Language of document : ECLI:EU:C:2015:114

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

11 février 2015 (*)

«Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Aides d’État – Compensation de charges de service public pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit»

Dans l’affaire C‑621/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 novembre 2013,

Orange SA, établie à Paris (France), représentée par Mes D. Gillet et H. Viaene, avocats,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

République française, représentée par Mme J. Bousin et M. D. Colas, en qualité d’agents,

Département des Hauts-de-Seine, représenté par Me G. O’Mahony, avocat,

Sequalum SAS, établie à Puteaux (France), représentée par Me L. Feldman, avocat,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, président de chambre, M. M. Safjan et Mme A. Prechal (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Orange SA (ci-après «Orange») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Orange/Commission (T‑258/10, EU:T:2013:471, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours contre la décision C(2009) 7426 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à la compensation de charges de service public pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine (aide d’État N 331/2008 – France) (ci-après la «décision litigieuse»).

 Les antécédents du litige

2        Le 27 juin 2008, les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne un projet d’octroi à un groupement d’entreprises, ayant pris la forme d’une société commerciale Sequalum SAS (ci-après «Sequalum»), choisi à l’issue d’une mise en concurrence, d’une compensation de charges de service public de 59 millions d’euros pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine (ci-après le «projet THD 92»).

3        Divers opérateurs, parmi lesquels Orange, alors dénommée France Télécom, opérateur historique des communications électroniques en France, se sont alors manifestés auprès de la Commission en soutenant que le projet THD 92 n’était pas compatible avec les règles du droit de l’Union en matière d’aides d’État.

4        Après s’être, à trois reprises, adressée aux autorités françaises aux fins d’obtenir de ces dernières des précisions complémentaires et de leur permettre de réagir aux objections formulées par lesdits opérateurs, la Commission a, par la décision litigieuse, constaté que la mesure en cause ne constituait pas une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, devenu l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

5        Dans cette décision, la Commission a considéré, à cet égard, que le service d’intérêt économique général en l’occurrence institué était conforme aux exigences posées par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415) pour qu’une telle mesure échappe à la qualification d’aide d’État. En particulier, la Commission a estimé que Sequalum avait effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de service public clairement définies, que les paramètres du financement public avaient été préalablement établis de façon objective et transparente, que la compensation prévue ne dépassait pas ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public et que la délégation de service public avait été attribuée à l’issue d’une procédure ayant effectivement permis de sélectionner le candidat capable de fournir ce service au moindre coût pour la collectivité.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2010, Orange a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse au soutien duquel elle a invoqué deux moyens.

7        Par son premier moyen, Orange a fait valoir que lorsque, comme en l’occurrence, la Commission se trouve, à l’occasion de l’examen préliminaire visé à l’article 88, paragraphe 3, CE, devenu l’article 108, paragraphe 3, TFUE, en présence de difficultés sérieuses pour apprécier si une mesure est constitutive d’une aide d’État, ladite institution est tenue, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, devenu l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Or, en ayant adopté la décision litigieuse sans avoir procédé à l’ouverture d’une telle procédure formelle d’examen, la Commission aurait violé les droits procéduraux qu’Orange tire de cette dernière disposition.

8        Au soutien dudit moyen, Orange a notamment invoqué divers indices censés révéler l’existence de telles difficultés sérieuses dans le cas d’espèce. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que ces éléments ne permettaient toutefois pas de conclure à une telle existence, en conséquence de quoi il a écarté ce premier moyen.

9        Trois de ces indices tenaient au contenu de la décision litigieuse, le troisième de ceux-ci étant tiré de ce qu’il ressortirait du point 78 des lignes directrices communautaires pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit (JO 2009, C 235, p. 7, ci-après les «lignes directrices de 2009»), mentionnées dans la décision litigieuse, qu’un examen détaillé s’impose lorsqu’un État membre souhaite subventionner le déploiement d’un réseau à très haut débit dans une zone noire telle que le département des Hauts-de-Seine.

10      S’agissant dudit indice, le Tribunal a jugé ce qui suit aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué:

«96      À cet égard, il convient d’observer, d’une part, que la requérante se contente d’alléguer qu’il ressort des lignes directrices [de 2009] que la Commission doit ouvrir la procédure formelle d’examen dès lors qu’un État membre souhaite subventionner le déploiement d’un réseau à très haut débit dans une zone noire, sans toutefois établir, de façon concrète, les raisons pour lesquelles elle estime que, en l’espèce, l’appréciation du projet THD 92 suscitait, compte tenu du fait que le département serait à considérer comme une zone noire au sens des[dites] lignes directrices, des difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de ladite procédure. Or, outre le fait que [c]es lignes directrices n’étaient pas applicables au moment de l’adoption de la décision [litigieuse] dès lors qu’elles ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne le même jour que celui de l’adoption de la décision [litigieuse] et qu’elles ne sont applicables qu’à partir du premier jour suivant celui de leur publication (paragraphe 80 des[dites] lignes directrices), il ressort de la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus que c’est en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire en cause que la Commission doit déterminer si les difficultés rencontrées dans l’examen de la mesure notifiée nécessitent l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Partant, l’interprétation des lignes directrices [de 2009] proposée par la requérante, qui revient à imposer l’ouverture de la procédure formelle d’examen indépendamment des circonstances concrètes de l’affaire, doit être écartée, eu égard à la jurisprudence constante relative à l’appréciation des difficultés sérieuses.

