Language of document : ECLI:EU:T:2015:714

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 septembre 2015(*)

« Recours en carence – Protection des consommateurs – Allégations de santé portant sur les denrées alimentaires – Règlement (CE) nº 1924/2006 – Substances botaniques –Délai de recours – Défaut d’intérêt à agir –Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑620/14,

Diapharm GmbH & Co. KG, établie à Münster (Allemagne), représentée par Mes M. Weidner, N. Hußmann et T. Guttau, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. M. Wilderspin et Mme S. Grünheid, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à faire constater la carence de la Commission en ce que celle-ci se serait illégalement abstenue d’ordonner à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) d’évaluer les allégations de santé relatives aux substances botaniques en tant que condition préalable à l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires (JO L 404, p. 9),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Diapharm GmbH & Co. KG, est une entreprise qui fournit, à échelle internationale, une gamme intégrée de services à l’industrie de la santé. En particulier, une partie importante de son activité consiste à conseiller des entreprises en matière d’allégations de santé portant sur des denrées alimentaires, en particulier des compléments alimentaires.

2        À la suite de l’adoption du règlement (CE) nº 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires (JO L 404, p. 9), les autorités des États membres ont fourni à la Commission des Communautés européennes des listes des allégations de santé. aux fins de la procédure d’autorisation prévue à l’article 13, paragraphes 1 à 3, de ce règlement. La Commission a ensuite reçu au total environ 44 000 allégations de santé de la part des États membres au titre de l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement. Sur la base de ces allégations de santé, la Commission a constitué une liste consolidée destinée à éviter des doublons et des répétitions, ainsi qu’un système de codification, publié sur Internet, afin de garantir, selon elle, un traitement cohérent des listes nationales et l’identification desdites allégations par l’usage de numéros « ID ».

3        Le 24 juillet 2008, la Commission a formellement transmis à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) une demande d’avis scientifique conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement nº 1924/2006. À cette occasion, la Commission a communiqué à l’EFSA une première partie de la liste consolidée. Les parties restantes de cette liste ont été envoyées en novembre et en décembre 2008 après consultation des États membres, puis, par le biais d’un addendum, en mars 2010, portant le nombre final d’allégations de santé à examiner à 4 637. Entre octobre 2009 et juillet 2011, l’EFSA a procédé à l’évaluation scientifique des allégations de santé transmises par la Commission.

4        Le 27 septembre 2010, la Commission a publié un communiqué de presse sur son site Internet dans lequel elle a annoncé qu’elle avait invité l’EFSA à suspendre provisoirement l’évaluation des allégations de santé concernant les substances botaniques et à se focaliser, en revanche, sur celles des autres allégations afin de pouvoir clôturer l’examen de celles-ci dans les meilleurs délais. Selon la Commission, cette révision des priorités du processus d’adoption de la liste des allégations autorisées était motivée par le besoin d’accélérer la procédure visant à l’établissement de ladite liste, tout en ayant la possibilité d’examiner et d’apprécier, avec soin, les singularités des allégations ayant trait à des substances botaniques et, en particulier, les tensions potentielles entre le règlement nº 1924/2006 et la directive 2004/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, modifiant, en ce qui concerne les médicaments traditionnels à base de plantes, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO L 136, p. 85). Dans ce contexte, la Commission a expliqué que les allégations de santé concernant les substances autres que celles relatives aux substances botaniques seraient abordées dans un premier temps, alors que les allégations concernant les substances botaniques seraient examinées dans un deuxième temps.

5        Le 16 mai 2012, la Commission a adopté le règlement (UE) nº 432/2012, du 16 mai 2012, établissant une liste des allégations de santé autorisées portant sur les denrées alimentaires, autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu’au développement et à la santé infantiles (JO L 136, p. 1). Dans ce règlement, elle a autorisé une liste partielle de 222 allégations de santé, correspondant à 497 entrées inscrites sur la liste consolidée, pour lesquelles l’EFSA était arrivée à la conclusion, en substance, que les données présentées permettaient d’établir un lien de cause à effet entre une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et l’effet allégué. Lesdites allégations, ainsi que d’autres allégations ayant été rejetées, ont été également inscrites au registre de l’Union des allégations nutritionnelles et de santé concernant les denrées alimentaires, établi par la Commission conformément à l’article 20, paragraphe 2, sous c) et d), du règlement nº 1924/2006.

