Language of document : ECLI:EU:C:2013:44

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

31 janvier 2013 (*)

«Directive 98/70/CE – Qualité de l’essence et des carburants diesel – Articles 3 à 5 – Spécifications environnementales applicables aux carburants – Directive 98/34/CE – Procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information – Articles 1er et 8 – Notion de ‘règle technique’ – Obligation de communiquer les projets de règles techniques – Réglementation nationale imposant aux sociétés pétrolières mettant sur le marché de l’essence et/ou des carburants diesel de mettre également sur le marché, au cours d’une même année civile, une certaine quantité de biocarburants»

Dans l’affaire C‑26/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Grondwettelijk Hof (Belgique), par décision du 22 décembre 2010, parvenue à la Cour le 17 janvier 2011, dans la procédure

Belgische Petroleum Unie VZW,

Continental Tanking Company NV,

Belgische Olie Maatschappij NV,

Octa NV,

Van Der Sluijs Group Belgium NV,

Belgomazout Liège NV,

Martens Energie NV,

Transcor Oil Services NV,

Mabanaft BV,

Belgomine NV,

Van Raak Distributie NV,

Bouts NV,

Gabriels & Co NV,

Joassin René NV,

Orion Trading Group NV,

Petrus NV,

Argosoil Belgium BVBA

contre

Belgische Staat,

en présence de:

Belgian Bioethanol Association VZW,

Belgian Biodiesel Board VZW,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. K. Lenaerts, G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juin 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour Belgische Petroleum Unie VZW, Continental Tanking Company NV, Belgische Olie Maatschappij NV, Octa NV, Van Der Sluijs Group Belgium NV, Belgomazout Liège NV, Martens Energie NV, Transcor Oil Services NV, Mabanaft BV, Belgomine NV, Van Raak Distributie NV, Bouts NV, Gabriels & Co NV, Joassin René NV, Orion Trading Group NV, Petrus NV et Argosoil Belgium BVBA, par Mes P. Mallien et M. Deketelaere, advocaten,

–        pour le Belgische Staat, par Me J.‑F. De Bock, advocaat,

–        pour Belgian Bioethanol Association VZW et Belgian Biodiesel Board VZW, par Me P. De Bandt, avocat,

–        pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet, en qualité d’agent, assistée de Me J.‑F. De Bock, advocaat,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et B. Koopman, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes A. Alcover San Pedro et K. Herrmann ainsi que par M. E. Manhaeve, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3 à 5 de la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel et modifiant la directive 93/12/CEE du Conseil (JO L 350, p. 58), telle que modifiée par la directive 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO L 140, p. 88, ci-après la «directive 98/70»), de l’article 4, paragraphe 3, TUE, des articles 26, paragraphe 2, TFUE, 28 TFUE et 34 TFUE à 36 TFUE ainsi que de l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO L 217, p. 18, ci-après la «directive 98/34»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Belgische Petroleum Unie VZW, Continental Tanking Company NV, Belgische Olie Maatschappij NV, Octa NV, Van Der Sluijs Group Belgium NV, Belgomazout Liège NV, Martens Energie NV, Transcor Oil Services NV, Mabanaft BV, Belgomine NV, Van Raak Distributie NV, Bouts NV, Gabriels & Co NV, Joassin René NV, Orion Trading Group NV, Petrus NV et Argosoil Belgium BVBA (ci-après, ensemble, «BPU e.a.») au Belgische Staat au sujet de la loi du 22 juillet 2009 relative à l’obligation d’incorporation de biocarburant dans les carburants fossiles mis à la consommation (Belgisch Staatsblad, 3 août 2009, p. 51920, ci-après la «loi sur l’obligation d’incorporation»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 98/34

3        L’article 1er de la directive 98/34 énonce:

«Au sens de la présente directive, on entend par:

1)      ‘produit’: tout produit de fabrication industrielle et tout produit agricole, y compris les produits de la pêche;

[...]

3)      ‘spécification technique’: une spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d’un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d’emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la dénomination de vente, la terminologie, les symboles, les essais et les méthodes d’essai, l’emballage, le marquage et l’étiquetage, ainsi que les procédures d’évaluation de la conformité.

[...]

