Language of document : ECLI:EU:C:2020:784

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

1er octobre 2020 (*) 

« Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne – Mesures dirigées contre certaines personnes et entités exerçant leurs activités en Syrie – Liste des personnes et des entités auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Inclusion du nom de la requérante – Recours en annulation »

Dans l’affaire C‑350/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 avril 2019,

Souruh SA, établie à Damas (Syrie), représentée par Me E. Ruchat, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. V. Piessevaux et Mme S. Kyriakopoulou, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. J. Malenovský et F. Biltgen (rapporteur), juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Souruh SA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 février 2019, Souruh/Conseil (T‑440/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:115), par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2016/850 du Conseil, du 27 mai 2016, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2016, L 141, p. 125), des actes d’exécution subséquents de celle-ci, de la décision (PESC) 2017/917 du Conseil, du 29 mai 2017, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2017, L 139, p. 62), ainsi que de la décision (PESC) 2018/778 du Conseil, du 28 mai 2018, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2018, L 131, p. 16), en tant que ces actes la concernent.

 Les antécédents du litige

2        Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 21 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés comme suit.

3        La requérante est une société de droit syrien.

4        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en divers endroits dans toute la Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11).

5        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes physiques ou morales et des entités qui leur sont liées sont mentionnés à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier cette annexe. Le nom de la requérante ne figure pas dans ladite annexe.

6        Toutefois, figurent à la ligne 8 du tableau de l’annexe de la décision 2011/273 le nom de M. Rami Makhlouf ainsi que diverses mentions, dont la date d’inscription de ce nom sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, en l’occurrence le 9 mai 2011, la date et le lieu de naissance ainsi que le numéro de passeport de celui-ci et les motifs suivants :

« Homme d’affaires syrien ; personne associée à Maher Al-Assad ; finance le régime permettant la répression contre les manifestants. »

7        Le 23 septembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/628/PESC modifiant la décision 2011/273 (JO 2011, L 247, p. 17). À la ligne 17 du tableau de l’annexe de la décision 2011/273, telle que modifiée par la décision 2011/628, relatif aux entités apparaissent le nom de la requérante ainsi que diverses mentions, dont la date d’inscription de ce nom sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, l’adresse, les numéros de téléphone, le numéro de fax, le courriel, le site Internet de la requérante et les motifs suivants :

« Investissements dans des projets liés à l’industrie militaire nationale, fabrication de pièces détachées et d’articles connexes destinés à l’armement ; société détenue à 100 % par Rami Makhlouf. »

8        La requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2011/628 et des actes subséquents de celle-ci, dont elle s’est désistée.

9        Le 31 mai 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14). Le nom de la requérante figure à la ligne 17 du tableau de l’annexe I de cette décision relatif aux entités, avec les motifs suivants :

« Investissements dans des projets liés à l’industrie militaire nationale, fabrication de pièces détachées et d’articles connexes destinés à l’armement ; la majorité des parts de la société est détenue par Rami Makhlouf. »

10      Par lettre du 14 avril 2014, à la suite de demandes faites le 20 mai et 8 août 2013 par la requérante, le Conseil a communiqué à celle-ci l’ensemble des documents sur la base desquels a été fondée la décision de maintenir l’inscription de son nom sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, portant les références 7987/14, CM 4460/2/11 REV 2, MD 204/11 RELEX, 14110/11 ADD 1 REV 1, MD 214/11 RELEX, CM 4545/11, CM 3055/13, MD 85/13 RELEX, CM 3064/13, 9781/13.

11      Par sa décision 2014/309/PESC, du 28 mai 2014, modifiant la décision 2013/255 (JO 2014, L 160, p. 37), le Conseil a notamment prorogé les mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2015.

12      La requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2014/309 et des actes subséquents de celle-ci, dont elle s’est désistée.

13      Par lettre du 22 juillet 2014, le Conseil a communiqué à la requérante son intention de maintenir son nom inscrit sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives et de modifier l’exposé des motifs fondant cette inscription, en lui fournissant le texte de ce nouvel exposé des motifs.

