Language of document : ECLI:EU:C:2012:348

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

14 juin 2012 (*)

«Règlement (CE) no 562/2006 — Code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) — Article 13 — Ressortissants de pays tiers titulaires d’un titre temporaire de séjour — Réglementation nationale interdisant le retour de ces ressortissants sur le territoire de l’État membre ayant délivré le titre temporaire de séjour en l’absence d’un visa de retour — Notion de ‘visa de retour’ — Pratique administrative antérieure ayant autorisé le retour sans visa de retour — Nécessité de mesures transitoires — Absence»

Dans l’affaire C‑606/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 15 décembre 2010, parvenue à la Cour le 22 décembre 2010, dans la procédure

Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE)

contre

Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. U. Lõhmus, A. Rosas (rapporteur), A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 octobre 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), par M. J.-É. Malabre, président de celle-ci,

–        pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J.-S. Pilczer ainsi que par Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par M. T. Materne et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme D. Maidani et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 5, paragraphe 4, sous a), et 13 du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO L 105, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 81/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 14 janvier 2009 (JO L 35, p. 56, ci-après le «règlement no 562/2006»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ci-après l’«ANAFE») au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration au sujet d’une circulaire du ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, du 21 septembre 2009, établissant les conditions d’entrée dans l’espace Schengen des ressortissants d’États tiers détenteurs d’autorisations provisoires de séjour (APS) et de récépissés de demande de titre de séjour délivrés par les autorités françaises (ci-après la «circulaire du 21 septembre 2009»).

 Le contexte juridique

 La réglementation de l’Union

3        Aux termes des premier à troisième et sixième considérants du règlement no 562/2006:

«(1)      L’adoption de mesures en vertu de l’article 62, point 1, du traité [CE], visant à assurer l’absence de tout contrôle des personnes lorsqu’elles franchissent les frontières intérieures est un élément constitutif de l’objectif de l’Union, énoncé à l’article 14 du traité, visant à mettre en place un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des personnes est assurée.

(2)      Conformément à l’article 61 du traité, la création d’un espace de libre circulation des personnes doit s’accompagner d’autres mesures. La politique commune en matière de franchissement des frontières extérieures, telle que visée à l’article 62, point 2, du traité fait partie de ces mesures.

(3)      L’adoption de mesures communes ayant trait au franchissement des frontières intérieures par les personnes, ainsi qu’au contrôle aux frontières extérieures, devrait refléter l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne et, notamment, les dispositions pertinentes de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique de la Belgique, des Pays‑Bas et du Luxembourg (Benelux), de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes [(JO 2000, L 239, p. 19), signée à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 (ci-après la «CAAS»)], et du manuel commun [des frontières extérieures (JO 2002, C 313, p. 97)].

[...]

(6)      Le contrôle aux frontières n’existe pas seulement dans l’intérêt de l’État membre aux frontières extérieures duquel il s’exerce, mais dans l’intérêt de l’ensemble des États membres ayant aboli le contrôle aux frontières à leurs frontières intérieures. Le contrôle aux frontières devrait contribuer à la lutte contre l’immigration illégale et la traite des êtres humains, ainsi qu’à la prévention de toute menace sur la sécurité intérieure, l’ordre public, la santé publique et les relations internationales des États membres.»

4        L’article 2 du règlement no 562/2006 est libellé comme suit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

15)      ‘titre de séjour’:

a)      tous les titres de séjour délivrés par les États membres selon le format uniforme prévu par le règlement (CE) no 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers [(JO L 157, p. 1)];

b)      tous les autres documents délivrés par un État membre aux ressortissants de pays tiers et leur autorisant le séjour ou le retour sur son territoire, à l’exception des titres temporaires délivrés au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour tel que visé au point a) ou au cours de l’examen d’une demande d’asile;

[...]»

5        L’article 3 du règlement no 562/2006, intitulé «Champ d’application», énonce:

«Le présent règlement s’applique à toute personne franchissant la frontière intérieure ou extérieure d’un État membre, sans préjudice:

a)      des droits des personnes jouissant du droit communautaire à la libre circulation;

b)      des droits des réfugiés et des personnes demandant une protection internationale, notamment en ce qui concerne le non-refoulement.»

6        Aux termes de l’article 5 dudit règlement, relatif aux conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers:

«1.      Pour un séjour n’excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes:

a)      être en possession d’un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière;

b)      être en possession d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) no 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation [(JO L 81, p. 1)], sauf s’ils sont titulaires d’un titre de séjour en cours de validité;

c)      justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d’acquérir légalement ces moyens;

d)      ne pas être signalé aux fins de non-admission dans le [système d’information Schengen (SIS)];

e)      ne pas être considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l’un des États membres et, en particulier, ne pas avoir fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans les bases de données nationales des États membres pour ces mêmes motifs.

[…]

4.      Par dérogation au paragraphe 1,

a)      les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas toutes les conditions visées au paragraphe 1, mais qui sont titulaires d’un titre de séjour ou d’un visa de retour délivré par l’un des États membres ou, lorsque cela est requis, de ces deux documents, se voient autorisés à entrer aux fins de transit sur le territoire des autres États membres afin de pouvoir atteindre le territoire de l’État membre qui a délivré le titre de séjour ou le visa de retour, sauf s’ils figurent sur la liste nationale de signalements de l’État membre aux frontières extérieures duquel ils se présentent et si ce signalement est assorti d’instructions quant à l’interdiction d’entrée ou de transit;

b)      les ressortissants de pays tiers qui remplissent les conditions d’entrée énoncées au paragraphe 1, à l’exception du point b), et qui se présentent à la frontière peuvent être autorisés à entrer sur le territoire des États membres si un visa est délivré à la frontière conformément au règlement (CE) no 415/2003 du Conseil du 27 février 2003 relatif à la délivrance de visas à la frontière, y compris aux marins en transit [(JO L 64, p. 1)].