6        Le même jour, la Commission a recensé une liste de plus de 2 000 allégations dont l’EFSA n’avait pas effectué l’évaluation ou sur lesquelles elle-même ne s’était pas encore prononcée, et elle a publié cette liste sur son site Internet. Selon la Commission, ces allégations de santé, qui portaient notamment sur les effets des substances botaniques, demeuraient en suspens et pouvaient dès lors continuer à être utilisées conformément au régime transitoire prévu par l’article 28, paragraphes 5 et 6, du règlement nº 1924/2006. Alors que la liste partielle des allégations autorisées a été ultérieurement mise à jour par la Commission, les allégations de santé portant sur les substances botaniques demeurent en suspens.

7        Le 24 avril 2014, la requérante a adressé une lettre au président de la Commission ainsi qu’à M.  B., membre de la Commission chargé des questions de santé, demandant que la Commission ordonne à l’EFSA de poursuivre sans délai l’évaluation scientifique des allégations en suspens en tant que condition préalable à l’adoption de la liste définitive des allégations autorisées conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement nº 1924/2006. La requérante a également annoncé son intention de saisir le Tribunal en cas de refus d’agir de la part de la Commission.

8        Le 19 juin 2014, la Commission a répondu à la lettre de la requérante, en indiquant notamment ce qui suit :

« Ainsi que vous le savez, la Commission a initié une réflexion sur les allégations de santé relatives aux ‘substances botaniques’ après que des inquiétudes ont été soulevées par les États membres et les parties prenantes en ce qui concerne le traitement différencié appliqué aux produits contenant lesdites substances conformément à la législation sur les allégations de santé et celle sur les médicaments traditionnels à base de plantes.

Dans l’attente des résultats de cette réflexion, la Commission a demandé à l’[EFSA] d’interrompre son évaluation scientifique des allégations de santé sur les substances botaniques. La Commission reconnaît l’importance de ce problème complexe à la fois pour les consommateurs et pour les opérateurs économiques. Cependant, afin de déterminer la ligne de conduite optimale requise, la Commission devrait disposer du temps et du contexte nécessaire à cette fin. »

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 août 2014, la requérante a introduit le présent recours.

10      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 20 novembre 2014, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

11      Le 19 décembre 2014, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

12      Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater la carence de la Commission en ce que celle-ci se serait illégalement abstenue d’ordonner à l’EFSA de procéder à l’évaluation des allégations de santé relatives aux substances botaniques aux fins de l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées conformément à la procédure prévue à l’article 13, paragraphe 3, du règlement nº 1924/2006 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’irrecevabilité et de statuer sur le fond.

 En droit

15      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

16      Aux termes de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond.

17      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

18      À l’appui de son exception, la Commission invoque, en substance, trois fins de non-recevoir, tirées de l’absence d’intérêt à agir, du défaut de qualité pour agir et de ce que le recours n’aurait pas d’objet licite. De même, il y a lieu, à titre liminaire, d’examiner si le recours de la requérante respecte les conditions prévues à l’article 265 TFUE.

 Sur le respect des conditions prévues à l’article 265 TFUE

19      Aux termes de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, « [le] recours [en carence] n’est recevable que si l’institution, l’organe ou l’organisme en cause a été préalablement invité à agir » et, « [s]i, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de cette invitation, l’institution, l’organe ou l’organisme n’a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois ».

20      Selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité d’un recours en carence, fixées par l’article 265 TFUE, ne sont pas remplies lorsque l’institution invitée à agir a pris position sur cette invitation avant l’introduction du recours (voir, en ce sens, arrêts du 7 octobre 2009, Vischim/Commission, T‑420/05, Rec, EU:T:2009:391, points 254 et 256, et du 4 juillet 2012, Laboratoires CTRS/Commission, T‑12/12, EU:T:2012:343, point 46).