14      Par sa décision d’exécution 2014/730/PESC, du 20 octobre 2014, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2014, L 301, p. 36), le Conseil a modifié les motifs retenus à l’encontre de la requérante dans l’annexe I de la décision 2013/255, pour ne plus retenir que le motif suivant :

« La majorité des parts de la société est détenue, directement ou indirectement, par Rami Makhlouf. »

15      Par sa décision (PESC) 2015/837, du 28 mai 2015, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 132, p. 82), le Conseil a notamment prorogé les mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2016.

16      La requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2015/837 et des actes subséquents de celle-ci, dont elle s’est désistée.

17      Par la décision (PESC) 2015/1836 du Conseil, du 12 octobre 2015, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75, et rectificatif JO 2016, L 336, p. 42), la rédaction de l’article 28 de la décision 2013/255 a été modifiée. Cet article, tel que modifié par la décision 2015/1836, prévoit désormais le gel des fonds et des ressources économiques des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » ainsi que des « membres des familles Assad ou Makhlouf », sauf si des « informations suffisantes [indiquent que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime ».

18      Par lettre du 28 février 2016, la requérante a notamment demandé que son nom soit retiré de la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives.

19      Par sa décision 2016/850, le Conseil a prorogé les mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2017.

20      Par lettre du 1er juin 2016, le Conseil a notifié à la requérante une copie de la décision 2016/850.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

21      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2016, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2016/850 et des actes d’exécution subséquents de celle-ci, pour autant que ces actes la concernent.

22      Par décision du 14 septembre 2016, la procédure a été suspendue jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑410/16 concernant M. Makhlouf.

23      Les parties ont été invitées par le Tribunal à présenter leurs observations sur les conclusions à tirer de l’arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil (T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349), intervenu dans ladite affaire.

24      Par lettre du 30 mai 2017, le Conseil a notifié à la requérante une copie de la décision 2017/917 portant prorogation des mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2018. Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 8 août 2017, la requérante a demandé une adaptation de ses conclusions en vue de l’annulation de cette décision, dans la mesure où elle la concerne.

25      Les parties ont également été invitées par le Tribunal à présenter leurs observations sur les conclusions à tirer de l’arrêt du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil (C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441).

26      Par lettre du 30 mai 2018, le Conseil a notifié à la requérante une copie de la décision 2018/778 portant prorogation des mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2019. Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 8 août 2018, la requérante a demandé une nouvelle adaptation de ses conclusions en vue de l’annulation de cette décision, dans la mesure où elle la concerne.

27      À l’appui de son recours, la requérante a soulevé quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation et, le quatrième, d’une violation des droits fondamentaux.

28      S’agissant du premier moyen, après avoir rappelé, aux points 53 à 56 de l’arrêt attaqué, les critères applicables au respect des droits de la défense et au droit à une protection juridictionnelle effective, le Tribunal a analysé les différents arguments présentés à l’appui de ce moyen pour conclure, au point 67 dudit arrêt, qu’aucun de ces arguments ne permettait de démontrer une violation des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, de l’article 215 TFUE ou des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

29      Pour ce qui est du deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, le Tribunal a examiné les arguments de la requérante au regard de la jurisprudence constante rappelée aux points 73 à 77 de l’arrêt attaqué, pour conclure, au point 82 dudit arrêt, que la motivation des décisions dont elle demande l’annulation ne saurait être considérée comme étant imprécise.

30      S’agissant du troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal l’a rejeté après avoir procédé, aux points 86 à 101 de l’arrêt attaqué, au contrôle juridictionnel de la base factuelle sur laquelle reposait le motif de maintien du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, à savoir le fait que la majorité de parts de la requérante est détenue, directement ou indirectement, par M. Makhlouf.

31      Après avoir également écarté le quatrième moyen, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

 Les conclusions des parties devant la Cour

32      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision 2016/850 et les actes d’exécution subséquents de celle-ci, dans la mesure où ils la concernent, et

–        de condamner le Conseil aux dépens.