[...]

c)      Les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas une ou plusieurs conditions énoncées au paragraphe 1 peuvent être autorisés par un État membre à entrer sur son territoire pour des motifs humanitaires ou d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales. Lorsque le ressortissant de pays tiers concerné fait l’objet d’un signalement visé au paragraphe 1, point d), l’État membre qui autorise son entrée sur son territoire en informe les autres États membres.»

7        L’article 13 du même règlement, intitulé «Refus d’entrée», dispose à son paragraphe 1:

«L’entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée, telles qu’énoncées à l’article 5, paragraphe 1, et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 5, paragraphe 4. Cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour.»

8        En vertu de son article 40, le règlement no 562/2006, qui est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans les États membres, est entré en vigueur le 13 octobre 2006.

9        Le règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO L 243, p. 1), prévoit à son article 2, intitulé «Définitions»:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

2)      ‘visa’, l’autorisation accordée par un État membre en vue:

a)      du transit ou du séjour prévu sur le territoire des États membres, pour une durée totale n’excédant pas trois mois sur une période de six mois à compter de la date de la première entrée sur le territoire des États membres; ou

b)      du passage par la zone internationale de transit des aéroports des États membres;

[...]

4)      ‘visa à validité territoriale limitée’, un visa valable pour le territoire d’un ou de plusieurs États membres mais pas pour le territoire de l’ensemble des États membres;

[...]»

10      L’article 25 dudit règlement, intitulé «Délivrance d’un visa à validité territoriale limitée», dispose à ses paragraphes 1 à 3:

«1.      Un visa à validité territoriale limitée est délivré à titre exceptionnel dans les cas suivants:

a)      lorsqu’un État membre estime nécessaire, pour des raisons humanitaires, pour des motifs d’intérêt national ou pour honorer des obligations internationales:

i)      de déroger au principe du respect des conditions d’entrée prévues à l’article 5, paragraphe 1, points a), c), d) et e), du [règlement no 562/2006],

ii)      de délivrer un visa bien que l’État membre consulté conformément à l’article 22 ait émis des objections contre la délivrance d’un visa uniforme, ou

iii)      de délivrer un visa en raison de l’urgence, sans avoir procédé à la consultation préalable au titre de l’article 22;

ou

b)      lorsque, pour des raisons considérées comme valables par le consulat, un nouveau visa est délivré pour un séjour à effectuer pendant la même période de six mois à un demandeur qui, au cours de ladite période, a déjà utilisé un visa uniforme ou un visa à validité territoriale limitée autorisant un séjour de trois mois.

2.      Un visa à validité territoriale limitée est valable pour le territoire de l’État membre de délivrance. À titre exceptionnel, il peut être valable pour le territoire d’un ou plusieurs autres États membres, pour autant que chacun de ces États membres ait marqué son accord.

3.      Si le titulaire est muni d’un document de voyage qui n’est reconnu que par un ou plusieurs États membres, il lui est délivré un visa valable pour le territoire de ces États. Si l’État membre de délivrance ne reconnaît pas le document de voyage du demandeur, le visa délivré est valable exclusivement pour cet État membre.»

 La réglementation française

11      Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose à son article L.311-4:

«La détention d’un récépissé d’une demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour, d’un récépissé d’une demande d’asile ou d’une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l’étranger en France, sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. [...]»

12      La circulaire du 21 septembre 2009 énonce notamment: 

«Le [règlement no 562/2006] [...] impose, en application de ses articles [5, paragraphe 1, sous b)], 7 et 13, de vérifier que les conditions d’entrée dans l’espace Schengen des ressortissants des pays tiers soumis à visa sont remplies. Ces conditions sont la possession d’un visa ou la détention d’un ‘titre de séjour en cours de validité’.

La définition du titre de séjour donnée à l’article 2, [point] 15, du [règlement no 562/2006] fait apparaître que cette notion recouvre l’ensemble des titres autorisant le séjour sur le territoire national d’un État membre ainsi que le retour sur son territoire, à l’exception des titres temporaires délivrés au cours de l’examen d’une première demande de titre ou au cours de l’examen d’une demande d’asile.

Le Conseil d’État a par ailleurs considéré [...] qu’un étranger titulaire d’un titre autorisant à séjourner en France, fût-ce à titre provisoire, peut quitter le territoire national et y revenir, tant que ce titre n’est pas expiré, et sans avoir à solliciter de visa.

Il résulte de la combinaison des dispositions du [règlement no 562/2006] et de la jurisprudence du Conseil d’État que:

1)      permettent à leur titulaire de revenir librement dans l’espace Schengen:

a)      l’ensemble des autorisations provisoires de séjour (à la seule exception des autorisations de séjour délivrées dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile);

b)      les récépissés de demande de renouvellement de titre de séjour.

Ces éléments font l’objet, en application de l’article 34 du [règlement no 562/2006], d’une communication par la France à la Commission européenne aux fins d’information des autres États membres de l’espace Schengen.

