Language of document : ECLI:EU:C:2017:1020

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 20 décembre 2017 (1)

Affaire C525/16

MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia SA

contre

Autoridade da Concorrência

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão (tribunal de la concurrence, de la régulation et de la supervision, Portugal)]

« Renvoi préjudiciel – Position dominante – Concurrence – Abus de position dominante – Article 102, second alinéa, sous c), TFUE – Notion de “désavantage dans la concurrence” – Prix discriminatoires sur le marché en aval – Gestion des droits connexes aux droits d’auteur – Télévision payante »






1.        Les autorités en charge de la concurrence peuvent-elles appréhender, sous l’angle de l’article 102 TFUE, l’application par une entité donnée de prix différenciés et, dans l’affirmative, à quelles conditions ? La constatation dans un tel contexte d’un abus de position dominante au sens de cet article comporte-t-elle un seuil de minimis ?

2.        Telles sont, pour l’essentiel, les questions posées par la présente demande de décision préjudicielle, qui porte plus précisément sur l’interprétation de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, aux termes duquel peuvent notamment constituer des pratiques abusives d’une position dominante le fait d’« appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ».

3.        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige, opposant MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia SA (ci-après « MEO ») à l’Autoridade da Concorrência (Autorité de la concurrence, Portugal) (ci-après l’« AdC »), relatif à une décision de classement sans suite prise par cette dernière en réponse à une plainte de MEO contre GDA – Cooperativa de Gestão dos Direitos dos Artistas Intérpretes Ou Executantes (Coopérative de gestion des droits des artistes interprètes ou exécutants, Portugal) (ci-après « GDA ») en raison d’un abus allégué de position dominante dans le domaine des droits connexes au droit d’auteur des artistes interprètes ou exécutants.

4.        À mon sens, l’affaire offre l’occasion de préciser que, indépendamment de l’existence d’une pratique de différenciation des prix, qui, prise isolément, n’est pas problématique du point de vue de la concurrence, c’est bien le fait qu’un tel comportement fausse la concurrence ou affecte la position concurrentielle des partenaires commerciaux qui est constitutif d’un abus de position dominante. Il ne peut donc être présumé que des pratiques de différenciation de prix produisent un « désavantage concurrentiel » sans un examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, en particulier lorsqu’est en cause une discrimination dite de « seconde ligne ».

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

5.        L’article 3, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement (CE) n° 1/2003 (2) dispose que, « [l]orsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à une pratique abusive interdite par l’article [102 TFUE], elles appliquent également l’article [102 TFUE] ».

 Le droit portugais

6.        L’article 11, paragraphes 1 et 2, sous c), du Novo Regime Juridíco da Concorrência (nouveau régime de la concurrence) (3) a la même teneur que l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE.

 Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

7.        GDA est une société coopérative de gestion collective de droits des artistes et interprètes, à but non lucratif, qui gère les droits connexes aux droits d’auteur de ses membres et de ceux de sociétés analogues étrangères avec lesquelles elle a conclu un contrat de représentation et/ou de réciprocité.

8.        Dans ce contexte, GDA a comme activité principale la perception de redevances provenant de l’exercice des droits connexes et de la distribution de ces montants aux titulaires. Bien qu’elle ne dispose pas d’un monopole légal, elle est désormais le seul organisme chargé de la gestion collective des droits connexes des artistes active au Portugal.

9.        Parmi les entreprises qui utilisent le répertoire des membres de GDA, voire des membres des organismes analogues étrangers avec lesquels GDA a conclu des contrats de représentation ou de réciprocité, figurent les fournisseurs d’offres au consommateur du service de transmission du signal de télévision et de son contenu contre paiement d’un montant déterminé.

10.      La requérante au principal, MEO, est l’un de ces fournisseurs, client de GDA.

11.      Entre l’année 2008 et l’année 2014, GDA a appliqué trois tarifs différents auxdits fournisseurs dans le cadre de l’offre en gros. Entre l’année 2010 et l’année 2013, GDA a appliqué ces tarifs simultanément.

12.      Il ressort du dossier soumis à la Cour que le tarif appliqué à MEO a été le résultat d’une décision, en date du 10 avril 2012, prise, en conformité avec le droit applicable, par un tribunal arbitral (4).

13.      Le 24 juin et le 22 octobre 2014, PT Comunicações SA, prédécesseur en droit de MEO, a déposé devant l’AdC une plainte contre GDA en raison d’un éventuel abus de position dominante. MEO faisait valoir que cet abus résultait du fait que GDA pratiquait des prix excessifs en ce qui concerne l’application des droits connexes des artistes interprètes et exécutants, et que, en outre, cette dernière appliquait des conditions inégales entre elle et un autre client, NOS Comunicações SA (ci-après « NOS »).

14.      Le 19 mars 2015, l’AdC a ouvert une enquête, qui a abouti au classement de l’affaire par décision du 3 mars 2016, au motif que les faits relatifs à l’objet de la procédure ne contenaient pas d’indices suffisamment probants d’un abus de position dominante.

15.      L’AdC a notamment indiqué que, à supposer même que GDA détenait effectivement une position dominante sur le marché en cause et que le comportement litigieux était considéré comme un traitement inégal pour des prestations équivalentes, la différenciation des tarifs appliqués aux différents fournisseurs de services au détail d’accès au service de télévision et des coûts moyens supportés par MEO et NOS dans le cadre de l’offre en gros en cause ne permet pas de conclure à l’existence d’un effet restrictif de concurrence résultant, en particulier, d’une fragilisation de la position concurrentielle de MEO.

16.      Selon l’AdC, il ne saurait être considéré qu’un fournisseur de services au détail d’accès au signal de télévision se soit vu infliger un désavantage compétitif par rapport aux autres. L’interprétation selon laquelle un simple comportement discriminatoire de la part d’une entreprise en position dominante entraînerait ipso facto une violation de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE irait notamment à l’encontre de la jurisprudence de la Cour.

17.      MEO a introduit un recours contre la décision de classement de l’AdC en faisant notamment valoir que cette dernière a interprété l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE d’une manière erronée, puisque, au lieu d’apprécier le critère du désavantage dans la concurrence, tel qu’interprété dans la jurisprudence de la Cour, elle a examiné s’il était question d’une distorsion significative et quantifiable de la concurrence.

18.      Selon la juridiction de renvoi, la décision de classement sans suite de l’AdC serait fondée sur le fait que la différence de tarif par rapport au coût moyen était faible, de telle sorte que ces tarifs n’étaient pas de nature à compromettre la position concurrentielle de MEO et que celle-ci était capable d’assimiler la différence. MEO aurait d’ailleurs vu augmenter sa part de marché concernant l’offre au détail de l’accès au signal de télévision par abonnement pendant cette même période (5).

19.      La juridiction de renvoi fait observer que, dans le cadre de la procédure au principal, MEO a fourni des chiffres relatifs aux coûts supportés respectivement par MEO et par NOS. Ces tableaux portent, d’une part, sur le coût total ainsi que sur le coût moyen par consommateur supporté, respectivement, par MEO et par NOS, et, d’autre part, sur le profit et la rentabilité de MEO durant la période concernée, à savoir de l’année 2010 à l’année 2013 (6).

20.      Selon la juridiction de renvoi, il n’est pas exclu que la capacité concurrentielle de MEO ait été affectée en raison de cette différenciation des prix. Il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que certains comportements discriminatoires envers les partenaires commerciaux peuvent intrinsèquement entraîner un désavantage concurrentiel. La juridiction de renvoi estime néanmoins que la Cour ne s’est pas fermement prononcée sur la notion de « désavantage dans la concurrence » aux fins de l’application de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE.