97      D’autre part, et en tout état de cause, il y a lieu de relever que le paragraphe 78 des lignes directrices [de 2009], auquel la requérante se réfère, ne permet pas de conclure qu’il convenait d’ouvrir la procédure formelle d’examen. En effet, ledit paragraphe 78 indique que, dans les ‘zones noires traditionnelles’, telles que le département des Hauts-de-Seine, dans lesquelles les services haut débit actuels sont fournis par des infrastructures à haut débit concurrentes (réseaux câblés notamment), l’aide de l’État au déploiement de réseaux à très haut débit fera l’objet d’une ‘analyse détaillée’ nécessitant l’évaluation d’une série de paramètres, tels que les conditions globales du marché ou les barrières globales à l’entrée éventuelle d’investisseurs en réseaux à très haut débit. Toutefois, il ne ressort pas du texte des lignes directrices [de 2009] que cette analyse détaillée implique l’ouverture de la procédure formelle d’examen dès lors, notamment, qu’elle ne requiert pas nécessairement que soient consultées l’ensemble des parties intéressées.»

11      Le second moyen invoqué par Orange devant le Tribunal était tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE. Au soutien de ce moyen, Orange a fait valoir que, dans la décision litigieuse, la Commission avait méconnu la notion d’«aide», au sens de cette disposition du traité CE, en considérant à tort que trois des quatre critères énoncés par la Cour dans son arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (EU:C:2003:415) étaient remplis en l’espèce.

12      Ce moyen comportait quatre branches tirées, respectivement, premièrement, de ce que le projet THD 92 ne poursuit pas un objectif d’intérêt général, deuxièmement, de ce que ce projet ne répond pas à une défaillance du marché, troisièmement, de ce que ledit projet a été attribué sur la base de critères de sélection non connus au préalable et, quatrièmement, de ce que le montant du soutien public octroyé dans le cadre du même projet est disproportionné dès lors qu’il va au-delà de la compensation des seuls coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public en cause.

13      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté, successivement, chacune de ces quatre branches, en conséquence de quoi il a rejeté le second moyen dans son intégralité.

14      À titre liminaire, le Tribunal a notamment apporté la précision suivante au point 108 de l’arrêt attaqué:

«[...] il convient de préciser que les lignes directrices [de 2009], même si elles ont été mentionnées dans la décision [litigieuse] [...], n’ont pas été appliquées dans cette décision, dès lors qu’elles n’étaient pas encore applicables [...]. Il a néanmoins été fait référence aux lignes directrices [de 2009] dans certains développements subséquents, non pour les imposer à la Commission ou les opposer à la requérante, mais parce qu’elles codifient la pratique de la Commission relative à l’application des critères de l’[arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (EU:C:2003:415)], dans le secteur des communications électroniques à haut débit et qu’elles fournissent des indications utiles sur l’application desdits critères dans le secteur des communications électroniques à très haut débit en cause en l’espèce [...]»

15      S’agissant de la deuxième branche de ce second moyen, tirée de l’absence de défaillance du marché, le Tribunal a, d’abord, fait état, aux points 142 à 147 de l’arrêt attaqué, des cinq arguments invoqués par Orange au soutien de ladite branche.

16      Ensuite, le Tribunal a, aux points 148 à 156 de l’arrêt attaqué, entrepris un examen qu’il a qualifié de préliminaire et dans le cadre duquel il a notamment relevé ce qui suit:

«153      [...] l’existence d’une défaillance du marché constitue un préalable à la qualification d’une activité de [service d’intérêt économique général (ci-après «SIEG»)] et ainsi à la constatation de l’absence d’aide d’État.

154      Dans la décision [litigieuse], la Commission a appliqué le critère de la défaillance du marché au cas d’espèce. Elle a considéré, sous le titre ‘Mesures justifiées par une mission de service public d’intérêt économique général’, que les services en question n’étaient pas fournis à l’heure actuelle par des opérateurs tiers d’une façon complète et satisfaisante sur le marché concerné. En effet, aucun opérateur commercial n’aurait à ce jour déployé dans les Hauts-de-Seine un réseau de desserte à très haut débit couvrant l’ensemble des usagers résidentiels et professionnels du département (paragraphe 147 de la décision [litigieuse]).

