-ci doivent supporter en relation avec la cession ou le transfert desdites actions ou de l’installation.

4.      L’arrêt ministériel visé au paragraphe 1 du présent article dispose, en tout cas, qu’aucune subvention n’est octroyée pour financer les coûts pour lesquels un montant a été alloué sous la forme d’un subside ou d’une règle de nature fiscale.

5.      Le délai visé au début de l’article 7 peut, sous réserve de l’accord donné par la Commission [...] au titre de l’article 88 CE, être prorogé par arrêté ministériel d’une période tenant compte de la durée restant à courir des accords visés à l’article 7, sous a.»

22      L’arrêté royal prévoyant l’entrée en vigueur de ces articles n’a cependant jamais été adopté. Par la loi du 3 juillet 2003 (Staatsblad 2003, n° 316), l’article 6 de l’OEPS a été abrogé. Les articles 7 et 8 ont été remplacés par des dispositions prévoyant l’octroi de subventions visant à couvrir les coûts des projets de chauffage urbain et de l’installation Demkolec, conformément à ce qui avait été approuvé par la Commission, dans sa décision [SG (2001) D/290565] du 25 juillet 2001 dans le dossier «aides d’État» N 597/1998.

 Les contacts entre le gouvernement néerlandais et la Commission

23      Par lettre du 20 février 1998, le gouvernement néerlandais a informé la Commission des paiements compensatoires envisagés en faveur des quatre entreprises productrices d’électricité, en lui demandant de les approuver en application de l’article 24 de la directive.

24      Par lettre du 16 octobre 1998, il a communiqué à la Commission des informations supplémentaires et lui a notifié les régimes transitoires, notamment le projet des articles 6 à 8 de la future OEPS, au titre de l’article 24 de la directive et, pour autant que de besoin, des articles 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et 93 du traité CE (devenu article 88 CE).

25      Par la décision 1999/796/CE, du 8 juillet 1999, relative à la demande de régime transitoire introduite par les Pays-Bas conformément à l’article 24 de la directive 96/92 (JO L 319, p. 34), la Commission a considéré que le système de prélèvements et le transfert de paiements compensatoires prévu ne requéraient pas de dérogation aux chapitres IV, VI ou VII de la directive, et ne pouvaient dès lors pas être considérés comme un régime transitoire au sens de l’article 24 de la directive.

26      Le point 42 des motifs de la décision 1999/796 prévoit:

«[...] Le transfert d’un paiement compensatoire à certains producteurs d’électricité, financé par un prélèvement ou une charge imposés aux consommateurs est, par conséquent, une mesure qui n’est pas directement visée par la directive mais qu’il convient d’examiner à la lumière des règles régissant la concurrence, et notamment l’article 87, paragraphe 3, point c),[CE]. […]»

27      Le volet «aides d’État» a donné lieu à divers contacts, échanges de courriers et reports de l’examen du dossier entre la notification susvisée du 16 octobre 1998 et la décision de la Commission du 25 juillet 2001.

28      Selon la juridiction de renvoi, l’État néerlandais n’aurait pas notifié formellement l’article 9 de l’OEPS à la Commission, mais, par lettre du 30 août 2000, il aurait informé celle-ci de l’ensemble du projet de loi OEPS, dont l’article 9 de celui-ci.

29      Le gouvernement néerlandais indique qu’il a adressé à la Commission le texte intégral de ce projet de loi, avec l’exposé des motifs. La lettre reprenant ce texte abordait un grand nombre de sujets. Pour ce qui est du protocole d’accord qui expirait le 31 décembre 2000, le gouvernement néerlandais indiquait qu’il se pourrait que son ancrage légal soit retiré, c’est-à-dire que l’article 97 de l’EW 1998 pourrait être supprimé.

30      La Commission ayant émis des doutes en ce qui concerne la compatibilité des articles 6 à 8 du projet de loi OEPS avec le traité, le gouvernement néerlandais aurait décidé de renoncer à l’entrée en vigueur de ces derniers articles et d’envisager un financement de certains coûts non conformes au marché par des ressources générales.