2)      ne permettent pas à leur titulaire de revenir librement dans l’espace Schengen, en application de l’exception prévue à l’article 2, [point] 15, du [règlement no 562/2006]:

a)      les autorisations de séjour délivrées dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile;

b)      les récépissés de première demande de titre de séjour ou de demande d’asile.

Les ressortissants de pays tiers soumis à visa et qui auraient quitté le territoire français munis soit d’une autorisation provisoire de séjour délivrée dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile, soit d’un récépissé de demande délivré dans le même cadre, soit encore d’un récépissé de première demande de titre de séjour, ne peuvent donc revenir dans l’espace Schengen que munis d’un visa.

La règle dans ce domaine est la possession d’un visa consulaire de retour.

Cette règle ne fait pas obstacle toutefois, dans certaines hypothèses exceptionnelles, à l’exercice par l’autorité préfectorale de son pouvoir d’appréciation des situations individuelles pour délivrer, à titre de facilité, un visa de retour préfectoral [...]. Les cas exceptionnels de délivrance de ce visa peuvent concerner, sur présentation des justificatifs adéquats, les cas de force majeure, les voyageurs d’affaires, les stagiaires, les cas humanitaires, les étudiants pendant les vacances scolaires ou universitaires.

Il importe néanmoins de rappeler qu’à l’exception du visa de retour préfectoral délivré aux étrangers mineurs, qui a fait l’objet d’une notification à la Commission européenne ([Journal officiel de l’Union européenne] du 1er mars 2008), le visa de retour préfectoral ne permet normalement le franchissement des frontières extérieures de l’espace Schengen que par un point d’entrée français.

[...]»

13      Ladite circulaire a invité les préfets à «appeler l’attention des ressortissants de pays tiers, lorsque [leurs] services les mettent en possession d’un titre figurant dans l’exception prévue à l’article 2, [point 15], du [règlement no 562/2006] (récépissé de demande d’asile ou de première demande de titre de séjour, [autorisation provisoire de séjour] délivrée lors de l’examen d’une demande d’asile), sur le fait que ces documents ne permettent pas la réadmission dans l’espace Schengen et qu’en cas de sortie du territoire, le retour des intéressés sera subordonné à l’obtention, selon le droit commun, d’un visa auprès des autorités consulaires».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      Le 28 septembre 2009, l’ANAFE a formé un recours devant le Conseil d’État tendant à l’annulation de la circulaire du 21 septembre 2009, en tant que celle-ci prescrit notamment aux préfets de refuser le retour sans visa sur le territoire français des ressortissants d’États tiers titulaires de récépissés de première demande de titre de séjour et de demande d’asile.

15      Dans son recours, l’ANAFE soutient que ladite circulaire ne se limite pas à tirer les conséquences du règlement no 562/2006, mais ajoute aux dispositions de celui-ci. Par ailleurs, cette association fait valoir que cette circulaire viole les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime en ce sens qu’elle est immédiatement applicable et prive les ressortissants de pays tiers qui ont quitté le territoire français du droit de revenir en France sans avoir à solliciter de visa, comme ils pouvaient légitimement s’y attendre en vertu de la pratique administrative antérieure.

16      Le Conseil d’État relève tout d’abord que, d’une part, les conditions figurant à l’article 5 du règlement no 562/2006 sont expressément prévues pour l’entrée sur l’ensemble du territoire des États membres, et non pour le retour sur le seul territoire de l’État membre ayant délivré l’autorisation provisoire de séjour en vue d’un séjour n’excédant pas trois mois, mais que, d’autre part, plusieurs dispositions du même règlement, parmi lesquelles figure notamment l’article 5, paragraphe 4, sous c), autorisent la délivrance d’autorisations d’entrée limitées au territoire de l’État membre qui les octroie.

17      Le Conseil d’État se demande ensuite si l’interdiction prévue à l’article 13 dudit règlement s’applique également lorsque le retour sur le territoire de l’État membre qui a délivré le titre temporaire de séjour ne nécessite ni entrée, ni transit, ni séjour sur le territoire des autres États membres. En cas de réponse positive à cette question, il cherche à savoir dans quelles conditions un visa de retour peut être délivré par un État membre à un ressortissant de pays tiers, et notamment si un tel visa peut limiter l’entrée aux seuls points du territoire national.

18      Enfin, le Conseil d’État demande si le règlement no 562/2006 exclut toute possibilité d’entrée sur le territoire des États membres pour les ressortissants de pays tiers qui ne sont titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile, contrairement à ce qu’auraient permis les dispositions de la CAAS, dans sa rédaction antérieure à sa modification par ce même règlement, auquel cas se poserait la question de savoir si les principes de sécurité juridique et de confiance légitime n’imposaient pas que soient prévues des mesures transitoires pour de tels ressortissants ayant quitté le territoire français alors qu’ils n’étaient titulaires que d’un tel titre temporaire de séjour et souhaitant y revenir après l’entrée en vigueur dudit règlement.

19      Ayant des doutes sur l’interprétation du règlement no 562/2006, et notamment de ses articles 13 et 5, paragraphe 4, sous a), le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 13 du règlement [no 562/2006] s’applique-t-il au retour d’un ressortissant de pays tiers sur le territoire d’un État membre qui a délivré à ce dernier un titre temporaire de séjour lorsque le retour sur son territoire ne nécessite ni entrée, ni transit, ni séjour sur le territoire des autres États membres?

