Language of document : ECLI:EU:T:2016:429

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 juillet 2016 (*) (1)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Restriction en matière d’admission – Annulation des actes antérieurs par un arrêt du Tribunal – Nouveaux actes incluant le nom du requérant sur les listes – Erreur manifeste d’appréciation – Droit de propriété – Proportionnalité – Présomption d’innocence – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑790/14,

Samir Hassan, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me L. Pettiti, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Kyriakopoulou et M. G. Étienne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution 2014/678/PESC du Conseil, du 26 septembre 2014, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2014, L 283, p. 59), du règlement d’exécution (UE) n° 1013/2014 du Conseil, du 26 septembre 2014, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2014, L 283, p. 9), de la décision (PESC) 2015/837 du Conseil, du 28 mai 2015, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2015, L 132, p. 82), et du règlement d’exécution (UE) n° 2015/828 du Conseil, du 28 mai 2015, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2015, L 132, p. 3), pour autant que ces actes concernent le requérant, et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi en raison de ces actes,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Samir Hassan, est un homme d’affaires de nationalité syrienne.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en divers endroits dans toute la Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant n’y figure pas.

4        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). La teneur de ce règlement est, pour l’essentiel, identique à celle de la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés auxdits responsables, figurant dans l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Le nom du requérant n’y figure pas. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

 Procédure antérieure concernant le requérant

5        Par la décision d’exécution 2011/515/PESC du Conseil, du 23 août 2011, mettant en œuvre la décision 2011/273 (JO 2011, L 218, p. 20), le Conseil a modifié la décision 2011/273 en vue notamment d’appliquer les mesures restrictives en cause à d’autres personnes et entités. En vertu de l’article 1er de ladite décision d’exécution, les noms de quinze personnes physiques et de cinq entités, énumérés dans l’annexe de cette décision, ont été ajoutés sur la liste figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Parmi ces noms se trouve celui du requérant, avec la mention de la date d’inscription de son nom sur la liste en cause, en l’occurrence le « 23.8.2011 », et des motifs suivants :

« Proche associé d’affaires de Maher Al Assad. Connu pour le soutien économique qu’il apporte au régime syrien. »

6        Le 23 août 2011, soit le même jour, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/273, le règlement d’exécution (UE) n° 843/2011 mettant en œuvre le règlement n° 442/2011(JO 2011, L 218, p. 1). Le nom du requérant y figure avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/515.

7        Par la décision 2011/522/PESC, du 2 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273 (JO 2011, L 228, p. 16), le Conseil a prévu que le champ d’application de la décision 2011/273, y compris son annexe, englobait également les « personnes […] bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et [les] personnes qui leur [étaie]nt liées, dont la liste figur[ait] [dans ladite] annexe ».

8        Par le règlement (UE) n° 878/2011, du 2 septembre 2011 (JO 2011, L 228, p. 1), le Conseil a modifié le règlement n° 442/2011 en ce sens que son annexe II s’applique à « des personnes et entités bénéficiant de l’appui du régime ou le soutenant, ou [à] des personnes et entités qui leur sont associées ».

9        Le 4 novembre 2011, le requérant a introduit devant le Tribunal un recours visant à obtenir l’annulation de la décision d’exécution 2011/515 et du règlement d’exécution n° 843/2011, tels que mis en œuvre ou modifiés jusqu’à la date de présentation du recours. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑572/11.

10      Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure dans son annexe I. Le nom du requérant y figure à la ligne 50 du tableau comportant la liste en cause, sous le titre A, intitulé « Personnes », avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/515.

11      Le règlement n° 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) n° 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement n° 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1). Le nom du requérant figure sur la liste de l’annexe II du règlement n° 36/2012 avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/515 et du règlement d’exécution n° 843/2011, en application des dispositions prévues à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 36/2012.

12      Par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO 2012, L 330, p. 21), les mesures restrictives en cause ont été regroupées dans un instrument juridique unique. Le nom du requérant figure à la ligne 48 du tableau de l’annexe I de la décision 2012/739 avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/515.

13      La décision d’exécution 2013/185/PESC du Conseil, du 22 avril 2013, mettant en œuvre la décision 2012/739 (JO 2013, L 111, p. 77), vise à mettre à jour la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives qui figure dans l’annexe I de la décision 2012/739. Le nom du requérant figure à la ligne 48 du tableau de l’annexe I avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe des actes précédents.