33      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

34      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit, d’une violation de l’article 41 de la Charte, d’une violation des droits de la défense et d’une dénaturation des faits, le deuxième, d’un défaut de motivation, d’une erreur de droit et d’un renversement de la charge de la preuve, et, le troisième, d’une erreur de droit, d’un renversement de la charge de la preuve et d’une violation de la foi due aux actes.

 Sur la recevabilité

35      À titre liminaire, le Conseil fait observer que, dans la mesure où le pourvoi reprend, en très large partie, le texte du pourvoi introduit par M. Makhlouf contre l’arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil (T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349), sans toutefois comporter les adaptations nécessaires pour la présente affaire, il en résulte des incohérences conduisant à son irrecevabilité.

36      Il convient de relever, à cet égard, que le pourvoi identifie clairement les points visés de l’arrêt attaqué et expose les motifs pour lesquels ceux-ci seraient erronés. Par conséquent, une telle fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité du pourvoi dans son intégralité ne saurait être admise.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

37      Par son premier moyen, qui est dirigé contre les points 57 à 59 de l’arrêt attaqué, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit et une violation de l’article 41 de la Charte en jugeant que le Conseil n’était pas tenu de lui fournir les nouveaux éléments retenus à charge contre elle afin de justifier le maintien de son nom sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives.

38      La requérante invoque la violation des droits de la défense commise par le Tribunal en ce que celui-ci n’a pas tenu compte du fait que, dans le cadre de l’adoption d’une décision maintenant le nom d’une personne ou d’une entité sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, le Conseil doit respecter le droit de cette personne ou de cette entité d’être préalablement entendue lorsqu’il retient, à son égard, de nouveaux éléments à charge.

39      En outre, le Tribunal aurait commis une dénaturation des faits en jugeant que la requérante a été entendue préalablement à l’adoption de la décision d’inscription du nom de celle-ci sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives.

40      En se fondant sur le point 10 des lignes directrices du Conseil du 8 décembre 2017 concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, qui sont quasi identiques aux lignes directrices du Conseil du 2 décembre 2005 concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, et duquel il ressort qu’une attention particulière doit être apportée au droit d’être entendu lorsqu’il est procédé au maintien du nom d’une personne ou d’une entité sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, la requérante estime que le Conseil doit fournir à cette personne ou à cette entité les éléments retenus à charge préalablement à l’adoption de la décision de maintien du nom de celle-ci sur cette liste.

41      Afin de donner un effet utile aux droits de la défense, le Conseil aurait donc dû fournir à la requérante les éléments de preuve fondant les motifs invoqués avant de donner à celle-ci la possibilité de formuler ses observations.

42      Le Conseil estime que le premier moyen n’est pas fondé dès lors qu’il repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

 Appréciation de la Cour

43      S’agissant du premier moyen, tiré de ce que le Tribunal aurait, aux points 57 à 59 de l’arrêt attaqué, violé l’article 41 de la Charte en jugeant que le Conseil n’était pas tenu de fournir à la requérante les éléments nouveaux retenus à charge afin de justifier le maintien du nom de celle-ci sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, il convient de constater que cette argumentation repose sur une lecture erronée desdits points.

44      En effet, au point 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé la jurisprudence constante en vertu de laquelle, dans le cadre de l’adoption d’une décision maintenant le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes et d’entités faisant l’objet de mesures restrictives, le Conseil doit respecter le droit de cette personne ou de cette entité d’être préalablement entendue lorsqu’il retient à son égard, dans une décision portant maintien de l’inscription de son nom sur cette liste, de nouveaux éléments, à savoir des éléments qui ne figuraient pas dans la décision initiale d’inscription de son nom sur ladite liste (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, points 62 et 63, ainsi que du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, point 33).

45      À cet égard, il convient de préciser que l’adoption d’une décision de maintien du nom d’une personne ou d’une entité sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives doit être distinguée du cas de prise de décision initiale d’inscription sur cette liste, pour laquelle le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à cette personne ou à cette entité les motifs sur lesquels cette institution entend fonder l’inscription de son nom sur ladite liste. En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit donc, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

46      En revanche, dans le cas d’une décision subséquente par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives est maintenu sur cette liste, cet effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité de la mesure, de sorte que l’adoption d’une telle décision doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

47      Conformément à la jurisprudence citée aux points 44 à 46 du présent arrêt, le Conseil n’est toutefois pas obligé d’entendre préalablement une personne ou une entité visée par des mesures restrictives lorsque, comme en l’espèce, le nom de la personne ou de l’entité concernée est maintenu sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives et que les éléments à charge retenus à l’encontre de celle-ci sont identiques à ceux déjà retenus contre elle dans le cadre de l’inscription de son nom sur cette liste par la décision initiale.