155      La Commission a ainsi rejeté les allégations d’opérateurs privés tiers formulées au cours de la procédure administrative, selon lesquels il n’existerait aucune raison justifiant une intervention publique, les besoins du public étant sur le point d’être satisfaits par des déploiements de réseaux en fibre entrepris par eux-mêmes. Elle a notamment constaté que, lors de la procédure d’attribution de la [délégation de service public (ci-après la «DSP»)], tous les groupements ayant présenté une candidature se sont fondés sur l’existence, dans le département, de zones non rentables dont la couverture aurait nécessité l’octroi d’une subvention publique. De même, il ressortirait d’une réponse de l’[Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)] à une demande d’avis formulée par les autorités françaises à l’instigation de la Commission à la suite d’un courrier de la requérante du 6 février 2009 qu’aucun opérateur n’a à ce jour déployé un réseau universel en fibre optique dans les Hauts-de-Seine. Enfin, quant au courrier de Free [SAS] du 26 mai 2009, selon lequel cet opérateur aurait déployé d’ici à la fin de 2012 un réseau à très haut débit couvrant les 36 communes du département, la Commission a constaté que les autorités françaises l’avaient considéré comme étant dépourvu de crédibilité, dès lors que les objectifs de couverture précédents annoncés par cet opérateur en 2007 n’avaient pas été atteints (paragraphes 122 à 134 de la décision [litigieuse]).

156      C’est à la lumière de ces rappels qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante, dont aucun n’apparaît de nature à remettre en cause les considérations émises par la Commission, dans la décision [litigieuse], quant à l’existence d’une défaillance du marché.»

17      Enfin, procédant à l’examen ainsi annoncé, le Tribunal a écarté successivement chacun des cinq arguments invoqués par Orange.

18      À cet égard, le Tribunal a notamment jugé ce qui suit, aux points 157 et suivants de l’arrêt attaqué:

«157      Ainsi, en premier lieu, doivent être écartés les arguments de la requérante visant à contester les prémisses du raisonnement de la Commission relatif à l’existence d’une défaillance du marché, à savoir, d’une part, l’existence de zones non rentables dans le département [...] et, d’autre part, le type de débit défaillant [...]

158      En effet, premièrement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle les zones non rentables n’existeraient pas dans le département des Hauts-de-Seine ou, à tout le moins, seraient marginales, il suffit de constater qu’elle n’est étayée par aucun élément probant.

[...]

161      Deuxièmement, s’agissant de l’allégation selon laquelle le débit prévu par le projet THD 92 serait déjà assuré par l’ADSL accessible sur l’ensemble du territoire du département, il suffit de rappeler, comme sa dénomination l’indique d’ailleurs clairement, que le projet en cause concerne le très haut débit et non simplement le haut débit [...]. Par conséquent, la simple existence d’installations de haut débit, telles que l’ADSL, ne saurait être de nature, en tant que telle, à démontrer l’absence d’une défaillance du marché portant sur le très haut débit. [...]

162      En deuxième lieu, doivent également être rejetés les arguments de la requérante visant à contester les données prises en compte par la Commission dans le cadre de son appréciation de la défaillance du marché [...]

163      À cet égard, il y a lieu de préciser que l’existence d’une défaillance du marché doit être appréciée au moment où le service destiné à pallier cette défaillance est institué. Cette appréciation doit également comporter une analyse prospective de la situation du marché pour toute la durée d’application du SIEG, pendant laquelle la défaillance du marché doit également être vérifiée. Néanmoins, dès lors que, en vertu d’une jurisprudence constante, les appréciations portées par la Commission ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont elle disposait au moment où elle les a effectuées ([arrêts Belgique/Commission, C‑197/99 P, EU:C:2003:444], point 86, et [EDF/Commission, T‑156/04, EU:T:2009:505], point 125), l’appréciation de la défaillance du marché est nécessairement limitée aux éléments dont la Commission disposait à la date d’adoption de la décision [litigieuse].

164      Dans ces conditions, en l’espèce, tout d’abord, il convient de relever que la requérante ne saurait reprocher à la Commission de s’être fondée sur des données anciennes, puisque datant de 2004 et de 2005. En effet, ces données correspondent à la période pendant laquelle le département des Hauts-de-Seine procédait à des études en vue d’instituer un SIEG dans le secteur des communications électroniques à très haut débit, avant le vote de la délibération à l’origine de la procédure de DSP datant du 24 mars 2006.

165      Ensuite, quant aux données prétendument incomplètes relatives au déploiement de la requérante, il convient de relever que la Commission a pris en compte l’ensemble des données qui lui avaient été fournies par cet opérateur à la date d’adoption de la décision [litigieuse].