14      Le règlement d’exécution (UE) n° 363/2013 du Conseil, du 22 avril 2013, mettant en œuvre le règlement n° 36/2012 (JO 2013, L 111, p. 1), comporte les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe des actes précédents.

15      Le 31 mai 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14). Le nom du requérant figure à la ligne 48 du tableau de l’annexe I de ladite décision avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe des actes précédents, en application des dispositions prévues à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255.

16      Par mémoire en adaptation des conclusions, déposé au greffe du Tribunal le 8 juillet 2013, le requérant a sollicité également l’annulation de la décision 2012/739, de la décision d’exécution 2013/185, du règlement d’exécution n° 363/2013 et de la décision 2013/255.

17      Par arrêt du 16 juillet 2014, Hassan/Conseil (T‑572/11, EU:T:2014:682), le Tribunal a annulé la décision d’exécution 2011/515, le règlement d’exécution n° 843/2011, la décision 2011/782, le règlement n° 36/2012 et la décision 2013/255, en ce qu’ils concernaient le requérant, avec effet au 26 septembre 2014.

18      Le Conseil n’a pas introduit de pourvoi contre l’arrêt du 16 juillet 2014, Hassan/Conseil (T‑572/11, EU:T:2014:682).

 Procédure de réinscription du nom du requérant sur les listes litigieuses

19      Par lettre du 17 septembre 2014, le Conseil a informé les avocats du requérant de son intention d’inscrire à nouveau son nom sur les listes des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives (ci-après les « listes litigieuses ») et a indiqué les motifs qu’il comptait invoquer à l’appui de cette réinscription. Le Conseil a joint à cette lettre le document MD 216/14 RELEX afin d’étayer la proposition d’inscrire à nouveau le nom du requérant sur les listes litigieuses. Le Conseil a invité le requérant à présenter ses observations dans un délai expirant le 23 septembre 2014.

20      Par lettre du 17 septembre 2014, les avocats du requérant ont demandé au Conseil de lui accorder un délai supplémentaire pour présenter ses observations.

21      Par lettre du 22 septembre 2014, le Conseil a communiqué aux avocats du requérant qu’il n’était pas en mesure de lui accorder une prorogation de ce délai.

22      Par lettre du 22 septembre 2014, les avocats du requérant ont demandé au Conseil de renoncer à réinscrire le nom du requérant sur les listes litigieuses et ont contesté toutes les informations et les documents soutenant, selon le Conseil, la nouvelle inscription.

23      Le 26 septembre 2014, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2014/678/PESC mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2014, L 283, p. 59). Le même jour, il a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1013/2014 mettant en œuvre le règlement n° 36/2012 (JO 2014, L 283, p. 9). Par ces actes, le nom du requérant a été ajouté sur la liste figurant dans l’annexe I de la décision 2013/255, avec la mention de la date d’inscription de son nom sur la liste en cause, en l’occurrence le « 27.9.2014 », et des motifs suivants :

« Samir Hassan est un homme d’affaires important, proche des personnes clefs du régime syrien, [telles] que M. Rami Makhlouf et M. Issam Anbouba ; depuis mars 2014, il occupe le poste de vice-président pour la Russie des Conseils d’affaires bilatéraux, à la suite de sa nomination par le ministre de l’économie, M. Khodr Orfali. En outre, il soutient l’effort militaire du régime en faisant des dons d’argent. S. Hassan est donc associé à des personnes bénéficiant du régime ou soutenant celui-ci ; il fournit également un soutien au régime syrien et bénéficie de celui-ci. »

24      Par lettre du 29 septembre 2014, adressée aux avocats du requérant, le Conseil a répondu à leur lettre du 22 septembre 2014 et leur a transmis une copie des actes attaqués.

25      Par la décision (PESC) 2015/837, du 28 mai 2015, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 132, p. 82), le Conseil a prorogé les mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 jusqu’au 1er juin 2016.

26      Le 28 mai 2015, soit le même jour, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2013/255, le règlement d’exécution (UE) 2015/828 mettant en œuvre le règlement n° 36/2012 (JO 2015, L 132, p. 3).

 Procédure et conclusions des parties

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 décembre 2014, le requérant a introduit un recours en annulation ainsi qu’un recours en indemnité à l’encontre de la décision d’exécution 2014/678 et du règlement d’exécution n° 1013/2014, pour autant que ces actes le concernaient.