21.      C’est dans ce contexte que le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão (tribunal de la concurrence, de la régulation et de la supervision, Portugal) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Dans le cadre d’une procédure de sanction, dans l’hypothèse où il y aurait des preuves ou des indices qu’une entreprise en position dominante pratique des tarifs discriminatoires à l’égard d’une des entreprises de vente au détail, ce qui aurait pour effet de défavoriser cette dernière par rapport à ses concurrents, pour qualifier ce comportement comme infligeant un désavantage dans la concurrence, au sens de l’article 102, [second alinéa,] sous c), TFUE, convient-il également d’apprécier la gravité, la pertinence ou l’importance de cet effet sur la position concurrentielle et/ou sur la capacité concurrentielle de l’entreprise affectée, en particulier quant à sa capacité à assimiler la différence entre les coûts supportés s’agissant de l’offre de gros ?

2)      Dans le cadre d’une procédure de sanction, dans l’hypothèse où il y aurait des preuves ou des indices que le fait qu’une entreprise en position dominante pratique des tarifs discriminatoires a très peu d’influence sur les coûts, les profits et la rentabilité de l’entreprise de vente au détail concernée, selon l’interprétation correcte de l’article 102, [second alinéa,] sous c), TFUE et de la jurisprudence des arrêts [du 15 mars 2007, British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, points 146 à 148, et du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission (T‑301/04, EU:T:2009:317)], convient-il de considérer qu’il n’y a pas d’indices d’abus de position dominante et de pratiques interdites ?

3)      Ou alors, est-ce que cette seule circonstance ne permet pas d’écarter la qualification du comportement comme abus de position dominante et pratique interdite, au sens de l’article 102, [second alinéa,] sous c), TFUE, et n’est-elle pertinente qu’aux fins d’établir la portée de la responsabilité ou de la sanction de l’entreprise en infraction ?

4)      Le passage de l’article 102, [second alinéa,] sous c), TFUE au regard duquel cette circonstance inflige un désavantage dans la concurrence doit-il être interprété en ce sens que l’avantage résultant de la discrimination doit lui-même correspondre à un pourcentage minimal de la structure des coûts de l’entreprise concernée ?

5)      Le passage de l’article 102, [second alinéa,] sous c), TFUE au regard duquel cette circonstance inflige un désavantage dans la concurrence doit-il être interprété en ce sens que l’avantage résultant de la discrimination doit lui-même correspondre à un montant minimal de la différence entre les coûts moyens supportés par les entreprises concurrentes pour l’offre de gros en cause ?

6)      Le passage de l’article 102, [second alinéa,] sous c), TFUE au regard duquel ce fait inflige un désavantage dans la concurrence peut-il être interprété en ce sens que l’avantage résultant de la discrimination doit lui-même être, dans le cadre du marché et du service en cause, supérieur aux différences visées aux tableaux 5, 6, 7 susmentionnés et aux fins de qualifier le comportement de pratique interdite ?

7)      En cas de réponse affirmative à l’une des quatrième à sixième questions, comment déterminer ce seuil de pertinence du désavantage par rapport à la structure des coûts ou des coûts moyens supportés par les entreprises concurrentes sur le marché de détail en cause ?

8)      Ce seuil étant déterminé, le fait qu’il ne soit pas atteint tous les ans permet-il d’écarter la présomption de l’arrêt [du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission (T‑301/04, EU:T:2009:317),] selon lequel il y a lieu de considérer que l’application à l’égard d’un partenaire commercial des prix différents pour des services équivalents, et ce de manière ininterrompue pendant cinq ans et par une entreprise détenant un monopole de fait sur le marché situé en amont, n’a pu manquer de produire un désavantage concurrentiel pour ce même partenaire ? »

22.      MEO, GDA, les gouvernements portugais et espagnol ainsi que la Commission européenne ont soumis des observations écrites.

23.      Une audience s’est tenue le 5 octobre 2017, à laquelle ont participé MEO, GDA, le Royaume d’Espagne ainsi que la Commission.

 Résumé des observations soumises à la Cour

24.      De manière générale, les parties intéressées ont estimé qu’il convenait de traiter les questions préjudicielles ensemble. Ces parties se sont focalisées sur la question de savoir si, pour constater l’existence d’un « désavantage dans la concurrence », au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, il peut être présumé qu’une différenciation de prix est susceptible de fausser la concurrence ou, en revanche, s’il appartient à l’autorité de la concurrence de démontrer que la capacité concurrentielle de l’entreprise défavorisée a été réduite à la suite du comportement incriminé. Dans le cadre de cette analyse, sont discutés, d’une part, les éléments dont il faut tenir compte et, d’autre part, la nécessité que l’effet (potentiel ou réel, selon les points de vue respectifs des parties) sur la concurrence soit significatif.

25.      Pour ce qui concerne la notion de « désavantage dans la concurrence », les parties intéressées s’accordent sur le fait que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’existence d’une éventuelle affectation de la concurrence doit, de manière générale, être appréciée au cas par cas et qu’il n’y a pas de seuil ou de norme fixe afin d’établir une telle affectation.

26.      Néanmoins, les points de vue divergent sur le point de savoir si, et dans quelle mesure, un effet anticoncurrentiel concret doit être démontré ou si, en revanche, l’existence d’un tel désavantage doit être probable dans le cas où une entreprise en position dominante applique des tarifs différenciés à ses partenaires commerciaux sur le marché en aval.

27.      D’un côté, GDA et le gouvernement portugais considèrent qu’il y a lieu de tenir compte de l’effet concret des prix différenciés sur la capacité concurrentielle de MEO.

28.      Il résulterait tant de l’approche prônée par la Commission, telle qu’exprimée dans plusieurs rapports et communications de celle-ci à partir de l’année 2003, que de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal de l’Union européenne qu’il convient de tenir compte des effets anticoncurrentiels sur le marché de comportements prétendument abusifs. Pour qu’une pratique tarifaire soit qualifiée d’abusive, il est nécessaire qu’il y ait, effectivement, une distorsion de concurrence entre les prestataires de services en cause et que, du fait de cette distorsion, certains prestataires subissent un désavantage concurrentiel. Ainsi, une « simple » pratique de prix discriminatoires ne suffirait pas en soi pour constituer un abus au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE.

29.      De l’autre côté, le gouvernement espagnol (7) et MEO penchent pour une interprétation de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE selon laquelle, à quelques nuances près, le fait qu’une société de gestion dans une situation de monopole, telle que GDA, favorise, en appliquant des conditions plus avantageuses, un utilisateur par rapport à ses concurrents sur le même marché situé en aval risque de créer un désavantage ou une distorsion de la concurrence.

30.      En ce qui concerne les éléments à prendre en compte afin de déterminer si un comportement tel que celui de GDA dans l’affaire au principal est susceptible de produire un effet anticoncurrentiel, MEO fait valoir que GDA détient une position de monopole et que les fournisseurs de services de télévision sont contraints de passer par GDA afin d’obtenir des licences permettant la distribution d’œuvres protégées. De ce fait, la position de négociation de GDA est forte. Selon MEO, une entreprise en position de monopole de fait a une responsabilité particulière pour veiller à ce que des conditions égales soient appliquées à ses partenaires commerciaux. Cette responsabilité entraîne, selon MEO, l’obligation pour GDA de justifier son comportement, ce que GDA n’aurait pas fait. Enfin, il importe, selon MEO, de prendre en considération la durée de la discrimination.