2)      Dans quelles conditions un État membre peut-il délivrer à des ressortissants de pays tiers un ‘visa de retour’ au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du même règlement? En particulier, un tel visa peut-il limiter l’entrée aux seuls points du territoire national?

3)      Dans la mesure où le règlement [no 562/2006] exclurait toute possibilité d’entrée sur le territoire des États membres aux ressortissants de pays tiers qui ne sont titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile, contrairement à ce que permettaient les stipulations de la [CAAS], dans sa rédaction antérieure à sa modification par le règlement [no 562/2006], les principes de sécurité juridique et de confiance légitime imposaient-ils que soient prévues des mesures transitoires pour les ressortissants de pays tiers ayant quitté leur territoire alors qu’ils n’étaient titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile et souhaitant y revenir après l’entrée en vigueur du règlement [no 562/2006]?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

20      Par la première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les règles relatives au refus d’entrée des ressortissants de pays tiers prévues à l’article 13 du règlement no 562/2006 sont également applicables aux ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui souhaitent revenir sur le territoire de l’État membre qui leur a délivré un titre temporaire de séjour lorsque le retour sur le territoire de ce dernier peut s’effectuer sans entrer sur le territoire des autres États membres.

21      Selon l’ANAFE, il convient d’interpréter les dispositions combinées des articles 5 et 13 du règlement no 562/2006 en ce sens que l’entrée sur le territoire d’un État membre fondée sur un titre temporaire de séjour ne peut être refusée que si le ressortissant d’un pays tiers sollicite l’entrée en vue d’un court séjour et si la demande est effectuée à la frontière d’un État membre autre que celui qui a délivré le document de séjour dont l’intéressé est titulaire.

22      Selon les gouvernements français et belge ainsi que la Commission, en revanche, l’article 13 du règlement no 562/2006 s’applique également aux ressortissants de pays tiers dont le retour sur le territoire de l’État membre qui leur a délivré un titre temporaire de séjour ne nécessite ni entrée, ni transit, ni séjour sur le territoire des autres États membres.

23      Ainsi que l’indique son article 1er, le règlement no 562/2006 a pour «[o]bjet et principes» de développer l’Union en tant qu’espace commun de liberté de circulation sans frontières intérieures et d’établir à cet effet les règles applicables au contrôle des personnes franchissant les frontières extérieures des États membres de l’Union.

24      Aux termes du sixième considérant du même règlement, «[l]e contrôle aux frontières [extérieures des États membres] n’existe pas seulement dans l’intérêt de l’État membre aux frontières extérieures duquel il s’exerce, mais dans l’intérêt de l’ensemble des États membres ayant aboli le contrôle aux frontières à leurs frontières intérieures».

25      Ledit règlement s’insère dans le cadre plus général d’un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène (article 3, paragraphe 2, TUE). L’article 67, paragraphe 2, première phrase, TFUE précise que l’Union «assure l’absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures et développe une politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est fondée sur la solidarité entre États membres et qui est équitable à l’égard des ressortissants des pays tiers».

26      Le dispositif mis en place par l’accord de Schengen repose par conséquent sur le respect des règles harmonisées de contrôle aux frontières extérieures et, en l’occurrence, sur le strict respect des conditions d’entrée des ressortissants des pays tiers sur le territoire des États parties audit accord, établies par le règlement no 562/2006. Chaque État membre dont le territoire fait partie de l’espace Schengen doit en effet être assuré de l’efficacité et de la rigueur des contrôles effectués par tout autre État de cet espace. Ces contrôles sont facilités par un ensemble de règles permettant notamment la reconnaissance des visas et des autres titres de séjour de courte durée.

27      L’article 5 du règlement no 562/2006 régit les conditions d’entrée des ressortissants des pays tiers. Il résulte des dispositions de cet article 5, paragraphes 1, sous b), et 4, sous a), que la possession d’un titre de séjour délivré par un État membre à un ressortissant de pays tiers permet à ce dernier d’entrer et de circuler dans l’espace Schengen, de quitter cet espace et d’y revenir sans devoir passer par la formalité du visa.

28      Il convient de relever que la notion de titre de séjour est définie à l’article 2, point 15, du règlement no 562/2006 et que le titre temporaire de séjour, délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou au cours de l’examen d’une demande d’asile, est expressément exclu de la notion de titre de séjour aux termes dudit point 15, sous b).

29      Les contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen et le refus d’entrer à ces frontières extérieures sont régis par les articles 6 à 13 du règlement no 562/2006.

30      S’agissant du refus d’entrée, l’article 13, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 562/2006 contient la règle générale selon laquelle l’entrée dans l’espace Schengen est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée, telles qu’énoncées à l’article 5, paragraphe 1, du même règlement, et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées au paragraphe 4 de ce dernier article. En vertu de la seconde phrase dudit paragraphe 1, cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour.

31      L’article 13, paragraphes 2 à 6, du règlement no 562/2006 régit les autres modalités du refus d’entrée.

32      Contrairement à ce que soutient l’ANAFE, l’article 13 du règlement no 562/2006 ne saurait être interprété en ce sens que l’entrée dans l’espace Schengen d’un ressortissant de pays tiers présentant un document de séjour ne correspondant pas à un titre de séjour au sens de l’article 2, point 15, du même règlement ne pourrait être refusée que si cette entrée est sollicitée à la frontière d’un autre État membre que celui qui a délivré le document de séjour et en vue d’un court séjour.