28      Par un mémoire déposé au greffe du Tribunal le 31 juillet 2015, le requérant a adapté ses conclusions en sollicitant également l’annulation de la décision 2015/837 et du règlement d’exécution 2015/828, pour autant que ces actes le concernaient.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 avril 2016.

30      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, en tant que ces actes le concernent, la décision d’exécution 2014/678, le règlement d’exécution n° 1013/2014, la décision 2015/837 et le règlement d’exécution 2015/828 (ci-après les « actes attaqués ») ;

–        lui allouer une somme de 250 000 euros par mois à compter du 1er septembre 2011 afin de réparer le préjudice matériel subi et d’un euro symbolique au titre du préjudice moral subi et condamner le Conseil à réparer le préjudice matériel futur qu’il aura à subir ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

31      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la demande en annulation

32      À l’appui de son recours, le requérant invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation, le deuxième, d’une violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité et, le troisième, d’une violation de la présomption d’innocence.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

33      Le requérant soutient que le Conseil a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation. Le requérant allègue que le Conseil n’a pas démontré à suffisance de droit les motifs qui justifieraient l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et reproche au Conseil de n’avoir précisé ni la source de ses informations ni les éléments de preuve démontrant son soutien au régime syrien.

34      Premièrement, il soutient que les sociétés qu’il administre en Syrie ont un objet social et des activités strictement commerciaux et financiers et que les deux banques dans lesquelles il détient une participation n’ont aucun lien avec le régime syrien.

35      Deuxièmement, le Conseil n’apporterait pas la preuve que le requérant serait proche de personnes clefs du régime syrien telles que MM. Makhlouf et Anbouba.

36      Troisièmement, il soutient que le fait d’être vice-président pour la Russie des conseils d’affaires bilatéraux ne saurait être interprété comme un appui au régime, dès lors que sa désignation est en conformité avec les statuts des conseils d’affaires bilatéraux de la Syrie, dont les membres sont cooptés par leurs pairs, et que le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien n’a que le pouvoir d’entériner ce choix par une décision.

37      Quatrièmement, le Conseil n’apporterait pas la preuve que le requérant soutient l’effort militaire du régime syrien en faisant des dons d’argent.

38      Cinquièmement, le requérant affirme qu’il n’est plus membre du conseil d’administration de la société Cham Holding, son mandat ayant pris fin le 28 avril 2011, et qu’il n’est qu’un actionnaire minoritaire au sein de ladite société, sa participation de 1,74 % ne lui faisant bénéficier d’aucun avantage ni bénéfice dans le capital de Cham Holding. En outre, il nie avoir voulu sauvegarder son influence dans la société en se faisant remplacer par son frère.

39      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

40      L’effectivité du contrôle juridictionnel garantie par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que, au titre du contrôle de légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne ou d’une entité sur les listes de personnes visées par des sanctions, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne ou entité, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un deux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, ci-après l’« arrêt Kadi II », EU:C:2013:518, point 119).

41      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 à 123).

42      Par ailleurs, la Cour a jugé que, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

43      En outre, il ressort de la jurisprudence que l’appréciation du bien-fondé de l’inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (arrêts du 18 juillet 2013, Kadi II, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102, et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 70). Dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrêtât la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de naturel autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 47).

44      Le Conseil, sur le fondement de l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255 et de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 36/2012, a motivé l’inscription du requérant sur les listes litigieuses de la manière suivante :

« Homme d’affaires important, proche des personnes clefs du régime syrien [telles] que M. Rami Makhlouf et M. Issam Anbouba ; depuis mars 2014, il occupe le poste de vice-président pour la Russie des Conseils d’affaires bilatéraux à la suite de sa nomination par le ministre de l’économie, M. Khodr Orfali. En outre, il soutient l’effort militaire du régime en faisant des dons d’argent. S. Hassan est donc associé à des personnes bénéficiant du régime ou soutenant celui-ci, il fournit également un soutien au régime syrien et bénéficie de celui-ci. »

45      Ainsi, il ressort de cette motivation que le requérant a été inscrit sur les listes litigieuses pour les trois motifs ci-après sur le fondement de l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255 et de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 36/2012 :

–        homme d’affaires important, proche de personnes clefs du régime telles que MM. Makhlouf et Anbouba ;

–        vice-président pour la Russie des conseils d’affaires bilatéraux depuis mars 2014 ;

–        soutient l’effort militaire du régime syrien en faisant des dons d’argent.