31      Ce même gouvernement aurait, dans la lettre du 30 août 2000, explicitement porté à la connaissance de la Commission le fait qu’un supplément de prix serait introduit par l’article 9 du projet de loi OEPS. Cette communication aurait été rédigée en ces termes:

«Dans le cadre de l’introduction, en 2000, d’une nouvelle structure tarifaire au titre de l’[EW] 1998, structure dans laquelle les tarifs seront scindés entre tarif de distribution et tarif de transport, le projet de loi prévoit une disposition en vertu de laquelle les gestionnaires de réseau et les entreprises de distribution peuvent temporairement relever leurs tarifs. Ce faisant, on s’assure que les anciennes entreprises de distribution parties au protocole d’accord puissent, même pour l’année 2000, toujours satisfaire à leurs obligations au titre de ce protocole. Cette mesure est une conséquence logique de la disposition de l’[EW 1998] qui donnait une base légale au protocole d’accord. Nous voudrions, pour de plus amples détails à ce sujet, renvoyer à l’article 9 de la proposition de loi [OEPS] et aux passages relatifs à celui-ci de l’exposé des motifs.»

32      Selon la Commission, par sa lettre du 30 août 2000, le gouvernement néerlandais l’aurait invitée à examiner non pas l’article 9 du projet de loi OEPS au regard des articles 87 CE et 88 CE, mais bien les articles 6 à 8 de ce projet de loi.

33      Il ressort de la décision du 25 juillet 2001 de la Commission qu’une réunion entre les autorités néerlandaises et les services de la Commission a eu lieu le 15 septembre 2000 et que des courriers ont été échangés aux mois d’octobre, de novembre et de décembre 2000. Selon cette décision, par lettre du 27 juin 2001, les autorités néerlandaises auraient retiré le mécanisme financier des mesures notifiées.

34      Dans sa décision du 25 juillet 2001, la Commission a conclu que l’aide notifiée, relative à l’octroi de subventions visant à couvrir les coûts des projets de chauffage urbain et de l’installation Demkolec, entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE et que la mesure est conforme à la communication relative à la méthodologie d’analyse des aides d’État liées à des coûts échoués, adoptée également le 25 juillet 2001.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

35      Le 19 décembre 1996, Aldel, «grand consommateur spécial», a conclu, sur le fondement de l’article 32 de l’EW 1989, un contrat de mise à disposition de puissance électrique et de livraison d’énergie électrique ainsi que de «load management» avec SEP, Elektriciteits- Productiemaatschappij Oost- en Noord- Nederland NV (entreprise productrice) et Energie Distributiemaatschappij voor Oost- en Noord-Nederland (entreprise de distribution).

36      Essent Netwerk est une personne juridique autonome, gestionnaire de réseau, filiale de la société Essent NV, laquelle est entièrement contrôlée par des collectivités provinciales et locales. Elle a transporté 717 413 761 kilowattheures d’électricité vers le raccordement d’Aldel, durant la période allant du 1er août 2000 jusqu’au 31 décembre 2000.

37      En vertu de l’article 9 de l’OEPS, Essent Netwerk a réclamé par facture du 4 avril 2001 un montant de 9 862 646,25 NLG (4 475 473,75 euros), taxe sur le chiffre d’affaires incluse, à Aldel. En dépit d’une sommation d’Essent Netwerk, Aldel n’a pas payé le montant réclamé.

38      Dans l’affaire au principal, Essent Netwerk demande le paiement, au titre de l’article 9 de l’OEPS, des montants qu’elle a facturés à Aldel, majorés des intérêts et des dépens. Cette dernière refuse de les payer au motif que l’article 9 de l’OEPS serait contraire aux articles 25 CE, 87 CE et 90 CE. Aldel a appelé l’État en garantie. De son côté, Essent Netwerk a, à son tour, appelé en garantie Nederlands Elektriciteit Administratiekantoor BV et Saranne BV.