48      Ainsi, et contrairement à ce qui est avancé par la requérante, le Tribunal n’a pas jugé que le Conseil n’était pas tenu de fournir de nouveaux éléments à charge à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, mais a précisé, au point 58 de l’arrêt attaqué, que les décisions 2016/850, 2017/917 et 2018/778 ne contiennent aucun nouvel élément à charge à l’encontre de la requérante par rapport à ceux énoncés dans la décision 2013/255.

49      C’est donc à bon droit, et sans commettre une dénaturation des faits ni une violation de l’article 41 de la Charte, que le Tribunal a pu considérer, au point 59 de l’arrêt attaqué, qu’il était loisible au Conseil de seulement notifier a posteriori les décisions 2016/850, 2017/917 et 2018/778, sans entendre préalablement la requérante, ce que le Conseil a fait par sa lettre du 1er juin 2016 en ce qui concerne la décision 2016/850, par sa lettre du 30 mai 2017 en ce qui concerne la décision 2017/917 et par sa lettre du 30 mai 2018 en ce qui concerne la décision 2018/778.

50      En tout état de cause, il ressort de l’arrêt attaqué que la requérante avait déjà introduit trois recours tendant à l’annulation de décisions antérieures inscrivant son nom sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, de sorte qu’elle savait pertinemment qu’elle disposait du droit d’être entendue à l’occasion des réexamens périodiques des mesures restrictives adoptées.

51      S’agissant de l’argumentation tirée de la prétendue violation par le Tribunal du droit d’être entendu tel qu’il ressort du point 10 des lignes directrices du Conseil du 8 décembre 2017 concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, il importe de constater que ces dispositions ne sont pas applicables à la décision 2016/850, dès lors qu’elles sont postérieures à cette dernière. Pour le cas où la requérante entendait invoquer les lignes directrices du Conseil du 2 décembre 2005 concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, il y a lieu de relever que ces lignes directrices ne contiennent aucune autre règle par rapport aux obligations qui incombent au Conseil telles qu’elles ont été exposées aux points 45 à 47 du présent arrêt.

52      Le premier moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

53      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir, d’une part, que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation aux points 74 à 80 de l’arrêt attaqué, en n’exposant pas les raisons pour lesquelles les articles de presse apportés par le Conseil devaient être considérés comme des éléments factuels avérés. D’autre part, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant que la requérante n’a pas démontré qu’elle n’était pas, ou plus, liée au régime syrien, et en lui imposant ainsi injustement la charge de la preuve.

54      En outre, elle reproche au Tribunal de ne pas avoir pris position, dans l’arrêt attaqué, par rapport à l’argument avancé par M. Makhlouf dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil (T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349), selon lequel la presse manquait d’impartialité. En ignorant de manière délibérée cet argument, qui a décrédibilisé l’affirmation selon laquelle les articles de presse constituaient un faisceau de preuves établissant la réalité du soutien apporté par la requérante au régime syrien, le Tribunal aurait procédé à un renversement de la charge de la preuve.

55      La requérante souligne que, si le Tribunal a jugé qu’il est de notoriété publique que la famille Makhlouf est liée au régime syrien, il aurait dû également retenir comme étant de notoriété publique le fait que, à une époque où la vitesse de l’information prime son contenu, de nombreux articles de presse contiennent des faits tronqués, voire erronés. Par conséquent, le Tribunal n’aurait pas pu conclure au prétendu soutien de la requérante au régime syrien sur la seule base d’articles de presse déposés par le Conseil dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil (T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349), dont la véracité est contestée par la requérante dans la présente affaire.