46      En ce qui concerne le motif selon lequel le requérant occupe le poste de vice-président pour la Russie des conseils d’affaires bilatéraux depuis mars 2014, le Conseil soutient que la fonction du requérant au sein d’un tel organisme ne peut s’expliquer que par une certaine proximité avec le régime syrien en place, comme en témoigne la circonstance que sa nomination dépende de l’aval du ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien.

47      Le requérant fait valoir que les membres des conseils d’affaires bilatéraux de la Syrie sont cooptés par leurs pairs, le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien n’ayant que le pouvoir d’entériner ce choix par une décision. Selon le requérant, affirmer, comme le fait le Conseil, que la nature autoritaire du régime syrien serait la preuve que le choix du requérant par le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien est un motif de soutien au régime en place est une simple supposition, qu’aucun élément objectif sérieux ne vient étayer.

48      Il y a lieu de constater que le requérant a été nommé président, et non vice-président, comme l’a fait valoir le Conseil, du conseil d’affaires bilatéral pour la Russie, par décision du 14 juin 2014 du ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien, sans que cela ait une incidence particulière sur l’appréciation portée par le Conseil dans la décision attaquée.

49      Il ressort des statuts des conseils d’affaires bilatéraux de la Syrie (ci-après les « conseils d’affaires ») que, en premier lieu, le président du conseil d’administration des conseils d’affaires (ci-après le « conseil d’administration ») est le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien. En deuxième lieu, le secrétariat du conseil d’administration est composé du ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien et de la direction des relations internationales et arabes. En troisième lieu, lesdits statuts établissent que les membres des conseils d’affaires seront proposés soit par le secrétariat du conseil d’administration, soit par un membre des conseils d’affaires et que toute proposition doit être présentée au ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien pour décision finale. En quatrième lieu, le président et le vice-président de chaque conseil d’affaires sont élus au sein du conseil d’administration présidé par le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien.

50      Il ressort ainsi des statuts des conseils d’affaires que le rôle du ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien dans ces conseils est central et ne se limite pas à entériner les choix des autres membres, ainsi que le soutient le requérant. En effet, le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien préside le conseil d’administration, est membre du secrétariat du conseil d’administration qui s’occupe de superviser les opérations des différents conseils d’affaires et est l’autorité compétente pour nommer le président et le vice-président des différents conseils d’affaires ainsi que pour dissoudre lesdits conseils. Toutefois, même si le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien se limitait à entériner les choix des membres desdits conseils, il convient de relever que la nomination des président et vice-président de chaque conseil d’affaires implique une décision du gouvernement.

51      En outre, les éléments de preuve fournis par le Conseil dans le document MD 216/14 RELEX et, notamment, l’article du 3 mars 2014 de Syria Report et l’article de Syriandays font état du rôle du requérant dans le conseil d’affaires bilatéral pour la Russie. Le premier article vient préciser le lien entre la nomination des membres des conseils d’affaires et la proximité avec le régime en place. Le second relate le déroulement de la première assemblée générale des conseils d’affaires qui a eu lieu le 29 mars 2014 et à laquelle ont participé le Premier ministre syrien, le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur syrien ainsi que tous les présidents et vice-présidents des conseils d’affaires. Le nom du requérant est mentionné dans les deux articles.

52      Par conséquent, il convient de relever que la fonction du requérant au sein d’un conseil économique comme le conseil d’affaires bilatéral pour la Russie, dont la fonction est de promouvoir l’économie de la Syrie et le développement de ses entreprises et de ses activités commerciales et d’investissement, ne peut s’expliquer que par une certaine proximité avec le régime en place et constitue un élément factuel non contesté qui témoigne d’un lien certain avec le régime de Bachar Al-Assad. Cette proximité entre le requérant et le régime syrien a permis au Conseil de considérer valablement que le requérant bénéficiait du régime, le soutenait et qu’il lui était lié au sens de l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255 et de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 36/2012.

53      En l’espèce, le deuxième motif de l’inscription du requérant ayant été établi à juste titre par le Conseil et étant une base suffisante d’inscription en vertu du critère légal établi par l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255 et de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 36/2012, et dans la mesure où, conformément à la jurisprudence rappelée au point 42 ci-dessus, il suffit qu’un seul des motifs fondant les actes soit valable pour justifier la légalité de ceux-ci, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé des deux autres motifs invoqués par le Conseil dans les actes attaqués, l’argumentation développée par le requérant à leur égard étant inopérante et devant être écartée.