4)      ‘autre exigence’: une exigence, autre qu’une spécification technique, imposée à l’égard d’un produit pour des motifs de protection, notamment des consommateurs ou de l’environnement, et visant son cycle de vie après mise sur le marché, telle que ses conditions d’utilisation, de recyclage, de réemploi ou d’élimination lorsque ces conditions peuvent influencer de manière significative la composition ou la nature du produit ou sa commercialisation;

[...]

11)      ‘règle technique’: une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 10, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

[...]

[...]»

4        L’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive dispose:

«Sous réserve de l’article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet.»

5        L’article 10, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:

«Les articles 8 et 9 ne sont pas applicables aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres ou aux accords volontaires par lesquels ces derniers:

–        se conforment aux actes communautaires contraignants qui ont pour effet l’adoption de spécifications techniques ou de règles relatives aux services,

[...]

–        se limitent à modifier une règle technique au sens de l’article 1er, point 11, conformément à une demande de la Commission en vue d’éliminer une entrave aux échanges ou, pour les règles relatives aux services, à la libre circulation des services ou à la liberté d’établissement des opérateurs de services.»

 La directive 98/70

6        L’article 3 de la directive 98/70, intitulé «Essence», dispose à ses paragraphes 1 à 3:

«1.      Au plus tard le 1er janvier 2000, les États membres interdisent la commercialisation sur leur territoire de l’essence plombée.

2.      Les États membres veillent à ce que l’essence ne puisse être mise sur le marché sur leur territoire que si elle est conforme aux spécifications environnementales fixées à l’annexe I.

Toutefois, les États membres peuvent prévoir, pour les régions ultrapériphériques, des dispositions spécifiques pour l’introduction d’essence d’une teneur en soufre maximale de 10 mg/kg. Les États membres qui ont recours à la présente disposition en informent la Commission.

3.      Les États membres exigent des fournisseurs qu’ils garantissent la mise sur le marché d’une essence ayant une teneur maximale en oxygène de 2,7 % et une teneur maximale en éthanol de 5 % jusqu’en 2013 et ils peuvent exiger la mise sur le marché de cette essence pour une période plus longue s’ils l’estiment nécessaire. Ils garantissent que des informations pertinentes sont fournies aux consommateurs en ce qui concerne la teneur en biocarburant de l’essence et, en particulier, l’utilisation appropriée des différents mélanges d’essence.»

7        L’annexe I de la directive 98/70, intitulée «Spécifications environnementales applicables aux carburants sur le marché destinés aux véhicules équipés de moteur à allumage commandé», fixe, pour l’essence, la valeur limite maximale d’éthanol à 10 % v/v.

8        L’article 4 de cette directive, intitulé «Carburants diesel», prévoit à son paragraphe 1:

«Les États membres veillent à ce que les carburants diesel ne puissent être mis sur le marché sur leur territoire que s’ils sont conformes aux spécifications fixées à l’annexe II.

Nonobstant les prescriptions de l’annexe II, les États membres peuvent autoriser la mise sur le marché de carburants diesel dont la teneur en esters méthyliques d’acides gras (EMAG) est supérieure à 7 %.

Les États membres garantissent que des informations pertinentes sont fournies aux consommateurs en ce qui concerne la teneur du diesel en biocarburant, notamment en EMAG.»

9        En vertu de l’annexe II de ladite directive, intitulée «Spécifications environnementales applicables aux carburants sur le marché destinés aux véhicules équipés de moteur à allumage par compression», la valeur limite maximale pour la teneur en EMAG du diesel est fixée à 7 % v/v.

10      L’article 5 de la même directive, intitulé «Libre circulation», est libellé comme suit:

«Aucun État membre ne peut interdire, limiter ou empêcher la mise sur le marché de carburants conformes aux exigences de la présente directive.»

 La directive 2003/30/CE

11      Aux termes des considérants 19 et 21 de la directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 mai 2003, visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports (JO L 123, p. 42):

«(19) Dans sa résolution du 18 juin 1998 [JO C 210, p. 215], le Parlement européen a préconisé de faire passer, sur une période de 5 ans, la part des biocarburants à 2 % du marché par la mise en œuvre d’une série de mesures, entre autres par l’exonération fiscale, par une aide financière à l’industrie de transformation et par la fixation d’un pourcentage obligatoire de biocarburants pour les compagnies pétrolières.

[...]