39      Dans ces conditions, le Rechtbank Groningen a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les articles 25 CE et 90 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure législative en vertu de laquelle les acheteurs nationaux d’électricité sont redevables d’une augmentation de tarif durant une période transitoire (du 31 août 2000 jusqu’au 31 décembre 2000) à leur gestionnaire de réseau pour les quantités d’électricité qui ont été transportées en leur faveur lorsque cette augmentation doit être cédée par le gestionnaire de réseau à une société désignée à cette fin par le législateur en vue de combattre les coûts non conformes au marché, qui résultent des engagements pris ou des investissements réalisés par cette société avant la libéralisation du marché de l’électricité et lorsque cette société

–        est la filiale commune de quatre entreprises nationales productrices d’électricité,

–        durant la période en cause (2000), est la seule responsable des coûts non conformes au marché apparus durant cette année,

–        a sans conteste besoin d’un montant de 400 millions de NLG (181 512 086,40 euros) pour couvrir ces coûts durant cette année, et

–        dès lors que la recette de cette augmentation de tarif dépasse le montant précité, doit céder le surplus au ministre?

2)      Le régime visé à la première question remplit-il les conditions de l’article 87, paragraphe 1, CE?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question, relative à l’interprétation des articles 25 CE et 90 CE

40      Ainsi que M. l’avocat général l’a rappelé au point 29 de ses conclusions, les articles 25 CE et 90 CE, qui consacrent respectivement l’interdiction des droits de douane et des taxes d’effet équivalent, ainsi que l’interdiction des impositions intérieures discriminatoires, poursuivent, de manière complémentaire, l’objectif d’interdire tout dispositif fiscal national de nature à discriminer les produits en provenance ou à destination d’autres États membres en faisant obstacle à leur libre circulation à l’intérieur de la Communauté dans des conditions normales de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C‑393/04 et C‑41/05, Rec. p. I‑5293, point 55, et du 8 novembre 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten, C‑221/06, non encore publié au Recueil, point 30).

41      Constitue une taxe d’effet équivalent toute charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu’elles franchissent une frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane proprement dit. En revanche, une charge pécuniaire résultant d’un régime général d’impositions intérieures appréhendant systématiquement selon les mêmes critères objectifs des catégories de produits indépendamment de leur origine ou de leur destination relève de l’article 90 CE (voir arrêt Air Liquide Industries Belgium, précité, points 51 et 56).

42      Une taxe qui frappe les produits nationaux et importés sur la base de critères identiques peut néanmoins être interdite par le traité lorsque le produit de cette imposition est destiné à alimenter des activités qui profitent spécialement aux produits nationaux imposés. Si les avantages dont bénéficient ces produits compensent intégralement la taxe qui les frappe, les effets de cette dernière ne se manifestent qu’à l’égard des produits importés et celle-ci constitue une taxe d’effet équivalent. En revanche, si ces avantages ne compensent qu’une partie de la charge supportée par les produits nationaux, la taxe en question constitue une imposition discriminatoire au sens de l’article 90 CE, dont la perception est interdite pour la fraction de son montant affectée à la compensation dont bénéficient les produits nationaux (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l’Ouest e.a., C‑78/90 à C‑83/90, Rec. p. I‑1847, point 27).

43      Dans l’affaire au principal, le supplément de prix est perçu sur l’électricité transportée. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’électricité constitue une marchandise au sens des dispositions du traité (arrêts du 27 avril 1994, Almelo, C‑393/92, Rec. p. I‑1477, point 28, et du 23 octobre 1997, Commission/Italie, C‑158/94, Rec. p. I‑5789, point 17).

44      Par ailleurs, le fait générateur étant le transport de l’électricité, la Cour a déjà jugé qu’une taxe qui est perçue non pas sur un produit en tant que tel, mais sur une activité nécessaire en relation avec le produit peut relever des articles 25 CE et 90 CE (voir, en ce sens, arrêt Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten, précité, point 43). Il convient, en tout état de cause, de souligner que le supplément de prix est calculé sur le nombre de kilowattheures transportés et non sur la distance du transport ou selon tout autre critère directement lié au transport, frappant dès lors le produit lui-même.

45      Ce supplément de prix perçu sur l’électricité transporté a été imposé par l’article 9 de l’OEPS. Il importe peu, à cet égard, que cette disposition facilite l’exécution d’un accord antérieurement conclu entre divers opérateurs économiques, dès lors que c’est en raison de la loi que les consommateurs d’électricité sont tenus de payer ce supplément. Il s’agit d’une charge unilatéralement imposée.