31.      À cet égard, le gouvernement espagnol souligne que, dans des cas comme celui de l’espèce, le désavantage découlerait notamment du fait que les licences accordées par les sociétés de gestion constituent un élément essentiel pour la fourniture des services finaux par les utilisateurs en cause.

 Analyse

32.      Les questions préjudicielles, telles que formulées par la juridiction de renvoi, appellent, à mon sens, une réponse globale en ce qu’elles se rapportent principalement à la question de savoir si la notion de « désavantage dans la concurrence », visée à l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, implique un examen des effets d’un comportement et/ou de la gravité d’une application différenciée de prix sur la position concurrentielle de l’entreprise affectée.

33.      Avant d’aborder cette problématique, je souhaiterais, tout d’abord, faire part de certaines interrogations qui, bien qu’elles visent des aspects non précisément abordés par la juridiction de renvoi, portent sur l’applicabilité en l’espèce des dispositions de l’article 102 TFUE.

34.      Je procéderai, ensuite, à un exposé liminaire des considérations essentielles qui doivent, selon moi, guider l’analyse d’une pratique de différenciation des prix dont il est allégué qu’elle est constitutive d’un abus de position dominante. Dans ce contexte, j’indiquerai si et à quelles conditions une pratique de discrimination tarifaire de « seconde ligne » peut tomber sous le coup de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE. Je préciserai les raisons pour lesquelles il ne peut être présumé qu’une telle pratique constitue, de par sa nature, un abus de position ou qu’il convient, au contraire, de démontrer concrètement les effets concurrentiels d’un tel comportement.

35.      C’est à la lumière de l’ensemble de ces considérations que je me pencherai, enfin, sur le point de savoir dans quelle mesure l’application de conditions inégales à des prestations équivalentes par une entreprise dont il est allégué qu’elle détient une position dominante est de nature à générer un désavantage dans la concurrence.

 Observations générales sur l’applicabilité au cas d’espèce de l’article 102 TFUE

36.      Il convient de souligner que la présente affaire a trait à une constellation factuelle particulière, qui peut être décrite de la manière suivante.

37.      MEO, un fournisseur de services de télévision sur le marché portugais, a attaqué devant la juridiction de renvoi la décision de l’AdC portant classement de sa plainte sans suite. Cette plainte était dirigée contre le comportement prétendument abusif de GDA, société coopérative de gestion des droits voisins aux droits d’auteur, et qui aurait consisté en l’application, entre l’année 2010 et l’année 2013, de tarifs différenciés pour l’obtention de licences.

38.      De l’avis de MEO, NOS, entreprise en concurrence directe avec MEO, aurait bénéficié de tarifs plus avantageux pendant cette période. La plainte déposée par MEO auprès de l’AdC portait ainsi sur un prétendu abus de position dominante découlant des tarifs discriminatoires pratiqués par GDA sur le marché en aval lié aux services de commercialisation collective des droits connexes des artistes interprètes et exécutants.

39.      Cela étant et ainsi que la juridiction de renvoi l’a relevé, données chiffrées à l’appui, il apparaît que le désavantage prétendument subi par MEO s’agissant des montants payés pour l’utilisation des œuvres protégées par le droit d’auteur et les droits voisins n’a pas abouti à une diminution de sa part de marché. Bien au contraire, la part détenue par MEO aurait augmenté et serait passée, entre l’année 2010 et l’année 2013, d’environ 25 % à un niveau supérieur à 40 %. Quant à la part détenue par NOS, elle aurait, au cours de la même période, diminué, passant d’un niveau supérieur à 60 % à un niveau inférieur à 45 %.

40.      Il est également important de relever que cette fixation des prix a été faite, en conformité avec le droit national applicable, par une décision arbitrale dans la mesure où GDA n’était pas parvenue à trouver un accord avec MEO.

41.      En l’occurrence, la juridiction de renvoi semble être partie du postulat que se posait uniquement la question de savoir si, pour conclure à l’existence d’un abus de position dominante résultant de l’application de prix différents pour des services équivalents, il convenait de se prononcer concrètement sur les effets concurrentiels de la pratique litigieuse ou si, en revanche, il pouvait être présumé qu’une telle pratique est contraire à l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE.

42.      En ce sens, la juridiction de renvoi semble avoir considéré que les autres conditions d’application de l’article 102 TFUE étaient réunies. En particulier, elle tient pour acquis le fait que, premièrement, GDA est une entreprise en position dominante et que, deuxièmement, elle a appliqué à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales « à des prestations équivalentes ».

43.      Or, à la lecture du dossier soumis à la Cour, il me semble que tant l’existence en l’occurrence d’une position dominante de GDA sur le marché réellement pertinent que la réalité d’une imposition de prix inégaux à « prestations équivalentes » sont sujettes à caution.

44.      Les doutes nourris à cet égard pourraient rendre hypothétiques les questions préjudicielles posées, qui portent uniquement sur l’identification d’un « désavantage dans la concurrence », au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE.

45.      En premier lieu, je suis d’avis qu’il est permis de s’interroger sur le point de savoir si GDA est effectivement en position dominante sur le marché pertinent de l’offre en gros en cause en l’espèce.

46.      Sur ce point, il est fait observer que GDA a précisément contesté la prémisse selon laquelle elle détiendrait une position dominante sur le marché pertinent, bien qu’elle soit de facto la seule société au Portugal à gérer les droits voisins du droit d’auteur.

47.      À cet égard, GDA a fait valoir qu’elle n’est pas à même d’exercer une pression commerciale sur ses partenaires principaux, MEO et NOS. Tout d’abord, ces entreprises constitueraient un « duopole » puissant. Ensuite, la formation des tarifs serait conditionnée par la loi nationale, qui oblige les parties à recourir à l’arbitrage en l’absence d’un accord. Enfin, n’étant pas verticalement intégrée, GDA n’aurait aucun intérêt sur les marchés en amont ou en aval. Au contraire, l’éviction du marché de MEO ou un affaiblissement de sa position concurrentielle par rapport à NOS lui seraient désavantageux. Dans ces circonstances, il n’y aurait pas de position dominante et encore moins un abus de celle-ci.

48.      Je rappelle que GDA est une entité de gestion de droits collectifs des artistes à but non lucratif, dont l’objet est l’exercice et la gestion des droits connexes aux droits d’auteur des personnes qu’elle représente et des membres d’entités homologues étrangères. Parmi ses principaux clients figurent les prestataires de services au détail d’accès au signal de télévision par abonnement au Portugal, dont MEO et NOS qui constituaient ensemble, au cours de la période pertinente, un duopole.

49.      Dans ce contexte, il apparaît que GDA dépend en grande partie des rémunérations des services qu’elle fournit à ces deux entreprises.

50.      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du dossier et comme l’AdC l’a relevé dans sa décision, il existerait des indices selon lesquels les fournisseurs d’accès au signal de télévision par abonnement ont un certain pouvoir de négociation pouvant contrebalancer celui de GDA. Ces indices, qui, selon ma compréhension du dossier, n’ont pas été contestés par MEO (8), consistent notamment en des communications entre GDA et les fournisseurs d’offres au détail d’accès au signal de télévision par abonnement en vue de déterminer le tarif que GDA leur appliquerait à partir du 1er janvier 2014 dans le cadre de l’offre en gros en cause.

51.      Aussi, bien que GDA soit, pour l’heure, la seule société au Portugal gérant les droits collectifs des artistes interprètes ou exécutants, cette circonstance ne signifie pas qu’elle est effectivement en position dominante, puisque cette dernière ne dispose pas d’un pouvoir de marché lui permettant d’agir indépendamment de ses partenaires commerciaux.