(21)      Les politiques nationales destinées à promouvoir l’utilisation des biocarburants ne devraient pas conduire à l’interdiction de la libre circulation des carburants qui répondent aux normes harmonisées définies par la législation communautaire en matière d’environnement.»

12      Cette directive vise, selon son article 1er, à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou d’autres carburants renouvelables pour remplacer le gazole ou l’essence à des fins de transport dans chaque État membre, en vue de contribuer à la réalisation d’objectifs consistant notamment à respecter les engagements en matière de changement climatique, à assurer une sécurité d’approvisionnement respectueuse de l’environnement et à promouvoir les sources d’énergie renouvelables.

13      L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit:

«a)      Les États membres devraient veiller à ce qu’un pourcentage minimal des biocarburants et autres carburants renouvelables soit [mis] en vente sur leur marché et ils fixent, à cet effet, des objectifs nationaux indicatifs.

b)      i)     Une valeur de référence pour ces objectifs est fixée à 2 %, calculée sur la base de la teneur énergétique, de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur leur marché à des fins de transport, pour le 31 décembre 2005 au plus tard.

ii)      Une valeur de référence pour ces objectifs est fixée à 5,75 %, calculée en fonction de la teneur énergétique, de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur leur marché à des fins de transport, pour le 31 décembre 2010 au plus tard.»

 La directive 2009/28/CE

14      Le considérant 9 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO L 140, p. 16), énonce:

«Le Conseil européen de mars 2007 a réaffirmé l’engagement de la Communauté de développer la production d’énergie à partir de sources renouvelables dans l’ensemble de la Communauté après 2010. Il a entériné les objectifs contraignants d’une part de 20 % de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation totale d’énergie de la Communauté d’ici à 2020 et d’une part minimale de 10 % de biocarburants dans la consommation totale d’essence et de gazole destinés au transport, cet objectif devant être réalisé d’ici à 2020 par tous les États membres, et ce à un coût raisonnable. Il a déclaré que le caractère contraignant de ce seuil se justifiait, sous réserve que la production ait un caractère durable, que des biocarburants de deuxième génération soient disponibles sur le marché et que la [directive 98/70] soit modifiée pour prévoir des niveaux de mélange adéquats. [...]»

15      Aux termes de l’article 1er de la directive 2009/28:

«La présente directive définit un cadre commun pour la promotion de la production d’énergie à partir de sources renouvelables. Elle fixe des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie et la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie pour les transports. [...]»

16      L’article 3, paragraphe 4, premier alinéa, de ladite directive dispose:

«Chaque État membre veille à ce que la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans toutes les formes de transport en 2020 soit au moins égale à 10 % de sa consommation finale d’énergie dans le secteur des transports.»

17      L’article 26, paragraphes 2 et 3, de la même directive prévoit:

«2.      Dans la directive 2003/30/CE, l’article 2, l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5, et les articles 5 et 6 sont supprimés avec effet au 1er avril 2010.

3.      Les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE sont abrogées avec effet au 1er janvier 2012.»

 Le droit belge

18      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la loi sur l’obligation d’incorporation:

«Toute société pétrolière enregistrée mettant à la consommation des produits d’essence et/ou des produits diesel est obligée de mettre également à la consommation au cours d’une même année civile une quantité de biocarburants durables comme suit:

–        EMAG à concurrence d’au moins [4 % v/v] de la quantité de produits diesel mis à la consommation;

–        Bioéthanol, pur ou sous la forme de bio-ETBE, à concurrence d’au moins [4 % v/v] de la quantité de produits d’essence mis à la consommation.»

19      L’article 5 de la loi sur l’obligation d’incorporation est libellé comme suit:

«La mise à la consommation de biocarburants durables telle que visée à l’article 4 s’effectue par le biais de mélanges avec les produits d’essence et/ou produits diesel mis à la consommation, dans le respect des normes de produit NBN EN 590 pour les produits diesel et NBN EN 228 pour les produits d’essence.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      Par une requête introduite le 15 octobre 2009 devant la juridiction de renvoi, BPU e.a. ont demandé l’annulation de la loi sur l’obligation d’incorporation.