46      De même, aux fins de l’application des articles 25 CE et 90 CE, il importe peu que la charge financière ne soit pas perçue par l’État (arrêt du 17 mai 1983, Commission/Belgique, 132/82, Rec. p. 1649, point 8). Le fait que le supplément de prix est perçu par les gestionnaires de réseau est, par conséquent, sans incidence.

47      Il résulte de ces éléments que le supplément en cause est une taxe qui frappe l’électricité, qu’elle soit importée ou nationale, selon un critère objectif qui est le nombre de kilowattheures transportés. C’est donc au regard de l’affectation du produit de la taxe qu’il convient de déterminer si celle-ci constitue une taxe d’effet équivalent ou une imposition intérieure discriminatoire.

48      Essent Netwerk fait valoir que ni l’article 25 CE ni l’article 90 CE ne sont applicables dans l’affaire au principal, étant donné que ce sont les consommateurs qui paient la taxe. Il ne pourrait donc être question de compenser une charge quelconque supportée par les entreprises nationales productrices d’électricité.

49      Toutefois, il y a lieu de souligner que, aux fins de l’application des articles 25 CE et 90 CE, la qualité du débiteur de la taxe importe peu, pour autant que la taxe porte sur le produit ou une activité nécessaire en relation avec le produit. Or, ainsi qu’il a été exposé au point 44 du présent arrêt, tel est bien le cas dans l’affaire au principal.

50      Quant aux bénéficiaires du produit de la taxe, il n’est pas exclu qu’il s’agisse des entreprises nationales productrices d’électricité. En effet, si un montant de 400 millions de NLG était, pour l’année 2000, attribué à l’autorité désignée, c’est-à-dire à SEP, en vue du paiement de coûts non conformes au marché, celle-ci était cependant la filiale desdites entreprises productrices, engagée à leur égard par diverses conventions.

51      Il appartient dès lors au juge national de vérifier si les entreprises productrices étaient tenues de garantir le paiement, par SEP, de ces coûts non conformes au marché ou si elles ont pu bénéficier de l’avantage résultant de la taxe, par exemple, grâce à un prix de vente intégrant le produit de cet avantage, par l’octroi de dividendes ou par tout autre moyen.

52      Quant au montant excédant 400 millions de NLG, dès lors que son affectation était déterminée par l’article 7 de l’OEPS et que celui-ci n’est pas entré en vigueur, il semble que ce montant n’a pas été utilisé pour le paiement de coûts non conformes au marché et n’a, dès lors, pas pu avantager le produit national. Il appartient, cependant, au juge national de vérifier si tel est bien le cas.

53      En fonction des résultats des vérifications effectuées, notamment en ce qui concerne les relations entre SEP et les entreprises productrices, il sera possible au juge national de déterminer s’il n’existe aucune compensation au profit des producteurs nationaux, auquel cas la taxe constituerait une imposition intérieure non discriminatoire au sens de l’article 90 CE. Dans le cas où le produit de la taxe compenserait partiellement la charge grevant le produit national, il s’agirait d’une imposition intérieure discriminatoire au sens de l’article 90 CE, tandis que dans le cas d’une compensation totale, il s’agirait d’une taxe d’effet équivalent interdite par l’article 25 CE.

54      Selon SEP et le gouvernement néerlandais, le produit du supplément de prix ne favoriserait pas, en tout état de cause, la production nationale d’électricité dès lors qu’il servirait à couvrir des coûts non conformes au marché, c’est-à-dire des investissements réalisés dans le passé, et n’aurait aucune incidence sur le prix de l’électricité nationale.

55      Cet argument ne saurait toutefois être retenu. En effet, pour autant que les entreprises nationales productrices d’électricité sont tenues de supporter ces coûts non conformes au marché, ceux-ci font partie des charges prises en considération pour déterminer le prix de revient global de l’électricité et, selon le prix de vente déterminé par les entreprises productrices, le bénéfice de ces dernières. Il s’ensuit que l’affectation du produit de la taxe au paiement de coûts qui, même relatifs à des investissements passés, devraient être supportés par les producteurs nationaux améliorerait leur situation compétitive au détriment des producteurs d’autres États membres.