56      Le Conseil estime que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable, la question de la preuve de l’absence de lien au régime syrien étant une question de pur fait qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, sinon comme étant non fondé, ce moyen reposant sur une lecture erronée des points 74 à 80 de l’arrêt attaqué.

 Appréciation de la Cour

57      S’agissant de l’obligation de motivation, le Tribunal a rappelé, aux points 72 à 77 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence pertinente en rapport avec l’obligation de motivation d’un acte faisant grief.

58      Il a indiqué, notamment, au point 73 de l’arrêt attaqué, que la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de cet acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle.

59      Il a ajouté, au point 74 de l’arrêt attaqué, que la motivation d’un acte du Conseil imposant des mesures restrictives doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure.

60      Il a également précisé, au point 75 de l’arrêt attaqué, que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications.

61      C’est au vu de ces considérations que le Tribunal a examiné les motifs retenus par le Conseil lors de l’inscription du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives.

62      Dans ce contexte, le Tribunal, après avoir relevé, au point 79 de l’arrêt attaqué, que le Conseil a fondé le maintien de l’inscription du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives sur le motif que la majorité de ses parts est détenue, directement ou indirectement, par M. Makhlouf, a jugé, aux points 80 et 81 dudit arrêt, que cette motivation, même brève, satisfait aux exigences de la jurisprudence, en ce qu’elle est susceptible, par la nature des motifs portant sur des faits clairs, de permettre à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles son nom a été maintenu sur cette liste.

63      La requérante se limite à reprocher au Tribunal de ne pas avoir pris position par rapport à un argument soulevé par M. Makhlouf, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil (T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349), relatif au fait que la presse manquait d’impartialité.

64      Or, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir pris position dans l’arrêt attaqué par rapport à un argument soulevé par une autre partie dans une affaire, certes connexe, mais différente de l’espèce et dont l’arrêt auquel elle a donné lieu a acquis force de chose jugée à la suite du rejet du pourvoi dirigé contre celui-ci par l’arrêt du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil (C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441).

65      En outre, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait manqué à son obligation de motivation en n’exposant pas les raisons pour lesquelles les articles de presse apportés par le Conseil devaient être considérés comme des éléments factuels avérés, alors que le contenu de ces articles a été critiqué par la requérante, il convient de relever que par cet argument elle cherche, en réalité, à obtenir une nouvelle appréciation des faits par la Cour.

66      Or, il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, dans le cadre du pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour. En revanche, le pouvoir de contrôle de la Cour sur les constatations de fait opérées par le Tribunal s’étend, notamment, à la question de savoir si les règles en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées (arrêt du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 57 et jurisprudence citée).

67      Dans la mesure où la requérante n’invoque, dans le cadre du deuxième moyen, aucune dénaturation des faits et des éléments de preuve par le Tribunal, ledit argument doit être écarté comme étant irrecevable.

68      Quant à l’argument relatif au prétendu renversement de la charge de la preuve, tiré de ce que le Tribunal aurait jugé que la requérante n’a pas démontré qu’elle n’était pas, ou plus, liée au régime syrien, il y a lieu de constater que les points 74 à 80 de l’arrêt attaqué, qui font l’objet des griefs présentés dans le cadre du deuxième moyen, ne contiennent aucune référence à des éléments de preuve et ne font aucune mention de la question de la charge de la preuve.

69      Cet argument, qui résulte vraisemblablement d’une référence erronée à des points critiqués dans le cadre du pourvoi introduit contre l’arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil (T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349), doit être écarté.

70      En tout état de cause, l’argument relatif au renversement de la charge de la preuve, qui a trait à l’appréciation opérée par le Tribunal, aux points 86 à 101 de l’arrêt attaqué, du bien-fondé de l’inscription du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, sera analysé dans le cadre du troisième moyen, ce moyen étant dirigé précisément contre les points 88 à 90 dudit arrêt et soulevant la question du renversement de la charge de la preuve.

71      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

72      Par son troisième moyen, dirigé contre les points 88 à 90 de l’arrêt attaqué, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ne sont pas contraires au droit de l’Union.