52.      Or, il est bien acquis que l’article 102 TFUE vise à contrôler le pouvoir de marché détenu par une entreprise. Pour que la position d’une entreprise soit qualifiée de dominante, il ne suffit pas de se référer à la part détenue par celle-ci sur un marché bien défini, il faut se référer également au pouvoir économique détenu par celle-ci du fait de sa position.

53.      La position dominante est ainsi définie comme la situation de puissance économique qui offre à une ou à plusieurs entreprises la possibilité de comportements indépendants et dans une mesure appréciable à l’égard de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (9). Cette situation se produit généralement lorsqu’une entreprise ou un groupe d’entreprises assure une part importante de l’offre sur un marché déterminé, à condition que les autres facteurs analysés au cours de l’évaluation (tels que les barrières d’entrée, la capacité de réaction des clients, etc.) aillent dans le même sens (10).

54.      En outre, l’on peut se demander quel est l’intérêt du point de vue concurrentiel pour GDA d’imposer des prix discriminatoires en vue d’évincer ou d’affaiblir la position concurrentielle d’un de ses clients. Dès lors qu’elle n’a aucun intérêt propre à se défendre sur le marché en aval sur lequel étaient actifs MEO et NOS, son seul intérêt semble résider dans le fait de dynamiser ses recettes par la fixation de prix qui sont négociés individuellement et bilatéralement avec ces prestataires.

55.      Si une entité doit en l’occurrence tirer profit du point de vue concurrentiel d’une discrimination éventuelle opérée sur le marché en aval, c’est éventuellement l’opérateur qui a bénéficié de prix supposés inférieurs, en l’occurrence NOS. Je perçois, en revanche, difficilement en quoi une telle différenciation est à même de profiter directement ou indirectement à GDA. J’aborderai plus précisément ce dernier aspect dans les développements ultérieurs.

56.      En second lieu, je me demande, dans le prolongement des considérations précédentes, s’il est réellement question en l’espèce de la fourniture de « prestations équivalentes » à des « conditions inégales », au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE – et, partant, d’une « discrimination » plutôt que d’une « différenciation » objective – dans le cadre de la fourniture des droits connexes à MEO et à NOS.

57.      Ainsi que cela ressort de la jurisprudence, l’équivalence des transactions doit être déterminée en tenant compte de l’ensemble des conditions prévalant sur le marché (11). Ces conditions incluent notamment un aspect d’ordre temporel en ce que le prix fixé en vue de la prestation d’un certain service est susceptible de varier au cours du temps, eu égard aux conditions du marché et des critères utilisés pour sa formation. En d’autres termes, le fait que des prestations soient effectuées à des moments différents peut rendre les transactions non équivalentes (12).

58.      En outre, il ressort des éléments soumis à la Cour que la formation des prix et des autres conditions contractuelles relatives aux droits connexes que GDA commercialise est conditionnée par la loi qui oblige les parties, en l’absence d’accord, à recourir à l’arbitrage. Dans une telle hypothèse et comme cela a été le cas s’agissant des prix facturés à MEO, GDA se limite à appliquer les prix fixés par la décision arbitrale. Selon moi, les prix appliqués par GDA respectivement à MEO et à NOS ont donc été fixés dans des conditions a priori différentes.

59.      En définitive, il apparaît que l’affaire au principal se caractérise par un certain nombre d’incertitudes quant à l’applicabilité de l’article 102 TFUE, incertitudes qui dépassent la seule question de l’identification d’un « désavantage dans la concurrence ». Il apparaît notamment très délicat de sanctionner une entreprise pour avoir abusé de sa prétendue position dominante en raison d’une différenciation des prix appliqués à ses partenaires situés sur le marché en aval, alors même qu’elle n’opère pas sur ce marché et qu’elle profite directement de la concurrence opérant entre ces partenaires. Ces incertitudes justifient d’autant plus la prudence dans l’examen des pratiques litigieuses de différenciation de prix.

 Une pratique de différenciation de prix n’est constitutive d’un abus de position que si elle produit un désavantage concurrentiel, ce qui implique un examen concret des effets de la pratique à la lumière de l’ensemble des circonstances pertinentes

60.      Même à supposer, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, qu’il soit inféré des faits de l’espèce, d’une part, que GDA détient une position dominante sur le marché en gros en cause et, d’autre part, que le comportement litigieux doit être considéré comme un traitement inégal de prestations équivalentes, il semble impératif, pour l’autorité en charge de la concurrence, d’établir que certains partenaires commerciaux subissent du fait de cette distorsion un désavantage dans la concurrence. L’existence d’un tel désavantage ne peut en aucun cas être présumée, mais elle implique dans tous les cas, et notamment en présence d’une discrimination tarifaire de « seconde ligne », un examen des effets des pratiques litigieuses eu égard à l’ensemble des circonstances du cas d’espèce.

 Une pratique de discrimination tarifaire n’est pas en elle-même problématique du point de vue du droit de la concurrence

61.      De manière générale, il importe de rappeler que la discrimination, y compris la discrimination dans l’imposition de prix, n’est pas, en elle-même, problématique du point de vue du droit de la concurrence. La raison en est que la discrimination des prix n’est pas toujours nuisible à la concurrence. Bien au contraire, ainsi qu’en témoignent notamment les (vaines) tentatives officielles de revenir aux États-Unis sur la disposition visant à proscrire une telle discrimination contenue dans le Robinson-Patman Act de 1936 (13), interdire purement et simplement les discriminations tarifaires peut s’avérer néfaste du point de vue de l’efficience économique et du bien-être du consommateur.

62.      Il est en effet bien acquis qu’une pratique de discrimination, et notamment de différenciation des prix, produit des effets ambivalents du point de vue de la concurrence. Une telle pratique peut avoir pour conséquence de renforcer l’efficience économique et ainsi le bien-être des consommateurs, objectifs qui, à mon sens, ne doivent être perdus de vue lorsqu’il s’agit d’appliquer les règles de concurrence et qui se distinguent, en tout état de cause, de considérations liées à l’équité. Comme l’a itérativement jugé la Cour, les règles de concurrence visent à protéger la concurrence et non les concurrents (14).

63.      Que ce soit sous l’angle du droit des ententes ou sur celui des abus de position dominante, les discriminations tarifaires ne devraient pouvoir être sanctionnées qu’à condition qu’elles produisent un effet anticoncurrentiel actuel ou potentiel. L’identification d’un tel effet ne se confond pas avec le désavantage immédiat ressenti, voire subi, par les opérateurs qui se sont vu infliger les prix les plus hauts pour l’acquisition d’un bien ou d’un service. Aussi, le fait qu’une entreprise se soit vu imposer un prix pour l’acquisition d’un bien ou service supérieur à celui appliqué à une ou à plusieurs entreprises concurrentes peut être qualifié de désavantage, mais cela n’entraîne pas nécessairement un « désavantage concurrentiel ».

64.      Dès lors, à supposer même qu’une entreprise se soit vu imposer des tarifs supérieurs à ceux appliqués à d’autres entreprises et que, de ce fait, elle est (ou s’estime) discriminée, ce comportement ne peut être appréhendé par cette disposition que s’il est établi que celui-ci est de nature à restreindre la concurrence et à porter atteinte au bien-être des consommateurs.