56      Ainsi que M. l’avocat général l’a à juste titre rappelé aux points 24 et 25 de ses conclusions, le supplément perçu sur l’électricité transportée ne peut être déclaré contraire aux articles 25 CE ou 90 CE que dans la mesure où il a été prélevé sur de l’électricité importée. Il importe dès lors que, conformément aux règles relatives à la charge de la preuve applicables dans un litige tel que celui au principal, il soit établi dans quelle mesure la taxe réclamée à Aldel porte sur le transport d’électricité en provenance d’autres États membres.

57      Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 25 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une mesure législative en vertu de laquelle les acheteurs nationaux d’électricité sont redevables d’un supplément de prix dû à leur gestionnaire de réseau pour les quantités d’électricité produites dans l’État membre et importées qui ont été transportées en faveur de ces acheteurs, lorsque ce supplément doit être cédé par ledit gestionnaire à une société désignée à cette fin par le législateur, cette société étant une filiale commune des quatre entreprises nationales productrices d’électricité et auparavant gestionnaire des coûts de toute l’électricité produite et importée, et que ce supplément doit être intégralement affecté au paiement de coûts non conformes au marché auxquels cette société est personnellement tenue, ce qui a pour conséquence que les sommes perçues par cette société compensent intégralement la charge subie par l’électricité nationale transportée.

Il en va de même lorsque les entreprises productrices nationales d’électricité sont tenues d’assumer ces coûts et que, en raison de conventions existantes, par le paiement d’un prix d’achat de l’électricité produite dans l’État membre, par le paiement de dividendes aux différentes entreprises nationales productrices d’électricité dont la société désignée est la filiale ou par tout autre moyen, l’avantage constitué par le supplément de prix a pu être intégralement répercuté par la société désignée aux entreprises nationales productrices d’électricité.

L’article 90 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la même mesure législative dans les circonstances où le produit de la taxe perçue sur l’électricité transportée n’est affecté que partiellement au paiement de coûts non conformes au marché, c’est-à-dire lorsque le montant perçu par la société désignée ne compense qu’une partie de la charge subie par l’électricité nationale transportée.

 Sur la seconde question, relative à l’interprétation de l’article 87 CE

58      À titre liminaire, il importe de rappeler qu’une taxe, appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent la charge grevant ces derniers, peut constituer, au regard de l’affectation de son produit, une aide étatique, incompatible avec le marché commun, si les conditions de l’article 87 CE sont réunies (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1992, Lornoy e.a., C‑17/91, Rec. p. I‑6523, point 32, ainsi que du 27 octobre 1993, Scharbatke, C‑72/92, Rec. p. I‑5509, point 18).

59      En effet, une mesure réalisée par l’intermédiaire d’une taxation discriminatoire et susceptible d’être en même temps considérée comme faisant partie d’une aide au sens de l’article 87 CE est assujettie cumulativement aux dispositions des articles 25 CE ou 90 CE, et à celles relatives aux aides d’État (voir, en ce sens, arrêts du 21 mai 1980, Commission/Italie, 73/79, Rec. p. 1533, point 9, et du 29 avril 1982, Pabst & Richarz, 17/81, Rec. p. 1331, point 22).

60      Si les articles 25 CE et 90 CE visent à préserver la libre circulation des marchandises et la concurrence entre produits nationaux et produits importés, l’article 87 CE a pour objectif, de manière plus générale, de préserver la concurrence entre entreprises par l’interdiction de toute aide accordée par un État membre et répondant aux conditions de l’article 87 CE.

61      Selon cette disposition, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

62      Il convient de vérifier si les sommes transmises à SEP, conformément à l’article 9 de l’OEPS, correspondent à cette notion.

63      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’«aide» au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies (voir arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 25; du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, point 74, ainsi que du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/Ufex e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, non encore publié au Recueil, point 125).

64      Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir, notamment, arrêts du 30 mars 2006, Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, C‑451/03, Rec. p. I‑2941, point 56, et Chronopost et La Poste/Ufex e.a., précité, point 126).

65      En ce qui concerne la première condition, il convient de vérifier si les montants versés à SEP constituent une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État.