54      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité

55      Le requérant fait valoir que l’inscription de son nom dans les actes attaqués constitue une atteinte disproportionnée à son droit de propriété et est contraire au principe de proportionnalité, dans la mesure où sa réinscription sur les listes n’est pas fondée.

56      Le requérant soutient que, si de telles mesures semblent, en principe, pouvoir être justifiées au regard des objectifs d’intérêt général et de maintien de la paix et de la sécurité internationale poursuivis, elles doivent cependant offrir à la personne concernée par les mesures en cause une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes, conformément à l’article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Or, les actes attaqués, pour autant qu’ils le concernent, ont été adoptés sans qu’aucune garantie lui permettant d’exposer sa cause aux autorités compétentes, et à tout le moins de contester la proportionnalité des mesures adoptées, lui fût fournie, alors même que la restriction apportée à son droit de propriété était considérable.

57      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

58      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux :

« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. »

59      En l’espèce, par les actes attaqués, le Conseil a gelé durant une période déterminée les fonds détenus par le requérant. Ainsi, le Conseil doit être regardé comme ayant limité l’exercice par le requérant du droit visé à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, ci-après l’« arrêt Kadi I », EU:C:2008:461, point 358).

60      Or, selon une jurisprudence constante, le droit de propriété ne jouit pas, dans le droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 355). Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ce droit, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir, en ce sens, arrêts du 30 juillet 1996, Bosphorus, C‑84/95, EU:C:1996:312, point 21 ; du 3 septembre 2008, Kadi I, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 355 ; du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, points 89, 113 et 114, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 121).

61      En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêts du 12 mai 2011, Luxembourg/Parlement et Conseil, C‑176/09, EU:C:2011:290, point 61 ; du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, EU:C:2012:137, point 52, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122).

62      De plus, le gel des fonds et des ressources économiques imposé par les actes attaqués constitue une mesure conservatoire qui n’est pas censée priver les personnes concernées de leur propriété (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi I, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 358). Toutefois, les mesures restrictives en cause entraînent incontestablement une restriction de l’usage du droit de propriété (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 120).

63      En ce qui concerne le caractère adéquat des mesures en cause au regard d’un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles, il apparaît que le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien du régime syrien ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi I, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 363 ; du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 115, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 123).

64      En ce qui concerne leur caractère nécessaire, il convient de constater que les mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir l’exercice d’une pression sur les soutiens du régime syrien, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 125).

65      De plus, il doit être rappelé que l’article 19, paragraphes 3 à 7, de la décision 2011/782, l’article 25, paragraphes 3 à 11, de la décision 2012/739, l’article 28, paragraphes 3 à 11, de la décision 2013/255 et les articles 16 à 18 du règlement n° 36/2012 prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques.

66      Enfin, la réinscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ne saurait être qualifiée de disproportionnée en raison d’un prétendu caractère potentiellement illimité. En effet, cette réinscription du nom du requérant sur les listes litigieuses fait l’objet d’un réexamen périodique en vue de garantir que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour figurer sur la liste en cause sont radiées (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi I, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 365, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 129).

67      Il en résulte que, étant donné l’importance primordiale de la protection des populations civiles en Syrie et les dérogations envisagées par les actes attaqués, les restrictions du droit de propriété du requérant causées par les actes attaqués ne sont pas disproportionnées.

68      En tout état de cause, s’agissant du prétendu caractère disproportionné qui serait dû à l’absence d’audition du requérant lors de la réinscription de son nom sur les listes litigieuses, il ressort des pièces du dossier que le Conseil a communiqué au requérant, par sa lettre du 17 septembre 2014, les éléments du dossier qui, selon lui, justifiaient la réinscription de son nom sur les listes litigieuses. Cette communication a permis au requérant de réagir à la position du Conseil et de faire valoir son point de vue. En effet, le requérant a fait plusieurs fois usage de cette procédure, notamment par l’envoi de lettres les 17 et 22 septembre 2014, dans lesquelles il a contesté la réinscription de son nom sur les listes litigieuses, a formulé certaines observations et a demandé au Conseil de lui accorder un délai supplémentaire pour faire valoir ses observations. Le Conseil a accusé réception de ces observations par ses lettres des 22 et 29 septembre et a fait savoir au requérant qu’il n’était pas en mesure de lui accorder un délai supplémentaire.