65.      Dans le droit des abus de position dominante, une pratique de discrimination tarifaire permet notamment à une entreprise détenant une telle position d’offrir ses produits et ses services à un plus grand nombre de consommateurs, tels que ceux qui disposeraient d’un pouvoir d’achat moindre. Dans le même sens, le client d’une entreprise, même dominante, sera, en principe, incité à vendre davantage pour bénéficier d’une remise « fidélisante » et, pour ce faire, sera, à son tour, encouragé à diminuer ses prix et donc à réduire sa marge, ce qui, finalement, se répercute positivement sur le consommateur. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que la capacité des opérateurs à utiliser leur pouvoir de négociation pour obtenir les meilleures conditions tarifaires et réduire leurs coûts est un important paramètre de concurrence (15). En définitive, la différenciation des prix peut être un vecteur important de stimulation de la concurrence.

66.      S’agissant plus spécifiquement du point de savoir si une pratique de discrimination des prix appliqués par une entreprise à ses « partenaires commerciaux », qui sont le plus souvent ses clients situés sur le marché en aval, est susceptible de constituer un abus de position dominante, je rappelle que l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE interdit expressément aux entreprises en position dominante d’appliquer à l’égard de tels partenaires des conditions inégales à des prestations équivalentes « en leur procurant un désavantage dans la concurrence ».

67.      Contrairement à ce qu’une analyse superficielle pourrait suggérer, l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE n’enjoint pas aux détenteurs d’un monopole ou d’une position dominante d’appliquer à leurs partenaires commerciaux des tarifs uniformes.

68.      Il ressort ainsi de la lettre même de cette disposition que la discrimination tarifaire imposée par une entreprise dominante à l’égard de ses partenaires commerciaux peut tomber sous le coup de l’interdiction des abus de position dominante si et seulement si la concurrence qui s’exerce entre ces partenaires est faussée par cette discrimination.

69.      En définitive, une application rigoureuse de cette disposition exige, d’une part, de constater qu’il existe un rapport de concurrence entre les partenaires commerciaux de l’entreprise dominante et, d’autre part, d’exposer que le comportement de cette entreprise est concrètement de nature à fausser la concurrence entre les entreprises concernées (16). J’y reviendrai plus en détail dans les développements qui suivent.

 Une pratique de discrimination tarifaire de seconde ligne ne peut tomber sous le coup de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE qu’à la suite d’un examen de celle-ci au regard de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce

70.      Il s’est progressivement imposé, tant dans la pratique décisionnelle des autorités en charge de la concurrence que dans la jurisprudence la plus récente de la Cour (17), que, lorsqu’il est question d’examiner un comportement d’entreprise sous l’angle de l’article 102 TFUE, la présence d’une restriction de concurrence ne peut être présumée. Pour conclure à l’existence d’une telle restriction, il convient, dans tous les cas, de procéder à un examen des effets réels ou potentiels de la mesure incriminée eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce.

71.      Lorsqu’est en cause une pratique de discrimination tarifaire, l’analyse auquel il convient de procéder diffère substantiellement selon qu’il est question d’une discrimination de « première ligne » ou de « seconde ligne ».

72.      La discrimination de première ligne s’entend schématiquement de celle qui s’opère à l’égard des concurrents de l’entreprise dominante. Elle vise le plus souvent des pratiques de discrimination tarifaire qui sont destinées à attirer certains clients d’opérateurs concurrents, tels que des prix prédateurs, des rabais différenciés ou encore des comportements de compression de marge. Elle concerne plus généralement toutes les pratiques de prix visant à évincer ou à affaiblir la position concurrentielle d’opérateurs présents sur le même marché et au même niveau (sur le plan vertical) que celui dans lequel l’entreprise dominante est active.

73.      Ces pratiques de discrimination tarifaire de première ligne sont, en raison des effets immédiats d’éviction qu’elles peuvent produire, celles dont les autorités en charge de la concurrence et les juridictions ont généralement à connaître.

74.      La discrimination de seconde ligne, qui est principalement visée à l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, concerne celle qui affecte les « partenaires commerciaux » sur le marché en aval ou en amont de cette entreprise. Elle vise notamment le cas où une entreprise dominante décide d’appliquer à ses clients, c’est-à-dire à des entités n’entretenant pas directement un rapport de concurrence avec elle, des prix différents. Cette disposition entend proscrire que le comportement commercial de l’entreprise en position dominante ne fausse pas la concurrence sur un marché situé en amont ou en aval, c’est-à-dire la concurrence entre fournisseurs ou entre clients de cette entreprise. Les cocontractants de ladite entreprise ne doivent pas être favorisés ou défavorisés sur le terrain de la concurrence qu’ils se livrent entre eux (18).

75.      S’agissant de ce dernier type de discrimination, l’effet d’éviction et de restriction du processus concurrentiel n’apparaît pas toujours de manière évidente. Bien au contraire, une entreprise opérant en amont tire, en principe, pleinement profit de la concurrence s’exerçant sur le marché en aval.

76.      À mon sens, et ainsi que cela a été relevé par bon nombre d’études doctrinales, lors de l’examen de la discrimination tarifaire aux fins de l’application de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, telle que celle mise en cause en l’espèce, une distinction doit d’emblée être opérée entre les entreprises verticalement intégrées, qui ont donc intérêt à supplanter les concurrents sur le marché en aval, et celles qui n’ont pas un tel intérêt.

77.      Dans le cas où l’entreprise est verticalement intégrée, l’application par l’entreprise dominante de prix discriminatoires sur le marché en amont ou en aval s’apparente, en réalité, à une discrimination de première ligne qui affecte indirectement les concurrents de cette entreprise. Une telle discrimination peut avoir pour effet de fragiliser les concurrents de l’entreprise dominante sur le marché en aval.

78.      L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Deutsche Bahn/Commission (19) offre une bonne illustration de l’effet restrictif de concurrence que peut engendrer une discrimination tarifaire, tout à la fois de première et de seconde ligne, effectuée par une entreprise verticalement intégrée. En appliquant des tarifs différents aux transporteurs de conteneurs opérant sur les trajets dits de l’ouest pour des prestations équivalentes afférentes à l’utilisation des infrastructures ferroviaires, Deutsche Bahn AG avait immanquablement infligé ainsi à ses partenaires commerciaux opérant un désavantage dans la concurrence vis-à-vis d’elle-même et de sa filiale (20).

79.      En revanche, lorsque l’entreprise en position dominante n’est pas intégrée verticalement et en dehors de l’hypothèse où étaient en cause les comportements d’entités publiques produisant plus ou moins directement un effet de cloisonnement géographique ou de discrimination en raison de la nationalité (21), il est permis de s’interroger sur le bénéfice que cette entreprise entend tirer d’une discrimination en vue de désavantager un de ses partenaires commerciaux sur le marché en aval. Une telle entreprise a en effet tout intérêt à ce que ce dernier marché soit très concurrentiel en vue de maintenir son pouvoir de négociation en sa qualité de vendeur des produits ou des services concernés. Dans le cas où, comme dans l’affaire au principal, une entreprise en position dominante n’est pas en concurrence avec ses clients sur le marché en aval, il n’est pas aisé de déterminer les motifs qui mèneraient cette entreprise à appliquer des prix discriminatoires autres que l’exploitation directe de ses clients. Il apparaît donc peu rationnel pour celle-ci de réduire la pression concurrentielle existant entre ses partenaires commerciaux sur le marché en aval.

80.      C’est ce qui explique très certainement que les affaires qui visent les discriminations de seconde ligne « pures », à savoir des situations où l’entreprise dominante (non verticalement intégrée) n’a, à première vue, aucun intérêt à évincer ses partenaires, sur le marché en aval, telle que l’affaire au principal, sont extrêmement rares (22).

81.      Force est, en outre, de relever que, dans le cadre de l’examen des affaires dont la Cour a eu à connaître, les considérations relatives à l’applicabilité de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE sont particulièrement laconiques et ne permettent pas, en tout état de cause, de dégager des lignes interprétatives claires quant à l’identification d’un « désavantage dans la concurrence », au sens de cette disposition.