73      En jugeant que le Conseil pouvait établir une présomption uniquement fondée sur le lien familial, le Tribunal aurait créé une situation de probatio diabolica, imposant à la requérante d’apporter la preuve négative de l’absence de soutien au régime syrien et aboutissant de ce fait à un renversement de la charge de la preuve. Une telle présomption, qui se fonde principalement sur l’appartenance à une famille déterminée pour justifier l’inscription du nom d’une personne sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, serait contraire au principe de proportionnalité, de sorte que les articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, doivent être considérés comme étant non conformes au droit de l’Union.

74      Le Tribunal aurait encore violé la foi due aux actes en jugeant, au point 101 de l’arrêt attaqué, qu’il suffit qu’un seul des motifs retenus par le Conseil pour maintenir le nom d’une personne ou d’une entité sur ladite liste soit valable pour que ce maintien soit légalement justifié. Or, la requérante estime que le Tribunal a jugé, à tort, qu’elle n’a invoqué aucun principe qui s’opposerait à la création d’une présomption irréfragable.

75      Le Conseil estime que le troisième moyen doit être écarté comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

76      Il y a lieu de constater que, après avoir rappelé, au point 86 de l’arrêt attaqué, que le juge de l’Union doit s’assurer que toute décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne ou d’une entité déterminée sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives repose sur une base factuelle suffisamment solide, le Tribunal a retenu, au point 90 dudit arrêt, que, en l’espèce, l’inscription du nom de la requérante sur cette liste était fondée sur le motif unique selon lequel la majorité de ses parts est détenue, directement ou indirectement, par M. Makhlouf.

77      Au sujet de ce motif, le Tribunal a constaté, au point 92 de l’arrêt attaqué, que la requérante ne conteste pas de manière convaincante les liens économiques qui l’unissent à M. Makhlouf, lequel détient une participation majoritaire dans son capital. Il a ajouté, aux points 93 et 94 dudit arrêt, qu’il ressort des pièces du dossier que M. Makhlouf détient 30,81 % des parts de la requérante et que Ramak Group for Investment Company Limited, dont M. Makhlouf est l’unique propriétaire, détient également 30,81 % des parts de la requérante. Il a précisé, en outre, au point 95 du même arrêt, que ce dernier est le vice-président de la requérante et que l’un des membres du directoire de cette dernière est Ramak Group for Investment Company, représentée par M. Makhlouf, en tant que vice-président de celle-ci.

78      Aux points 96 à 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, en raison de l’inscription du nom de M. Makhlouf sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives et du renouvellement annuel de cette inscription, les fonds et les ressources économiques détenus par un membre de la famille Makhlouf ou sous le contrôle de celui-ci sont gelés, conformément aux termes de l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836.

79      En effet, la teneur des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836, laquelle a introduit, au paragraphe 2 de chacun de ces articles, sept catégories de personnes qui appartiennent à des groupes déterminés de personnes, parmi lesquelles figurent, notamment, au point a) de ce paragraphe, les « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », et, au point b) dudit paragraphe, les « membres des familles Assad ou Makhlouf » (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, point 64).

80      À cet égard, il a été jugé que les critères pour l’application des mesures restrictives à l’égard de ces sept catégories de personnes sont autonomes par rapport au critère initial prévu au paragraphe 1 de chacun des articles 27 et 28 de la décision 2013/255, de sorte que la seule circonstance d’appartenir à l’une desdites catégories de personnes suffit pour permettre de prendre les mesures restrictives prévues aux articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve du soutien que les personnes concernées apporteraient au régime syrien en place ou du bénéfice qu’elles en tireraient (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, points 66 et 71).

81      Par ailleurs, il ressort plus particulièrement de l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, que sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes relevant de l’une des sept catégories de personnes en cause, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent.

82      Il en découle que tous les fonds et ressources économiques qui sont en possession d’un membre de la famille Makhlouf, ou détenus ou contrôlés par celui-ci, sont susceptibles de faire l’objet d’une mesure de gel, conformément à l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836.

83      C’est donc à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 100 de l’arrêt attaqué, que la non-inscription du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives entraînerait un risque réel de contournement des mesures prises à l’encontre de M. Makhlouf.