33      En effet, conformément à son article 3, ledit règlement s’applique à toute personne franchissant les frontières intérieures ou extérieures d’un État membre de l’espace Schengen.

34      Il en résulte que les règles régissant le refus d’entrée énoncées à l’article 13 du règlement no 562/2006 ont vocation à s’appliquer à tout ressortissant de pays tiers qui souhaite entrer dans un État membre en franchissant une frontière extérieure de l’espace Schengen.

35      Ainsi, dans la mesure où ce règlement a supprimé les vérifications des personnes aux frontières intérieures et a déplacé les contrôles frontaliers aux frontières extérieures dudit espace, ses dispositions relatives au refus d’entrée aux frontières extérieures sont en principe applicables à l’ensemble des mouvements transfrontaliers de personnes, même si l’entrée par les frontières extérieures de l’espace Schengen d’un État membre ne s’effectue qu’en vue du séjour dans ce dernier.

36      Le fait qu’un ressortissant de pays tiers tente, sur le fondement d’un titre de séjour temporaire délivré par un État membre, de revenir dans celui-ci par une frontière extérieure de l’espace Schengen, sans avoir l’intention d’obtenir l’accès à l’ensemble de cet espace, ne fait donc pas obstacle à l’application de l’article 13 du règlement no 562/2006.

37      Cette interprétation est corroborée par le fait que l’article 13, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 562/2006, qui fait référence à la possibilité d’entrer dans un État membre en vertu des dispositions relatives au droit d’asile ou à la délivrance de visas nationaux de long séjour, mentionne, ce faisant, des formes d’entrée par les frontières extérieures de l’espace Schengen d’un État membre en vue d’un séjour principal et de longue durée uniquement dans ce dernier.

38      Quant à la durée du séjour, elle est également sans incidence sur l’application de l’article 13 du règlement no 562/2006. Cette interprétation est confirmée par le renvoi, par l’article 13, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 562/2006, à l’article 5 du même règlement. En effet, si cet article 13 se réfère aux conditions d’entrée prévues à l’article 5, paragraphe 1, qui concernent un séjour n’excédant pas trois mois sur une période de six mois, cette disposition renvoie également aux catégories de personnes visées au paragraphe 4 du même article 5, c’est-à-dire aux personnes titulaires d’un titre de séjour ou d’un visa de retour. Les titulaires d’un titre de séjour ou d’un visa de retour qui souhaitent retourner dans un État membre pour une durée de plus de trois mois relèvent donc du champ d’application dudit article 13.

39      Il résulte des considérations qui précèdent que le ressortissant d’un pays tiers qui est en possession d’un document de séjour couvrant temporairement son séjour sur le territoire d’un État membre dans l’attente d’une décision sur sa demande de séjour ou sa demande d’asile et qui quitte le territoire de l’État dans lequel il a introduit une demande de séjour ou d’asile ne peut y revenir sous le seul couvert de son document de séjour provisoire. Par conséquent, lorsqu’un tel ressortissant se présente aux frontières extérieures de l’espace Schengen, les autorités chargées du contrôle aux frontières doivent, en application de l’article 13 du règlement no 562/2006, lui refuser l’entrée sur ledit territoire à moins qu’il ne relève de l’une des exceptions prévues à l’article 5, paragraphe 4, de ce règlement.

40      Il importe à cet égard de rappeler que, aux termes de son article 3, sous b), le règlement no 562/2006 s’applique sans préjudice des droits des réfugiés et des personnes demandant une protection internationale, notamment en ce qui concerne le non-refoulement. Par conséquent, ainsi que l’a relevé la Commission lors de l’audience, ces contrôles doivent être effectués sans préjudice de l’application des dispositions protectrices des demandeurs d’asile, en relation, notamment, avec le principe de non-refoulement.

41      En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question que les règles relatives au refus d’entrée des ressortissants de pays tiers prévues à l’article 13 du règlement no 562/2006 sont également applicables aux ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui souhaitent revenir par les frontières extérieures de l’espace Schengen dans l’État membre qui leur a délivré un titre temporaire de séjour, sans entrer à cet effet sur le territoire d’un autre État membre.

 Sur la deuxième question

42      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande dans quelles conditions un État membre peut délivrer un visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006 et, notamment, si un tel visa de retour peut limiter l’entrée dans l’espace Schengen aux seuls points du territoire national de l’État membre qui l’a délivré.

43      Par cette question, la juridiction de renvoi fait référence à la disposition de la circulaire du 21 septembre 2009 selon laquelle le visa de retour préfectoral ne permet en principe qu’un retour par les frontières françaises extérieures de l’espace Schengen.

44      Selon la Commission, le visa de retour est établi selon des modalités définies par les États membres. Dans la mesure toutefois où, conformément à l’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006, le visa de retour doit permettre le retour dans l’État membre qui l’a délivré, soit directement, soit par voie de transit sur le territoire d’autres États membres, ce visa ne pourrait limiter le retour dans l’espace Schengen aux seuls points d’entrée du territoire national. L’ANAFE soutient en substance la même thèse.