82.      L’arrêt Kanal 5 et TV 4 (23), qui vise une hypothèse somme toute ressemblante au présent cas d’espèce, mérite à cet égard d’être mentionné. Cette affaire avait pour objet un litige opposant Kanal 5 Ltd et TV 4 AB à Föreningen Svenska Tonsättares Internationella Musikbyrå (STIM) upa (Organisme de gestion collective du droit d’auteur pour la musique, Suède) au sujet du barème des redevances relatives à la télédiffusion d’œuvres musicales protégées par le droit d’auteur appliqué par celui-ci.

83.      Invitée à déterminer si la circonstance qu’un organisme de gestion collective du droit d’auteur calcule des redevances perçues au titre de la rémunération due pour la télédiffusion d’œuvres musicales protégées par le droit d’auteur de manière différente selon qu’il s’agit de sociétés de télédiffusion privées ou de sociétés de service public constitue une violation de l’article 82, second alinéa, sous c), CE [devenu article 102, second alinéa, sous c), TFUE], la Cour ne s’est pas, à proprement parler, prononcée sur le lien entre cette discrimination tarifaire et le désavantage concurrentiel éventuellement observé sur le marché en aval. Elle a, au demeurant, rappelé qu’il incombait à la juridiction de renvoi d’effectuer un certain nombre de vérifications aux fins d’appliquer cette disposition.

84.      À cet égard, il doit également être relevé que l’approche retenue par la Commission et les juridictions de l’Union européenne revient souvent à appliquer cette disposition à une situation de discrimination de première ligne, soit à une situation où il n’est pas avéré qu’il existe un « désavantage concurrentiel », ce qui n’a pas manqué de susciter certaines critiques doctrinales en vue d’une application plus rigoureuse des conditions ressortant expressément du libellé de cette disposition (24). Certains commentateurs appellent ainsi de leur vœux une approche plus stricte des discriminations tarifaires visées à l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE ou préconisent, dans ce contexte, un examen au cas par cas de toutes les circonstances pertinentes (25).

85.      Par ailleurs, appelée à préciser la portée des exigences concernant les constatations d’un désavantage concurrentiel au sens de cette disposition, la Cour, dans l’affaire British Airways/Commission (26), qui constitue l’arrêt de référence aux fins de l’examen des pratiques de discrimination tarifaire sous l’angle de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, a souligné qu’« il importe, pour que les conditions d’application de l’article [102], second alinéa, sous c), [TFUE] soient réunies, de constater que le comportement de l’entreprise en position dominante sur un marché non seulement est discriminatoire, mais encore qu’il tend à fausser ce rapport de concurrence, c’est-à-dire à entraver la position concurrentielle d’une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres ».

86.      Si, ainsi que la Cour l’a précisé, rien ne s’oppose donc à ce que la discrimination des partenaires commerciaux qui ne se trouvent pas dans un rapport de concurrence puisse être considérée comme abusive, encore faut-il établir que le comportement de l’entreprise en position dominante tend, « au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce », à conduire à une distorsion de concurrence entre ces partenaires commerciaux (27).

87.      En d’autres termes, l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE ne saurait être interprété comme imposant à une entreprise qui se trouve en position dominante sur un marché donné de pratiquer, en toutes circonstances et indépendamment d’une analyse des effets du comportement incriminé sur la concurrence, des prix uniformes à l’égard de ses partenaires commerciaux.

88.      La nécessité de tenir compte de « l’ensemble des circonstances du cas d’espèce » apparaît donc fondamentale dans le cadre de l’appréciation d’une pratique tarifaire discriminatoire. Il ne peut en aucun cas être déduit de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE qu’une telle pratique aboutit dans tous les cas à une situation de « désavantage dans la concurrence ».

89.      S’agissant de l’arrêt Clearstream/Commission (28), auquel se réfère explicitement la juridiction de renvoi dans le libellé de ses questions, je relève que, dans cet arrêt, le Tribunal a entendu limiter son examen au cas d’espèce qui lui avait été prétendument soumis . Ainsi qu’il ressort du point 192 de cet arrêt, le Tribunal a rappelé le principe selon lequel « il importe, pour que les conditions d’application de l’article [102], second alinéa, sous c), [TFUE] soient réunies, de constater que le comportement de l’entreprise en position dominante sur un marché non seulement est discriminatoire, mais encore qu’il tend à fausser ce rapport de concurrence » (italique ajouté par mes soins).

90.      En tout état de cause, à supposer même qu’il puisse être inféré de cet arrêt du Tribunal que celui-ci a consacré une présomption selon laquelle une discrimination tarifaire est de nature à engendrer un tel désavantage, il est fait observer que ledit arrêt du Tribunal, qui n’a, au demeurant, pas été confirmé par la Cour en l’absence de pourvoi dirigé contre celui-ci, est quelque peu dépassé.

91.      À mon sens, le même arrêt a trait à une période dans laquelle la nature de l’approche – à savoir par objet (formelle) ou par effets – devant être suivie dans l’examen des comportements des entreprises dont il est allégué qu’ils sont constitutifs d’un abus de position dominante pouvait encore faire débat.

92.      Enfin, il me semble important de préciser que la démonstration de l’existence d’un désavantage concurrentiel est distincte de l’exercice d’évaluation de la probabilité qu’un comportement d’entreprise, intrinsèquement susceptible de générer des effets d’éviction, induise une restriction de concurrence et, en particulier, produise les effets d’éviction reprochés (29). Cette exigence vise, aux fins de l’application de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, à s’assurer concrètement qu’une pratique de discrimination tarifaire suivie par une entreprise à l’égard de ses partenaires commerciaux, qui ne peut à elle seule être problématique du point de vue de la concurrence, aboutit à créer un désavantage concurrentiel.

93.      Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner (30), de manière générale, l’examen des pratiques de discrimination tarifaire sous l’angle de l’article 102 TFUE se prête difficilement au formalisme et à la systématisation. En particulier, l’analyse de la question de savoir si une discrimination tarifaire par une entreprise en position dominante sur un marché donné est susceptible d’avoir une incidence concrète sur la concurrence s’exerçant sur un marché situé en amont ou en aval est et doit rester un exercice éminemment casuistique.

 Le constat de l’existence d’un désavantage concurrentiel exige que, au-delà de la discrimination éventuellement subie, soit concrètement établie l’existence d’un désavantage concurrentiel

94.      Contrairement à ce que laisse suggérer la position défendue par MEO dans le cadre de la présente procédure, je suis d’avis qu’une discrimination tarifaire ne s’accompagne pas nécessairement d’un « désavantage dans la concurrence », au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE.

95.      À mon sens, une telle appréciation procède d’une confusion entre l’appréciation de l’existence d’un « désavantage dans la concurrence » et l’existence de « désavantages entre les concurrents », voire d’un désavantage tout court.

96.      Pour qu’un « désavantage dans la concurrence », au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, soit constaté, la pratique en question doit, en plus du désavantage induit par la discrimination tarifaire pris isolément, avoir un effet spécifique sur la position concurrentielle de l’entreprise prétendument discriminée.

97.      En d’autres termes, il faut que le désavantage subi soit suffisamment significatif pour avoir des conséquences sur la position concurrentielle de l’entreprise discriminée. Il est donc nécessaire d’établir que les prix discriminatoires ont tendance à fausser le rapport de concurrence entre les partenaires commerciaux sur le marché en aval.