166      En effet, d’une part, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte ses prévisions triennales de déploiement, ainsi que l’y obligeaient les lignes directrices [de 2009]. Selon la requérante, il découlerait desdites lignes directrices que la Commission doit prendre en compte, aux fins de vérifier l’existence d’une défaillance du marché, les prévisions de déploiement dans un ‘avenir proche’, c’est-à-dire dans une période de trois ans (note en bas de page n° 31 des[dites] lignes directrices). Or, tout d’abord, [c]les lignes directrices n’étaient pas applicables en l’espèce (voir points 96 et 108 ci-dessus), ainsi que la Commission le relève dans la décision [litigieuse] (note en bas de page n° 45 de ladite décision), sans que cela soit contesté par la requérante. Ensuite, il a déjà été relevé au point 83 ci-dessus que la requérante s’est contentée, durant et après la procédure d’attribution de la DSP, de présenter à la Commission un unique courrier, en date du 6 février 2009, pris en compte dans ladite décision, qui faisait état du déploiement de la requérante au 31 décembre 2008 et des prévisions de déploiement au 31 décembre 2009. En particulier, elle n’a présenté aucun autre plan d’investissements futurs ni même aucune prévision de déploiement au-delà du 31 décembre 2009. En outre, ce courrier faisait suite à une demande de la Commission qui interrogeait la requérante sur son déploiement et ses prévisions de déploiement au moment de l’adoption de la décision [litigieuse]. La Commission avait ainsi entrepris toutes les démarches requises aux fins de disposer, au moment de l’adoption de la décision [litigieuse], des données actualisées relatives au déploiement actuel et futur de la requérante.

167      D’autre part, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en considération les prévisions de déploiement de la requérante annoncées dans des articles de presse parus postérieurement à la décision [litigieuse] et communiqués en annexe de la requête. Il peut être relevé à cet égard que, en tout état de cause, seul un des articles reproduits dans cette annexe mentionne le département des Hauts-de-Seine, au surplus de manière vague et non étayée, en évoquant l’équipement de toutes les communes des Hauts-de-Seine en 2012.

168      Enfin, quant aux données figurant dans la décision de l’ARCEP, outre le fait que cette décision est également postérieure à la décision [litigieuse], il suffit d’observer, d’une part, que la requérante ne mentionne aucun élément de ladite décision venant au soutien de son allégation d’absence de défaillance du marché. D’autre part et en tout état de cause, il ressort certes de cette décision que l’ensemble des communes situées dans le département des Hauts-de-Seine sont classées dans la catégorie des zones très denses définies comme étant celles à forte concentration de population pour lesquelles, sur une partie significative de leur territoire, il est économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leurs propres infrastructures, en l’occurrence leurs réseaux de fibre optique, au plus près des logements [...]. Toutefois, l’ARCEP ne donne aucune indication dans sa décision sur la réalité ou la prévision tangible d’un déploiement de la fibre optique sur l’ensemble de ces communes. Elle indique même, dans cette décision [...], que ‘les principaux opérateurs, qui ont annoncé des plans d’investissements importants, ont retardé la mise en œuvre de ces investissements compte tenu des désaccords qui persistent entre eux sur les modalités de mise en œuvre de l’accès à la fibre optique et particulièrement les conditions de déploiement de la fibre dans les immeubles’.

169      En troisième lieu, s’agissant des prétendues erreurs d’interprétation des données prises en compte par la Commission, il convient de relever que, dans son avis du 25 février 2009, donné à la suite d’une demande de la Commission, l’ARCEP a indiqué ce qui suit:

[...]

170      Il ressort de ce passage, d’une part, que, à la fin de l’année 2008, dernière année complète avant l’adoption de la décision [litigieuse], le parc d’abonnés des prises raccordables s’élevait à près de 95 000 logements et que les prises adressables déployées par la requérante concernaient 460 000 logements. D’autre part, ce passage décrit une évolution, en cours, en relevant que le parc des logements raccordables, de l’ordre de 95 000 à la fin de l’année 2008, tendrait, à terme, vers celui des logements adressables, soit 460 000 logements. Il y a lieu d’observer, à cet égard, que ce nombre de prises raccordables dont le déploiement était prévu, selon les données contenues dans la décision de l’ARCEP, reste ainsi sensiblement en deçà des obligations du délégataire, correspondant au déploiement de 827 900 prises raccordables.

171      Dans ces conditions, premièrement, dès lors que, malgré la mention positive finale selon laquelle les prises adressables seraient converties à terme en prises raccordables par la requérante, l’ARCEP indique clairement que, à la fin de l’année 2008, le parc d’abonnés des prises raccordables ne dépassait pas 95 000 logements et les prises adressables déployées par la requérante concernaient 460 000 logements, la Commission n’a commis aucune erreur en mentionnant cette dernière considération au paragraphe 127 de la décision [litigieuse].

[...]

178      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la Commission avait approuvé à tort l’existence d’une défaillance du marché alléguée par les autorités françaises. [...]»

19      La quatrième branche du second moyen, tirée de l’existence d’une prétendue surcompensation a été examinée par le Tribunal aux points 188 à 225 de l’arrêt attaqué.