45      Le gouvernement français, lors de l’audience, s’est rallié à la position défendue par la Commission. En l’absence de toute définition du visa de retour dans le règlement no 562/2006, dans le code des visas ou au chapitre 3 de la CAAS relatif aux visas, les conditions de délivrance du visa de retour relèveraient de la législation nationale des États membres. Un tel visa ne pourrait limiter l’entrée aux seuls points du territoire national de l’État membre qui a délivré le visa de retour.

46      Il convient de relever que l’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006 garantit aux ressortissants des pays tiers qui ne remplissent pas toutes les conditions de retour dans l’espace Schengen, mais qui sont titulaires d’un titre de séjour délivré par un État membre ou d’un visa de retour, un droit d’entrée dans les autres États membres aux fins de transit pour atteindre le territoire de l’État membre qui a délivré le titre de séjour ou le visa de retour.

47      La notion de «visa de retour» n’est pas définie dans ledit règlement.

48      Cette notion désigne un document délivré, dans un État membre, à une personne qui n’est pas encore titulaire d’un titre de séjour, mais qui est temporairement autorisée à demeurer sur le territoire de cet État et qui doit quitter celui-ci pour une raison quelconque. Ce document autorise son titulaire à revenir sur le territoire de l’État qui l’a délivré.

49      Il peut être déduit des définitions contenues à l’article 2 du code des visas que le visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006 n’est pas un «visa» au sens de ce code.

50      En effet, selon l’article 2, point 2, du code des visas, un visa est l’autorisation accordée par un État membre en vue du transit ou du séjour prévu sur le territoire des États membres, pour une durée totale n’excédant pas trois mois sur une période de six mois à compter de la date de la première entrée sur le territoire des États membres, ou du passage par la zone internationale de transit des aéroports des États membres. Or, l’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006 vise précisément les cas dans lesquels le ressortissant d’un pays tiers ne dispose pas d’un visa au sens dudit article 2, point 2.

51      Le «visa de retour» au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006 ne constitue pas non plus un «visa à validité territoriale limitée» tel que défini à l’article 2, point 4, du code des visas. Si le législateur européen avait eu l’intention de conférer une telle portée au visa de retour, il aurait utilisé la notion de visa à validité territoriale limitée dans cet article 5, paragraphe 4, sous a), puisque cette catégorie de visas était déjà régie par l’article 16 de la CAAS et était explicitement visée au point 2, intitulé «Définition et types de visas», des instructions consulaires communes adressées aux représentations diplomatiques et consulaires de carrière des parties contractantes de la convention de Schengen (JO 2002, C 313, p. 1), adoptées dans le cadre de la coopération Schengen.

52      Il en résulte que le visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006 constitue une autorisation d’un État membre pouvant être délivrée à un ressortissant d’un pays tiers qui ne dispose ni d’un titre de séjour, ni d’un visa, ni d’un visa à validité territoriale limitée au sens du code des visas, qui lui permet de quitter cet État membre dans un but donné pour revenir par la suite dans ce même État.

53      Si les conditions de délivrance d’une telle autorisation nationale de retour ne sont pas définies par le règlement no 562/2006, il résulte toutefois, ainsi que l’ont fait valoir tant le gouvernement français que la Commission, du libellé même de l’article 5, paragraphe 4, sous a), de ce règlement que le visa de retour doit autoriser le ressortissant de pays tiers à entrer aux fins de transit sur le territoire des autres États membres, afin de pouvoir atteindre le territoire de l’État membre qui a délivré un tel visa de retour.

54      Ainsi, pour les titulaires d’un visa de retour au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006, l’entrée par les frontières extérieures de l’espace Schengen ne saurait être limitée aux seuls points du territoire national de l’État membre qui a délivré un tel visa.

55      La disposition du règlement no 562/2006 prévoyant une entrée limitée aux seuls points du territoire national d’un État membre est l’article 5, paragraphe 4, sous c), aux termes duquel les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas une ou plusieurs conditions énoncées au paragraphe 1 peuvent être autorisés par un État membre à entrer sur son territoire pour des motifs humanitaires ou d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales.

56      Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006 doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui délivre à un ressortissant de pays tiers un visa de retour au sens de cette disposition ne peut limiter l’entrée dans l’espace Schengen aux seuls points de son territoire national.

 Sur la troisième question

57      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposaient que soient prévues des mesures transitoires pour les ressortissants de pays tiers ayant quitté le territoire d’un État membre, alors qu’ils n’étaient titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile, et souhaitant revenir sur ce territoire après l’entrée en vigueur du règlement no 562/2006.

58      Cette question se pose dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de la réponse à la première question, le règlement no 562/2006 interdit le retour sur le territoire des États membres aux ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui ne disposent que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile.

59      Il ressort de la décision de renvoi que, avant l’adoption de la circulaire du 21 septembre 2009, une pratique administrative s’était développée en France selon laquelle les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui ne disposaient que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile pouvaient quitter le territoire national et revenir par la suite sur celui-ci par les frontières extérieures de l’espace Schengen tant que ce titre n’était pas expiré. Cette circulaire avait pour objectif de mettre fin à cette pratique sans que soit prévue une période de transition, de sorte que les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui avaient quitté le territoire français avec un tel titre temporaire de séjour avant l’adoption de la circulaire ne pouvaient plus revenir dans l’espace Schengen sans avoir obtenu un visa ou un autre titre leur donnant le droit d’entrer sur ce territoire.