98.      Une telle analyse exige la prise en compte par l’autorité en charge de la concurrence de toutes les circonstances du cas qui lui est soumis. Une pratique de prix discriminatoires place les clients d’une société en position dominante dans une situation de désavantage dans la concurrence quand elle est concrètement susceptible d’affecter de façon négative la concurrence sur le marché dans lequel ses clients opèrent. Aux fins d’identifier une distorsion de concurrence dans ce contexte, l’on ne peut donc pas se borner à évaluer l’impact de la pratique discriminatoire au niveau d’un partenaire commercial spécifique.

99.      En particulier, il y a lieu d’examiner si la discrimination tarifaire litigieuse est de nature à affecter de façon négative la capacité des partenaires commerciaux défavorisés à exercer une pression concurrentielle effective sur les partenaires commerciaux favorisés.

100. Certes, aux termes de la jurisprudence de la Cour, il n’est pas exigé que soit apportée la preuve que la conduite de l’entreprise dominante ait entraîné une détérioration effective quantifiable de la position concurrentielle d’un ou de plusieurs partenaires commerciaux (31), ou encore d’établir que l’effet anticoncurrentiel sur le marché dans lequel les partenaires commerciaux sont en concurrence est « sensible » – la fixation d’un seuil de sensibilité (de minimis) en vue de déterminer une exploitation abusive d’une position dominante ne se justifiant pas (32).

101. Il n’en reste pas moins que, sauf à méconnaître les conditions clairement énoncées à l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, le simple « désavantage » découlant de la discrimination elle-même ne saurait être confondu avec le « désavantage dans la concurrence », qui doit se matérialiser sur le marché dans lequel les partenaires commerciaux de l’entreprise dominante opèrent, en l’occurrence le marché en aval des droits connexes au droit d’auteur.

102. À cet égard, une distinction me semble devoir être effectuée entre les comportements anticoncurrentiels, qui impliquent, eu égard à leur nocivité intrinsèque, une restriction de concurrence, et ceux, comme les pratiques de différenciation tarifaire de seconde ligne suivies par une entreprise dominante non verticalement intégrée, qui nécessitent un examen plus poussé de leurs répercussions concrètes pour pouvoir conclure à l’existence d’une telle restriction.

103. Il ne s’agit pas d’opérer ici un arbitrage entre les restrictions de concurrence selon qu’elles soient mineures ou non – qui justifierait la fixation d’un seuil de minimis en principe exclu dans le cadre de l’article 102 TFUE. Il s’agit plutôt d’identifier la présence d’une restriction effective de concurrence qui est bien distincte de la discrimination tarifaire et qui doit s’ajouter à cette dernière.

104. Dès lors, le fait qu’un de ces partenaires commerciaux se voit imposer un prix supérieur peut, tout au plus, avoir une incidence sur les coûts supportés par cette entreprise, et très hypothétiquement sur la rentabilité et les bénéfices escomptés par cette entreprise. Cela n’implique pas pour autant que le niveau de concurrence sur le marché en aval soit affecté par la discrimination tarifaire litigieuse. Comme cela a été très justement souligné par GDA dans ses observations écrites, la rentabilité et la compétitivité sont deux éléments bien différents.

105. Il en découle selon moi que des éventuelles différences de traitement qui n’auraient pas d’impact sur la concurrence, ou encore des effets très mineurs, ne sauraient être constitutives d’un abus de position dominante au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE (33).

106. L’existence d’un désavantage dans la concurrence doit être établie en examinant les effets réels ou potentiels de la pratique incriminée au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes en rapport avec les transactions concernées comme avec les caractéristiques du marché dans lequel opèrent les partenaires commerciaux de l’entreprise dominante.

107. Aux fins de l’examen de l’effet de distorsion ou d’éviction de pratiques de discrimination tarifaire, une attention certaine doit, tout d’abord, être accordée à la réalité et à l’importance relative de la différenciation tarifaire litigieuse.

108. Ensuite, une importance doit également être accordée à l’examen de l’importance des coûts des produits ou des services fournis par l’entreprise dominante par rapport aux coûts totaux supportés par le ou les partenaires prétendument défavorisés.

109. Dans le cas où le prix imposé par l’entreprise dominante représente une part significative des coûts totaux supportés par le client défavorisé, la discrimination des prix pourrait avoir un impact non seulement sur la rentabilité de l’activité de ce client, mais également sur sa position concurrentielle (34).

110. En revanche, dans l’hypothèse où le poids relatif des prix imposés par l’entreprise dominante est dérisoire, ces derniers ne sont pas de nature à affecter la position concurrentielle du client défavorisé.

111. Pour revenir au cas d’espèce, l’AdC a constaté que ces coûts n’étaient pas significatifs. Le point 67 de la décision de cette autorité indique en effet que, sur la base des informations fournies par MEO le 23 juin 2015, il convenait de conclure que, entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013, les montants que MEO a payés annuellement à GDA dans le cadre du service de gros en cause ont représenté un faible pourcentage des coûts supportés par MEO dans le cadre de la mise à disposition du service au détail d’accès au signal de télévision par abonnement et une infime part des profits de MEO dans le cadre de la mise à disposition de ce service au détail. Le poids relatif du prix des droits connexes que pratique GDA étant, de l’avis de l’AdC, insignifiant, il apparaît difficile de saisir en quoi la différenciation des tarifs appliqués par GDA était, en raison de son importance, de nature à affecter la position concurrentielle de MEO, et donc à créer un désavantage dans la concurrence.

 Remarques finales sur le rôle de l’autorité de la concurrence lorsqu’elle est saisie d’une plainte

112. En l’occurrence et bien qu’il n’appartienne en définitive qu’à la juridiction de renvoi de vérifier, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, en quoi la différenciation tarifaire litigieuse a créé un désavantage concurrentiel, il me semble donc que c’est sans commettre d’erreur que l’AdC a analysé si, du point de vue économique, la différenciation des tarifs appliqués à MEO et à NOS était à même d’influencer la capacité concurrentielle de MEO par rapport à NOS.

113. Par ailleurs, et en guise de remarques finales, il me semble important de rappeler que, lorsque l’autorité en charge de la concurrence est saisie d’une plainte alléguant l’existence d’un abus de position dominante résultant notamment d’une discrimination tarifaire de seconde ligne, telle que celle en cause en l’espèce, le rôle de cette dernière consiste à examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant afin de décider, en principe dans un délai raisonnable, si elle doit engager la procédure en constatation d’infraction ou rejeter la plainte sans engager la procédure ou procéder au classement de la plainte (35).

114. Dans un tel contexte, la décision de classer une plainte sans suite doit être motivée par le rejet des éléments spécifiquement soumis à l’autorité. Il ne saurait, en revanche, être reproché à celle-ci d’identifier dans l’absolu, et en l’absence d’éléments concrets attestant notamment de l’existence d’une restriction de concurrence, les raisons pour lesquelles le comportement incriminé peut éventuellement être constitutif d’un abus.

 Conclusion

115. Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il est proposé de répondre aux questions préjudicielles posées par le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão (tribunal de la concurrence, de la régulation et de la supervision, Portugal) de la manière suivante :

En l’absence de toute justification objective, l’application de prix supérieurs par une entreprise en position dominante à certains de ses titulaires de licence, en comparaison avec les prix pratiqués aux autres titulaires, constitue un abus au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE si et seulement si cette pratique inflige aux premiers un désavantage dans la concurrence par rapport aux autres titulaires avec qui ces premiers titulaires sont en concurrence.