20      Dans le cadre de cet examen au terme duquel le Tribunal a conclu au rejet de ladite branche, celui-ci a notamment considéré ce qui suit au point 210 dudit arrêt:

«Dans ces conditions, tout d’abord, contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante dans ses écritures, il y a lieu de considérer, d’une part, que seul le taux de 9 % a été retenu comme indicateur de la rentabilité des zones du département et, d’autre part, que les zones dont le [taux de retour interne (ci-après le «TRI»)] se situe entre 9 et 10,63 % ne font pas l’objet d’une compensation. En effet, s’il ressort du paragraphe 72 de la décision [litigieuse] que seules sont prises en compte, aux fins de compenser les pertes subies par le délégataire dans les zones non rentables dont le TRI est inférieur à 9 %, les recettes dégagées par les zones dont le TRI est supérieur à 10,63 %, il ne saurait pour autant en être déduit que les zones dont le TRI est compris entre 9 et 10,63 % doivent faire l’objet d’un financement, ainsi que l’a d’ailleurs précisé la Commission, soutenue par la République française, le département des Hauts-de-Seine et Sequalum, en réponse à une question écrite du Tribunal, sans que cela soit spécifiquement contesté par la requérante à l’audience.»

 Les conclusions des parties devant la Cour

21      Par son pourvoi, Orange demande à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–        d’annuler la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal;

–        de condamner la Commission, le département des Hauts-de-Seine et Sequalum aux dépens, à l’exception des dépens exposés par la République française, et

–        de déclarer que la République française supporte ses propres dépens.

22      La Commission, la République française, le département des Hauts-de-Seine et Sequalum demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Orange aux dépens.

 Sur le pourvoi

23      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, cette dernière peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée.

24      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

25      Au soutien de son pourvoi, la requérante soulève quatre moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

26      Par son premier moyen, la requérante allègue que, dans le cadre de l’examen de la deuxième branche de son second moyen invoqué en première instance, tirée de ce qu’une défaillance du marché n’aurait pas été établie, le Tribunal a méconnu son obligation de motivation.

27      D’une part, l’arrêt attaqué serait entaché d’une insuffisance de motivation. Le Tribunal se serait en effet abstenu de répondre à l’argument central développé par Orange selon lequel la présence d’opérateurs concurrents offrant des services analogues à ceux couverts par le projet THD 92 impliquait une absence de défaillance du marché et, partant, l’impossibilité de qualifier ledit projet de SIEG et de conclure à l’inexistence d’une aide d’État.

28      D’autre part, la motivation de l’arrêt attaqué serait, sur ce même plan, contradictoire. En effet, bien qu’ayant affirmé, au point 153 de cet arrêt, que l’appréciation d’une défaillance du marché était un préalable à la qualification d’une activité de SIEG, le Tribunal aurait, par la suite, sans examiner l’argument central susmentionné d’Orange, jugé, au point 156 dudit arrêt, qu’aucun des arguments soulevés par cette dernière n’apparaissait de nature à remettre en cause les considérations formulées par la Commission dans la décision litigieuse quant à l’existence d’une telle défaillance.

29      À cet égard, il y a lieu de constater, à titre liminaire, que, contrairement à ce que soutiennent le gouvernement français et le département des Hauts-de-Seine qui concluent à l’irrecevabilité de ce moyen, la requérante ne vise pas, par celui-ci, à obtenir de la Cour qu’elle substitue sa propre appréciation à l’appréciation des faits et des arguments exposés en première instance ayant été effectuée par le Tribunal. En effet, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, la requérante entend dénoncer, d’une part, une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué et, d’autre part, une contradiction dans les motifs de celui-ci. Or, la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 90 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que le moyen est recevable.

30      En revanche, ledit moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

31      En ce qui concerne, tout d’abord, la première branche de ce moyen afférente à une prétendue insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué, il convient de relever, en premier lieu, que, après avoir fait valoir, en substance, qu’elle avait soutenu devant le Tribunal que la seule présence d’opérateurs concurrents sur le marché concerné suffisait à établir l’absence de défaillance dudit marché, la requérante conclut son argumentation à cet égard en affirmant, au point 16 de sa requête en pourvoi, qu’il s’en déduit qu’elle aurait, de la sorte, exposé de manière claire, précise et sans équivoque devant le Tribunal qu’il n’y aurait pas de défaillance du marché à raison de la présence d’opérateurs concurrents «offrant des services analogues». Or, il convient de relever d’emblée, à cet égard, que la seule présence d’opérateurs sur le marché concerné n’implique pas ipso facto qu’ils offrent des services analogues à ceux en l’occurrence envisagés par le projet TDH 92.