21      C’est dans ce contexte que le Grondwettelijk Hof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les articles 3, 4 et 5 de la directive [98/70] ainsi que, le cas échéant, l’article 4, paragraphe 3, [TUE] et les articles 26, paragraphe 2, [TFUE], 28 [TFUE] et 34 [TFUE] à 36 [TFUE] doivent-ils être interprétés comme s’opposant à une disposition législative en vertu de laquelle toute société pétrolière enregistrée mettant à la consommation des produits d’essence et/ou des produits diesel est obligée de mettre également à la consommation au cours de la même année civile une quantité de biocarburants durables, à savoir du bioéthanol, pur ou sous la forme de bio-ETBE, à concurrence d’au moins 4 % v/v de la quantité de produits d’essence mis à la consommation, et d’EMAG à concurrence d’au moins 4 % v/v de la quantité de produits diesel mis à la consommation?

2)      S’il est répondu par la négative à la première question préjudicielle, l’article 8 de la directive [98/34] doit-il être interprété comme imposant, nonobstant l’article 10, paragraphe 1, premier tiret, de la même directive, que soit notifié à la Commission un projet de norme en vertu de laquelle toute société pétrolière enregistrée mettant à la consommation des produits d’essence et/ou des produits diesel est obligée de mettre également à la consommation au cours d’une même année civile une quantité de biocarburants durables, à savoir du bioéthanol, pur ou sous la forme de bio-ETBE, à concurrence d’au moins 4 % v/v de la quantité de produits d’essence mis à la consommation, et d’EMAG à concurrence d’au moins 4 % v/v de la quantité de produits diesel mis à la consommation?»

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

22      Belgian Bioethanol Association VZW et Belgian Biodiesel Board VZW soutiennent que la demande de décision préjudicielle est irrecevable au motif que, dans le cadre de la procédure devant la juridiction de renvoi, BPU e.a. n’ont jamais invoqué une violation des directives 98/34 et 98/70, de sorte que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par cette juridiction n’a manifestement aucun lien avec l’objet de l’affaire au principal.

23      À cet égard, il convient de rappeler que le fait que les parties au principal n’ont pas évoqué, devant la juridiction de renvoi, un problème de droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que la Cour puisse être saisie par cette juridiction. En prévoyant la saisine à titre préjudiciel de la Cour lorsqu’«une question est soulevée devant une juridiction nationale», l’article 267, deuxième et troisième alinéas, TFUE n’entend pas limiter cette saisine aux seuls cas où l’une ou l’autre des parties au principal a pris l’initiative de soulever une question d’interprétation ou de validité du droit de l’Union, mais couvre également les cas où une telle question est soulevée par la juridiction elle-même, qui estime une décision de la Cour sur ce point «nécessaire pour rendre son jugement» (arrêts du 16 juin 1981, Salonia, 126/80, Rec. p. 1563, point 7, et du 8 mars 2012, Huet, C‑251/11, point 23).

24      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure instituée par l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêts du 18 décembre 2007, Laval un Partneri, C‑341/05, Rec. p. I‑11767, point 45, ainsi que du 18 mars 2010, Alassini e.a., C‑317/08 à C‑320/08, Rec. p. I‑2213, point 25).

25      En outre, dans la mesure où la directive 98/70 contient des dispositions prévoyant des spécifications environnementales relatives à la composition de l’essence et des carburants diesel, dont cette directive vise à assurer la libre circulation au sein de l’Union européenne, et où la juridiction de renvoi considère qu’une violation de ces dispositions par la réglementation belge serait contraire à la liberté de commerce et d’industrie ainsi qu’aux principes d’égalité et de non-discrimination, il ne saurait être soutenu que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par cette juridiction n’a manifestement aucun lien avec l’objet du litige au principal.

26      Dans ces conditions, la demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

27      À titre liminaire, il convient de rappeler que, lorsqu’une question est réglementée de manière harmonisée au niveau de l’Union, toute mesure nationale y relative doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation (voir arrêts du 12 octobre 1993, Vanacker et Lesage, C‑37/92, Rec. p. I‑4947, point 9; du 13 décembre 2001, DaimlerChrysler, C‑324/99, Rec. p. I‑9897, point 32, ainsi que du 30 avril 2009, Lidl Magyarország, C‑132/08, Rec. p. I‑3841, points 42 et 46).

28      Dans ces conditions, il doit être considéré que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3 à 5 de la directive 98/70 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, imposant aux sociétés pétrolières mettant sur le marché de l’essence et/ou des carburants diesel de mettre également sur le marché, au cours d’une même année civile, une certaine quantité de biocarburants, calculée en pourcentages de la quantité totale desdits produits qu’elles commercialisent annuellement.