66      L’article 9 de l’OEPS prévoit l’attribution à la société désignée, à savoir SEP, d’un montant de 400 millions de NLG et, pour le surplus de la taxe perçue, le versement au ministre qui devait affecter le montant reçu au financement des coûts visés à l’article 7 de l’OEPS – lequel n’entrera cependant pas en vigueur –, c’est-à-dire de coûts non conformes au marché liés au chauffage urbain et à l’installation de gazéification Demkolec. À cet égard, il y a lieu de rappeler que ces montants ont pour origine le supplément de prix imposé par l’État aux acheteurs d’électricité en vertu de l’article 9 de l’OEPS, dont il a été établi, au point 47 du présent arrêt, qu’il s’agit d’une taxe. Ces montants ont donc pour origine une ressource d’État.

67      Conformément à l’article 9, paragraphes 1 et 2, de l’OEPS, la taxe est payée au gestionnaire de réseau ou au titulaire d’autorisation, lesquels doivent, ainsi que l’impose l’article 9, paragraphe 4, de l’OEPS, céder le produit des montants dus avant le 1er juillet 2001 à SEP. Selon l’article 9, paragraphe 5, de l’OEPS, SEP conserve un montant n’excédant pas 400 millions de NLG et cède le surplus au ministre.

68      Dans l’affaire au principal, la société gestionnaire de réseau est Essent Netwerk. Ainsi qu’il résulte de la réponse fournie par cette société à une question posée par la Cour, il s’agit d’une filiale à 100 % de la société Essent NV, dont les actionnaires sont des provinces des Pays-Bas, pour 74 %, et des communes de cet État membre, pour 26 %. Quant à SEP, dont le capital est entièrement détenu par les entreprises productrices d’électricité, il s’agissait à l’époque d’une entreprise chargée par la loi de la gestion d’un service économique d’intérêt général.

69      Il résulte des dispositions de l’OEPS que la société désignée ne dispose d’aucune possibilité d’utiliser le produit de la taxe pour des affectations autres que celles prévues par la loi. Elle est, en outre, strictement contrôlée dans sa tâche, puisque l’article 9, paragraphe 5, de l’OEPS lui impose de faire certifier par un comptable le décompte des sommes perçues et transférées.

70      Il importe peu que cette société désignée soit à la fois le centralisateur de la taxe perçue, le gestionnaire des fonds récoltés et le bénéficiaire d’une partie de ces fonds. En effet, les mécanismes prévus par la loi et, plus particulièrement, les décomptes certifiés par un comptable, permettent de distinguer ces différents rôles et de contrôler l’utilisation des fonds. Il en résulte que, tant que cette société désignée ne s’est pas attribué le montant de 400 millions de NLG, moment à partir duquel elle en a la libre disposition, ce montant reste sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales, ce qui suffit pour qu’il soit qualifié de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, Rec. p. I‑4397, point 37).

71      L’objectif de l’article 9 de l’OEPS apparaît être celui de permettre aux entreprises productrices d’électricité, par l’intermédiaire de leur filiale SEP, de récupérer des coûts non conformes au marché qu’elles ont exposés par le passé. Cette disposition concerne les coûts pour l’année 2000, tandis que, pour les années ultérieures, certains coûts seront compensés par des subventions, qui seront autorisées par la Commission en tant qu’aides d’État.

72      Ces diverses circonstances distinguent la mesure en cause dans l’affaire au principal de celle visée dans l’arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C‑345/02, Rec. p. I‑7139). Les fonds en cause dans cette affaire, utilisés pour une campagne publicitaire, avaient été collectés par un organisme professionnel auprès de ses affiliés bénéficiaires de la campagne, au moyen de contributions affectées obligatoirement à l’organisation de cette campagne (arrêt Pearle e.a., précité, point 36). Il ne s’agissait, dès lors, ni d’une charge pour l’État ni de fonds demeurant sous le contrôle de l’État, au contraire du montant perçu par SEP, qui a pour origine une taxe et ne peut pas avoir d’autre affectation que celle prévue par la loi.

73      Par ailleurs, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Pearle e.a., précité, si les fonds étaient collectés par un organisme professionnel, la campagne publicitaire était organisée par une association privée d’opticiens, avait un objectif purement commercial et ne s’inscrivait nullement dans le cadre d’une politique définie par les autorités (arrêt Pearle e.a., précité, points 37 et 38). Dans la présente affaire au principal, en revanche, l’attribution du montant de 400 millions de NLG à la société désignée a été décidée par le législateur.