84      S’agissant de l’argumentation tirée de la non-conformité au principe de proportionnalité des mesures restrictives instaurées sur le fondement du lien familial constaté avec les familles Assad et Makhlouf, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas allégué devant le Tribunal que les dispositions de l’article 27, paragraphe 2, et de l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, étaient contraires au droit de l’Union.

85      Or, il convient de rappeler que, conformément à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut pas modifier l’objet du litige devant le Tribunal (arrêt du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 73).

86      Selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 74 et jurisprudence citée).

87      Dans ces conditions, l’argumentation selon laquelle les dispositions de l’article 27, paragraphe 2, et de l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, sont contraires au droit de l’Union doit être rejetée comme étant irrecevable, dès lors qu’elle tend à modifier l’objet du litige devant le Tribunal.

88      Au demeurant, l’argumentation par laquelle la requérante fait valoir, de manière tout à fait générale, que l’instauration d’un critère objectif à l’instar de celui introduit par le paragraphe 2 de chacun des articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, irait à l’encontre du principe de proportionnalité ne répond pas aux exigences de la jurisprudence constante, en vertu de laquelle un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 75 et jurisprudence citée).

89      En tout état de cause, le Tribunal a pris position dans le cadre du quatrième moyen par rapport à l’argument relatif au principe de proportionnalité, en jugeant, au point 111 de l’arrêt attaqué, que, en l’occurrence, l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la requérante revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. Il a précisé, à ce point, que le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union européenne concernant des personnes identifiées comme soutenant le régime syrien ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats. Il a ajouté, au point 112 dudit arrêt, que des mesures de remplacement et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir la lutte contre le financement du régime syrien, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées.

90      Il en découle que l’argumentation tenant à la non-proportionnalité des mesures restrictives prises contre la requérante doit être écartée comme étant non fondée, le contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures étant caractérisé non seulement par l’urgence d’adopter des mesures permettant d’exercer une pression sur le régime syrien afin qu’il cesse la répression violente dirigée contre la population, mais également par la difficulté d’obtenir des éléments de preuve précis dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire.

91      S’agissant de l’argumentation tenant au renversement de la charge de la preuve, il importe de rappeler que le Tribunal a précisé, au point 87 de l’arrêt attaqué, qu’il incombe à l’autorité compétente de l’Union, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé de ces motifs. Contrairement à ce qui est allégué par la requérante, le Tribunal n’a donc pas imposé à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de soutien au régime syrien.

92      Par ailleurs, il ressort clairement des points 90 à 101 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a analysé tous les éléments du dossier avant d’arriver à la conclusion que la requérante doit être considérée comme une entité sous le contrôle d’un membre de la famille Makhlouf.

93      À aucun moment, le Tribunal n’a estimé qu’il incombait à la requérante de démontrer qu’il n’existait pas, à son égard, de raisons justifiant l’inscription de son nom sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, en renversant ainsi la charge de la preuve.

94      Par ailleurs, en ce qui concerne l’argumentation relative à la violation de la foi due aux actes, dirigée contre le point 101 de l’arrêt attaqué, il convient de la rejeter comme étant irrecevable, dès lors que la requérante ne développe pas en quoi le développement effectué par le Tribunal à ce point constituerait une violation de la foi due aux actes et ne mentionne pas non plus les actes auxquels il y aurait eu lieu de se fier.

95      Étant donné que le point 101 de l’arrêt attaqué se limite à constater que le motif de maintien du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives n’est entaché d’aucune erreur d’appréciation, l’argument tiré de la violation de la foi due aux actes doit être écarté comme résultant vraisemblablement d’une référence erronée à des points critiqués dans le cadre du pourvoi introduit contre l’arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil (T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349).

96      Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être écarté comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondé.

97      Par conséquent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

98      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Souruh SA est condamnée aux dépens.

Rossi

Malenovský

Biltgen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er octobre 2020.

Le greffier

Le président de la VIIIème chambre

A. Calot Escobar

 

L.S. Rossi


*      Langue de procédure : le français.