21      Par ailleurs, il ressort clairement de l’article 265 TFUE que le recours en carence ne peut être formé que dans un délai de deux mois après l’expiration d’un premier délai de deux mois courant à compter de l’invitation à agir. Cette mise en demeure de l’institution est une formalité essentielle et a pour effet, d’une part, de faire courir le délai dans lequel l’institution est tenue de prendre position et, d’autre part, de délimiter le cadre dans lequel un recours pourrait être introduit au cas où l’institution s’abstiendrait de prendre position (voir arrêt Laboratoires CTRS/Commission, point 20 supra, EU:T:2012:343, point 38 et jurisprudence citée). Un recours en carence introduit avant l’expiration du délai à compter de l’invitation à agir est, en raison de son caractère prématuré, irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance du 30 juin 2011, Tecnoprocess/Commission, T‑367/09, EU:T:2011:320, point 53 et jurisprudence citée).

22      En l’espèce, il y a lieu de relever que, le 24 avril 2014, la requérante a demandé au président de la Commission, ainsi qu’à M. B., que la Commission ordonne à l’EFSA de poursuivre l’évaluation scientifique des allégations de santé relatives aux substances botaniques afin d’adopter la liste définitive des allégations de santé autorisées conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement nº 1924/2006.

23      Or, il ressort du dossier que M. B. a effectivement répondu à cette invitation par la lettre du 19 juin 2014. Dans celle-ci, il a, d’abord, décrit la raison pour laquelle il avait été convenu d’interrompre la procédure d’évaluation desdites allégations et, ensuite, informé la requérante que, pour l’examen de cette dernière question, plus de temps et un contexte plus précis étaient nécessaires à la Commission (voir point 8 ci-dessus). Au regard des termes utilisés par M. B., il y a lieu de constater que cette lettre, lue dans son ensemble, était suffisamment explicite et précise pour permettre à la requérante de connaître la position de la Commission à l’égard de sa demande, en particulier, le fait que celle-ci n’ordonnerait pas à l’EFSA d’entamer l’évaluation sollicitée ainsi que les raisons motivant une telle position.

24      Par conséquent, la lettre du 19 juin 2014 doit être considérée comme constituant une prise de position au sens de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, mettant fin dès lors à la carence de la Commission.

25      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le fait que la réponse de la Commission ne donne pas satisfaction à la requérante est, à cet égard, indifférent. En effet, l’article 265 TFUE vise la carence par l’abstention de statuer ou de prendre position et non du fait de l’adoption d’un acte différent de celui que les intéressés auraient souhaité (voir arrêt Vischim/Commission, point 20 supra, EU:T:2009:391, point 255 et jurisprudence citée).

26      Par conséquent, la demande en carence doit être écartée comme étant irrecevable.

27      Ce n’est donc qu’à titre surabondant qu’il convient d’examiner les fins de non-recevoir invoquées par la Commission tirées respectivement de l’absence d’intérêt à agir et de la qualité pour agir.

 Sur l’intérêt à agir et la qualité pour agir

28      La Commission soutient que la requérante ne démontre aucun intérêt à ce qu’il soit constaté qu’elle se serait illégalement abstenue d’ordonner à l’EFSA l’évaluation des allégations de santé sur les substances botaniques. En substance, elle explique que, ainsi qu’il est rappelé dans le règlement nº 432/2012, les allégations de santé en suspens ne sont pas interdites, mais peuvent être utilisées conformément au régime transitoire prévu par l’article 28, paragraphes 5 et 6, du règlement nº 1924/2006.

29      La requérante conteste les arguments de la Commission et fait valoir, en substance, qu’une décision définitive de la part de cette dernière, en ce qui concerne l’autorisation des allégations de santé en suspens, permettrait aux exploitants du secteur alimentaire de bénéficier des avantages prévus par l’article 17, paragraphe 5, du règlement nº 1924/2006 et a elle-même de continuer à exercer avec lesdits exploitants son activité de conseil.

30      Selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, Rec, EU:T:2014:739, point 39).

31      Toute partie requérante doit dès lors démontrer, au vu de l’objet de son recours, un intérêt à agir, lequel doit exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec, EU:C:2007:322, point 42).