74      De même, la mesure en cause est différente de celle visée dans l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, Rec. p. I‑2099), dans lequel la Cour a jugé, au point 59, que l’obligation, faite à des entreprises privées d’approvisionnement en électricité, d’acheter à des prix minimaux fixés l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables n’entraîne aucun transfert direct ou indirect de ressources d’État aux entreprises productrices de ce type d’électricité. Dans ce dernier cas, les entreprises n’étaient pas mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État, mais étaient tenues d’une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres.

75      Il résulte de l’ensemble de ces circonstances que les montants versés à SEP constituent une intervention de l’État au moyen de ressources d’État.

76      S’agissant de la deuxième condition, à savoir, de la possibilité d’affecter les échanges entre États membres, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, il n’existe pas de seuil ou de pourcentage en dessous duquel on peut considérer que les échanges entre États membres ne sont pas affectés. En effet, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (voir, arrêts précités, Tubemeuse, point 43, ainsi que Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 81).

77      À cet égard, il y a lieu de constater que SEP et les entreprises nationales productrices d’électricité sont en concurrence avec les producteurs d’électricité des autres États membres. Eu égard, en outre, au contexte de libéralisation du marché de l’électricité et à la concurrence intense qui en est résultée, cet élément suffit pour établir que l’aide est susceptible d’affecter les échanges.

78      S’agissant des troisième et quatrième conditions, il apparaît ressortir de la loi, de son exposé des motifs et des explications présentées devant cette Cour que le montant de 400 millions de NLG perçu par SEP devait lui permettre de payer des coûts non conformes au marché de l’année 2000 sans que la nature et l’origine de ces coûts soient analysées. Pour les années 2001 et suivantes, en revanche, certains coûts, tels les projets de chauffage urbain et l’installation Demkolec, ont été considérés comme provoqués par l’État néerlandais par la commission Herkströter, et des subventions de cet État étaient prévues afin de les compenser.

79      À cet égard, il convient de rappeler que sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêts Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité, point 84; du 27 novembre 2003, Enirisorse, C‑34/01 à C‑38/01, Rec. p. I‑14243, point 30, et Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, précité, point 59).

80      En revanche, dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises concurrentes, une telle intervention ne relève pas de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêts précités Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 87; Enirisorse, point 31, et Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 60).

81      Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, ce qui, au demeurant, n’a pas été soutenu dans l’affaire au principal, un certain nombre de conditions doivent être réunies (arrêts précités Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 88; Enirisorse, point 31, et Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 61).

82      Premièrement, l’entreprise bénéficiaire d’une telle compensation doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies (arrêts précités Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 89; Enirisorse, point 32, et Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 62).

83      Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de manière objective et transparente, afin d’éviter qu’elle ne comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes (arrêts précités Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 90; Enirisorse, point 35, et Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 64).

84      Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêts précités Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 92, et Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 66).

85      Quatrièmement, elle devrait être déterminée sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement dotée de moyens nécessaires afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêts précités Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, point 93, et Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 67).

86      À l’aide de ces critères, qui peuvent être utilisés, mutatis mutandis, pour apprécier si les compensations de coûts non conformes au marché provoqués par l’État constituent une aide, il appartient au juge national de vérifier si, ou dans quelle mesure, le montant de 400 millions de NLG peut être considéré comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par la société désignée pour exécuter des obligations de service public, ou si ce montant devait être utilisé en vue du paiement de coûts non conformes au marché d’une autre nature, auquel cas il s’agirait d’un avantage économique correspondant à la notion d’«aide» au sens de l’article 87 CE.

87      Pour autant que la mesure en cause avantage SEP et/ou les entreprises productrices d’électricité, un tel avantage favorise le secteur de la production d’électricité et a, dès lors, un caractère sélectif.

88      Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, pour autant qu’ils représentent un avantage économique, les montants versés à SEP jusqu’à concurrence de 400 millions de NLG constituent une «aide d’État» au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

89      S’agissant de la taxe sur l’électricité transportée, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du traité concernant les aides d’État à moins qu’elles ne constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure (arrêts du 13 janvier 2005, Streekgewest, C‑174/02, Rec. p. I‑85, point 25, et du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a., C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, Rec. p. I‑9481, point 34).