69      Par conséquent, s’il est vrai que la réaction du Conseil aux observations et aux demandes du requérant est particulièrement succincte, il n’en demeure pas moins que le requérant a eu accès aux éléments dont disposait le Conseil et qu’il a pu ainsi faire valoir son point de vue.

70      Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de la présomption d’innocence

71      Le requérant soutient que les mesures restrictives dont il fait l’objet violent la présomption d’innocence. Il relève que lesdites mesures s’appuient sur le constat de l’existence d’infractions présumées ou alléguées à des dispositions de droit pénal. En outre, il indique que les effets conservatoires qu’emportent les sanctions qui lui sont imposées de par leur durée et leur renouvellement presque systématique ont un véritable effet confiscatoire.

72      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

73      À cet égard, il doit être rappelé que le principe de présomption d’innocence, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect (voir arrêt du 2 septembre 2009, El Morabit/Conseil, T‑37/07 et T‑323/07, non publié, EU:T:2009:296, point 39 et jurisprudence citée).

74      Ce principe qui exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ne s’oppose pas à l’adoption de mesures conservatoires de gel de fonds, dès lors que celles-ci n’ont pas pour objet d’engager une procédure pénale à l’encontre de la personne visée. De telles mesures doivent cependant, compte tenu de leur gravité, être prévues par la loi, être adoptées par une autorité compétente et présenter un caractère limité dans le temps (voir arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 40 et jurisprudence citée).

75      En l’espèce, les actes imposant des mesures restrictives au requérant ont été adoptés sur le fondement de l’article 29 TUE, qui attribue compétence au Conseil pour adopter les décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique, et sur le fondement des dispositions de l’article 215 TFUE, qui prévoit, en son paragraphe 2, l’adoption par le Conseil de mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques, lorsque cela est prévu par une décision adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité UE. Dès lors, les mesures imposées au requérant sont prévues par la législation de l’Union et le Conseil était compétent pour les adopter (arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 41).

76      Par ailleurs, aux termes du considérant 1 de la décision 2013/255 telle que modifiée par les actes attaqués, les actes attaqués s’appliquent pendant douze mois, font l’objet d’un suivi contant et peuvent être prorogés ou modifiés, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. De même, l’article 32, paragraphe 4, du règlement n° 36/2012 prévoyait que la liste des personnes concernées par les mesures en cause serait examinée à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois. Les mesures imposées au requérant ont donc bien un caractère limité dans le temps (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 41).

77      Enfin, il y a lieu de relever que les mesures restrictives en cause n’entraînent pas une confiscation des avoirs des intéressés en tant que produits du crime, mais un gel à titre conservatoire. Ces mesures ne constituent donc pas une sanction et n’impliquent par ailleurs aucune accusation de cette nature (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, point 101, et du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, point 67).

78      En effet, les actes du Conseil ne constituent pas une constatation qu’une infraction a été effectivement commise, mais sont adoptés dans le cadre et aux fins d’une procédure de nature administrative ayant une fonction conservatoire et ayant pour unique but de permettre au Conseil de garantir la protection des populations civiles.

79      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ne viole pas le principe de présomption d’innocence.

80      Le troisième moyen doit donc être rejeté et, partant, la demande d’annulation des actes attaqués.

 Sur la demande en indemnité

81      Le requérant soutient qu’il a subi un grave préjudice en raison des mesures prises à son égard. Il invoque l’existence des trois conditions cumulatives permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et réclame une indemnisation à hauteur de 250 000 euros par mois, en réparation du préjudice matériel subi, et d’un euro symbolique, en réparation du préjudice moral subi, ainsi que la réparation du préjudice futur qu’il aura à subir.

82      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant et considère que celui-ci n’a pas démontré que les conditions exigées pour une telle demande étaient remplies.

83      En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

84      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106 et jurisprudence citée).

85      Le caractère cumulatif de ces trois conditions d’engagement de la responsabilité implique que, lorsque l’une d’entre elles n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêts du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C‑122/01 P, EU:C:2003:259, point 30, et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 48).

86      En l’espèce, les arguments que le requérant a fait valoir afin de démontrer l’illégalité des actes attaqués ont été rejetés. La responsabilité de l’Union ne saurait donc être engagée sur le fondement d’une prétendue illégalité desdits actes.

87      Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité du requérant et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

88      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Samir Hassan est condamné aux dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juillet 2016.

Signatures 


* Langue de procédure : le français.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.