32      En second lieu, ainsi que l’a notamment fait valoir la Commission, il ressort de l’arrêt attaqué, et en particulier des points 154, 155 et 157 à 171 de celui-ci, que, aux fins de statuer sur le moyen d’Orange tiré d’une absence de défaillance du marché, le Tribunal a notamment longuement examiné la question de la présence éventuelle sur ce marché d’opérateurs offrant déjà ou s’apprêtant à offrir moyennant des déploiements futurs annoncés des services analogues à ceux envisagés par le projet THD 92, en indiquant les raisons pour lesquelles il concluait que la Commission était fondée à considérer que tel n’était pas le cas en l’occurrence. Ce faisant, le Tribunal a exposé clairement les raisons l’ayant amené à juger à cet égard, au point 178 de ce même arrêt, qu’Orange n’avait pas établi que la Commission avait approuvé à tort l’existence d’une telle défaillance.

33      Par ailleurs, il se déduit clairement de ces considérations du Tribunal que ladite juridiction a décidé, de manière implicite mais certaine et pour des raisons évidentes, que la seule présence sur le marché d’opérateurs concurrents ne suffit pas pour conclure à une absence de défaillance du marché. Or, ainsi que l’a itérativement jugé la Cour, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, la motivation pouvant donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, EU:C:2008:476, point 96 et jurisprudence citée).

34      S’agissant, ensuite, de la seconde branche du premier moyen, il y a lieu de constater que, sous couvert d’une prétendue contradiction dans les motifs de l’arrêt attaqué, la requérante réitère, en substance, le grief soulevé dans le cadre de la première branche de ce moyen, selon lequel le Tribunal n’aurait pas répondu à son argument relatif à la présence sur le marché d’opérateurs concurrents offrant des services analogues.

35      Or, il ressort de la réponse apportée à la première branche du premier moyen que le Tribunal a répondu à suffisance de droit à cette argumentation développée par Orange, de telle sorte que la seconde branche du moyen doit être rejetée pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit au rejet de cette première branche.

36      Enfin, il convient de rappeler que le fait que le Tribunal parvienne, sur le fond, à une conclusion différente de celle des requérantes ne saurait en soi entacher l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation (voir, notamment, arrêt Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 35 et jurisprudence citée).

37      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit quant au moment où l’existence d’une défaillance du marché doit être appréciée

38      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 163 de l’arrêt attaqué, que l’existence éventuelle d’une défaillance du marché doit être appréciée au moment où le service destiné à pallier celle-ci est institué. Selon la requérante, une telle appréciation doit intervenir au moment où la mesure palliative elle-même est effectivement adoptée.

39      Or, du fait de cette erreur de droit, le Tribunal aurait jugé à tort, au point 164 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait valablement pu se fonder sur des données datant des années 2004 et 2005 et ayant servi lors de l’institution du projet en cause par le département des Hauts-de-Seine plutôt que d’examiner la situation telle qu’elle se présentait au moment de la conclusion de la concession octroyée par ce dernier à Sequalum en date du 13 mars 2008.

40      À cet égard, il importe toutefois de constater d’emblée que, après avoir ainsi affirmé, au point 164 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être reproché à la Commission de s’être fondée sur des données des années 2004 et 2005, le Tribunal a poursuivi son examen en ce qui concerne les données prises en compte par la Commission dans la décision litigieuse.

41      En effet, ainsi que l’ont souligné tant la Commission que le gouvernement français et Sequalum, le Tribunal a, aux points 154, 155 ainsi que 165 et suivants de l’arrêt attaqué, relevé que la Commission avait également pris en compte, dans la décision litigieuse, l’ensemble des arguments et des données actualisées lui ayant été communiqués par les concurrents intéressés relativement à leurs déploiements actuels et futurs ainsi que les données actualisées ressortant d’un avis rendu le 25 février 2009 par l’ARCEP à la demande de la Commission.

42      S’agissant plus précisément de la situation d’Orange, le Tribunal a ainsi relevé, au point 166 de l’arrêt attaqué, qu’il avait notamment été tenu compte, dans la décision litigieuse, du courrier adressé par celle-ci à la Commission le 6 février 2009 et faisant état, en réponse à une demande en ce sens de ladite institution, tant du déploiement d’Orange au 31 décembre 2008 que des prévisions actualisées de déploiement futur de celle-ci.

43      Or, ce n’est qu’au terme de cet examen global que le Tribunal a conclu, au point 178 de cet arrêt, qu’Orange n’avait pas établi que la Commission avait approuvé à tort l’existence d’une défaillance du marché alléguée par les autorités françaises.

44      Dans ces conditions, force est de constater que, à supposer même qu’il faille considérer, ainsi que le soutient la requérante, que la considération figurant au point 163 de l’arrêt attaqué selon laquelle la défaillance du marché doit s’apprécier au moment où est instituée la mesure en cause recèle une erreur de droit, une telle erreur demeurerait, en tout état de cause, sans conséquence sur la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal au point 178 de l’arrêt attaqué, puisque tant la Commission dans la décision litigieuse que le Tribunal dans ledit arrêt ont en réalité tenu compte de l’évolution ultérieure des données, et notamment des données actualisées communiquées à la Commission par Orange quant à ses déploiements actuel et futur.