29      L’article 3, paragraphe 2, de la directive 98/70, lu en combinaison avec l’annexe I de celle-ci, fixe, pour l’essence, la valeur limite maximale d’éthanol à 10 % v/v.

30      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l’annexe II de la même directive, la valeur limite maximale pour la teneur en EMAG des carburants diesel est, sous réserve de l’autorisation prévue audit paragraphe 1, deuxième alinéa, fixée à 7 % v/v.

31      Par conséquent, en imposant aux sociétés pétrolières la commercialisation d’une quantité minimale de bioéthanol et d’EMAG, à savoir 4 % v/v de la quantité, respectivement, d’essence et de carburants diesel qu’elles mettent sur le marché, la loi sur l’obligation d’incorporation prévoit des pourcentages minimaux obligatoires de biocarburants inférieurs aux valeurs limites maximales prévues aux articles 3 et 4 de la directive 98/70.

32      Il en résulte que ces pourcentages sont conformes auxdits articles 3 et 4 et que ces dispositions ne s’opposent pas à une réglementation telle que celle en cause au principal.

33      Cela étant, il convient de relever que la directive 98/70 ne fixe pas de valeurs limites minimales pour la teneur en biocarburants de l’essence et des carburants diesel et que, conformément à l’article 5 de cette directive, la mise sur le marché de carburants conformes aux exigences de cette dernière ne peut être interdite, limitée ou empêchée.

34      Or, la loi sur l’obligation d’incorporation prévoit des pourcentages minimaux obligatoires de biocarburants, qui, selon l’article 5 de celle-ci, doivent être mis sur le marché au moyen de mélanges avec l’essence et les carburants diesel.

35      Les pourcentages minimaux obligatoires de biocarburants prévus par la loi sur l’obligation d’incorporation sont applicables non pas à chaque litre de carburant mis sur le marché, mais à la quantité totale de carburants commercialisée annuellement.

36      Une telle obligation est, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 48 à 52 de ses conclusions, susceptible de restreindre la commercialisation de carburants conformes aux exigences de la directive 98/70.

37      Toutefois, les dispositions de la directive 98/70, et notamment l’article 5 de celle-ci, ne sauraient être interprétées indépendamment de celles des directives 2003/30 et 2009/28, qui étaient en vigueur à la date des faits au principal et de l’introduction de la demande de décision préjudicielle.

38      En effet, la circonstance que les directives 2009/28 et 2009/30, cette dernière modifiant la directive 98/70, aient été adoptées et soient entrées en vigueur à la même date et le fait qu’elles fassent partie, avec la directive 2003/30, d’un ensemble global de mesures destinées à promouvoir la production et l’utilisation d’énergies renouvelables indiquent que le législateur de l’Union a voulu assurer une nécessaire cohérence entre ces directives.

39      À cet égard, il convient de rappeler que la directive 2003/30, qui visait, selon son article 1er, à promouvoir l’utilisation de biocarburants pour remplacer le gazole ou l’essence à des fins de transport dans chaque État membre, n’imposait pas aux États membres les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs nationaux indicatifs visés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, mais leur laissait, à cet égard, le libre choix quant à la nature des mesures à adopter (voir arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, Rec. p. I‑8343, point 35).

40      Ainsi, il ressort du considérant 19 de ladite directive que les États membres disposaient de différents moyens pour atteindre les objectifs prévus par celle-ci, tels que, notamment, un régime d’exonération fiscale, des aides financières à l’industrie de transformation ou la fixation d’un pourcentage obligatoire de biocarburants pour les compagnies pétrolières (voir arrêt Plantanol, précité, point 36).

41      Il en résulte que l’article 5 de la directive 98/70, lu en combinaison avec les dispositions de la directive 2003/30, ne s’opposait pas à ce qu’un État membre impose aux compagnies pétrolières de mettre en vente sur son marché un pourcentage obligatoire de biocarburants à des fins de transport, en vue d’atteindre les objectifs nationaux indicatifs qu’il aurait fixés conformément à l’article 3, paragraphe 1, de cette dernière directive.

42      Une telle conclusion s’impose d’autant plus si ledit article 5 est lu en combinaison avec les dispositions de la directive 2009/28, qui, ainsi qu’il ressort du considérant 9 et de l’article 1er de celle-ci, fixe des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie pour les transports.