90      Pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide et influence directement l’importance de celle-ci (arrêts précités Streekgewest, point 26, et Distribution Casino France e.a., point 40).

91      Il apparaît que tel est le cas dans l’affaire au principal, sous réserve de la vérification visée au point 86 du présent arrêt, dans la mesure du montant de 400 millions de NLG attribué à SEP.

92      Conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, la Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant qu’une éventuelle procédure d’examen ait abouti à une décision finale.

93      Lorsqu’il existe un lien d’affectation contraignant entre une taxe et une aide, la notification de la mesure d’aide doit également porter sur le mode de financement de celle-ci (arrêts du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, Rec. p. I‑12249, point 51, ainsi que Streekgewest, précité, point 26).

94      Le gouvernement néerlandais et la Commission sont en désaccord quant à l’existence d’une notification au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE. Il n’est pas contesté que, par lettre du 30 août 2000, le gouvernement néerlandais a communiqué à la Commission le projet de loi OEPS, avec l’exposé des motifs de celui-ci. La Commission souligne, cependant, que cette lettre l’invitait à examiner les projets des articles 6 à 8 de l’OEPS au regard des articles 87 CE et 88 CE, mais non le projet de l’article 9.

95      À cet égard, et sans qu’il soit besoin d’examiner si la lettre du 30 août 2000 était suffisamment précise en ce qui concerne l’article 9 de l’OEPS pour constituer une notification au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, il suffit de constater, ainsi que l’a fait M. l’avocat général aux points 121 à 123 de ses conclusions, que cet article 9 est entré en vigueur le 29 décembre 2000, soit avant la décision du 25 juillet 2001 relative aux mesures notifiées le 30 août 2000. Il s’ensuit que l’obligation de ne pas mettre à exécution un projet notifié avant la décision de la Commission n’a pas été respectée.

96      Il résulte de ces éléments que l’article 87 CE doit être interprété en ce sens que les montants payés à la société désignée en application de l’article 9 de l’OEPS constituent une «aide d’État» au sens de cette disposition du traité pour autant qu’ils représentent un avantage économique et non une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par la société désignée pour exécuter des obligations de service public.

 Sur les dépens

97      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 25 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une mesure législative en vertu de laquelle les acheteurs nationaux d’électricité sont redevables d’un supplément de prix dû à leur gestionnaire de réseau pour les quantités d’électricité produites dans l’État membre et importées qui ont été transportées en faveur de ces acheteurs, lorsque ce supplément doit être cédé par ledit gestionnaire à une société désignée à cette fin par le législateur, cette société étant une filiale commune des quatre entreprises nationales productrices d’électricité et auparavant gestionnaire des coûts de toute l’électricité produite et importée, et que ce supplément doit être intégralement affecté au paiement de coûts non conformes au marché auxquels cette société est personnellement tenue, ce qui a pour conséquence que les sommes perçues par cette société compensent intégralement la charge subie par l’électricité nationale transportée.

Il en va de même lorsque les entreprises productrices nationales d’électricité sont tenues d’assumer ces coûts et que, en raison de conventions existantes, par le paiement d’un prix d’achat de l’électricité nationale, par le paiement de dividendes aux différentes entreprises nationales productrices d’électricité dont la société désignée est la filiale ou par tout autre moyen, l’avantage constitué par le supplément de prix a pu être intégralement répercuté par la société désignée aux entreprises nationales productrices d’électricité.

L’article 90 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la même mesure législative dans les circonstances où le produit de la taxe perçue sur l’électricité transportée n’est affecté que partiellement au paiement de coûts non conformes au marché, c’est-à-dire lorsque le montant perçu par la société désignée ne compense qu’une partie de la charge subie par l’électricité nationale transportée.

2)      L’article 87 CE doit être interprété en ce sens que les montants payés à la société désignée en application de l’article 9 de la loi transitoire sur le secteur de la production d’électricité (Overgangswet Elektriciteitsproductiesector), du 21 décembre 2000, constituent une aide d’État au sens de cette disposition du traité CE pour autant qu’ils représentent un avantage économique et non une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par la société désignée pour exécuter des obligations de service public.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.