45      Le deuxième moyen du pourvoi n’étant ainsi pas apte à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué que poursuit la requérante, il y a lieu, ainsi que l’a fait valoir à bon droit la Commission, de le rejeter d’emblée comme étant manifestement inopérant (voir notamment, en ce sens, arrêts EFMA/Conseil, C‑46/98 P, EU:C:2000:474, point 38, ainsi que Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, EU:C:2009:223, point 148).

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation du point 78 des lignes directrices de 2009

46      Le troisième moyen avancé par la requérante est tiré d’une erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal dans l’interprétation du paragraphe 78 des lignes directrices de 2009 prévoyant que toute aide d’État au déploiement d’un réseau à très haut débit dont l’octroi est envisagé dans une zone noire traditionnelle doit faire l’objet, de la part de la Commission, d’une analyse détaillée. Selon la requérante, cette disposition a pour conséquence, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, que la Commission était tenue d’ouvrir une procédure formelle d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. En effet, l’analyse détaillée prévue au paragraphe 78 des lignes directrices de 2009 irait nécessairement au-delà de l’examen sommaire pouvant être effectué par la Commission dans le cadre tracé par l’article 88, paragraphe 3, CE.

47      Selon la requérante, la circonstance, également relevée par le Tribunal, que ces lignes directrices ne sont entrées en vigueur que postérieurement à l’adoption de la décision litigieuse est dépourvue de pertinence à cet égard. D’une part, en effet, cette décision ferait, à son point 118, expressément référence auxdites lignes directrices. D’autre part, ces dernières ne feraient, en tout état de cause, que récapituler la pratique antérieure constante de la Commission.

48      À cet égard, force est toutefois de constater d’emblée que, ainsi que le rappelle la requérante elle-même, le Tribunal a expressément souligné, au point 96 de l’arrêt attaqué, que les lignes directrices de 2009 n’étaient pas encore entrées en vigueur lors de l’adoption de la décision litigieuse.

49      Or, comme l’a fait valoir à bon droit la Commission dans son mémoire en réponse, cette circonstance implique, à elle seule, que la légalité de cette décision ne saurait être appréciée à l’aune de ces lignes directrices ni annulée du chef d’une prétendue méconnaissance de celles-ci.

50      La seule circonstance que le point 118 de la décision litigieuse mentionne l’existence des lignes directrices de 2009 n’est, à l’évidence, pas de nature à remettre en cause cette conclusion. À cet égard, il convient d’ailleurs de relever que, au point 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, aux termes d’appréciations non critiquées par le pourvoi, expressément jugé que même si ces lignes directrices ont ainsi été mentionnées dans ladite décision, elles n’ont pas été appliquées dans le cadre de cette dernière et qu’une telle mention n’a notamment eu pour objet ni de les imposer à la Commission ni de les opposer à Orange.

51      Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle les lignes directrices de 2009 ne font que refléter une pratique antérieure de la Commission, pratique qui serait dès lors applicable en l’espèce, ce que conteste notamment le département des Hauts-de-Seine, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, aux termes d’une appréciation qui n’est pas davantage remise en cause par la requérante dans son pourvoi, le Tribunal s’est borné à affirmer, au point 108 de l’arrêt attaqué, que lesdites lignes directrices codifient la pratique de la Commission relative à l’application des critères de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (EU:C:2003:415) en ce qui concerne le secteur des communications électroniques à haut débit, tandis que s’agissant du secteur des communications électroniques à haut débit en cause en l’espèce, ladite juridiction a simplement considéré qu’elles fournissaient des indications utiles sur l’application desdits critères dans ce dernier secteur.

52      Ensuite, et à supposer même que la pratique alléguée par la requérante soit avérée, force est de constater qu’une telle circonstance ne serait pas de nature à permettre au troisième moyen du pourvoi, en l’occurrence formellement tiré d’une méconnaissance des lignes directrices de 2009, de prospérer.

53      Enfin, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour et ainsi que l’a notamment fait valoir la Commission dans son mémoire en réponse, c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une certaine mesure et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission (arrêt Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C-106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 136 et jurisprudence citée). Or, de la même manière, l’appréciation de l’existence de difficultés sérieuses quant à une telle qualification qui soient propres à justifier l’ouverture, par la Commission, d’une procédure formelle d’examen ne saurait être fonction d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure.

54      Eu égard aux considérations qui précèdent et dès lors que le troisième moyen du pourvoi qui fait grief au Tribunal d’avoir, dans l’arrêt attaqué, retenu une interprétation erronée du point 78 des lignes directrices de 2009 ne saurait, en tout état de cause, conduire à invalider le dispositif de l’arrêt attaqué, il convient, tout en renvoyant à cet égard à la jurisprudence rappelée au point 45 de la présente ordonnance, de le rejeter d’emblée comme étant manifestement inopérant, sans même qu’il y ait lieu pour la Cour d’examiner la portée dudit point 78.