Les partenaires commerciaux d’une entreprise dominante se voient infliger un désavantage dans la concurrence au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE lorsque l’application de conditions inégales à des prestations équivalentes porte préjudice à la position concurrentielle de certains de ces partenaires commerciaux par rapport aux autres et lorsque, par conséquent, elle fausse la concurrence entre les partenaires commerciaux favorisés et les partenaires commerciaux défavorisés.

La constatation de l’existence d’un désavantage dans la concurrence implique le constat d’une distorsion de la concurrence entre les parties concernées sur le marché pertinent distincte de la simple différence de traitement éventuellement constatée. L’analyse préconisée ne doit pas se résumer à un simple exercice formel de déduction automatique, fondé sur des présomptions de fait ou de droit, mais elle implique un examen concret de toutes les circonstances du cas d’espèce. Peuvent notamment, mais pas exclusivement, être prises en compte la nature et l’importance de la différenciation tarifaire litigieuse ainsi que la structure des coûts des entreprises concernées.


1      Langue originale : le français.


2      Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1).


3      Approuvé par la Lei n.º 19/2012 (loi n° 19/2012), du 8 mai 2012.


4      Conformément à l’article 7, paragraphes 3 et 9, du Decreto-Lei n.º 333/97 (décret-loi n° 333/97), du 27 novembre 1997, à défaut d’accord lors de la négociation des droits, les parties sont tenues de recourir à l’arbitrage.


5      Selon l’Autoridade Nacional de Comunicações (Anacom) [Autorité nationale des communications (Anacom), Portugal], la part de marché de MEO est passée, pour la période de référence, à savoir entre le 1er janvier 2010 et le 31 mars 2015, d’un niveau inférieur à 25 % à un niveau supérieur à 40 %, alors que la part de marché du groupe NOS a baissé, au cours de la même période, passant d’un niveau supérieur à 60 % à un niveau inférieur à 45 %.


6      Ces chiffres ne sont pas repris dans la décision de renvoi en ce qu’ils constituent des données confidentielles.


7      Le gouvernement espagnol indique que la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (Commission nationale des marchés et de la concurrence, Espagne) a systématiquement considéré l’application de tarifs discriminatoires comme une infraction, dans le cas où l’organisme de gestion des droits d’auteur et des droits voisins n’était pas à même de les justifier.


8      Voir éléments documentaires versés au dossier national et mentionnés dans la décision de l’AdC.


9      Cette définition a été très tôt retenue par la Cour (voir arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, point 65, et du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 38). Elle a constamment été rappelée dans la jurisprudence, notamment la plus récente (voir notamment arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 170, et du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, points 23 et 79).


10      Voir communication 97/C 372/03 de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5).


11      Voir, notamment, arrêts du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission (T‑301/04, EU:T:2009:317, points 169 à 190), et du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission (T‑228/97, EU:T:1999:246, point 64).


12      Voir notamment, en ce sens, O’Donoghue, R., et Padilla, J., The Law and Economics of article 102 TFEU, 2e édition, Hart Publishing, Oxford, 2013, p. 795 ; Geradin, D., et Petit, N., « Price discrimination under EC competition law », The Pros and Cons of Price Discrimination, Konkurrensverket, 2005, p. 23 (www.konkurrensverket.se/en/research/seminars/the-pros-and-cons/price-discrimination).


13      Voir, notamment, US Antitrust Modernization Commission, Report and Recommendations, 2007, chapitre IV.a : « The Robinson-Patman Act », disponible sur http://govinfo.library.unt.edu/amc/report_recommendation/toc.htm. En 2007, la US Antitrust Modernization Commission (Commission américaine de modernisation de l’antitrust, États-Unis) a également proposé, sans succès, de revenir sur cette disposition. Pour une analyse plus récente, voir, également, Kirkwood, J. B., « Reforming the Robinson-Patman Act to Serve Consumers and Control Powerful Buyers », The Antitrust Bulletin, vol. 60, n° 4, 2015, p. 358 à 383.


14      Voir en ce sens, s’agissant des pratiques de rabais, les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Intel Corporation/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2016:788, point 41).


15      Dès lors, l’obligation qui serait faite à une entité de traiter tous ses partenaires commerciaux de manière égale est de nature à aboutir à des résultats anticoncurrentiels (voir Bulmash, H., « An Empirical Analysis of secondary line price discrimination motivations », Journal of Competition Law & Economics, vol. 8, n° 2, 2012, p. 361 à 397).


16      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2006:133, points 104 et 105).


17      Voir, notamment, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 133 à 147).


18      Voir arrêt du 15 mars 2007, British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 143).


19      Arrêt du 21 octobre 1997 (T‑229/94, EU:T:1997:155), confirmé par l’ordonnance du 27 avril 1999, Deutsche Bahn/Commission (C‑436/97 P, EU:C:1999:205).


20      Arrêt du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission (T‑229/94, EU:T:1997:155, point 93).


21      Voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2001, Portugal/Commission (C‑163/99, EU:C:2001:189, points 46 et 66), et du 17 mai 1994, Corsica Ferries (C‑18/93, EU:C:1994:195, points 43 à 45).


22      Voir affaires citées à la note en bas de page 21. Voir, également, arrêt du 11 décembre 2008, Kanal 5 et TV 4 (C‑52/07, EU:C:2008:703).


23      Arrêt du 11 décembre 2008 (C‑52/07, EU:C:2008:703).


24      Voir Perrot, A., « Towards an effects-based approach of price discrimination », The Pros and Cons of Price Discrimination, op. cit., notamment p. 166 et suiv.


25      Voir article cité à la note en bas de page précédente. Voir, également, Geradin, D., et Petit, N., « Price Discrimination under EC competition law : The Need for a case-by-case approach », Global Competition Law Centre Working Paper 07/05, p. 45 et 46.


26      Arrêt du 15 mars 2007, British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 144).


27      Arrêt du 15 mars 2007, British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 145).


28      Arrêt du 9 septembre 2009 (T‑301/04, EU:T:2009:317, point 194). Le Tribunal a jugé que, « [e]n l’espèce, l’application à l’égard d’un partenaire commercial des prix différents pour des services équivalents, et ce de manière ininterrompue pendant cinq ans et par une entreprise détenant un monopole de fait sur le marché situé en amont, n’a pu manquer de produire un désavantage concurrentiel pour ce même partenaire ».


29      Voir, à cet égard, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 138 à 141).


30      Voir, notamment, les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Intel Corporation/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2016:788, points 73 et suiv.).


31      Voir arrêt du 15 mars 2007, British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 145).


32      Voir arrêt du 6 octobre 2015, Post Danmark (C‑23/14, EU:C:2015:651, point 73).


33      Voir, en ce sens et en vue de concilier les différentes approches qui s’opposent en ce domaine, O’Donoghue, R., et Padilla J., The Law and Economics of Article 102 TFEU, op. cit., p. 802 et 803.


34      Voir, notamment, l’analyse retenue par la Commission dans sa décision Soda-Ash/Solvay [décision 91/299/CEE de la Commission, du 19 décembre 1990, relative à une procédure d’application de l’article 86 du traité CEE (IV/33.133-C: Carbonate de soude – Solvay, JO 1991, L 152, p. 21, point 64), dans laquelle il avait été constaté que la discrimination litigieuse des prix avait eu un effet important sur la position concurrentielle des entreprises affectées dès lors que le produit concerné pouvait représenter jusqu’à 70 % du coût du mélange de matières premières pour la fabrication du verre. Le prix supporté pour l’acquisition de cette matière affectait donc la rentabilité et la compétitivité des verriers.


35      Voir par analogie, s’agissant du rôle incombant à la Commission, arrêt du 19 mai 2011, Ryanair/Commission (T‑423/07, EU:T:2011:226, point 53).