43      À cet égard, ledit considérant évoque l’objectif, entériné par le Conseil européen du mois de mars 2007, d’une part minimale de 10 % de biocarburants dans la consommation totale d’essence et de gazole destinés au transport devant être réalisé d’ici à 2020 par tous les États membres, et ce à un coût raisonnable.

44      Cet objectif est confirmé à l’article 3, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2009/28, qui prévoit que l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans toutes les formes de transport en 2020 doit être au moins égale à 10 % de la consommation finale d’énergie de chaque État membre dans le secteur des transports.

45      C’est dans ce contexte que la directive 98/70 a été modifiée par la directive 2009/30 afin, conformément à l’objectif assigné aux États membres par cette dernière directive ainsi que par les directives 2003/30 et 2009/28, notamment, de prévoir des niveaux de mélange adéquats entre biocarburants et carburants fossiles, tels que ceux résultant des prescriptions des articles 3, paragraphe 2, et 4, paragraphe 1, de la directive 98/70, lus en combinaison avec, respectivement, les annexes I et II de cette directive.

46      Par conséquent, une réglementation nationale imposant des pourcentages obligatoires de biocarburants aux sociétés pétrolières en vue d’atteindre les objectifs nationaux prévus par les directives 2003/30 et 2009/28 ne saurait être considérée comme étant contraire aux articles 3 à 5 de la directive 98/70, lorsque ces pourcentages sont conformes aux valeurs limites maximales fixées par cette dernière et qu’ils sont applicables non pas à chaque litre de carburant mis sur le marché, mais à la quantité totale de carburants commercialisée annuellement par ces sociétés.

47      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 3 à 5 de la directive 98/70 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, conformément à l’objectif de promotion de l’utilisation de biocarburants dans le secteur des transports, assigné aux États membres par les directives 2003/30, 2009/28 et 2009/30, impose aux sociétés pétrolières mettant sur le marché de l’essence et/ou des carburants diesel de mettre également sur le marché, au cours d’une même année civile, en la mélangeant à ces produits, une certaine quantité de biocarburants, lorsque cette quantité est calculée en pourcentages de la quantité totale desdits produits qu’elles commercialisent annuellement et que ces pourcentages sont conformes aux valeurs limites maximales fixées par la directive 98/70.

 Sur la seconde question

48      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8 de la directive 98/34 doit être interprété en ce sens qu’il impose la notification d’un projet de réglementation nationale obligeant les sociétés pétrolières mettant sur le marché de l’essence et/ou des carburants diesel de mettre également sur le marché, au cours d’une même année civile, certains pourcentages de biocarburants.

49      Il est de jurisprudence constante que, la directive 98/34 vise, par un contrôle préventif, à protéger la libre circulation des marchandises, qui est un des fondements de l’Union, et que ce contrôle est utile dans la mesure où des règles techniques relevant de cette directive peuvent constituer des entraves aux échanges des marchandises entre les États membres, ces entraves ne pouvant être admises que si elles sont nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives poursuivant un but d’intérêt général (voir arrêts du 8 septembre 2005, Lidl Italia, C‑303/04, Rec. p. I‑7865, point 22; du 15 avril 2010, Sandström, C‑433/05, Rec. p. I‑2885, point 42, ainsi que du 9 juin 2011, Intercommunale Intermosane et Fédération de l’industrie et du gaz, C‑361/10, Rec. p. I‑5079, point 10).

50      L’obligation de notification visée à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/34 constituant un moyen essentiel pour la réalisation dudit contrôle, l’efficacité de ce dernier sera d’autant plus renforcée que cette directive est interprétée en ce sens que la méconnaissance de l’obligation de notification constitue un vice de procédure substantiel de nature à entraîner l’inapplicabilité des règles techniques concernées, de sorte que celles-ci ne peuvent pas être opposées aux particuliers (voir arrêts précités Lidl Italia, point 23, et Sandström, point 43).