 Sur le quatrième moyen, tiré de ce qu’un constat erroné effectué par le Tribunal a conduit celui-ci à en déduire des conséquences juridiques elles-mêmes erronées

55      Par son quatrième moyen, la requérante soutient que, dans le cadre du traitement de la quatrième branche de son second moyen invoqué en première instance, tiré de l’existence d’une surcompensation des coûts occasionnés par les obligations de service public prévues par le projet THD 92, le Tribunal a, au point 210 de l’arrêt attaqué, erronément considéré que les zones dont le taux de retour interne se situe entre 9 % et 10, 63 % ne font pas l’objet d’une compensation dans le cadre dudit projet. Il s’ensuivrait que les conséquences juridiques qu’a tiré le Tribunal de ce constat, à savoir la conformité du projet THD 92 au critère de l’absence de surcompensation découlant de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (EU:C:2003:415), seraient elles-mêmes erronées.

56      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu des articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi contre les décisions du Tribunal est limité aux questions de droit. Au regard de ces dispositions, il est de jurisprudence constante de la Cour que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, ordonnance Albergo Quattro Fontane e.a./Commission, C‑227/13 P à C‑239/13 P, EU:C:2014:2177, point 83 et jurisprudence citée).

57      Or, en l’occurrence, force est de constater que, ainsi que l’ont fait valoir la Commission et le gouvernement français, l’appréciation ainsi effectuée par le Tribunal au point 210 de l’arrêt attaqué et contestée par la requérante est de nature purement factuelle et que cette dernière n’allègue pas que ladite juridiction aurait, en procédant à cette appréciation, dénaturé les faits sur lesquels porte celle-ci

58      Il ressort, certes, également de la jurisprudence constante de la Cour, ainsi que le rappelle la requérante, que, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié des faits, la Cour est, pour sa part, compétente pour exercer un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et sur les conséquences juridiques qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêt BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, EU:C:2004:2, point 47 et jurisprudence citée).

59      En l’occurrence, il y a toutefois lieu de relever, d’une part, que la requérante n’allègue aucunement que, après avoir procédé au constat litigieux, le Tribunal aurait, ensuite, procédé à une qualification juridique erronée des faits ainsi établis.

60      D’autre part, en soutenant que lorsque le Tribunal a effectué un constat de nature factuelle erroné de telle sorte que les conséquences juridiques qu’il en a tiré sont elles-mêmes erronées, il relèverait de la compétence de la Cour de procéder à un réexamen des faits concernés, la requérante se méprend manifestement sur la portée de la jurisprudence rappelée au point 58 de la présente ordonnance.

61      En effet, par son quatrième moyen, la requérante n’invoque, en l’occurrence, aucun argument tendant à démontrer que, après avoir opéré une constatation factuelle, le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans la suite de son raisonnement. En réalité, elle se borne à solliciter de la Cour qu’elle réexamine les faits, substitue sa propre appréciation de ceux-ci à celle retenue par le Tribunal et tire de ces faits ainsi autrement appréciés des conséquences juridiques différentes.

62      Or, ainsi que l’a notamment relevé la Commission à cet égard, il est évident que tout fait pertinent dans le cadre d’une affaire est, par hypothèse même, de nature à conduire à des conséquences juridiques. Dans ces conditions, adhérer à la thèse ainsi défendue par la requérante reviendrait à vider de sa substance la règle, rappelée au point 56 de la présente ordonnance, selon laquelle les pourvois sont limités aux questions de droit.

63      Il découle des considérations qui précèdent que le quatrième moyen doit, à la lumière de la jurisprudence rappelée audit point 56, être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

64      Les quatre moyens invoqués par la requérante au soutien de son pourvoi ayant ainsi été écartés, il y a lieu de rejeter celui-ci comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

65      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

66      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67      S’agissant des parties intervenantes en première instance, l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit, notamment, que lorsqu’une telle partie n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, mais qu’elle participe à la phase écrite ou orale devant la Cour, cette dernière peut décider que ladite partie supporte ses propres dépens. En l’occurrence, la Cour considère toutefois qu’il n’y a pas lieu de prendre une telle décision en ce qui concerne les dépens encourus par la République française, le département des Hauts-de-Seine et Sequalum.

68      La Commission, la République française, le département des Hauts-de-Seine et Sequalum ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu, eu égard à ce qui précède, de condamner cette dernière à supporter l’ensemble desdits dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Orange SA est condamnée à supporter les dépens de la Commission européenne, de la République française, du département des Hauts-de-Seine et de Sequalum SAS.

Signatures


* Langue de procédure: le français.