32      L’intérêt à agir suppose que le recours soit apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2009, Socratec/Commission, T‑269/03, EU:T:2009:211, point 36 et jurisprudence citée).

33      Enfin, c’est à la partie requérante qu’il appartient d’apporter la preuve de son intérêt à agir, lequel doit être né et actuel. Si l’intérêt dont se prévaut une partie requérante concerne une situation juridique future, elle doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2014, Hagenmeyer et Hahn/Commission, T‑17/12, Rec, EU:T:2014:234, point 39 et jurisprudence citée).

34      En l’espèce, il y a lieu d’observer, d’emblée, que, ainsi que la Commission le relève, il ressort des considérants 10 et 11 du règlement nº 432/2012 que les allégations de santé demeurant en suspens, en raison notamment de l’absence d’évaluation scientifique par l’EFSA, peuvent encore être utilisées conformément aux mesures transitoires prévues par l’article 28, paragraphes 5 et 6, du règlement nº 1924/2006.

35      À cet égard, il y a lieu de relever que la Cour a précisé, dans son arrêt du 10 avril 2014, Ehrmann (C‑609/12, Rec, EU:C:2014:252), que l’article 28 du règlement nº 1924/2006 prévoit des mesures, qui comme l’énonce son considérant 35, ont pour objet de permettre aux exploitants du secteur alimentaire de s’adapter aux exigences établies par ledit règlement. S’agissant des allégations de santé, ces mesures transitoires sont prévues à l’article 28, paragraphes 5 et 6, du même règlement (arrêt Ehrmann, précité, EU:C:2014:252, point 31).

36      Ainsi, d’une part, conformément à l’article 28, paragraphe 5, du règlement nº 1924/2006, les allégations de santé visées à l’article 13, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, à savoir les allégations qui décrivent ou mentionnent le rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans la croissance, dans le développement et dans les fonctions de l’organisme, peuvent être faites à compter de la date d’entrée en vigueur dudit règlement et jusqu’à l’adoption de la liste visée à son article 13, paragraphe 3, sous la responsabilité des exploitants du secteur alimentaire, à condition qu’elles soient conformes audit règlement et aux dispositions nationales existantes qui leur sont applicables, sans préjudice de l’adoption des mesures de sauvegarde visées à l’article 24 de ce règlement. Il résulte ainsi du libellé de l’article 28, paragraphe 5, du règlement nº 1924/2006 qu’un exploitant du secteur alimentaire peut, sous sa responsabilité et dans les conditions définies, utiliser des allégations de santé au cours de la période située entre l’entrée en vigueur du même règlement et l’adoption de la liste visée à l’article 13 du même règlement (arrêt Ehrmann, point 35 supra, EU:C:2014:252, points 32 et 33).

37      D’autre part, quant aux allégations de santé visées notamment à l’article 13, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement nº 1924/2006, à savoir les allégations qui décrivent ou mentionnent les fonctions psychologiques et comportementales ou l’amaigrissement, le contrôle du poids, la réduction de la sensation de faim, l’accentuation de la sensation de satiété ou la réduction de la valeur énergétique du régime alimentaire, elles font l’objet de la mesure transitoire visée à l’article 28, paragraphe 6, dudit règlement. Cette disposition vise des allégations de santé qui ont été utilisées conformément aux dispositions nationales avant la date d’entrée en vigueur du règlement nº 1924/2006, soit avant le 19 janvier 2007 (voir, en ce sens, arrêt Ehrmann, point 35 supra, EU:C:2014:252, points 34 et 35) et permet l’utilisation de ces allégations, le cas échéant, pendant une période de six mois après l’adoption d’une décision conformément aux procédures prévues par ladite disposition.

38      Il résulte donc du libellé de l’article 28, paragraphes 5 et 6, du règlement nº 1924/2006 que l’application des mesures transitoires est prévue, depuis l’adoption dudit règlement, pour les allégations de santé qui se trouvent en cours d’évaluation et à l’égard desquelles aucune décision n’a été adoptée par la Commission. Dans ces circonstances, indépendamment de leur classification au sein des trois catégories visées à l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement, les entreprises concernées par les allégations en suspens peuvent continuer à utiliser celles-ci dans le cadre de leurs activités de commercialisation de denrées alimentaires.