51      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler qu’il découle de l’article 1er, point 11, de la directive 98/34 que la notion de «règle technique» se décompose en trois catégories, à savoir, en premier lieu, la «spécification technique» au sens de l’article 1er, point 3, de cette directive, en deuxième lieu, l’«autre exigence» telle que définie à l’article 1er, point 4, de ladite directive et, en troisième lieu, l’interdiction de fabrication, d’importation, de commercialisation ou d’utilisation d’un produit visée à l’article 1er, point 11, de la même directive (voir arrêts du 21 avril 2005, Lindberg, C‑267/03, Rec. p. I‑3247, point 54; du 8 novembre 2007, Schwibbert, C‑20/05, Rec. p. I‑9447, point 34, ainsi que Intercommunale Intermosane et Fédération de l’industrie et du gaz, précité, point 11).

52      À supposer même que les dispositions de la loi sur l’obligation d’incorporation relèvent de l’une de ces trois catégories, il convient, au préalable, d’examiner si, dans une situation telle que celle en cause au principal, l’obligation de notification prévue à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/34 est applicable.

53      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, dernier tiret, de la directive 98/34, l’article 8 de celle-ci n’est pas applicable aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres par lesquelles ces derniers se limitent à modifier une règle technique au sens de l’article 1er, point 11, de la même directive, conformément à une demande de la Commission en vue d’éliminer une entrave aux échanges.

54      Or, s’agissant de l’affaire au principal, il ressort du dossier dont la Cour dispose que, en application de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/34, le Royaume de Belgique a, en 2007, communiqué à la Commission un projet de réglementation introduisant une obligation de mise sur le marché de biocarburants, qui a donné lieu à un avis circonstancié et à des observations de la Commission, émis au titre, respectivement, des articles 9, paragraphe 2, et 8, paragraphe 2, de ladite directive, et portant sur les pourcentages minimaux de biocarburants imposés par ce projet ainsi que sur les modalités d’application de ceux-ci.

55      Il ressort également dudit dossier que, à la suite de cet avis circonstancié et de ces observations, le Royaume de Belgique a, en 2009, notifié un avant-projet de loi sur l’obligation d’incorporation dont les dispositions relatives aux pourcentages minimaux obligatoires de biocarburants et aux modalités d’application de ces pourcentages avaient été modifiées afin de tenir compte desdits avis et observations.

56      Il en résulte que, dans ces circonstances, le Royaume de Belgique s’est limité à modifier les dispositions d’un projet de réglementation, conformément à une demande de la Commission en vue d’éliminer une entrave aux échanges, de sorte que, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, dernier tiret, de la directive 98/34, l’obligation de notification prévue à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive n’est pas applicable au projet de loi sur l’obligation d’incorporation.

57      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 8 de la directive 98/34, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 1, dernier tiret, de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas la notification d’un projet de réglementation nationale obligeant les sociétés pétrolières mettant sur le marché de l’essence et/ou des carburants diesel de mettre également sur le marché, au cours d’une même année civile, certains pourcentages de biocarburants, lorsque, après avoir été notifié en application dudit article 8, paragraphe 1, premier alinéa, ce projet a été modifié afin de tenir compte des observations de la Commission relatives à ce dernier et que le projet ainsi modifié a ensuite été communiqué à celle-ci.

 Sur les dépens

58      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 3 à 5 de la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel et modifiant la directive 93/12/CEE du Conseil, telle que modifiée par la directive 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, conformément à l’objectif de promotion de l’utilisation de biocarburants dans le secteur des transports, assigné aux États membres par les directives 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 mai 2003, visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports, 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30, et 2009/30, impose aux sociétés pétrolières mettant sur le marché de l’essence et/ou des carburants diesel de mettre également sur le marché, au cours d’une même année civile, en la mélangeant à ces produits, une certaine quantité de biocarburants, lorsque cette quantité est calculée en pourcentages de la quantité totale desdits produits qu’elles commercialisent annuellement, et que ces pourcentages sont conformes aux valeurs limites maximales fixées par la directive 98/70, telle que modifiée par la directive 2009/30.

2)      L’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 1, dernier tiret, de ladite directive, doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas la notification d’un projet de réglementation nationale obligeant les sociétés pétrolières mettant sur le marché de l’essence et/ou des carburants diesel de mettre également sur le marché, au cours d’une même année civile, certains pourcentages de biocarburants, lorsque, après avoir été notifié en application dudit article 8, paragraphe 1, premier alinéa, ce projet a été modifié afin de tenir compte des observations de la Commission européenne relatives à ce dernier et que le projet ainsi modifié a ensuite été communiqué à celle-ci.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.