60      Le gouvernement français estime que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime n’imposaient pas que soient prévues des mesures transitoires pour les ressortissants de pays tiers ayant quitté le territoire d’un État membre alors qu’ils n’étaient titulaires que d’un titre temporaire de séjour et souhaitant y retourner après l’entrée en vigueur du règlement no 562/2006.

61      Le gouvernement belge et la Commission font valoir que le règlement no 562/2006 n’a pas modifié en substance les dispositions du droit de l’Union relatives à l’entrée de ressortissants de pays tiers qui ne sont titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile. La CAAS n’aurait jamais permis le franchissement des frontières extérieures de l’espace Schengen ni la libre circulation au sein de celui-ci au moyen d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile. L’entrée en vigueur dudit règlement n’aurait donc rien changé à cet égard. Selon la Commission, il en résulte que les problèmes qui sont liés à l’interprétation du droit de l’Union avant l’adoption de la circulaire du 21 septembre 2009 et/ou à l’application de cette dernière doivent être résolus au regard des règles du droit national.

62      Pour répondre à la troisième question, il convient de souligner, tout d’abord, que l’interdiction de retour énoncée dans ladite circulaire est conforme aux obligations des États membres qui résultent du règlement no 562/2006.

63      En effet, ainsi qu’il ressort déjà des points 27 et 28 du présent arrêt, il résulte des dispositions combinées des articles 5, paragraphe 1, 2, point 15, sous b), et 5, paragraphe 4, du même règlement que des titres temporaires de séjour délivrés au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile ne peuvent être utilisés pour entrer dans l’espace Schengen.

64      La circulaire du 21 septembre 2009 est, par conséquent, venue préciser que les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui ont quitté le territoire français en étant titulaires d’un tel titre temporaire de séjour ne peuvent se voir garantir un libre retour en France par les frontières extérieures de l’espace Schengen. Dans la mesure où, conformément à son article 40, premier alinéa, le règlement no 562/2006 est entré en vigueur le 13 octobre 2006, cette circulaire clarifie la situation juridique en vigueur en France à partir de cette date.

65      Ensuite, eu égard à la formulation de la troisième question, il importe de relever, s’agissant des dispositions applicables à l’affaire au principal, que le règlement no 562/2006 n’a pas apporté de modification par rapport à celles de la CAAS.

66      En particulier, comme l’ont souligné les gouvernements français et belge ainsi que la Commission, les titres temporaires de séjour étaient déjà exclus de la notion de titre de séjour en vertu de l’article 1er de la CAAS.

67      Enfin, de la même manière, l’article 1er, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1030/2002 exclut de la notion de titres de séjour les titres délivrés pour la durée de l’instruction d’une demande d’asile ou d’une demande de titre de séjour.

68      Ainsi que l’a indiqué la Commission dans ses observations écrites, la raison de cette exclusion réside dans le fait que la délivrance d’un titre temporaire ou d’une autorisation provisoire de séjour témoigne de ce que le respect des conditions d’entrée sur le territoire de l’espace Schengen ou d’octroi de la qualité de réfugié n’a pas encore été vérifié et que, dès lors, les titulaires de tels documents ne sont pas autorisés à circuler dans cet espace et ne sont pas dispensés de visa en cas de retour dans celui-ci.

69      Il importe également de souligner que le règlement no 562/2006 n’exclut pas toute possibilité pour le titulaire d’un titre temporaire de séjour délivré dans le cadre d’une demande d’asile ou de première demande de titre de séjour de revenir directement sur le territoire de l’État membre qui lui a délivré ce titre. En effet, une telle possibilité existe dès lors que les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 4, sous a), du même règlement sont remplies.

70      Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 55 de ses conclusions, le fait que des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa ont quitté le territoire français par une frontière extérieure de l’espace Schengen peu avant l’adoption de la circulaire du 21 septembre 2009 en pensant pouvoir retourner en France sans visa conformément à une pratique administrative antérieure, laquelle était contraire au droit de l’Union, ne peut être utilement invoqué pour mettre en cause les dispositions pertinentes du règlement no 562/2006 lues à la lumière des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

71      À cet égard, il importe de rappeler, tout d’abord, que, conformément à l’article 288, deuxième alinéa, TFUE, les règlements sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans les États membres.

72      L’applicabilité directe d’un règlement exige que son entrée en vigueur et son application en faveur ou à la charge des sujets de droit se réalisent sans aucune mesure portant réception dans le droit national (voir, notamment, arrêts du 10 octobre 1973, Variola, 34/73, Rec. p. 981, point 10, ainsi que du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac, C‑4/10 et C‑27/10, Rec. p. I‑6131, point 66), sauf si le règlement en cause laisse le soin aux États membres de prendre eux-mêmes les mesures législatives, réglementaires, administratives et financières nécessaires pour que les dispositions dudit règlement puissent être effectivement appliquées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 1978, Bussone, 31/78, Rec. p. 2429, point 32).

73      En outre, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, les dispositions du traité FUE et les actes des institutions directement applicables ont pour effet, dans leurs rapports avec le droit interne des États membres, de rendre inapplicable de plein droit, du fait même de leur entrée en vigueur, toute disposition contraire de la législation nationale (arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, Rec. p. 629, point 17; du 19 juin 1990, Factortame e.a., C‑213/89, Rec. p. I‑2433, point 18, ainsi que du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, Rec. p. I‑8015, point 53).

74      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la juridiction nationale chargée d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les normes du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale (voir, notamment, arrêts Simmenthal, précité, points 21 à 24, et du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, Rec. p. I‑6199, point 61).