39      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir l’argument de la Commission selon lequel la requérante ne saurait tirer aucun bénéfice certain de l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées.

40      La conclusion qui précède ne saurait être infirmée, premièrement, par l’argument de la requérante selon lequel la constatation de la carence demandée amènerait à la Commission à adopter en dernier lieu la liste définitive des allégations de santé autorisées, laquelle, pour sa part, serait susceptible de garantir aux exploitants du secteur alimentaire le droit d’utiliser les allégations qui les concernent conformément à l’article 17, paragraphe 5, du règlement nº 1924/2006.

41      À cet égard, il convient de relever que cette disposition prévoit, en substance, que les allégations de santé figurant sur la listes des allégations de santé autorisées conformément à la procédure prévue à l’article 13 du règlement nº 1924/2006 peuvent être utilisées, conformément aux conditions qui leur sont applicables, par tout exploitant du secteur alimentaire si leur emploi n’est pas restreint conformément aux dispositions de l’article 21 du même règlement.

42      Or, l’article 17, paragraphe 5, du règlement nº 1924/2006 place les allégations de santé autorisées dans la même situation que celle des allégations de santé en suspens, c’est-à-dire, dans la situation où elles peuvent être utilisées pour la commercialisation des denrées alimentaires. À nouveau, il y a lieu de relever que, dans ces circonstances, aucun bénéfice ne saurait être constaté dans le chef des exploitants du secteur alimentaire à la suite de la demande de la requérante d’ordonner à l’EFSA de procéder à l’évaluation des allégations de santé en suspens aux fins d’adopter la liste définitive des allégations de santé autorisées.

43      De surcroît, et en tout état de cause, même si des conséquences affectant la situation juridique des exploitants du secteur alimentaire pouvaient être constatées en vertu de l’article 17, paragraphe 5, du règlement nº 1924/2006, par rapport notamment au régime transitoire prévu par l’article 28, paragraphes 5 et 6, du même règlement, force est de constater qu’un tel bénéfice reposerait, par définition, sur la prémisse que les allégations en suspens qui les concernent seraient autorisées à la suite de l’évaluation de l’EFSA et de la décision finale de la Commission. Or, cette prémisse n’est actuellement pas concrète et ne saurait, pour cette raison, satisfaire les exigences de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus, selon laquelle, si l’intérêt dont se prévaut une partie requérante concerne une situation juridique future, elle doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine.

44      L’appréciation qui précède est d’autant plus fondée si est pris également en compte le fait que, ainsi que la Commission l’allègue, le scenario transitoire actuel, en vertu duquel les allégations de santé en suspens peuvent toujours être utilisées, est susceptible d’être plus bénéfique pour les exploitants du secteur alimentaire que le scenario dans lequel ses allégations de santé seraient rejetées. À cet égard, il convient de relever que, par le règlement nº 432/2012, qui a établi la liste partielle des allégations de santé autorisées, la Commission n’a autorisé qu’un total de 222 allégations parmi un total de plus de 2 000 allégations examinées.

45      Deuxièmement, la requérante soutient que, en raison de la carence de la Commission, notamment du fait que certaines allégations de santé ont fait l’objet d’une évaluation et que d’autres demeurent en suspens, des conditions de concurrence inégales ont été créées sur le marché.

46      À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la requérante elle-même, une telle situation d’inégalité n’est susceptible d’affecter que les intérêts des producteurs dont les allégations ont été rejetées à la suite de l’adoption du règlement nº 432/2012, et non pas ceux des producteurs dont les allégations restent en suspens.

47      Dans ce contexte, pour autant que la requérante ne soutient pas être un producteur des denrées alimentaires concernées par des allégations de santé rejetées, son argument tiré de l’existence des conditions concurrentielles inégales ne saurait fonder son intérêt à agir en l’espèce.

48      Troisièmement, la requérante soutient qu’elle est fortement affectée par l’insécurité juridique qui règnerait sur le marché en raison du manque de décision définitive et complète de la Commission sur l’autorisation des allégations de santé.

49      Cependant, il y a lieu de considérer que la circonstance que certaines allégations de santé ont fait l’objet d’une évaluation et d’une décision finale de la part, respectivement, de l’EFSA et de la Commission, alors que d’autres allégations demeurent en suspens, ne saurait être considérée comme créant des conditions d’insécurité juridique pour un opérateur économique comme la requérante.

50      En effet, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique exige que les règles de droit soient claires et précises et que leurs conséquences soient prévisibles (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, Rec, EU:C:2005:548, point 69).

51      Or, en l’espèce, force est de constater que les règles applicables tant aux allégations autorisées ou rejetées qu’aux allégations en suspens remplissent de telles conditions. En particulier, les règles auxquelles les allégations en suspens sont soumises découlent de manière expresse du règlement nº 1924/2006, à savoir de son article 28, paragraphes 5 et 6, lequel expose le régime applicable aux allégations de santé en attente d’évaluation et de décision définitive depuis l’adoption dudit règlement.

52      Par ailleurs, si la requérante allègue que le fait de ne pas avoir adopté une décision définitive à l’égard des allégations en suspens l’empêche d’effectuer des prévisions économiques dans son activité, il n’en demeure pas moins que, ainsi que le relève la Commission, tous les domaines économiques sont susceptibles d’être infirmés par l’adoption de nouvelles règles et par l’attente des décisions administratives, voir des décisions en justice. En tout état de cause, force est de constater que, lors de l’adoption du règlement nº 432/2012, établissant la liste partielle des allégations de santé autorisées, la Commission a prévu, à l’article 2 dudit règlement, des périodes transitoires aux fins de permettre aux exploitants du secteur alimentaire de s’adapter à ses dispositions, notamment à l’interdiction, prévue par l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 1924/2006. En l’espèce, rien ne permet de conclure que la Commission n’édictera pas une disposition équivalente lors de l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées.

53      Quatrièmement, alors que la requérante affirme avoir subi un préjudice financier au motif du défaut d’agir de la Commission, force est de constater qu’elle n’explique ni comment lesdits dommages se seraient produits en raison de l’inaction de la Commission, ni comment ils pourraient disparaître si la Commission venait ordonner à l’EFSA, comme le demande la requérante, de poursuivre l’évaluation des allégations de santé en suspens.

54      Il s’ensuit que la requérante ne fournit, dans le cadre des écritures présentées devant le Tribunal, pas d’indications démontrant à suffisance comment la reprise des évaluations par l’EFSA des allégations de santé relatives aux substances botaniques et l’adoption de la liste définitive des allégations de santé autorisées seraient susceptibles de lui procurer un bénéfice.

55      Au vu de ce qui précède, la demande en carence doit être également rejetée comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir de la requérante.

56      Au demeurant, le Tribunal constate que la fin de non-recevoir invoquée par la Commission quant à l’absence d’affectation directe de la requérante est également fondée et que la requérante ne démontre pas avoir qualité pour agir en l’espèce. En effet, il y a lieu de relever que cette dernière n’est qu’une société qui fournit des services de conseil et de soutien aux entreprises de l’industrie de la santé en matière de médicaments, de dispositifs médicaux, de compléments alimentaires et de produits cosmétiques. Or, bien que, comme le relève la requérante, une partie importante de son activité consiste à conseiller des entreprises en matière d’allégations de santé portant sur des denrées alimentaires, force est de constater que ladite activité ne consiste pas à produire et commercialiser ce type de produits sur le marché de l’Union. Ainsi, l’activité de la requérante n’est pas suffisamment liée à ces activités pour qu’elle puisse être considérée comme directement concernée. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l’acte à adopter par la Commission à la suite de la constatation de son éventuelle carence (voir, en ce sens, ordonnance du 4 mai 2012, UPS Europe et United Parcel Service Deutschland/Commission, T‑344/10, EU:T:2012:216, points 34 et 35 et jurisprudence citée) ne saurait, en tout état de cause, produire directement des effets sur la situation juridique de la requérante.

57      Le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Diapharm GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 16 septembre 2015.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       D. Gratsias


* Langue de procédure : l’allemand.