75      La Cour a également précisé que, d’une part, sont soumis à cette obligation de primauté tous les organes de l’administration, y compris les autorités décentralisées, à l’encontre desquels les particuliers sont, dès lors, fondés à se prévaloir de telles normes du droit de l’Union et, d’autre part, parmi les dispositions du droit interne contraires auxdites normes, sont susceptibles de figurer des dispositions soit législatives, soit administratives (voir arrêt du 29 avril 1999, Ciola, C‑224/97, Rec. p. I‑2517, points 30 ainsi que 31 et jurisprudence citée).

76      Il y a lieu, ensuite, de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union, exige que la réglementation de cette dernière soit claire et précise et que son application soit prévisible pour ceux qui sont concernés (ordonnance du 8 novembre 2007, Fratelli Martini et Cargill, C‑421/06, point 56; dans le même sens, voir arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, Rec. p. I‑6311, point 71 et jurisprudence citée).

77      Les dispositions du règlement no 562/2006 relatives aux conditions du retour dans un État membre de l’espace Schengen sur le fondement de titres temporaires de séjour délivrés au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile satisfont aux exigences de certitude et de prévisibilité. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 28 du présent arrêt, il ressort des dispositions combinées des articles 5, paragraphe 1, 2, point 15, sous b), et 5, paragraphe 4, du règlement no 562/2006 qu’un tel titre temporaire de séjour ne donne pas droit au retour dans l’espace Schengen. Par ailleurs, il convient de souligner que ce règlement a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 13 avril 2006, soit six mois avant la date de son entrée en vigueur, en sorte que la prévisibilité des règles destinées à s’appliquer à compter de cette date était garantie.

78      En ce qui concerne le principe de protection de la confiance légitime, il convient de relever qu’il ne peut être invoqué à l’encontre d’une réglementation de l’Union que dans la mesure où une situation susceptible d’engendrer une confiance légitime a été créée au préalable au niveau de l’Union, à savoir par une institution de cette dernière (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20, ainsi que du 6 mars 2003, Niemann, C‑14/01, Rec. p. I‑2279, point 56).

79      Dans l’affaire au principal, il convient de constater qu’il n’existe pas un tel comportement préalable des institutions de l’Union permettant d’instaurer la confiance légitime des ressortissants de pays tiers dans la possibilité de revenir dans l’espace Schengen sans avoir obtenu un visa de retour. À tout le moins, si une telle confiance devait être admise en faveur de ces ressortissants soumis à l’obligation de visa et ne disposant que de titres temporaires de séjour ne permettant pas un tel retour, ce serait en raison de l’existence d’une pratique administrative française contraire au droit de l’Union.

80      Or, une telle pratique administrative nationale contraire au droit de l’Union ne saurait fonder une confiance légitime des ressortissants des pays tiers dans la possibilité de continuer à bénéficier de cette pratique.

81      En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, une pratique d’un État membre non conforme à la réglementation de l’Union ne saurait donner naissance à une confiance légitime dans le chef d’un particulier bénéficiaire de la situation ainsi créée (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1982, Maizena, 5/82, Rec. p. 4601, point 22, ainsi que du 1er avril 1993, Lageder e.a., C‑31/91 à C‑44/91, Rec. p. I‑1761, point 34). Il en résulte que le comportement d’une autorité nationale chargée d’appliquer le droit de l’Union, qui est en contradiction avec ce dernier, ne saurait fonder, dans le chef d’un particulier, une confiance légitime à bénéficier d’un traitement contraire au droit de l’Union [voir arrêt du 7 avril 2011, Sony Supply Chain Solutions (Europe) C‑153/10, Rec. p. I‑2775, point 47 et jurisprudence citée].

82      Il résulte des considérations qui précèdent que l’examen de la troisième question n’a pas révélé d’éléments permettant de conclure à une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime dans le contexte de l’entrée en vigueur du règlement no 562/2006.

83      Il y a lieu de répondre à la troisième question que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime n’imposaient pas que soient prévues des mesures transitoires pour les ressortissants de pays tiers ayant quitté le territoire d’un État membre, alors qu’ils n’étaient titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile, et souhaitant revenir sur ce territoire après l’entrée en vigueur du règlement no 562/2006.

 Sur les dépens

84      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      Les règles relatives au refus d’entrée des ressortissants de pays tiers prévues à l’article 13 du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), tel que modifié par le règlement (CE) no 81/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 14 janvier 2009, sont également applicables aux ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa qui souhaitent revenir par les frontières extérieures de l’espace Schengen dans l’État membre qui leur a délivré un titre temporaire de séjour, sans entrer à cet effet sur le territoire d’un autre État membre.

2)      L’article 5, paragraphe 4, sous a), du règlement no 562/2006, tel que modifié par le règlement no 81/2009, doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui délivre à un ressortissant de pays tiers un visa de retour au sens de cette disposition ne peut limiter l’entrée dans l’espace Schengen aux seuls points de son territoire national.

3)      Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime n’imposaient pas que soient prévues des mesures transitoires pour les ressortissants de pays tiers ayant quitté le territoire d’un État membre, alors qu’ils n’étaient titulaires que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile, et souhaitant revenir sur ce territoire après l’entrée en vigueur du règlement no 562/2006, tel que modifié par le règlement no 81/2009.

Signatures


* Langue de procédure: le français.